Language of document : ECLI:EU:C:2021:145

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 février 2021 (1)

Affaire C-458/19 P

ClientEarth

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Recours en annulation – Règlement (CE) no 1367/2006 – Convention d’Aarhus – Accès à la justice en matière d’environnement – Réexamen interne – Refus – Objet du réexamen – Règlement (CE) no 1907/2006 – Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques, ainsi que restrictions applicables à ces substances – Obligation d’autorisation – Décision d’exécution C(2016) 3549 final, octroyant une autorisation pour des utilisations du phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP) – Prépondérance des avantages socio‑économiques – Prise en compte de risques »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

A. La convention d’Aarhus

B. Le règlement d’Aarhus

C. Le règlement REACH

III. Les faits

A. La classification du DEHP

B. La procédure d’autorisation

C. La procédure de réexamen

IV. La procédure juridictionnelle et les conclusions des parties

V. Analyse

A. L’intérêt à agir

B. Sur le sixième moyen : la prise en compte d’autres risques liés à la substance dans le cadre de la mise en balance

1. Examen du moyen

2. Examen du recours devant le Tribunal

C. Sur les autres moyens

1. Sur le premier moyen : la recevabilité des moyens et arguments

a) Sur la première branche du premier moyen : l’objet du recours contre la décision litigieuse sur la demande de réexamen

b) Sur la seconde branche du premier moyen : l’objet de la procédure de réexamen

1) Sur la notion d’« utilisation »

2) Sur les arguments relatifs à l’utilisation de déchets

3) Sur les avantages socio-économiques – la quantification du risque

2. Sur le quatrième moyen : les exigences applicables à la demande d’autorisation

3. Sur le deuxième moyen : les exigences de preuve applicables aux demanderesses à l’autorisation dans le cadre de la procédure de réexamen

a) Sur la première branche du deuxième moyen : le rapport sur la sécurité chimique figurant dans la demande d’autorisation

b) Sur la seconde branche du deuxième moyen : l’analyse des solutions de remplacement

4. Sur le troisième moyen : les solutions de remplacement à l’utilisation demandée

5. Sur le cinquième moyen : le rapport sur la sécurité chimique dans le cadre de la mise en balance

6. Sur le septième moyen : le principe de précaution

D. Conclusion intermédiaire

VI. Sur les dépens

VII. Conclusion


I.      Introduction

1.        Le phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP) est un plastifiant qui est ajouté à des plastiques à base de polychlorure de vinyle (PVC). Le DEHP entraîne des risques importants pour la santé humaine. Par conséquent, l’utilisation de cette substance doit, en vertu du règlement REACH (2), faire l’objet d’une autorisation octroyée par la Commission européenne à la demande de l’utilisateur.

2.        ClientEarth est une organisation non gouvernementale (ONG) qui se consacre à la protection de l’environnement. Elle conteste dans le cadre de la présente procédure, en tant que tiers, une telle autorisation accordée par la Commission à trois entreprises de recyclage pour l’utilisation de déchets de PVC recyclés (recyclat de PVC) contenant du DEHP. À cette fin, ClientEarth a, conformément au règlement d’Aarhus(3), saisi la Commission d’une demande de réexamen de l’autorisation, puis a contesté sans succès le rejet de cette demande devant le Tribunal de l’Union européenne.

3.        Le présent pourvoi offre donc à la Cour l’occasion de répondre pour la première fois à certaines questions relatives à la procédure de réexamen prévue par le règlement d’Aarhus et à la procédure d’autorisation prévue par le règlement REACH. La question essentielle porte sur le contrôle de la mise en balance qui sous-tend l’autorisation et, par conséquent, sur les aspects à prendre en considération à cet égard, ainsi que sur le contrôle de l’analyse de solutions de remplacement. En outre, il existe des doutes sur le point de savoir dans quelle mesure la demande de réexamen délimite l’objet du litige et dans quelle mesure des tiers peuvent invoquer des insuffisances de la demande d’autorisation présentée par l’utilisateur pour remettre en cause la validité de la décision d’autorisation.

II.    Le cadre juridique

A.      La convention d’Aarhus

4.        L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus(4) prévoit que les parties contractantes veillent à ce que les membres du public puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. Conformément à l’article 9, paragraphe 4, de cette convention, ces procédures doivent offrir des recours suffisants et effectifs. Ces procédures doivent être, en vertu de cette disposition, équitables, objectives et rapides sans que leur coût soit prohibitif.

B.      Le règlement d’Aarhus

5.        Le règlement d’Aarhus met en œuvre, notamment, l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus pour les institutions ou organes de l’Union européenne. L’article 10 du règlement d’Aarhus prévoit à cet effet une procédure de réexamen interne :

« 1.      Toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement ou, en cas d’allégation d’omission administrative, qui était censé avoir adopté un tel acte.

[...]      La demande précise les motifs de réexamen.

2.      L’institution ou organe communautaire visé(e) au paragraphe 1 prend en considération toutes les demandes de ce type [...]. L’institution ou organe communautaire motive sa position par écrit [...].

[...] »

6.        L’article 12, paragraphe 1, du règlement d’Aarhus renvoie à la possibilité d’introduire un recours devant les juridictions de l’Union :

« L’organisation non gouvernementale ayant introduit la demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 peut saisir la Cour de justice conformément aux dispositions pertinentes du traité. »

7.        Cette disposition est précisée au considérant 21 du règlement d’Aarhus :

« Lorsque de précédentes demandes de réexamen interne n’ont pas abouti, l’organisation non gouvernementale concernée devrait pouvoir saisir la Cour de justice conformément aux dispositions pertinentes du traité. »

C.      Le règlement REACH

8.        Le règlement REACH constitue un vaste ensemble de règles concernant l’évaluation et le traitement des risques pour la santé humaine et l’environnement liés à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation des substances chimiques. Pour certaines substances extrêmement préoccupantes, ce règlement prévoit des restrictions d’utilisation, voire une interdiction d’utilisation sous réserve d’autorisation, à savoir l’« obligation d’autorisation ».

9.        L’article 3, point 24, du règlement REACH définit la notion d’« utilisation » comme « toute opération de transformation, de formulation, de consommation, de stockage, de conservation, de traitement, de chargement dans des conteneurs, de transfert d’un conteneur à un autre, de mélange, de production d’un article ou tout autre usage ».

10.      Le but de l’obligation d’autorisation est exposé à l’article 55 du règlement REACH :

« Le but du présent titre est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles‑ci sont économiquement et techniquement viables. À cette fin, l’ensemble des fabricants, des importateurs et des utilisateurs en aval qui demandent une autorisation analysent la disponibilité de solutions de remplacement et examinent les risques qu’elles comportent ainsi que leur faisabilité technique et économique. »

11.      Conformément à l’article 56, paragraphe 1, du règlement REACH, l’utilisation des substances extrêmement préoccupantes ayant été incluses dans l’annexe XIV de ce règlement requiert une autorisation. Les propriétés de ces substances sont définies à l’article 57 dudit règlement. Parmi celles-ci figurent la toxicité pour la reproduction [sous c)] et les propriétés endocriniennes [sous f)]. L’article 58 du règlement REACH régit la procédure d’inclusion dans l’annexe XIV de ce règlement, laquelle fonde ensuite l’obligation d’autorisation.

12.      Une étape intermédiaire de la procédure de fixation d’une obligation d’autorisation est prévue à l’article 59 du règlement REACH. Conformément à cette disposition, les substances susceptibles d’être soumises à une obligation d’autorisation en raison de leurs propriétés préoccupantes sont tout d’abord identifiées et incluses dans la liste dite « des substances candidates ».

13.      Les conditions d’une autorisation sont énoncées à l’article 60 du règlement REACH :

« 1.      La Commission est compétente pour prendre des décisions concernant les demandes d’autorisation conformément au présent titre.

2.      Sans préjudice du paragraphe 3, une autorisation est octroyée si le risque que représente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une substance en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV, est valablement maîtrisé conformément à l’annexe I, section 6.4, comme le démontre le rapport sur la sécurité chimique du demandeur, en tenant compte de l’avis du comité d’évaluation des risques visé à l’article 64, paragraphe 4, point a). Lors de l’octroi de l’autorisation et dans toutes les conditions que celle-ci impose, la Commission prend en compte tous les rejets, émissions et pertes, en ce compris les risques découlant d’utilisations dispersives ou diffuses, connus au moment de la décision.

La Commission ne prend pas en compte les risques qu’entraîne pour la santé humaine l’utilisation d’une substance dans un dispositif médical [...].

[...]

4.      Lorsqu’une autorisation ne peut être octroyée en application du paragraphe 2 [...], elle ne peut être octroyée que s’il est démontré que les avantages socio‑économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées. Cette décision est arrêtée après prise en compte de l’ensemble des éléments suivants et en tenant compte de l’avis du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio‑économique visés à l’article 64, paragraphe 4, points a) et b) :

a)      le risque lié aux utilisations de la substance ainsi que la pertinence et l’efficacité des mesures de gestion des risques proposées ;

b)      les avantages socio-économiques découlant de son utilisation et les conséquences socio-économiques d’un refus de l’autorisation, dont le demandeur ou d’autres parties intéressées doivent apporter la preuve ;

c)      l’analyse des solutions de remplacement proposées par le demandeur en application de l’article 62, paragraphe 4, point e), ou le plan de remplacement proposé par le demandeur en application de l’article 62, paragraphe 4, point f), et toute communication transmise par un tiers en application de l’article 64, paragraphe 2 ;

d)      les informations disponibles sur les risques pour la santé humaine ou l’environnement que d’éventuelles substances ou technologies de remplacement présentent pour la santé ou pour l’environnement.

5.      Lors de l’évaluation de la disponibilité de substances ou de technologies de substitution appropriées, tous les aspects pertinents sont pris en compte par la Commission, et notamment :

a)      si le passage aux solutions de remplacement donnera lieu à une réduction des risques globaux pour la santé humaine et l’environnement, compte tenu de la pertinence et de l’efficacité des mesures de gestion des risques ;

b)      la faisabilité technique et économique de solutions de remplacement pour le demandeur.

6.      Une utilisation n’est pas autorisée si l’autorisation constitue un assouplissement d’une restriction énoncée à l’annexe XVII.

7.      Une autorisation n’est octroyée que si la demande est introduite conformément aux prescriptions de l’article 62.

[...] »

14.      L’article 62, paragraphe 4, du règlement REACH contient différentes exigences relatives à la demande d’autorisation :

« 4.      Une demande d’autorisation contient les éléments suivants :

[...]

c)      une demande d’autorisation, précisant l’utilisation ou les utilisations pour lesquelles l’autorisation est demandée et couvrant l’utilisation de la substance dans des mélanges et/ou, le cas échéant, son incorporation dans des articles ;

d)      sauf s’il a déjà été présenté dans le cadre de l’enregistrement, un rapport sur la sécurité chimique, établi conformément à l’annexe I couvrant les risques qu’entraîne pour la santé humaine et/ou l’environnement l’utilisation de la ou des substances en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV ;

e)      une analyse des solutions de remplacement, examinant les risques qu’elles comportent, ainsi que leur faisabilité technique et économique et comprenant, le cas échéant, des informations sur les activités pertinentes de recherche et de développement du demandeur ;

[...] »

15.      L’article 64 du règlement REACH régit la procédure d’autorisation :

« [...]

2.      L’Agence publie sur son site internet [...] des informations générales relatives aux utilisations sur lesquelles portent les demandes reçues et au réexamen d’autorisations et fixe le délai dans lequel les tiers intéressés peuvent présenter des informations sur des substances ou des technologies de remplacement.

3.      Lorsqu’il élabore son avis, chacun des comités visés au paragraphe 1 contrôle d’abord que la demande comprend l’ensemble des informations pertinentes visées à l’article 62 dont il doit disposer pour s’acquitter de sa tâche. Le cas échéant, les comités font, après s’être consultés, une demande commune au demandeur l’invitant à fournir des informations supplémentaires pour mettre la demande en conformité avec les prescriptions de l’article 62. Le comité d’analyse socio-économique peut, s’il l’estime nécessaire, demander au demandeur ou à des tiers de présenter dans un délai donné des informations complémentaires sur les éventuelles substances ou technologies de remplacement. Chaque comité prend également en compte toute information communiquée par des tiers.

4.      Les projets d’avis comprennent les éléments suivants :

a)      comité d’évaluation des risques : une évaluation du risque qu’entraînent pour la santé humaine et/ou l’environnement l’utilisation ou les utilisations de la substance, ainsi que le caractère approprié et l’efficacité des mesures de gestion des risques, telles qu’elles sont décrites dans la demande et, le cas échéant, une évaluation des risques qu’entraînent les éventuelles solutions de remplacement ;

b)      comité d’analyse socio-économique : une évaluation des facteurs socio-économiques et de la disponibilité, du caractère approprié et de la faisabilité technique des solutions de remplacement liés à l’utilisation ou aux utilisations de la substance, telles qu’elles sont décrites dans la demande, lorsque cette dernière est faite conformément à l’article 62, et la contribution de tout tiers soumise conformément au paragraphe 2 du présent article.

[...] »

16.      Le considérant 69 du règlement REACH précise l’obligation d’autorisation :

« Pour assurer un niveau suffisamment élevé de protection de la santé humaine, y compris en ce qui concerne les groupes de population humaine concernés et, éventuellement, certaines sous-populations vulnérables, et de l’environnement, il convient, conformément au principe de précaution, d’accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes. Il convient d’octroyer l’autorisation lorsque les personnes physiques ou morales qui la demandent apportent la preuve à l’autorité octroyant l’autorisation que les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement sont valablement maîtrisés. Dans le cas contraire, l’utilisation peut néanmoins être autorisée s’il peut être démontré que les avantages socio-économiques qu’offre l’utilisation de la substance en cause l’emportent sur les risques liés à son utilisation et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées qui soient économiquement et techniquement viables. [...] »

17.      Le considérant 81 du règlement REACH mentionne le rôle des tiers dans la procédure d’autorisation :

« En vue d’assurer une approche harmonisée de l’autorisation des utilisations de substances données, l’Agence devrait rendre des avis sur les risques liés à ces utilisations en ce compris lorsque la substance est ou non contrôlée de manière adéquate, ainsi que sur les analyses socio-économiques qui lui seraient présentées par des tiers. Ces avis devraient être pris en compte par la Commission lorsqu’elle décide d’octroyer ou non l’autorisation. »

III. Les faits

A.      La classification du DEHP

18.      Par le règlement (UE) no 143/2011 (5), la Commission a inclus le DEHP, un composé principalement utilisé pour assouplir les plastiques à base de PVC, dans l’annexe XIV du règlement REACH. La Commission a fondé cette réglementation sur le fait que cette substance possède des propriétés toxiques pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement REACH. Depuis lors, l’utilisation du DEHP doit faire l’objet d’une autorisation de la Commission.

19.      Par ailleurs, le Royaume de Danemark a présenté le 26 août 2014 un rapport mentionnant que le DEHP est une substance extrêmement préoccupante également en raison de propriétés perturbant le système endocrinien (6). L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a donc actualisé, le 12 décembre 2014, l’entrée existante pour le DEHP dans la liste dite « des substances candidates » et a classé cette substance en tant que « substance extrêmement préoccupante » au sens de l’article 57, sous f), du règlement REACH, car elle possède des propriétés perturbant le système endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement (7). À la suite du réexamen litigieux de l’autorisation, la Commission a décidé en outre, le 4 juillet 2017, que le DEHP devait être classé ainsi également en raison de ses effets endocriniens sur la santé humaine (8). Compte tenu des propriétés perturbant le système endocrinien du DEHP, la Commission n’a cependant jusqu’à présent pas encore fixé d’obligation d’autorisation.

B.      La procédure d’autorisation

20.      Le 13 août 2013, trois sociétés de recyclage ont présenté une demande conjointe d’autorisation de mise sur le marché du DEHP pour les utilisations suivantes :

–        « Formulation de polychlorure de vinyle (PVC) souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs,

–        utilisation industrielle de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans le traitement de polymères par calandrage, extrusion, compression et moulage par injection en vue de produire des articles en PVC ».

21.      Les demanderesses à l’autorisation ne produisent pas de DEHP, mais recyclent des déchets de PVC contenant déjà du DEHP. Selon la demande, le DEHP ne joue aucun rôle fonctionnel spécifique pour les demanderesses à l’autorisation, mais il s’agit d’une impureté en grande partie indésirable, présente dans les déchets valorisés. Le DEHP est toutefois susceptible, selon les demanderesses à l’autorisation, de présenter des avantages lors du traitement ultérieur du recyclat.

22.      La demande était fondée sur l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH, à savoir sur une maîtrise adéquate du risque lié aux utilisations.

23.      Le 22 octobre 2014, le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique de l’ECHA ont élaboré un document contenant une version commune et consolidée de leurs avis (9). Ils ont conclu qu’une autorisation ne pouvait pas être octroyée au titre de l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH, car une maîtrise appropriée du risque lié à l’utilisation n’était pas prouvée. Toutefois, ils ont estimé que les avantages socio-économiques l’emportaient sur les autres risques. Ils ont donc considéré qu’une autorisation pouvait être octroyée au titre de l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement.

24.      Le 16 juin 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 3549 final, par laquelle elle a autorisé au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, avec certaines exceptions, les utilisations du DEHP demandées (ci-après la « décision d’autorisation »).

25.      À l’article 2 de la décision d’autorisation, la Commission a fixé la période de révision, visée à l’article 60, paragraphe 9, sous e), du règlement REACH, à quatre ans à compter de la date d’expiration mentionnée à l’annexe XIV du règlement REACH, soit jusqu’au 21 février 2019.

26.      La Commission a précisé au considérant 8 de la décision d’autorisation que le règlement REACH n’est pas applicable aux déchets. Par conséquent, l’« autorisation de mettre sur le marché et d’utiliser des composés et des mélanges secs de PVC souple recyclé contenant du DEHP conformément à l’article 64 du [règlement REACH] s’appliquait [...] dans la mesure où ces composés et mélanges secs avaient cessé d’être des déchets conformément à l’article 6 [de la directive relative aux déchets (10)] ».

C.      La procédure de réexamen

27.      Par lettre du 2 août 2016, ClientEarth a demandé à la Commission de réexaminer la décision d’autorisation, conformément à l’article 10 du règlement d’Aarhus.

28.      Par la décision litigieuse C(2016) 8454 final, du 7 décembre 2016, la Commission a rejeté la demande de réexamen interne comme étant non fondée (ci-après la « décision litigieuse sur la demande de réexamen »).

IV.    La procédure juridictionnelle et les conclusions des parties

29.      Le recours introduit par ClientEarth contre la décision litigieuse sur la demande de réexamen a été rejeté par le Tribunal par l’arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission (T‑108/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:215). L’ECHA est intervenue à cette procédure au soutien des conclusions de la Commission.

30.      ClientEarth a introduit le présent pourvoi et elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T‑108/17 ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue,

ou, à titre subsidiaire,

–        annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T‑108/17, et

–        déclarer le recours en annulation recevable et fondé, et annuler en conséquence la décision litigieuse sur la demande de réexamen, et, en tout état de cause,

–        condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes – en première instance et dans le cadre de la procédure de pourvoi.

31.      La Commission et l’ECHA concluent à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi, et

–        condamner la requérante à l’intégralité des dépens.

32.      Les parties ont présenté des observations écrites, sachant que l’ECHA n’a fait que soutenir l’argumentation de la Commission. La Cour a renoncé à la tenue d’une audience de plaidoiries.

33.      Sur demande de la Cour, les parties ont indiqué que l’une des entreprises demanderesses a présenté un rapport de réexamen, sollicitant la prorogation de la décision d’autorisation, tandis que les deux autres entreprises y ont renoncé.

V.      Analyse

34.      Le présent pourvoi concerne l’articulation de deux procédures complexes relevant du droit de l’Union en matière d’environnement.

35.      Le point de départ du présent litige est une décision d’autorisation adoptée par la Commission au titre de l’article 60 du règlement REACH. Cette décision a été adoptée sur la demande d’autorisation présentée par trois entreprises. Par la décision d’autorisation, la Commission autorise ces entreprises à utiliser une certaine substance, le DEHP, un plastifiant, à des fins précisément définies. Sans cette autorisation, toute utilisation est interdite, car la substance possède des propriétés toxiques pour la reproduction. La Commission autorise cependant les utilisations demandées, car, selon elle, les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques résultant de l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement.

36.      Il est notable que la demande d’autorisation ne sollicitait pas une autorisation de ce type, à savoir une mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, mais une autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement, en raison d’une maîtrise adéquate des risques du DEHP liés à la toxicité pour la reproduction. L’examen de la demande a toutefois conclu que cette demande n’avait pas prouvé cette maîtrise.

37.      ClientEarth conteste l’autorisation sur le fondement du règlement d’Aarhus. À cette fin, elle a tout d’abord présenté à la Commission une demande de réexamen visée à l’article 10 de ce règlement, invoquant des insuffisances de la décision d’autorisation. Ces griefs étaient tirés, pour partie, de lacunes dans la demande d’autorisation, en ce que cette demande ne tendait pas à une mise en balance et ne démontrait pas une maîtrise adéquate du risque. ClientEarth conteste en outre certains aspects de la mise en balance sur lesquels la Commission a fondé l’autorisation.

38.      Les conditions de recevabilité de la demande de réexamen au titre des articles 10 et 11 du règlement d’Aarhus ne sont pas contestées.

39.      Par la décision litigieuse sur la demande de réexamen, la Commission a néanmoins rejeté la demande de réexamen. Cette décision a été contestée par ClientEarth par un recours que le Tribunal a rejeté par l’arrêt attaqué.

40.      Ces deux procédures successives forment le cadre du présent pourvoi. Mon analyse portera tout d’abord sur l’intérêt à agir de ClientEarth (sous A), puis je traiterai du sixième moyen invoqué au soutien du pourvoi, concernant l’absence de prise en compte d’autres risques liés à la substance dans la mise en balance (sous B). Cette analyse me conduit à proposer l’annulation de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse sur la demande de réexamen.

41.      Il est donc, stricto sensu, possible de statuer sur le pourvoi sans examiner les autres moyens invoqués. Toutefois, il convient de tenir compte du fait que la Cour n’a statué jusqu’à présent, s’agissant de la procédure de réexamen, que sur un pourvoi (11), lequel n’a pas clarifié bon nombre des questions posées. Par conséquent, la constatation d’autres erreurs de droit commises par le Tribunal revêt une importance pour de futures procédures, même si ces erreurs n’étaient pas susceptibles d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué (sous C).

A.      L’intérêt à agir

42.      Il existerait des doutes quant à l’intérêt à agir de ClientEarth si la décision d’autorisation était entre-temps privée d’effet en raison de l’écoulement du temps ou si la Commission l’avait abrogée. En effet, il existerait, dans ce cas, des doutes sur le point de savoir si ClientEarth est susceptible de tirer un bénéfice du présent pourvoi (12).

43.      L’article 2 de la décision d’autorisation prévoyait une période de révision allant jusqu’au 21 février 2019. Étant donné que la Commission n’a entre-temps pas délivré de nouvelle autorisation, il semble concevable que l’autorisation ait expiré.

44.      Selon les indications concordantes fournies par les parties, la décision d’autorisation produit toutefois, en vertu de l’article 61, paragraphe 1, du règlement REACH, toujours des effets à l’égard, à tout le moins, d’une demanderesse, car cette dernière a présenté, dans le délai imparti, un rapport de réexamen sur lequel la Commission doit encore adopter une décision.

45.      Étant donné que la décision d’autorisation produit ainsi encore des effets, le succès du pourvoi et de la demande à l’origine du recours pourrait, en définitive, conduire à l’annulation de la décision et procurer de la sorte à ClientEarth le bénéfice recherché.

46.      Par conséquent, ClientEarth possède toujours l’intérêt à agir requis.

B.      Sur le sixième moyen : la prise en compte d’autres risques liés à la substance dans le cadre de la mise en balance

1.      Examen du moyen

47.      Par le sixième moyen invoqué au soutien du pourvoi, ClientEarth conteste les appréciations du Tribunal relativement aux risques liés à la substance qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH.

48.      Ce moyen s’inscrit dans un contexte dans lequel le DEHP n’a été soumis jusqu’à présent à autorisation qu’en raison de propriétés toxiques pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement REACH. Par ailleurs, l’ECHA et la Commission ont toutefois également inclus le DEHP, conformément à l’article 59, de ce règlement, en tant que substance extrêmement préoccupante, dans la liste dite « des substances candidates », en raison de ses propriétés perturbant le système endocrinien, au sens de l’article 57, sous f), dudit règlement, c’est-à-dire en raison de ses effets hormonaux, mais une obligation d’autorisation n’existe pas encore de ce fait (13).

49.      Bien que ces propriétés du DEHP perturbant le système endocrinien étaient déjà connues lors de l’adoption de la décision d’autorisation, le Tribunal a admis, au point 289 de l’arrêt attaqué, que les comités de l’ECHA d’évaluation des risques et d’analyse socio-économique, ainsi que la Commission, dans le cadre de la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, n’avaient pris en compte que les propriétés toxiques du DEHP pour la reproduction.

50.      Il convient donc de préciser quels risques liés à une substance doivent être pris en compte lors d’une mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH.

51.      Selon le libellé de cette disposition dans, notamment, les versions en langues danoise, allemande, espagnole, française et italienne, une utilisation peut être autorisée lorsque les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques résultant de l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement. La formulation de ce motif d’autorisation se distingue ainsi de celui prévu à l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH, qui vise, de manière explicite, seulement un risque, à savoir le risque qui justifie l’obligation d’autorisation. Dans ces versions linguistiques, le libellé de l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement plaide donc, précisément en comparaison avec l’autre motif d’autorisation, en faveur d’une prise en compte exhaustive de tous les risques liés à la substance dans le cadre de la mise en balance. Dans d’autres versions linguistiques, notamment dans les versions en langues néerlandaise, portugaise ou anglaise, il n’est en revanche question, également à l’article 60, paragraphe 4, dudit règlement, que du risque. Ces versions linguistiques peuvent, certes, de même être interprétées dans le sens d’une prise en compte exhaustive, mais cette conclusion ne s’impose toutefois pas d’une manière aussi explicite que pour les premières versions linguistiques mentionnées.

52.      Le Tribunal se fonde toutefois, aux points 218 à 223 de l’arrêt attaqué, sur le lien existant entre les deux motifs d’autorisation visés à l’article 60, paragraphes 2 et 4, du règlement REACH ainsi que sur la délimitation entre la liste des substances candidates et la motivation d’une obligation d’autorisation, afin de restreindre la mise en balance aux risques justifiant l’obligation d’autorisation.

53.      L’on doit concéder au Tribunal qu’une autorisation en raison de la maîtrise adéquate du risque visée à l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH concerne exclusivement le risque qui sous-tend l’obligation d’autorisation. C’est uniquement au titre de ce risque que le demandeur doit fournir des informations, conformément à l’article 62, paragraphe 4, sous d), de ce règlement. S’il parvient à démontrer une maîtrise adéquate de ce risque, d’autres risques ne font pas obstacle à l’autorisation, même si, en raison de ces risques, la substance figure déjà sur la liste des substances candidates. L’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates n’est qu’une étape dans une procédure qui est susceptible d’aboutir à l’avenir à une obligation d’autorisation, mais qui ne conduit pas nécessairement à cette obligation.

54.      La fonction essentielle de la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH est donc également de surmonter le risque justifiant l’obligation d’autorisation. En effet, en l’absence de ce risque, il n’y aurait pas d’obligation d’autorisation.

55.      Toutefois, le Tribunal et la Commission méconnaissent le fait que les avantages socio-économiques d’une utilisation dépendent non seulement des avantages d’une utilisation, mais aussi de ses autres risques pour l’environnement et la santé. En effet, ces risques sont également des facteurs socio-économiques. Lorsqu’ils conduisent à des atteintes à l’environnement ou à la santé, ils portent préjudice à la société et entraînent des coûts économiques. Les risques diminuent par conséquent les avantages socio-économiques et doivent donc être pris en compte pour apprécier si les avantages l’emportent sur le risque justifiant l’obligation d’autorisation.

56.      Cela ressort particulièrement clairement dans le cadre de l’analyse des solutions de remplacement qui est également nécessaire aux fins d’une autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH. Conformément à l’article 60, paragraphe 5, de ce règlement, la Commission prend en compte à cette fin « tous les aspects pertinents » et, en vertu de l’article 60, paragraphe 5, sous a), dudit règlement, notamment les « risques globaux pour la santé humaine et l’environnement ». Ces risques globaux comprennent nécessairement tous les risques envisageables liés tant aux solutions de remplacement qu’à l’utilisation demandée. L’on ne saurait renvoyer à une solution de remplacement qui, certes, ne présente pas le risque justifiant l’obligation d’autorisation, mais comporte, en revanche, d’autres risques encore plus importants. Il n’est pas non plus judicieux de prendre en compte ces autres risques uniquement pour les solutions de remplacement, mais non pour l’autorisation demandée. En effet, cela ne permettrait pas de procéder en définitive à une comparaison des risques globaux, laquelle est nécessaire en tant que fondement de l’analyse des solutions de remplacement.

57.      Le comité d’analyse socio-économique a également explicitement pris en compte en l’espèce d’autres risques liés aux solutions de remplacement en considérant la prévention de l’élimination de déchets de PVC contenant du DEHP sur les décharges ou par combustion comme un avantage socio-économique de l’autorisation demandée (14).

58.      La mise en balance serait donc incomplète si, certes, il était tenu compte de manière exhaustive des avantages d’une utilisation, mais que, s’agissant des inconvénients, seul le risque justifiant l’obligation d’autorisation était pris en considération.

59.      Devant le Tribunal, la Commission s’est également référée à ses explications relatives à la proposition de règlement REACH, dans lesquelles elle avait également déjà indiqué qu’il n’était pas tenu compte d’autres effets que ceux justifiant l’obligation d’autorisation. Selon la Commission, ces autres effets pouvaient être pris en considération dans le cadre des restrictions. La Commission a justifié cette approche par l’exigence d’efficacité de la procédure (15).

60.      Des considérations d’efficacité peuvent peut-être permettre de ne pas tenir compte, lors de la mise en balance, de risques faibles, peu probables ou hypothétiques. Notamment, l’on peut sans doute ne pas prendre en considération, car négligeables, des risques qui sont, de manière prouvée, suffisamment contrôlés par des restrictions. Une telle limitation est conforme à la marge d’appréciation dont dispose la Commission lors de l’établissement des données de base pour l’appréciation de contenus factuels et de mises en balance scientifiques complexes (16). Les risques en raison desquels une substance a déjà été incluse en tant que substance extrêmement préoccupante dans la liste des substances candidates visée à l’article 59 du règlement REACH font toutefois nécessairement partie des aspects pertinents du cas d’espèce que la Commission doit examiner avec soin et impartialité dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (17).

61.      Une prise en compte exhaustive des risques pertinents d’une utilisation pour la santé et l’environnement est d’ailleurs conforme au principe de précaution sur lequel repose le règlement REACH, conformément au considérant 9 et à l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement. En vertu du considérant 69 dudit règlement, les autorisations sont notamment soumises à ce principe.

62.      L’application correcte du principe de précaution requiert, premièrement, l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l’utilisation des substances actives litigieuses et, deuxièmement, une évaluation exhaustive du risque pour la santé sur la base des données scientifiques disponibles les plus fiables et des résultats les plus récents de la recherche internationale (18). Les mêmes considérations valent pour les risques pour l’environnement (19).

63.      Comme le souligne à juste titre ClientEarth, une telle mise en balance exhaustive met, en définitive, également nettement mieux en œuvre l’objectif de garantir un niveau élevé de protection (20) qu’une mise en balance qui méconnaît certains risques.

64.      Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par le fait que le Tribunal a déjà jugé que l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates en raison de risques supplémentaires n’oblige pas à compléter une demande d’autorisation en cours au regard de ces risques. Le Tribunal a estimé que cette inclusion n’avait aucune influence sur la procédure d’autorisation (21).

65.      À cet égard, il convient de faire observer, premièrement, que la Cour ne s’est pas prononcée sur cette question dans son arrêt rendu sur pourvoi contre l’arrêt antérieur susmentionné du Tribunal (22). La Cour n’a donc pas encore tranché cette question.

66.      Deuxièmement, il convient de distinguer entre l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates et les risques liés à l’utilisation de cette substance. L’inclusion n’a – d’un point de vue strictement formel – pas d’effets directs sur une procédure d’autorisation en cours. Cela n’exclut cependant pas qu’il convienne de prendre en compte les risques ayant conduit à l’inclusion, exactement comme tous les autres risques pertinents, dans le cadre de la mise en balance socio-économique. Dans ce contexte, l’inclusion dans la liste des substances candidates n’est pertinente que pour autant qu’elle confirme les risques et leur importance.

67.      Enfin, le principe de sécurité juridique, sur lequel s’est fondée la Commission dans le cadre de la décision litigieuse sur la demande de réexamen et qu’elle mentionne incidemment dans le mémoire en réponse, ne conduit pas à une autre conclusion. La Commission a exposé dans la décision litigieuse sur la demande de réexamen que ce principe s’opposait à la prise en compte des propriétés perturbant le système endocrinien, car ces propriétés n’ont été constatées qu’un an après la demande d’autorisation. La Commission a donc considéré que l’on ne pouvait pas raisonnablement escompter de la demanderesse qu’elle ait pris en compte ces risques dans sa demande (23).

68.      Selon une jurisprudence constante, la légalité d’une décision de la Commission doit toutefois être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle disposait à la date où elle a adopté la décision (24). Même si un demandeur ne pouvait pas encore prendre en compte certaines informations pertinentes, la Commission ne saurait les ignorer dès lors qu’elle disposait de ces informations avant l’adoption de la décision. Lors de l’adoption de la décision d’autorisation et, à plus forte raison, de la décision litigieuse sur la demande de réexamen, la Commission disposait cependant déjà du rapport du Royaume de Danemark relatif aux propriétés perturbant le système endocrinien du DEHP et l’ECHA avait déjà reconnu les risques en découlant pour l’environnement en incluant le DEHP dans la liste des substances candidates (25).

69.      Par conséquent, l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, car il admet que les propriétés du DEHP perturbant le système endocrinien n’ont pas été prises en compte dans le cadre de la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH. Cette erreur est à la base du rejet de la demande, de sorte qu’il convient d’annuler l’arrêt dans son intégralité.

2.      Examen du recours devant le Tribunal

70.      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

71.      Le litige est en état d’être jugé en ce qui concerne l’absence de prise en compte d’autres risques liés au DEHP. En effet, la Commission aurait dû tenir compte des propriétés du DEHP perturbant le système endocrinien lors de l’adoption de la décision litigieuse sur la demande de réexamen. Étant donné qu’elle ne l’a pas fait, il convient d’annuler également cette décision dans son intégralité.

72.      Il convient de faire observer à titre complémentaire que la décision d’autorisation est, certes, également entachée de ce vice, mais qu’elle ne serait pas directement affectée par l’annulation de la décision litigieuse sur la demande de réexamen. La Commission devrait, certes, tenir compte dans le cadre de sa décision litigieuse sur la demande de réexamen du fait que l’autorisation repose sur une mise en balance incomplète. Toutefois, il ne faut pas exclure que la Commission prononce à la place, sur le fondement du rapport de réexamen présenté par la demanderesse restante (26), une nouvelle autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH, de sorte qu’il n’y aurait plus lieu de statuer sur la demande de réexamen de ClientEarth. Les comités d’évaluation des risques et d’analyse socio-économique de l’ECHA ont, en effet, déjà conclu que les nouvelles informations démontraient une maîtrise adéquate des risques toxiques pour la reproduction (27).

C.      Sur les autres moyens

73.      Les autres moyens du pourvoi portent sur la recevabilité d’arguments présentés dans le cadre d’un recours concernant une demande de réexamen, sur les exigences applicables à une demande d’autorisation, sur le niveau de preuve auquel doit satisfaire un tel recours, sur l’analyse des solutions de remplacement, sur le rapport sur la sécurité chimique ainsi que sur le principe de précaution.

1.      Sur le premier moyen : la recevabilité des moyens et arguments

74.      Le premier moyen concerne les constatations du Tribunal relatives à la portée d’un recours contre le rejet d’une demande de réexamen au titre du règlement d’Aarhus. ClientEarth conteste le fait que, premièrement, seule la décision litigieuse sur la demande de réexamen puisse faire l’objet du recours, mais non la demande d’autorisation [sous a)] et que, deuxièmement, le Tribunal ait limité son argumentation aux moyens et arguments qu’elle avait soulevés dans sa demande de réexamen [sous b)].

a)      Sur la première branche du premier moyen : l’objet du recours contre la décision litigieuse sur la demande de réexamen

75.      Par la première branche du premier moyen, ClientEarth conteste la délimitation par le Tribunal de l’objet d’un recours introduit au titre de l’article 12 du règlement d’Aarhus. Il convient de déterminer si ClientEarth peut, par son recours, contester également des insuffisances de la demande d’autorisation ayant conduit à la décision d’autorisation en cause, adoptée par la Commission.

76.      Le Tribunal a constaté à cet égard, à bon droit, au point 53 de l’arrêt attaqué, que seule la légalité de la décision litigieuse sur la demande de réexamen est susceptible de faire l’objet du recours introduit par le demandeur du réexamen. S’agissant des insuffisances de la demande d’autorisation, le Tribunal a considéré au point 54 de cet arrêt que ClientEarth ne peut les contester que si la Commission les a reprises à son compte dans la décision litigieuse sur la demande de réexamen.

77.      L’aspect déterminant réside donc dans le point de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure une ONG peut invoquer les insuffisances d’une demande d’autorisation dans le cadre d’une procédure de réexamen.

78.      En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement d’Aarhus, certaines ONG peuvent solliciter un réexamen interne, par demande motivée, auprès de l’institution ou de l’organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement. L’objet de la demande de réexamen porte, en vertu de cette disposition, sur la réévaluation de cet acte (28), à savoir, en l’espèce, sur la décision d’autorisation.

79.      La Cour a jugé que la demande de réexamen interne d’un acte administratif tend donc à faire constater une illégalité ou (notamment) l’absence de bien-fondé de l’acte visé (29). L’ONG peut ensuite saisir le juge de l’Union, conformément à l’article 12, lu conjointement avec l’article 10 du règlement d’Aarhus. Elle peut introduire un recours contre la décision rejetant comme non fondée la demande de réexamen interne. À cet égard, elle peut invoquer l’incompétence, la violation des formes substantielles, la violation des traités ou toute règle de droit relative à leur application, ou encore un détournement de pouvoir (30).

80.      Dans ce contexte, la violation des formes substantielles concerne toutefois des dispositions qui s’appliquent dans le cadre de la procédure de réexamen. Cela n’indique pas dans quelle mesure la demande de réexamen peut invoquer des vices de forme et de procédure entachant la procédure d’autorisation.

81.      L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus exige uniquement la possibilité de former un recours en raison de la violation de dispositions relatives à l’environnement. Cette formulation est plus restrictive que l’article 9, paragraphe 2, de cette convention, qui permet de contester la légalité quant au fond et à la procédure.

82.      Étant donné que les articles 10 à 12 du règlement d’Aarhus mettent en œuvre uniquement l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, ces dispositions ne doivent donc permettre d’invoquer que la violation de dispositions relatives à l’environnement, mais non de contester globalement la légalité d’un acte quant au fond et à la procédure.

83.      Pour autant que la demande d’autorisation doive préciser l’utilisation [article 62, paragraphe 4, sous c), du règlement REACH] et contenir un rapport sur la sécurité chimique [article 62, paragraphe 4, sous d)] ainsi qu’une analyse des solutions de remplacement [article 62, paragraphe 4, sous e)], il s’agit toutefois de dispositions relatives à l’environnement. Ces indications visent, en effet, à démontrer notamment les risques pour l’environnement de l’utilisation demandée et de ses solutions de remplacement.

84.      Ces informations revêtent, en outre, de l’importance également pour la participation de tiers à la procédure d’autorisation. Conformément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement REACH, l’ECHA donne, en effet, accès à des informations détaillées sur les utilisations pour lesquelles des demandes ont été reçues. Elle fixe, en outre, un délai dans lequel les tiers intéressés peuvent présenter des informations sur des substances ou des technologies de remplacement. Le considérant 81, l’article 60, paragraphe 4, sous c), l’article 64, paragraphe 3, quatrième phrase, et l’article 64, paragraphe 4, sous b), de ce règlement prévoient, eux également, la prise en considération d’informations communiquées par des tiers. ClientEarth mentionne qu’elle a participé sous cette forme à des procédures d’autorisation.

85.      Comme le Tribunal l’a d’ailleurs lui-même reconnu aux points 103 et suivants de l’arrêt attaqué, une autorisation n’est licite, en vertu de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH, que si la demande satisfait aux prescriptions de l’article 62 de ce règlement. Cela inclut notamment le rapport sur la sécurité et l’analyse des solutions de remplacement.

86.      Si une autorisation n’aurait pas dû être octroyée, car la demande ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 62, paragraphe 4, sous d) et e), du règlement REACH, les ONG doivent donc avoir la possibilité de contester ces insuffisances dans le cadre d’un réexamen et du recours subséquent. La question de savoir si la Commission a explicitement repris l’insuffisance à son compte ne saurait, en revanche, affecter la recevabilité de tels arguments dans le cadre de la procédure de réexamen.

87.      Par conséquent, ClientEarth conteste d’emblée à bon droit les points 234 à 236 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y rejette comme irrecevable l’argument selon lequel l’analyse des solutions de remplacement contenue dans la demande d’autorisation est insuffisante, car la fonction du DEHP n’a pas été précisée dans cette demande. En effet, indépendamment de ce que les demanderesses à l’autorisation auraient indiqué ou non dans la demande d’autorisation, la Commission a, selon le Tribunal, expressément identifié une fonction du DEHP aux fins de l’autorisation. Cette constatation d’irrecevabilité est, au regard des considérations qui viennent d’être exposées, entachée d’une erreur de droit.

88.      Le Tribunal expose toutefois de manière convaincante dans une motivation subsidiaire figurant aux points 63 à 70 de l’arrêt attaqué, qui n’ont pas été contestés par ClientEarth, que l’indication de l’utilisation ne dépend pas de l’attribution d’une fonction particulière à la substance en question.

89.      Par conséquent, l’argument de ClientEarth relatif à l’absence d’indication d’une fonction du DEHP dans la demande d’autorisation était, en tout état de cause, non fondé et l’erreur de droit commise par le Tribunal dans l’appréciation de la recevabilité de cet argument ne remet, en définitive, pas en cause l’arrêt.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen : l’objet de la procédure de réexamen

90.      Par la seconde branche du premier moyen, ClientEarth conteste le fait que, selon le point 55 de l’arrêt attaqué, dans le cadre d’un recours contre une décision litigieuse sur la demande de réexamen, seuls sont recevables les moyens et arguments déjà présentés par le requérant dans la demande de réexamen.

91.      À première vue, la Cour a déjà tranché cette question récemment de manière tout à fait similaire dans l’arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719). Selon cet arrêt, un recours contre le rejet d’une demande de réexamen ne saurait être fondé sur des moyens ou éléments de preuve nouveaux qui ne figuraient pas dans la demande de réexamen. Dans le cas contraire, l’exigence prévue à l’article 10, paragraphe 1, du règlement d’Aarhus, relative à la motivation d’une telle demande, serait privée de son effet utile et cela modifierait l’objet de la procédure engagée par cette demande (31).

92.      Cette constatation de la Cour est conforme à la jurisprudence qu’elle a rendue par ailleurs quant à l’objet de la procédure. L’objet du litige dans la procédure en manquement est délimité par la lettre de mise en demeure et l’avis motivé (32), de même que l’objet de la procédure en matière de marques est défini par les conclusions et les preuves présentées devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) (33). Un pourvoi ne saurait également modifier l’objet du recours devant le Tribunal (34). En outre, comme cela a déjà été mentionné, la légalité d’une décision de la Commission doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle disposait à la date où elle a adopté cette décision (35), à savoir, notamment, au regard du contenu de la demande sur laquelle elle statue.

93.      La Cour a également déjà interprété en ce sens l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, mis en œuvre par le règlement d’Aarhus. Selon la Cour, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de forclusion exigeant de faire valoir les objections portant sur le respect des règles pertinentes du droit de l’environnement dès le stade de la procédure administrative. Une telle règle peut permettre d’identifier de manière plus rapide les points litigieux et, le cas échéant, de résoudre ceux-ci au cours de la procédure administrative de telle sorte qu’un recours juridictionnel n’est plus nécessaire. Une telle règle de forclusion peut ainsi contribuer à l’objectif de l’article 9, paragraphe 3, de cette convention de prévoir des mécanismes judiciaires efficaces. Elle est également pleinement conforme à l’objectif de l’article 9, paragraphe 4, de ladite convention, selon lequel les procédures visées, notamment, à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus doivent offrir des recours « suffisants et effectifs » et être « équitables » (36).

94.      ClientEarth approuve explicitement dans le mémoire en réplique la constatation figurant dans l’arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719). Elle se réfère toutefois à bon droit à la jurisprudence susmentionnée relative à la délimitation de l’objet de la procédure, selon laquelle, premièrement, de nouveaux arguments relatifs à des moyens déjà présentés sont recevables (37) et, deuxièmement, il doit être possible de contester la motivation d’une décision de rejet (38).

95.      Les deux cas de figure concernant des arguments nouveaux sont conformes à l’objectif énoncé au considérant 19 du règlement d’Aarhus et à l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, visant à assurer une protection juridictionnelle adéquate et effective. Cet objectif découle d’ailleurs également de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

96.      La constatation du Tribunal figurant au point 55 de l’arrêt attaqué est, en revanche, trop restrictive, car le Tribunal y déclare globalement irrecevables non seulement – à bon droit – des moyens nouveaux, mais également – à tort – des arguments nouveaux.

97.      Pour remettre en cause l’arrêt, l’application de cette constatation devrait toutefois également être entachée d’une erreur de droit en ce qui concerne les arguments de ClientEarth.

98.      ClientEarth invoque, à cet égard, le rejet des arguments relatifs à la notion d’« utilisation », à l’utilisation de déchets et à la quantification des avantages socio-économiques.

1)      Sur la notion d’« utilisation »

99.      Aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rejette comme irrecevable l’argument de ClientEarth selon lequel la notion d’« utilisation » implique une introduction ou un déploiement « actif » d’une certaine substance dans un « processus industriel ». Le Tribunal estime que cet argument ne figurait pas de manière suffisamment claire dans la demande de réexamen, de sorte que la Commission n’était pas en mesure de l’identifier.

100. Il est toutefois constant que la demande de réexamen portait sur la question de savoir si la demande d’autorisation indiquait de manière suffisamment claire les utilisations envisagées du DEHP. Le Tribunal fait même référence, au point 61 de l’arrêt attaqué, à l’argument présenté par ClientEarth dans la demande de réexamen, selon lequel l’utilisation du DEHP suppose que cette substance soit utilisée « dans une préparation » ou introduite « dans un article ». Puis, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal mentionne les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté cet argument dans la décision litigieuse sur la demande de réexamen.

101. Lorsque ClientEarth exige dans la requête le déploiement « actif » d’une certaine substance dans un « processus industriel », il y a lieu de considérer qu’il s’agit – à tout le moins dans la présente procédure – uniquement d’un développement supplémentaire de l’objection soulevée dans la demande de réexamen. En effet, la question porte toujours sur le point de savoir si la demande d’autorisation et l’autorisation ont pour objet des utilisations du DEHP au sens du règlement REACH.

102. Par conséquent, la constatation du Tribunal relative à l’irrecevabilité de l’argument concerné de ClientEarth est entachée d’une erreur de droit.

103. Cette erreur de droit n’est toutefois susceptible d’être retenue que si le rejet à titre subsidiaire de cet argument comme non fondé, aux points 63 à 92 de l’arrêt attaqué, est erroné en droit. Il ressortira cependant de l’analyse du troisième moyen que cela n’est pas le cas (voir points 138 à 146 des présentes conclusions, notamment points 143 et 144).

2)      Sur les arguments relatifs à l’utilisation de déchets

104. ClientEarth fait également grief au Tribunal d’avoir rejeté, aux points 74, 75, 85 et 87 de l’arrêt attaqué, comme irrecevables, différents arguments tirés de ce que la Commission a autorisé l’utilisation de matériaux issus de la valorisation de déchets. ClientEarth estime que la Commission a autorisé un processus de recyclage portant atteinte à la législation en matière de déchets et a déterminé de manière erronée la fin du statut de déchet.

105. Il n’est pas nécessaire de déterminer en l’espèce si ces arguments ne relèvent effectivement pas de l’objet de la procédure. En effet, ils sont non fondés en fait, car, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement REACH, ce règlement ne s’applique pas aux déchets. Par conséquent, la décision d’autorisation ne peut pas régler ces questions relatives à la législation en matière de déchets, ainsi que cela ressort également explicitement du considérant 8 de cette décision. Ladite décision part au contraire du principe que les déchets de PVC transformés ont déjà perdu leur qualité de déchets avant l’utilisation autorisée.

106. En l’absence de réglementation de l’Union sur la fin du statut de déchets en ce qui concerne les déchets de PVC contenant du DEHP, la décision à cet égard incombe, en revanche, aux États membres (39) qui sont soumis dans ce cadre à des exigences strictes en matière de prévention des effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine (40). Une éventuelle atteinte à la législation en matière de déchets relèverait donc de la responsabilité de l’État membre qui constate la fin du statut de déchet.

107. Cette branche du premier moyen est donc, en définitive, inopérante.

3)      Sur les avantages socio-économiques – la quantification du risque

108. Enfin, ClientEarth conteste le point 197 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal rejette comme irrecevable l’argument tiré de ce que l’absence de quantification du risque pour la santé des travailleurs remet en cause la mise en balance socio-économique.

109. La demande de réexamen critiquait, certes, la mise en balance socio‑économique, mais l’absence de quantification du risque pour la santé des travailleurs n’a, en réalité, pas été mentionnée. L’on ne voit pas non plus quel point de critique de la demande était censé développer cet argument. Pour autant que la prise en compte de certains risques a été contestée, cela ne portait pas sur la quantification, mais sur le fait que ces risques ne faisaient pas partie de la mise en balance (voir points 51 et suivants des présentes conclusions).

110. Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré cette objection comme étant irrecevable et cette branche du premier moyen est donc non fondée.

2.      Sur le quatrième moyen : les exigences applicables à la demande d’autorisation

111. Étant donné que la demande de réexamen d’une autorisation peut également être fondée sur le fait que cette autorisation repose sur des indications lacunaires dans la demande d’autorisation (41), les exigences concernant le contenu de cette demande revêtent un intérêt. Elles font l’objet du quatrième moyen.

112. Comme cela a déjà été mentionné, une autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 7, du règlement REACH ne sera octroyée que si la demande satisfait aux exigences prévues à l’article 62 de ce règlement (42). L’article 62, paragraphe 4, dudit règlement précise les informations que doit contenir la demande. Parmi celles-ci figurent, notamment, un rapport sur la sécurité chimique [sous d)] ainsi qu’une analyse des solutions de remplacement [sous e)]. Le rapport sur la sécurité chimique doit répondre aux exigences de l’annexe I du règlement REACH et couvrir notamment les risques qu’entraîne pour la santé humaine ou l’environnement l’utilisation de la ou des substances en raison des propriétés intrinsèques visées à l’annexe XIV de ce règlement. L’analyse des solutions de remplacement vise à prendre en considération les risques ainsi que la faisabilité technique et économique des solutions de remplacement, y compris, le cas échéant, des informations sur les activités pertinentes de recherche et de développement du demandeur.

113. Les parties et le Tribunal considèrent que le contrôle de ces exigences applicables à la demande d’autorisation doit être dissocié de l’évaluation des conditions d’autorisation visées à l’article 60, paragraphes 2 et 4, du règlement REACH. ClientEarth conteste cependant le fait que, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’impose pas à la Commission, s’agissant du rapport sur la sécurité chimique, d’examiner sur le fond les informations à transmettre avec la demande au titre de l’article 60, paragraphe 7, lu conjointement avec l’article 62 et l’annexe I de ce règlement.

114. Le Tribunal se fonde sur le fait que le libellé des dispositions en question ne prévoit aucune obligation en ce sens à la charge de la Commission.

115. Cette constatation est cependant incorrecte.

116. Il n’existe, certes, aucune disposition imposant à la Commission d’examiner les informations fournies sur le fond. Toutefois, l’article 64, paragraphe 3, première phrase, du règlement REACH indique explicitement que les comités de l’ECHA d’évaluation des risques et d’analyse socio-économique débutent leur examen de la demande en déterminant si celle-ci comprend l’ensemble des informations pertinentes énumérées à l’article 62 de ce règlement, dont ils doivent disposer pour s’acquitter de leur tâche. La deuxième phrase prévoit qu’ils invitent le demandeur à fournir des informations supplémentaires lorsque cela est nécessaire.

117. Les comités ne peuvent s’acquitter de ces tâches que s’ils examinent sur le fond les informations transmises avec la demande. Ils doivent, à cet égard, déjà anticiper l’examen des conditions d’autorisation au titre de l’article 60, paragraphes 2 ou 4, dudit règlement. Néanmoins, il s’agit cependant de deux étapes, car les comités prennent en considération dans leurs avis sur l’autorisation également leur propre expertise ainsi que des informations fournies non par le demandeur, mais par des tiers, notamment en vertu de l’article 64, paragraphe 3, troisième et quatrième phrases.

118. Les comités sont, conformément au considérant 95, à l’article 85, paragraphe 7, ainsi qu’à l’article 88 du règlement REACH, indépendants dans leur appréciation. La Commission prend cependant en compte leurs avis lorsqu’elle autorise une utilisation au titre de l’article 60, paragraphes 2 ou 4, de ce règlement. Si les comités devaient constater que les informations présentées sont insuffisantes, la Commission ne peut autoriser l’utilisation demandée de la substance que si elle expose en même temps les raisons pour lesquelles l’appréciation des comités n’est pas correcte. Par conséquent, soit la Commission reprend à son compte les constatations des comités sur le caractère complet des informations présentées, soit elle examine elle-même les informations sur le fond.

119. La constatation du Tribunal figurant au point 109 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’est pas tenue d’examiner sur le fond le rapport sur la sécurité chimique à présenter avec la demande en vertu de l’article 60, paragraphe 7, lu conjointement avec l’article 62 et l’annexe I, du règlement REACH méconnaît donc la procédure prévue aux articles 60, 62 et 64 de ce règlement et est, par conséquent, erronée en droit.

120. Cette erreur de droit de l’arrêt attaqué ne remet cependant celui-ci en question que si l’erreur correspond à un vice entachant la décision litigieuse sur la demande de réexamen. En effet, une lacune significative dans le dossier de demande doit être décelée au plus tard dans la décision d’autorisation. L’examen du cinquième moyen montrera cependant que cela n’est pas le cas en l’espèce en ce qui concerne le rapport sur la sécurité chimique (voir ci-après, sous 5, notamment point 154 des présentes conclusions).

3.      Sur le deuxième moyen : les exigences de preuve applicables aux demanderesses à l’autorisation dans le cadre de la procédure de réexamen

121. Par le deuxième moyen, ClientEarth conteste les exigences de preuve que le Tribunal a fixées pour la procédure de réexamen.

122. La Cour a déjà jugé qu’un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer tous les éléments de fait ou de droit susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé (43). ClientEarth invoque ce niveau de preuve dans le cadre du présent moyen.

123. Bien que le Tribunal recoure également à ce niveau de preuve au point 57 de l’arrêt attaqué, ClientEarth conteste l’application de celui-ci s’agissant des griefs relatifs au rapport sur la sécurité chimique présenté avec la demande d’autorisation et à l’analyse des solutions de remplacement par le comité d’analyse socio-économique.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen : le rapport sur la sécurité chimique figurant dans la demande d’autorisation

124. Par la première branche du deuxième moyen, ClientEarth conteste le rejet d’objections formulées contre le rapport sur la sécurité chimique présenté avec la demande d’autorisation. Le niveau de preuve ayant été, à cet égard, appliqué à ses arguments est, selon elle, disproportionné.

125. Au point 112 de l’arrêt attaqué, le Tribunal constate que ClientEarth n’a produit aucune preuve permettant de conclure que le rapport sur la sécurité chimique présenté avec la demande d’autorisation ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 60, paragraphe 7, à l’article 62, paragraphe 4, sous d), et à l’annexe I du règlement REACH.

126. Le Tribunal a cependant fondé cette constatation non sur une appréciation des preuves ou sur un niveau de preuve déterminé, mais sur le fait que le caractère complet de la demande d’autorisation devait être examiné non au regard de son contenu, mais uniquement sur la forme, comme le montre notamment le point 113 de l’arrêt attaqué. Cette objection à l’encontre des exigences de preuve repose donc sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

127. Il en va de même pour les objections à l’encontre des points 148 à 150 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a considéré que ClientEarth aurait dû contester de manière étayée l’évaluation du comité d’analyse socio-économique pour faire valoir des insuffisances du rapport sur la sécurité chimique. Sur ce point également, le Tribunal se fonde, à tout le moins implicitement, à nouveau sur sa considération selon laquelle les exigences relatives à la qualité de la demande d’autorisation sont de nature uniquement formelle. Pour autant qu’il exige des objections étayées, il se réfère aux considérations de la Commission ou du comité qui sous-tendent la décision d’autorisation et ne sont susceptibles d’être contestées, selon lui, que sur le fond.

128. Étant donné qu’ils reposent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, ces griefs relatifs au niveau de preuve requis sont non fondés.

129. Les considérations relatives au quatrième moyen ont, certes, montré que la motivation du Tribunal en ce qui concerne le contrôle du contenu de la demande est erronée en droit (voir, ci-dessus, sous 2, notamment points 115 et suivants des présentes conclusions). L’examen du cinquième moyen montrera cependant que l’évaluation du rapport sur la sécurité chimique par les comités et la Commission dans le cadre de la décision d’autorisation ne prête pas à contestation (voir, ci‑après, sous 5, notamment point 154 des présentes conclusions), de sorte que cette erreur de droit n’entraîne pas l’annulation de l’arrêt attaqué.

b)      Sur la seconde branche du deuxième moyen : l’analyse des solutions de remplacement

130. La seconde branche du deuxième moyen concerne l’analyse des solutions de remplacement par le comité d’analyse socio-économique. À cet égard, ClientEarth fait grief au Tribunal d’avoir mentionné au point 248 de l’arrêt attaqué qu’elle aurait dû fournir des éléments de preuve privant de plausibilité les appréciations factuelles relatives à l’absence de solutions de remplacement. ClientEarth estime que le Tribunal semble donc exiger une analyse approfondie des solutions de remplacement dans le cadre de la demande de réexamen, au lieu d’imposer cette exigence à la demande d’autorisation. Cela reviendrait, selon ClientEarth, à exiger de la demande de réexamen qu’elle prouve l’illégalité de la décision révisée.

131. Par cet argument, ClientEarth méconnaît toutefois le niveau de contrôle appliqué par les juridictions de l’Union en cas d’objections sur le fond lorsque les autorités de l’Union apprécient des questions complexes d’ordre scientifique et technique pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent. En effet, ces autorités disposent à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, devant limiter le contrôle du juge de l’Union à la détermination du point de savoir si l’exercice de ce pouvoir d’appréciation n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des institutions à qui, seulement, le traité FUE a conféré cette tâche (44).

132. Des objections sur le fond à l’encontre d’une telle appréciation des autorités de l’Union doivent donc établir une erreur manifeste, un détournement de pouvoir ou un excès manifeste du pouvoir d’appréciation.

133. Il ne résulte pas, contrairement à ce que soutient ClientEarth, du fait que les arguments avancés dans un arrêt cité par le Tribunal (45) se situaient nettement en deçà du niveau de preuve requis pour établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation que de moindres exigences s’appliquent dans d’autres cas de figure.

134. Ce niveau de preuve n’exige cependant pas nécessairement de réfuter l’appréciation des autorités de l’Union uniquement sur le fond. Au contraire, le juge de l’Union doit également, dans le cadre de décisions complexes, vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission et l’absence de détournement de pouvoir (46). Notamment, aux fins de vérifier si l’institution compétente a commis une erreur manifeste d’appréciation, le juge de l’Union doit contrôler si cette institution a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels se fondent les conclusions qui en sont tirées (47).

135. Le large pouvoir d’appréciation concerne, certes, dans une certaine mesure, également la détermination des données de base (48), mais il suffit de démontrer que des éléments manifestement pertinents n’ont pas été pris en compte dans le cadre de l’appréciation. La demande de réexamen peut ainsi justifier l’existence de doutes sérieux quant à l’appréciation effectuée. En effet, malgré le large pouvoir d’appréciation dont disposent les autorités de l’Union, celles-ci doivent, à tout le moins, exposer qu’elles avaient connaissance de ces doutes et expliquer les raisons pour lesquelles elles sont néanmoins parvenues à leur appréciation.

136. C’est cependant précisément pour cette raison que les indications mises en avant par ClientEarth quant aux doutes pris en considération par les comités dans le cadre de l’appréciation n’établissent pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Au contraire : ces considérations montrent justement que les autorités de l’Union ont pris en compte ces circonstances dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation.

137. Pour autant que, par ce grief, ClientEarth conteste implicitement que la Commission a admis comme suffisantes les informations de la demande d’autorisation concernant l’analyse des solutions de remplacement, sans que le Tribunal ait remis en cause cet aspect, la conclusion du quatrième moyen vaut également : il convient, en principe, de procéder à un examen sur le fond du caractère complet de la demande d’autorisation (voir, ci-dessus, sous 2, notamment points 115 et suivants des présentes conclusions). Toutefois, l’examen du troisième moyen montrera que l’analyse des solutions de remplacement dans la décision d’autorisation ne prête pas à contestation (voir, ci-après, sous 4). Par conséquent, une éventuelle erreur de droit commise par le Tribunal dans le cadre de l’appréciation du contrôle de la demande d’autorisation en ce qui concerne l’analyse des solutions de remplacement est sans pertinence aux fins de la solution du présent litige.

4.      Sur le troisième moyen : les solutions de remplacement à l’utilisation demandée

138. Par le troisième moyen, ClientEarth conteste l’appréciation de ses objections relatives à l’analyse des solutions de remplacement dans la décision d’autorisation.

139. Conformément à l’article 60, paragraphe 4, première phrase, du règlement REACH, une autorisation peut être octroyée, en l’absence de substances ou de technologies de remplacement appropriées, lorsque les avantages socio-économiques l’emportent. Dans le cadre de cette décision, il convient de prendre en compte, en vertu de la seconde phrase de cette disposition, notamment l’analyse des solutions de remplacement, présentée par le demandeur au titre de l’article 62, paragraphe 4, sous e), de ce règlement, ainsi que d’éventuelles informations sur des substances ou des technologies de remplacement, transmises par des tiers intéressés conformément à l’article 64, paragraphe 2, dudit règlement.

140. Cette disposition ne saurait être interprétée en ce sens que toute substance ou technologie de remplacement exclut l’autorisation, car, conformément à l’article 55, première phrase, du règlement REACH, les substances soumises à autorisation ne doivent être remplacées que par d’autres substances ou technologies appropriées, pour autant que celles-ci soient économiquement et techniquement viables. Cette appréciation constitue, conformément à l’article 55, seconde phrase, de ce règlement, le but de l’analyse des solutions de remplacement dans le cadre de la procédure d’autorisation.

141. Le Tribunal a jugé de manière constante, notamment aux points 71, 91, 238, 242 et 243 de l’arrêt attaqué, que l’autorisation a été accordée au DEHP en sa qualité de plastifiant contenu dans le recyclat de PVC, lequel est mis sur le marché après que le PVC a perdu sa qualité de déchet. Puis, au point 91 de cet arrêt, le Tribunal a mentionné qu’il n’est pas incorrect de considérer comme étant des solutions de remplacement possibles d’autres mélanges qui ne contiennent pas du tout la substance ou d’autres procédés dans lesquels la fonction conférée par la substance peut être assurée par d’autres moyens.

142. ClientEarth oppose à cette considération que l’analyse des solutions de remplacement dépend de la fonction du DEHP, qui est d’accroître la flexibilité et l’élasticité du PVC. En effet, la procédure d’autorisation vise, selon elle, à réduire et à remplacer à long terme l’utilisation de la substance concernée, à savoir, en l’espèce, le DEHP. ClientEarth fait valoir que, même s’il existait des plastifiants de remplacement plus sûrs, le traitement du DEHP pourrait, au regard du raisonnement du Tribunal, être autorisé tant que des déchets de PVC contenant du DEHP sont produits. Selon ClientEarth, il aurait cependant fallu examiner, en fait, des plastifiants de remplacement ou des solutions de remplacement à ce PVC contenant du DEHP.

143. Ces considérations ne convainquent cependant pas. Dans le cadre de l’appréciation de technologies et de substances de remplacement, il convient de se fonder sur l’utilisation concrète pour laquelle une autorisation est demandée. À cet égard, la notion d’« utilisation » est définie de manière très large, conformément à l’article 3, point 24, du règlement REACH, comme visant « toute opération de transformation, de formulation, de consommation, de stockage, de conservation, de traitement, de chargement dans des conteneurs, de transfert d’un conteneur à un autre, de mélange, de production d’un article ou tout autre usage ».

144. Selon la présente autorisation, le DEHP doit être utilisé non pas de manière générale lors de la fabrication de PVC, mais par des entreprises de recyclage en tant que composant du recyclat de PVC. La question de savoir s’il existe d’autres plastifiants adéquats pour le PVC revêt pour ces entreprises un intérêt secondaire. L’aspect déterminant réside plutôt dans la question de savoir si ces entreprises peuvent être renvoyées à d’autres types de recyclats, que ce soit le recyclat de PVC sans DEHP ou le recyclat d’autres matières plastiques.

145. Ce moyen est donc non fondé.

146. Il convient toutefois de faire observer que la substituabilité du DEHP n’est, certes, pas significative en l’espèce pour l’analyse des solutions de remplacement, mais qu’elle peut jouer un rôle dans le cadre de la mise en balance socio‑économique globale. Si le DEHP peut être substitué à un coût avantageux par des substances présentant moins de risques, les avantages de l’utilisation du recyclat de PVC contenant du DEHP sont moins importants que si cela n’est pas le cas. Dans le même temps, le recyclat de PVC contenant du DEHP devrait être moins disponible, car la mise sur le marché de nouveau PVC contenant du DEHP est moins attractive (49), voire limitée par des restrictions au titre de l’article 67 du règlement REACH (50). Enfin, la demande en recyclat de PVC contenant du DEHP devrait également diminuer, voire disparaître totalement. Ces considérations ne font cependant pas l’objet du pourvoi.

5.      Sur le cinquième moyen : le rapport sur la sécurité chimique dans le cadre de la mise en balance

147. Le cinquième moyen porte sur la question de savoir si la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH pouvait être effectuée sur la base du rapport sur la sécurité chimique présenté.

148. L’article 60 du règlement REACH prévoit, comme cela a été mentionné, deux fondements aux fins d’une autorisation. Conformément à l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement, une autorisation peut être octroyée si le risque pour la santé humaine ou l’environnement est valablement maîtrisé. Cela suppose notamment que le rapport sur la sécurité chimique documente cette maîtrise. Si une maîtrise adéquate du risque n’est, en revanche, pas garantie, l’article 60, paragraphe 4, dudit règlement permet d’octroyer l’autorisation s’il est démontré que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées.

149. En l’espèce, la Commission a considéré, comme le comité d’évaluation des risques, que la demande d’autorisation ne démontrait pas une maîtrise adéquate du risque encouru par les travailleurs qui transforment le recyclat de PVC contenant du DEHP (51). Il ne pouvait donc pas être octroyé d’autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH.

150. Au contraire, la Commission a accordé l’autorisation sur le fondement de la mise en balance au titre de l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement.

151. ClientEarth considère toutefois qu’il n’a pas été possible de réaliser une telle mise en balance en raison d’insuffisances du rapport sur la sécurité chimique.

152. Elle conteste ainsi, d’une part, la constatation du Tribunal figurant au point 132 de l’arrêt attaqué, selon laquelle cette objection ne peut concerner qu’une autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 2, du règlement REACH, mais non une autorisation au titre de l’article 60, paragraphe 4, de ce règlement. Elle remet en cause, d’autre part, les constatations figurant aux points 135 et 136 de cet arrêt, selon lesquelles les informations présentées étaient, en tout état de cause, suffisantes pour effectuer la mise en balance.

153. Il convient de donner raison à ClientEarth sur le fait que des insuffisances du rapport sur la sécurité chimique peuvent s’opposer à une application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH. Pour constater que les avantages socio-économiques d’une utilisation l’emportent sur les risques, il est nécessaire d’identifier ces risques avec suffisamment de précision. Cela est souligné à l’article 60, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, qui prévoit qu’il doit être tenu compte du risque lié aux utilisations de la substance ainsi que de la pertinence et de l’efficacité des mesures de gestion des risques proposées. Si l’application de l’article 60, paragraphe 2, dudit règlement devait déjà être écartée parce que ces risques ne sont pas décrits de manière suffisante, cela serait également susceptible de s’opposer à une autorisation fondée sur la prépondérance des avantages.

154. Si la constatation du Tribunal figurant au point 132 de l’arrêt attaqué visait à écarter cette objection, celle-ci serait entachée d’une erreur de droit. Les constatations figurant aux points 135 et 136 de cet arrêt plaident toutefois en ce sens que le Tribunal ne souhaitait pas formuler au point 132 dudit arrêt une affirmation de portée aussi large. Du moins, ces constatations seraient, en tant que motivation à titre subsidiaire, propres à maintenir sur ce point l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal expose de manière convaincante aux points 135 et 136 de cet arrêt que les données fournies par la demanderesse permettaient, à tout le moins, de tirer des conclusions sur le risque pour les travailleurs, suffisantes pour réaliser la mise en balance.

155. Pour autant que ClientEarth objecte que l’évaluation des risques ne concerne pas spécifiquement l’utilisation autorisée, elle procède à une lecture erronée, notamment, du point 135 de l’arrêt attaqué. Conformément à ce point, les informations fournies ne concernent, certes, pas spécifiquement cette utilisation, mais cela n’exclut pas d’en tirer des conclusions sur les risques liés à l’utilisation.

156. La question de savoir si cette appréciation factuelle des données est correcte est une question d’appréciation de la preuve qui échappe au contrôle dans le cadre d’un pourvoi.

157. Par conséquent, le cinquième moyen est non fondé.

6.      Sur le septième moyen : le principe de précaution

158. Le septième moyen concerne le principe de précaution. Certes, ClientEarth conteste les affirmations figurant aux points 284 et 295 de l’arrêt attaqué, mais son argumentation selon laquelle le principe de précaution devrait être pris en compte n’est pas en contradiction avec ces affirmations ou l’arrêt attaqué dans son ensemble.

159. Pour autant que ClientEarth considère notamment que le Tribunal a constaté, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 60, paragraphe 4, du règlement REACH, que la Commission est dispensée d’appliquer le principe de précaution, elle procède à une lecture erronée de l’arrêt. Au contraire, le Tribunal mentionne aux points 290 à 294 de l’arrêt attaqué que cette disposition constitue l’expression de l’articulation entre le principe de précaution et le principe de proportionnalité.

160. Ce moyen est donc non fondé.

D.      Conclusion intermédiaire

161. En résumé, il convient d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse sur la demande de réexamen, car ils ont admis que les propriétés du DEHP perturbant le système endocrinien n’avaient pas été prises en compte dans la mise en balance socio-économique figurant dans la décision d’autorisation. Les constatations du Tribunal portant sur la recevabilité des griefs relatifs à la demande d’autorisation et au contrôle du contenu de la demande, ainsi que sur l’irrecevabilité de nouveaux arguments sont également erronées en droit, mais n’entraînent pas, en définitive, l’annulation de l’arrêt attaqué.

VI.    Sur les dépens

162. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

163. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable mutatis mutandis à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

164. Par ailleurs, aux termes de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, une partie intervenante en première instance qui n’a pas, elle-même, formé le pourvoi ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Dans ce cas, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Cela vaut pour les dépens exposés par l’ECHA dans le cadre de la procédure de pourvoi.

165. S’agissant des dépens exposés par l’ECHA devant le Tribunal, les motifs exposés au point 310 de l’arrêt attaqué demeurent valables.

166. Par conséquent, la Commission doit supporter les dépens exposés par ClientEarth et ses propres dépens. L’ECHA doit, en revanche, supporter ses propres dépens dans les deux instances.

VII. Conclusion

167. Je propose donc à la Cour de statuer comme suit :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission (T‑108/17, EU:T:2019:215), est annulé.

2)      La décision C(2016) 8454 final de la Commission européenne, du 7 décembre 2016, est nulle.

3)      La Commission supportera les dépens exposés par ClientEarth ainsi que ses propres dépens. L’Agence européenne des produits chimiques supportera ses propres dépens.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2016/217 de la Commission, du 16 février 2016 (JO 2016, L 40, p. 5) (ci-après le « règlement REACH »).


3      Règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13) (ci-après le « règlement d’Aarhus »).


4      Convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2005, L 124, p. 4), adoptée par décision du Conseil du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1).


5      Règlement de la Commission du 17 février 2011 modifiant l’annexe XIV du règlement REACH (JO 2011, L 44, p. 2).


6      Également qualifié de « perturbateur endocrinien ». Ces substances affectent l’équilibre hormonal.


7      La contestation de cette décision a été rejetée par les arrêts du Tribunal du 11 mai 2017, Deza/ECHA (T‑115/15, EU:T:2017:329), et de la Cour du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52).


8      Décision d’exécution C(2017) 4462 final (https://echa.europa.eu/documents/10162/88c20879-606b-03a6-11e4-9edb90e7e615).


9      Le document est référencé sous « ECHA/RAC/SEAC Opinion No. AFA-0-0000004151-87-17/D » et intitulé « Avis relatif à une demande d’autorisation en vue de l’utilisation du phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP) : [f]ormulation de PVC souple recyclé contenant du DEHP dans des composés et des mélanges secs ».


10      Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3).


11      Arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719). Les arrêts du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht (C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4) ; du 13 janvier 2015, Conseil et Commission/Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe (C‑404/12 P et C‑405/12 P, EU:C:2015:5), et du 3 septembre 2020, Mellifera/Commission (C‑784/18 P, non publié, EU:C:2020:630), concernaient, en revanche, l’applicabilité de cette procédure.


12      Voir mes conclusions dans l’affaire Bayer CropScience et Bayer/Commission (C‑499/18 P, EU:C:2020:735, points 57 et suiv., ainsi que jurisprudence citée).


13      Voir point 19 des présentes conclusions.


14      Avis du 22 octobre 2014 (voir note 9), paragraphe 10, p. 17.


15      Paragraphe 4 des remarques relatives à l’article 57 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques et modifiant la directive 1999/45/CE et le règlement (CE) {sur les polluants organiques persistants} {SEC(2003) 1171 final} {SEK(2003) 1171} /* COM/2003/0644 final – COD 2003/0256 */.


16      Arrêts du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil (138/79, EU:C:1980:249, point 25) ; du 25 juin 1997, Italie/Commission (C‑285/94, EU:C:1997:313, points 22 et 23), ainsi que du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission (C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 73).


17      Arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 77) ; du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços (C‑77/09, EU:C:2010:803, point 57), et du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a (C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 35).


18      Arrêts du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C‑192/01, EU:C:2003:492, point 51) ; du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços (C‑77/09, EU:C:2010:803, point 75), et du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que point 94).


19      Arrêt du 28 mars 2019, Verlezza e.a. (C‑487/17 à C‑489/17, EU:C:2019:270, point 57). Voir, aussi, arrêts du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622, point 134) ; du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola (C‑674/17, EU:C:2019:851, point 66), et du 24 octobre 2019, Prato Nevoso Termo Energy (C‑212/18, EU:C:2019:898, point 58).


20      Voir considérants 1, 3 et 7, ainsi qu’article 1er, paragraphe 1, du règlement REACH et sa base juridique, article 95, paragraphe 3, TCE (à présent, article 114, paragraphe 3, TFUE), ainsi qu’article 3, paragraphe 3, TUE, et articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


21      Arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA (T‑115/15, EU:T:2017:329, point 145).


22      Arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52).


23      Paragraphe 3.2, sous i), de la décision litigieuse sur la demande de réexamen.


24      Arrêts du 7 février 1979, France/Commission (15/76 et 16/76, EU:C:1979:29, point 7) ; du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, EU:C:1986:302, point 16) ; du 17 mai 2001, IECC/Commission (C‑449/98 P, EU:C:2001:275, point 87) ; du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C‑390/06, EU:C:2008:224, points 54 et suiv.), ainsi que du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37).


25      Voir point 19 des présentes conclusions.


26      Voir point 44 des présentes conclusions.


27      Comité d’évaluation des risques (CER) et comité d’analyse socio-économique (CASE), Opinion on a Review Report for : Formulation of recycled soft PVC containing DEHP in compounds and dry-blends (ECHA/RAC/SEAC : AFA-O-0000006672-71-01/D) du 30 novembre 2018.


28      Arrêts du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 37), et du 3 septembre 2020, Mellifera/Commission (C‑784/18 P, non publié, EU:C:2020:630, point 63).


29      Arrêts du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 38), et du 3 septembre 2020, Mellifera/Commission (C‑784/18 P, non publié, EU:C:2020:630, point 64).


30      Arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 38).


31      Arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 39).


32      Arrêts du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne (C‑191/95, EU:C:1998:441, point 55), et du 14 octobre 2010, Commission/Autriche (C‑535/07, EU:C:2010:602, point 41).


33      Arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul (C‑29/05 P, EU:C:2007:162, notamment points 53 et 54).


34      Arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59) ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 35), et du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE (C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, point 34).


35      Voir jurisprudence citée dans la note 24.


36      Arrêts du 20 décembre 2017, Protect Natur-, Arten- und Landschaftsschutz Umweltorganisation (C‑664/15, EU:C:2017:987, points 88 et 89), ainsi que du 14 janvier 2021, Stichting Varkens in Nood e.a. (C‑826/18, EU:C:2021:7, point 63).


37      Voir arrêt du 19 septembre 2002, Allemagne/Commission (C‑377/99, EU:C:2002:504, point 68) ; sur pourvoi, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 178) ; du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 66) ; du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 114), et du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission (C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 33), ainsi que, sur la procédure en manquement, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande (C‑494/01, EU:C:2005:250, point 38), et du 11 juillet 2013, Commission/Pays-Bas (C‑576/10, EU:C:2013:510, points 31 et 32).


38      Voir, sur pourvoi, arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 64) ; du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 63), et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission (C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 310).


39      Arrêt du 28 mars 2019, Tallinna Vesi (C‑60/18, EU:C:2019:264, points 20 et 21).


40      Arrêt du 24 octobre 2019, Prato Nevoso Termo Energy (C‑212/18, EU:C:2019:898, point 58).


41      Voir, notamment, point 83 des présentes conclusions.


42      Voir point 85 des présentes conclusions.


43      Arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 69).


44      Arrêts du 21 juillet 2011, Nickel Institute (C‑14/10, EU:C:2011:503, point 60), et du 21 juillet 2011, Etimine (C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60), ainsi qu’ordonnances du 22 mai 2014, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA (C‑287/13 P, non publiée, EU:C:2014:599, point 19) ; du 4 septembre 2014, Rütgers Germany e.a./ECHA (C‑288/13 P, non publiée, EU:C:2014:2176, point 25), du 4 septembre 2014, Cindu Chemicals e.a./ECHA (C‑289/13 P, non publiée, EU:C:2014:2175, point 25), et du 4 septembre 2014, Rütgers Germany e.a./ECHA (C‑290/13 P, non publiée, EU:C:2014:2174, point 25). Voir, également, arrêts du 11 mai 2017, Deza/ECHA (T‑115/15, EU:T:2017:329, points 163 et 164), ainsi que du 23 janvier 2019, Deza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 82).


45      Arrêt du 21 mai 2015, Schräder/OCVV (C‑546/12 P, EU:C:2015:332).


46      Arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 76), et du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços (C‑77/09, EU:C:2010:803, point 56).


47      Arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 77) ; du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços (C‑77/09, EU:C:2010:803, point 57), et du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a (C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 35).


48      Arrêts du 29 octobre 1980, Roquette/Conseil (138/79, EU:C:1980:249, point 25) ; du 25 juin 1997, Italie/Commission (C‑285/94, EU:C:1997:313, points 22 et 23), ainsi que du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission (C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 73).


49      Jusqu’à présent, il n’existe, outre l’autorisation litigieuse, qu’une seule autorisation pour l’utilisation du DEHP pour des moteurs aéronautiques, tandis que trois demandes d’autorisation plus larges sont en suspens depuis l’année 2013 (https://echa.europa.eu/fr/applications-for-authorisation-previous-consultations?diss=true&search_criteria_ecnumber=204‑211‑0&search_criteria_casnumber=117‑81‑7&search_criteria_name=Bis%282-ethylhexyl%29+phthalate). Ces demandes permettent cependant au fabricant, conformément à l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement REACH, de continuer à mettre sur le marché du DEHP pour les utilisations demandées.


50      Le point 51 de l’annexe XVII du règlement REACH interdisait jusqu’au 7 juillet 2020 l’utilisation pour les jouets et les articles de puériculture. Depuis cette date, l’utilisation est interdite de manière générale, sauf pour certaines exceptions.


51      Considérant 5 de la décision d’autorisation.