Language of document : ECLI:EU:T:2018:453

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 juillet 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique et continue – Preuve de l’infraction – Durée de la participation – Distanciation publique – Calcul du montant de l’amende – Gravité de l’infraction – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑441/14,

Brugg Kabel AG, établie à Brugg (Suisse),

Kabelwerke Brugg AG Holding, établie à Brugg,

représentées par Mes A. Rinne, A. Boos et M. Lichtenegger, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. Leupold, H. van Vliet et C. Vollrath, en qualité d’agents, assistés de Me A. Israel, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques), en ce qu’elle concerne les requérantes, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à celles-ci,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. R. Barents, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er juin 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Requérantes et secteur concerné

1        Les requérantes, Kabelwerke Brugg AG Holding et sa filiale à part entière Brugg Kabel AG, sont des sociétés suisses actives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains.

2        Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l’eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d’électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d’autres entreprises d’électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

B.      Procédure administrative

3        Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence »).

4        Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d’ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl, ainsi que d’autres sociétés européennes concernées, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

5        Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J‑Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d’immunité d’amende conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d’autres déclarations orales et d’autres documents.

6        Au cours de l’enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d’informations, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

7        Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l’encontre des entités juridiques suivantes : Nexans France, Nexans, Pirelli & C. SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, Prysmian, The Goldman Sachs Group, Inc., Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric Co. Ltd, Fujikura Ltd, Viscas Corp., SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas, SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et les requérantes.

8        Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l’exception de Furukawa Electric, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

9        Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d’inspection adressées, d’une part, à Nexans et à Nexans France et, d’autre part, à Prysmian et à Prysmian Cavi e Sistemi Energia, pour autant qu’elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l’encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

10      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté sa décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »).

C.      Décision attaquée

1.      Infraction en cause

11      L’article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé, au cours des différentes périodes, à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». En substance, la Commission a constaté qu’à partir de février 1999 et jusqu’à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains ont participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l’entente se composait de deux volets :

–        la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K ». Ladite configuration permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde à l’exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respecta un « quota 60/40 », signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restants pour les producteurs asiatiques ;

–        la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser sur le « territoire national » européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier considérants 73 et 74 de ladite décision).

13      La Commission a constaté que les participants à l’entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

14      En tenant compte du rôle joué par différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d’abord, elle a défini le noyau dur de l’entente, auquel appartenaient, d’une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de Pirelli & C., anciennement Pirelli SpA, ayant successivement participé à l’entente (ci-après « Pirelli »), et Prysmian Cavi e Sistemi Energia et, d’autre part, les entreprises japonaises Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d’entreprises qui ne faisaient pas fait partie du noyau dur mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l’entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l’entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

2.      Responsabilité des requérantes

15      La responsabilité de Brugg Kabel a été retenue en raison de sa participation directe à l’infraction du 14 décembre 2001 au 16 novembre 2006. Kabelwerke Brugg a été reconnue responsable de l’infraction en tant que société mère de Brugg Kabel durant la même période (considérants 859 à 861 de la décision attaquée).

3.      Amende infligée

16      L’article 2, sous b), de la décision attaquée inflige une amende d’un montant de 8 490 000 euros « conjointement et solidairement » aux requérantes.

17      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 »).

18      En premier lieu, s’agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes pertinentes, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ». Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

19      S’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne les requérantes, un coefficient de 4,91 pour la période comprise entre le 14 décembre 2001 et le 16 novembre 2006. Elle a, en outre, inclus, dans le montant de base de l’amende un montant additionnel, à savoir le droit d’entrée, correspondant à 19 % de la valeur des ventes. Ledit montant ainsi déterminé s’élevait à 8 937 000 euros (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

20      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l’amende établi à l’égard de chacun des participants à l’entente, à l’exception d’ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter, dans le montant des amendes, le rôle joué par différentes entreprises dans la mise en œuvre de l’entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l’amende à infliger pour les acteurs marginaux de l’entente et de 5 % le montant de base de l’amende à infliger pour les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings pour la période précédant la création d’Exsym ainsi qu’à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire une réduction supplémentaire de 1 % pour n’avoir pas eu connaissance de certains aspects de l’infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l’amende n’a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l’entente (considérants 1017 à 1020 et 1033 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % du montant de l’amende imposée à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

21      En outre, la Commission a décidé d’accorder l’immunité d’amende à ABB et de réduire le montant de l’amende imposée à J‑Power Systems, à Sumitomo Electric Industries et à Hitachi Cable de 45 % afin de tenir compte de la coopération de ces entreprises dans le cadre de la communication sur la clémence.

II.    Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      Le 28 septembre 2016, dans le cadre des mesure d’organisation de la procédure prévues par l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions à la Commission et a invité celle-ci à produire certains documents, notamment les versions non confidentielles des réponses des autres destinataires de la communication des griefs.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle composition), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Par lettre du 31 octobre 2016, la Commission a répondu aux questions posées par le Tribunal et a produit les documents demandés, à l’exception des versions non confidentielles des réponses à la communication des griefs de Nexans France, Nexans, The Goldman Sachs Group, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric, Fujikura, Mitsubishi Cable Industries, Exsym, nkt cables, NKT Holding, Silec Cable, Grupo General Cable Sistemas, Safran, General Cable, LS Cable & System, ABB, Pirelli & C., Prysmian, Prysmian Cavi e Sistemi Energia, SWCC Showa Holdings, Taihan Electric Wire et Viscas. Elle a précisé que, en dépit de sa demande à cet égard, ces sociétés n’avaient pas encore préparé une version non confidentielle de leur réponse à la communication des griefs.

26      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er juin 2017.

27      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, point 2, l’article 2, sous b), et l’article 3 de la décision attaquée, en ce que ceux-ci les condamnent « conjointement et solidairement » au paiement d’une amende d’un montant de 8 490 000 euros en raison de leur responsabilité dans la commission d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE du 14 décembre 2001 au 16 novembre 2006 ;

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce que celle-ci les reconnaît également responsables, en raison de leur prétendue participation aux différents accords et pratiques concertées constitutifs de l’infraction unique et continue, d’infractions individuelles à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée par l’article 2, sous b), de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

29      Dans le cadre du recours, les requérantes formulent tant des conclusions en annulation partielle de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

A.      Sur les conclusions en annulation

30      À l’appui des conclusions en annulation, les requérantes invoquent six moyens. Le premier est tiré de violations des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Le deuxième est tiré de l’incompétence de la Commission pour réprimer une infraction commise dans des États tiers et dépourvue d’incidence dans l’EEE. Le troisième est pris d’une erreur d’appréciation et de violations de l’obligation de motivation et du droit à la présomption d’innocence consacré par l’article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») en lien avec l’article 6, paragraphes 2 et 3, TUE, en raison de l’imputation erronée aux requérantes d’une responsabilité pour leur prétendue participation à une infraction unique et continue. Le quatrième est tiré d’un manquement au devoir d’enquête, en raison d’erreurs de fait et de la dénaturation d’éléments de preuve concernant la prétendue participation des requérantes à l’entente, ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation. Le cinquième moyen est pris d’une violation du « droit matériel » en raison d’une application erronée de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE. Le sixième moyen est pris d’une violation de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003 ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, d’une erreur de motivation, de plusieurs erreurs d’appréciation et d’un détournement de pouvoir en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes.

1.      Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du droit à un procès équitable

31      Le premier moyen se compose de deux branches. La première branche est tirée d’une violation du droit à un procès équitable, en raison du refus de la Commission de transmettre aux requérantes les demandes d’informations ainsi que la communication des griefs en allemand. La seconde branche est prise d’une violation des droits de la défense en raison du refus de la Commission d’accorder aux requérantes l’accès aux réponses d’autres entreprises à la communication des griefs contenant potentiellement des informations à décharge.

a)      Sur la notification en anglais des demandes d’informations et de la communication des griefs

32      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé leur droit à un procès équitable et leurs droits de la défense en leur notifiant les demandes d’informations et la communication des griefs exclusivement en anglais, alors que Brugg Kabel avait demandé à plusieurs reprises à communiquer en allemand.

33      Les requérantes font valoir que, en vertu du droit à un procès équitable, du principe du respect des droits de la défense et de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la CEDH, lorsque la Commission s’adresse à une société dont le siège social est situé sur le territoire d’un État qui ne fait pas partie de l’EEE, elle est tenue d’utiliser la langue officielle de cet État, dès lors que ladite langue fait partie des langues officielles de l’Union européenne et que, en outre, cette langue fait partie des langues de travail de la Commission. En conséquence, ainsi que cela serait d’ailleurs précisé dans le document de la Commission intitulé « Antitrust Manual of Procedures », dans le cas d’une société, telle que Brugg Kabel, dont le siège social est situé dans le canton d’Argovie (Suisse), où la langue officielle est l’allemand, la Commission était tenue d’utiliser cette langue ou d’obtenir une dispense de la part de ladite société, au plus tard avant la communication des griefs.

34      Or, en l’espèce, après que la Commission se fut initialement adressée à Brugg Kabel en anglais, une fonctionnaire de la direction générale de la concurrence de la Commission aurait indiqué aux représentants de ladite société, lors d’une conversation téléphonique le 23 octobre 2009, que la Commission ne pouvait répondre favorablement à leur demande de se voir transmettre une version allemande de sa demande d’informations du 20 octobre 2009, au motif que cette société n’avait pas son siège social dans un État membre de l’Union. Selon les requérantes, ce n’est qu’à la suite de ce refus que les représentants de la même société ont sollicité une traduction seulement partielle de ladite demande d’informations, ainsi qu’il ressort du courrier adressé à la Commission le 27 octobre 2009. Contrairement à ce que soutient la Commission, la société en question n’aurait donc pas attendu l’audition devant le conseiller auditeur pour demander à ce que celle-ci s’adresse à elle en allemand. En outre, la volonté de la société concernée d’utiliser l’allemand comme langue de procédure ressortirait clairement du fait qu’elle a répondu à toutes les demandes d’informations, ainsi qu’à la communication des griefs, dans cette langue.

35      Le refus de la Commission de notifier à Brugg Kabel les demandes d’informations ainsi que la communication des griefs en allemand aurait nécessité des périodes de traduction de l’anglais vers l’allemand, qui auraient entraîné une réduction du temps normalement consacré à sa défense. Les requérantes soutiennent à cet égard que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la connaissance de l’anglais au sein de ladite société ne répondait pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la CEDH. Au contraire, tant le travail quotidien que les réunions des dirigeants et les réunions des contrôleurs de gestion se seraient déroulés régulièrement en allemand. De même, selon les requérantes, l’allemand était la langue dans laquelle étaient rédigés la correspondance interne de cette société ainsi que les documents internes tels que les rapports annuels ou le manuel de direction, qui étaient ensuite traduits en anglais par un prestataire de services externe. Enfin, il serait indifférent que les contacts litigieux entre Brugg Kabel et les autres producteurs de câbles électriques aient eu lieu pour l’essentiel en anglais dans la mesure où il s’agissait de l’exposé purement technique d’un collaborateur dans le langage professionnel des producteurs de câbles électriques, alors que la communication des griefs contenait des reproches complexes que la société en question devait être en mesure de comprendre parfaitement afin de pouvoir les étudier d’un point de vue technique et juridique.

36      Par ailleurs, les requérantes font valoir que la Commission a également violé leurs droits de la défense devant le Tribunal, en utilisant dans le mémoire en défense des citations en anglais et en français sans en fournir la traduction, comme l’exige l’article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Selon elles, il n’était pas possible de remédier à ce défaut de traduction au stade de la duplique, une telle régularisation n’étant pas admissible dans la mesure où elles avaient déjà soulevé le grief relatif à la violation de la langue de procédure dans la requête. Il s’ensuivrait que tous les passages du mémoire en défense qui contiennent de telles citations doivent être écartés comme étant irrecevables.

37      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, si la CEDH ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union, l’article 6, paragraphe 3, TUE prévoit que les droits fondamentaux reconnus par ladite convention font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte impose de donner aux droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par cette convention le même sens et la même portée que ceux conférés par cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 32 et jurisprudence citée).

39      Il convient également de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 3, sous a), de la CEDH, tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui.

40      Il convient encore de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la Commission ne saurait être qualifiée de « tribunal » au sens de l’article 6 de la CEDH (voir arrêt du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, EU:T:1992:33, point 39 et jurisprudence citée). En outre, le respect de l’article 6 de la CEDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, à la condition que la décision de ladite autorité subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 35). Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient se prévaloir à l’égard de la Commission d’une violation de l’article 6 de la CEDH.

41      Toutefois, il convient également de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le respect des droits de la défense, dont l’article 41 de la Charte fait un élément consubstantiel du droit à une bonne administration, doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, même s’il s’agit d’une procédure administrative. À ce titre, il exige que les entreprises et les associations d’entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue notamment sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (voir arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, points 82 et 88 et jurisprudence citée).

42      Il ressort également de la jurisprudence que les droits de la défense des entreprises concernées par une procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions doivent également être respectés par la Commission pendant le déroulement des procédures d’enquête préalable, car il importe d’éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de telles procédures, dont notamment les inspections, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement des preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission, T‑135/09, EU:T:2012:596, point 41).

43      C’est à la lumière des principes rappelés aux points 38 à 42 ci-dessus qu’il convient de vérifier si l’envoi aux requérantes de demandes d’informations, ainsi que la notification de la communication des griefs, en anglais a porté atteinte à leurs droits de la défense.

44      Premièrement, s’agissant de l’envoi des demandes d’informations en anglais, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 ci-dessus, l’obligation pour la Commission de respecter les droits de la défense lors des enquêtes préalables à l’ouverture proprement dite de la procédure en matière d’entente vise à éviter qu’il soit irrémédiablement porté atteinte à ces droits lors des enquêtes en question. C’est la raison pour laquelle le respect des droits de la défense doit être observé par la Commission, notamment lors des inspections, celles-ci pouvant avoir un caractère déterminant pour l’établissement des preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité.

45      Il y a lieu de considérer qu’une telle logique est également applicable aux demandes d’informations adressées par la Commission aux entreprises concernées lors de l’enquête préalable, les réponses à ces demandes étant susceptibles d’être utilisées par la Commission, comme en l’espèce, pour établir la preuve du caractère illégal du comportement de ces entreprises.

46      Toutefois, force est de constater que, si les demandes d’informations du 7 avril 2009, du 20 octobre 2009, du 31 mars 2010 et du 29 novembre 2010 adressées par la Commission à Brugg Kabel étaient rédigées en anglais, il ressort du dossier que les requérantes ont été en mesure de comprendre suffisamment les demandes en question pour répondre à chacune d’entre elles. Il convient d’ailleurs de souligner que Brugg Kabel n’a demandé la traduction que de certains passages de la demande de la Commission du 20 octobre 2009 et que, après que la Commission a fourni les traductions en question, Brugg Kabel a répondu à cette demande d’informations. Il importe également de souligner que la Commission n’a nullement exigé de Brugg Kabel que celle-ci réponde aux demandes d’informations en anglais. Dès lors, force est de constater que Brugg Kabel était en mesure de donner utilement son point de vue quant aux informations sollicitées par la Commission.

47      De même, pour autant que l’argumentation des requérantes puisse être interprétée en ce sens que le refus de la Commission d’adresser les demandes d’informations à Brugg Kabel en allemand, ainsi que cela est évoqué dans leur courrier du 27 octobre 2009, constitue une violation de l’article 41, paragraphe 4, de la Charte, celle-ci ne saurait convaincre. En effet, cette disposition énonce le droit de toute personne de s’adresser aux institutions dans une langue des traités et de recevoir une réponse dans cette langue. Or, force est de constater que, en l’espèce, c’est la Commission qui s’est adressée à Brugg Kabel en sollicitant une réponse de cette dernière et non le contraire.

48      Deuxièmement, s’agissant de la notification de la communication des griefs en anglais, il convient de relever que, si le respect des droits de la défense s’impose à la Commission dans le cadre d’une enquête préalable, il s’impose a fortiori après l’ouverture formelle d’une procédure administrative susceptible d’aboutir à l’adoption de sanctions à l’encontre des entreprises concernées, comme cela a été rappelé au point 42 ci-dessus.

49      Toutefois, en l’espèce, indépendamment du niveau exact de compréhension de l’anglais que pouvaient avoir le personnel et les dirigeants des requérantes, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du courrier adressé par Brugg Kabel à la Commission le 1er septembre 2011, celles-ci n’ont pas sollicité de délai supplémentaire pour répondre à la communication des griefs pour des raisons de traduction, mais afin de disposer d’un temps supplémentaire pour examiner dans le détail tous les documents du dossier et les nombreuses allégations contenues dans la communication des griefs et compte tenu des ressources limitées qu’elles pouvaient consacrer à cette tâche. Or, il est difficile de croire que, si les requérantes avaient des difficultés à comprendre la version anglaise de la communication des griefs ou avaient besoin davantage de temps pour la traduire, elles n’auraient pas mentionné ces circonstances pour motiver leur demande de prorogation du délai de réponse à la communication des griefs. Force est également de constater qu’elles ont été capables de répondre à la communication des griefs, quand bien même leur réponse était rédigée en allemand, ce qui, là encore, témoigne de ce que les requérantes avaient une connaissance suffisante de l’anglais pour comprendre la nature et la cause de l’accusation portée contre elles et prendre utilement position à cet égard.

50      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’argumentation des requérantes tirée de la violation des droits de la défense dans la procédure administrative, en raison de la notification aux requérantes des demandes d’informations et de la communication des griefs en anglais, doit être rejetée comme étant non fondée.

51      Par ailleurs, s’agissant de la prétendue violation des droits de la défense des requérantes dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle, il importe de relever d’emblée que celle-ci ne peut qu’être rejetée comme étant inopérante en ce qu’elle est présentée au soutien d’un moyen tiré de la violation des droits de la défense de Brugg Kabel dans le cadre de la procédure administrative.

52      Au demeurant, l’argumentation des requérantes visant à écarter comme irrecevables des passages du mémoire en défense au motif que, dès lors qu’ils ne respecteraient pas la langue de procédure, ils porteraient atteinte à leurs droits de la défense ne saurait prospérer.

53      À cet égard, il est constant que la langue de procédure dans la présente affaire est l’allemand. En outre, il ressort de l’article 35, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, du règlement de procédure du 2 mai 1991, applicable à la date du dépôt du mémoire en défense, que la langue de procédure doit être employée notamment dans les mémoires et les plaidoiries des parties, y compris les pièces et les documents annexés, et que toute pièce et tout document produits ou annexés et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure sont accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure.

54      Il s’ensuit que la Commission était tenue de fournir une traduction en langue de procédure des passages cités dans une autre langue dans le mémoire en défense. La Commission ne saurait se soustraire à cette obligation au seul motif qu’il existait une traduction de certains de ces passages dans la décision attaquée annexée à la requête ou que d’autres passages étaient extraits des annexes de la requête ou encore qu’il s’agissait de déclarations d’un employé des requérantes.

55      Or, force est de constater que la Commission a remédié à cette irrégularité formelle en produisant la traduction des passages en question dans les annexes de la duplique.

56      En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance qu’elles avaient déjà soulevé dans la requête un grief pris du non-respect de la langue de procédure ne s’opposait pas à une telle régularisation. Il suffit en effet de relever que le grief en question était relatif à la langue utilisée par la Commission dans la procédure administrative, qui ne saurait préjuger de la langue de procédure dans le cadre de la procédure juridictionnelle.

57      Il s’ensuit que les passages du mémoire en défense rédigés dans une autre langue que la langue de procédure ne sauraient être regardés comme étant irrecevables.

58      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

b)      Sur le refus de la Commission de donner accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs

59      Les requérantes font grief à la Commission d’avoir violé leurs droits de la défense en refusant de leur donner accès, ou de donner accès à leur avocat, à la version non confidentielle des réponses des autres destinataires de la communication des griefs, à l’exception d’un accès extrêmement restreint aux réponses d’ABB et de J‑Power Systems, alors que celles-ci contenaient potentiellement des éléments de preuve à décharge relatifs, en particulier, à l’objet de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains (France), erronément considérée par la Commission comme le début de la participation de Brugg Kabel à l’infraction, et à l’interruption de la participation de cette dernière à l’infraction au cours de l’année 2005.

60      Les requérantes soutiennent que la divulgation des réponses des autres destinataires de la communication des griefs était d’autant plus justifiée que, d’une part, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6), il n’appartient pas à la Commission de décider seule quels sont les éléments pertinents pour leur défense, ce qu’elle n’était au demeurant pas en mesure de faire, et, d’autre part, il leur est reproché d’avoir participé à une infraction unique et continue, qui conduit à les considérer comme responsables de pratiques d’autres entreprises auxquelles elles n’ont pas participé et dont elles n’avaient, le cas échéant, même pas connaissance.

61      Selon les requérantes, contrairement à ce que soutient la Commission, le fait de leur octroyer un accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs susceptibles de contenir des éléments à décharge n’aurait pas eu pour effet, en l’espèce, de retarder indéfiniment l’adoption de la clôture de la procédure administrative, la Commission ayant déjà accordé un tel accès à d’autres destinataires de la communication des griefs.

62      Par ailleurs, les requérantes font valoir qu’il ne saurait être exigé d’elles qu’elles donnent, afin de démontrer que les documents contenant des informations potentiellement à décharge auraient été utiles à leur défense, des indications précises concernant le contenu desdits documents auxquels elles n’ont, par définition, pas eu accès. L’exigence d’un commencement de preuve à cet égard, tel qu’il ressort de l’arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission (T‑343/06, EU:T:2012:478), cité par la Commission, viserait à alléger la charge de la preuve des entreprises auxquelles la Commission a refusé l’accès à un document à décharge et ne devrait pas être interprétée de façon à rendre cette preuve impossible à rapporter. Les requérantes estiment que, en l’espèce, il suffirait qu’elles indiquent, comme elles l’ont fait, que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs étaient susceptibles de confirmer qu’aucun prétendu participant à l’entente ne faisait référence à la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains comme à une « réunion R » au cours de laquelle Brugg Kabel aurait participé à la mise en œuvre de l’entente.

63      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

64      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la thèse des requérantes selon laquelle la Commission était tenue de leur donner accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs au motif qu’il ne lui appartient pas de décider seule de la pertinence des documents recueillis dans le cadre de la procédure pour leur défense, force est de constater qu’elle ne saurait prospérer.

65      En effet, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 27, premier alinéa, du règlement no 1/2003, avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. Cette même disposition énonce que « [l]a Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations » et que « [l]es plaignants sont étroitement associés à la procédure ».

66      Ainsi, l’accès au dossier, dans les affaires de concurrence, a notamment pour objet de permettre aux destinataires de la communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans la communication des griefs sur la base de ces éléments (arrêt du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, point 125). L’accès au dossier relève dès lors des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l’exercice effectif du droit d’être entendu.

67      Conformément à la jurisprudence, le droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68 et jurisprudence citée).

68      Toutefois, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, la réponse des autres parties à la communication des griefs n’est pas, en principe, comprise dans l’ensemble des documents du dossier d’instruction que peuvent consulter les parties (arrêts du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, EU:T:2009:366, point 163 ; du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 42, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 41).

69      Néanmoins, si la Commission entend se fonder sur un passage d’une réponse à la communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l’existence d’une infraction dans une procédure d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ou de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question d’une réponse à la communication des griefs ou le document annexé à cette réponse constitue, en effet, un élément à charge à l’encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l’infraction (arrêts du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 43, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 42).

70      Par analogie, si un passage d’une réponse à une communication des griefs ou un document annexé à une telle réponse est susceptible d’être pertinent pour la défense d’une entreprise en ce qu’il permet à celle-ci d’invoquer des éléments qui ne concordent pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission, il constitue un élément à décharge. Dans ce cas, l’entreprise concernée doit être mise en mesure de procéder à un examen du passage ou du document en question et de se prononcer à son égard (arrêts du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 44, et du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission, T‑133/07, EU:T:2011:345, point 43).

71      Par ailleurs, il convient de rappeler que le paragraphe 8 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 101 et 102 TFUE, des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (JO 2005, C 325, p. 7) prévoit que le « dossier de la Commission » dans une enquête en matière de concurrence se compose de l’ensemble des documents obtenus, produits ou assemblés par la direction générale de la concurrence de la Commission lors de l’enquête. Le paragraphe 27 de ladite communication précise ce qui suit :

« L’accès au dossier est donné sur demande et normalement une seule fois, après la communication des griefs de la Commission aux parties, afin de respecter le principe de l’égalité des armes et de protéger les droits de la défense. En règle générale, les parties n’ont donc pas accès aux réponses des autres parties aux griefs formulés par la Commission.

Une partie aura toutefois accès aux documents reçus après la communication des griefs dans des phases ultérieures de la procédure administrative, lorsque ces documents peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs de la Commission. C’est particulièrement le cas lorsque la Commission entend se fonder sur de nouvelles preuves. »

72      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à la Commission qu’il appartient de procéder à une première appréciation du caractère potentiellement à décharge des informations contenues dans les documents reçus après la communication des griefs, lorsqu’une entreprise concernée demande l’accès à de tels documents.

73      À cet égard, les requérantes ne sauraient se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas à la seule Commission, qui notifie les griefs et prend la décision infligeant une sanction, de déterminer les documents utiles à la défense de l’entreprise concernée, dans la mesure où cette considération, relative aux documents relevant du dossier constitué par la Commission, ne saurait s’appliquer à des réponses données par d’autres parties concernées aux griefs communiqués par cette dernière (arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 89).

74      Par ailleurs, il convient également de rejeter la thèse des requérantes selon laquelle la circonstance qu’il leur soit reproché leur participation à une infraction unique et continue justifiait de leur accorder l’accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs afin qu’elles puissent elles-mêmes identifier dans ces réponses des éléments de preuve à décharge. Il suffit en effet de relever que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission (T‑113/07, EU:T:2011:343), du 12 juillet 2011, Mitsubishi Electric/Commission (T‑133/07, EU:T:2011:345), et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission (T‑343/06, EU:T:2012:478), il était également reproché aux requérantes leur participation à une infraction unique et continue.

75      En second lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission a violé leurs droits de la défense en refusant, sur la base d’une appréciation erronée de la pertinence pour leur défense des informations contenues dans les réponses des autres destinataires de la communication des griefs, de leur donner accès à la version non confidentielle desdites réponses, force est de constater qu’il ne saurait davantage prospérer.

76      Il convient de rappeler que, si un document en possession de la Commission, pouvant être qualifié d’élément à décharge, dès lors qu’il est susceptible de disculper une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, n’est pas communiqué à cette entreprise, les droits de la défense de cette entreprise sont violés si ladite entreprise démontre que l’élément en cause aurait pu être utile pour sa défense (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 367).

77      Une telle preuve peut être fournie en démontrant que la non-divulgation a pu influencer, au détriment de l’entreprise en cause, le déroulement de la procédure et la teneur de la décision de la Commission, ou encore qu’elle a pu nuire ou rendre plus difficile la défense des intérêts de cette entreprise au cours de la procédure administrative (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 368).

78      La possibilité qu’un document non divulgué ait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission ne peut être établie qu’après un examen provisoire de certains éléments de preuve faisant apparaître que les documents non divulgués ont pu avoir, au regard de ces éléments de preuve, une importance qui n’aurait pas dû être négligée (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 688).

79      Il ne saurait, à cet égard, être exigé des parties requérantes qui ont soulevé un moyen tiré d’une violation de leurs droits de la défense que, dans la requête, elles développent une argumentation élaborée ou détaillent un faisceau d’indices pour démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient eu accès à certains éléments qui, en fait, ne leur ont jamais été communiqués. Une telle approche reviendrait en effet à exiger d’elles une probatio diabolica (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 689).

80      Il appartient, toutefois, à la partie requérante de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, des documents non communiqués (arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 690).

81      Il convient donc de vérifier, en l’espèce, si les arguments avancés par les requérantes fournissent un premier indice de l’utilité des réponses des autres destinataires de la communication des griefs pour leur défense.

82      Les requérantes font valoir que l’accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs leur aurait permis de prouver un fait négatif, à savoir que ni Pirelli ni Nexans France n’avaient indiqué que la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, qui constitue le point de départ de la participation des requérantes à l’entente selon la Commission, était une réunion R. Selon elles, l’accès à ces réponses leur aurait également donné la possibilité de confirmer que les autres membres de l’entente avaient conscience qu’elles avaient interrompu leur participation à l’entente en 2005.

83      Premièrement, s’agissant de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, la circonstance que cette réunion a été mentionnée dans sa demande d’informations du 31 mars 2010 et que les requérantes ont eu accès aux réponses des autres destinataires de cette demande d’informations ne prive pas d’intérêt leur demande d’accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs. En effet, le contenu des réponses de Nexans France et de Pirelli à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010, dans lesquelles ces participants à l’entente n’ont pas pris position sur leur participation à la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains et sur l’objet de cette réunion, ne permet pas de préjuger de leur position à cet égard dans leur réponse à la communication des griefs.

84      Toutefois, il convient de relever que la circonstance que les autres participants à l’entente ne se sont pas exprimés dans leurs réponses à la communication des griefs sur la nature de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, à la supposer avérée, n’est pas, en elle-même, de nature à conforter la défense des requérantes.

85      En effet, il est constant que, dans la communication des griefs, la Commission a indiqué qu’une réunion R avait été organisée à Divonne-les-Bains le 14 décembre 2001 et que les participants à cette réunion étaient, dans tous les cas, Nexans France, représentée par M. J., Sagem, représentée par M. V., et Brugg Kabel, représentée par M. N.

86      Or, le fait que, face à une telle accusation, Nexans France ainsi que Sagem n’aient pas cherché, le cas échéant, à contester la nature de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains dans leurs réponses à la communication des griefs tendrait plutôt à démontrer qu’elles admettaient les faits qui leur étaient reprochés par la Commission à cet égard.

87      Par ailleurs, pour autant que l’argumentation des requérantes vise également la prétendue absence de prise de position de Pirelli sur la nature de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, les requérantes ayant admis la participation de Pirelli à ladite réunion dans leurs propres réponses à la communication des griefs (voir point 156 ci-après), force est de constater que celle-ci doit être rejetée. En effet, la Commission n’ayant pas accusé Pirelli d’avoir pris part à ladite réunion dans la communication des griefs, l’absence de prise de position de cette dernière quant à la nature de cette réunion, ne saurait, en tout état de cause, être interprétée comme la confirmation que cette réunion avait ou n’avait pas de caractère anticoncurrentiel.

88      Deuxièmement, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle les réponses des autres destinataires de la communication des griefs contenaient certainement des éléments de nature à démontrer qu’elles avaient interrompu leur participation à l’entente en 2005, il convient de relever que celle-ci manque de précision. En effet, les requérantes n’indiquent pas quels sont les faits que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs sont supposés démontrer ou quelles allégations spécifiques de la Commission contenues dans la communication des griefs relatives à leur participation à l’entente en 2005 ces réponses pourraient remettre à en cause. De même, les requérantes n’expliquent pas pour quelle raison elles considèrent que des éléments à décharge relatifs à leur participation à l’entente en 2005 pourraient se trouver dans les réponses de tous les destinataires de la communication des griefs.

89      Partant, il y a lieu de considérer que les arguments des requérantes ne sont pas de nature à fournir un premier indice de l’utilité, pour leur défense, des réponses des autres destinataires de la communication des griefs qui ne leur ont pas été communiquées.

90      Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 73 ci-dessus, il convient également de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes soulevé à l’audience selon lequel le fait que la Commission n’a pas préparé de version non confidentielle des réponses de tous les destinataires de la communication des griefs, de façon à permettre de communiquer, le cas échant, les éléments à décharge qu’elles pouvaient contenir à l’égard d’une entreprise à l’entreprise en question, démontrerait que la Commission n’a pas, en l’espèce, respecté le principe d’égalité des armes.

91      Il convient donc de rejeter la seconde branche du premier moyen ainsi que, partant, celui-ci dans son ensemble comme étant non fondés.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour réprimer une infraction commise dans des États tiers et dépourvue d’incidence dans l’EEE

92      Les requérantes soutiennent que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE aux pratiques survenues en dehors de l’EEE et aux projets à réaliser en dehors de l’EEE dès lors que ceux-ci n’avaient pas d’incidence dans l’EEE. En l’absence de preuve que les pratiques relatives à chacun de ces projets avaient des effets immédiats, substantiels et prévisibles dans l’EEE, au sens de la jurisprudence, la Commission ne pouvait pas simplement les rattacher à l’infraction unique et continue pour fonder sa compétence extraterritoriale, sauf à lui permettre de conférer à cette dernière un caractère illimité.

93      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

94      À cet égard, s’agissant de l’applicabilité territoriale de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, il convient de rappeler que la règle de concurrence de l’Union énoncée à l’article 101 TFUE interdit les accords et les pratiques qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence « à l’intérieur du marché intérieur ».

95      En outre, il convient de relever que les conditions de l’application territoriale de l’article 101 TFUE peuvent être réunies dans deux hypothèses.

96      Premièrement, l’application de l’article 101 TFUE est justifiée dès lors que les pratiques qu’il vise sont mises en œuvre sur le territoire du marché intérieur, et ce indépendamment du lieu de leur formation. En effet, faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation d’une entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions (arrêt du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 16).

97      Deuxièmement, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, l’application de l’article 101 TFUE est également justifiée lorsqu’il est prévisible que les pratiques qu’il vise produisent un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur (arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11). À cet égard, il importe de relever que cette approche poursuit le même objectif que celle s’appuyant sur la mise en œuvre d’un accord sur le territoire de l’Union, à savoir appréhender des comportements qui n’ont certes pas été adoptés sur ce territoire, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir sur le marché de l’Union.

98      Il convient également de relever que les conditions de l’application de l’article101 TFUE mentionnées respectivement aux points 96 et 97 ci-dessus constituent des voies alternatives et non cumulatives afin d’établir la compétence de la Commission pour constater et réprimer une infraction à cette disposition.

99      Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la condition tenant à la mise en œuvre de l’entente dans l’EEE ainsi que celle relative aux effets qualifiés produits par celle-ci dans l’EEE étaient en l’espèce toutes deux réunies (considérants 467 à 469 de la décision attaquée).

100    Or, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû démontrer que chacun des projets à réaliser en dehors de l’EEE avait une incidence suffisante dans l’Union pour justifier, au sens de la jurisprudence, l’applicabilité territoriale de l’article 101 TFUE à cette partie de l’infraction en cause.

101    Une telle argumentation ne saurait prospérer.

102    S’agissant de la mise en œuvre des pratiques de l’entente relatives à des projets à réaliser en dehors de l’EEE, il convient de relever que l’accord sur les « territoires d’exportation », en application duquel les producteurs européens et les producteurs asiatiques se partageaient des projets à réaliser dans lesdits territoires, a été mis en œuvre sur le territoire de l’EEE. Ainsi, il ressort du considérant 79 de la décision attaquée et de son considérant 247, auquel renvoie le considérant 468 de la décision attaquée, que la Grèce ne faisait pas partie du « territoire national européen » au sens de l’accord sur le « territoire national » et que les projets implantés en Grèce s’inscrivaient dans l’attribution des projets dans le respect du « quota 60/40 » en application de l’accord sur les « territoires d’exportation ». En outre, il ressort également des considérants 81 et 82 de la décision attaquée que les membres A de l’entente considéraient que les projets liant un État membre de l’Union à un État tiers devaient s’inscrire dans le quota des 60 % attribués aux membres R de l’entente, à l’instar du projet reliant l’Espagne au Maroc cité au considérant 232 de la décision attaquée.

103    En revanche, il convient également de relever que le comportement des entreprises européennes consistant, en application de l’accord sur « le territoire national », à ne pas entrer en concurrence pour des projets à réaliser sur le « territoire national » des entreprises asiatiques n’a, par définition, pas été mis en œuvre sur le territoire de l’EEE.

104    Cependant, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne s’ensuit pas que la Commission aurait dû rapporter la preuve que chacun des projets à réaliser en dehors de l’EEE, en application de l’accord sur le « territoire national », avait une incidence suffisante dans l’Union pour justifier l’applicabilité territoriale de l’article 101 TFUE.

105    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus, la Commission pouvait fonder l’applicabilité de l’article 101 TFUE à l’infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision attaquée sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur.

106    À cet égard, il importe de relever que l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ces pratiques et accords ont des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. En effet, il ne saurait être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet.

107    Il convient de relever que l’objectif unique de l’entente consistait à restreindre la concurrence pour les projets de câbles électriques sous-marins et souterrains à (très) haute tension à réaliser dans des territoires spécifiques en convenant de l’attribution de marchés et de clients et, ainsi, en faussant le processus concurrentiel normal dans l’EEE.

108    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est au regard des effets, pris ensemble, des différentes pratiques décrites au considérant 493 de la décision attaquée, y compris celles relatives aux projets à réaliser en dehors de l’EEE, qu’il convenait d’apprécier si l’article 101 TFUE était applicable en l’espèce.

109    Or, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant au considérant 469 de la décision attaquée que les effets sur la concurrence dans l’EEE, en ce compris le marché intérieur, des pratiques et accords auxquels les membres de l’entente ont participé étaient prévisibles, substantiels et immédiats.

110    À cet égard, il suffit de tenir compte des effets probables d’un comportement sur la concurrence pour que la condition tenant à l’exigence de prévisibilité soit remplie.

111    S’agissant du caractère immédiat des effets des pratiques en cause sur le territoire de l’Union, il convient d’observer que celles-ci ont nécessairement eu une influence directe sur la fourniture de câbles électriques à haute et très haute tension à réaliser dans ledit territoire, puisque tel était l’objet des différentes réunions et contacts entre les participants à l’entente (considérant 66 de la décision attaquée). En outre, la répartition effectuée entre les parties à l’entente, à la fois directement à l’intérieur et à l’extérieur de ce territoire, a eu des effets prévisibles sur la concurrence au sein dudit territoire, ainsi que l’a justement relevé la Commission.

112    Quant au caractère substantiel des effets dans l’Union, il convient de relever le nombre et l’importance des producteurs ayant participé à l’entente, qui représentaient la quasi-totalité du marché, ainsi que la large gamme de produits touchés par les différents accords et la gravité des pratiques en cause. Il convient également de relever la durée importante de l’infraction unique et continue, qui s’est poursuivie durant dix ans. Tous ces éléments, appréciés dans leur ensemble, concourent à démontrer le caractère substantiel des effets des pratiques en cause sur le territoire de l’Union (considérants 66, 492, 493 et 620 de la décision attaquée).

113    Partant, il y a lieu de conclure que l’infraction unique et continue telle que définie par la Commission dans la décision attaquée relevait du champ d’application de l’article 101 TFUE et que la Commission était compétente pour la sanctionner. Dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue de démontrer concrètement que les conditions requises pour l’application de l’article 101 TFUE étaient réunies pour chacun des projets à réaliser en dehors de l’EEE.

114    Par ailleurs, s’agissant du grief des requérantes selon lequel la Commission a contourné l’absence d’effets dans l’EEE de l’accord sur les « territoires d’exportation » en l’intégrant de façon artificielle à l’infraction unique et continue de façon à lui appliquer l’article 101 TFUE, il y a lieu de relever qu’il revient, en réalité, à contester l’existence de l’infraction unique et continue telle qu’elle est décrite par la Commission dans la décision attaquée et non l’applicabilité de l’article 101 TFUE à ladite infraction.

115    En outre, il y a lieu de relever que les requérantes n’avancent aucun élément de nature à étayer ce grief, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter comme une simple allégation.

116    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

3.      Sur le troisième moyen et le quatrième moyen, tirés d’une erreur d’appréciation, d’une violation du droit à la présomption d’innocence, d’erreurs de fait, de la dénaturation d’éléments de preuve et d’une violation de l’obligation de motivation concernant la prétendue participation des requérantes à une infraction unique et continue

117    Au soutien du troisième moyen et du quatrième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes avancent plusieurs arguments. Premièrement, elles font grief à la Commission d’avoir eu recours à la notion d’infraction unique pour qualifier les différents éléments de l’entente. Deuxièmement, elles soutiennent que la Commission a violé son obligation de motivation quant au caractère interrompu de leur participation à l’infraction et n’a, en outre, pas rapporté de preuves suffisantes quant au début de leur participation à l’infraction et à la durée ininterrompue de celle-ci. Troisièmement, elles reprochent à la Commission de leur avoir imputé la responsabilité d’une infraction unique et continue, alors même qu’elles n’avaient pas l’intention de contribuer à l’ensemble des objectifs de l’entente et qu’elles n’avaient pas connaissance de certains comportements infractionnels. Quatrièmement, elles font valoir que la Commission aurait dû démontrer qu’elles avaient connaissance des accords relatifs à chacun des projets ou qu’elles pouvaient les prévoir au moins pour les marchés nationaux ou les projets de câbles électriques sous-marins. Cinquièmement, elles font grief à la Commission de ne pas avoir précisé les projets qui devaient faire l’objet d’un accord en se contentant d’utiliser des abréviations ou des appellations génériques et d’avoir présenté le même projet comme étant plusieurs projets distincts en raison de légères différences de désignation.

a)      Considérations liminaires

118    Il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée. Plus particulièrement, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende ou à la réduction du montant de cette amende. En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, lequel fait partie des droits fondamentaux qui sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union et a été consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la Charte. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 50 et jurisprudence citée).

119    Il est toutefois également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 51 et jurisprudence citée).

120    Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 51).

121    En outre, la jurisprudence exige que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 79 ; voir, également, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 51 et jurisprudence citée).

b)      Sur le caractère unique de l’infraction

122    Les requérantes soutiennent, en substance, que les pratiques identifiées par la Commission ne remplissent pas les critères d’une infraction unique et continue établis par la jurisprudence. Elles font valoir, en particulier, qu’il n’y a pas d’identité des produits et des services, les câbles électriques sous-marins et les câbles électriques souterrains représentant des marchés distincts, qu’il n’y a qu’une identité partielle des entreprises participant à l’infraction, elles-mêmes, Silec Cable, Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables ne fabriquant pas de câbles électriques sous-marins, qu’il n’y a qu’une identité partielle des personnes physiques participant aux différents éléments de l’entente, Pirelli ou Prysmian, nkt cables et ABB envoyant toujours des représentants différents aux réunions relatives aux câbles électriques sous-marins et à celles relatives aux câbles électriques souterrains, et qu’il n’y a pas d’identité des modalités de mise en œuvre des accords, les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles sous-marins étant toujours discutés séparément et les feuilles de position sur le « quota 60/40 » étant établies séparément selon le type de câbles électriques. Elles font également remarquer que la Commission n’a pas établi l’existence d’un lien de complémentarité entre les différentes pratiques.

123    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

124    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 55).

125    Plusieurs critères ont été identifiés par la jurisprudence comme étant pertinents pour apprécier le caractère unique d’une infraction, à savoir l’identité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui y ont pris part et l’identité des modalités de sa mise en œuvre. En outre, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause sont également des éléments susceptibles d’être pris en considération aux fins de cet examen (arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 60).

126    En l’espèce, l’accord sur le « territoire national » et l’attribution des projets de câbles électriques dans le cadre de la configuration européenne de l’entente au sein de l’EEE ont été mis en œuvre concomitamment, concernaient les câbles électriques sous-marins à haute tension et les câbles électriques souterrains à haute tension et impliquaient les mêmes producteurs européens et, en ce qui concerne ledit accord et l’accord sur les « territoires d’exportation », les mêmes producteurs sud-coréens et japonais. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, à l’exception du cas de Pirelli, les personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises étaient les mêmes pour les différents éléments de l’entente. De même, les différentes mesures participaient d’un objectif commun, à savoir l’instauration d’un système de partage du marché mondial des projets de câbles électriques à haute tension, à l’exception des États Unis.

127    Ce constat ne saurait être remis en cause par les arguments des requérantes.

128    En effet, s’agissant de l’affirmation selon laquelle l’infraction ne peut pas être qualifiée d’infraction unique au motif que les câbles électriques souterrains à haute tension et les câbles électriques sous-marins à haute tension sont des produits distincts correspondant à des besoins distincts et, finalement, à des marchés distincts, premièrement, il convient de relever que l’accord sur le « territoire national » ne faisait pas de distinction entre les différents types de câbles électriques. Deuxièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des exemples fournis par la Commission quant au fonctionnement des mécanismes de contrôle de la « configuration européenne de l’entente » (considérants 333 à 338, 399 et 400 de la décision attaquée) et de la « configuration A/R de l’entente » (considérant 106 de ladite décision) que des compensations pouvaient s’opérer entre des projets de câbles électriques souterrains à haute tension et des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension, de sorte que, du point de vue des entreprises parties à l’entente, il n’y avait manifestement pas de différence à cet égard. Cela est illustré par l’échange de courriels dont le contenu est mentionné au considérant 399 de la décision attaquée, dans lesquels M. A., un employé de Prysmian, a indiqué à M. R., un employé de Nexans France, qu’il refusait de compenser le bénéfice de l’attribution de la portion terrestre d’un projet de câbles électriques sous-marins à haute tension à Prysmian par un autre projet, mais acceptait d’envisager un contrat de sous-traitance en accord avec les principes régissant l’attribution d’un projet dans l’Union, sans faire de distinction selon que ces projets étaient des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension ou des projets de câbles électriques souterrains à haute tension.

129    La circonstance que certaines entreprises parties à l’entente, telles que les requérantes, n’avaient pas la capacité ou la volonté de chercher à obtenir l’attribution de projets de câbles électriques sous-marins est sans incidence à cet égard.

130    S’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle lors de réunions A/R les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains faisaient l’objet de réunions séparées, il suffit de relever que, même si certaines de ces réunions abordaient de façon séparée les projets selon le type de câbles électriques concernés, comme en témoigne les invitations aux réunions du 11 septembre 2003 et du 28 janvier 2004, ladite affirmation est contredite par le fait que, à d’autres occasions, les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains étaient discutés lors d’une même réunion. En effet, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a produit un extrait de l’annexe I de la décision attaquée comprenant ,un certain nombre de rencontres dont il est certain qu’elles ont porté tant sur les câbles électriques souterrains que sur les câbles électriques sous-marins au cours d’une séance commune. La Commission a précisé que cet extrait ne contenait aucune information sur des réunions lors desquelles des séances distinctes avaient eu lieu au cours de journées successives ou sur celles dont l’organisation faisait clairement apparaître que les projets portant sur les câbles électriques souterrains et ceux portant sur les câbles électriques sous-marins avaient été abordés au cours de séances différentes. Elle a toutefois fait observer que, même lors de réunions de ce type, les représentants des entreprises étaient les mêmes pour les discussions portant sur les câbles électriques souterrains, d’une part, et les câbles électriques sous-marins, d’autre part. En sus, elle a joint les éléments de preuve, mentionnés dans les notes en bas de page de ladite annexe, sur lesquels elle se fonde pour affirmer que les projets de câbles électriques à haute tension sous-marins et les projets de câbles électriques à haute tension souterrains étaient discutés lors de sessions communes au cours desdites réunions.

131    Invitée par le Tribunal à prendre position sur ces documents à l’audience, les requérantes se sont bornées à indiquer que, n’ayant pas pris part aux réunions A/R, elles n’étaient pas en mesure de commenter leur fonctionnement.

132    Or, il ressort des éléments de preuve produits par la Commission que les projets de câbles électriques à haute tension sous-marins et les projets de câbles électriques à haute tension souterrains ont fait l’objet de discussions lors de sessions communes au cours d’au moins treize réunions A/R organisées du 22 février 2001 au 27 mars 2003. Ce constat suffit à écarter l’argument des requérantes selon lequel les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains faisaient l’objet de sessions séparées lors desdites réunions.

133    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, lors des réunions des membres R de l’entente, les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains faisaient également l’objet de discussions séparées, il convient de relever qu’elles n’invoquent aucun élément de preuve à son appui.

134    À cet égard, il ressort des considérants 114, 249 et 534 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les réunions R, qui étaient précédées d’un dîner organisé la veille, auquel participaient tous les membres présents, débutaient par une partie générale, au cours de laquelle les parties discutaient de la situation générale sur le marché et dans leurs entreprises. Toujours selon la description fournie dans ladite décision, lors de cette partie générale, Nexans France et Pirelli/Prysmian informaient également les producteurs européens de moindre importance, tels que les requérantes, des événements intervenus dans le cadre des réunions A/R et les participants discutaient alors des projets dans l’EEE et dans les « territoires d’exportation » et indiquaient quel producteur revendiquait ou obtenait la « préférence » ou l’« intérêt » pour un certain projet. Cette description du déroulement des réunions R laisse penser que les parties discutaient de l’ensemble des projets sans distinction entre les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins. Toutefois, il ressort de la réponse des requérantes à la communication des griefs, que, lors de la réunion R des 18 et 19 novembre 2003, des réunions séparées se sont tenues pour les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains. Afin de clarifier ce point, la Commission a été invitée par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure à préciser au Tribunal dans quelle mesure les éléments de preuve rassemblés au cours de la procédure administrative lui permettaient de considérer que les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins faisaient l’objet de discussions communes lors des réunions R. En réponse à cette invitation, la Commission a produit les procès-verbaux de la réunion A/R du 27 mars 2003 à Tokyo (Japon) et des réunions R du 23 avril 2003 et du 12 mai 2005 ainsi qu’un extrait de la réponse de J‑Power Systems à une demande d’informations de la Commission.

135    Invitées par le Tribunal à prendre position sur ces documents à l’audience, les requérantes ont fait valoir, sans se référer spécifiquement à l’une des réunions R citées au point 134 ci-dessus, que lesdites réunions se tenaient certes le même jour, mais étaient séparées en deux sessions. Ainsi, selon elles, la première session, qui était consacrée aux câbles électriques sous-marins, se tenait le matin et la seconde session, qui concernait les câbles électriques souterrains, se tenait l’après-midi. Elles ont également précisé que, parfois, les deux sessions ne se tenaient pas le même jour, mais successivement sur deux jours. Elles ont en outre fait valoir que les participants à ces différentes sessions étaient nécessairement partiellement différents parce que les sociétés intéressées uniquement par les câbles électriques souterrains, telles qu’elles-mêmes, n’ont pas une seule fois participé à une réunion sur les câbles électriques sous-marins. Selon elles, il n’existe pas, à leur connaissance, de procès-verbal d’une desdites réunions qui évoquerait une réunion commune.

136    Toutefois, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il ressort du procès-verbal de la réunion R du 23 avril 2003 que les participants à cette réunion, dont les représentants de Brugg Kabel, ont été informés des discussions qui se sont tenues lors de la réunion A/R du 27 mars 2003. Or, il ressort du procès-verbal de cette dernière réunion que celle-ci a donné lieu à des discussions relatives à des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension. Ensuite, il convient d’observer qu’il ressort de l’annexe I de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les requérantes, que Brugg Kabel a participé à la réunion R qui a eu lieu le 30 juin et le 1er juillet 2004. Or, il ne ressort pas du procès-verbal de cette dernière réunion que celle-ci a donné lieu à des discussions séparées concernant les câbles électriques sous-marins et les câbles électriques souterrains, les projets discutés étant évoqués sans référence particulière à cet égard. En outre, il ressort de la partie de ce procès-verbal intitulée « Ongoing projects » que les projets « Italy Sardigna » et « Sarco » ont été discutés à cette occasion. Certes, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ne ressort pas clairement de l’extrait de la réponse de J‑Power Systems à une demande d’informations de la Commission que ces projets étaient des projets de câbles électriques sous-marins, ceux-ci n’étant pas expressément mentionnés dans le tableau de J‑Power Systems. Il ressort toutefois du procès-verbal de la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004 que le projet « Sarco » suscitait des difficultés entre des gestionnaires de réseau électrique français et italien, ce qui confirme l’affirmation de la Commission que ce projet se référait à une liaison entre la Sardaigne et la Corse et était donc un projet de câbles électriques sous-marins. Enfin, il ressort du procès-verbal de la réunion R du 12 mai 2005 que les projets « Ireland 220 kV » et « GCC » ont été mentionnés lors de cette dernière réunion. Or, ces projets sont expressément mentionnés comme des projets de câbles électriques sous-marins à haute tension dans l’extrait de la réponse de J‑Power Systems à ladite demande d’informations.

137    Par ailleurs, la circonstance que les participants aux sessions des réunions R consacrées aux câbles électriques souterrains n’étaient pas exactement les mêmes que les participants aux sessions desdites réunions consacrées aux câbles électriques sous-marins est la simple conséquence du fait que certains membres de l’entente ne fabriquaient pas de câbles électriques sous-marins et pouvaient avoir un intérêt moindre à participer aux sessions consacrées à ce type de câbles électriques. Toutefois, au regard de l’ensemble des autres caractéristiques de l’entente, il ne saurait découler de cette seule circonstance que celle-ci devrait être regardée comme étant constituée par deux ententes distinctes relatives, respectivement, aux câbles électriques sous-marins et aux câbles électriques souterrains.

138    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les projets de câbles électriques souterrains à haute tension et les projets de câbles électriques sous-marins à haute tension faisaient bien l’objet de discussions en même temps au cours des réunions R, et ce même si, parfois, des sessions distinctes ont été organisées comme lors de la réunion desdits membres des 18 et 19 novembre 2003.

139    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel des feuilles de position séparées étaient établies pour les projets de câbles électriques sous-marins et les projets de câbles électriques souterrains dans le cadre de la « configuration A/R de l’entente », il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 99 de la décision attaquée, ces feuilles de position conservaient la même structure formelle et respectaient la même répartition, à savoir le « quota 60/40 ». Bien que cela ne soit pas explicitement précisé dans ladite décision, il est probable que la nécessité d’établir des feuilles de position différentes ait été liée à la volonté de ne pas léser les entreprises qui ne produisaient pas l’un des types de câbles électriques, ce qui aurait été le cas des requérantes si, par exemple, la part du « quota 60/40 » attribuée aux membres R de l’entente était constituée uniquement de projets de câbles électriques sous-marins.

140    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de l’absence de complémentarité entre les différents éléments de l’entente, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence, afin de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 58 et jurisprudence citée). Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du constat opéré au point 126 ci-dessus, la condition tenant à l’existence de l’objet unique de l’infraction est remplie en l’espèce.

141    Eu égard aux considérations qui précèdent, force est de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les différents éléments de l’entente étaient constitutifs d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE.

c)      Sur la durée de la participation des requérantes à l’infraction

142    Les requérantes contestent tant la fixation par la Commission du début de leur participation à l’entente à la date du 14 décembre 2001 que le caractère ininterrompu de cette participation.

1)      Sur le début de la participation des requérantes à l’entente

143    Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas démontré que la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains était une réunion R, telle que celles définies dans la décision attaquée, ou une réunion lors de laquelle elles avaient participé à une activité contraire au droit de la concurrence. Selon elles, les éléments de preuve produits par la Commission ne permettent pas davantage de démontrer qu’elles ont commencé à participer à l’entente entre le 14 décembre 2001 et le 3 juillet 2002.

144    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

145    À cet égard, il convient d’examiner la thèse des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas rapporté la preuve du caractère anticoncurrentiel de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains avant, le cas échant, d’examiner la question de savoir si les éléments de preuve recueillis par la Commission étaient suffisants pour démontrer que les requérantes avaient commencé de participer à l’entente avant le 3 juillet 2002.

146    Il ressort du dossier que la question no 4 de la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010 était rédigée comme suit :

« La Commission dispose d’informations selon lesquelles une série de réunions, ainsi que des communications par d’autres moyens (fax, courriels, appels téléphoniques, etc.), ont eu lieu entre les concurrents dont la liste figure ci-dessous, sous d. Plus particulièrement, […] que les représentants suivants de votre entreprise ont assisté à de telles réunions/ont été impliqués dans de telles communications : [MM. N., P. et K.]

Eu égard aux réunions listées ci-dessous sous d. et à toute autre réunion de même nature qui aurait pu avoir lieu entre concurrents, merci de produire ou d’indiquer :

–        une confirmation de la date de la réunion ;

–        qui a eu l’initiative de la réunion ;

–        qui a organisé et mis en place la réunion ;

–        le lieu précis de la réunion ;

–        les noms de tous les participants à la réunion, leur fonction et le nom des entreprises qu’ils représentaient ;

–        les sujets à l’ordre du jour ;

–        qui a fixé les sujets à l’ordre du jour ;

–        le procès-verbal de la réunion ;

–        le champ géographique précis couvert par la réunion.

Merci de fournir des copies de tout document disponible, qu’il soit rédigé à la main, dactylographié, numérique ou sous tout autre format, ayant trait à toutes les réunions listées ci-dessous, sous d., et à toute autre réunion de nature similaire qui a pu avoir lieu entre concurrents.

Merci de donner le nom et les fonctions de tout autre représentant de votre entreprise qui a participé aux réunions listées ci-dessous, sous d., et à toute autre réunion de nature similaire qui a pu avoir lieu entre concurrents. »

147    Dans leur réponse à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010, les requérantes ont confirmé qu’une réunion s’était tenue le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, à laquelle avait participé M. N. Elles ont également fourni le reçu de la carte de crédit de cette personne, daté du même jour, ainsi qu’un extrait de son agenda dans lequel étaient notés la date, le lieu et les participants à la réunion, à savoir Nexans France et Pirelli.

148    Par ailleurs, dans leurs réponses à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010, aucun autre destinataire de la communication des griefs n’a confirmé avoir participé à une réunion avec des concurrents le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains.

149    Toutefois, au considérant 292 de la communication des griefs, la Commission a indiqué qu’une réunion R avait été organisée à Divonne-les-Bains le 14 décembre 2001 et que les participants à cette réunion étaient, dans tous les cas, Nexans France, représentée par M. J., Sagem, représentée par M. V, et Brugg Kabel, représentée par M. N. La Commission précisait que la présence de MM. J. et V. découlait d’un courriel envoyé postérieurement par le premier au second qui se référait à la précédente réunion à laquelle ils avaient tous les deux participé. La présence de M. N. découlait de la réponse des requérantes à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010.

150    Dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont contesté le caractère anticoncurrentiel de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains en faisant valoir que celle-ci « ne fut rien d’autre que la vaine tentative de Nexans [France] et de Prysmian de convaincre [Brugg Kabel] de participer aux entretiens avec d’autres producteurs de câbles électriques » et que « [Brugg Kabel] a[vait] toutefois refusé de participer aux arrangements et a[vait] continué d’être considérée et traitée comme un paria par les autres destinataires de la communication des griefs ».

151    Au considérant 197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Conformément à ce qui avait été convenu lors de la réunion A/R du 13 novembre 2001, un mois plus tard, le 14 décembre 2001, une réunion R était organisée à [Divonne-les-Bains], France. [M. J.] (Nexans) et [M. N.] (Brugg [Kabel]) comptaient en tous les cas au nombre des participants de cette réunion et il est hautement probable que [M. V.] de Sagem ainsi qu’un représentant de Pirelli étaient également présents 261. Le lieu, un château de [Divonne-les-Bains], aurait été également utilisé à plusieurs reprises pour plusieurs réunions R. »

152    Dans la note en bas de page no 261 sous le considérant 197 de la décision attaquée, la Commission a également précisé ce qui suit :

« La participation de [MM. J. et V.] découle d’un courriel envoyé le 18 février 2002 par [M. J.] à [M. V.], faisant explicitement référence à la réunion précédente à [Divonne-les-Bains] à laquelle tous deux ont assisté, voir ID 318/128, inspection chez Nexans [France]. Brugg [Kabel] a confirmé la participation de [M. N.], voir ID 1492/4, réponse de Brugg [Kabel] du 7 mai 2010 à la demande d’informations [de la Commission] du 31 mars 2010. Dans les annexes fournies par [Brugg Kabel], Pirelli est également mentionnée ; ID 1492/20, réponse de Brugg [Kabel] du 7 mai 2010 à [ladite demande d’informations]. »

153    Aux considérants 921 et 922 de la décision attaquée, la Commission a encore indiqué ce qui suit :

« (921)      [Brugg Kabel] s’est jointe à l’entente le 14 décembre 2001. Ce jour-là, [M. N.] (Brugg [Kabel]) a participé à une réunion R à [Divonne-les-Bains] (voir le considérant 197). Kabelwerke Brugg AG Holding endosse une responsabilité en tant que société mère pour le comportement de [Brugg Kabel] également à partir du 14 décembre 2001. [Brugg Kabel] réfute cette date de début de participation à l’entente, la réunion du 14 décembre 2001 n’ayant pas un caractère anticoncurrentiel et [Brugg Kabel] ayant refusé de coopérer à cette date.

(922)            Plusieurs indices tendent à démontrer que [Brugg Kabel] avait pris part aux accords de l’entente déjà avant cet événement (considérants 161, 167 et 186). Si cette réunion peut avoir eu pour objectif de convaincre [Brugg Kabel] d’adhérer à l’entente, cela n’atténue en rien son caractère anticoncurrentiel. Nexans et Prysmian avaient annoncé, lors de la réunion A/R du 13 novembre 2001, qu’elles organiseraient des réunions R régulières, et elles ont tenu cette promesse par l’organisation de la réunion du 14 décembre 2001 (considérant 188). Les participants européens à l’entente ont procédé à l’attribution de projets dans l’EEE et les « territoires d’exportation » lors des réunions R (voir, par exemple, le considérant 315). Rien ne prouve que [Brugg Kabel] ait annoncé, lors de cette réunion, qu’elle ne participerait pas à l’entente. Il existe au contraire des preuves indiquant que Nexans [France] et Prysmian sont parvenues à leurs fins étant donné que lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002, Nexans [France] et Pirelli ont informé les autres participants que “[Brugg Kabel] et Sagem [avaient été] invitées à la réunion” [« Brugg and Sagem [were] invited to the meeting »] et “continueront” [« will continue »] (considérant 206). Lors de la réunion A/R du 5 avril 2002, les notes indiquent une “ambiance de coopération s’améliore progressivement avec [Brugg Kabel], Sagem, nkt” [« gradually growing cooperative atmosphere with [Brugg Kabel], Sagem and nkt »] (considérant 212). Par la suite, en avril 2002, Brugg [Kabel] a envisagé d’organiser elle-même une réunion R. Cette réunion a été annulée, mais une deuxième réunion a été organisée par [Brugg Kabel] le 3 juillet 2002 (considérant 217). Il est très peu probable que [Brugg Kabel] ait prévu d’organiser une réunion dans le cadre de l’entente en avril 2002 alors même qu’elle n’était pas encore membre de cette dernière. »

154    Il ressort des considérants 197, 921 et 922 de la décision attaquée que la Commission a estimé qu’il existait des preuves directes de la participation des requérantes, représentées par M. N., à une réunion avec des concurrents organisée à Divonne-les-Bains le 14 décembre 2001 ainsi qu’un faisceau de preuves indirectes suffisant concernant la participation à cette réunion, si ce n’est de Sagem, à tous le moins de Nexans France et de Pirelli, et que cette réunion était une réunion R, c’est-à-dire une réunion des membres de la « configuration européenne de l’entente ».

155    Premièrement, s’agissant de la participation des requérantes, représentées par M. N., à une réunion le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, il suffit de relever que celle-ci n’est pas contestée.

156    Deuxièmement, s’agissant de la participation d’autres producteurs européens de câbles électriques à ladite réunion, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la présence des représentants de Nexans France et de Pirelli lors de cette réunion a été indiquée par les requérantes elles-mêmes dans leur réponse à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2001.

157    Par ailleurs, il convient de relever que le courriel adressé par M. J. à M. V. le 18 février 2002 fait clairement référence à une réunion s’étant tenue à Divonne-les-Bains. En outre, la circonstance que d’autres personnes que MM. J. et V. ont assisté à cette réunion ressort assez clairement du passage suivant : « Suite à notre réunion à [Divonne-les-Bains], les dates anticipées des 6 et 7/03 devenant impossibles pour certains d’entre nous, je vous propose finalement de tenir la prochaine réunion à Paris, le 28 février après-midi (le lieu vous sera communiqué ultérieurement). »

158    Le fait que Safran n’ait pas confirmé dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission du 31 mars 2010 la présence du représentant de Sagem, M. V. lors d’une réunion s’étant tenue à Divonne-les-Bains à la fin de l’année 2001 n’est pas significatif à cet égard, dès lors que, ainsi qu’il ressort de ladite réponse, Safran n’était pas en mesure d’infirmer ou de confirmer cette information pour des raisons matérielles.

159    Il reste que, ainsi que le font valoir les requérantes, le courriel de M. J. du 18 février 2002 ne contient aucune indication concernant la date de la réunion à laquelle il se réfère, la participation des requérantes à cette réunion ou l’objet de cette réunion, de sorte qu’il permet uniquement d’établir que MM. J. et V. ont assisté, à un moment indéterminé, mais nécessairement antérieur à la date de ce courriel, à une réunion à Divonne-les-Bains avec d’autres personnes dont l’identité est également indéterminée. Il s’ensuit que ce courriel ne permet pas, à lui seul, d’établir la présence de Sagem, représentée par M. V., lors de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains.

160    Les éléments de preuve examinés aux points 156 à 159 ci-dessus suffisent à établir que le représentant des requérantes, M. N., ainsi que les représentants de Nexans France et de Pirelli ont participé à une réunion le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains. En revanche, ces éléments de preuve ne permettent pas d’établir avec certitude que le représentant de Sagem, à savoir M. V., a assisté à cette réunion.

161    Troisièmement, s’agissant de la nature de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, il convient de relever, d’une part, que se sont régulièrement tenues dans ladite ville des réunions des membres R de l’entente lors desquelles, après que les représentants de Nexans France et de Pirelli, puis de Prysmian, avaient informé les autres producteurs européens des discussions ayant eu lieu au cours de la réunion A/R précédente, les participants se partageaient les projets à réaliser sur le « territoire national » européen et ceux à réaliser dans les « territoires d’exportation » qui avaient été attribués aux membres R de l’entente (considérant 315 et annexe I de la décision attaquée). Le caractère habituel de l’organisation de telles réunions dans cette ville est illustré par le fait que certains des participants à ces réunions parlaient même, parfois, de la nécessité de « divonner » (considérant 364 de la décision attaquée).

162    D’autre part, il y a lieu de relever que des éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée sont de nature à démontrer que la première réunion R de l’entente s’est tenue effectivement à Divonne-les-Bains le 14 décembre 2001.

163    Ainsi, il ressort des notes d’un employé de J‑Power Systems relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de la réunion A/R du 13 novembre 2001, mentionnées au considérant 188 de la décision attaquée, que Nexans France et Pirelli avaient indiqué, à cette occasion, qu’une discussion entre les membres R de l’entente aurait lieu à l’avenir une fois par mois.

164    Or, dans les notes d’un employé de J‑Power Systems relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002, mentionnées au considérant 206 de la décision attaquée,dans une partie intitulée « Organisation – côté R », il est indiqué ce qui suit :

« Brugg Kabel et Sagem invitées à la réunion. Continueront. ABB n’a jamais voulu se joindre. Nkt peut être nécessaire car plus active dans le marché à l’exportation. »

165    Selon les requérantes, les notes d’un employé de J‑Power Systems relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002 mettent uniquement en évidence le fait que les autres participants à l’entente poursuivaient, lors de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, leurs tentatives infructueuses en vue de les convaincre de participer aux réunions et aux discussions de l’entente. Elles soutiennent que, si elles avaient donné leur accord pour participer aux discussions après des années de refus répété lors de ladite réunion, il en aurait été à coup sûr fait état lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002 comme d’une nouvelle importante. Elles soulignent ainsi que, après la réunion R du 3 juillet 2002 à laquelle elles ont participé, M. J. a écrit dans un courriel du 4 septembre 2002 adressé à M. O., employé de J‑Power Systems, en vue de la réunion A/R des 6 et 7 septembre 2002, qu’il y « av[ait] désormais des contacts réguliers avec [Brugg Kabel] ».

166    Les requérantes font valoir, en outre, qu’il est tout aussi probable que la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains ait eu pour objet la poursuite de la négociation d’un contrat de sous-traitance avec Nexans France concernant un projet à réaliser à Abou Dabi (Émirats arabes unis), entamée lors d’une réunion du 21 novembre 2001 à Paris (France).

167    Toutefois, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que les notes d’un employé de J‑Power Systems relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002 démontrent, au contraire, que l’objet de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, à laquelle les requérantes admettent avoir participé par l’intermédiaire de M. N., était bien celui d’une réunion des membres R de l’entente.

168    En effet, le passage, extrait des notes d’un employé de J‑Power Systems relatives aux discussions qui ont eu lieu lors de la réunion A/R du 30 janvier 2002, cité au point 164 ci-dessus, se rapporte à l’état de la participation des producteurs européens de câbles électriques à une réunion de la « configuration européenne de l’entente » et non au refus de donner suite à l’invitation à participer à une telle réunion. Cela ressort, s’agissant de Brugg Kabel et de Sagem, de l’emploi de l’expression « invitées à la réunion » et de l’absence de la mention d’un quelconque refus de ces dernières à cet égard. Cela ressort également de la mention du refus de longue date d’ABB de participer à des contacts multilatéraux par la phrase « ABB n’a jamais voulu se joindre », qui justifie la non-participation de celle-ci à la réunion R, ainsi que la phrase selon laquelle la participation de nkt cables pourrait être nécessaire, car elle est plus active sur les marchés d’exportation. Ainsi, il peut être déduit de ce passage que Brugg Kabel et Sagem ont participé à une réunion R et qu’elles continueront d’y participer.

169    Cette interprétation ne saurait être remise en cause par les différents arguments des requérantes.

170    Tout d’abord, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le courriel adressé le 4 septembre 2002 par M. J., employé de Nexans France à M. O., employé de J‑Power Systems, ne contient pas d’annonce particulière concernant Brugg Kabel. M. J. y fait simplement état de l’importance de s’assurer la participation d’Exsym à l’entente du côté des membres A de l’entente, dès lors que des contacts existent désormais avec nkt cables, Sagem, ainsi que Brugg Kabel : « Nous avons désormais régulièrement des contacts avec nkt cables, S[agem], Brugg Kabel, si nous n’avons pas Exsym à bord cela n’a pas de sens ».

171    Ensuite, il apparaît improbable qu’une entreprise accepte de participer à une réunion avec des concurrents dont l’objet consiste pour ces derniers à tenter de la convaincre de participer à adopter un comportement anticoncurrentiel si elle a, en tout état de cause, l’intention de décliner une telle proposition. Si les requérantes n’avaient pas l’intention de prendre part à une réunion anticoncurrentielle, elles pouvaient tout simplement refuser d’y participer.

172    Enfin, l’explication alternative fournie par les requérantes, selon laquelle la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains pouvait tout aussi bien consister en une réunion concernant un contrat de sous-traitance avec Nexans France relatif à un projet à réaliser à Abou Dabi qui avait fait l’objet d’une précédente réunion le 21 novembre 2001 à Paris, est difficilement conciliable avec l’affirmation des requérantes selon laquelle la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains n’était qu’une vaine tentative de Nexans France et de Pirelli de les convaincre de participer à l’entente. En outre, cette thèse est rendue peu crédible par le fait que, d’une part, il ressort de l’agenda de M. N. produit par les requérantes en réponse à une demande d’informations de la Commission que celui-ci devait rencontrer le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains non seulement Nexans France, mais également Pirelli. Or, il est difficile d’imaginer la raison pour laquelle Pirelli aurait dû participer à une réunion relative uniquement à la conclusion d’un contrat de sous-traitance entre les requérantes et Nexans France. D’autre part, il convient de relever que les requérantes ne produisent aucun élément de preuve quant à l’objet de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, alors même qu’elles ont fourni de tels éléments concernant la réunion du 21 novembre 2001 à Paris.

173    À ce dernier égard, il convient de relever que, si, comme elles le font valoir, les requérantes sont libres de proposer une interprétation des faits différente de celle retenue par la Commission en vue de mettre en doute les conclusions de celle-ci quant à la nature de la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, il appartient au Tribunal d’en apprécier la crédibilité au regard, notamment, des éléments de preuve produits ou non par les requérantes. Or, ainsi que la Commission le relève, il ressort des documents produits par les requérantes dans les annexes de la réplique que, lors des échanges préparatoires à la réunion qui s’est tenue le 21 novembre 2001 à Paris, le sujet de cette dernière réunion était clairement mentionné. En effet, dans le courriel adressé par M. C., employé de Nexans France, à M. N., employé de Brugg Kabel, il est indiqué notamment ce qui suit : « sujets abordés : contrat de sous-traitance à Brugg pour le circuit B du projet ».

174    Si, comme les requérantes le soutiennent, la réunion du 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains avait également eu pour objet la conclusion du contrat de sous-traitance en cause, il est probable que le thème de cette réunion aurait figuré dans les échanges préparatoires à son organisation. Toutefois, les requérantes n’ont pas fourni de tels documents. En outre, il y a lieu de relever que le courriel adressé le même jour par M. N. à M. C. contient dans la rubrique « Agenda » la mention « contrat négociation et signature », ce qui rend l’hypothèse d’une prolongation de cette négociation lors de ladite réunion peu crédible en l’absence d’élément de preuve en ce sens.

175    Eu égard aux considérations exposées aux points 145 à174 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a établi à suffisance de droit que les requérantes, représentées par M. N., avaient participé, le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains, à une réunion des membres R de l’entente, de sorte que la Commission était fondée à fixer à cette date le début de la participation des requérantes à l’entente.

2)      Sur le caractère ininterrompu de la participation des requérantes à l’infraction

176    Les requérantes font valoir que, ainsi que la Commission l’a reconnu à plusieurs reprises dans les motifs de la décision attaquée, les comportements qui leur sont reprochés constituent des infractions uniformes et répétées, ce qui implique une interruption dans lesdits comportements. En conséquence, il existerait une contradiction entre l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, qui impute aux requérantes la responsabilité de la participation à une infraction unique et continue, et les motifs qui le soutiennent.

177    En outre, les requérantes soutiennent que l’entente traversant en 2005 une période de crise, elles n’auraient pas été tenues de s’en distancier publiquement pour démontrer qu’elles avaient interrompu leur participation, ce qui aurait été le cas du 12 mai 2005, date du départ d’un de leurs employés, M. P., au 8 décembre 2005. Selon elles, cette interruption était motivée par la volonté de leur nouvelle équipe dirigeante de respecter la nouvelle législation suisse relative à l’interdiction des ententes. Elles estiment que cela ressort de la correspondance entre M. N. et le coordinateur des membres R de l’entente, M. J., ainsi que de la correspondance entre ce dernier et plusieurs participants à l’entente se plaignant de la concurrence qu’elles leur livraient sur différents projets.

178    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

179    À cet égard, premièrement, s’agissant de la prétendue contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée quant au caractère répété ou continu de l’infraction imputée aux requérantes, il convient de relever que la Commission a utilisé dans la version allemande de la décision attaquée les expressions « einheitliche und fortgesetzte » et « einzige und fortdauernde » pour caractériser l’infraction. Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’en découle pas que la Commission aurait ainsi admis une quelconque interruption dans leur participation à l’infraction, ces deux expressions ayant un contenu sémantique proche et exprimant l’idée d’un même comportement se prolongeant sans interruption.

180    En outre, il est précisé, au considérant 620 de la décision attaquée, que, « [d]’après les preuves, les parties ont poursuivi l’objectif unique de l’entente sans interruption du 18 février 1999 jusqu’au 29 janvier 2009 ». De même, il ressort encore du tableau 8, intitulé « Coefficients multiplicateurs ayant trait à la durée », figurant au considérant 1012 de la décision attaquée, que la Commission n’a pas noté d’interruption entre le début de la participation des requérantes à l’infraction, le 14 décembre 2001, et la fin de cette participation, le 16 novembre 2006.

181    Dès lors, il ne saurait être considéré qu’il existe une contradiction entre la motivation de la décision attaquée et son dispositif quant au caractère unique et continu de l’infraction.

182    Deuxièmement, s’agissant de la prétendue interruption de la participation des requérantes à l’entente du 12 mai 2005 au 8 décembre 2005, il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, la Commission n’a pas fondé dans la décision attaquée son refus de considérer que celles-ci avaient interrompu leur participation à l’infraction au cours de l’année 2005 sur leur absence de distanciation publique de l’entente, mais sur des éléments de preuve qui démontraient la poursuite de cette participation.

183    Les requérantes mettent en avant certains passages de la correspondance entre M. N. et M. J. afin de démontrer qu’elles avaient, de leur point de vue, suspendu leur participation à l’entente.

184    Les requérantes citent ainsi un courriel de M. N. du 10 mai 2005, dans lequel celui-ci a indiqué qu’il refusait de participer à la réunion R des 11 et 12 mai 2005, en se référant au départ de M. P. de l’entreprise fin mai 2005 ainsi qu’à un changement dans le management.

185    Les requérantes citent également un courriel du 26 octobre 2005 de M. J., dans lequel celui-ci se plaint auprès de M. N. de la concurrence agressive qu’elles ont menée en indiquant ce qui suit :

« Nous avons l’impression que vous devenez assez agressif au sujet du projet ci-dessus. Selon nous, ce projet doit être réservé à notre ami, [M. R. C.], et nous pensons qu’il n’est pas raisonnable de se montrer agressif pour ce type de projet dans le pays dans lequel il est basé. »

186    Selon les requérantes, l’interruption de leur participation a été expressément confirmée dans un courriel du 9 décembre 2005 adressé à M. N. par M. J., dans lequel ce dernier a écrit « Depuis lors, [M. P.] est parti et vous avez laissé tomber les ‘séminaires’». Elles soulignent que, dans ce même courriel, M. J. s’est en outre renseigné auprès de M. N. en vue de savoir s’il participait à nouveau aux réunions et lui en a demandé confirmation en ces termes : « Êtes-vous officiellement de retour aux séminaires ? Nous espérons sincèrement que vous pouvez confirmer que c’est le cas ».

187    Toutefois, il convient de relever que le courriel de M. N. du 10 mai 2005 était rédigé comme suit :

« Eu égard aux tensions actuelles liées au développement de l’affaire Al Aweer ainsi qu’au changement actuel dans le management de [Brugg Kabel]/[M. P.] partira d’ici la fin du mois de mai 2005/ nous avons le regret de vous informer que pour ce séminaire [Brugg Kabel] ne participera pas.

Nous espérons que AWEER se développera comme discuté plus tôt rendant la participation ultérieure viable. […] »

188    Il en découle que, d’une part, la décision de ne pas participer à la réunion R des 11 et 12 mai 2005 était certes motivée par le départ de M. P. et le changement de management chez Brugg Kabel, mais également par les tensions liées au développement du projet « Al Aweer », et, d’autre part, cette décision concernait uniquement cette réunion. En outre, ainsi qu’il ressort également du courriel de M. N. du 10 mai 2005, celui-ci n’excluait pas de participer aux réunions ultérieures, pour autant que ledit projet se développe conformément aux discussions ayant eu lieu plus tôt. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ce courriel ne saurait être considéré comme l’annonce d’une suspension de leur participation à l’entente.

189    De même, il convient de relever que, dans un courriel du 14 juin 2005 adressé à M. J. par M. N, ce dernier écrit ce qui suit au sujet d’un appel d’offres au Koweit :

« Pris note de l’absence de [M. R. de Nexans France] à la réunion de pré-soumission.

Intention de ne pas [soumettre d’offre] cependant vérifie que c’est “politiquement acceptable"

En cas de [soumission d’offre] demanderai des instructions.

Pris note de votre remarque à propos de l’accident de câble et marque mon accord […]) »

190    Il importe de relever que la remarque relative à l’accident de câble se réfère à un courriel précédent de M. J. du 14 juin 2005 dans lequel ce dernier avait indiqué : « Merci de noter qu’il se pourrait que vous soyez appelé pour une réparation sur une panne accidentelle d’un câble qui s’est produite récemment dans le même pays. Dans ce cas merci de le notifier (nous recevrons des instructions cela aidera à restaurer les contacts) ».

191    Il découle de l’échange de courriels entre MM. J. et N. le 14 juin 2005 que, à cette date, les requérantes maintenaient des contacts avec M. J., le coordinateur des membres R de l’entente, en vue de la mise en œuvre de ladite entente.

192    Cela ressort également d’un courriel du 21 octobre 2005 également adressé à M. J par M. N., dans lequel ce dernier écrit notamment ce qui suit :

« Après notre attitude coopérative dans la clôture du MEW/60 : 18-09-2005 pour 92 km XPLE 132kv permettant à TEC de sécuriser son premier XLPE au [Koweit], nous ne comprenons pas bien leur comportement dans […]

Quand nous avons confirmé notre coop[ération] pour MEW/60, je vous ai mentionné ce projet et j’avais confiance dans le fait que ce message serait transmis à TEC. [Brugg Kabel] est très intéressée et est, en fait, seulement entravée par les actions de TEC qui n’a pas encore été présélectionnée. Le niveau de prix est désormais en dessous de […] 100. […]

Je note juste encore que cette coopération est requise de [Brugg Kabel] encore et encore, pendant que beaucoup souffrent d’“Alzheimer”). »

193    La participation des requérantes à l’infraction au cours de l’année 2005 est encore confirmée par deux courriels adressés à M. J. par M. N. en décembre 2005 et en janvier 2006.

194    Ainsi, dans un courriel du 12 décembre 2005, M. N. a écrit ce qui suit :

« La nouvelle (jeune) direction de [Brugg Kabel] a peur car nous avons en Suisse une nouvelle loi [anti-cartels] ainsi que des instructions du conseil de la respecter. Vous savez qu’en dépit de cela, en 2005 j’ai agi comme si… (p. ex. [Koweit])

Nous n’avons pas gâché le niveau !

Tous les participants au “séminaires” peuvent se féliciter d’une excellente année 2005

… et tous sont dans une excellente position. […] »

195    De même, dans un courriel du 24 janvier 2006 relatif à un projet à réaliser au Koweit, M. N. écrit à M. J. ce qui suit :

« Je constate de nouveau la grande différence de nos vues de la situation. Même si vos carnets de commande sont pleins, pleins, vous demanderez plus sans arrêt. Difficile pour moi d’établir une politique de survie qui vous convient ! J’avais la naïveté d’y croire longtemps quand même […] alors je travaillais des années en faveur d’une coordination avec des grands […]

[…] il y avait beaucoup de business en 2005 (nous avons laissé passer quasiment tout pour vous)

p. ex.

‘A’ MEW 101 (ce qui compense 082 largement)

‘K’ MEW/60 92km XLPE 132 kV

‘[Pirelli]’ ME/EW/66-2005/06

‘A’ MEW/52/2006-06

Et juste pour mentionner une petite coopération que j’ai demandé via toi de ‘A’ à Qatar : on m’envoie dans les roses, prétend qu’on ne peut plus rien faire etc. etc. En même temps [Nexans]+ABB prennent GTC/22/04 avec 102 km 132kV 1x2000mm2 […] »

196    M. N. précise en outre dans son courriel du 24 janvier 2006 que, au sujet d’une violation de l’entente dont les requérantes se seraient rendues coupables concernant le MEW 082, « c’était sans casser les prix ! ».

197    Il découle de la lecture de cette correspondance entre M. J., coordinateur des membres R de l’entente, et M. N. que, du point de vue des requérantes, si elles ne participaient plus aux réunions en raison des craintes exprimées par leur nouveau management, elles n’avaient pas suspendu leur participation à l’entente et prenaient même une part active à son succès.

198    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ressort également de courriels échangés entre M. J. et plusieurs participants à l’entente que ceux-ci considéraient qu’elles y participaient même au cours de la seconde partie de l’année 2005.

199    Certes, les courriels dont le contenu est cité dans la requête par les requérantes témoignent de l’irritation manifestée par certains participants à l’entente relativement au comportement de celles-ci dans la mise en œuvre de l’entente.

200    Ainsi, dans un courriel du 14 septembre 2005 adressé à M. J. par M. R. C., employé de Prysmian, ce dernier a écrit : « Veuillez vous assurer que [Brugg Kabel] ne représente pas un problème ».

201    Le mécontentement de M. J. et de M. R. C. à l’égard de l’attitude de Brugg Kabel ressort également du courriel du 26 octobre 2005, adressé par M. J. à M. N., dont le contenu est reproduit au point 185 ci-dessus.

202    Dans un courriel du 28 octobre 2005, adressé à M. J. par M. R. C., ce dernier est revenu sur l’attitude de Brugg Kabel de la façon suivante :

« On vient de m’informer que Brugg Kabel redouble d’efforts et devient encore plus agressive. Juste pour te dire que si quelque chose tourne mal, nous poursuivrons [Brugg Kabel] sur chaque projet (partout) afin de nous assurer qu’ils perdent des marchés ou qu’ils perdent en tout cas un maximum d’argent pour remporter des marchés. [...] Tu sais que je n’aime absolument pas ça, mais trop c’est trop. Je suis tenté de “personnaliser” cette affaire. »

203    Toujours au sujet de l’attitude des requérantes, dans un courriel du 9 novembre 2005 adressé à M. J., M. R. C. a rapporté que les requérantes se battraient pour le projet « E-Plus » en ces termes : « [Brugg Kabel] a apparemment confirmé son intérêt à se battre ([M. K.] l’a confirmé) ».

204    M. R. C. a, d’ailleurs, par la suite confirmé à M. J. dans un courriel du 3 janvier 2006 qu’il avait perdu le projet « E-plus » au profit des requérantes.

205    Le mécontentement de M. R. C. concernant l’attitude des requérantes ressort également d’un courriel du 16 novembre 2005, dans lequel il écrit à M. J. ce qui suit :

« [...] Vos chers amis de [Brugg Kabel] sont très agressifs sur un autre marché de 380 kV ici [...]. Votre détachement par rapport à toutes ces agressions veut-il dire que vous êtes en train d’abandonner ce territoire et que l’arrogance de [Brugg Kabel] vous est donc indifférente ? »

206    Toutefois, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du courriel de M. R. C. du 16 novembre 2005, celui-ci considérait que les requérantes étaient toujours liées par les règles de l’entente puisqu’il dénonçait précisément leur prétendue violation desdites règles. En effet, si cela n’avait pas été le cas, M. R. C. n’aurait eu aucune raison de se plaindre du comportement des requérantes au coordinateur des membres R de l’entente, M. J.

207    Par ailleurs, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission au considérant 346 de la décision attaquée, que la prétendue violation des règles de l’entente par les requérantes au cours de la seconde moitié de l’année 2005 n’a pas conduit à les faire considérer comme des « outsiders » par les autres membres de l’entente. Elles n’ont ainsi pas fait l’objet des mesures coordonnées prévues lors de la réunion qui s’est tenue à Divonne-les-Bains le 15 mars 2005 à laquelle elles ont participé.

208    En outre, il ressort de l’énumération des entreprises participant à l’entente effectuée le 24 juin 2005 par M. J., mentionnée au considérant 353 de la décision attaquée, que les requérantes sont toujours citées parmi les membres moyens (« medium ones ») de l’entente. Il n’y est nullement fait état d’un départ.

209    De même, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il ressort du courriel du 26 août 2005 adressé par M. J. à MM. I., employé d’Exsym, et R. C., employé de Prysmian, mentionné au considérant 358 de la décision attaquée, que les requérantes étaient encore considérées à cette date comme des membres de l’entente. Il y est question de la nécessité de s’assurer le maintien dans l’entente de certains participants dans les termes suivants :

« Si vous dites que [Taihan et LS Cable] sont en dehors de ‘A’, alors le [taux de 40 %] n’est plus valable et doit être réduit à 20 compte tenu du bilan des dernières années. Km est résolument dans le négatif pour [M. C. de Pirelli]. Donc soit [Taihan et LS Cable] sont en dehors de ‘A’ et les deux [projets de câbles à huile] suivants doivent revenir à [M. C. de Pirelli] pour rééquilibrer la situation, comme vous en êtes déjà convenu, soit [ils] [sont] à l’intérieur [de ‘A’] et le système de rotation doit s’appliquer. Nous comprenons que vous avez des difficultés à contrôler [Taihan et LS Cable] comme nous avons des difficultés à contrôler [ABB] et [Brugg Kabel] et [Sagem] ou [nkt cables], mais cela [ne signifie pas] qu’il faille les mettre dehors [de l’entente]. C’est simplement un fait auquel il faut s’adapter (comme cela a été fait pour […] ou les Philippines ou […]) À nouveau, c’est notre intérêt global de maintenir […] car donner le projet EDC à [Taihan] ou [LS Cable] nous aidera tous. »

210    Or, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, c’est bien la compréhension qu’ont les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée qui est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l’accord illicite (arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, EU:C:2009:166, point 120).

211    Ce constat ne saurait être remis en cause par le courriel du 9 décembre 2005 adressé à M. N. par M. J., dans lequel ce dernier a écrit que « depuis lors, [M. P.] est parti et vous avez laissé tomber les “séminaires”) et a demandé à M. N. s’il participait à nouveau officiellement aux réunions « [ê]tes-vous officiellement de retour aux séminaires ? Nous espérons sincèrement que vous pouvez confirmer que c’est le cas ». En effet, ainsi qu’il a été exposé aux points 183 à 210 ci-dessus, en dépit de l’absence de M. N. lors des réunions R de l’entente, les requérantes ont clairement poursuivi leur participation à ladite entente au cours de cette période.

212    Il convient également de rejeter l’argument que les requérantes tentent de tirer d’un échange de courriels entre M. R. C. et M. J. du 9 janvier 2006 dont il ressortirait que les requérantes ne réagissaient pas aux demandes de contact de Nexans France, les requérantes ayant elles-mêmes admis que, à cette date, elles avaient repris leur participation à l’entente.

213    En conséquence, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant, sur la base des éléments de preuve qu’elle avait rassemblés, que les requérantes avaient participé à l’entente sans interruption du 14 décembre 2001 jusqu’au 16 novembre 2006.

d)      Sur l’intention des requérantes de contribuer à l’ensemble des objectifs de l’entente et leur connaissance de certains comportements infractionnels

214    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas suffisamment démontré qu’elles entendaient contribuer par leur comportement à la réalisation de l’ensemble des objectifs communs de l’entente. Selon elles, une telle démonstration serait absente concernant l’attribution de projets de câbles électriques sous-marins, l’« attribution des marchés nationaux » et l’attribution de marchés de grande envergure. La décision attaquée ne contiendrait pas non plus d’éléments précis établissant qu’elles avaient connaissance des comportements infractionnels des autres participants à l’entente concernant l’attribution de marchés de câbles électriques sous-marins.

215    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

216    À cet égard, il convient de rappeler qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient de notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 56 et jurisprudence citée).

217    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle-ci dans son ensemble (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 57 et jurisprudence citée).

218    En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’absence de volonté des requérantes de contribuer à l’ensemble des objectifs communs de l’entente, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 126 ci-dessus, les mesures adoptées par les participants à l’entente partageaient un objectif commun, à savoir l’instauration d’un système de partage du marché mondial des projets de câbles électriques à haute tension, à l’exception des États-Unis. Il convient également de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 128 ci-dessus, ce système de partage du marché des projets des câbles électriques à haute tension concernait aussi bien des projets nécessitant des câbles électriques sous-marins que des câbles électriques souterrains.

219    Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance qu’elles n’ont pas participé à l’attribution des projets des câbles électriques sous-marins n’est pas de nature à démontrer qu’elles n’entendaient pas contribuer par leur comportement à l’objectif commun de l’entente rappelé au point 218 ci-dessus, dès lors que, de leur propre aveu, cette absence de participation résultait de leur manque de capacité à produire de tels câbles électriques et non d’une volonté clairement exprimée de ne pas prendre part à l’attribution de tels projets. En outre, ainsi que cela est reflété par le considérant 324 de la décision attaquée, dans lequel la Commission fait état de ce que les requérantes avaient demandé une préférence pour un projet concernant la pose de câbles électriques souterrains en eaux peu profondes, en dépit de leur incapacité à produire des câbles électriques sous-marins à proprement parler, les requérantes avaient la volonté, dans la mesure où cela était techniquement envisageable, de participer à l’attribution de projets qui auraient, en principe, nécessité la pose de câbles électriques sous-marins.

220    L’argumentation des requérantes selon laquelle leur absence de participation à l’attribution de projets de grande envergure démontrerait qu’elles n’entendaient pas contribuer par leur comportement à l’objectif commun de l’entente n’emporte pas davantage la conviction. En effet, tout d’abord, il ressort de la décision attaquée que les mécanismes de l’entente, qu’il s’agisse des obligations d’informations, des règles d’attribution ou des mécanismes de compensation, ne faisaient pas de distinction selon le volume des projets en cause (la perte d’un gros projet pouvait être compensée par l’attribution de plusieurs projets plus petits et inversement). Ensuite, il convient de relever que la prétendue absence de participation des requérantes concernant les projets de grande envergure découle, ainsi qu’elles l’expliquent elles-mêmes en détail, de leur absence de capacité à répondre aux besoins des clients pour de tels projets. Enfin, il ressort d’un courriel adressé par M. J. à M. I. que les requérantes n’hésitaient pas à soumettre des offres pour des projets d’envergure en faisant appel, le cas échéant, à des sous-traitants pour pallier leurs problèmes de capacités.

221    Il convient également d’écarter l’argument des requérantes selon lequel elles n’avaient pas entendu respecter « l’attribution des marchés nationaux ». En effet, il échet de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 108 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, lors de la répartition des projets de câbles électriques entre les membres R de l’entente, il existait des preuves que certains d’entre eux s’étaient vu reconnaître un « marché national » (par exemple l’Italie pour Nexans France et Prysmian, les Pays-Bas pour Prysmian) sur lequel ils bénéficiaient d’une priorité. Les requérantes font valoir que, ainsi qu’il ressort de plusieurs éléments de preuve, elles ont à plusieurs reprises refusé de respecter l’attribution des marchés nationaux en soumettant des offres dans les territoires considérés comme le marché national d’autres participants à l’entente. Or, force est de constater que, ce faisant, les requérantes se contentent d’indiquer qu’elles n’ont pas toujours respecté l’une des règles de répartition des projets entre les membres R de l’entente, ce qui ne démontre pas, en soi, qu’elles n’avaient pas l’intention de contribuer à l’objectif commun de l’entente. Il convient en outre de relever que, ainsi que les requérantes le reconnaissent, ce n’est pas l’« attribution des marchés nationaux » en elle-même qui leur posait problème, mais le fait que, dès lors qu’elles ne s’étaient pas vu reconnaître un tel territoire par les autres participants à l’entente, elles ne pouvaient pas concrètement en bénéficier.

222    Deuxièmement, s’agissant de l’absence de connaissance des comportements infractionnels relatifs aux câbles électriques sous-marins, il convient de relever que, ainsi que cela a été exposé au point 134 ci-dessus, les réunions R auxquelles participait M. N. débutaient par une partie générale lors de laquelle les représentants de Nexans France et de Pirelli informaient les autres membres R de ladite entente des discussions qui s’étaient tenues lors de la réunion A/R précédente. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 130 à 132 ci-dessus, les réunions A/R concernaient la répartition des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins dans les « territoires d’exportation » entre les membres R de la même entente, d’une part, et les membres A et K de l’entente en question, d’autre part. Il s’ensuit que les requérantes avaient nécessairement connaissance du fait que les projets de câbles électriques sous-marins faisaient l’objet d’une répartition entre les membres A et R de l’entente. S’agissant de la connaissance qu’avaient les requérantes de la répartition des projets de câbles électriques sous-marins entre les membres R de l’entente, il convient de relever que, à supposer que, à l’instar de la réunion R des 18 et 19 novembre 2003, les discussions concernant les câbles électriques sous-marins et les câbles électriques souterrains se soient toujours tenues de façon séparées et que les représentants de Brugg Kabel n’aient jamais assisté à des réunions R lors desquelles les projets de câbles électriques souterrains et les projets de câbles électriques sous-marins faisaient l’objet de discussions communes, ce qui est fortement remis en cause par les éléments de preuve produits par la Commission en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (voir points 134 à 138 ci-dessus), la circonstance que les requérantes avaient connaissance, compte tenu des documents de préparation des réunions des membres en cause, du fait que des discussions se tiendraient sur les câbles électriques sous-marins suffit à démontrer qu’elles avaient connaissance de cette répartition ou auraient dû s’en douter. En outre, il ressort du courriel adressé par M. J. à M. N. le 23 janvier 2006, exposé aux considérants 377 et 378 de la décision attaquée et portant sur l’attribution dans les « territoires d’exportation », que les requérantes savaient que les arrangements prévoyaient une coordination pour les projets de câbles électriques sous-marins. Il ressort en effet de ce courriel ce qui suit : « A n’a plus confiance et refuse de continuer l’exercice [Koweït] (et donc refuse cette allo) si [M. C. de Pirelli] et toi ne vous engagez pas à respecter les accords à venir sur ce pays. [M. C. de Pirelli] a confirmé qu’ils suivraient à l’avenir et ont donné une explication crédible de leur geste (lié à un projet sous-marin) ».

223    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes, par leur comportement, visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble et avaient connaissance des comportements infractionnels des autres membres de l’entente, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 216 et 217 ci-dessus.

e)      Sur la preuve que les requérantes avaient connaissance des accords relatifs aux différents projets de câbles électriques

224    Les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû démontrer qu’elles avaient connaissance des accords relatifs à chacun des projets ou qu’elles pouvaient les prévoir au moins pour les marchés nationaux ou les projets de câbles électriques sous-marins.

225    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

226    À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’agencement général des obligations d’informations et des quotas concernait l’ensemble des projets faisant l’objet de l’entente, et c’est sur ce caractère du plan global que portait l’exigence de preuve. Comme les membres R de l’entente devaient précisément manifester eux-mêmes activement leur intérêt pour des projets spécifiques s’ils voulaient être pris en considération pour leur attribution, il est logique qu’un producteur de moindre taille tel que les requérantes ne soit pas explicitement mentionné pour tous les projets. Cela ne change cependant rien au fait qu’elles ont participé, dans l’ensemble, aux modalités retenues et que, comme la Commission l’a montré, elles avaient connaissance du mode opératoire général.

f)      Sur la motivation de la décision attaquée concernant l’identité des projets de câbles électriques en cause

227    Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir précisé dans la décision attaquée les projets qui devaient faire l’objet d’un accord en se contentant d’utiliser des abréviations ou des appellations génériques et d’avoir présenté le même projet comme étant plusieurs projets distincts en raison de légères différences de désignation.

228    La Commission conteste les arguments des requérantes.

229    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort, par exemple, des considérants 234 et 372 de la décision attaquée, qui contiennent de nombreux extraits de communications entre les membres de l’entente, que ceux-ci faisaient systématiquement référence aux projets de câbles électriques en cause sous la forme d’abréviations où d’allusions codées dans un but de dissimulation évident. Dans de telles conditions, l’obligation de motivation, qui s’impose à la Commission en vertu de l’article 296 TFUE, ne saurait conduire à exiger de celle-ci qu’elle identifie avec précision chacun des projets mentionnés par les participants à l’entente dans leurs communications.

230    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen du recours ainsi que le quatrième moyen du recours comme étant non fondés.

4.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE

231    Les requérantes soutiennent que l’application du concept d’infraction unique et continue en l’espèce constitue une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

232    Au soutien de ce moyen, les requérantes se bornent à renvoyer aux arguments déjà soulevés dans le cadre des troisième et quatrième moyens pour démontrer que l’infraction en cause ne constitue pas une infraction unique et continue. En particulier, elles renvoient aux arguments relatifs au début de leur participation à l’entente à partir du 14 décembre 2001, à la durée ininterrompue de ladite participation, à la connaissance des accords relatifs aux câbles électriques sous-marins ou au devoir de les connaître, à leur participation à des accords relatifs aux marchés nationaux et à leur participation à des projets de grande envergure. Ces arguments ayant déjà été rejetés comme étant non fondés dans le cadre de l’examen des troisième et quatrième moyens, en l’absence d’argumentation autonome, le cinquième moyen ne peut être que rejeté comme étant dépourvu de tout fondement.

233    Eu égard au rejet des deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a imputé aux requérantes la participation à l’infraction unique et continue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE du 14 décembre 2001 au 16 novembre 2006.

5.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, de violations des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et ne bis in idem, d’une violation de l’obligation de motivation, de plusieurs erreurs d’appréciation et d’un détournement de pouvoir en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes

234    Le sixième moyen se compose de cinq branches. Par la première branche, les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une erreur et d’avoir violé le principe d’égalité de traitement en choisissant l’année 2004 comme année de référence pour la valeur des ventes, qui ne représenterait pas leur puissance économique et leur contribution dans l’entente. Par la deuxième branche, elles font grief à la Commission d’avoir violé son obligation de motivation et le principe ne bis in idem et d’avoir commis une erreur d’appréciation quant à la gravité de l’infraction. Par la troisième branche, elles reprochent à la Commission d’avoir fixé un coefficient de 4,91 pour la durée de l’infraction. Par la quatrième branche, elles soutiennent que la Commission a violé son devoir de motivation concernant la fixation du « droit d’entrée ». Par la cinquième branche, elles font grief à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation et d’avoir violé le principe d’égalité de traitement ainsi que le principe de proportionnalité dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes.

a)      Sur le choix de l’année 2004 comme année de référence de la valeur des ventes pour le calcul du montant de base de l’amende

235    Les requérantes font valoir que, en choisissant l’année 2004 comme année de référence au lieu de la dernière année complète de leur participation à l’entente, la Commission s’est écartée sans justification valable de la règle fixée au paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006. Ce choix aurait conduit à traiter de façon discriminatoire les requérantes en raison des ventes liées à des projets de câbles électriques extrêmement élevées qu’elles auraient enregistrées en 2004. Selon les requérantes, afin d’éviter ce traitement discriminatoire, la Commission aurait dû soit choisir comme année de référence la dernière année complète de leur participation à l’entente, à savoir l’année 2005, soit utiliser une valeur moyenne basée sur les années 2003 à 2005.

236    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

237    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant du calcul de l’amende dans l’hypothèse d’une entente de portée mondiale, le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit ce qui suit :

« Lorsque l’étendue géographique d’une infraction dépasse le territoire de l’[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction. Tel peut en particulier être le cas d’accords mondiaux de répartition de marché.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l’EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l’infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l’EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l’infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l’intérieur de l’EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. »

238    Il convient également de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d’affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière à ce que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible (voir arrêt du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié, EU:T:2009:369, point 142 et jurisprudence citée).

239    Il convient encore de rappeler que, s’agissant de la période à prendre en considération pour déterminer la valeur des ventes utilisée pour le calcul de l’amende, le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit ce qui suit :

« En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. »

240    Toutefois, il importe de relever que l’emploi de l’expression « utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction » figurant au paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 n’exclut pas la possibilité pour la Commission d’utiliser une autre période de référence pour autant que, conformément à la jurisprudence citée au point 238 ci-dessus, celle-ci permette d’obtenir des chiffres aussi comparables que possible.

241    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, pour le calcul du montant de base de l’amende infligée aux requérantes, la Commission s’est référée à la méthode prévue par le paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 966 et 968 à 994 de ladite décision). Il ressort également de la même décision que, aux fins de l’application de cette méthode, elle ne s’est pas fondée sur les ventes effectuées au cours de la dernière année complète de la participation à l’infraction, mais sur les chiffres des ventes relatifs à l’année 2004 (considérants 966 et 968 à 994 de cette décision).

242    La Commission a justifié ce choix, premièrement, par la circonstance que les ventes de câbles électriques réalisées à l’échelle de l’EEE ont augmenté sensiblement à partir de l’année 2006, de sorte que le choix de la dernière année complète de participation à l’infraction ne serait pas suffisamment représentatif de la période infractionnelle pour les entreprises qui ont cessé toute participation à l’infraction après 2006. Selon elle, le fait de se fonder sur les ventes réalisées par l’ensemble des entreprises en 2004 permettait d’obtenir une estimation plus précise de l’importance économique de l’infraction pendant toute sa durée ainsi que du poids relatif des entreprises concernées dans l’infraction. Deuxièmement, elle a estimé que le choix de l’année 2004 permettrait d’éviter un traitement discriminatoire entre les entreprises qui ont mis fin plus tôt à leur participation (directe) et celles qui l’ont poursuivie. Elle a également souligné dans la décision attaquée que le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 lui permettait, dans une telle situation, de ne pas se fonder sur les chiffres des ventes de la dernière année de participation à l’infraction (considérant 965 de la décision attaquée). Elle a ajouté que le choix d’une seule année de référence durant laquelle toutes les parties avaient participé à l’infraction était préférable aux fins de l’application du paragraphe 18 desdites lignes directrices, de façon à refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction (considérant 966 de ladite décision).

243    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le choix d’une année de référence commune a nécessairement un caractère arbitraire en ce qu’il affecte de façon différente les participants à l’entente selon le chiffre d’affaires réalisé au cours de cette année, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, l’utilisation d’une année de référence commune pour toutes les entreprises ayant participé à la même infraction permet, en principe, de déterminer les amendes de manière uniforme dans le respect du principe d’égalité, tout en appréciant l’ampleur de l’infraction commise en fonction de la réalité économique telle qu’elle apparaissait durant la période pertinente (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, EU:C:2003:529, point 129, et du 16 novembre 2011, ASPLA/Commission, T‑76/06, non publié, EU:T:2011:672, point 112).

244    Par ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu’à condition qu’elle démontre que le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise (arrêt du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, EU:T:1998:95, point 42).

245    En l’espèce, les requérantes font valoir qu’elles ont réalisé un chiffre d’affaires exceptionnel dans le domaine des câbles électriques en 2004, en raison de l’achèvement du projet « BASF » pour 4 700 000 de francs suisses (CHF) et du projet « Espagne 9 » pour 3 200 000 CHF, qui ne serait pas représentatif de leur chiffre d’affaires au cours de leur participation à l’infraction. Or, elles n’apportent aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation, de sorte qu’il n’est pas possible pour le Tribunal d’apprécier, outre la réalité et la composition de leur chiffre d’affaires pour l’année 2004, l’amplitude de la variation de ce chiffre d’affaires par rapport à ceux des années 2003 et 2005. Il ressort par ailleurs du rapport annuel de Brugg Kabel pour 2005 que, en dépit d’un début d’année difficile, les ventes ont atteint cette année-là un niveau comparable à celui de l’année précédente, en raison de la prise de nombreuses commandes dans le domaine des câbles électriques à haute tension lors de la deuxième partie de l’année.

246    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission a commis une erreur dans la fixation de l’année de référence pour la détermination du montant des ventes à prendre en compte en vue du calcul du montant de base de l’amende. Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

b)      Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction

247    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir violé son obligation de motivation et d’avoir commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes de 19 % qui a été retenue à leur égard eu égard à la gravité de l’infraction unique et continue.

1)      Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation concernant la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction

248    Les requérantes font valoir que la Commission a motivé de façon contradictoire la décision attaquée en précisant, d’une part, au considérant 998 de la décision attaquée, que, pour la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction, elle ne tenait compte que d’une seule infraction unique et continue dont elle évaluait la gravité à 15 % alors que, d’autre part, au considérant 999 de ladite décision, elle a augmenté de façon sélective la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération de 2 % pour les entreprises ayant prétendument pris part à la « configuration européenne de l’entente », qui procédait à une répartition supplémentaire des projets de câbles électriques après celle déjà opérée dans le cadre de la « configuration A/R » de ladite entente. Ce faisant, la Commission se placerait en contradiction avec le postulat qu’elle a elle-même établi selon lequel les mécanismes de répartition de cette dernière configuration et ceux de la « configuration européenne » de cette entente font partie intégrante de l’infraction unique et continue. Les requérantes estiment qu’elles se voient ainsi appliquer un premier pourcentage de gravité de 15 % en raison de leur participation à l’infraction unique et continue englobant les deux configurations de l’entente, puis un second pourcentage de gravité de 2 % en raison, à nouveau, de leur participation à la « configuration européenne de l’entente ». La logique appliquée par la Commission conduirait ainsi à une violation du principe ne bis in idem.

249    Par ailleurs, les requérantes font valoir que la Commission a violé son obligation de motivation en indiquant, aux considérants 1003 et 1004 de la décision attaquée, qu’une augmentation du degré de gravité était justifiée par la part de marché cumulée des entreprises participant à l’entente ainsi que par la portée géographique de celle-ci, sans préciser le montant ni la composition de cette majoration. Elles soulignent que ce n’est qu’à partir des « conclusions » relatives à la gravité, au considérant 1010 de ladite décision, qu’il est possible de calculer le montant en question par déduction.

250    La Commission conteste l’ensemble de l’argumentation des requérantes.

251    À cet égard, premièrement, s’agissant de l’augmentation du degré de gravité en raison de la part de marché cumulée des entreprises participant à l’entente et de la portée géographique de celle-ci, il y lieu de relever que le montant de ladite augmentation, à savoir un pourcentage de 2 %, est précisé au considérant 1010 de la décision attaquée, comme l’admettent d’ailleurs les requérantes. Quant à l’absence de précision dans ladite décision sur la contribution respective à cette augmentation des deux facteurs qui en sont à l’origine, à savoir la part de marché cumulée et la portée géographique de l’entente, une telle précision n’était pas nécessaire en l’espèce, la motivation étant à cet égard adaptée à la nature de l’acte en cause et faisant apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission, ce qui permet aux requérantes de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.

252    Deuxièmement, s’agissant du prétendu caractère contradictoire de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination de la proportion de la valeur des ventes à retenir eu égard à la gravité de l’infraction, force est de constater que celui-ci découle d’une lecture erronée de la décision attaquée.

253    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a apprécié une première fois le comportement des participants à l’infraction unique et continue en déterminant la proportion de la valeur des ventes à retenir eu égard à la gravité de l’infraction à 15 %, puis qu’elle a apprécié une seconde fois le même comportement lorsqu’elle a retenu un pourcentage supplémentaire de 2 % pour les entreprises ayant pris part à la « configuration européenne de l’entente » ainsi qu’à la « configuration A/R » de ladite entente.

254    Or, il convient de relever que, au considérant 998 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à laquelle les destinataires de la décision attaquée avaient pris part consistait à répartir la clientèle et les marchés. Elle a précisé qu’une telle infraction constituait, par sa nature même, l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, car elle faussait les principaux paramètres de la concurrence. Elle a rappelé que, conformément au paragraphe 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, ces pratiques sont, par principe, sévèrement sanctionnées et que le degré de gravité se situe généralement dans la partie haute de la fourchette. Elle a précisé qu’elle considérait que cet élément justifierait un pourcentage de 15 % en raison de la gravité des faits.

255    Au considérant 999 de la décision attaquée, la Commission a ensuite précisé que, outre les mécanismes d’attribution de la « configuration A/R de l’entente », certains projets concernant l’EEE avaient fait l’objet d’une répartition supplémentaire entre les producteurs européens dans le cadre de la « configuration européenne » de ladite entente et que ces agissements, qui étaient le fait des seuls producteurs européens, ont intensifié l’atteinte à la concurrence déjà causée par l’accord de répartition des marchés entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens et, partant, le degré de gravité de l’infraction. Elle a ensuite indiqué que la distorsion supplémentaire causée par cette dernière configuration justifiait une augmentation du degré de gravité de l’infraction de 2 % pour les entreprises qui avaient pris part à cet aspect de l’entente.

256    Il ressort clairement des considérants 998 et 999 de la décision attaquée que la Commission a estimé que le pourcentage minimal des ventes à prendre en compte pour toutes les entreprises auxquelles la responsabilité de l’infraction unique et continue pouvait être imputée était de 15 %, indépendamment de leur niveau de participation dans l’entente, mais qu’un pourcentage supplémentaire de 2 % devait être retenu à l’encontre des entreprises qui avaient participé à la « configuration A/R de l’entente » ainsi qu’à la « configuration européenne » de ladite entente, au motif que les effets anticoncurrentiels de la première de ces deux configurations étaient renforcés par ceux de la seconde.

257    C’est donc à tort que les requérantes soutiennent que la motivation de la décision attaquée relative à la gravité de l’infraction est contradictoire à cet égard. De même, c’est en vain que les requérantes font valoir une violation du principe ne bis in idem, puisque le raisonnement de la Commission exposé aux considérants 998 et 999 de la décision attaquée ne conduit pas à sanctionner deux fois les mêmes faits.

2)      Sur la prétendue erreur résultant de la non-prise en compte de ce que les requérantes ne fabriquaient pas de câbles électriques sous-marins durant la période infractionnelle dans le cadre de la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction

258    Les requérantes font valoir que, conformément à la jurisprudence, la Commission était tenue de prendre en compte dans la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction le fait qu’elles ne produisaient pas de câbles électriques sous-marins durant la période infractionnelle. Selon elles, la Commission ne pouvait pas simplement échapper à cette obligation en faisant valoir que cette circonstance avait déjà été prise en compte dans le calcul de l’amende par la non-inclusion des ventes de câbles électriques sous-marins dans la valeur des ventes. Elles affirment qu’il en va de même pour la circonstance qu’elles n’appliquaient pas la règle du marché national et ne participaient pas à l’attribution de projets de grande envergure.

259    La Commission conteste les arguments des requérantes.

260    À cet égard, il convient de relever que la Commission a expliqué au considérant 1000 de la décision attaquée que, en substance, il n’y avait pas lieu de tenir compte du fait que les requérantes ne produisaient pas de câbles électriques sous-marins durant la période infractionnelle dans le cadre de la détermination de la proportion de la valeur des ventes à retenir pour celles-ci eu égard à la gravité de l’infraction, dès lors qu’il en avait déjà été tenu compte dans la détermination de la valeur des ventes de celles-ci.

261    En outre, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la seule jurisprudence invoquée par les requérantes en vue de contester cette appréciation est dépourvue de pertinence en l’espèce.

262    En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T‑208/06, EU:T:2011:701), le Tribunal a jugé que la requérante n’avait pas ou ne devait pas avoir connaissance des arrangements concernant d’autres produits. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 222 ci-dessus, en l’espèce, les requérantes avaient connaissance de l’existence d’arrangements concernant les câbles électriques sous-marins.

263    De même, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 2013, Zucchetti Rubinetteria/Commission (T‑396/10, EU:T:2013:446), les arrangements concernaient divers groupes de produits et différents producteurs. Là non plus, toutes les entreprises participantes n’avaient pas connaissance de tous les types d’arrangements et la participation de l’entreprise requérante se restreignait à un marché national.

264    Dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission (T‑208/06, EU:T:2011:701), et à l’arrêt du 16 septembre 2013, Zucchetti Rubinetteria/Commission (T‑396/10, EU:T:2013:446), il n’était pas possible d’imputer aux parties requérantes la responsabilité du comportement des autres participants à l’entente dans la mesure où elles n’en avaient pas connaissance. En l’espèce, au contraire, ainsi qu’il a été constaté au point 223 ci-dessus, les requérantes avaient pleinement connaissance de la portée des accords et pouvaient donc, à bon droit, être considérées responsables de l’ensemble de l’infraction.

265    Il s’ensuit que les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte, dans le cadre de la détermination de la proportion de la valeur des ventes à retenir pour elles eu égard à la gravité de l’infraction, de la circonstance qu’elles n’avaient pas fabriqué de câbles électriques sous-marins au cours de la période infractionnelle.

3)      Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

266    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir estimé que leur participation à la « configuration européenne de l’entente » et ainsi au deuxième « niveau d’allocation » de ladite entente présentait un degré de gravité plus élevé et imposait dès lors une augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes à retenir pour elles eu égard à la gravité de l’infraction. Selon elles, cela conduit à les sanctionner aussi lourdement, au motif qu’elles étaient prétendument informées des résultats des discussions dans le cadre de la « configuration A/R » de cette entente, que les entreprises qui ont participé de manière active auxdites configurations, qui ont conçu, coordonné et imposé l’ensemble de l’entente et qui ont également le plus profité des arrangements.

267    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

268    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, à chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, elle est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figure le principe d’égalité de traitement, tel qu’il est interprété par les juridictions de l’Union. Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 85 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

269    En l’espèce, au considérant 999 de la décision attaquée, la Commission a justifié une augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes à retenir eu égard à la gravité de l’infraction à l’égard de certaines entreprises participant à l’infraction par le fait que celles-ci avaient pris part à la « configuration européenne de l’entente » qui avait intensifié l’atteinte à la concurrence déjà causée par l’accord de répartition des marchés entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens. Il s’ensuit que le critère pris en compte par la Commission pour justifier cette augmentation était lié à la simple participation à la « configuration européenne de l’entente » et non au caractère plus ou moins actif de cette participation. Dès lors que, ainsi que cela a été constaté au point 233 ci-dessus, la Commission a imputé, à bon droit, aux requérantes la participation à l’infraction unique et continue, y compris à la « configuration européenne de l’entente », celles-ci ne sauraient valablement soutenir qu’elles ont fait l’objet d’un traitement moins favorable que les autres entreprises européennes qui ont participé à la même configuration et se sont vu appliquer la même augmentation.

270    Au demeurant, il importe de relever qu’il a été tenu compte du caractère plus ou moins actif de la participation à l’infraction des différentes entreprises destinataires de la décision attaquée au stade de l’appréciation des circonstances atténuantes. Les requérantes ont ainsi été classées dans le groupe des participants intermédiaires, alors que les entreprises ayant eu un rôle de leader dans la « configuration européenne de l’entente » et dans la « configuration A/R » de ladite entente, c’est-à-dire Nexans France, Pirelli et Prysmian, ont été classées dans le noyau dur de l’entente. En conséquence de cette différence de classement, la Commission a accordé aux requérantes une réduction du montant de l’amende de 5 %, alors qu’elle a exclu une telle réduction pour Nexans France, Pirelli et Prysmian. Il s’ensuit que les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en leur imposant la même augmentation de 2 % de la proportion de la valeur des ventes à retenir eu égard à la gravité de l’infraction qu’à Nexans France, à Pirelli et à Prysmian.

271    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du sixième moyen comme étant non fondée.

c)      Sur la fixation d’un coefficient de 4,91 pour la durée de la participation des requérantes à l’infraction

272    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir appliqué un coefficient de 4,91 pour la durée de leur participation à l’infraction qui ne tient pas compte de ce que celle-ci n’a pas démontré le début de leur participation à l’infraction avant le 3 juillet 2002 et du fait que leur participation à l’infraction a été interrompue, en particulier entre le 12 mai 2005 et le 8 décembre 2005. Selon elles, la Commission aurait dû, en conséquence, appliquer un coefficient de 3,79.

273    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

274    À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 213 ci-dessus, la Commission a correctement fixé le début de la participation des requérantes à l’infraction au 14 décembre 2001 et n’a pas commis d’erreur en considérant que leur participation avait été continue jusqu’au 16 novembre 2006.

275    Il convient, dès lors, de rejeter la troisième branche du sixième moyen comme étant non fondée.

d)      Sur le montant du droit d’entrée

276    Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir exposé de motif autonome quant au droit d’entrée invoqué au considérant 1013 de la décision attaquée et de s’être contentée de renvoyer aux considérants 998 à 1010 de ladite décision, relatifs au calcul du montant de base. Selon elles, la Commission aurait dû, en application des paragraphes 22 et 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, prendre en considération leur participation objective à tous les éléments de l’infraction ou leur connaissance subjective de ces éléments, voire d’une partie d’entre eux. Le droit d’entrée aurait dû, en conséquence, refléter le fait que les requérantes ne pouvaient pas être tenues pour responsables des accords relatifs aux câbles électriques sous-marins, aux marchés nationaux et aux projets de grande envergure.

277    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

278    À cet égard, il importe de rappeler que, aux termes du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 :

« […] indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. La Commission peut également appliquer un tel montant additionnel dans le cas d’autres infractions. En vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au [paragraphe] 22. »

279    Le paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prévoit ce qui suit :

« Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction. »

280    S’appuyant expressément sur le paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, au considérant 1013 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, pour déterminer le pourcentage spécifique à appliquer, il serait tenu compte des éléments visés aux considérants 998 à 1010 de ladite décision.

281    Or, il y a lieu de relever que les considérants 998 à 1002 de la décision attaquée sont relatifs à la nature de l’infraction, le considérant 1003 de ladite décision concerne la part de marché cumulée détenue par les participants à l’infraction, le considérant 1004 de cette décision concerne la portée géographique de l’infraction et les considérants 1005 à 1009 de la même décision portent sur sa mise en œuvre. Il importe de souligner que, au considérant 1008 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, ainsi qu’il ressortait du point 4.3.3 de la décision en question, toutes les entreprises avaient connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente ou auraient pu raisonnablement les prévoir et être prêtes à en accepter le risque.

282    En outre, au considérant 1014 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le pourcentage à appliquer pour le montant additionnel était de 17 % pour Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, Furukawa Electric, Fujikura, SWCC Showa Holdings, Mitsubishi Cable Industries, LS Cable & System et Taihan Electric Wire et de 19 % pour Nexans France, Prysmian, ABB, Brugg Kabel, Safran, Silec Cable, nkt cables et les entreprises tenues pour « conjointement et solidairement » responsables avec l’une ou l’autre de celles-ci.

283    Dès lors, pour autant que, par leur argumentation, les requérantes invoquent un défaut de motivation de la décision attaquée quant au droit d’entrée, force est de constater que celle-ci manque en fait, les requérantes étant en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a choisi de leur appliquer un droit d’entrée correspondant à 19 % de la valeur des ventes et le Tribunal étant en mesure de contrôler la légalité de la décision attaquée à cet égard.

284    Par ailleurs, pour autant que les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une erreur en ne tenant pas compte, dans le cadre de la détermination du droit d’entrée, de la circonstance qu’elles ne pouvaient pas être tenues pour responsables des accords sur les câbles électriques sous-marins, sur les marchés nationaux et sur les projets d’envergure, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 233 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a imputé aux requérantes la participation à l’infraction unique et continue.

285    Partant, la quatrième branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

e)      Sur les circonstances atténuantes

286    Les requérantes font grief à la Commission, premièrement, d’avoir commis une erreur en les classant parmi les participants intermédiaires à l’entente et en leur attribuant, en conséquence, une réduction du montant de l’amende de 5 %, alors que le rôle passif qu’elles ont tenu dans l’entente, démontré par leur attitude perturbatrice et les tentatives de les discipliner, justifiait de les classer dans les participants marginaux à l’entente et de leur attribuer, en conséquence, une réduction du montant de l’amende de 10 %. Deuxièmement, elles soutiennent que cette situation constitue une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité dans la mesure où elles ont eu un rôle comparable à celui de nkt cables, que la Commission a classée parmi les participants marginaux à l’entente et à laquelle la Commission a accordé, en conséquence, une réduction du montant de l’amende de 10 %. Troisièmement, elles font valoir que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte, au titre des circonstances atténuantes, du fait que, dans le cas d’une infraction unique et continue, l’entreprise concernée se voit imputer, outre son propre comportement, des comportements infractionnels qui ne sont pas de son fait. Selon elles, dans le cas d’une infraction unique et continue, les faits ayant contribué à l’infraction devraient être pris en considération particulièrement au niveau de la modulation du montant de base de l’amende. Quatrièmement, elles soutiennent qu’elles auraient dû, en outre, bénéficier d’une réduction supplémentaire du montant de l’amende de 1 %, à l’instar de Mitsubishi Cable Industries et de SWCC Showa Holdings, pour la période précédant la constitution d’Exsym, de LS Cable & System et de Taihan Electric Wire, pour leur absence de connaissance de certains aspects de l’infraction et, partant, de responsabilité à leur égard, en particulier concernant les câbles électriques sous-marins et les projets de grande envergure.

287    La Commission conteste l’ensemble des arguments des requérantes.

288    À cet égard, premièrement, s’agissant du classement des requérantes en tant que participants intermédiaires de l’entente, il y a lieu de relever que c’est en vain que les requérantes tentent de faire valoir qu’elles ont eu un rôle passif dans l’entente.

289    En effet, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort à juste titre du considérant 572 de la décision attaquée, si les requérantes n’étaient pas impliquées dans l’établissement de l’entente et qu’elles n’ont assisté à aucune réunion A/R, leurs employés ont assisté à au moins 17 réunions anticoncurrentielles avec des membres R de ladite entente de décembre 2001 à novembre 2006.

290    Il convient d’ailleurs de rappeler qu’il a déjà été constaté, au point 175 ci-dessus, que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, les éléments de preuve rassemblés par la Commission étaient suffisants pour établir qu’elles avaient participé le 14 décembre 2001 à Divonne-les-Bains à une première réunion des membres R de l’entente.

291    En outre, il ressort des éléments de preuve rassemblés par la Commission que les requérantes ont tenté d’organiser une réunion R en avril 2002.

292    En effet, dans un courriel du 9 avril 2002 intitulé « Meeting in the area of BRUGG » (réunion dans la région de Brugg), M. N. a indiqué ce qui suit :

« C’est pour confirmer l’invitation à Brugg pour la prochaine réunion. Nous avons fait une réservation pour la réunion et pour le déjeuner dans un lieu privé à proximité […] le jeudi 25 avril 2002

Max. 20 personnes […]

Merci de m’informer de l’identité et du nombre de personnes qui arriveront la veille.

Merci de transmettre l’invitation aux autres participants et de reconfirmer la date et la réunion […] »

293    Or, il convient de relever que le courriel du 9 avril 2002 est adressé par M. N. à M. J., auquel il demande de transmettre l’information aux autres participants à la réunion, plutôt que de le faire lui-même. De la même façon, M. N. demande à M. J. de lui confirmer combien de personnes arriveront le jour précédant la réunion. Il apparaît donc que M. N. s’adresse à M. J. en qualité de coordinateur de la réunion. Or, il n’est pas contesté que M. J. a précisément occupé la fonction de coordonnateur des membres R de l’entente. En outre, force est de constater que les requérantes ne contestent pas les affirmations de la Commission relatives au contenu de ce courriel dans leurs écritures.

294    De plus, les requérantes admettent elles-mêmes dans leurs écritures avoir pris en charge l’organisation matérielle d’une réunion des membres R de l’entente le 3 juin 2002. Certes, ainsi que les requérantes le font valoir, le fait d’organiser matériellement de telles réunions n’est pas, en soi, le signe qu’elles exerçaient un rôle semblable à celui d’un coordinateur de l’entente. Il est d’ailleurs constant que ce rôle, qui impliquait, par exemple, la convocation des réunions, la proposition d’un ordre du jour ou la distribution de documents préparatoires, était en l’espèce assumé par M. J. Toutefois, il convient de relever que l’organisation matérielle d’une réunion R implique nécessairement de la part de celui qui la prend en charge une volonté de contribuer activement au fonctionnement de l’entente.

295    Par ailleurs, c’est également en vain que les requérantes allèguent que le rôle passif qu’elles ont joué dans l’infraction est démontré par leurs nombreux manquements à la discipline de l’entente.

296    En effet, compte tenu des très nombreux exemples non contestés de mise en œuvre de l’entente par les requérantes cités au considérant 493 de la décision attaquée, la circonstance que, dans certains cas, les requérantes n’ont pas respecté les règles de fonctionnement de l’entente en refusant de respecter la règle du marché national au sein de la configuration européenne ou en ne respectant pas la préférence préétablie concernant des projets à réaliser dans les « territoires d’exportation » ne suffit pas pour infirmer la constatation selon laquelle les accords ont été mis en œuvre par les requérantes. Ainsi que le relève justement la Commission, cela est d’autant plus vrai qu’une certaine instabilité est inhérente à la nature même des ententes, ce qui fait qu’une défection occasionnelle de certains membres et les représailles qu’elle entraîne au sein de la « configuration européenne de l’entente » sont typiques d’une telle répartition du marché. Pendant la période d’infraction qui leur est imputée, les requérantes ont en principe respecté en permanence les modalités convenues, ce que M. N. a confirmé dans le courriel du 24 janvier 2006 adressé à M. J. cité aux points 195 et 196 ci-dessus. De ce fait, les éléments de preuve cités par les requérantes, portant sur d’éventuelles mesures destinées à les discipliner, ne sauraient servir à prouver qu’elles ont tenu un rôle passif.

297    Dès lors, force est de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en classant les requérantes parmi les participants intermédiaires de l’infraction.

298    Partant, l’argument des requérantes selon lequel elles se trouvaient, s’agissant de la participation à l’entente, dans la même situation que nkt cables doit être rejeté comme inopérant. En effet, un tel argument, à le supposer fondé, serait de nature à justifier une augmentation du montant de l’amende imposée à nkt cables. En revanche, une telle circonstance est dépourvue de pertinence quant à l’octroi d’une réduction du montant de l’amende imposée aux requérantes au titre des circonstances atténuantes, dès lors que le principe d’égalité de traitement ne saurait fonder aucun droit à l’application non discriminatoire d’un traitement illégal (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 479).

299    Deuxièmement, s’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la réduction supplémentaire du montant de l’amende de 1 %, il suffit de constater que l’affirmation des requérantes selon laquelle elles auraient dû bénéficier d’une telle réduction au motif qu’elles n’avaient pas connaissance des accords concernant les câbles électriques sous-marins et qu’elles ne pouvaient pas prendre part à l’attribution de projets de grande envergure repose, ainsi que cela a déjà été constaté aux points 219, 220 et 222 ci-dessus, sur une prémisse erronée.

300    Troisièmement, s’agissant du grief pris de ce que la Commission aurait dû tenir compte dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes de la nature unique et continue de l’infraction, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la notion d’infraction unique et continue n’impose pas, en soi, une réduction du montant de l’amende. Ainsi qu’il a été constaté au point 297 ci-dessus, la Commission, eu égard aux éléments de fait en sa possession, a correctement apprécié la contribution des requérantes à la mise en œuvre de l’entente en les classant dans la catégorie intermédiaire, d’une part. D’autre part, la valeur des ventes fait ressortir l’importance économique des requérantes, et cela en tenant compte seulement des câbles électriques que celles-ci produisent. La prise en compte d’agissements des autres participants à l’entente ne saurait justifier une réduction supplémentaire du montant de l’amende, puisqu’ils sont en concordance avec le mode d’organisation de l’entente mis au point par les participants, fondé sur la division du travail, surveillé de façon continue et stricte.

301    Il découle de ce qui précède que c’est sans violer le principe d’égalité de traitement ni commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a classé les requérantes parmi les participants intermédiaires à l’entente et leur a accordé, en conséquence, une réduction du montant de l’amende de 5 %.

302    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la cinquième branche du sixième moyen comme non fondée ainsi que, partant, ce dernier dans son ensemble.

303    L’examen des moyens présentés par les requérantes n’ayant révélé aucune illégalité affectant la décision attaquée, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur totalité.

B.      Sur les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende infligée

304    Avant d’examiner les conclusions des requérantes visant à obtenir une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, il convient de rappeler que le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée. Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, points 130 et 131).

305    Les requérantes demandent la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée pour les motifs mentionnés dans le cadre du sixième moyen. Or, d’une part, le sixième moyen soulevé par les requérantes à l’appui de leurs conclusions en annulation a été rejeté et, d’autre part, il n’y a pas d’éléments qui seraient, en l’espèce, de nature à justifier une réduction du montant de cette amende. Il s’ensuit que les conclusions visant à la réduction dudit montant doivent être rejetées.

306    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

307    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brugg Kabel AG et Kabelwerke Brugg AG Holding sont condamnées aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Requérantes et secteur concerné

B. Procédure administrative

C. Décision attaquée

1. Infraction en cause

2. Responsabilité des requérantes

3. Amende infligée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de violations des droits de la défense et du droit à un procès équitable

a) Sur la notification en anglais des demandes d’informations et de la communication des griefs

b) Sur le refus de la Commission de donner accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs

2. Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour réprimer une infraction commise dans des États tiers et dépourvue d’incidence dans l’EEE

3. Sur le troisième moyen et le quatrième moyen, tirés d’une erreur d’appréciation, d’une violation du droit à la présomption d’innocence, d’erreurs de fait, de la dénaturation d’éléments de preuve et d’une violation de l’obligation de motivation concernant la prétendue participation des requérantes à une infraction unique et continue

a) Considérations liminaires

b) Sur le caractère unique de l’infraction

c) Sur la durée de la participation des requérantes à l’infraction

1) Sur le début de la participation des requérantes à l’entente

2) Sur le caractère ininterrompu de la participation des requérantes à l’infraction

d) Sur l’intention des requérantes de contribuer à l’ensemble des objectifs de l’entente et leur connaissance de certains comportements infractionnels

e) Sur la preuve que les requérantes avaient connaissance des accords relatifs aux différents projets de câbles électriques

f) Sur la motivation de la décision attaquée concernant l’identité des projets de câbles électriques en cause

4. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE

5. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, de violations des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et ne bis in idem, d’une violation de l’obligation de motivation, de plusieurs erreurs d’appréciation et d’un détournement de pouvoir en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes

a) Sur le choix de l’année 2004 comme année de référence de la valeur des ventes pour le calcul du montant de base de l’amende

b) Sur l’appréciation de la gravité de l’infraction

1) Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation concernant la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction

2) Sur la prétendue erreur résultant de la non-prise en compte de ce que les requérantes ne fabriquaient pas de câbles électriques sous-marins durant la période infractionnelle dans le cadre de la détermination de la proportion de la valeur des ventes retenue eu égard à la gravité de l’infraction

3) Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

c) Sur la fixation d’un coefficient de 4,91 pour la durée de la participation des requérantes à l’infraction

d) Sur le montant du droit d’entrée

e) Sur les circonstances atténuantes

B. Sur les conclusions visant à la réduction du montant de l’amende infligée

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.