Language of document : ECLI:EU:C:2020:227

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

26 mars 2020 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en carence, en indemnité et en annulation – Libre circulation des travailleurs – Liberté professionnelle – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑860/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 novembre 2019,

Nathaniel Magnan, demeurant à Aix-en-Provence (France), représenté par Me J. Fayolle, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. L. Bay Larsen et N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Nathaniel Magnan demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne, du 25 septembre 2019, Magnan/Commission (T‑99/19, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:693), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, premièrement, sur le fondement de l’article 265 TFUE, à faire constater que la Commission européenne s’est illégalement abstenue d’adopter des mesures à l’encontre de la Confédération suisse à la suite d’une prétendue violation de l’accord conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’« ALCP »), deuxièmement, sur le fondement de l’article 263 TFUE, à l’annulation de la décision de la Commission refusant d’adopter des mesures à l’encontre de la Confédération suisse, contenue dans le courrier du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), du 20 décembre 2018, et, troisièmement, sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE, à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait subi depuis l’année 2013, en raison de la violation de l’ALCP par la Confédération suisse, et au versement d’une astreinte.

 Les antécédents du litige

2        M. Magnan est un médecin généraliste de nationalité française.

3        Le 20 juillet 2013, il a demandé aux autorités cantonales de Genève (Suisse) l’autorisation de pouvoir exercer sa profession dans ce canton.

4        Par deux arrêtés du 1er octobre 2013, les autorités cantonales de Genève ont autorisé le requérant à exercer sa profession sous sa propre responsabilité, mais ne l’ont pas autorisé à l’exercer à la charge de l’assurance-maladie obligatoire. Ce dernier arrêté (ci-après l’« arrêté litigieux ») est fondé sur l’article 55a de la loi fédérale suisse du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie, dit « clause de besoin », et sur l’ordonnance du Conseil fédéral suisse, du 3 juillet 2013, sur la limitation de l’admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie obligatoire.

5        Le 15 novembre 2013, le requérant a introduit un recours contre l’arrêté litigieux devant le Tribunal administratif fédéral suisse. Par arrêt du 19 mars 2018, cette juridiction a rejeté ce recours sur le fond. Elle a considéré, en particulier, que, à supposer que la clause de besoin instaurât une discrimination indirecte à l’égard des médecins ressortissants des États membres, elle était justifiée par des motifs de santé publique, conformément à la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne. Par ailleurs, elle a indiqué que les décisions en matière d’assurance maladie rendues par elle ne pouvant être attaquées devant le Tribunal fédéral, son arrêt était définitif.

6        Au mois de mai 2018, le requérant a informé la Commission de cette situation. L’administrateur compétent de la Commission (au sein de l’unité E5 « Qualifications professionnelles et compétences » de la direction générale (DG) « Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME ») a répondu au requérant par courriels des 30 mai et 7 juin 2018. Il lui a indiqué que la Commission était informée de la situation en Suisse et qu’elle l’examinait en collaboration avec les autorités suisses afin de trouver une solution, raison pour laquelle il n’était pas en mesure de lui communiquer la position officielle de la Commission concernant l’arrêt du Tribunal administratif fédéral suisse du 19 mars 2018.

7        Le 22 octobre 2018, le requérant a adressé à la Commission un courrier de mise en demeure, par lequel il lui a demandé de « prendre toutes les mesures juridiques permises » par l’ALCP, à l’encontre de la Confédération suisse, en vue de faire cesser immédiatement la discrimination exercée à l’égard des médecins ressortissants de l’Union, ainsi que de réparer le préjudice économique qu’il a subi depuis l’année 2013, et qui s’élève à un montant de 1 281 444 francs suisses (CHF) (environ 1 121 650 euros).

8        Dans sa réponse au requérant, du 20 décembre 2018, le SEAE assurait ce dernier que ce service et la Commission mettaient tout en œuvre pour garantir une application correcte de l’ALCP et le respect des droits des citoyens de l’Union en Suisse. Il y affirmait que la question de la restriction de l’accès des médecins au marché du travail en Suisse, et en particulier dans le canton de Genève, faisait l’objet de discussions continues avec les autorités suisses depuis l’année 2013, mais que ces dernières et les autorités de l’Union avaient des points de vue divergents au sujet de l’interprétation de l’ALCP et de l’appréciation juridique de la clause de besoin.

9        Le SEAE précisait que, en l’absence de mécanisme de règlement des différends, les autorités de l’Union n’avaient pas les moyens de favoriser une solution faute d’accord entre les parties et que, conscientes de cette lacune, elles avaient demandé aux autorités suisses de négocier un accord-cadre institutionnel permettant de recourir à l’arbitrage et à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour les questions relatives aux notions du droit de l’Union, afin de garantir une interprétation uniforme des accords passés avec la Confédération suisse et de garantir des droits et des obligations identiques. Il ajoutait que les autorités de l’Union suivaient avec attention le processus d’élaboration d’une nouvelle loi par les autorités suisses, visant à remplacer la clause de besoin.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2019, le requérant a formé un recours tendant à obtenir le constat d’une inaction de la Commission, l’annulation de la décision de refus de celle-ci d’adopter des mesures à l’encontre de la Confédération suisse et la réparation du préjudice économique qu’il aurait subi, ainsi que le versement d’une astreinte.

11      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, conformément à l’article 126 de son règlement de procédure, rejeté ce recours comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement dénué de tout fondement en droit.

12      En premier lieu, s’agissant des conclusions en carence, le Tribunal a consacré les points 18 à 67 de l’ordonnance attaquée à l’examen de celles-ci.

13      Ainsi, dans un premier temps, aux points 23 à 47 de ladite ordonnance, le Tribunal a analysé la recevabilité des conclusions en carence de la requête, considérant, au point 36, lu en combinaison avec le point 38 de l’ordonnance attaquée, que celles-ci étaient manifestement irrecevables, dès lors que la situation du requérant ne correspondait à aucune des hypothèses dans lesquelles le droit d’introduire un recours en carence est ouvert aux personnes physiques et morales.

14      Dans un second temps, aux points 48 à 67 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a examiné, à titre surabondant, le bien-fondé de ces conclusions. À cet égard, au point 67 de l’ordonnance attaquée, lu en combinaison avec son point 49, il a conclu que, même si les conclusions en carence de la requête étaient recevables, elles ne pourraient, en tout état de cause, qu’être rejetées comme étant manifestement dépourvues de tout fondement en droit, dans la mesure où il n’existe pas, en l’espèce, d’obligation pour la Commission d’adopter des mesures unilatérales à l’égard de la Confédération suisse dans le cas où cette dernière méconnaîtrait l’ALCP.

15      En ce qui concerne les conclusions tendant à engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union en raison de la prétendue inaction fautive de la Commission, le Tribunal a consacré les points 68 à 83 de l’ordonnance attaquée à l’examen de celles-ci.

16      D’une part, aux points 73 et 75 de cette ordonnance, le Tribunal a déclaré comme étant manifestement irrecevables et, en tout état de cause, manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions du requérant aux fins d’astreinte en raison du préjudice qu’il continuerait à subir tant que l’application de la clause de besoin sera maintenue à son égard, dès lors que le préjudice allégué ne saurait être considéré comme étant réel et certain, au sens de la jurisprudence constante.

17      D’autre part, au point 83 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a déclaré comme étant manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions tendant à la condamnation de l’Union à la réparation du préjudice qu’aurait subi le requérant depuis l’année 2013. En particulier, il a considéré que, même dans l’hypothèse où la Commission aurait manqué à ses obligations en n’adoptant pas de mesures à l’encontre de la Confédération suisse, ce manquement ne saurait être considéré comme constituant une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, dans la mesure où ni le droit international ni le droit de l’Union n’associent les particuliers au processus décisionnel relatif à la mise en œuvre de l’ALCP.

18      En second lieu, s’agissant des conclusions en annulation du courrier du SEAE, rappelé au point 8 de la présente ordonnance, le Tribunal a considéré, au point 89 de l’ordonnance attaquée, que ces conclusions étaient manifestement irrecevables en raison de l’absence d’affectation directe dans le chef du requérant. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires résultant du refus allégué à agir contenu dans ledit courrier, le Tribunal a, au point 92 de l’ordonnance attaquée, déclaré celles-ci manifestement dépourvues de tout fondement en droit, dès lors que, même à supposer que ce courrier contienne un tel refus, il ne saurait être considéré comme constituant une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

 Les conclusions du requérant devant la Cour

19      Le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et

–        de faire droit aux conclusions présentées dans sa requête en première instance.

 Sur le pourvoi

20      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.

21      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

22      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque neuf moyens, tirés, le premier, de la méconnaissance de son attente légitime, le deuxième, de la méconnaissance de l’étendue de la compétence du Tribunal pour protéger le principe d’effectivité du droit européen, le troisième, de la méconnaissance de l’étendue de la compétence du Tribunal pour protéger les droits fondamentaux, le quatrième, de la violation de la portée du principe de confiance légitime, le cinquième, d’une erreur de droit dans l’application du principe de sécurité juridique, le sixième, de la violation du principe de protection juridictionnelle effective, le septième, de la violation de l’obligation de faire respecter l’ordre public international, le huitième, de la méconnaissance de l’étendue de la compétence du Tribunal sur le respect de l’ordre juridique de l’Union, et, le neuvième, de la non-reconnaissance de la responsabilité sans faute de l’Union.

23      Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les deuxième à quatrième et huitième moyens conjointement, puis, dans un second temps, les autres moyens soulevés à l’appui du pourvoi.

 Sur les deuxième à quatrième et huitième moyens

 Argumentation du requérant

24      D’une part, par ses deuxième, troisième et huitième moyens du pourvoi, le requérant fait valoir que, en déclarant son recours irrecevable, le Tribunal a méconnu l’étendue de sa compétence, notamment en ce qui concerne la protection du principe d’effectivité du droit européen et la protection des droits fondamentaux, ainsi que le respect de l’ordre juridique de l’Union.

25      D’autre part, par son quatrième moyen, le requérant soutient que la demande par laquelle il a invité la Commission à agir comportait une demande de protection légitime fondée sur les dispositions des traités de l’Union européenne et que, par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant son recours irrecevable.

 Appréciation de la Cour

26      Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi (voir, notamment, ordonnance du 19 septembre 2019, Renew Consorzio Energie Rinnovabili/Commission et Italie, C‑325/19 P, non publiée, EU:C:2019:768, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

27      Ainsi, les éléments du pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée ne répondent pas à cette exigence et doivent être écartés comme étant manifestement irrecevables (ordonnance du 18 octobre 2018, Alex/Commission, C‑696/17 P, non publiée, EU:C:2018:848, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 19 septembre 2019, Renew Consorzio Energie Rinnovabili/Commission et Italie, C‑325/19 P, non publiée, EU:C:2019:768, point 20).

28      De même, doivent être écartés comme étant manifestement irrecevables les arguments difficilement compréhensibles et confus, dès lors qu’ils ne permettent pas à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe et d’effectuer son contrôle de la légalité (ordonnance du 24 novembre 2016, Petraitis/Commission, C‑137/16 P, non publiée, EU:C:2016:904, point 18 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 19 septembre 2019, Renew Consorzio Energie Rinnovabili/Commission et Italie, C‑325/19 P, non publiée, EU:C:2019:768, point 21).

29      Enfin, lorsque, comme en l’espèce, le Tribunal a rejeté un recours comportant plusieurs demandes, il incombe au requérant, dans le cadre du pourvoi, d’identifier clairement les réponses du Tribunal à ces demandes, qui font l’objet du pourvoi. En effet, il n’appartient pas à la Cour de contrôler d’office les décisions du Tribunal, à défaut de quoi elle statuerait ultra petita (ordonnance du 2 octobre 2019, Comprojecto-Projectos e Construções e.a., C‑251/19 P, non publiée, EU:C:2019:813, point 26).

30      En l’occurrence, s’agissant des deuxième à quatrième et huitième moyens, force est de constater qu’une grande partie du pourvoi est confuse et se limite à des affirmations générales qui visent à critiquer le fait que le Tribunal a déclaré le recours irrecevable.

31      En effet, le requérant fait référence à une multitude de jurisprudence et de dispositions de droit de l’Union pour conclure que le Tribunal a méconnu l’étendue de sa compétence, notamment en ce qui concerne la protection du « principe d’effectivité du droit européen », la « protection légitime des droits fondamentaux » et le « respect de l’ordonnancement juridique de l’Union ».

32      Toutefois, il y a lieu de relever que le requérant, à l’exception du troisième moyen, ne cite aucun point de l’ordonnance attaquée, ni n’en précise les points qu’il conteste. Par ailleurs, le manque de clarté et d’argumentation juridique cohérente de ces moyens ne permet pas de comprendre, avec la certitude requise, si le requérant conteste le rejet, pour irrecevabilité, de la demande en carence et/ou de la demande en annulation et/ou de la demande en indemnité.

33      Dans ces conditions, les deuxième à quatrième et huitième moyens doivent être rejetés comme étant manifestement irrecevables.

 Sur le premier moyen

 Argumentation du requérant

34      Par le premier moyen du pourvoi, tiré d’une violation des attentes légitimes du requérant, celui-ci fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant une double inaction fautive de la part de la Commission.

35      Premièrement, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir soulevé l’absence de prise de position de la Commission à la suite de son courrier du 22 octobre 2018. Selon le requérant, cette seule carence rendait son recours recevable, dans la mesure où il était en droit d’attendre de la Commission, en sa qualité de gardienne des traités, une prise de position sur sa demande d’agir. Le requérant fait valoir, à cet égard, que la Commission elle-même a reconnu ne pas lui avoir donné une réponse. Dans ce contexte, l’absence de manifestation de la part de la Commission constituerait un préjudice autonome qui, à lui seul, nécessiterait réparation.

36      Deuxièmement, le requérant soutient que, en tant que citoyen de l’Union, il pouvait prétendre de la Commission, à laquelle il en avait fait la demande, qu’elle protège ses droits issus des traités. Il estime, en outre, que sa situation juridique a été modifiée, contrairement à ce que le Tribunal a conclu, aux points 28 et 29 de l’ordonnance attaquée. Il soutient que la carence de la Commission a créé à son égard une perte de chance de modifier sa situation professionnelle. Pour les raisons exposées, selon lui, les arguments du Tribunal tirés de l’irrecevabilité de son recours seraient inopérants.

 Appréciation de la Cour

37      Le requérant reproche au Tribunal d’avoir, dans l’ordonnance attaquée, déclaré irrecevables ses conclusions en carence.

38      S’agissant, premièrement, de la prétendue méconnaissance des attentes légitimes du requérant, du fait de ne pas avoir soulevé, dans l’ordonnance attaquée, l’absence de prise de position de la Commission à la suite de son courrier du 22 octobre 2018, force est de constater que le Tribunal, au point 42 de l’ordonnance attaquée, a relevé que l’absence de prise de position de la Commission concernant la demande du requérant d’adopter des mesures unilatérales à l’encontre de la Confédération suisse ne pouvait lui ouvrir, en tout état de cause, le droit d’introduire un recours en carence sur le fondement de l’article 265 TFUE. Cette argumentation doit, dès lors, être écartée comme étant manifestement non fondée.

39      En ce qui concerne, deuxièmement, l’argument du requérant selon lequel il pouvait prétendre que la Commission protège ses droits issus des traités, il convient de relever que, au point 28 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté à juste titre que le requérant n’était pas le destinataire des mesures qu’il a invité la Commission à adopter dans son courrier du 22 octobre 2018. En effet, il ressort de l’ordonnance attaquée que, dans ledit courrier, le requérant avait demandé de manière générale à la Commission de « prendre toutes les mesures juridiques permises par l’ALCP à l’encontre de la Confédération suisse ». Partant, cette argumentation doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

40      Par ailleurs, aux points 29 et 30 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, à bon droit, relevé que lesdites mesures n’étaient pas, par elles-mêmes, de nature à modifier de manière caractérisée la situation juridique du requérant au regard de son droit d’exercer la profession de médecin à Genève. En effet, la demande desdites mesures ne saurait être considérée comme le préalable nécessaire d’une procédure susceptible de déboucher sur un acte produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard du requérant. Par conséquent, le requérant ne saurait se prévaloir du fait que la prétendue carence de la Commission a créé à son égard une perte de chance de modifier sa situation professionnelle. Dans ces conditions, les arguments du requérant doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.

41      Le premier moyen du pourvoi doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur les cinquième et sixième moyens

 Argumentation du requérant

42      Par son cinquième moyen du pourvoi, le requérant fait valoir que, aux points 58, 59 et 62 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a justifié erronément l’absence de sécurité juridique du système mis en place par l’ALCP en raison de ce que ce dernier ne permet pas d’assurer une telle sécurité des normes européennes à l’égard de l’ALCP. Selon lui, l’impossibilité pour le Tribunal de protéger les normes européennes dénature sa fonction de juridiction de l’Union ainsi que les traités constitutifs et les principes fondamentaux du droit.

43      En ce qui concerne le sixième moyen du pourvoi, le requérant fait valoir que le contrôle juridictionnel du Tribunal sur les institutions doit être réel et effectif. Il conteste le fait que, au point 34 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal ne précise pas l’étendue de ce contrôle ni son fondement juridique. Par ailleurs, le requérant estime que le Tribunal a commis une erreur en considérant, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que le requérant ne saurait exiger de la Commission qu’elle adopte des mesures à l’encontre de la Confédération suisse. En outre, il conteste l’affirmation du Tribunal, au point 54 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation aux fins du règlement des différends concernant l’interprétation de l’ALCP et son application. À cet égard, selon lui, le Tribunal aurait dû se borner à réaliser un contrôle juridictionnel minimal et à constater l’inaction fautive de la Commission.

 Appréciation de la Cour

44      S’agissant du cinquième moyen, il y a lieu de relever que le Tribunal n’a pas justifié l’absence de sécurité juridique du système mis en place par l’ALCP, mais s’est borné à constater, aux points 60 et 62 de l’ordonnance attaquée, qu’il n’existe actuellement aucune disposition qui oblige ou habilite la Commission à adopter elle-même des mesures à l’encontre de la Confédération suisse, le seul moyen légal pour préserver les droits que les citoyens tirent de l’ALCP sur le territoire suisse étant, ainsi que cela ressort clairement et sans équivoque des dispositions de l’ACLP, celui de soumettre au comité mixte toute question relative à la conformité à cet accord des dispositions de droit suisse et des mesures administratives prises en application de ce droit. L’argument du requérant est, par conséquent, manifestement non fondé.

45      Quant à l’argument du requérant selon lequel une telle constatation impliquerait la reconnaissance de la part du Tribunal de l’impossibilité de protéger les normes européennes, dénaturant ainsi sa fonction de juridiction de l’Union, il doit être écarté en tant que moyen nouveau. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant cette dernière doit être écarté comme étant irrecevable. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est en effet limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. Or, permettre à une partie de soulever dans ce cadre un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 109 et jurisprudence citée).

46      En ce qui concerne le sixième moyen du pourvoi, il ressort de l’argumentation du requérant que celui-ci tend à faire valoir, tout d’abord, que, au point 34 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a reconnu son contrôle juridictionnel, mais qu’il ne précise pas l’étendue de ce contrôle. Or, le requérant se borne à constater qu’il est dans l’impossibilité d’apporter une réponse à cette affirmation car celle-ci serait déclarative. Cette argumentation est dépourvue de pertinence et doit donc être rejetée comme étant manifestement non fondée.

47      Par ailleurs, l’argument du requérant relatif à l’erreur que le Tribunal aurait commise, au point 35 de l’ordonnance attaquée, en considérant que le requérant ne pouvait exiger de la Commission qu’elle adopte des mesures à l’encontre de la Confédération suisse, ne saurait prospérer. En effet, le requérant ne fournissant aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché le point 35 de l’ordonnance attaquée, son grief est manifestement irrecevable.

48      Enfin, s’agissant de l’argument relatif à l’erreur commise par le Tribunal du fait que, au point 54 de l’ordonnance attaquée, il aurait dû effectuer un contrôle juridictionnel minimal et constater l’inaction fautive de la Commission, il est manifestement inopérant, dans la mesure où il n’est pas de nature à modifier les conclusions retenues par le Tribunal au point 54 de l’ordonnance attaquée. En effet, l’argumentation du requérant ne saurait remettre en cause que les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation aux fins du règlement des différends concernant l’interprétation de l’ALCP et son application.

49      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les cinquième et sixième moyens du pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevables, en partie manifestement inopérants et, en partie, manifestement non fondés.

 Sur le septième moyen

 Argumentation du requérant

50      S’agissant du septième moyen du pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 65 de l’ordonnance attaquée, que le requérant n’avait pas établi « qu’il n’existe pas d’accès à un tribunal indépendant en vue de faire trancher les litiges qui l’opposent [...] aux autorités suisses concernant son droit d’exercer la profession de médecin dans le canton de Genève ».

51      À cet égard, le requérant souligne, d’une part, que le jugement du Tribunal administratif fédéral suisse a l’autorité de chose jugée, ne pouvant dès lors pas être contesté en appel ou en pourvoi devant la Cour suprême, et, d’autre part, qu’il a introduit son recours en tant qu’employeur et qu’une décision favorable dans un éventuel pourvoi ne changerait pas sa situation. Enfin, il conclut, en substance, que le Tribunal, en constatant, au point 43 de l’ordonnance attaquée, l’absence d’accès à un juge ou à un arbitrage international, a méconnu sa compétence de soulever l’exception d’ordre public international et de le protéger du risque de déni de justice.

 Appréciation de la Cour

52      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que les arguments formulés par le requérant dans le cadre du présent moyen ne sauraient remettre en cause la constatation du Tribunal, au point 65 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle l’arrêt du Tribunal arbitral des assurances du canton de Genève, du 3 juillet 2019, peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral suisse. En effet, dans la mesure où cette argumentation tend, non pas à démontrer une quelconque erreur de droit commise par le Tribunal, mais à contester certaines appréciations factuelles de celui-ci portant sur le système judiciaire suisse, sans que soit alléguée une quelconque dénaturation des éléments soumis au Tribunal, celle-ci doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.

53      En outre, les considérations relatives à la méconnaissance du Tribunal de sa compétence pour soulever l’exception d’ordre public international et de protéger le requérant du risque de déni de justice du fait que, au point 43 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que l’absence de tout mécanisme prévu par l’ALCP permettant au requérant de saisir un juge supranational ou un juge compétent en matière de droit de l’Union ne saurait être contraire au principe de protection juridictionnelle effective, doivent être rejetées comme étant manifestement non fondées. En effet, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, audit point, que le principe de protection juridictionnelle effective ne saurait justifier que le juge de l’Union excède les compétences qui lui sont dévolues dans le seul but de pallier cette absence.

54      Il s’ensuit que le septième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur le neuvième moyen

 Argumentation du requérant

55      En ce qui concerne le neuvième moyen du pourvoi, tiré de la non-reconnaissance de la responsabilité sans faute de l’Union, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 82 de l’ordonnance attaquée, que le droit de l’Union ne prévoit pas, dans son état actuel, de régime permettant la mise en cause de la responsabilité de l’Union en l’absence d’un comportement illégal d’un organe de cette dernière. À cet égard, le requérant affirme que, bien au contraire, il existe un régime permettant la mise en cause de la responsabilité sans faute de l’Union et que ce régime devrait être appliqué au cas d’espèce.

56      Par ailleurs, le requérant soutient que le Tribunal, lors de la citation de l’arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476), au point 82 de l’ordonnance attaquée, a omis de faire référence aux points 182 à 184 de cet arrêt, lesquels, selon lui, mettent en exergue que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux dont la Cour assure le respect.

 Appréciation de la Cour

57      Force est de constater, d’une part, que le requérant n’explique pas le régime qui, selon lui, permettrait la mise en cause de la responsabilité de l’Union en l’absence d’un comportement illégal. En effet, le requérant se borne à faire référence à plusieurs dispositions du droit de l’Union sans expliquer de quelle manière ces dispositions démontreraient la prétendue erreur commise par le Tribunal au point 82 de l’ordonnance attaquée. Dès lors, il y a lieu de rejeter cette argumentation comme étant manifestement irrecevable.

58      D’autre part, il convient de noter que les points 182 à 184 de l’arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476), auxquels le Tribunal n’aurait pas fait référence, manquent de pertinence aux fins d’une réponse à la question suscitée dans l’ordonnance attaquée. En effet, le fait que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux dont la Cour assure le respect, ainsi qu’il ressort desdits points, ne saurait remettre en cause les considérations exposées au point 82 de l’ordonnance attaquée, selon lesquelles le droit de l’Union ne prévoit pas, dans son état actuel, de régime permettant la mise en cause de la responsabilité sans faute de l’Union. Dès lors, cette argumentation doit être écartée comme étant manifestement inopérante.

59      Le neuvième moyen du pourvoi doit donc être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement inopérant.

60      Aucun des moyens du pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter celui-ci comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. Nathaniel Magnan supporte ses propres dépens.


Fait à Luxembourg, le 26 mars 2020.

Le greffier

Le président de la VIème chambre

A. Calot Escobar

 

M. Safjan


*      Langue de procédure : le français.