Language of document : ECLI:EU:C:2019:505

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 18 juin 2019 (1)

Affaires jointes C152/18 P et C153/18 P

Crédit Mutuel Arkéa

contre

Banque centrale européenne (BCE)

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Article 127, paragraphe 6, TFUE – Règlement (UE) nº 1024/2013 – Article 4, paragraphe 1, sous g) – Surveillance prudentielle des établissements de crédit sur une base consolidée – Règlement (UE) nº 468/2014 – Article 2, point 21, sous c) – Règlement (UE) nº 575/2013 – Article 10 – Groupe soumis à une surveillance prudentielle – Établissements affiliés de manière permanente à un organisme central »






1.        Les deux présentes affaires jointes ont trait à deux pourvois identiques introduits par le Crédit mutuel Arkéa (ci-après le « CMA »), un établissement de crédit de droit français, visant l’annulation de deux arrêts du Tribunal (2), également quasiment identiques, par lesquels celui‑ci a rejeté les recours introduits par le CMA, tendant à l’annulation de deux décisions de la Banque centrale européenne (BCE) (3), fixant les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel, dont le CMA est un membre.

2.        Ces affaires donnent à la Cour l’opportunité, d’une part, d’interpréter pour la première fois la disposition de l’article 127, paragraphe 6, TFUE qui constitue la base juridique permettant de confier à la BCE des missions de contrôle prudentiel dans le secteur bancaire et, d’autre part, de fournir des clarifications sur la portée subjective de la surveillance prudentielle sur base consolidée que la BCE exerce, dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU), sur les groupes bancaires.

I.      Le cadre juridique.

A.      Le droit de l’Union

3.        Le règlement (UE) nº 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (4) (ci‑après le « règlement MSU ») a institué, à compter de 2014, un nouveau système de supervision des banques de la zone euro et des autres États membres participants dont la monnaie n’est pas l’euro (5), dans le cadre du MSU. Le MSU est un système de surveillance financière composé de la BCE et des autorités compétentes nationales.

4.        Parmi les différentes missions de surveillance confiées à la BCE dans le cadre du MSU, l’article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement MSU lui confie celle d’« assurer la surveillance sur base consolidée des sociétés mères des établissements de crédit établies dans l’un des États membres participants, y compris les compagnies financières holdings et les compagnies financières holdings mixtes ».

5.        Le règlement MSU est complété et précisé par le règlement (UE) nº 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du MSU entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (6) (ci-après le « règlement-cadre MSU »).

6.        L’article 2, paragraphe 21, de ce règlement définit la notion de « groupe soumis à la surveillance prudentielle ». Aux termes de cette disposition, de tels groupes constituent:

« [...] selon le cas,

a)      un groupe dont l’entreprise mère est un établissement de crédit ou une compagnie financière holding dont le siège se situe dans un État membre participant ;

b)      un groupe dont l’entreprise mère est une compagnie financière holding mixte dont le siège se situe dans un État membre participant, sous réserve que le coordinateur du conglomérat financier [...] soit une autorité compétente pour la surveillance prudentielle des établissements de crédit et soit également le coordinateur dans sa fonction d’autorité de surveillance prudentielle des établissements de crédit; ou

c)      les entités soumises à la surveillance prudentielle ayant leurs sièges dans un même État membre participant, sous réserve qu’elles soient affiliées de façon permanente à un organisme central qui exerce une surveillance prudentielle à leur égard dans les conditions décrites à l’article 10 du règlement (UE) nº 575/2013[ (7)] et qui est établi dans le même État membre participant. »

7.        L’article 10 du règlement nº 575/2013, auquel se réfère l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, est intitulé « Exemption des établissements de crédit affiliés de manière permanente à un organisme central ». Cet article prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les autorités compétentes peuvent, conformément au droit national, exempter entièrement ou partiellement de l’application des exigences prévues aux parties deux à huit un ou plusieurs établissements de crédit situés dans le même État membre et qui sont affiliés de façon permanente à un organisme central qui les surveille et qui est établi dans le même État membre, si les conditions suivantes sont remplies :

a)      les engagements de l’organisme central et des établissements qui lui sont affiliés constituent des engagements solidaires ou les engagements des établissements qui lui sont affiliés sont entièrement garantis par l’organisme central ;

b)      la solvabilité et la liquidité de l’organisme central et de tous les établissements affiliés sont suivies dans leur ensemble sur la base des comptes consolidés de ces établissements ;

c)      la direction de l’organisme central est habilitée à donner des instructions à la direction des établissements affiliés.

[...] »

B.      Le droit français

8.        Selon l’article L.511–30 du code monétaire et financier français (ci-après le « CMF »), aux fins de l’application des dispositions du CMF relatives aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) est considérée comme un organe central.

9.        L’article L.511–31 du CMF prévoit, notamment, que les organes centraux représentent les établissements de crédit et les sociétés de financement qui leur sont affiliés, qu’ils sont chargés de veiller à la cohésion de leur réseau ainsi que de s’assurer du bon fonctionnement des établissements et sociétés qui leur sont affiliés et que, à cette fin, ils prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l’ensemble du réseau.

II.    Les antécédents du litige

10.      Les antécédents du litige sont exposés dans les arrêts attaqués, auxquels je renvoie pour plus de détails (8).

11.      Pour les besoins de la présente procédure, je me limite à rappeler que le Crédit mutuel est un groupe bancaire non centralisé, constitué d’un réseau de caisses locales ayant le statut de sociétés coopératives. Chaque caisse locale du Crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale et chaque fédération doit adhérer à la CNCM, organe central du réseau au sens des articles L.511–30 et L.511–31 du CMF.

12.      Le CMA est une société anonyme coopérative de crédit à capital variable, agréée en tant qu’établissement de crédit. Il est membre du groupe Crédit mutuel.

13.      Par une décision du 1er septembre 2014, la BCE a déterminé que le groupe Crédit mutuel était un groupe important soumis à la surveillance prudentielle. Dans cette décision, la BCE a, notamment, considéré que la CNCM était le niveau de consolidation le plus élevé au sein du MSU et que le CMA était une entité membre du groupe Crédit mutuel.

14.      Par un courrier du 19 septembre 2014, le CMA a fait part à la BCE de son analyse de l’impossibilité d’être soumis à la surveillance prudentielle de celle-ci par l’intermédiaire de la CNCM.

15.      Après différents échanges avec le CMA et la CNCM, le 17 juin 2015, la BCE a adopté une décision fixant des exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel (9). Dans cette décision, la BCE a, notamment, considéré être l’autorité de surveillance prudentielle sur une base consolidée de la CNCM et l’autorité compétente chargée de la surveillance des entités énumérées dans cette décision, y inclue le CMA.

16.      Saisie par le CMA, le 14 septembre 2015, la commission administrative de réexamen (10) a rendu un avis concluant à la légalité de la décision de la BCE du 17 juin 2015. En répondant aux arguments soulevés par le CMA, cette commission a, notamment, considéré, premièrement, qu’il n’était pas imposé qu’un « organisme central », au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, dispose nécessairement de la qualité d’établissement de crédit. Deuxièmement, ladite commission a conclu que le groupe Crédit mutuel répondait aux conditions énoncées à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, auquel l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU renvoie.

17.      À la suite de cet avis, le 5 octobre 2015, la BCE a adopté la première décision litigieuse, laquelle a abrogé et remplacé la décision du 17 juin 2015, tout en conservant un contenu identique (11).

18.      Par la suite, le 5 décembre 2015, la BCE a adopté la seconde décision litigieuse par laquelle elle a fixé de nouvelles exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel, ainsi qu’aux entités qui le composent.

III. La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués

19.      Par deux requêtes déposées au greffe du Tribunal le 3 décembre 2015 et le 3 février 2016, le CMA a introduit deux recours en annulation, ayant en substance un contenu identique, respectivement, contre la première décision litigieuse et contre la seconde décision litigieuse.

20.      À l’appui de ses recours devant le Tribunal, le CMA a soulevé, dans chaque recours, trois moyens, dont seuls deux sont concernés par les présents pourvois. Dans ses recours, le CMA contestait, en substance, la légalité des deux décisions litigieuses, en ce qu’elles organisaient une surveillance prudentielle consolidée du groupe Crédit mutuel par l’intermédiaire de la CNCM. Par les premiers moyens de ses deux recours, le CMA faisait valoir que, puisque la CNCM ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit, elle ne pouvait pas être qualifiée d’organisme central aux termes de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU. Par les deuxièmes moyens de ses recours, le CMA faisait valoir que la BCE avait erronément considéré que le groupe Crédit mutuel remplissait les conditions prévue à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013 auquel l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU renvoie (12).

21.      Par les arrêts attaqués, la Tribunal a rejeté les recours du CMA dans leur intégralité.

IV.    Les conclusions des parties

22.      Par ses pourvois, le CMA demande à la Cour d’annuler les arrêts attaqués.

23.      La BCE demande à la Cour de rejeter les pourvois comme étant au moins partiellement irrecevables et comme étant non fondés pour le surplus ; de confirmer les arrêts attaqués, et de condamner le CMA aux dépens.

24.      La Commission européenne demande à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner le CMA aux dépens.

25.      La CNCM, dont la demande d’intervention a été admise par le président de la Cour par une ordonnance du 20 septembre 2018, soutient les conclusions de la BCE et de la Commission, et demande à la Cour de condamner le CMA aux dépens.

V.      Analyse juridique

26.      À l’appui de ses deux pourvois, le CMA soulève deux moyens.

27.      Les premiers moyens sont tirés d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU et de l’article 10 du règlement nº 575/2013. Le CMA reproche, en substance, au Tribunal d’avoir erronément jugé que ces dispositions permettent à la BCE d’organiser une surveillance prudentielle consolidée d’établissements affiliés à un organisme central, même lorsque cet organisme central ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit.

28.      Par ses seconds moyens, le CMA reproche au Tribunal d’avoir erronément considéré le groupe Crédit mutuel comme groupe soumis à la surveillance prudentielle, au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, alors que ce groupe, selon le CMA, ne satisfait pas à la condition énoncée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013.

29.      Avant d’analyser les moyens avancés par le CMA, il convient, à titre liminaire, d’examiner la recevabilité du renvoi fait par ce dernier, au début de ses pourvois, à une note, produite en annexe, dans laquelle un professeur universitaire, sur demande du CMA lui-même, analyse les arrêts attaqués sous l’angle du droit de la régulation et de la supervision bancaire.

30.      À cet égard, j’observe qu’il ressort de la jurisprudence que la fonction purement probatoire et instrumentale des annexes implique que, pour autant qu’un document annexé à un pourvoi comporte des éléments de droit sur lesquels certains moyens ou arguments articulés dans le pourvoi sont fondés, de tels éléments doivent figurer dans le texte même du pourvoi auquel ce document est annexé ou, à tout le moins, être suffisamment identifiés dans celui-ci. En effet, à la lumière de cette fonction des annexes, il n’appartient pas à la Cour de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens ou arguments qu’elle pourrait considérer comme constituant le fondement du pourvoi ou des différents moyens avancés dans celui-ci (13).

31.      En l’espèce, le renvoi général et global à la note en cause effectué par le CMA dans ses pourvois est vague et n’est attaché expressément à aucun moyen. Le CMA n’identifie aucunement de manière spécifique les arguments contenus dans cette note qui fonderaient les arguments avancés dans les moyens qu’elle a invoqués dans ses pourvois. Dans des telles circonstances, ce renvoi doit, à mon avis, être considéré comme irrecevable de sorte que le contenu de la note en cause ne devrait pas être pris en considération comme élément de droit sur lequel les moyens et arguments avancés par le CMA dans ses pourvois sont fondés.

A.      Les premiers moyens des pourvois concernant l’exigence que l’organisme central dispose de la qualité d’établissement de crédit aux fins de la qualification de « groupe soumis à la surveillance prudentielle »

32.      Dans le cadre des premiers moyens des deux pourvois, qui sont divisés en deux branches, le CMA soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU. Selon le CMA, cette disposition doit être interprétée comme exigeant que l’organisme central visé par ce texte dispose de la qualité d’établissement de crédit. Une telle exigence serait induite tant par l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU lui‑même (première branche), que par l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, auquel ladite disposition renvoie (seconde branche).

1.      La première branche des premiers moyens, tirée d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 21, sous c) du règlement-cadre MSU

33.      Dans le cadre de la première branche de ses premiers moyens, le CMA conteste l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU retenue par le Tribunal sur la base de laquelle celui-ci a conclu que cette disposition n’impliquait pas, en elle-même, qu’un organisme central dispose de la qualité d’établissement de crédit.

a)      Bref résumé du raisonnement du Tribunal

34.      Dans les arrêts attaqués, le Tribunal a procédé à une interprétation littérale, téléologique et contextuelle de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU (14).

35.      En ce qui concerne, en premier lieu, l’interprétation littérale, le Tribunal a relevé que le libellé de la disposition en cause ne mentionne pas que l’organisme central doit disposer de la qualité d’établissement de crédit (15).

36.      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’interprétation téléologique, le Tribunal s’est fondé sur la double finalité poursuivie par la surveillance prudentielle des groupes d’établissements de crédit sur une base consolidée qu’il avait antérieurement identifiée (16), à savoir : d’une part, celle de permettre à la BCE d’appréhender les risques susceptibles d’affecter un établissement de crédit qui ne proviennent pas de celui-ci, mais du groupe auquel il appartient et, d’autre part, celle d’éviter un fractionnement de la surveillance prudentielle des entités qui composent lesdits groupes en différentes autorités de surveillance, spécifiquement la BCE et les autorités nationales.

37.      De cette double finalité, le Tribunal a déduit, premièrement, que le respect des conditions prévues à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, implique une proximité suffisante, entre les établissements affiliés à un organisme central, pour que l’existence d’un groupe soit constatée (17).

38.      En outre, il en a, deuxièmement, déduit que suivre l’approche du CMA selon laquelle il serait impossible d’exercer une surveillance prudentielle consolidée par l’intermédiaire d’un organisme central ne disposant pas de la qualité d’établissement de crédit « impliquerait que différents établissements affiliés à un organisme central ne disposant pas de la qualité d’établissement de crédit, mais répondant aux conditions prévues par l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, relèveraient, selon leur importance individuelle, soit de la seule surveillance de la BCE, soit de la surveillance directe des autorités nationales compétentes, dans le cadre du MSU, ce qui aboutirait à un fractionnement de la surveillance prudentielle contraire aux finalités tant du règlement [MSU] que du règlement-cadre MSU » (18).

39.      En ce qui concerne, en troisième lieu, l’interprétation contextuelle, le Tribunal a relevé que les dispositions pertinentes du règlement MSU ne prévoient pas la possibilité pour la BCE d’infliger des sanctions aux organismes centraux en tant que tels. Le Tribunal a cependant considéré que, la surveillance prudentielle sur une base consolidée s’ajoutant à celle sur base individuelle, l’impossibilité pour la BCE d’infliger des sanctions à l’égard d’organismes centraux ne disposant pas de la qualité d’établissement de crédit ne constitue pas un obstacle dirimant à la conduite d’une surveillance prudentielle adéquate, dès lors que la BCE est en mesure de faire usage de ses prérogatives à l’égard des entités affiliées audit organisme central (19).

40.      Dans le cadre de la première branche de ses premiers moyens, le CMA avance trois arguments à l’encontre de cette interprétation retenue par le Tribunal.

b)      La conformité de l’interprétation retenue par le Tribunal avec l’article 127, paragraphe 6, TFUE

41.      Par son premier argument, CMA reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas interprété l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU dans le sens qui serait conforme à la norme supérieure dont cette disposition fait application, à savoir l’article 127, paragraphe 6, TFUE. Il ressortirait de cette dernière disposition que la BCE exerce ses missions de contrôle prudentiel à l’égard des seuls établissements de crédit et établissement financiers. Une interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU conforme à cette norme supérieure du TFUE aurait dû conduire le Tribunal à considérer que l’organisme central visé par cette disposition devait nécessairement disposer de la qualité d’établissement de crédit pour que la BCE puisse exercer une supervision prudentielle consolidée à partir de cet organisme central. Le CMA ne soulèverait pas une question d’illégalité de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, mais une simple question d’interprétation : la norme de droit dérivé devrait être interprétée de manière conforme à la norme de droit supérieur du TFUE.

42.      En outre, selon le CMA, contrairement à ce que soutient la BCE, un organe central d’un groupe mutualiste, tel que la CNCM, ne saurait être qualifié d’« autre établissement financier » au sens de l’article 127, paragraphe 6, TFUE. En effet, la CNCM serait une simple association qui exerce une activité à caractère purement administratif et qui n’exerce pas, en revanche, d’activités économiques.

43.      La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cet argument.

44.      À titre liminaire, il importe de rappeler que l’article 127, paragraphe 6, TFUE (20) dispose que le Conseil de l’Union européenne « peut confier à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l’exception des entreprises d’assurances » (21).

45.      Cette disposition du TFUE constitue la base juridique sur laquelle le Conseil s’est fondé pour adopter le règlement MSU, sur le fondement duquel, subséquemment, la BCE a adopté le règlement‑cadre MSU.

46.      Tout d’abord, il convient de relever que la circonstance, mise en exergue par la BCE et par la Commission (22), que CMA n’ait pas soulevé d’exception d’illégalité de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU au regard de l’article 127, paragraphe 6, TFUE ou du règlement MSU ne saurait avoir d’impact sur l’argument avancé par le CMA. En effet, ainsi que celui-ci l’a clairement exposé, son argument est tiré d’une erreur dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU retenue par le Tribunal en ce que cette interprétation ne serait pas conforme à la norme de droit supérieur contenue dans le TFUE. En revanche, le CMA n’a pas fait valoir que l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU serait incompatible avec ladite norme de droit supérieur. Il s’agit ainsi de toute évidence d’un argument concernant l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU et non concernant sa validité. Or, la possibilité d’avancer un tel argument n’est nullement conditionné à la présentation d’une exception d’illégalité.

47.      En substance, le CMA fait valoir que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU retenue par le Tribunal est erronée en ce qu’il découlerait nécessairement de la circonstance que l’article 127, paragraphe 6, TFUE se réfère exclusivement au control prudentiel des établissements de crédit et des autres établissements financier qu’un organisme central visé par ladite disposition de droit dérivé devrait nécessairement disposer de la qualité d’établissement de crédit pour que la BCE puisse exercer une supervision prudentielle consolidée à partir de cet organisme central.

48.      Un tel argument présuppose, à mon sens, une interprétation restrictive de l’article 127, paragraphe 6, TFUE lui-même et des notions d’« établissements de crédit » et d’« autres établissements financier » y contenues. Selon l’approche préconisée par le CMA, cette disposition de droit primaire devrait être interprétée en ce sens que le Conseil ne pourrait pas attribuer à la BCE, dans le cadre des missions spécifiques en matière de contrôle prudentiel qu’il peut lui confier, la compétence d’exercer une supervision prudentielle sur base consolidée sur un groupe bancaire, du fait que l’organisme central auquel les différents établissements de crédit du groupe sont affiliés, ne dispose pas lui‑même de la qualité d’établissement de crédit.

49.      Dans ces conditions, il convient de vérifier si cette interprétation est effectivement bien celle qui doit être retenue de l’article 127, paragraphe 6, TFUE, de sorte que l’interprétation du Tribunal de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU serait incompatible avec le sens de la disposition de droit supérieur du TFUE.

50.      Cependant, je ne crois pas que celle-ci soit une interprétation correcte de l’article 127, paragraphe 6, TFUE.

51.      En effet, d’un point de vue littéral, il est vrai que l’article 127, paragraphe 6, TFUE permet au Conseil, de manière explicite, de confier à la BCE des missions spécifiques ayant trait au contrôle prudentiel seulement à l’égard de deux types d’entités : les établissements de crédit et les autres établissements financiers (à l’exception des entreprises d’assurances). Les deux notions d’« établissements de crédit » et d’« établissement financier » ont, par ailleurs, été définies, au niveau du droit dérivé de l’Union, dans le règlement nº 575/2013 (23).

52.      Toutefois, la détermination de la portée de l’article 127, paragraphe 6, TFUE et de l’habilitation y contenue au Conseil de confier à la BCE des missions spécifiques en matière de contrôle prudentiel dans le secteur bancaire doit nécessairement être effectuée à la lumière du système duquel cette disposition de droit primaire fait partie et des objectifs qu’elle poursuit.

53.      À cet égard, je relève, d’abord, que d’un point de vue systématique, la disposition du TFUE en question, qui a été introduite dans le droit primaire par le traité de Maastricht (24), se trouve dans le premier article du chapitre dédié à la politique monétaire (chapitre 2, du titre VIII de la troisième partie du TFUE). Cet article contient les dispositions fondamentales fixant les objectifs et attribution des tâches du Système européen des banques centrales et de la BCE (25). La disposition en question, s’inscrivant dans le contexte des autres dispositions contenues dans le même article 127 TFUE, dont elle revêt un caractère complémentaire (26), présente une importance de nature systémique.

54.      Toutefois, c’est l’analyse des finalités poursuivies par l’article 127, paragraphe 6, TFUE qui, à mon sens, va à l’encontre d’une interprétation restrictive des notions d’« établissements de crédit » et d’« autres établissements financiers » y contenues qui conduirait à exclure la possibilité que le Conseil puisse confier à la BCE des missions de surveillance prudentielle sur un groupe bancaire en raison du simple défaut de la qualité d’établissement de crédit dans le chef de l’organe centrale auquel sont affiliés les établissements de crédit faisant partie du groupe bancaire en cause.

55.      À cet égard, il convient de relever que, en général, l’exercice des missions de surveillance prudentielle bancaire vise à assurer la sécurité et la solidité des établissements de crédit lesquelles constituent une condition essentielle pour garantir la stabilité du système financier en général (27). En effet, ainsi que la crise financière de 2008 (28) l’a montré de manière évidente, il existe un lien direct entre la stabilité du système financier, d’une part, et la sécurité et la solidité des grands établissements de crédit et des grands groupes bancaires, d’autre part (29).

56.      L’article 127, paragraphe 6, TFUE doit donc être compris comme poursuivant la finalité de permettre au Conseil, si et lorsqu’il l’estime nécessaire, de confier à la BCE des missions spécifiques en matière de contrôle prudentiel du secteur bancaire européen, afin d’en assurer la sécurité et la solidité pour garantir la stabilité du système financier – à laquelle se réfère explicitement l’article 127, paragraphe 5, TFUE – et, en fin de comptes, l’intégrité de la monnaie unique et du marché intérieur.

57.      À cet égard, il convient de relever que pour une longue période, dès l’introduction dans le droit primaire de la disposition contenue dans l’article 127, paragraphe 6, TFUE par le Traité de Maastricht en 1992 (et dès l’établissement de la BCE en 1998), jusqu’à l’adoption du règlement MSU en 2013, le Conseil n’a pas estimé nécessaire d’utiliser la faculté que cette disposition lui attribuait de confier des missions spécifiques de contrôle prudentiel bancaire à la BCE.

58.      Toutefois, la crise financière de 2008, qui est rapidement devenue une crise bancaire, a mis en exergue les défaillances du système de surveillance prudentielle non intégré existant dans l’Union européenne et a révélé des évidentes carences réglementaires qui ont contribué à aggraver fortement la crise.

59.      Dans des telles circonstances il est clairement apparu que seule une surveillance prudentielle exercée de manière intégrée au niveau européen était en mesure de garantir une supervision appropriée dans un contexte dans lequel un marché intérieur des services bancaires s’était développé dans l’Union et au sein duquel opéraient désormais plusieurs groupes ayant une dimension européenne et étant actifs dans différents États membres. C’est dans un tel contexte que le Conseil a adopté le règlement MSU.

60.      Or, pour pouvoir accomplir les objectifs mentionnés aux points 55 et 56 ci-dessus et pour permettre à la BCE d’exercer pleinement ses missions ayant trait à la surveillance prudentielle, il est nécessaire que cette institution dispose de pouvoirs de surveillance non seulement sur base individuelle, au niveau des établissements de crédit pris singulièrement, mais également sur base consolidée au niveau des groupes bancaires dont font partie un ou plusieurs établissements de crédits.

61.      L’attribution de la compétence d’effectuer une surveillance prudentielle des groupes bancaires sur base consolidée répond à la double finalité identifiée à bon droit par le Tribunal dans les arrêts attaqués – et mentionnée au point 36 ci-dessus – à savoir, celle de permettre à la BCE d’appréhender les risques susceptibles d’affecter un établissement de crédit qui proviennent du groupe auquel il appartient (30) et, d’autre part, celle d’éviter un fractionnement de la surveillance prudentielle des entités qui composent le groupe. Je relève d’ailleurs que le CMA n’a pas remis en cause cette analyse dans ses pourvois.

62.      Or, à la lumière de ces objectifs, pour pouvoir exercer de manière efficace les missions de surveillance prudentielle qui lui sont confiés, en cas de surveillance d’un groupe sur base consolidée, les pouvoirs de surveillance de la BCE doivent pouvoir s’étendre à des entités n’ayant pas la qualité d’établissement de crédit ou d’établissement financier dès lors que ces entités font partie du groupe bancaire. Dans des telles hypothèses, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, les pouvoirs de surveillance confiés à la BCE à l’égard d’entités non bancaires ne se justifient pas en raison de leurs caractéristiques ou activités propres, mais en raison du fait que ces entités font partie d’un groupe comprenant des établissements de crédit et que la surveillance à l’égard de ces établissements ne peut avoir lieu de manière efficace que sur base consolidée au niveau du groupe.

63.      Dans un tel contexte, à la lumière des objectifs poursuivis par l’attribution des pouvoirs en matière de surveillance prudentielle à la BCE, l’article 127, paragraphe 6, TFUE, ne saurait être interprété restrictivement de manière à exclure que le Conseil puisse confier des pouvoirs de surveillance prudentielle sur base consolidée à la BCE au regard de groupes bancaires qui, tout en remplissant les conditions prévues à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, ont à leur niveau plus élevé de consolidation une entité qui ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit, indépendamment de la forme juridique choisie pour cette entité. Une telle interprétation irait, en effet, clairement à l’encontre des finalités poursuivies par l’article 127, paragraphe 6, TFUE mentionnées au point 56 des présentes conclusions. En effet, elle permettrait à un groupe bancaire de se soustraire à la surveillance prudentielle sur base consolidée juste en raison de la forme juridique, telle que celle d’association, choisi par l’entité faisant office d’organe central, ce qui risquerait de mettre en péril l’effectivité de la surveillance de groupe sur base consolidée.

64.      Il résulte de ce qui précède que l’article 127, paragraphe 6, TFUE ne s’oppose pas à ce que la BCE puisse exercer une supervision prudentielle sur base consolidée sur un groupe bancaire à partir d’un organisme central qui ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit et que, à cet égard, dès lors que les conditions prévues à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013 sont remplies, il est indiffèrent que cet organisme ait une forme juridique spécifique ou exerce ou non une activité économique.

65.      Il s’ensuit de toutes les considérations qui précèdent que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, retenue par le Tribunal dans les arrêts attaqués n’est pas contraire à l’article 127, paragraphe 6, TFUE et que, par conséquent, le premier argument de la première branche des premiers moyens doit être rejeté.

c)      Le risque de fractionnement de la surveillance prudentielle

66.      Par le deuxième argument avancé dans le cadre de la première branche des premiers moyens de ses pourvois, le CMA conteste l’appréciation du Tribunal, reprise au point 38 des présentes conclusions, selon laquelle suivre l’approche qu’il a préconisée aboutirait à un fractionnement de la surveillance prudentielle contraire aux finalités tant du règlement MSU que du règlement‑cadre MSU (31).

67.      Selon le CMA, d’une part, le Tribunal dénaturerait les termes des dispositions de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, et de l’article 10 du règlement nº 575/2013 en soutenant que des établissements affiliés pourraient ne pas disposer de la qualité d’établissement de crédit tout en répondant aux conditions prévues audit article 10 et relevant ainsi des entités appartenant à un « groupe soumis à la surveillance prudentielle ».

68.      D’autre part, en l’espèce, la CNCM serait une association qui n’exerce aucune activité économique et qui a une fonction purement administrative et ne serait ainsi porteuse d’aucun risque propre qui serait susceptible de rejaillir sur la situation des établissements de crédit qui lui sont affiliées. Son intégration au sein du périmètre du groupe soumis à la surveillance prudentielle de la BCE ne serait donc pas justifiée par les finalités poursuivies par la réglementation en cause.

69.      La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cet argument.

70.      À cet égard, il convient d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (32).

71.      Or, ainsi que l’ont mis à juste titre en évidence la BCE et la Commission, cet argument est dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué et doit ainsi être considéré comme inopérant.

72.      Le caractère surabondant du motif visé par le CMA dans le cadre de cet argument, d’une part, résulte clairement du fait que le Tribunal, dans les deux arrêts attaqués, était déjà arrivé, au point précédent de celui visé par le CMA, à la conclusion qu’il est « conforme aux finalités du règlement [MSU] et du règlement-cadre MSU de retenir la qualification de “groupe soumis à la surveillance prudentielle” au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, que l’organisme central de ce groupe dispose ou non de la qualité d’établissement de crédit » (33). D’autre part, ledit caractère surabondant est confirmé par l’utilisation de la locution « en outre » au début des points des arrêts attaqués visés par l’argumentation du CMA.

73.      En tout état de cause, l’argument n’est pas seulement inopérant, mais il est également manifestement dépourvu de fondement.

74.      Ainsi, en ce qui concerne, d’une part, le grief tiré d’une dénaturation par le Tribunal des termes des dispositions pertinentes, il se fonde sur une lecture manifestement erronée des arrêts attaqués. En effet, aux points visés de ces arrêts, le Tribunal ne soutient nullement que des établissements affiliés pourraient ne pas disposer de la qualité d’établissement de crédit tout en répondant aux conditions prévues par l’article 10 du règlement nº 575/2013.

75.      En ce qui concerne, d’autre part, le grief tiré de ce que, en raison de sa nature d’une association n’exerçant aucune activité économique et ayant une fonction purement administrative, l’intégration de la CNC au sein du périmètre du groupe soumis à la surveillance prudentielle de la BCE ne serait pas justifiée par les finalités poursuivies par la réglementation en cause, il résulte des développements exposés aux points 61 à 64 ci-dessus qu’il doit être rejeté.

76.      Il s’ensuit que le deuxième argument avancé par le CMA dans le cadre de la première branche de ses premiers moyens doit, à mon avis, également être rejeté.

d)      Mission de surveillance et pouvoir de sanction 

77.      Par le troisième argument avancé dans le cadre de la première branche des premières moyens de ses pourvois, le CMA fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU en ce que, bien qu’il ait constaté que la BCE ne peut pas infliger de sanctions à l’égard des organismes centraux visés par cette disposition, il n’a toutefois pas tiré la conséquence nécessaire induite par ce constat, à savoir la nécessité pour un organisme central de disposer de la qualité d’établissement de crédit.

78.      En effet, il existerait un lien étroit entre la possibilité de superviser un établissement de crédit et la possibilité de le sanctionner en cas de manquement. Une supervision efficace ne pourrait pas être garantie si aucune sanction ne peut être infligée. Il serait ainsi incohérent de reconnaître un pouvoir de surveillance de la BCE à l’égard d’un organisme tout en la privant des moyens qui en assurent l’effectivité. Dès lors que le pouvoir de sanction garantit l’effectivité de la supervision et que ce pouvoir ne peut s’appliquer qu’aux établissements de crédit et aux compagnies financières, le Tribunal aurait dû interpréter les dispositions de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU comme ne pouvant s’appliquer qu’aux organismes centraux ayant la qualité d’établissement de crédit ou de compagnie financière.

79.      La circonstance, mentionnée par le Tribunal, que la BCE dispose d’un pouvoir de sanction à l’égard des entités affiliées à l’organisme central (34) serait inopérante. En effet, le non-respect des exigences prudentielles prévues par le règlement nº 575/2013 sur la base de la situation consolidée pourrait résulter de la seule défaillance de l’organe central dans l’exercice de ses missions à l’égard des affiliés et non pas du comportement d’un des établissements de crédit affiliés. Dans ces conditions, la BCE ne serait pas fondée à sanctionner un établissement de crédit dès lors que le manquement en cause ne lui serait pas imputable.

80.      La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cet argument.

81.      À cet égard, il convient de relever que, en général, l’article 132, paragraphe 3, TFUE (35) habilite la BCE à infliger, dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil, des amendes et des astreintes en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions. Sur la base de cette disposition, la BCE a adopté le règlement (CE) no 2532/98 du Conseil, du 23 novembre 1998, concernant les pouvoirs de la BCE en matière de sanctions (36).

82.      Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement l’accomplissement des missions ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, le pouvoir d’imposer des sanctions est confié à la BCE par l’article 18 du règlement MSU et spécifiquement à son paragraphe 1. Les procédures pour l’imposition des sanctions dans ce contexte sont prévues aux articles 120 et suivants du règlement-cadre MSU, lequel, conformément à l’article 18, paragraphe 7, du règlement MSU règle, également, la relation avec les dispositions du règlement nº 2532/98.

83.      Ainsi que l’a constaté le Tribunal dans les arrêts attaqués (37), l’article 18, paragraphe 1, du règlement MSU, attribue à la BCE le pouvoir d’infliger des sanctions aux fins de l’accomplissement de ses missions en matière de surveillance prudentielle exclusivement aux établissements de crédit, aux compagnie financières holdings ou aux compagnies financières holding mixtes. Il ne permet pas, en revanche, de sanctionner des organismes centraux qui ne relèvent pas de telles catégories, telles que définies, respectivement, aux points 3, 4 et 5 de l’article 2 du règlement MSU. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, le principe de légalité en matière de sanctions s’oppose à l’extension du pouvoir d’infliger des sanctions, confié à la BCE, au‑delà des hypothèses spécifiquement visées dans les dispositions pertinentes.

84.      Cela dit, il convient toutefois de relever qu’aucun des textes susmentionnés en matière de sanctions ni aucune autre disposition du règlement MSU ne contiennent un quelconque appui normatif qui permettrait de considérer que le pouvoir d’infliger des sanctions à des entités constituerait une condition nécessaire pour l’attribution à la BCE de pouvoirs de surveillance prudentielle sur ces entités, de sorte que, en l’absence de pouvoir de sanction, des telles entités seraient soustraites à la surveillance prudentielle de la BCE.

85.      Le fait pour la BCE de disposer de pouvoirs de sanctions à l’égard d’un certain type d’entité, tel qu’un organisme central, ne constitue donc pas une condition pour la reconnaissance de sa compétence pour exercer des fonctions de surveillance prudentielle sur base consolidée sur le groupe dont cette entité fait partie. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait être reproché d’avoir commis une erreur de droit, en ne tirant pas de l’absence de pouvoir de sanction de la BCE à l’encontre des organismes centraux visés par l’article 2, paragraphe 21, sous c) du règlement‑cadre MSU, une prétendue conséquence que ces organismes centraux devraient nécessairement disposer de la qualité d’établissement de crédit afin d’être soumis à la surveillance prudentielle de la BCE.

86.      Par ailleurs, il ne saurait aucunement être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur en se référant à la possibilité pour la BCE de sanctionner, le cas échéant, les établissements de crédit affilié à l’organisme central concerné pour considérer que, en dépit de l’absence de pouvoir de sanctions de la BCE à l’égard des organismes centraux en tant que tels, la BCE disposait quand même de prérogatives lui permettant de conduire une surveillance prudentielle adéquate et donc d’en garantir l’effectivité.

87.      À cet égard, je relève que, à la possibilité mentionnée par le Tribunal, il convient également d’ajouter, ainsi que l’a observé la Commission, celle prévue à l’article 18, paragraphe 5, du règlement MSU. Cette disposition prévoit que, dans certaines conditions, lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement des missions de surveillance prudentielle, la BCE peut demander aux autorités compétentes nationales d’engager une procédure en vue d’agir pour que des sanctions appropriées soient imposées conformément, notamment, à toute législation nationale pertinente qui confère des pouvoirs spécifiques qui ne sont actuellement pas prévus par le droit de l’Union.

88.      Il s’ensuit de tout ce qui précède que, à mon avis, le troisième argument soulevé par le CMA dans le cadre de la première branche des premiers moyens doit être également rejeté et que, par conséquent, ladite première branche doit être rejetée dans son intégralité.

2.      La seconde branche des premiers moyens, tirée d’une interprétation erronée de l’article 10 du règlement nº 575/2013

89.      Dans la seconde branche des premiers moyens de ses pourvois, le CMA fait valoir que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal (38), l’exigence que l’organisme central dispose de la qualité d’établissement de crédit aux fins de l’application de la notion de « groupe soumis à surveillance prudentielle » aux termes de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, est induite par l’article 10 du règlement nº 575/2013. Dans le cadre de cette branche, le CMA avance deux arguments.

90.      Dans le cadre de son premier argument, le CMA renvoie à l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013 aux termes duquel « lorsque l’article 10 [du même règlement] s’applique, l’organisme central visé à cet article se conforme aux exigences prévues aux parties deux à huit sur la base de la situation consolidée de l’ensemble constitué de l’organisme central et de ses établissements affiliés ».

91.      Le CMA soutient que, dans la mesure où les exigences mentionnées dans cette disposition ne pourraient être respectées que par un établissement de crédit, un organisme central visé à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013 devrait nécessairement disposer de cette qualité pour pouvoir faire l’objet d’une supervision prudentielle. Ainsi, l’article 11 du règlement nº 575/2013 présupposerait implicitement, mais nécessairement, que l’organisme central visé à l’article 10 est un établissement de crédit. Le Tribunal aurait donc dû apprécier l’articulation des deux dispositions et privilégier le sens qui aurait permis d’appliquer ces dispositions de façon cohérente.

92.      La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cet argument.

93.      À cet égard, il convient, d’abord, de préciser que, en tant que tels, l’article 10, paragraphe 1, et l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013 ont trait à l’éventuelle exemption du respect des exigences prudentielles prévues dans ledit règlement, qui peut être accordée par une autorité compétente à titre individuel à des établissements de crédit affiliés à un organisme central. En revanche, la question en cause dans les présents pourvois concerne l’existence d’un groupe soumis à surveillance prudentielle au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c) du règlement‑cadre MSU, lequel renvoie exclusivement à l’article 10 du règlement nº 575/2013 et non à l’article 11 du même règlement.

94.      Cela clarifié, je souscris complètement au raisonnement du Tribunal(39), selon lequel la logique de la relation entre l’article 10, paragraphe 1, et l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013 veut que la mise en œuvre de la seconde disposition soit une conséquence, et non une condition, de l’application de la première. En effet, ce n’est que lorsque l’autorité compétente accepte, sur le fondement de l’article 10 du règlement nº 575/2013, de dispenser les entités affiliées à un organisme central de respecter les exigences prudentielles sur une base individuelle, que l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013 s’applique.

95.      Dans ce cas, cette disposition impose que ledit organisme central se conforme aux exigences prudentielles sur la base de la situation consolidée de l’ensemble qu’il constitue avec les établissements affiliés.

96.      Il en résulte ainsi clairement que, lorsqu’il soutient que l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013 ne peut être respecté que par un établissement de crédit, le CMA confond les exigences prudentielles éventuellement applicables à un organisme central sur base individuelle avec celles applicables sur base consolidée en force de cette disposition. L’argument du CMA se fonde donc sur une lecture manifestement erronée de l’article 11, paragraphe 4, du règlement nº 575/2013, aux termes duquel, lorsque l’article 10 dudit règlement s’applique, l’organisme centrale doit se conformer aux exigences prudentielles non pas à titre individuel, mais sur base consolidée.

97.      Il s’ensuit que, selon moi, le premier argument de la seconde branche des premiers moyens est manifestement non fondé.

98.      Par le second argument de la seconde branche des premiers moyens, le CMA fait valoir que l’exigence qu’un organisme central dispose de la qualité d’établissement de crédit pour que la BCE puisse exercer la supervision consolidée à partir de celui-ci découle de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 575/2013. Selon le CMA, cette disposition faisant référence à la solvabilité et à la liquidité de l’organisme central, elle prévoirait implicitement, mais nécessairement que cet organisme ait la qualité d’établissement de crédit. L’interprétation de cette disposition, que le CMA définit de finaliste et globalisante, retenue par le Tribunal dans l’arrêt attaqué (40), méconnaîtrait le point du texte de ladite disposition qui prévoirait explicitement qu’on devrait apprécier la liquidité et la solvabilité de l’organisme central.

99.      La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cet argument.

100. Cet argument se fonde sur une lecture totalement erronée de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 575/2013, lequel impose la condition que « la solvabilité et la liquidité de l’organisme central et de tous les établissements affiliés so[ie]nt suivies dans leur ensemble sur la base des comptes consolidés de ces établissements ».

101. En effet, le CMA confond, à nouveau, d’une part, la surveillance sur base consolidée des entités visées dans cette disposition « dans leur ensemble » (donc l’organisme central et les établissements affiliés), surveillance dont il est question dans cette disposition avec, d’autre part, la surveillance sur base individuelle de l’organisme central, surveillance dont il n’est pas question dans cette disposition.

102. Il s’ensuit que l’article 10, paragraphe 1, sous b) du règlement nº 575/2013 n’implique aucunement que l’organisme central exerce des activités justifiant le suivi de sa solvabilité et de sa liquidité sur base individuelle, et donc que cet organisme dispose de la qualité d’établissement de crédit.

103. Il s’ensuit que le second argument de la seconde branche des premiers moyens doit également être considéré comme manifestement non fondé.

104. Il ressort de tout ce qui précède que les premiers moyens des deux pourvois du CMA doivent, à mon avis, être rejetés.

B.      Les seconds moyens des pourvois tirés d’erreurs dans la qualification des faits en ce que le Tribunal a jugé que le Crédit mutuel répondait à la condition prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013

105. Dans les seconds moyens de ses pourvois, le CMA reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs dans la qualification juridique des faits en ce qu’il a jugé que le Crédit mutuel répondait à la condition prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº575/2013 aux fin de sa qualification en tant que « groupe soumis à la surveillance prudentielle » au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU.

106. Ce second moyen est divisé en deux branches.

a)      La première branche concernant la portée de l’article L.511-31 du CMF et de la décision de la CNCM nº 1-1992 du 10 mars 1992

107. Dans la première branche de ses seconds moyens, le CMA conteste l’analyse selon laquelle le Tribunal a jugé que la décision de la CNCM nº 1-1992, du 10 mars 1992 (ci-après « la décision du 10 mars 1992 »)., attestait l’existence d’une obligation de transfert de fonds propres et de liquidités au sein du Crédit mutuel qui permettait de conclure que la condition tirée de l’existence d’engagements solidaires entre l’organe central et les établissement affiliés – prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 – était remplie (41).

108. Le CMA soutient que les éléments découlant de cette décision et exposés par le Tribunal ne permettent pas de caractériser une telle obligation de transfert de fonds propres et de liquidités entre les différentes entités du Crédit mutuel. Dans le système prévu par cette décision, si une véritable solidarité existe entre les caisses relevant du même groupe régional, il n’existe, en revanche, aucune obligation de transfert de fonds propres et de liquidité au niveau national entre les groupes régionaux. Ainsi, en cas de difficulté d’un groupe régional, la CNCM ne pourrait pas imposer à un autre groupe régional de transférer des fonds propres pour le soutenir.

109. Le fait que la Caisse centrale du Crédit mutuel (CCCM) puisse utiliser des ressources limitées qui lui sont confiées par les groupes régionaux (constituées par 2 % des dépôts collectés par ceux‑ci) ne permettrait pas d’identifier une obligation de transfert de fonds propres et de liquidités entre les groupes régionaux. Il s’agirait d’une simple mise à disposition d’une fraction limitée des dépôts collectés par les groupes régionaux au bénéfice de la CCCM, qui resterait débitrice à l’égard de ces groupes.

110. La décision rendue par le Conseil d’État (France), le 9 mars 2018, dans l’affaire nº 399413 (42), dont se prévalent la BCE et la Commission pour conforter les arrêts attaqués, serait inopérante puisqu’elle est intervenue postérieurement auxdits arrêts et traiterait, en tout état de cause, de questions différentes de celles soulevées dans les présents pourvois.

111. La BCE et la Commission soutiennent qu’il convient de rejeter cette branche. La Commission considère que, contrairement à l’avis du Tribunal, l’article L.511–31 du CMF suffit à lui seul pour que la condition énoncée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 soit remplie, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la décision du 10 mars 1992. Elle estime que la Cour pourrait ainsi procéder à une substitution de motifs à cet égard.

112. À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, ainsi que l’ont observé la BCE et la Commission, le CMA ne conteste pas l’interprétation de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 retenue par le Tribunal dans les arrêts attaqués, par laquelle il a conclu que la condition figurant à cette disposition est remplie dès lors qu’il existe une obligation de transfert de fonds propres et de liquidités au sein du groupe aux fins de s’assurer que les obligations à l’égard des créanciers soient remplies (43). CMA se limite à contester l’application au cas d’espèce de cette disposition (44).

113. Dans les arrêts attaqués, le Tribunal a, d’abord, rappelé que dans l’avis du 14 septembre 2015, mentionné au point 16 des présentes conclusions, la commission de réexamen avait mis en exergue plusieurs motifs aux fins de justifier le respect de cette condition, à savoir le libellé de l’article L.511-31 du CMF, l’obligation d’intervention de la CNCM au profit des caisses en difficulté découlant de la décision du 10 mars 1992, les statuts de la CCCM et le fait que dans le passé une aide exceptionnelle avait été fournie à des entités en difficulté.

114. Ensuite, le Tribunal a estimé que le libellé de l’article L.511-31 du CMF ne permettait pas, en lui-même, de conclure que la condition prévue par l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 était remplie. Il a toutefois jugé que la décision du 10 mars 1992 et le mécanisme de solidarité qu’elle prévoit permettaient en revanche de caractériser l’existence d’une obligation de transfert de fonds propres et de liquidité au sein du Crédit mutuel destinée à s’assurer que les obligations à l’égard des créanciers sont remplies, et que, donc, le seul fait de l’existence de ce mécanisme de solidarité permettait de considérer comme remplie la condition prévue par l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013.

115. À cet égard, avant d’examiner les griefs avancés par le CMA à l’encontre de ce raisonnement, il convient d’analyser la demande de substitution de motifs avancée par la Commission, cette demande revêtant un caractère préliminaire.

116. Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour qu’une demande de substitution de motifs soit recevable, elle suppose l’existence d’un intérêt à agir, en ce sens qu’elle doit être susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a présentée. Tel peut être le cas lorsque la demande de substitution de motifs constitue une défense contre un moyen formé par la partie requérante (45).

117. En l’espèce, s’il devait être conclu que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, l’article L.511-31 du CMF permette, en lui-même de conclure que la condition prévue par l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 est remplie par le Crédit mutuel, la première branche des seconds moyens présentée par CMA deviendrait inopérante. En effet, dans un tel cas, il ne serait plus nécessaire d’analyser les arguments du CMA tirés d’une erreur du Tribunal au regard de l’appréciation de la décision du 10 mars 1992. Par conséquent, la Commission ayant un intérêt à présenter la demande de substitution des motifs, celle-ci doit, à mon avis, être considérée recevable.

118. En ce qui concerne la portée de l’article L.511-31 du CMF dans les arrêts attaqués, le Tribunal a, d’abord, considéré que, en l’absence de décision des juridictions nationales compétentes, il lui appartenait de se prononcer sur la portée de cette disposition. Le Tribunal a, ainsi, jugé que l’article L.511-31 du CMF ne permettait pas, en lui-même, de conclure que la condition prévue par l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 575/2013 était remplie en raison du caractère trop général de son libellé qui fait référence à la prise de « mesures nécessaires » pour « garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l’ensemble du réseau ». Le Tribunal a estimé qu’il n’était pas possible de déduire d’une disposition de caractère tellement générale l’existence d’une obligation de transfert de fonds propres et de liquidité au sein du groupe aux fins de s’assurer que les obligations à l’égard des créanciers soient remplies (46).

119. La Commission soutient que l’interprétation de l’article L.511-31 du CMF retenue par le Tribunal est trop restrictive. Pour étayer sa position, elle mentionne l’interprétation de cette disposition contenue dans la décision du Conseil d’État du 9 mars 2018, nº 399413. La BCE se réfère également à cette décision, mais elle fonde également son argumentation sur la décision du Conseil d’État, du 13 décembre 2016, nº 403418 (47).

120. À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar du Tribunal, que, en application d’une jurisprudence constante, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (48).

121. La circonstance, avancée par le CMA, que la décision du Conseil d’État du 9 mars 2018 soit postérieure aux arrêts attaquées n’empêche pas sa prise en compte aux fins d’interpréter l’article L.511‑31 du CMF, dès lors que les parties ont eu, devant la Cour, la possibilité de présenter leurs observations (49).

122. Or, au considérant 5 de la décision du Conseil d’État du 13 décembre 2016, cette juridiction a précisé que « [l]e législateur [...] a confié [à la CNCM], en adoptant les dispositions des articles L.511-31 [...] les missions de veiller à la cohésion d[u] réseau du [Crédit mutuel et] d’exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l’organisation et la gestion de chaque caisse et de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du réseau. [...] Par ailleurs, en vertu de l’article L.511-31 du même code, la CNCM peut, lorsque la situation financière des établissements concernés le justifie, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, décider la fusion de deux ou plusieurs caisses affiliées au réseau, la cession de leur fonds de commerce ainsi que leur dissolution. Il résulte de ce cadre légal et réglementaire que, quel que soit l’état des rapports au sein du réseau du Crédit mutuel entre les groupements qui s’y sont constitués, la CNCM est légalement en charge de la préparation et de la mise en œuvre des mesures qui s’inscrivent dans le cadre de la régulation systémique du système bancaire pour ce qui concerne l’ensemble du groupe Crédit mutuel et doit, en tant qu’“entreprise mère dans l’Union” tenir un plan préventif de rétablissement pour ce groupe ».

123. De pareilles considérations sont contenues au considérant 7 de la décision du Conseil d’État du 9 mars 2018 dans lequel il est ajouté que « [l]’exercice de ces missions participant de la régulation des établissements de crédit implique nécessairement que la [CNCM] est compétente pour édicter des prescriptions qui s’imposent aux caisses, pour veiller à l’observation, par celles-ci, des dispositions qui leur sont applicables et pour leur infliger, en cas d’infraction à ces dispositions, des sanctions appropriées ».

124. En outre, au considérant 20 de cette dernière décision, le Conseil d’État a jugé que « pour “garantir la liquidité et la solvabilité du réseau” dont ils ont la charge, les organes centraux sont habilités, en vertu de l’article L.511-31 du [CMF], à prendre “toutes mesures nécessaires” et, notamment, à instituer, entre les membres du réseau, des mécanismes de solidarité contraignants, lesquels ne sauraient se limiter à la seule constitution de dispositifs préfinancés tels que des fonds de garantie ».

125. Il ressort de cette jurisprudence du Conseil d’État que l’obligation prévue à l’article L.511-31 du CMF de « prendre toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l’ensemble du réseau » implique des pouvoirs de contrôle administratif, technique et financier très approfondis dans le chef de la CNCM sur la totalité du réseau du Crédit mutuel, ces pouvoirs lui permettant d’instituer, à tout moment, des mécanismes de solidarité contraignants, tels que des obligations de transferts de fonds propres et des liquidités pouvant être imposés au membres du réseau. Ces pouvoirs sont caractérisés par le Conseil d’État jusqu’à permettre à la CNCM, en cas de crise financière d’un établissement, de décider la fusion entre deux ou plusieurs caisses affiliées au réseau, et cela nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires. Or, le pouvoir d’imposer une fusion à un membre du réseau avec un établissement en crise financière équivaut à lui imposer la prise en charge des passivités de cet établissement, ce qui implique sur ce membre un effet potentiellement plus lourd que celui résultant de l’imposition d’un simple transfert de fonds propres et des liquidités.

126. À la lumière de l’étendue de ces pouvoirs de contrôle et d’intervention en cas de crise d’un établissement membre du réseau existant dans le chef de la CNCM sur les entités faisant partie du réseau du Crédit mutuel, il ne saurait, à mon avis, être nié que la disposition de l’article L.511-31, telle que caractérisée par la jurisprudence du Conseil d’État, comporte l’existence d’une obligation de transfert de fonds propres et de liquidité au sein du réseau du Crédit mutuel. Il s’ensuit que, contrairement à l’avis du Tribunal, cet article suffit, selon moi, à lui seul pour que ce groupe remplisse la condition prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a) du règlement nº 575/2013.

127. Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, si les motifs d’une décision du Tribunal recèlent une erreur, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (50).

128. Par conséquent, à mon avis, il convient de faire droit à la demande de substitution des motifs de la Commission et, par conséquent, de rejeter la première branche des seconds moyens comme inopérante.

b)      La seconde branche concernant la non-applicabilité de la décision de la CNCM nº 1-1992 du 10 mars 1992 à l’ensemble du périmètre du groupe Crédit mutuel

129. Dans le cadre de la seconde branche de ses seconds moyens, le CMA fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en relation avec l’article 10, paragraphe 1, sous a) du règlement nº 575/2013 en ce que, à supposer même que la décision du 10 mars 1992 consacre l’existence d’une obligation de transfert de fonds propres et de liquidité, cette décision ne s’appliquerait pas à l’ensemble du périmètre du groupe Crédit mutuel soumis à la surveillance prudentielle de la BCE.

130. Le périmètre du groupe Crédit mutuel comprendrait, en effet, des entités bancaires, les filiales des caisses régionales, qui ne sont pas affiliées à l’organisme central. Ces filiales échapperaient totalement au champ d’application de la décision du 10 mars 1992 et il n’existerait aucun mécanisme de solidarité à leur égard. La CNCM n’aurait aucune des prérogatives visées à l’article 10 du règlement nº 575/2013 à l’égard de ces filiales.

131. La BCE soutient, tout d’abord, que cette argumentation, apparue pour la première fois au stade du pourvoi, constitue un moyen nouveau qui ne porte pas sur l’interprétation de l’article 10 du règlement nº 575/2013, mais sur la portée de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU et que, ainsi, cette seconde branche serait donc irrecevable. La Commission se rallie en substance à la position de la BCE. La BCE et la Commission soutiennent que, en tout état de cause, la seconde branche du second moyen doit être rejetée comme non‑fondée. Dans ce cadre, la BCE invite la Cour à demander la communication de certaines conventions de refinancement conclues entre les entités mutualistes du groupe Crédit mutuel et leurs filiales en tant que mesure d’organisation de la procédure en application de l’article 64 du règlement de procédure.

132. À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante, que dès lors que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal (51).

133. Or, il m’apparaît sans aucun doute, à la lecture du dossier, que l’argumentation avancée par le CMA dans le cadre de la seconde branche des seconds moyens n’a aucunement été soulevée devant le Tribunal en première instance. Elle ne peut pas non plus être qualifiée d’argument nouveau qui constitue le simple développement ou l’ampliation de l’argumentation présentée devant le Tribunal (52).

134. Dans ces conditions, j’estime que cette branche est irrecevable.

135. À titre subsidiaire, je relève que, à supposer même, quod non, que cette branche soit recevable, elle est, en tout état de cause, également inopérante.

136. En effet, dans sa décision du 9 mars 2018 le Conseil d’État a précisé que les pouvoir de contrôle qu’il incombe à la CNCM d’exercer au titre de l’article L.511-31 du CMF dans le cadre du réseau du Crédit mutuel doivent se considérer comme s’étendant également « sur les filiales des caisses dès lors que la situation financière des premières a une incidence sur celle des secondes » (53). Dans ces conditions, à la lumière de la conclusion à laquelle je suis arrivé au point 125 ci-dessus, selon laquelle l’article L.511-31 du CMF suffit à lui seul pour que la condition prévue à l’article 10, paragraphe 1, sous a) du règlement nº 575/2013 soit satisfaite, même à suposer que la décision du 10 mars 1992, ne s’appliquait pas à l’ensemble du périmètre du groupe Crédit mutuel cette circonstance n’aurait aucune conséquence sur la constatation que ce groupe remplit ladite condition.

137. Il s’ensuit de tout ce qui précède que, à mon avis, la seconde branche des seconds moyens doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la demande de mesure d’organisation de la procédure présentée par la BCE. Par conséquent, les seconds moyens des deux pourvois devant être rejetés, il y a lieu à mon avis, de rejeter les deux pourvois dans leur intégralité.

VI.    Sur les dépens

138. En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

139. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

140. Le CMA ayant succombé en ses moyens et la BCE, la Commission et la CNCM ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la BCE, la Commission et la CNCM.

VII. Conclusion

141. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      Le Crédit mutuel Arkéa supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Banque centrale européenne, la Commission européenne et la Confédération nationale du Crédit mutuel.


1      Langue originale : le français.


2      Arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE (T‑712/15, EU:T:2017:900, ci-après le « premier arrêt attaqué »), et du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE (T‑52/16, EU:T:2017:902, ci-après le « second arrêt attaqué ») (ci‑après, ensemble, les « arrêts attaqués »).


3      Respectivement, la décision ECB/SSM/2015 – 9695000CG7B84NLR5984/28 de la Banque centrale européenne (BCE), du 5 octobre 2015, fixant des exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel (ci-après la « première décision litigieuse »), et de la décision ECB/SSM/2015 – 9695000CG7B84NLR5984/40 de la BCE, du 4 décembre 2015, fixant les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel (ci-après la « seconde décision litigieuse ») (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »).


4      JO 2013, L 287, p. 63.


5      En ce qui concerne la participation des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, voir article 7 du règlement MSU.


6      JO 2014, L 141, p. 1.


7      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).


8      Voir, respectivement, points 1 à 13 du premier arrêt attaqué et points 1 à 14 du second arrêt attaqué.


9      Décision ECB/SSM/2015/10 – 9695000CG7B84NLR5984/14 de la BCE du 17 juin 2015, fixant des exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel.


10      Cette commission est prévue à l’article 24 du règlement MSU.


11      Conformément à l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU.


12      Les troisièmes moyens avancés par le CMA à l’appui de ses deux recours, par lesquels celle-ci contestait, en substance, la fixation de fonds propres supplémentaires, ne sont pas concernés par les présents pourvois.


13      Voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./CommissionMasterCard e.a./CommissionMasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 38 à 41 et jurisprudence citée), ainsi que conclusions de l’avocat général Mengozzi dans la même affaire MasterCard e.a./CommissionMasterCard e.a./CommissionMasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:42, point 19). Voir également, par analogie, arrêt du 25 avril 2013, Commission/Slovaquie (C‑331/11, non publié, EU:C:2013:271, point 28) et ordonnance du 7 août 2018, Campailla/Union européenneCampailla/Union européenne (C‑256/18 P, non publiée, EU:C:2018:655, point 34).


14      Voir points 84 et suiv. du premier arrêt attaqué, ainsi que points 83 et suiv. du second arrêt attaqué.


15      Voir point 86 du premier arrêt attaqué et point 85 du second arrêt attaqué.


16      Voir points 58 à 64 du premier arrêt attaqué, ainsi que points 57 à 63 du second arrêt attaqué.


17      Voir point 88 du premier arrêt attaqué et point 87 du second arrêt attaqué.


18      Point 89 du premier arrêt attaqué et point 88 du second arrêt attaqué.


19      Voir points 90 à 93 du premier arrêt attaqué et point 89 à 92 du second arrêt attaqué.


20      L’article 127, paragraphe 6, TFUE est repris textuellement à l’article 25.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.


21      À cette fin, le Conseil statue par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la BCE.


22      Dans les arrêts attaqués, le Tribunal a lui-même a relevé que le CMA n’avait pas soulevé d’exception d’illégalité. Voir point 81 du premier arrêt attaqué et point 80 du second arrêt attaqué.


23      Voir article 4, paragraphe 1, sous 1) et 26), du règlement nº 575/2013.


24      Voir article 105, paragraphe 6 du Traité de Maastricht.


25      À cet égard, voir arrêts du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756) ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a.Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400) et du 11 décembre 2018, Weiss e.a.Weiss e.a.Weiss e.a. (C‑493/17, EU:C:2018:1000).


26      Cependant, sur l’exigence que l’exercice des missions de surveillance prudentielle par la BCE soit exécuté de manière séparée des missions de politique monétaire, voir considérant 65 du règlement MSU.


27      Voir, à cet égard, considérant 65 du règlement MSU.


28      Pour quelques considérations sur la crise financière de 2008 et la création du MSU, voir conclusions de l’avocat général Hogan dans l’affaire Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCELandeskreditbank Baden-Württemberg/BCELandeskreditbank Baden-Württemberg/BCELandeskreditbank Baden-Württemberg/BCE (C‑450/17 P, EU:C:2018:982, points 1 et 2) et de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:502, points 1 et 2)


29      Voir, à cet égard, considérant 16 du règlement MSU.


30      Voir, à cet égard, considérant 26 du règlement MSU auquel s’est référé également le Tribunal au point 60 du premier arrêt attaqué et au point 59 du second arrêt attaqué.


31      Voir point 89 du premier arrêt attaqué et point 88 du second arrêt attaqué.


32      Voir, ex multis, arrêt du 14 mars 2019, Meta Group/Commission (C‑428/17 P, non publié, EU:C:2019:201, point 40 et jurisprudence citée).


33      Sur la base du raisonnement développé aux points 88 et 89 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 87 et 88 du second arrêt attaqué.


34      Voir point 93 du premier arrêt attaqué et point 92 du second arrêt attaqué.


35      Cette disposition est reprise textuellement à l’article 34.3 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.


36      JO 1998, L 318, p. 4.


37      Voir point 91 du premier arrêt attaqué et point 90 du second arrêt attaqué.


38      Cette branche vise les points 95 à 108 du premier arrêt attaqué et les points 94 à 107 du second arrêt attaqué.


39      Voir points 99 et suiv. du premier arrêt attaqué et points 98 et suiv. du second arrêt attaqué.


40      Cet argument vise les points 106 et 107 du premier arrêt attaqué et les points 105 et 106 du second arrêt attaqué.


41      Voir points 135 à 137 du premier arrêt attaqué et 134 à 136 du second arrêt attaqué.


42      ECLI:FR:CECHR:2018:399413.20180309.


43      Voir points 118 à 130 du premier arrêt attaqué et points 117 à 129 du second arrêt attaqué.


44      Voir points 131 à 139 du premier arrêt attaqué et points 130 à 138 du second arrêt attaqué.


45      Voir, ex multis, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 42 et jurisprudence citée).


46      Point 134 du premier arrêt attaqué et point 133 du second arrêt attaqué.


47      ECLI:FR:CECHR:2016:403418.20161213.


48      Voir, ex multis, arrêt du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie (C‑433/13, EU:C:2015:602, point 81 et jurisprudence citée).


49      Voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/SzajnerEUIPO/Szajner (C‑598/14 P, EU:C:2017:265, points 44 à 46 et jurisprudence citée). En ce sens, voir également, arrêt du 24 avril 2018, Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence e.a./BCECaisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence e.a./BCECaisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence e.a./BCECaisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence e.a./BCE (T‑133/16 à T‑136/16, EU:T:2018:219, point 87). En particulier, le CMA a pris position sur la décision du Conseil d’État du 9 mars 2018 dans le cadre de son mémoire en réplique.


50      Voir, en ce sens, ex multis, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHADeza/ECHA (C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 87 et jurisprudence citée).


51      Voir, ex multis, arrêt du 20 septembre 2018, Agria Polska e.a./CommissionAgria Polska e.a./CommissionAgria Polska e.a./CommissionAgria Polska e.a./Commission (C‑373/17 P, EU:C:2018:756, point 99 et jurisprudence citée).


52      En effet, un argument qui constitue le développement ou l’ampliation de l’argumentation présentée devant le Tribunal est recevable. Voir arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./CommissionAkzo Nobel e.a./CommissionAkzo Nobel e.a./CommissionAkzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 39).


53      Voir considérants 10 et 11 de la décision du 9 mars 2018 du Conseil d’État.