Language of document : ECLI:EU:F:2009:169

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

15 décembre 2009 *(1)

«Fonction publique – Fonctionnaires – Recours irrecevable – Tardiveté»

Dans l’affaire F‑8/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Svetoslav Apostolov, demeurant à Saarwelligen (Allemagne), représenté par Me D. Schneider-Addae-Mensah, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, H. Kreppel et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 juillet 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 juillet suivant), M. Apostolov demande notamment l’annulation de la décision, contenue dans une lettre du 21 octobre 2008 (ci-après la «décision litigieuse»), par laquelle l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a rejeté sa réclamation dirigée contre la décision de l’EPSO, du 25 avril 2008, lui indiquant que les notes qu’il avait obtenues aux tests de sélection dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST27/4/7 étaient insuffisantes pour permettre son inscription dans la base de données des candidats sélectionnés.

2        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 1er septembre 2009, la Commission des Communautés européennes a soulevé deux exceptions d’irrecevabilité à l’encontre du recours, conformément à l’article 78 du règlement de procédure. La Commission, qui soutient que le recours est tardif et que le requérant n’a pas d’intérêt à agir, conclut à ce que le recours soit rejeté comme irrecevable et à ce que le requérant soit condamné aux dépens.

3        Par lettre du 6 octobre 2009, parvenue au greffe du Tribunal le même jour par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 9 octobre suivant), le requérant a, notamment, présenté ses observations sur les deux exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission, en invitant le Tribunal à les rejeter.

 Cadre juridique

4        Aux termes de l’article 97, paragraphe 4, du règlement de procédure:

«L’introduction d’une demande d’aide judiciaire suspend le délai prévu pour l’introduction du recours jusqu’à la date de la notification de l’ordonnance statuant sur cette demande […]»

 En droit

5        Il est constant que la décision litigieuse a été notifiée au requérant le 29 octobre 2008.

6        Par conséquent, conformément, d’une part, à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l'Union européenne, aux termes duquel le recours dirigé contre un acte faisant grief doit être formé dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet acte, et, d’autre part, à l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure, en vertu duquel ce délai est augmenté «d’un délai de distance forfaitaire de dix jours», le délai dont le requérant disposait pour introduire son recours à l’encontre de la décision litigieuse expirait le 9 février 2009.

7        Par demande parvenue au greffe du Tribunal le 3 février 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 février suivant), le requérant a sollicité son admission au bénéfice de l’aide judiciaire.

8        Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, cette demande d’aide judiciaire a bien été formée dans «le délai prévu pour l’introduction du recours», au sens des dispositions précitées de l’article 97, paragraphe 4, du règlement de procédure, de sorte que, en vertu dudit paragraphe, ce délai a été suspendu jusqu’à la date de la notification de l’ordonnance statuant sur ladite demande.

9        Toutefois, le Tribunal a statué sur la demande d’aide judiciaire par ordonnance du 12 mai 2009, Apostolov/Commission (F‑8/09 AJ non publiée au Recueil), par laquelle le requérant a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire, et il ressort des pièces du dossier, en particulier des observations présentées par le requérant le 6 octobre 2009, que ladite ordonnance lui a été notifiée le 19 mai 2009.

10      Le délai prévu pour l’introduction du recours a donc recommencé à courir à compter de cette date pour expirer six jours plus tard, le 25 mai 2009 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission, F‑133/06, non encore publiée au Recueil, point 50, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l'Union européenne, affaire T‑9/09 P).

11      Or, le recours n’a été introduit, ainsi qu’il a été dit, que le 9 juillet 2009 et est donc tardif, comme le fait valoir à juste titre la Commission.

12      Aucun des arguments avancés par le requérant dans ses observations du 6 octobre 2009 n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

13      En premier lieu, le requérant soutient qu’il aurait présenté, le 23 janvier 2009, une première demande d’aide judiciaire par le moyen du formulaire électronique prévu à cet effet avant celle qui a été enregistrée, le 3 février 2009, par le Tribunal. Au moment de l’envoi de ce formulaire électronique, en raison d’imprécisions dans les documents publiés sur le site internet du Tribunal (formulaire de demande d’aide judiciaire, règlement de procédure, «check-list»), il aurait demandé au Tribunal, par courriel, s’il était nécessaire que l’original de sa demande d’aide judiciaire soit déposé dans un délai de dix jours suivant l’envoi dudit formulaire. Or, il n’aurait été clairement informé que le 2 février 2009 par le Tribunal de l’exigence de déposer l’original de sa demande d’aide judiciaire dans ce délai. En raison du retard mis par le Tribunal à répondre à son courriel, il n’aurait alors disposé que d’un délai d’un jour, expirant le 3 février 2009, pour que l’original de sa demande parvienne au Tribunal. Dans l’impossibilité de respecter un tel délai, ce serait sur les conseils du greffe du Tribunal qu’il aurait adressé un nouveau formulaire électronique de demande, le 3 février 2009.

14      Ces allégations, relatives aux échanges entre le requérant et le greffe, sont corroborées par les pièces du dossier.

15      Toutefois, le requérant indique lui-même qu’il a eu accès au règlement de procédure. Or, il ressort clairement des dispositions de l’article 34 de ce règlement, lesquelles régissent le dépôt de tout acte de procédure au greffe du Tribunal, et en particulier du paragraphe 6 de cet article, qu’un acte de procédure qui parvient au greffe par un moyen technique de communication n’est pris en considération aux fins du respect des délais de procédure que si l’original signé de cet acte est déposé au plus tard dix jours après la réception de la copie de l’original. En outre, le guide à l’attention des demandeurs d’aide judiciaire, lequel fait partie intégrante du formulaire électronique de demande d’aide judiciaire et qui est, comme celui-ci, accessible sur le site internet du Tribunal, fait état de l’existence de cette règle. Le requérant n’est donc pas fondé à se plaindre d’un défaut d’information à cet égard ou d’une imprécision des textes applicables.

16      En outre, s’il est vrai que le greffe du Tribunal n’a répondu que le 2 février 2009 au courriel du requérant, ce délai ne peut, compte tenu du nombre élevé d’affaires en instance devant le Tribunal, être regardé comme déraisonnable. De surcroît, dans les circonstances décrites au point précédent, le greffe n’a pas manqué à sa mission d’assistance des parties et de leurs représentants dans tous leurs échanges avec le Tribunal. En effet, la réponse du greffe est intervenue à un moment où la régularisation de la demande d’aide judiciaire était encore possible pour le requérant. Ce dernier a pu, sur l’invitation du greffe, envoyer une nouvelle demande d’aide judiciaire le 3 février 2009 au moyen du formulaire électronique et faire parvenir au greffe, le 6 février suivant, l’original de sa demande. La diligence du greffe a ainsi permis au requérant d’accéder, finalement, au bénéfice de l’aide judiciaire.

17      Enfin et surtout, même si le Tribunal admettait que la demande d’aide judiciaire a été valablement présentée dès le 23 janvier 2009, le délai prévu pour l’introduction du recours aurait recommencé à courir à compter du 19 mai 2009 pour expirer le 8 juin 2009. Or, le recours n’a été introduit que le 9 juillet 2009.

18      En second lieu, le requérant fait valoir qu’il n’aurait jamais été averti par le Tribunal d’un quelconque délai pour introduire sa requête après l’adoption d’une décision sur sa demande d’aide judiciaire. Au contraire, il aurait même été informé par erreur, au cours d’une conversation téléphonique avec un agent du greffe qui se serait tenue le 27 avril 2009, que, dans la présente affaire, «aucun délai n’a[vait] commencé à courir» («there is no time-limit running yet»).

19      Toutefois, le Tribunal n’a pu établir qu’un agent du greffe aurait tenu les propos rapportés par le requérant.

20      Par ailleurs, force est de constater que, sur ce point également, les dispositions pertinentes du règlement de procédure sont dépourvues d’ambiguïté. Il résulte en effet de l’article 97, paragraphe 4, du règlement de procédure, dispositions que l’avocat du requérant ne pouvait prétendre ignorer au moment où il a été chargé du dossier du requérant, que l’introduction d’une demande d’aide judiciaire ne fait que suspendre le délai prévu pour l’introduction du recours jusqu’à la date de la notification de l’ordonnance statuant sur cette demande. La circonstance que le délai restant à courir après l’ordonnance accordant l’aide judiciaire ait été trop bref pour mettre le requérant à même de préparer son recours n’est que la conséquence de ces dispositions et du fait que le requérant n’a présenté sa demande d’aide judiciaire, dans les formes prescrites par le règlement de procédure, que le 3 février 2009, peu de jours avant l’expiration du délai. De surcroît, le requérant a été assisté d’un avocat après que sa demande d’aide judiciaire a été acceptée. Or, cet avocat ne pouvait se sentir lié par une information purement verbale prétendument donnée le 27 avril 2009 à son client, avant qu’il ne représente ce dernier. Si tel a été le cas, cet avocat ne peut être regardé comme ayant fait preuve de toute la diligence requise d’un professionnel normalement averti.

21      Il n’est donc pas démontré que l’introduction tardive de la requête serait le fruit d’une erreur excusable, notion qui doit être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment, les institutions ont adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, point 26, et du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE, C‑193/01 P, Rec. p. I‑4837, point 24).

22      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Selon l’article 98, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsque le bénéficiaire de l’aide judiciaire succombe, le Tribunal peut, si l’équité l’exige, en statuant sur les dépens dans la décision mettant fin à l’instance, ordonner qu’une ou plusieurs autres parties supportent leurs propres dépens ou que ceux-ci sont, totalement ou en partie, pris en charge par la caisse du Tribunal au titre de l’aide judiciaire.

24      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, ni celles de l’article 98, paragraphe 4, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Apostolov est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 décembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l'Union européenne citées dans celle-ci au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice www.curia.europa.eu


1* Langue de procédure : l’anglais.