Language of document : ECLI:EU:F:2007:20

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

1er février 2007 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Demande de mesures provisoires – Urgence – Absence »

Dans l’affaire F‑142/06 R,

ayant pour objet une demande introduite au titre des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA,

Francesco Bligny, demeurant à Tassin-la-Demi-Lune (France), représenté par Me P. Lebel-Nourissat, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, M. Bligny demande, d’une part, la suspension des décisions du jury des 23 novembre et 7 décembre 2006, rejetant sa candidature au concours général EPSO/AD/26/05 (ci-après les « décisions attaquées ») et, d’autre part, en tant que mesure provisoire, que soit ordonnée la correction de son épreuve écrite audit concours.

 Cadre juridique

2        L’avis de concours, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 20 juillet 2005 (JO C 178 A, p. 3, ci-après l’« avis de concours ») prévoit en son point A II 3 que les candidats doivent être ressortissants d’un des États membres de l’Union européenne.

3        Le point C 4 de l’avis de concours dispose comme suit :

« Les candidats […] sont invités à imprimer et à compléter l’acte de candidature disponible sur le site [http://www.europa.eu.int/epso], dans leur dossier EPSO. Ils doivent l’expédier dans le délai requis.

Annexes à joindre

La citoyenneté et les études doivent être précisées en détail dans l’acte de candidature. À cet acte, les candidats doivent joindre les documents suivants :

–        un document prouvant la citoyenneté (par exemple passeport, etc.),

–        le(s) diplôme(s) certifiant la réussite des études,

–        sur papier libre, un index établissant le sommaire de ces pièces justificatives annexées et numérotées.

Les candidats doivent envoyer uniquement des photocopies non certifiées de tous ces documents.

[…] »

4        L’acte de candidature à remplir comprenait une déclaration sur l’honneur qui avait le contenu suivant :

« 1. Je déclare sur l’honneur que les indications portées au présent acte de candidature et à ses annexes sont véridiques et complètes.

2. Je déclare également sur l’honneur :

i)      être ressortissant(e) d’un des États membres de l’Union européenne et y jouir des droits civiques ;

[…]

3. Je m’engage à fournir, dès qu’elles me seront demandées, les pièces justificatives concernant les trois points i), ii) et iii) ci-dessus et je reconnais que, à défaut de communication de ces pièces, ma candidature sera considérée comme nulle.

4. Je suis conscient(e) que les pièces justificatives suivantes (sous formes de photocopies) sont indispensables pour la recevabilité de mon acte de candidature :

–        un document prouvant ma citoyenneté (passeport, carte d’identité, etc.),

–        le(s) diplôme(s) du niveau exigé pour l’admission au concours,

[…] »

Il est précisé que le début de la phrase du point 4 de la déclaration sur l’honneur figurait en caractères gras.

 Faits à l’origine du litige

5        Le requérant s’est porté candidat au concours général EPSO/AD/26/05 organisé par l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) pour la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs dans le domaine du droit.

6        Par courrier du 15 mai 2006, le président du jury du concours a informé le requérant que les notes qu’il avait obtenues le plaçaient parmi les candidats appelés à remplir l’acte de candidature officiel. Ce courrier précisait en outre que « [c]et acte de candidature d[eva]it être dûment complété, signé par [lui] et accompagné de toutes les pièces justificatives nécessaires, comme cela était exigé par l’avis de concours, sous peine de nullité de [sa] candidature. L’acte de candidature officiel et ses annexes numérotées d[evai]ent obligatoirement être expédiées par envoi recommandé au plus tard le 9 juin 2006 […] ».

7        Le requérant a rempli, signé et expédié l’acte de candidature dans les délais requis. Il n’a toutefois pas joint à cet acte de document prouvant sa citoyenneté.

8        Par courrier du 23 novembre 2006, le président du jury a informé le requérant que, n’ayant pas prouvé être ressortissant d’un des États membres de l’Union européenne, comme cela était exigé par le point A II 3 de l’avis de concours, sa candidature n’avait pas été retenue et que, par conséquent, le jury ne l’avait pas admis au concours ni procédé à la correction de son épreuve écrite.

9        Par courrier du 24 novembre 2006, le requérant a demandé le réexamen de sa candidature et joint une copie de sa carte d’identité à sa demande.

10      Par courrier du 7 décembre 2006, le requérant a été informé du fait que le jury avait confirmé sa décision de ne pas l’admettre au concours, au motif que, la photocopie de son passeport ou de sa carte d’identité n’ayant pas été jointe à son acte de candidature, ledit jury n’avait pas été en mesure de vérifier sa citoyenneté. Ce courrier rappelait également que les pièces justificatives introduites après le délai d’introduction des actes de candidature ne pouvaient être prises en considération.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, le requérant demande l’annulation des décisions attaquées, ainsi que la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser des dommages et intérêts. Cette requête a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑142/06.

12      Par acte séparé du même jour, le requérant a introduit une demande en référé visant à obtenir la suspension des décisions attaquées et, en tant que mesure provisoire, la correction de son épreuve écrite. Cette demande a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑142/06 R.

13      Dans sa demande en référé, le requérant conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        constater que le recours au fond paraît fondé dans sa demande ;

–        constater l’urgence de la demande de suspension des décisions attaquées et de la mesure provisoire tendant à la correction de son épreuve écrite ;

–        constater que cette mesure n’aurait pas de conséquence sur la partie défenderesse ni sur les tiers ;

–        dire et juger en conséquence recevable et bien fondée la demande en référé ;

–        suspendre les décisions attaquées ;

–        ordonner la correction de son épreuve écrite ;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance.

14      La Commission, qui a fait parvenir au greffe du Tribunal ses observations écrites le 16 janvier 2007, conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande de mesures provisoires ;

–        réserver les dépens.

15      En l’état du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments lui permettant de statuer sans qu’il soit besoin d’entendre les parties en leurs explications orales.

 En droit

16      En vertu, d’une part, des dispositions combinées des articles 242 CE, 243 CE, 157 EA et 158 EA, et d’autre part, de l’article 39 du statut de la Cour de justice et de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire des mesures provisoires.

17      L’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, prévoit qu’une demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes des articles 242 CE et 157 EA n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. Le deuxième alinéa dudit article 104, paragraphe 1, précise que toute demande relative à l’une des autres mesures provisoires visées aux articles 243 CE et 158 EA n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisie et si elle se réfère à ladite affaire.

18      Conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier, notamment, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande relative à de telles mesures doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 9 août 2001, De Nicola/BEI, T‑120/01 R, RecFP p. I‑A‑171 et II‑783, point 12). Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99 R, RecFP p. I‑A‑155 et II‑811, point 18).

19      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance De Nicola/BEI, précitée, point 13).

20      Dans les circonstances de l’espèce, il y a tout d’abord lieu d’examiner si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

21      Selon le requérant, les mesures sollicitées seraient urgentes, dans la mesure où le concours se poursuit. Il soutient que, si le recours au principal était jugé bien fondé, il serait difficile d’organiser pour lui une nouvelle épreuve après l’admission au concours des 180 meilleurs candidats. En outre, le fait de retenir 181 lauréats constituerait une violation de l’avis de concours, lequel fixe leur nombre à 180.

22      La partie défenderesse fait valoir que, selon une jurisprudence constante, la poursuite des épreuves d’un concours n’est pas de nature à causer un préjudice irréparable à un candidat. En effet, dans l’hypothèse où l’exclusion du requérant serait annulée par un arrêt définitif, l’institution serait tenue d’exécuter cet arrêt en vertu de l’article 233 CE et, dès lors, corrigerait l’épreuve écrite du requérant, puis, en fonction de ses résultats, organiserait une épreuve orale d’une difficulté équivalente à celle qu’auraient subie les autres candidats. En outre, la limitation du nombre de lauréats prévue par l’avis de concours publié antérieurement à l’arrêt d’annulation ne saurait empêcher l’institution d’exécuter cet arrêt, conformément à son obligation résultant de l’article 233 CE.

 Appréciation du juge des référés

23      Il est constant que la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre cet objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision au principal (ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec p. I‑1857, point 62).

24      Selon une jurisprudence constante, la poursuite des épreuves d’un concours général n’est pas de nature à causer un préjudice irréparable à un candidat désavantagé par une irrégularité commise lors dudit concours. En effet, lorsque, dans le cadre d’un concours organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement, une épreuve est annulée, les droits d’un candidat sont adéquatement protégés si le jury et l’autorité investie du pouvoir de nomination reconsidèrent leurs décisions et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (voir arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, Rec. p. 2421, point 33, et du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, Rec. p. I‑3839, points 13 et 14 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 15 juillet 1999, Giulietti/Commission, T‑167/99 R, RecFP p. I‑A‑139 et II‑751, point 30 ).

25      L’existence de l’urgence n’étant pas établie, il y a lieu de rejeter la présente demande sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 1er février 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.