Language of document : ECLI:EU:F:2009:94

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

9 juillet 2009 (*)

« Fonction publique ‑ Agent contractuel – Rapport de fin de stage – Délais – Licenciement après la fin de la période de stage – Motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire F‑85/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Pietro Notarnicola, ancien agent contractuel de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Bertrange (Luxembourg), représenté initialement par Me A. Gross, avocat, puis par Mes A. Gross et R. Jazbinsek, avocats,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. T. Kennedy, J.-M. Stenier et R. Crowe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2008, M. Notarnicola demande l’annulation de la décision, du 16 juillet 2008, du secrétaire général de la Cour des comptes des Communautés européennes, en ce qu’elle confirme la décision de le licencier, prise le 5 mars 2008 par le directeur des ressources humaines, de l’informatique et des télécommunications.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 84, paragraphes 1 à 3, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») :

« 1. L’agent contractuel dont le contrat est conclu pour une durée d’au moins un an effectue un stage pendant les six premiers mois de son service s’il appartient au groupe de fonctions I et pendant les neuf premiers mois s’il appartient à un des autres groupes de fonctions.

2. Lorsqu’au cours de son stage, l’agent contractuel est empêché d’exercer ses fonctions, par suite de maladie ou d’accident, pendant une période d’au moins un mois, l’autorité [habilitée à conclure les contrats d’engagement], peut prolonger le stage pour une durée correspondante.

3. Un mois au plus tard avant l’expiration de son stage, l’agent contractuel fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportent son poste, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Ce rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. L’agent contractuel qui n’a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenu dans son emploi est licencié. […] »

 Faits à l’origine du litige

3        Par contrat du 23 août 2007, le requérant a été engagé par la Cour des comptes en tant qu’agent contractuel, pour une période allant du 1er septembre 2007 au 31 août 2010, et affecté à la cellule « Transport », en vue d’exercer les fonctions de chauffeur de réserve. Conformément à l’article 84, paragraphe 1, du RAA et à l’article 5 de son contrat d’agent contractuel, il a été tenu d’effectuer un stage de six mois.

4        Par note du 26 novembre 2007, le chef hiérarchique et mentor (c’est-à-dire la personne désignée pour chaque agent nouvellement recruté afin de faciliter son intégration) du requérant a fait part au chef d’unité et évaluateur du requérant de son inquiétude quant à la qualité des prestations de ce dernier, en relatant plusieurs incidents qui, à son avis, témoignaient d’un manque d’« intérêt » et de « professionnalisme » de sa part. Suite à cette note, le chef d’unité du requérant a convoqué celui-ci dans son bureau afin de lui demander d’améliorer ses performances.

5        Le 4 février 2008, l’évaluateur a établi le rapport de fin de stage du requérant, auquel était jointe la note du 26 novembre 2007, susmentionnée, en recommandant le licenciement de ce dernier à l’issue de la période de stage (ci-après le « rapport de fin de stage » ou le « rapport »). Ce rapport a été signé, sans commentaires additionnels, par l’évaluateur de contrôle, le 12 février 2008, et transmis au requérant, le 14 février 2008, afin qu’il puisse formuler ses observations éventuelles dans la partie X, concernant les commentaires de l’agent évalué à l’issue de la période, et valider la procédure.

6        Le 14 février 2008, le requérant a adressé à son évaluateur une note par laquelle, tout en admettant avoir commis des erreurs, il a exprimé son incompréhension quant au comportement de son chef hiérarchique à son égard et son désaccord avec certains éléments factuels contenus dans la note du 26 novembre 2007. Le requérant a joint à sa note les copies de quatre courriers électroniques émanant de divers services de la Cour des comptes et comprenant, selon le requérant, des appréciations positives sur son travail.

7        Le 3 mars 2008, le requérant a signé son rapport de fin de stage après avoir inséré dans la partie X dudit rapport le commentaire suivant :

« Suite au courrier que je vous [ai] fait parvenir le [14 février] je maintien[s] mon désaccord avec votre rapport […] »

8        Le 5 mars 2008, le directeur des ressources humaines, de l’informatique et des télécommunications, en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a adressé une lettre de licenciement au requérant, avec effet au 15 avril au soir, d’où il ressort que, après examen du rapport de fin de stage, en date du 14 février, ainsi que des observations du requérant, en date du 3 mars 2008, l’AHCC était d’avis que le requérant n’avait pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenu dans son emploi.

9        Le 25 mars 2008, le requérant a adressé une lettre à l’administration, par laquelle il a demandé que la décision de le licencier soit reconsidérée. Cette lettre a été enregistrée par la division des ressources humaines en tant que réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dirigée contre la décision de l’AHCC du 5 mars 2008.

10      Le 17 avril 2008, le conseil du requérant a adressé une lettre à l’AHCC, par laquelle il a « complété » la « réclamation » susmentionnée. Le 8 mai 2008, l’AHCC a informé le conseil du requérant que les « motifs » exprimés dans sa lettre du 17 avril 2008 seraient ajoutés à ceux contenus dans la réclamation du 25 mars 2008.

11      La réclamation du requérant a été rejetée par décision, du 16 juillet 2008, du secrétaire général de la Cour des comptes.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« 1) annuler la décision du 16 juillet 2008 et partant, annuler la décision du 5 mars 2008 informant le requérant de son ‘licenciement’ à la date du 15 avril 2008 ;

2) principalement, rétablir le requérant dans ses fonctions d’agent contractuel suivant contrat du 23 août 2007, avec versement rétroactif du traitement à partir du 16 avril 2008 jusqu’à la date du jugement ; sinon, à titre subsidiaire, pour les motifs précédemment énoncés, […] condamner la défenderesse au[x] montant[s] de 60 500 [euros] pour le préjudice matériel et [de] 5 000 [euros] pour le préjudice moral subis par le requérant. »

13      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Sur le recours en annulation

1.     Sur l’objet du recours

14      Outre l’annulation de la décision de licenciement du 5 mars 2008, le requérant demande l’annulation de la décision du 16 juillet 2008 rejetant sa réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 37, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑65/09 P).

15      Il convient donc de considérer, même si l’on ne saurait nier l’intérêt du requérant à demander l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation en même temps que celle de l’acte lui faisant grief, que le recours doit être regardé comme dirigé contre la décision du 5 mars 2008 de l’AHCC (ci-après la « décision attaquée »).

2.     Sur le fond

16      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens tirés, d’une part, de plusieurs irrégularités formelles et, d’autre part, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de plusieurs irrégularités formelles

 Arguments des parties

17      Le requérant fait, d’abord, grief à la Cour des comptes de ne lui avoir communiqué son rapport de fin de stage que le 14 février 2008, soit deux semaines après la date limite fixée à l’article 84, paragraphe 3, du RAA, en l’espèce le 31 janvier 2008.

18      Dans ces conditions, le requérant aurait été amené à devoir rédiger à la hâte, avant le 15 février 2008, une note très incomplète présentant ses observations à l’encontre de l’évaluation défavorable dont il était l’objet. Le requérant en déduit que ses droits de la défense ont été bafoués.

19      Ensuite, le requérant reproche à la Cour des comptes d’avoir violé le principe de bonne foi en ce que la personne chargée d’établir le rapport de fin de stage avait été invitée par écrit à le faire avant le 31 janvier 2008 mais ne l’a fait qu’après cette date, et ce de façon délibérée et déloyale afin d’anéantir, ou à tout le moins de réduire, le délai dans lequel le requérant pouvait formuler ses observations. Or, selon la jurisprudence, le principe de bonne foi s’appliquerait aux institutions communautaires dans le domaine administratif comme dans le domaine contractuel (arrêt de la Cour du 15 juillet 1960, Von Lachmüller e.a./Commission, 43/59, 45/59 et 48/59, Rec. p. 933).

20      Enfin, le requérant reproche à la Cour des comptes de n’avoir pris la décision de le licencier que le 5 mars 2008, soit cinq jours après l’expiration de la période de stage prévue dans son contrat d’engagement. Le requérant se prévaut, à cet égard, de l’arrêt du Tribunal de première instance du 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission (T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 71), selon lequel « le but de l’article 34, paragraphe 3, du statut est d’assurer que la décision relative à la titularisation puisse intervenir avant l’expiration de la période de stage ».

21      La Cour des comptes rétorque, premièrement, que, selon une jurisprudence constante, un retard dans l’établissement d’un rapport de fin de stage constitue une irrégularité au regard des exigences expresses du statut, qui, aussi regrettable qu’elle soit, n’est, toutefois, pas de nature à mettre en cause la validité du rapport (arrêt de la Cour du 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155, point 8 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 68 ; arrêt du Tribunal du 18 octobre 2007, Krcova/Cour de justice, F‑112/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 35). Une décision de non-titularisation ne saurait ainsi être entachée d’invalidité du seul fait de la communication tardive du rapport de fin de stage, pourvu que l’intéressé ait été mis en mesure de faire valoir son point de vue sur le rapport dans des conditions régulières.

22      Quant à la prétendue atteinte aux droits de la défense, la Cour des comptes observe que la note du 14 janvier 2008 de la division des ressources humaines, à laquelle se réfère le requérant, avait été adressée à l’évaluateur, avec copie à l’évaluateur de contrôle, au chef hiérarchique du requérant et à ce dernier, en tant que note d’orientation accompagnant le formulaire de fin de stage. L’objectif de cette note aurait été de rappeler aux personnes concernées la nécessité de compléter le rapport et de leur expliquer les étapes à suivre. Ces étapes y seraient numérotées de 1 à 6 et il ressortirait du point 6 de la note que l’évaluation ne serait clôturée qu’après que la partie X du formulaire du rapport de fin de stage, comprenant les observations de l’évalué, ait été remplie par ce dernier.

23      À cet égard, la Cour des comptes souligne que le requérant n’a pas immédiatement rempli la partie X de son rapport de fin de stage, mais ne l’a fait que le 3 mars 2008.

24      La Cour des comptes ajoute que, par ses commentaires du 3 mars 2008, formulés 18 jours après la transmission de son rapport de fin de stage, le requérant a explicitement confirmé ses observations formulées dans sa note du 14 février 2008. Ceci montrerait clairement que ce dernier aurait disposé du temps nécessaire pour réfléchir et pour étayer ses observations initiales. En annotant et signant son rapport de fin de stage le 3 mars 2008, le requérant aurait également reconnu que la procédure d’évaluation avait été correctement suivie et que ses observations avaient été correctement enregistrées.

25      Par conséquent, et nonobstant le retard regrettable avec lequel le rapport de fin de stage a été établi et communiqué au requérant, la Cour des comptes considère que le requérant a été mis en mesure de faire valoir son point de vue sur ledit rapport dans des conditions régulières.

26      Deuxièmement, la Cour des comptes observe que le retard dans l’établissement du rapport de fin de stage, par rapport aux dates indiquées dans la note d’orientation du 14 janvier 2008, ne peut suffire à lui seul à établir que l’institution aurait agi de mauvaise foi, de manière à porter préjudice aux droits du requérant. Le retard dans l’établissement du rapport et dans sa communication au requérant n’aurait porté aucun préjudice à ses intérêts, le requérant ayant disposé d’un délai raisonnable pour présenter ses observations sur son rapport de fin de stage, ce qu’il a fait en remplissant la partie X dudit rapport le 3 mars 2008.

27      Troisièmement, s’agissant du délai dans lequel est intervenue la décision de licenciement, la Cour des comptes observe qu’il est de jurisprudence constante que l’article 34, paragraphe 3, du statut, auquel correspond pour les agents contractuels l’article 84, paragraphe 3, du RAA, n’impose aucun délai impératif pour l’adoption de cette décision. Si l’institution est tenue de prendre sa décision dans un délai raisonnable, ce délai ne saurait commencer à courir qu’a partir du moment où le rapport de fin de stage a été établi et communiqué à l’intéressé (arrêt de la Cour du 1er juin 1978, D’Auria/Commission, 99/77, Rec. p. 1267, points 18 et 19 ; arrêt du Tribunal du 14 février 2007, Fernández Ortiz/Commission, F‑1/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 45). De plus, une décision de non-titularisation à l’issue du stage ne serait pas illégale du seul fait qu’elle est intervenue au-delà de la période de stage (arrêt Fernández Ortiz/Commission, précité, points 41 et 42).

28      En l’espèce, l’AHCC n’aurait pas voulu adopter une décision sur le maintien en fonction ou non du requérant sans prendre en considération les observations éventuelles qu’il était en mesure d’introduire à la partie X du rapport de fin de stage et avant qu’il eut procédé à la validation de la procédure. Le requérant a attendu jusqu’au 3 mars 2008 pour remplir la partie X et valider la procédure. Après que l’AHCC a pris en considération la note du 14 février 2008 de l’intéressé et a attendu les remarques que ce dernier était en droit de formuler à la partie X du rapport de fin de stage, ce qui a été fait le 3 mars 2008, la décision attaquée a été adoptée le 5 mars 2008. La date d’effet du licenciement aurait été délibérément fixée au 15 avril 2008 au soir, soit plus d’un mois plus tard, afin de permettre à l’intéressé de prendre les dispositions personnelles et professionnelles nécessaires pour veiller à ses intérêts. Il aurait été maintenu en fonctions et rémunéré en qualité de stagiaire jusqu’à la prise d’effet de la décision de licenciement et aurait bénéficié du délai de préavis prévu à l’article 84 du RAA.

29      Il s’ensuit, selon la Cour des comptes, que le requérant n’a subi aucun désavantage du fait de l’adoption de la décision de licenciement après la fin du mois de janvier 2008.

 Appréciation du Tribunal

30      Le premier moyen peut être subdivisé en trois branches, tirées, premièrement, de la méconnaissance du délai prévu à l’article 84, paragraphe 3, du RAA et des droits de la défense, deuxièmement, de la violation du principe de bonne foi et, troisièmement, de la méconnaissance de l’exigence selon laquelle la décision de licenciement doit intervenir avant l’expiration de la période de stage.

–       Sur le grief tiré de la méconnaissance du délai prévu à l’article 84, paragraphe 3, du RAA et des droits de la défense

31      La Cour a déjà jugé, à propos de l’article 34 du statut, auquel correspond l’article 84 du RAA, pour les contrats d’agent contractuel, que l’objectif de cet article est de garantir à l’intéressé le droit de soumettre ses observations éventuelles à l’autorité investie du pouvoir de nomination et d’assurer que ces observations seront prises en considération par cette autorité (arrêts de la Cour du 12 juillet 1973, Di Pillo/Commission, 10/72 et 47/72, Rec. p. 763, point 16, et Munk/Commission, précité, point 8 ; voir arrêt du Tribunal de première instance du 21 septembre 1999, Trigari-Venturin/Centre de traduction, T‑98/98, RecFP p. I‑A‑159 et II‑821, point 57 ; voir arrêt Krcova/Cour de justice, précité, point 33). Un tel objectif doit également être assigné à l’article 84 du RAA.

32      À cet effet, la procédure mise en place par l’article 84, paragraphe 3, du RAA prévoit que, au plus tard un mois avant l’expiration de la période de stage, un rapport doit être établi par l’évaluateur et communiqué au stagiaire qui peut formuler ses observations par écrit.

33      Dès lors que l’agent contractuel stagiaire a été mis en mesure de faire valoir auprès de l’administration son point de vue sur les appréciations de l’évaluateur, le retard dans l’établissement du rapport de fin de stage, s’il constitue une irrégularité au regard des exigences expresses du RAA, ne saurait, aussi regrettable qu’elle soit, être de nature à mettre en cause la validité du rapport ou, le cas échéant, de la décision de licenciement (voir, en ce sens, à propos de l’article 34 du statut, arrêts de la Cour du 8 octobre 1981, Tither/Commission, 175/80, Rec. p. 2345, point 13, et Munk/Commission, précité, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 1er avril 1992, Kupka-Floridi/CES, T‑26/91, Rec. p. II‑1615, point 20, et Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 68 ; arrêt Krcova/Cour de justice, précité, point 35). En d’autres termes, le délai prévu à l’article 84, paragraphe 3, du RAA ne constitue pas un délai de préavis mais vise à garantir que l’agent puisse faire valoir ses observations avant que l’institution ne prenne une décision relative au maintien en fonctions ou non de l’intéressé à une date coïncidant, dans la mesure du possible, avec celle d’expiration de la période de stage.

34      En l’espèce :

–        une note, en date du 14 janvier 2008, émanant du chef du service « Recrutement et carrières » a rappelé au chef d’unité et évaluateur du requérant les termes de l’article 84, paragraphe 3, du RAA prévoyant l’établissement du rapport de fin de stage au plus tard un mois avant l’expiration de la période de stage, soit, en l’espèce, le 31 janvier 2008, afin que ce rapport puisse être communiqué à l’intéressé et que celui-ci puisse y formuler des observations par écrit. Cette note concluait que : « [l]e rapport, signé par l’agent contractuel, l’évaluateur et l’évaluateur de contrôle devra être retourné à la [d]ivision des ressources humaines […], sous pli confidentiel, avant le 15 février 2008 » ;

–        le chef d’unité et évaluateur du requérant, après avoir pris connaissance des observations du chef hiérarchique du requérant, a établi le 4 février 2008, soit près de trois semaines avant l’expiration de la période de stage, un rapport proposant le licenciement du requérant ;

–        l’évaluateur de contrôle a signé le rapport, le 12 février 2008, sans commentaires additionnels ;

–        le rapport a été communiqué au requérant le 14 février suivant afin qu’il puisse formuler ses observations par écrit ;

–        le requérant a, par note du 14 février 2008, fait part de ses observations auprès de l’évaluateur et a signé le rapport le 3 mars 2008 en se référant explicitement à ladite note dans la rubrique X dudit rapport ; il ressort explicitement du rapport que, en signant celui-ci, le stagiaire était censé reconnaître que la procédure avait été suivie correctement ;

–        le 5 mars 2008, l’AHCC a adopté la décision attaquée.

35      Il ressort ainsi du dossier que la finalité de l’article 84 du statut, telle que rappelée au point 31 du présent arrêt, a été atteinte dès lors que le requérant a été en mesure, avant l’adoption de la décision attaquée, de faire valoir, dans un délai raisonnable, son point de vue auprès de l’administration.

36      Ainsi, l’argument du requérant selon lequel il aurait été contraint de rédiger « à la hâte » ses observations sur la recommandation de l’évaluateur de le licencier afin de respecter la date butoir du 15 février 2008 visée dans la note du 14 janvier 2008, susvisée, manque en fait puisque le requérant a confirmé ses observations au point X du rapport et signé celui-ci le 3 mars 2008, soit 18 jours après la transmission dudit rapport.

37      Il convient d’ajouter que le requérant a été maintenu en fonctions et rémunéré jusqu’au 15 avril 2008, la décision attaquée prenant effet au soir de cette date.

38      En conséquence, l’on ne saurait faire droit au grief tiré de la violation de l’article 84, paragraphe 3, du RAA et des droits de la défense.

–        Sur le grief tiré de la violation du principe de bonne foi

39      Le requérant fait, en substance, valoir que ses supérieurs hiérarchiques ont, de façon délibérée et déloyale, tardé à établir le rapport de fin de stage afin d’anéantir ou, à tout le moins, de réduire le délai dans lequel il pouvait formuler ses observations par écrit.

40      Un tel argument manque également en fait. Il ressort des points 34 à 36 du présent arrêt que le requérant a disposé d’un délai raisonnable pour présenter ses observations écrites et signer le rapport, la décision de le licencier ayant été prise après que la procédure a été menée à son terme. De plus, la seule circonstance que les supérieurs hiérarchiques aient eu connaissance de la nécessité d’établir le rapport de fin de stage au plus tard le 31 janvier 2008 ne permet pas d’en tirer la conséquence qu’ils ont délibérément tardé à établir ce rapport.

41      Le deuxième grief doit donc également être rejeté.

–       Sur le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence selon laquelle la décision de licenciement doit intervenir avant l’expiration de la période de stage

42      Le requérant reproche à la Cour des comptes d’avoir pris la décision attaquée cinq jours après l’expiration de la période de stage.

43      À cet égard, il convient d’observer que l’article 84 du RAA ne prévoit, à compter de la communication des observations écrites du stagiaire sur l’appréciation de l’évaluateur quant à ses qualités pour être maintenu ou non dans son emploi, aucun délai impératif dans lequel l’AHCC doit prendre sa décision de le maintenir dans son emploi ou de le licencier.

44      Il n’en demeure pas moins que la décision de l’AHCC relative au maintien en fonctions de l’intéressé doit intervenir à une date coïncidant, dans la mesure du possible, avec la date d’expiration de la période de stage (voir, en ce sens, arrêt Trigari-Venturin/Centre de traduction, précité, point 74).

45      Or, compte tenu de la date à laquelle le requérant a complété le point X du rapport de fin de stage et signé celui-ci, à savoir le 3 mars 2008, la décision de l’AHCC de ne pas maintenir ce dernier dans son emploi, notifiée le 5 mars 2008, ne saurait être considérée comme ayant été adoptée irrégulièrement.

46      De plus, ainsi qu’il ressort déjà du point 37 ci-dessus, la décision attaquée n’a pris effet que le 15 avril 2008 au soir, de telle sorte que le requérant a été maintenu en fonctions et rémunéré en qualité de stagiaire jusqu’à cette date.

47      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

48      Le deuxième moyen est subdivisé en deux branches tirées, d’une part, d’une insuffisance de motivation et, d’autre part, d’une erreur d’appréciation.

–       Sur la prétendue insuffisance de motivation

49      En premier lieu, le requérant estime que la décision attaquée ne comporte pas de motivation propre et se borne à renvoyer au rapport de fin de stage dont la motivation ferait entièrement défaut ou serait, à tout le moins, brève et laconique. Ainsi, les points V, VI et VII dudit rapport ne citeraient, par exemple, pas un seul fait concret accompagné d’une date ou de son contexte qui aurait permis au requérant de formuler utilement ses observations. Ce dernier aurait à nouveau été confronté à une violation de ses droits de la défense.

50      Le requérant ajoute que des reproches tels que « [c]ulture d’entreprise inexistante », figurant au point VI du rapport, sans une seule référence à des manquements concrets, ne mettent pas non plus le Tribunal en mesure d’exercer son contrôle sur les motifs allégués.

51      La Cour des comptes rétorque que, selon la jurisprudence, les exigences de motivation doivent être appréciées en tenant compte de la spécificité d’une décision de licenciement à l’issue du stage. Elle souligne la différence de nature entre une décision de ce type et le licenciement proprement dit d’un agent titulaire. Alors que, dans ce dernier cas, s’impose un examen minutieux des motifs justifiant de mettre fin à un rapport d’emploi établi, dans les décisions relatives au maintien en fonctions des stagiaires, l’examen porterait sur l’existence ou non d’un ensemble d’éléments positifs faisant apparaître le maintien en fonctions du stagiaire comme étant dans l’intérêt du service (arrêts de la Cour du 17 novembre 1983, Tréfois/Cour de justice, 290/82, Rec. p. 3751, point 25, et du 15 mai 1985, Patrinos/CES, 3/84, Rec. p. 1421, point 13 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 113 ; arrêts Krcova/Cour de justice, précité, point 61, et du Tribunal du 16 avril 2008, Doktor/Conseil, F‑73/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 67, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de première instance, affaire T‑248/08 P).

52      La Cour des comptes se fonde sur le fait que la décision attaquée fait explicitement référence au rapport de fin de stage communiqué au requérant le 14 février 2008 et recommandant son licenciement. La Cour des comptes observe que, s’agissant des performances de l’intéressé au cours de la période de stage, la case « insuffisant » a été cochée pour toutes les rubriques de la partie VI du rapport, lesquelles ont été complétées par les appréciations suivantes :

–        s’agissant du management, de la documentation et de l’organisation du travail : « [N]e perçoit pas l’importance d’une bonne organisation de son travail » ;

–        s’agissant de la connaissance professionnelle : « [M]anque de professionnalisme dans la fonction de chauffeur » ;

–        s’agissant des capacités analytiques, jugement et capacités de résoudre des problèmes : « [A]pathie néfaste à l’exécution de ses tâches » ;

–        s’agissant des capacités de communication : « [R]este à l’écart de ses collègues. Pas d’esprit d’équipe » ;

–        s’agissant de la culture de service : « [C]ulture d’entreprise inexistante » ;

–        s’agissant de la capacité de travailler avec les autres : « [D]ifficultés à nouer des liens professionnels nécessaires à l’efficacité des prestations à rendre. Manque de suivi des instructions. »

53      De plus, la Cour des comptes se fonde sur le fait que l’appréciation générale, dans la partie VII, se lit comme suit : « [Le requérant] n’a pas fait preuve des qualités nécessaires à l’exercice des fonctions de chauffeur contractuel. Son manque de réactivité, sa passivité, son comportement amorphe, son manque d’initiative et de respect à temps des instructions sont patents. »

54      Dans la partie VIII du rapport, il est indiqué que l’occasion aurait été donnée au requérant à plusieurs reprises, et surtout à la suite des convocations auprès de ses supérieurs hiérarchiques et des conversations qu’il a eues avec eux les 31 octobre et 26 novembre 2007, d’améliorer ses performances. Plus spécifiquement, dans son évaluation écrite du 26 novembre 2007, visée à la partie V du rapport de fin de stage et annexée au même rapport, le chef hiérarchique et mentor de l’intéressé a rappelé une série d’incidents spécifiques, tels les faits d’avoir oublié de conduire des visiteurs de l’institution à l’aéroport, d’avoir laissé allumée la radio quand les visiteurs sont montés dans la voiture et d’avoir eu un accident dans le garage de la Cour des comptes, incidents qui se seraient produits en octobre et en novembre 2007 et qui, à son avis, auraient démontré un manque quant au professionnalisme qu’on serait en droit d’attendre d’un chauffeur de réserve de la Cour des comptes.

55      La partie défenderesse conclut que le rapport de fin de stage, auquel la décision attaquée renvoie, comporte une motivation abondante permettant, d’une part, au requérant d’apprécier le bien-fondé de ladite décision et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.

–       Sur la prétendue erreur manifeste d’appréciation

56      En second lieu, le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que des appréciations positives formulées par d’autres services de la Cour des comptes et de son chef d’unité lui-même, au cours de la période de stage, n’auraient pas été prises en considération lors de l’établissement du rapport de fin de stage.

57      Ainsi, il ressort :

–        d’un courriel, du 24 octobre 2007, de M. L., directeur à la Cour des comptes, que deux chauffeurs dont le requérant auraient « parfaitement rempli [leurs] obligations de chauffeurs les 22 et 23 octobre » et fait preuve de « professionnalisme » ;

–        d’un courriel, de même date, du chef d’unité du requérant, que ce dernier s’est pleinement associé aux « compliments » décernés par M. L. ;

–        d’un courriel, du 20 novembre 2007, de M. M., chef de cabinet d’un membre de la Cour des comptes, que deux chauffeurs, parmi lesquels le requérant, ont fait un excellent travail et que leur efficacité et leur gentillesse envers les invités ont largement contribué au succès de la visite ;

–        et d’un courriel, du 10 janvier 2008, de M. W., chef de cabinet d’un membre de la Cour des comptes, que « les services [du requérant] étaient irréprochables. »

58      À titre subsidiaire, le requérant fait valoir que la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir du fait du comportement de son évaluateur.

59      La Cour des comptes rétorque que, selon la jurisprudence, l’administration dispose d’une grande marge quant à l’appréciation des aptitudes et des prestations d’un agent contractuel stagiaire selon l’intérêt du service et qu’il n’appartient donc pas aux juridictions communautaires de se substituer aux institutions en ce qui concerne leur appréciation du résultat d’un stage, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêts Munk/Commission, précité, point 16 ; Tréfois/Cour de justice, précité, point 29, et Patrinos/CES, précité, point 25 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 112 ; arrêts Krcova/Cour de justice, précité, point 62 ; Doktor/Conseil, précité, point 66, et du Tribunal du 10 juillet 2008, Sapara/Eurojust, F‑61/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 120).

60      De plus, le stage avant titularisation aurait pour fonction de permettre à l’administration de porter un jugement plus concret sur les aptitudes de l’agent stagiaire à s’acquitter des tâches que comporte la fonction en cause, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service (arrêt Tréfois/Cour de justice, précité, point 24 ; arrêt Krcova/Cour de justice, précité, point 60). À l’issue du stage, l’administration devrait être en mesure de porter, sans être liée par des appréciations formulées lors du recrutement, un jugement sur la question de savoir si le stagiaire mérite d’être maintenu dans ses fonctions. Cette décision impliquerait une appréciation globale des qualités et du comportement du stagiaire, compte tenu tant des éléments positifs que des éléments négatifs révélés au cours de la période de stage.

61      En l’espèce, la Cour des comptes estime que les différents courriers électroniques invoqués par le requérant et provenant d’autres services de l’institution ayant utilisé les services de la cellule « Transport » ne sont pas de nature à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et n’établissent pas que l’AHCC, en décidant de licencier le requérant, a porté une appréciation manifestement erronée sur son aptitude professionnelle.

62      En effet, selon la partie défenderesse, trois des courriers électroniques émaneraient de personnes qui n’avaient pas une vue globale sur les performances du requérant au cours de l’ensemble de sa période de stage. Quant au courriel du chef d’unité du requérant, du 24 octobre 2007, ledit chef d’unité n’aurait fait que répondre poliment par ce courriel aux compliments qui lui avaient été adressés par un directeur de l’institution concernant les prestations non seulement du requérant, mais aussi du chef de la cellule « Transport » et de ses collègues. Ce courrier électronique, envoyé moins de deux mois après l’entrée en fonction de l’intéressé, pourrait même être lu comme un mot d’encouragement à un agent nouvellement recruté. La Cour des compte ajoute que cette réponse du chef d’unité a été envoyée presqu’un mois avant la transmission de la note du 26 novembre 2007 du chef hiérarchique et mentor du requérant, par laquelle il exprimait ses soucis quant à la qualité des prestations de ce dernier.

63      Rien dans les courriers électroniques en cause ne permettrait donc de contredire les griefs retenus contre le requérant dans le rapport de fin de stage sur la base duquel la décision de licenciement a été fondée.

64      Quant au prétendu détournement de pouvoir, la Cour des comptes observe que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère avant tout au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision ne serait entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées.

65      Or, le requérant n’aurait pas expliqué comment la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir en raison du courrier électronique du chef d’unité du 24 octobre 2007 et n’aurait pas démontré en quoi l’AHCC a usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés.

 Appréciations du Tribunal

66      Le deuxième moyen peut être subdivisé en trois griefs tirés, premièrement d’une insuffisance de motivation, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, et à titre subsidiaire, d’un détournement de pouvoir.

–       Sur le grief tiré d’une insuffisance de motivation

67      À cet égard, il suffit de constater que la décision attaquée renvoie au rapport de fin de stage du requérant du 4 février 2008, dans lequel l’évaluateur recommande son licenciement. Or, ce rapport contient en annexe les appréciations négatives du chef hiérarchique et mentor du requérant sur les qualités professionnelles de ce dernier, telles que transmises par note du 26 novembre 2007 à l’évaluateur. De plus, toutes les rubriques de la partie VI du même rapport, concernant les performances du requérant au cours de la période de stage, comportent des appréciations négatives. L’appréciation générale figurant dans la partie VII met également très clairement en évidence les motifs pour lesquels l’évaluateur a estimé ne pas pouvoir recommander le maintien du requérant dans son emploi. Enfin, la note du 14 février 2008 adressée par le requérant à l’évaluateur démontre qu’il était en mesure de comprendre les objections soulevées à l’encontre de son maintien en fonctions, de défendre pleinement ses intérêts et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal.

68      Dès lors, le grief tiré de l’insuffisance de motivation doit être rejeté.

–       Sur le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

69      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le stage a pour fonction de permettre à l’administration de porter un jugement plus concret sur les aptitudes du stagiaire à s’acquitter des tâches que comporte la fonction en cause ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service (voir, en ce sens, à propos de l’article 34 du statut, arrêt Tréfois/Cour de justice, précité, point 24).

70      Il ressort, à cet égard, de l’arrêt Tréfois/Cour de justice (précité, points 24 et 25 ; voir, également arrêt Patrinos/CES, précité, point 13 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 113) qu’une décision de non-titularisation se distingue par nature du « licenciement » proprement dit d’une personne ayant bénéficié d’une nomination en tant que fonctionnaire titulaire. Alors que, dans ce dernier cas, s’impose un examen minutieux des motifs justifiant de mettre un terme à un rapport d’emploi établi, l’examen, dans les décisions relatives à la titularisation des stagiaires, doit être global et porter sur l’existence, ou non, d’un ensemble d’éléments positifs relevés au cours de la période de stage faisant apparaître la titularisation du stagiaire comme étant dans l’intérêt du service.

71      Une telle jurisprudence est transposable sur le terrain de l’article 84 du RAA en ce que la décision de ne pas maintenir un agent contractuel dans son emploi à l’issue de la période de stage (ou en cours de stage) se distingue également par nature du licenciement d’un agent ayant été préalablement confirmé dans son emploi sur la base d’un rapport de fin de stage positif. Ainsi, à l’instar de ce que la Cour a jugé à propos de la décision de titularisation ou non, celle relative au maintien ou non d’un agent dans son emploi requiert un examen global portant sur la période de stage et permettant de relever l’existence, ou non, d’un ensemble d’éléments positifs faisant apparaître le maintien en fonction de l’agent comme étant dans l’intérêt du service.

72      En outre, l’administration dispose d’une grande marge quant à l’appréciation des aptitudes et des prestations d’un fonctionnaire ou d’un agent stagiaire selon l’intérêt du service. Il n’appartient donc pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des institutions en ce qui concerne le résultat d’un stage et les aptitudes d’un candidat à une nomination définitive ou à la confirmation de son contrat dans le service public communautaire, son contrôle se limitant à celle de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts Munk/Commission, précité, point 16 ; Tréfois/Cour de justice, précité, point 29 ; de la Cour du 5 avril 1984, Alvarez/Parlement, 347/82, Rec. p. 1847, point 16 ; Patrinos/CES, précité, point 25 ; arrêts Kupka-Floridi/CES, précité, point 52 ; Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 112, et du Tribunal de première instance du 27 juin 2002, Tralli/BCE, T‑373/00, T‑27/01, T‑56/01 et T‑69/01, RecFP p. I‑A‑97 et II‑453, point 76 ; Krocva/Cour de justice, précité, point 62).

73      C’est à la lumière de ces considérations que doit être examiné le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

74      En l’espèce, les appréciations « insuffisant » cochées dans la grille destinée à évaluer les performances du requérant, figurant dans la partie VI du rapport de fin de stage du 4 février 2008, sont précisées par les commentaires rappelés au point 52 du présent arrêt : « [n]e perçoit pas l’importance d’une bonne organisation de son travail » ; « [m]anque de professionnalisme dans la fonction de chauffeur » ; « [a]pathie néfaste à l’exécution de ses tâches » ; « [r]este à l’écart de ses collègues ; [p]as d’esprit d’équipe » ; « [c]ulture d’entreprise inexistante » ; « [d]ifficultés à nouer des liens professionnels nécessaires à l’efficacité des prestations à rendre ; [m]anque de suivi des instructions. »

75      Ces observations spécifiques ont été accompagnées, à la partie VII du rapport, d’une appréciation générale, d’où il ressort que le requérant « n’a pas fait preuve de qualités nécessaires à l’exercice des fonctions de chauffeur contractuel [et que s]on manque de réactivité, sa passivité, son comportement amorphe, son manque d’initiative et de respect à temps des instructions sont patents ».

76      À ce constat s’ajoutent les commentaires du chef hiérarchique et mentor du requérant dont il est question au point 4 du présent arrêt et réitérés à la partie V du rapport.

77      Dans son recours, le requérant se borne à renvoyer aux commentaires positifs à propos de ses prestations figurant dans quatre courriels, mentionnés au point 57 du présent arrêt, émanant d’un directeur à la Cour des comptes, de l’évaluateur lui-même du requérant (qui est également son chef d’unité) et de deux chefs de cabinet de membres de la Cour des comptes.

78      De tels courriels ne sont pas de nature à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, trois d’entre eux expriment, certes, la satisfaction des services de la Cour des comptes relativement à des prestations ponctuelles accomplies par le requérant dans le cadre de ses fonctions, sans cependant fournir une appréciation globale au sujet de ses aptitudes à s’acquitter des tâches que comporte la fonction de chauffeur de réserve, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service.

79      Ainsi, premièrement, dans son courriel du 24 octobre 2007, M. L. affirme que les deux chauffeurs de réserve, dont le requérant, « ont parfaitement rempli leurs obligations » les 22 et 23 octobre 2007 et les remercie, ainsi que le chef hiérarchique et mentor du requérant, « pour leur professionnalisme ».

80      Or, dans sa note du 26 novembre 2007, adressée à l’évaluateur, le chef hiérarchique et mentor du requérant fait le reproche à celui-ci d’être parti, précisément le 23 octobre 2007, « laver la voiture de service » sans le prévenir « et en oubliant de conduire des visiteurs de la Cour [des comptes] de l’hôtel […] à l’aéroport du Luxembourg ». La circonstance que M. L. n’avait pas pris conscience de cet incident ce jour-là ne permet pas d’en écarter la pertinence pour l’appréciation de l’aptitude du requérant à s’acquitter globalement de ses tâches.

81      Deuxièmement, le courriel du 24 octobre 2007, par lequel le chef d’unité et évaluateur du requérant remercie M. L. pour les compliments adressés aux deux chauffeurs ainsi qu’à leur supérieur hiérarchique n’est pas de nature à apporter une indication suffisamment précise quant à l’appréciation globale qu’il convient de donner des prestations fournies par le requérant durant l’ensemble de la période de stage. Il s’agit, pour l’essentiel, à défaut de tout autre indice, d’une réponse de courtoisie et de remerciement.

82      Les troisième et quatrième courriels datés des 20 novembre 2007 et 10 janvier 2008 expriment également la satisfaction de MM. M. et W., chefs de cabinet de membres de la Cour des comptes, pour les prestations fournies par le requérant. La partie défenderesse a expliqué, lors de l’audience, sans être contredite par le requérant, que ce dernier avait été mis à la disposition des cabinets, comme chauffeur de réserve, respectivement lors de la visite d’une délégation de parlementaires de nationalité tchèque et à l’occasion d’un dîner organisé, dans un restaurant à Luxembourg, avec des membres de la Cour des comptes, et ce pour assister les propres chauffeurs de ces derniers dans le transport des invités.

83      Dans un tel contexte, les deux courriels en cause peuvent également s’analyser en des messages de remerciement et de compliment, sans cependant fournir des éléments suffisamment pertinents, eu égard à leur caractère très circonscrit, quant à l’appréciation globale des performances du requérant au cours de la période de stage, ni de nature à contredire à suffisance de droit les appréciations des supérieurs hiérarchiques du requérant.

84      En conséquence, il n’a pas été établi que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le grief tiré du détournement de pouvoir

85      À cet égard, il convient de rappeler qu’une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que s’il est prouvé à suffisance de droit, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que cette décision a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt de la Cour du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, 135/87, Rec. p. 2901, point 27 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 28, et du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, RecFP p. I‑A‑309 et II‑1479, point 100 ; arrêt Krocva/Cour de justice, précité, point 82).

86      Or, le requérant s’est borné, sans fournir de tels indices, à affirmer, à titre subsidiaire, que la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir, en invoquant uniquement la circonstance que le chef d’unité et évaluateur du requérant s’était associé pleinement aux compliments exprimés par M. L. dans son courriel du 24 octobre 2007.

87      Le grief tiré du détournement de pouvoir doit donc également être rejeté.

88      En conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

89      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

 Sur la demande indemnitaire

1.     Arguments des parties

90      Le requérant demande, à titre principal, le rétablissement dans ses anciennes fonctions jusqu’à la fin de son contrat, avec versement rétroactif de son traitement à partir du 16 avril 2008 jusqu’à la date du jugement. À titre subsidiaire, il demande la réparation du préjudice matériel qu’il prétend avoir subi en raison du caractère injustifié de son licenciement et évalue le montant de l’indemnité à 27 mois et demi de traitement mensuel, soit 60 500 euros. En tout état de cause, il demande une indemnité pour le préjudice moral qu’il prétend avoir subi et qu’il évalue à 5 000 euros.

91      La partie défenderesse rétorque que, lorsqu’il existe un lien étroit entre une demande en annulation et une demande en indemnité, le rejet de la première entraîne celui de la seconde. Or, en l’espèce, la demande d’être rétabli dans ses fonctions et la demande d’indemnisation seraient étroitement liées à la demande d’annulation de la décision attaquée, laquelle serait non fondée.

92      En conséquence, la demande indemnitaire devrait, elle aussi, être rejetée comme non fondée.

93      Dans l’hypothèse où le Tribunal procéderait à l’annulation de la décision attaquée, la partie défenderesse soutient qu’il y aurait lieu néanmoins de rejeter la demande indemnitaire, dès lors que le requérant n’allègue pas l’existence d’un préjudice matériel ou moral spécifique. En effet, l’objet d’une telle demande serait déjà couvert par les mesures qu’il incomberait à l’administration de prendre au titre de l’article 233 CE.

2.     Appréciation du Tribunal

94      La demande indemnitaire vise à obtenir réparation du préjudice causé par la décision attaquée dont le requérant recherche l’annulation. C’est pourquoi le rejet de la demande en annulation doit aussi entraîner le rejet de la demande indemnitaire.

95      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est que partiellement condamnée aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

97      Il résulte du présent arrêt que le requérant succombe dans son recours. En outre, la Cour des comptes a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Notarnicola est condamné à l’ensemble des dépens.

Kanninen

Boruta

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : le français.