Language of document : ECLI:EU:C:2012:74

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 14 février 2012 (1)

Affaire C‑618/10

Banco Español de Crédito, SA

contre

Joaquín Calderón Camino

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Barcelone (Espagne)]

«Protection des consommateurs — Directive 93/13/CEE — Article 6, paragraphe 1 — Crédit à la consommation — Taux des intérêts moratoires — Clauses abusives — Code de procédure civile national — Procédure d’injonction de payer — Pouvoir d’une juridiction nationale d’examiner, d’office et in limine litis, dans le cadre d’une procédure nationale d’injonction de payer, le caractère non obligatoire d’une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de prêt à la consommation et d’ordonner sa modification — Règlement (CE) no 1896/2006 — Procédure d’injonction de payer en droit européen — Directive 2008/48/CE — Article 30 — Champ d’application ratione temporis — Directive 87/102/CEE — Articles 6 et 7 — Champ d’application matériel — Autonomie de procédure des États membres»







Table des matières


I –   Introduction

II – Le cadre juridique

A –   Le droit de l’Union

B –   Le droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V –   Les principaux arguments des parties à la procédure

VI – Appréciation juridique

A –   Observations préliminaires

B –   Sur la première question préjudicielle

1.     Sur le rôle du juge national dans l’annulation des clauses abusives conformément à la jurisprudence de la Cour

2.     Les principes jurisprudentiels peuvent‑ils être transposés à la situation en cause au principal?

a)     La prémisse utilisée par la Cour dans l’arrêt VB Pénzügyi Lízing

b)     Arguments s’opposant à une transposition de cette jurisprudence à l’affaire au principal

i)     Comparaison avec l’affaire VB Pénzügyi Lízing

–       Situation procédurale différente

–       Nature différente de la clause contractuelle

–       Conclusion

ii)   Conséquences d’une transposition à la procédure d’injonction de payer

–       Modification fondamentale du mode de fonctionnement de la procédure d’injonction de payer

–       Compatibilité avec le principe de l’autonomie de procédure

3.     Conclusions

a)     Le droit de l’Union n’impose pas un examen d’office in limine litis dans le cadre de la procédure d’injonction de payer

b)     Les États membres peuvent adopter des règles plus sévères

C –   Sur la deuxième question

D –   Sur la troisième question préjudicielle

E –   Sur les quatrième et cinquième questions

F –   Sur la sixième question préjudicielle

VII – Conclusions

I –    Introduction

1.        L’Audiencia Provincial de Barcelone (Espagne, ci-après la «juridiction de renvoi») a saisi la Cour, conformément à l’article 267 TFUE, d’une série de questions concernant l’interprétation de la directive 93/13/CEE (2), de la directive 2009/22/CE (3), du règlement (CE) no 1896/2006 (4), de la directive 2008/48/CE (5) et de la directive 2005/29/CE (6).

2.        La demande préjudicielle trouve son origine dans un litige opposant le Banco Español de Crédito, SA (ci-après le «requérant au principal»), à M. Joaquín Calderón Camino (ci-après le «défendeur au principal») à propos du remboursement d’un prêt et du paiement des intérêts moratoires y afférents. Le requérant au principal, qui avait initialement engagé une action en injonction de payer en droit national, a interjeté appel contre une décision par laquelle le juge a, d’office et in limine litis, déclaré nulle la clause du contrat fixant le taux des intérêts moratoires à 29 %, a ramené ce taux à 19 % et lui a ordonné d’effectuer un nouveau calcul des intérêts avant la poursuite de la procédure.

3.        La juridiction de renvoi souhaite savoir si le droit de l’Union oblige une juridiction nationale à examiner d’office, dans le cadre de l’analyse de la recevabilité d’une action civile, le caractère abusif de clauses prérédigées concernant les intérêts moratoires d’un contrat de crédit à la consommation et à adapter leur contenu. Elle pose en outre toute une série de questions concernant le comportement d’un établissement de crédit en cas d’inexécution d’un contrat de prêt dans la perspective du droit de l’Union applicable.

4.        Les règles de protection des consommateurs en droit de l’Union font actuellement l’objet de toute une série d’adaptations législatives qui témoignent du souci qu’a la Commission de consolider et de moderniser l’acquis communautaire. C’est ainsi que la directive 93/13 a été modifiée sur quelques aspects ponctuels par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, relative aux droits des consommateurs (7), qui pose un premier jalon dans l’harmonisation complète des législations nationales en matière de protection des consommateurs (8). Le 11 octobre 2011, la Commission européenne a également présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente (9), mettant ainsi en œuvre un projet législatif qui permettra à l’avenir d’appliquer facultativement cette réglementation aux contrats de vente transfrontaliers lorsque les parties en expriment formellement la volonté (10). Si ces actes juridiques ne s’appliquent pas à la procédure au principal pour des motifs chronologiques, tout porte à croire qu’ils n’en influenceront pas moins de manière décisive le développement futur du droit de la protection des consommateurs.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

5.        Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive 93/13 a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

6.        L’article 3 de la directive 93/13 est rédigé comme suit:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

[…]»

7.        L’annexe de cette directive contient la liste des clauses qui peuvent être déclarées abusives conformément à l’article 3, paragraphe 3:

«Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

e)      d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé;

[…]»

8.        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 est rédigé comme suit:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

9.        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce la règle que voici:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

10.      L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive est formulé comme suit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

B –    Le droit national

11.      La protection des consommateurs contre les clauses abusives était initialement assurée en droit espagnol par la loi générale no 26/1984, du 19 juillet 1984, relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios) (11). Cette loi a été modifiée par la loi no 7/1998, du 13 avril 1998, relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación) (12), qui a transposé la directive 93/13 au moyen des modifications qu’elle introduisait. Enfin, le Real Decreto Legislativo 1/2007 (13) (ci-après le «RDL no 1/2007») a mis en place la loi générale sur la protection des consommateurs et des usagers dans sa nouvelle version.

12.      L’article 83 du RDL no 1/2007 énonce les effets juridiques de la constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle. Il dispose que: «Les clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites» et ajoute ensuite ce qui suit: «La partie du contrat entachée de nullité est complétée conformément à l’article 1258 du code civil et au principe de la bonne foi objective. À cet effet, le juge qui déclare la nullité des clauses complète le contrat et dispose d’un pouvoir modérateur quant aux droits et obligations des parties si le contrat subsiste et quant aux conséquences de son invalidité si celles-ci causent un préjudice appréciable au consommateur et à l’usager. Le juge ne peut déclarer la nullité du contrat que si les clauses qui subsistent placent les parties dans une situation inéquitable à laquelle on ne peut remédier».

13.      L’article 1108 du code civil espagnol dispose que, si l’obligation consiste à verser une somme d’argent et que le débiteur est en retard de paiement, le taux d’intérêt qui s’applique à la réparation du préjudice subi est, sauf disposition contraire, le taux convenu et, en l’absence d’accord, le taux d’intérêt légal.

14.      Aux termes de l’article 1258 du code civil espagnol, les contrats sont conclus par simple consentement et rendent dès lors obligatoires non seulement l’exécution des dispositions expressément convenues, mais aussi toutes les conséquences qui, selon leur nature, sont conformes à la bonne foi, à l’usage et à la loi.

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

15.      Le 28 mai 2007, le défendeur au principal a conclu avec le requérant au principal un contrat de prêt pour un montant de 30 000 euros en vue de l’acquisition d’un véhicule. Ainsi qu’il apparaît de la décision de renvoi, le taux de rémunération était de 7,950 %, le TAG de 8,890 % et le taux des intérêts moratoires de 29 %. Bien que le contrat n’arrivât à échéance que le 5 juin 2014, le requérant au principal a exigé le remboursement anticipativement parce que le défendeur au principal n’avait payé qu’une partie des 67 mensualités prévues par le contrat.

16.      Le 8 janvier 2009, le requérant au principal a engagé une procédure d’injonction de payer portant sur la somme de 29 381,95 euros correspondant aux mensualités impayées, majorées des intérêts conventionnels et des dépens. Le 21 janvier 2010, le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Sabadell a annulé la clause relative aux intérêts moratoires, fixé le taux de ceux-ci à 19 % et ordonné au requérant au principal qu’il effectue un nouveau calcul des intérêts pour la même période dans le respect des conditions énoncées dans l’ordonnance. La juridiction a motivé celle-ci en déclarant que la clause relative aux intérêts moratoires était abusive et que, en raison du caractère impératif des dispositions applicables, elle était également compétente à prononcer la nullité d’office dans le cadre d’une action en injonction de payer.

17.      C’est contre cette ordonnance que le requérant au principal s’est pourvu en appel devant la juridiction de renvoi en invoquant la nécessité d’une protection juridictionnelle effective. Il fait valoir, en substance, que le premier juge n’était pas fondé à examiner d’office in limine litis le taux des intérêts moratoires qui avait été convenu et qu’il n’aurait pu le faire que si le défendeur avait soulevé une exception en ce sens.

18.      La juridiction de renvoi estime qu’une interprétation du droit de l’Union est indispensable à la solution du litige. Elle se demande en particulier si, eu égard aux règles du droit de l’Union, une juridiction nationale peut constater d’office in limine litis la nullité d’une clause relative à des intérêts moratoires dans le cadre d’une procédure en injonction de payer ou bien si elle doit attendre que les parties invoquent un tel moyen dans la mesure où, exceptionnellement, il ne s’agit pas de clauses contractuelles qui seraient manifestement incompatibles avec des dispositions impératives ou avec d’autres dispositions prohibitives. Il a donc sursis à statuer et a adressé les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1)      Le droit de l’Union, et en particulier le droit des consommateurs et des usagers, s’oppose‑t‑il à ce qu’une juridiction nationale évite de se prononcer d’office, in limine litis et à tout moment de la procédure, sur la nullité ou non et la révision ou non d’une clause d’intérêts moratoires (en l’occurrence de 29 %) insérée dans un contrat de prêt à la consommation? La juridiction peut‑elle choisir, sans porter atteinte aux droits que le consommateur tire de la législation de l’Union, de laisser l’éventuel examen d’une telle clause à l’initiative du débiteur (par la voie de l’opposition que ce dernier peut former)?

2)      À la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE et de l’article 2 de la directive 2009/22/CE, quelle doit être, à cet effet, l’interprétation conforme de l’article 83 du Real Decreto Legislativo [décret royal législatif] no 1/2007 [anciennement article 8 de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios (loi générale no 26/1984, du 19 juillet 1984, sur la protection des consommateurs et des usagers)]? Quelle est la portée, à cet égard, de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE lorsqu’il prévoit que les clauses abusives ‘ne lient pas les consommateurs’?

3)      Le contrôle juridictionnel d’office et in limine litis peut‑il être exclu lorsque le demandeur indique clairement, dans sa demande, le taux d’intérêt moratoire, le montant de la créance, notamment le principal et les intérêts, les pénalités contractuelles et les frais, le taux d’intérêt et la période pour laquelle ces intérêts sont réclamés (sauf si des intérêts légaux sont automatiquement ajoutés au principal en vertu du droit de l’État membre d’origine), la cause de l’action, y compris une description des circonstances invoquées en tant que fondement de la créance et des intérêts réclamés, et lorsque le demandeur précise s’il s’agit d’un taux d’intérêt légal ou contractuel, d’une capitalisation des intérêts, du taux d’intérêt du prêt, s’il a été calculé par le demandeur, ou du pourcentage au‑dessus du taux de base de la Banque centrale européenne, comme le prévoit le règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne d’injonction de payer?

4)      À défaut de transposition, les articles 5, sous l) et m), 6 et 10, sous l), de la directive 2008/48/CE — lorsqu’ils mentionnent les ‘modalités d’adaptation’ —, obligent‑ils l’établissement financier à indiquer de manière spécifique et séparée dans le contrat (et non pas dans le corps du texte, de manière indistincte), de façon claire et visible, en tant qu’‘informations précontractuelles’, les références au taux d’intérêt moratoire en cas d’impayé ainsi que les éléments pris en considération pour sa fixation (frais financiers, de recouvrement, …) et à inclure un avertissement concernant les conséquences relatives aux éléments de coût?

5)      L’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE implique‑t‑il l’obligation de notifier la fin anticipée du crédit ou du prêt, qui permet l’application du taux d’intérêt moratoire? Le principe de l’interdiction de l’enrichissement non justifié, énoncé à l’article 7 de la directive 2008/48/CE, est‑il applicable lorsque l’établissement de crédit entend non seulement reprendre le bien (le capital d’emprunt), mais également appliquer des intérêts de retard particulièrement élevés?

6)      À défaut de règle de transposition et à la lumière de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE, la juridiction peut‑elle examiner d’office le caractère déloyal de la pratique consistant à insérer dans le texte du contrat une clause d’intérêts moratoires?»

IV – La procédure devant la Cour

19.      La décision de renvoi, qui date du 29 novembre 2010, est parvenue au greffe de la Cour le 29 décembre 2010.

20.      Ont présenté des observations écrites dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice le requérant au principal, les gouvernements espagnol et allemand, ainsi que la Commission.

21.      Ont participé à l’audience du 1er décembre 2011, afin d’y être entendus en leurs explications orales, les mandataires ad litem du requérant au principal, des gouvernements espagnol et allemand ainsi que de la Commission.

V –    Les principaux arguments des parties à la procédure

22.      L’argumentation des parties à la procédure sera reproduite, pour autant que de besoin, dans le cadre de l’analyse de chacune des questions de droit.

VI – Appréciation juridique

A –    Observations préliminaires

23.      Lorsqu’un débiteur n’obtempère pas à une injonction de payer, cela ne signifie pas toujours qu’il dispose d’exceptions matérielles à l’encontre de la créance. Il est fréquent que le débiteur ne veuille tout simplement pas payer ou qu’il ne soit pas en mesure de le faire. En pareil cas, le créancier peut juger inopportun d’engager une procédure déclaratoire à l’encontre du débiteur défaillant (14) et préférer rechercher des solutions plus simples et moins coûteuses pour obtenir un titre exécutoire. De nombreux États membres ont simplifié le recouvrement des créances en introduisant dans leurs codes de procédure civile diverses procédures particulières (15), dont l’aménagement et l’importance pratique peuvent toutefois varier considérablement d’un ordre juridique national à un autre (16).

24.      Comme ces procédures ont entre-temps été pourvues de règles de forme de plus en plus strictes, certains ordres juridiques ont, afin de soulager la justice, transféré la compétence y afférente à des officiers de justice possédant une formation spécialisée, comme des greffiers ou les Rechtspfleger allemands (17), alors que, dans d’autres ordres juridiques, la compétence exclusive demeure entre les mains du juge civil (18). La nécessité de simplifier et d’accélérer l’administration de la justice a en outre amené certains États à accepter des dérogations aux règles de base de la procédure civile, notamment en ce qui concerne l’audition des parties et le niveau de preuves exigible pour démontrer la prétention formulée (examen de plausibilité et de recevabilité) (19).

25.      Le règlement no 1896/2006, qui, parallèlement aux procédures nationales, a mis en place une procédure européenne d’injonction de payer pour les créances liquides certaines dans les affaires civiles et commerciales à caractère transfrontalier, témoigne du souci qu’avait le législateur de l’Union de résoudre de façon appropriée le conflit entre une administration de la justice accélérée, d’une part, et le maintien des garanties inscrites dans le droit de la procédure, d’autre part. Cette procédure européenne d’injonction de payer se fonde sur les expériences des États membres en matière de procédures simplifiées dans la mesure où elle reprend de nombreuses solutions qui ont fait leurs preuves au niveau national. C’est notamment le cas de la possibilité de contradiction ouverte au défendeur qui souhaite soulever des exceptions à l’encontre de l’injonction de payer, auquel cas la procédure se poursuit devant une juridiction conformément aux règles de la procédure civile ordinaire, comme c’est le cas dans la plupart des procédures d’injonction de payer nationales (20) (21).

26.      La présente affaire porte sur la procédure d’injonction de payer espagnole destinée au recouvrement de créances liquides («proceso monitorio»), qui présente plusieurs des caractéristiques typiques que j’ai exposées plus haut. La première question de la juridiction de renvoi porte sur le point de savoir quels critères de droit de l’Union une procédure judiciaire nationale en recouvrement de créances liquides doit remplir pour que le consommateur soit efficacement protégé contre des prétentions fondées sur des clauses abusives inscrites dans des contrats de crédit à la consommation. Il s’agit, en particulier, de l’éventuelle obligation que le droit de l’Union ferait à la juridiction nationale de statuer, d’office et in limine litis, sur le caractère non obligatoire d’une clause abusive énoncée dans un contrat de crédit à la consommation dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer également sans faire dépendre l’examen de son caractère abusif d’un acte de procédure à poser par le débiteur.

27.      Cette question est sensible en particulier parce qu’une appréciation du caractère abusif obligera généralement le juge national à examiner de manière approfondie les droits et obligations résultant du contrat, ce qu’il ne fait habituellement pas dans le cadre d’une procédure en injonction de payer. Si la Cour devait dire pour droit que le droit de l’Union lui impose une telle obligation, cela aurait finalement pour conséquence que le législateur national serait obligé d’apporter des modifications de grande envergure à son code de procédure civile pour se conformer aux règles du droit de l’Union. Mais il devrait en même temps faire en sorte que la procédure d’injonction de payer nationale n’y perde pas en efficacité et demeure un instrument d’administration de la justice simple et peu coûteux (22). Comme cette question présente une pertinence particulière et comme la réponse que la Cour y donnera est de nature à produire des effets considérables sur le droit de la procédure civile dans les États membres, je lui accorderai une importance toute particulière dans mon analyse.

B –    Sur la première question préjudicielle

28.      Certes, la question préjudicielle est rédigée en des termes très larges («à tout moment de la procédure»), ce qui pourrait faire accroire que la juridiction de renvoi souhaite obtenir une mise au point générale concernant les pouvoirs dont le juge civil national dispose lorsqu’il annule une clause abusive. Interpréter ainsi la question préjudicielle serait, toutefois, oublier que la Cour s’est déjà prononcée d’abondance sur ce sujet dans la jurisprudence qu’elle a consacrée à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. La raison impose bien plutôt de lire la demande préjudicielle en se fondant sur les circonstances particulières de la procédure au principal et d’en déduire que la juridiction de renvoi voudrait savoir si les principes de la jurisprudence que la Cour a développée dans le domaine de la protection des consommateurs s’appliquent également à la procédure d’injonction de payer nationale. Avant d’aborder cette question, il paraît néanmoins nécessaire de rappeler brièvement ces principes jurisprudentiels.

1.      Sur le rôle du juge national dans l’annulation des clauses abusives conformément à la jurisprudence de la Cour

29.      Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, le système de protection mis en place par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, tant en ce qui concerne le pouvoir de négociation qu’en ce qui concerne le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles‑ci (23). C’est en raison de cette infériorité que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il apparaît de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (24).

30.      Afin de garantir la protection voulue par la directive 93/13, la Cour a expliqué à plusieurs reprises que l’inégalité qui existe entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (25). Se fondant sur ces principes, la Cour a dit pour droit que la juridiction nationale doit examiner d’office le caractère abusif des clauses du contrat (26). Elle a ajouté que la faculté pour le juge d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles est un «moyen propre à la fois à atteindre le résultat fixé à l’article 6 de la directive, à savoir empêcher qu’un consommateur individuel ne soit lié par une clause abusive, et à contribuer à la réalisation de l’objectif visé à son article 7 dès lors qu’un tel examen peut avoir un effet dissuasif concourant à faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel» (27). La Cour a en outre considéré que cette faculté des juridictions est nécessaire «pour assurer au consommateur une protection effective, eu égard notamment au risque non négligeable que celui‑ci soit dans l’ignorance de ses droits ou rencontre des difficultés pour les exercer» (28).

31.      Par son arrêt Pannon GSM (29), la Cour a renforcé la position du consommateur dans la procédure en déclarant que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles «dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet». Elle a en outre précisé que cette obligation lui incombe également lorsqu’il vérifie sa propre compétence territoriale (30). La Cour a affiné cette jurisprudence par l’arrêt qu’elle a rendu le 9 novembre 2010 dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing (31) dans la mesure où elle y a dit pour droit que le juge national «doit prendre d’office les mesures d’instruction afin d’établir si une clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans le contrat faisant l’objet du litige dont il est saisi, et qui a été conclu entre un professionnel et un consommateur, entre dans le champ d’application de la directive et, dans l’affirmative, apprécier d’office le caractère éventuellement abusif d’une telle clause» (32). En ce qui concerne plus particulièrement l’examen de l’applicabilité de la directive 93/13 à un contrat donné, la Cour a déclaré que «le juge national doit […], dans tous les cas et quelles que soient les règles de droit interne, déterminer si la clause litigieuse a fait ou non l’objet d’une négociation individuelle entre un professionnel et un consommateur».

2.      Les principes jurisprudentiels peuvent‑ils être transposés à la situation en cause au principal?

a)      La prémisse utilisée par la Cour dans l’arrêt VB Pénzügyi Lízing

32.      Parmi toute la jurisprudence citée ici, l’arrêt VB Pénzügyi Lízing me paraît le plus riche d’enseignements sur la réponse qu’il convient de donner à la première question préjudicielle, d’autant plus que, dans cette affaire‑là, la Cour s’était penchée sur une question analogue. Elle avait été interrogée sur le point de savoir si, lorsqu’elle soupçonne qu’une clause d’un contrat est potentiellement abusive, la juridiction nationale peut prendre d’office des mesures d’instruction qui lui permettront d’établir les bases de droit et de fait nécessaires à son appréciation, alors même que les parties n’ont sollicité aucune mesure en ce sens et que le droit national de la procédure n’autorise un tel contrôle qu’à la demande expresse des parties. Ainsi qu’il apparaît des extraits de la jurisprudence qui ont été cités plus haut, la Cour n’a pas seulement répondu affirmativement à cette question, mais elle a même déclaré que le droit de l’Union impose au juge national l’obligation de mettre en œuvre toutes les mesures d’instruction susceptibles de lui fournir les bases de droit et de fait nécessaires. Elle a ainsi répondu à une question que l’arrêt Pannon GSM avait laissée ouverte, à savoir celle de la manière précise de procéder. En l’absence d’indication plus précise de la part de la Cour, tout portait donc à croire que le juge devait s’en remettre aux règles de procédure de la législation de son propre État membre.

33.      Les extraits de la jurisprudence reproduits au point 31 des présentes conclusions suggèrent que la Cour entendait peut‑être s’écarter du principe accusatoire de la procédure civile afin de garantir, dans un cas déterminé, l’efficacité de la protection du consommateur voulue par le législateur de l’Union. Une telle prémisse est conforme à la jurisprudence favorable au consommateur que la Cour a dégagée jusqu’à ce jour. En imposant au juge civil national l’obligation générale de prendre toutes les mesures d’instruction nécessaires, la Cour lui donne, en effet, la possibilité d’intervenir dans la procédure afin de protéger le consommateur bien que son droit national ne lui permettrait normalement pas de le faire. Cette faculté d’intervention devrait alors être directement déduite du droit de l’Union, de sorte qu’en raison de la primauté de celui‑ci, d’éventuelles règles nationales de procédure qui s’y opposeraient seraient tenues en échec.

b)      Arguments s’opposant à une transposition de cette jurisprudence à l’affaire au principal

34.      Pour louable qu’un tel point de départ puisse paraître du point de vue de la protection des consommateurs, je ne pense pas que cette jurisprudence puisse être transposée sans restriction à une procédure telle que la procédure d’injonction de payer. Selon moi, il faut tenir compte des circonstances particulières qui caractérisaient l’affaire VB Pénzügyi Lízing et sur lesquelles la décision de la Cour est fondée. Il faut en outre considérer les conséquences qui résulteraient d’une transposition de cette jurisprudence à la procédure d’injonction de payer.

i)      Comparaison avec l’affaire VB Pénzügyi Lízing

–       Situation procédurale différente

35.      Il convient d’observer, en premier lieu, que la situation procédurale du consommateur dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing était différente de celle qui prévaut en l’espèce, de sorte qu’il serait abusif d’établir un parallèle entre les deux affaires. Ainsi qu’il ressort de l’exposé du déroulement de la procédure qui figure dans l’arrêt VB Pénzügyi Lízing (33), le créancier avait demandé au juge de prononcer une injonction de payer à l’encontre du consommateur qui n’avait pas remboursé son prêt. Cette injonction de payer avait été prononcée dans le cadre d’une procédure dite «gracieuse», qui, en droit hongrois, ne requiert pas que la juridiction concernée tienne une audience ou entende la partie adverse. Lorsqu’elle a adopté cette injonction, la juridiction ne s’était pas interrogée sur sa compétence territoriale, non plus que sur la clause attributive de compétence juridictionnelle figurant dans le contrat de prêt.

36.      Toutefois, il apparaît également de l’arrêt que le consommateur avait formé opposition contre l’injonction de payer, ce qui a eu pour effet de rendre la procédure contradictoire, celle‑ci se déroulant alors conformément aux dispositions du droit commun de la procédure civile (34). Une procédure contentieuse avait donc été ouverte. Dans la présente affaire au principal, en revanche, l’injonction de payer a été prononcée sans que le consommateur s’y soit opposé par la voie judiciaire, le juge national étant intervenu d’initiative et ayant annulé la clause du contrat qu’il jugeait abusive. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la prémisse utilisée par la Cour dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing est adaptée à la procédure au fond dans les affaires civiles, mais ne l’est pas à la procédure en injonction de payer.

–       Nature différente de la clause contractuelle

37.      L’affaire VB Pénzügyi Lízing concernait une clause contractuelle d’une nature totalement différente de celle de la clause litigieuse en l’espèce. Cet aspect présente une importance particulière et doit être analysé en détail, ce qui m’obligera à aborder les différents types de clauses auxquels le juge national est généralement confronté.

38.      La clause examinée par la Cour dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing était une clause attributive de juridiction qui figurait dans le contrat de prêt conclu entre le professionnel et le consommateur. Cette clause avait pour particularité d’attribuer la compétence territoriale exclusive à une juridiction qui n’était ni la juridiction dans le ressort de laquelle le consommateur avait sa résidence ni celle dans le ressort de laquelle le professionnel avait la sienne, mais celle qui était située à proximité du siège de celui‑ci tant sur le plan géographique que du point de vue des possibilités de transport (35). Comme la Cour l’a indiqué à bon droit dans son arrêt VB Pénzügyi Lízing, cette clause attributive de juridiction présentait à cet égard une analogie avec celle que la Cour avait analysée dans l’affaire Océano Grupo Editorial et Salvat Editores. La Cour a rappelé qu’au point 24 de l’arrêt qu’elle avait rendu dans cette affaire‑là, elle avait dit pour droit qu’une clause qui conférait une compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel était situé le siège du professionnel devait être considérée comme abusive au sens de l’article 3 de la directive 93/13 dans la mesure où, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations contractuels des parties (36).

39.      La Cour a jugé que cette clause infligeait un désavantage considérable au consommateur parce qu’elle le forçait à reconnaître la compétence exclusive d’un tribunal qui pouvait être très éloigné de sa résidence et qui était donc susceptible de rendre difficile l’exercice de ses droits en raison des dépenses qu’il aurait à exposer pour y comparaître, ce qui pourrait l’en dissuader lorsque la valeur du litige porte sur des sommes modiques. La Cour a donc estimé qu’une telle clause devait ainsi rentrer dans la catégorie de celles ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice par le consommateur, catégorie visée au point 1, sous q), de l’annexe de la directive (37). La Cour a également jugé qu’une telle clause conférait un avantage disproportionné au professionnel parce qu’elle lui permettait de regrouper l’ensemble du contentieux afférent à son activité devant une juridiction unique, qui n’est pas celle du consommateur, ce qui tout à la fois facilite l’organisation de la comparution du professionnel et la rend moins onéreuse (38).

40.      Si la clause en litige dans les affaires VB Pénzügyi Lízing et Océano Grupo Editorial et Salvat Editores était une clause attributive de juridiction, celle dont il s’agit ici est une clause déterminant les intérêts moratoires. La distinction est d’importance parce que l’approche du juge national dans le cadre d’une procédure civile variera en fonction du type de clause dont il s’agit.

41.      Comme je l’ai expliqué dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing (39), les clauses attributives de juridiction doivent être distinguées fondamentalement de celles qui imposent des obligations matérielles. Celles‑ci se caractérisent par le fait qu’elles contiennent souvent des règles détaillées contraignantes pour les parties dont l’incompatibilité avec le principe de bonne foi ne peut pas toujours être discernée à première vue, en raison, notamment, de leur complexité. Pour pouvoir l’établir, il n’est pas rare que le juge doive l’analyser de manière approfondie sur la base de toutes les circonstances de l’espèce, comme la Commission l’a elle aussi fait observer (40). La directive 93/13 suppose elle‑même implicitement que le juge national devra effectuer un tel examen approfondi, car, d’une part, conformément à la définition formulée à l’article 3, une clause ne peut être déclarée abusive que «lorsqu’en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat», ce qui ne peut être établi qu’au terme d’une analyse détaillée. D’autre part, l’article 4 de ladite directive dispose que «le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend». La prise en considération de ces circonstances exige donc une analyse de la clause concernée qui va bien au‑delà d’un simple examen de plausibilité.

42.      La proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente que j’ai mentionnée dans mon introduction (41) tient, elle aussi, compte du fait que certaines clauses nécessitent souvent un examen approfondi pour que le juge puisse conclure à leur caractère abusif. Les règles que cette proposition contient à propos des «clauses abusives» dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur coïncident largement avec celles qu’énonce la directive 93/13 (42). On ne manquera pas d’observer que cette proposition contient également des règles concernant les intérêts moratoires infligés au consommateur qui se trouve en défaut de paiement (43). L’une d’entre elles retiendra tout particulièrement notre attention (44), car elle dispose qu’une clause imposant un taux d’intérêt supérieur à celui que prévoit la proposition de règlement doit être déclarée non contraignante dans la mesure où elle serait abusive au sens des règles applicables. L’analyse elle‑même doit être effectuée suivant les critères d’une sévérité comparable à celle des critères de la directive 93/13 (45). Les développements ultérieurs du processus législatif nous diront si cette réglementation verra jamais le jour sous cette forme. Si tel devait être le cas, elle fournirait en tout cas une base précieuse sur laquelle pourra fonder sa décision le juge chargé d’établir l’éventuel caractère abusif d’une clause d’intérêts moratoires dans des configurations de contrat telles que celle qui est en cause au principal, pour autant que les parties contractantes consentent à l’application du droit commun européen de la vente.

43.      La juridiction nationale n’aura d’autre choix que d’examiner le caractère abusif d’une clause, à moins que, ce qui n’est pas exceptionnel, celle‑ci fasse l’objet d’une définition légale et figure, par exemple, dans une liste des clauses qui doivent, en toute hypothèse, être déclarées abusives. Définir les éléments constitutifs d’abus comme le fait l’annexe de la directive 93/13 ne peut en tout cas pas l’en dispenser. En effet, l’annexe, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive, contient uniquement une liste indicative et non exhaustive de clauses (46) qui peuvent être déclarées abusives (47). Une clause figurant dans la liste ne doit pas nécessairement être considérée comme abusive et, inversement, une clause qui n’y figure pas peut néanmoins l’être (48). Le simple fait qu’une clause figure dans la liste ne permet donc pas de conclure de manière obligatoire qu’elle est abusive. En dépit du caractère indicatif de la liste constaté par la jurisprudence, le juge devra porter une appréciation autonome et détaillée des clauses concernées afin de déterminer leur éventuel caractère abusif.

44.      La situation se présente différemment lorsque la juridiction nationale est confrontée à une clause attributive de juridiction comme c’était le cas dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing. Comme je l’ai indiqué au point 112 des conclusions que j’ai présentées dans cette affaire, le juge pourrait, lorsqu’il examine d’office sa propre compétence et sans attendre que les parties lui exposent leurs arguments en détail, déjà examiner une clause susceptible d’être considérée comme abusive parce qu’elle attribue la connaissance des conflits nés du contrat à la juridiction dans le ressort de laquelle le professionnel a son établissement. Il n’était pas impérativement nécessaire d’imposer un devoir d’examen approfondi pour atteindre l’objectif de contrôle des clauses abusives visé par la directive, comme l’a confirmé le déroulement de la procédure au principal. Comme je l’ai expliqué dans mes conclusions, il apparaissait du dossier que la juridiction de renvoi avait remarqué, avant d’ordonner la procédure orale, que la résidence du défendeur ne se trouvait pas dans son ressort, mais que la requérante avait engagé son action en injonction de payer devant la juridiction située à proximité de son siège en se fondant sur les conditions générales du contrat, ce qui avait suscité chez le juge des doutes concernant la clause attributive de compétence, de sorte qu’il en était venu à soupçonner qu’elle était abusive.

45.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je considère que, dans l’affaire VB Pénzügyi Lízing, la juridiction de renvoi devait déclarer la clause litigieuse abusive pour les motifs suivants: d’une part, elle devait examiner une clause dont le caractère abusif était évident au regard du raisonnement que la Cour avait tenu dans son arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, de sorte que l’on pouvait affirmer à bon droit qu’il s’agissait d’une clause dont les éléments avaient suffisamment été décrits par le droit de l’Union. D’autre part, la juridiction saisie pouvait se procurer les «éléments de fait et de droit nécessaires» dans le cadre de l’examen de sa compétence territoriale, c’est‑à‑dire d’une manière relativement simple, pour s’acquitter de son obligation d’examiner d’office le caractère abusif de la clause. En d’autres termes, elle n’était pas tenue d’apprécier le caractère abusif d’une manière approfondie en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce.

46.      Il est nécessaire de garder ces circonstances présentes à l’esprit pour pouvoir replacer l’arrêt VB Pénzügyi Lízing dans le contexte qui est le sien. Selon moi, il en découle que l’obligation du juge national de procéder d’office à des mesures d’instruction, comme la Cour l’a reconnu au point 56 de cet arrêt, ne peut être comprise que dans le contexte de la procédure civile nationale, à savoir que le juge pourra généralement examiner sa compétence d’office et, à cette occasion, constater le caractère abusif d’une clause de manière relativement simple comme ce fut le cas dans les affaires Océano Grupo Editorial et Salvat Editores et VB Pénzügyi Lízing. Pour les raisons que j’ai déjà indiquées, cela ne pourra se faire de façon aussi simple dans le cas d’une clause imposant des obligations matérielles, a fortiori lorsque le caractère abusif ne peut être constaté qu’au terme d’un examen approfondi. C’est pourquoi l’arrêt VB Pénzügyi Lízing ne fournit une solution appropriée pour assurer la protection des consommateurs que dans le contexte des circonstances particulières qui étaient celles de cette affaire au principal.

–       Conclusion

47.      Cela m’amène à la conclusion que la jurisprudence VB Pénzügyi Lízing ne saurait être transposée à une situation telle que celle qui caractérise la présente affaire dans la mesure où une telle transposition comporterait l’obligation pour la juridiction nationale saisie d’une action en injonction de payer de statuer, d’office et in limine litis, sur la nullité d’une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de crédit à la consommation.

ii)    Conséquences d’une transposition à la procédure d’injonction de payer

–       Modification fondamentale du mode de fonctionnement de la procédure d’injonction de payer

48.      Si la Cour devait être d’un avis différent du mien et décider que les circonstances précitées n’empêchent pas de transposer la jurisprudence VB Pénzügyi Lízing à la présente espèce, il faudrait encore s’interroger sur les conséquences auxquelles on serait confronté si l’on transposait la prémisse adoptée par la Cour à la procédure d’injonction de payer.

49.      Toutes les parties à la procédure s’entendent à reconnaître, à bon droit, selon moi, qu’obliger la juridiction à effectuer un examen approfondi dans le cadre d’une procédure nationale en injonction de payer et à statuer in limine litis sur la nullité d’une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de crédit à la consommation entraînerait une modification fondamentale indésirable dans la manière dont fonctionne cette procédure. Les réserves qui ont été exprimées à ce sujet sont liées à la nécessité tant de préserver les garanties que la procédure assure aux parties que de conserver à long terme l’efficacité de la procédure nationale en injonction de payer.

50.      Pour comprendre la portée d’une telle obligation de la juridiction nationale en droit de l’Union, il est nécessaire d’avoir à l’esprit la signification de la procédure d’injonction de payer et des défis que comporte l’élaboration des règles de procédure qui la régissent, le législateur devant concilier l’impératif d’efficacité et les exigences de l’état de droit. Comme je l’ai déjà expliqué dans mon introduction (49), indépendamment de la manière dont elle est concrètement organisée dans les différents ordres juridiques des États membres, la procédure d’injonction de payer vise à garantir un recouvrement simple, rapide et efficace des créances liquides certaines (50). Réserver cette procédure aux créances liquides certaines permet de la configurer comme une procédure collective. Comme l’explique à bon droit le gouvernement allemand (51), cette procédure présente un avantage en matière de délai qui contribue de manière essentielle à écarter ou à réduire la menace qui pèse sur les petites et moyennes entreprises en raison des retards de paiement. Cela permet également de limiter les frais de procédure.

51.      Ces procédures ont pour caractéristique de permettre au demandeur d’obtenir un titre par une simple demande formée au moyen d’un formulaire ou d’un mémoire et sans procédure orale. Le défendeur n’est donc pas entendu au cours de la phase de la procédure qui précède la délivrance de l’injonction de payer. Outre sa compétence, la juridiction vérifie certaines prétentions du demandeur et s’assure en particulier que celui‑ci a désigné avec suffisamment de précision le droit dont il se prévaut. Elle n’examine donc généralement pas le contenu du droit invoqué. La demande d’injonction de payer ne peut être rejetée que lorsque la prétention est manifestement infondée (52). L’examen du contenu de la créance alléguée est réservé à la procédure contentieuse, que le défendeur peut engager en introduisant un recours contre l’injonction de payer. Au cours de cette procédure contentieuse, en effet, la juridiction vérifie toujours d’office que les conditions du droit invoqué sont remplies. Si l’existence ou l’inexistence d’un droit repose sur une clause contractuelle, elle examine alors également son éventuel caractère abusif.

52.      Obliger la juridiction nationale à examiner d’office d’éventuelles clauses abusives et à en refuser l’application se heurterait à des objections à caractère juridique dans la mesure où la procédure d’injonction de payer n’est pas une procédure contradictoire, de sorte que, si elle examinait une clause d’office, la déclarait abusive et rejetait la demande d’injonction de payer, le professionnel n’aurait pas la possibilité de se défendre du grief d’avoir utilisé des clauses abusives dans ses relations d’affaires. Il serait ainsi porté atteinte à son droit d’être entendu, qui est une émanation de l’état de droit et fait partie des principes généraux du droit de l’Union reconnu par la jurisprudence (53).

53.      Une telle obligation de la juridiction nationale se heurterait en outre à certaines limites liées aux formalités de la procédure d’injonction de payer. Bien que, dans certains cas, le caractère abusif d’une clause contractuelle sera manifeste, par exemple lorsque ce type de clause est défini comme abusif par la loi, tel ne sera cependant pas toujours le cas. Comme je l’ai déjà expliqué, apprécier le caractère abusif d’une clause au regard des règles énoncées aux articles 3 et 4 de la directive 93/13 peut s’avérer d’une grande complexité (54). Par ailleurs, la question de savoir si la clause a fait l’objet d’une négociation individuelle au sens de l’article 3, paragraphe 1, peut également soulever des doutes. Comme la Commission l’expose à bon droit (55), on ne saurait exclure que la juridiction nationale soit confrontée à la tâche délicate de devoir se prononcer définitivement sur le caractère abusif d’une clause en dépit des doutes qu’elle conçoit à ce sujet ou qu’elle doive le faire alors qu’elle ne dispose pas de toutes les informations relatives aux circonstances de fait. La Commission a raison d’affirmer qu’il serait douteux d’un point de vue juridique qu’en dépit des doutes qui subsistent, les seules options dont dispose le juge compétent soient ou bien de rejeter la demande, au détriment du créancier, ou bien de lui faire droit, au détriment du débiteur.

54.      Si, nonobstant sa conception initiale, la procédure d’injonction de payer devait être appliquée d’une manière telle qu’elle devrait prévoir la possibilité d’observations orales afin que le juge puisse, par exemple, dissiper les doutes qui subsisteraient ou entendre les parties avant de statuer, il y aurait lieu de craindre qu’elle n’y perde précisément un de ses avantages essentiels en termes d’efficacité si elle était transformée en simple réplique de la procédure contentieuse.

55.      Il ne faut pas oublier non plus que, dans certains États membres, la compétence en matière d’injonction de payer n’appartient pas à des juges professionnels, mais a été confiée à des auxiliaires de justice dans le souci de soulager l’administration judiciaire (56). Cette mission devrait cependant être réservée à un juge parce qu’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle est une tâche complexe et que déclarer une clause non contraignante est une décision lourde de conséquences. C’est la raison pour laquelle, si la Cour devait estimer que l’article 6 de la directive 93/13 peut être interprété en ce sens qu’il impose à la juridiction nationale l’obligation d’examiner de manière approfondie in limine litis dans le cadre de la procédure d’injonction de payer également une clause inscrite dans un contrat de crédit à la consommation et de se prononcer sur sa nullité, cela obligerait à adapter l’organisation des appareils judiciaires nationaux. Les États membres devraient prendre des mesures suffisantes pour que seuls des juges puissent être saisis de demandes d’injonction de payer dans des affaires touchant aux droits des consommateurs. Distraire les affaires de ce type de la procédure d’injonction de payer normale aurait toutefois pour conséquence que les règles qui la régissent devraient éventuellement être aménagées de manière plus complexe, ce qui entraînerait une perte partielle de l’effet de soulagement escompté pour les juridictions nationales.

56.      Cela m’amène à la conclusion qu’obliger le juge à examiner de manière approfondie in limine litis au cours de la procédure d’injonction de payer une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de crédit à la consommation et à statuer sur sa nullité entraînerait une modification fondamentale dans la façon dont cette procédure fonctionne, modification qui supprimerait un avantage essentiel en termes d’efficacité, à savoir le recouvrement rapide de créances liquides certaines.

–       Compatibilité avec le principe de l’autonomie de procédure

Le droit de la procédure civile dans l’imbrication du droit de l’Union et du droit national

57.      Il faut en outre se demander comment une telle interprétation, si lourde de conséquences pour la procédure nationale d’injonction de payer, pourrait être conciliée avec la jurisprudence que la Cour a consacrée à l’autonomie de procédure des États membres.

58.      Conformément à la jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (57). C’est parce que le droit de la procédure des États membres n’a, en substance, fait l’objet d’aucune harmonisation qu’ils ont conservé cette compétence. L’Union ne dispose d’ailleurs d’aucune compétence législative générale dans ce domaine, ce qui vaut en particulier également pour le droit de la procédure civile qui est en cause en l’espèce, bien que le droit de l’Union y ait acquis une influence croissante (58). Entre‑temps, l’influence du droit de l’Union sur les codes nationaux de procédure civile s’exprime par des réglementations de procédure civile dans des actes de droit dérivé individuels (59), par des principes de droit de l’Union et, bien entendu, par la jurisprudence de la Cour.

59.      Ce sont surtout les principes généraux du droit de l’Union qui limitent, dans une large mesure, cette autonomie de procédure des États membres, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des droits subjectifs conférés par l’ordre juridique de l’Union. C’est ainsi qu’en ce qui concerne précisément la compétence qu’ils ont conservée dans ce domaine, la Cour a, d’une part, reconnu aux États membres un large pouvoir d’appréciation dans l’aménagement de procédures destinées à garantir la protection des droits que les citoyens puisent dans le droit de l’Union. D’autre part, elle a rappelé sans ambiguïté les limites auxquelles le droit de l’Union soumet cette compétence des États membres lorsqu’elle a précisé que ces procédures ne peuvent pas être moins favorables que celles qui régissent des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne peuvent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (60).

60.      Ces principes de jurisprudence s’appliquent également au système que la directive 93/13 a mis en place afin de protéger les consommateurs contre les clauses abusives dans les relations commerciales. C’est ainsi que, dans l’arrêt Asturcom Telecomunicaciones qu’elle a rendu tout récemment, la Cour a souligné l’importance que le principe de l’autonomie de procédure revêt dans le cadre du contrôle juridictionnel des clauses contractuelles. Cette affaire portait sur la question de savoir si la directive 93/13 pouvait être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale définitive, rendue sans comparution du consommateur, est tenue d’apprécier d’office la nullité de la convention d’arbitrage et, par conséquent, d’annuler la sentence au motif que la convention comporte une clause d’arbitrage abusive au détriment du consommateur (61). La Cour a répondu à cette question en se référant à sa jurisprudence conformément à laquelle «le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition, quelle qu’en soit la nature, du droit communautaire par la décision en cause» (62). Après avoir constaté l’absence de réglementation communautaire en matière d’autorité de la chose jugée, la Cour a indiqué que «les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers», rappelant que «ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant les situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité)» (63).

61.      Cet arrêt permet de conclure que, selon la Cour, le droit national de la procédure civile n’est soumis qu’aux principes d’équivalence et d’effectivité aussi longtemps que le droit de l’Union n’énonce pas des règles plus spécifiques (64). Il ne peut donc être déclaré incompatible avec le droit de l’Union que lorsqu’il ne respecte pas ces principes. Il ne sera dès lors possible de répondre à la question de savoir s’il faut modifier la procédure nationale d’injonction de payer dans le sens indiqué dans la première question préjudicielle pour assurer la protection des consommateurs que lorsque cette procédure nationale, dont j’ai déjà décrit les principales caractéristiques de base, ne respecte pas les principes d’équivalence et d’effectivité. C’est ce que je vais m’employer à analyser à présent.

Aucune violation du principe d’équivalence

62.      Le respect du principe d’équivalence suppose que la règle litigieuse s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux qui sont fondés sur la méconnaissance du droit interne, dans la mesure où celui‑ci a un objet et une cause semblables (65). Si on la transpose au contexte spécifique de la protection des consommateurs qui est en cause ici, cette règle signifie qu’il faut vérifier si la protection des consommateurs contre les clauses abusives dans les relations commerciales, protection que le législateur de l’Union entendait assurer au moyen de la directive 93/13, est garantie de la même manière par le droit de la procédure au niveau national que la protection des consommateurs contre toute atteinte à des positions juridiques analogues protégées en droit national. Il n’y aurait donc une violation du principe d’équivalence que si les possibilités d’assurer le respect des droits résultant de la directive 93/13 étaient aménagées, en droit de la procédure, d’une manière comparativement moins favorable.

63.      La Cour a développé toute une série de critères généraux permettant d’apprécier l’équivalence de la protection juridique nationale dans le domaine, précisément, des garanties entourant des positions juridiques reconnues par le droit de l’Union. L’appréciation elle‑même exige, pour l’essentiel, une comparaison des modalités de procédure applicables. La Cour considère à cet égard que, pour évaluer la similitude des recours, aussi bien l’objet et la cause que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne doivent être utilisés comme critères (66). La Cour a en outre déclaré que, pour déterminer si une règle de procédure nationale est moins favorable, il faut tenir compte de sa place dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de celle‑ci et des particularités de ces règles (67).

64.      Bien que la Cour ait, pour l’essentiel, confié cette tâche aux juridictions nationales afin de pouvoir utiliser la connaissance directe qu’elles ont du droit national de la procédure (68), elle a jalousement conservé la tâche de fournir des explications sur l’interprétation du droit de l’Union (69), voire, à l’occasion, de livrer ses propres constatations sur le respect de l’équivalence dans un cas concret (70) pour autant qu’elle dispose de suffisamment d’informations utiles. Ce faisant, la Cour n’entend rien faire d’autre que fournir aux juridictions nationales des indications susceptibles de les aider à porter leur propre jugement (71). Dans ce contexte, il paraît licite d’exposer quelques explications fondamentales concernant certaines caractéristiques de la procédure au principal.

65.      Selon moi, les explications de la juridiction de renvoi ne permettent, en tout cas, de déduire aucun point de repère qui autoriserait à conclure que les règles du droit espagnol qui régissent la procédure d’injonction de payer nationale aménageraient le contrôle du caractère abusif des clauses inscrites dans les contrats de crédit à la consommation au regard des dispositions de la directive 93/13 d’une manière moins favorable que le contrôle de la compatibilité de ces contrats avec les règles du droit national. Par conséquent, rien n’indique que la procédure d’injonction de payer nationale en cause comporterait une violation du principe d’équivalence.

66.      Il convient donc de considérer, aux fins de la présente procédure préjudicielle, que le principe d’équivalence est respecté.

Absence de violation du principe d’effectivité

67.      Il faut enfin déterminer si les caractéristiques essentielles de la procédure d’injonction de payer nationale sont conformes au principe d’effectivité, suivant lequel l’application du droit de l’Union ne doit pas être rendue impossible ou excessivement difficile. Comme le législateur de l’Union l’a indiqué à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, celle‑ci a pour but «que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel». Considéré sous l’angle juridique, cet objectif est un critère au regard duquel la procédure d’injonction de payer nationale doit être jaugée.

68.      Obliger la juridiction nationale à procéder à un examen approfondi et à statuer in limine litis sur la nullité d’une clause abusive inscrite dans un contrat de crédit à la consommation permettrait de protéger le consommateur avant même qu’intervienne une décision exécutoire sur une créance liquide. La procédure d’injonction de payer nationale serait ainsi complétée par un mécanisme de protection juridique préventive. On se demande cependant si un tel mécanisme est impérativement nécessaire à la protection efficace du consommateur contre l’utilisation de clauses abusives dans les relations commerciales. Comme je l’ai déjà signalé, la procédure d’injonction de payer est généralement organisée de telle manière dans les États membres que l’examen du caractère abusif d’une clause contractuelle est déplacé vers une procédure contentieuse introduite par voie de recours (72). C’est dans le cadre de celle‑ci que le juge national sera en mesure de s’acquitter de l’obligation que lui fait le droit communautaire d’examiner le caractère abusif de la clause. En d’autres termes, une protection juridique est assurée au consommateur dans cette configuration également, mais à la condition que, dans le cadre de la procédure d’injonction de payer, il manifeste sa volonté de se défendre en droit.

69.      J’ose douter que l’effectivité du droit de l’Union serait menacée en raison du fait que la protection juridique dépendrait ainsi d’une manifestation de volonté du consommateur. En effet, la jurisprudence montre précisément que la Cour a jugé compatible avec les règles énoncées aux articles 6 et 7 de la directive 93/13 qu’une intervention positive du juge national visant à remédier au déséquilibre entre le professionnel et le consommateur soit soumise à la condition que ce dernier exprime son consentement.

70.      On se souviendra en premier lieu que, dans l’arrêt Pannon GSM, la Cour a rappelé l’obligation qu’a la juridiction nationale de ne pas appliquer les clauses contractuelles qu’elle considère comme abusives «sauf si le consommateur s’y oppose» (73). Dans l’exposé des motifs de son arrêt, la Cour a expliqué que l’obligation d’un tel examen d’office est nécessaire à l’efficacité pratique de la protection visée par les dispositions de la directive. Elle a également précisé que la directive n’oblige pas le juge national à écarter l’application de la clause en question si, après avoir été avisé par le juge, le consommateur entend ne pas en faire valoir le caractère abusif et non contraignant.

71.      On observera également que, dans l’arrêt Martín Martín (74), la Cour s’est penchée sur la question de savoir si l’article 4 de la 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (75), permet à une juridiction nationale de relever d’office la violation de cette disposition et de déclarer la nullité d’un contrat relevant du champ d’application de cette directive au motif que le consommateur n’a pas été informé de son droit de résiliation, alors même que cette nullité n’a à aucun moment été invoquée par le consommateur devant les juridictions nationales compétentes (76). Dans son arrêt, la Cour a indiqué que «le droit [de l’Union] ne requiert pas, en principe, des juridictions nationales qu’elles soulèvent d’office le moyen tiré de la violation de dispositions communautaires lorsque l’examen de ce moyen les obligerait à sortir des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties en se fondant sur d’autres faits et circonstances que ceux sur lesquels la partie qui a intérêt à l’application desdites dispositions a fondé sa demande» (77). Elle a en outre expliqué que «cette limitation du pouvoir du juge national se justifie par le principe selon lequel l’initiative d’un procès appartient aux parties et qu’en conséquence, le juge ne saurait agir d’office que dans des cas exceptionnels où l’intérêt public exige son intervention» (78). La Cour a finalement considéré que, dans une situation telle que celle qui se présentait dans la procédure au principal, une intervention positive de la juridiction nationale était justifiée parce que l’article 4 de la directive 85/577 concerne l’ordre public. Comme la Cour l’a constaté, en se référant aux conclusions que j’ai présentées dans cette affaire (79), «l’obligation d’information faite par l’article 4 de la directive occupe une place centrale dans l’économie générale de celle‑ci en tant que garantie essentielle […] d’un exercice effectif du droit de résiliation et, partant, de l’effet utile de la protection des consommateurs voulue par le législateur communautaire» (80). Il est nécessaire de rappeler à ce sujet que la Cour a considéré que la possibilité de prononcer la nullité du contrat litigieux fait partie des «mesures propres» à assurer la protection du consommateur au sens de l’article 4, troisième alinéa, de la directive 85/577 en cas de violation de l’obligation d’information. On ne saurait toutefois taire ici le fait que la Cour, se référant au passage de l’arrêt Pannon GSM précité (81), a également précisé que «la juridiction nationale saisie pourrait également devoir tenir compte, dans certaines circonstances, de la volonté du consommateur de ne pas voir annuler le contrat en cause» (82).

72.      Enfin, il faut encore remettre en mémoire l’arrêt que la Cour a prononcé dans l’affaire Asturcom Telecomunicaciones, où la question lui avait été posée de savoir si une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue de relever d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, ainsi que d’annuler ladite sentence (83). Son arrêt a ceci de remarquable que la Cour y a fait une distinction par rapport à l’arrêt Mostaza Claro en indiquant que, contrairement à ce qui se passait dans la situation de l’affaire Mostaza Claro, «la requérante est demeurée totalement passive au cours des différentes procédures afférentes au litige qui l’opposent à Asturcom Telecomunicaciones et, en particulier, elle n’a pas introduit d’action tendant à obtenir l’annulation de la sentence arbitrale […] afin de contester le caractère abusif de la clause d’arbitrage, de sorte que cette sentence a désormais acquis la force de chose jugée» (84). Contrairement à ce que j’avais proposé (85), la Cour a décidé de ne pas imposer une telle obligation à la juridiction nationale. Elle a préféré laisser aux ordres juridiques nationaux le soin de tirer au clair la question qui lui avait été posée et elle s’est limitée à vérifier que le droit procédural espagnol applicable était conforme aux principes d’équivalence et d’effectivité. Elle a jugé que la juridiction nationale n’est obligée d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause d’arbitrage dans le cadre de l’exécution forcée de celle-ci que dans la mesure où les règles de procédure nationales lui permettent de procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne (86).

73.      La jurisprudence citée démontre que la Cour est soucieuse d’interpréter le droit de l’Union d’une manière qui tienne suffisamment compte des intérêts individuels du consommateur en donnant à celui-ci la possibilité de décider lui-même s’il souhaite se prévaloir de la protection que le droit des consommateurs lui confère dans le cadre d’une procédure civile, laquelle est gouvernée par le principe du dispositif (87). Cette interprétation de la position qu’occupe le consommateur dans la procédure s’inscrit dans le droit fil du portrait du consommateur type brossé par la Cour dans sa jurisprudence (88), lequel est «normalement informé et raisonnablement attentif et avisé». La prémisse dont la Cour s’est servie dans l’arrêt Pannon GSM présente la particularité de mettre le consommateur à l’abri de toute protection qui lui serait imposée et de s’inscrire dans l’idée d’une protection par l’information. La Cour tient, en effet, compte du fait que, le cas échéant, le consommateur peut souhaiter conserver la clause litigieuse, par exemple, dans le cas d’une clause attributive de compétence judiciaire, lorsqu’il souhaite ester au lieu prévu par la clause (89). Inversement, la Cour semble encline à tenir compte également de la volonté du consommateur qui renonce à conserver ses droits, comme le montre l’arrêt Asturcom Telecomunicaciones. Conformément à celui-ci, l’obligation que le droit de l’Union fait aux juridictions nationales de protéger le consommateur contre les clauses abusives au moyen d’une intervention positive semble s’arrêter aux limites posées par le droit national de la procédure.

74.      Eu égard à toutes les observations qui précèdent, j’aboutis à la conclusion que le système mis en place par la directive 93/13 ne perd rien de son efficacité pratique lorsque la juridiction nationale est tenue de se prononcer, d’office et in limine litis, sur l’inapplicabilité d’une clause abusive inscrite dans un contrat de crédit à la consommation. Dans cette mesure-là, on ne peut que se rallier à l’opinion unanime de toutes les parties à la procédure, qui ont estimé qu’il est suffisant, pour assurer la protection du consommateur contre des créances reposant sur des clauses contractuelles abusives, de donner au consommateur contre lequel une injonction de payer a été demandée la possibilité de s’en défendre en formant opposition, comme cela est généralement prévu par les règles nationales de la procédure d’injonction de payer. Une telle possibilité ne comporte aucune violation du principe d’effectivité.

75.      Ces réflexions ne concernent évidemment que la protection du consommateur, mais on ne peut pas passer sous silence le fait que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 impose aux États membres l’obligation expresse de mettre en œuvre des moyens adéquats et efficaces «dans l’intérêt […] des concurrents professionnels» également. En d’autres termes, ils doivent créer des procédures qui ménagent les intérêts des deux parties contractantes. On observera à ce sujet que déplacer le contrôle de l’abus vers une procédure contentieuse introduite par recours permet en même temps d’empêcher qu’une juridiction nationale constate l’inapplicabilité d’une clause contractuelle déterminée sans avoir préalablement donné au professionnel l’occasion d’exposer sa position. Comme la Commission l’a exposé à bon droit (90), une telle procédure assure au professionnel la protection juridique effective qui convient.

Résultat intermédiaire

76.      Il faut ainsi constater que les principes d’équivalence et d’effectivité n’interdisent pas d’imposer à la juridiction nationale l’obligation de statuer, d’office et in limine litis, sur l’inapplicabilité d’une clause abusive inscrite dans un contrat de crédit à la consommation. Je ne vois, dès lors, pas la nécessité de limiter l’autonomie de procédure des États membres pour assurer la protection des consommateurs.

3.      Conclusions

a)      Le droit de l’Union n’impose pas un examen d’office in limine litis dans le cadre de la procédure d’injonction de payer

77.      J’arrive ainsi à la conclusion qu’il n’est pas envisageable de transposer la jurisprudence VB Pénzügyi Lízing à la situation en cause au principal, et cela pour les raisons suivantes. D’une part, les circonstances qui sont à la base des deux affaires sont différentes, en particulier la situation procédurale (91) (procédure d’injonction de payer, d’une part, et procédure contentieuse, d’autre part) ainsi que la nature des clauses litigieuses (92) (clause de fond, d’une part, et clause attributive de juridiction, d’autre part). Deuxièmement, cette jurisprudence ne peut pas être transposée à la présente espèce, parce qu’obliger le juge à statuer, d’office et in limine litis, sur l’inapplicabilité d’une clause abusive inscrite dans un contrat de crédit à la consommation entraînerait une modification fondamentale de la manière dont fonctionne la procédure d’injonction de payer (93), modification qui limiterait l’autonomie de procédure des États membres, alors que cela n’est pas impérativement nécessaire pour garantir l’efficacité pratique de la directive 93/13 (94). Dans ces conditions, il convient de conclure que le droit de l’Union ne fait aucune obligation en ce sens à la juridiction nationale.

78.      Étant donné que le droit de l’Union n’impose pas une telle manière de faire à la juridiction nationale, celle-ci ne l’enfreint pas lorsqu’elle renonce à statuer, d’office et in limine litis, sur l’inapplicabilité d’une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de crédit à la consommation.

b)      Les États membres peuvent adopter des règles plus sévères

79.      Il convient cependant de rappeler que, comme l’indique clairement son douzième considérant, la directive 93/13 n’a pour objet que de mettre en place une harmonisation partielle et minimale des règles de droit national concernant les clauses abusives (95). Ce propos trouve son expression normative essentielle dans la possibilité que l’article 8 laisse expressément aux États membres d’adopter ou de maintenir, dans le domaine qu’elle régit, des dispositions plus strictes, comptables avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Comme je l’ai déjà expliqué dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, cette prémisse d’harmonisation minimale laisse aux États membres un large pouvoir d’aménagement (96), dont les seules limites sont les règles générales du droit de l’Union, principalement le droit primaire (97). Par conséquent, rien, en principe, n’empêche les États membres d’inscrire dans leurs codes nationaux de procédure civile l’obligation pour les juridictions d’examiner, d’office et in limine litis de la procédure d’injonction de payer, l’éventuel caractère abusif d’une clause contractuelle.

C –    Sur la deuxième question

80.      Pour pouvoir fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, la Cour doit reformuler la deuxième question, car, dans la mesure où, telle qu’elle est rédigée, elle vise à obtenir de la Cour une interprétation conforme à la directive de l’article 83 du RDL no 1/2007 à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et de l’article 2 de la directive 2009/22, elle devrait être déclarée irrecevable en ce qu’elle ne comporte pas d’objet d’interprétation licite (98).

81.      On rappellera à cet égard qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle, d’apprécier la conformité du droit national avec le droit communautaire ni d’interpréter le droit national. La Cour est, en revanche, compétente à fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (99). En revanche, il incombe à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de l’exposé des motifs de l’acte portant renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation, compte tenu de l’objet du litige (100).

82.      Eu égard tant à la problématique évoquée dans la décision de renvoi qu’à la première question préjudicielle («la nullité et l’adaptation d’une clause inscrite dans un contrat de crédit à la consommation»), la deuxième question préjudicielle doit être comprise en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, une interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Elle désire, en effet, savoir si, compte tenu de la sanction que prévoit cette disposition, aux termes de laquelle les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, elle est compétente à remplacer toute clause contractuelle dont le caractère abusif est établi par une autre qui ne le serait pas.

83.      La réponse à cette question résulte, selon moi, aussi bien du libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que de sa finalité normative.

84.      On observera, tout d’abord, que la directive 93/13 ne prévoit pas expressément de «remplacer» les clauses abusives ni ne confère au juge le pouvoir de le faire. L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive se limite à sanctionner de telles clauses en les rendant non contraignantes pour le consommateur (101). Une analyse du vingt et unième considérant débouche sur le même résultat. Cette règle s’impose dans toute son ampleur et de façon impérative aux États membres, qui ne peuvent y déroger. Conformément à sa finalité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive doit également, lorsqu’il sera transposé en droit national, entraîner la sanction obligatoire qu’il prévoit, à savoir que les clauses abusives ne lient pas le consommateur et que le contrat ne peut pas en disposer autrement.

85.      Il convient de constater en outre que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose qu’après constatation du caractère non contraignant d’une clause abusive, le contrat «restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives». Le vingt et unième considérant dit à ce propos que, «si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes». L’article 6, paragraphe 1, de la directive doit donc être compris en ce sens qu’après élimination des clauses abusives, le contrat doit subsister sans autre modification avec toutes ses autres dispositions, dans la mesure où cela est juridiquement possible, ce qui, ne fût‑ce que d’un point de vue conceptuel, exclut tout remplacement de clauses ou adaptation du contrat.

86.      Une étude plus approfondie de la finalité normative de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 fournit des arguments supplémentaires qui s’opposent à toute compétence qui permettrait au juge national d’adapter une clause contractuelle. Comme je l’ai déjà expliqué, lorsque le juge constate que des clauses abusives ne sont pas contraignantes, c’est afin d’éviter que le consommateur continue à être lié par elles. Son intervention vise toutefois également à réaliser un autre objectif de la directive 93/13 à long terme, qui est celui de mettre fin à l’utilisation des clauses abusives dans les relations commerciales, ainsi qu’il apparaît de l’article 7, paragraphe 1, de la directive. Comme la Cour l’a expressément reconnu dans sa jurisprudence, la directive 93/13 utilise à cette fin l’effet dissuasif que le contrôle judiciaire du caractère abusif des clauses exerce sur les professionnels (102).

87.      Pour pouvoir déterminer s’il est incompatible avec les règles de la directive 93/13 d’adapter le contrat en remplaçant la clause abusive litigieuse par une autre équitable, comme le juge l’a fait dans la procédure au principal, il faut donc examiner si cette adaptation est de nature à affecter durablement l’effet dissuasif qu’exerce le contrôle du caractère abusif. En effet, cela signifierait que l’efficacité pratique de la directive ne serait plus garantie, ce qui irait à l’encontre de l’interdiction que le droit de l’Union fait aux États membres d’entraver les objectifs d’une directive par les actes de transposition qu’ils adoptent.

88.      Permettre au juge d’adapter le contrat diminuerait considérablement les risques que prend le professionnel lorsqu’il utilise des clauses abusives dans ses relations commerciales. Lorsque le juge déclare qu’une clause n’est pas contraignante, le professionnel a éventuellement tout lieu de craindre de continuer à être lié par un contrat qui, le cas échéant, sera moins favorable pour lui, alors que, si le juge adapte le contrat dans le sens indiqué plus haut, cette adaptation aura, en fin de compte, pour effet que les conditions du contrat seront modifiées dans un sens conforme à la loi et donc acceptable pour le professionnel (103). Or, même dans des cas de figure où la présence d’une ou de plusieurs clauses abusives devrait paralyser complètement les effets du contrat, le professionnel peut regarder l’avenir sereinement parce qu’il sait que le contrat conservera néanmoins sa validité, ce qui, le cas échéant, n’ira guère dans le sens des intérêts du consommateur. La perspective que les motifs d’invalidité d’un contrat puissent être corrigés ainsi que la possibilité pour le professionnel d’évaluer les risques qu’il prend pourraient avoir l’effet inverse de celui qu’envisageait l’auteur de la directive. Elles pourraient inciter le professionnel à simplement «tenter sa chance» en inscrivant autant de clauses abusives que possible dans le contrat dans l’espoir que la majorité d’entre elles passeront inaperçues aux yeux de la juridiction nationale. Comme la Commission (104) l’observe à bon escient, le professionnel pourrait, en fin de compte, voir une sorte de défi dans une telle situation juridique, d’autant plus qu’il n’aurait rien à perdre à essayer d’imposer ses clauses au consommateur. Ces exemples montrent que permettre au juge d’adapter le contrat a posteriori non seulement énerverait l’effet dissuasif qui émane de l’article 6 de la directive, mais produirait même l’effet contraire. Donner cette faculté au juge compromettrait donc la réalisation des objectifs de la directive 93/13.

89.      Un tel constat oblige à considérer que l’efficacité pratique de la directive 93/13 serait entamée. Par conséquent, il convient de répondre à la question préjudicielle en ce sens que l’article 6, paragraphe 1, de la directive s’oppose à une réglementation nationale telle que l’article 83 du RDL no 1/2007 qui permet au juge de remplacer une clause contractuelle abusive par une autre qui ne l’est pas (105). Il appartient à la juridiction nationale d’interpréter et d’appliquer cette réglementation d’une manière conforme à la directive. Lorsqu’elle applique son droit interne, la juridiction nationale est tenue de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 288, troisième alinéa, CE (106).

D –    Sur la troisième question préjudicielle

90.      La juridiction de renvoi voudrait en outre savoir si un contrôle juridictionnel exercé d’office et in limine litis peut être exclu lorsque, dans sa demande, le demandeur fournit des indications claires concernant certains aspects du contrat de prêt comme le prévoit la procédure européenne d’injonction de payer. Elle se réfère en cela aux règles qu’énonce l’article 7 du règlement no 1896/2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, article conformément auquel la demande d’injonction de payer doit contenir un certain nombre d’informations qui sont énumérées en détail à l’article 2. La juridiction évoque à ce sujet l’hypothèse qu’imposer certaines exigences de fond pourrait éventuellement compenser le fait qu’aucun contrôle in limine litis ne peut être effectué (107). Selon les informations qu’elle a fournies, il semble que c’est parce que le droit espagnol n’exige précisément pas de telles indications que la juridiction de renvoi a exposé ces explications.

91.      On peut finalement toujours se demander où la juridiction de renvoi veut en venir avec cette troisième question préjudicielle. D’une part, on pourrait, comme l’ont proposé le gouvernement espagnol et la Commission (108), considérer que la question est hypothétique et que, conformément à la jurisprudence de la Cour, elle est irrecevable puisqu’elle porte sur une interprétation du règlement no 1896/2006 et que l’affaire au principal concerne uniquement une procédure d’injonction de payer nationale soumise exclusivement aux dispositions du code espagnol de procédure civile. On rappellera à ce sujet que la Cour est foncièrement tenue de statuer sur les questions qui lui sont posées pour autant qu’elles portent sur une interprétation d’une disposition du droit de l’Union (109), à moins qu’il n’apparaisse de manière manifeste qu’elle est invitée à statuer sur un litige artificiel ou à formuler une opinion consultative sur des questions générales ou hypothétiques, ou que l’interprétation du droit de l’Union qui lui est demandée ne présente aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, ou encore qu’elle ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (110).

92.      Le caractère manifestement hypothétique de la troisième question préjudicielle peut cependant être écarté lorsqu’eu égard aux autres explications fournies par la juridiction de renvoi, la question peut être comprise en ce sens que le juge souhaite obtenir des indications sur les règles qui peuvent être déduites du règlement no 1896/2006 concernant les conditions de fond qui régissent une demande d’injonction de payer introduite devant une juridiction nationale. Il apparaît, en effet, de la décision de renvoi que le juge envisage une «application par analogie» du règlement no 1896/2006. Appliquer les règles de l’article 7 du règlement no 1896/2006 par analogie reviendrait (111), cependant, en fin de compte, à harmoniser le droit national de la procédure civile, ce que le législateur de l’Union n’avait pas voulu faire. En effet, ainsi qu’il résulte du dixième considérant du règlement, «la procédure instituée par le présent règlement devrait constituer un instrument complémentaire et facultatif pour le demandeur, qui demeure libre de recourir à une procédure prévue par le droit national». Le concept de procédure européenne d’injonction de payer développé par le législateur de l’Union en tant que procédure complémentaire et facultative permettant d’obtenir le recouvrement transfrontalier de créances liquides certaines démontre que la procédure nationale et la procédure européenne étaient conçues pour coexister (112). La deuxième phrase du dixième considérant précise clairement la relation qui existe entre le règlement et le droit national puisqu’elle dit expressément que «le présent règlement ne remplace ni n’harmonise les mécanismes de recouvrement de créances incontestées prévus par le droit national». Par conséquent, rien n’autorise à extraire du règlement no 1896/2006 des règles obligatoires concernant le contenu des mentions que doit comporter une demande nationale d’injonction de payer.

93.      Indépendamment de cela, la réponse à la troisième question préjudicielle résulte déjà de l’exposé que j’ai fait à propos des première et deuxième questions, où j’ai expliqué que le droit de l’Union n’oblige pas les États membres à inscrire dans leur législation nationale une disposition qui obligerait le juge saisi d’une demande d’injonction de payer à examiner, d’office et in limine litis, le caractère abusif des clauses contractuelles. Rien ne les empêche cependant de le faire sur la base de l’habilitation que leur donne l’article 8 de la directive 93/13 afin d’assurer la protection des consommateurs.

E –    Sur les quatrième et cinquième questions

94.      Je m’interroge également sur la nécessité de répondre à la quatrième question, car, dans la mesure où elle porte sur une interprétation de la directive 2008/48, il faut observer que cette directive n’est pas applicable aux faits du litige au principal pour des raisons chronologiques. En effet, elle a été adoptée le 23 avril 2008 et est entrée en vigueur le 11 juin 2008, le délai de transposition en droit national ayant expiré le 12 mai 2010. Or, le contrat de prêt litigieux avait déjà été conclu le 28 mai 2007, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la directive 2008/48.

95.      S’il est exact que la directive 2008/48 prévoit des mesures de transition, son article 30 dispose expressément qu’elle ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition. Échappent toutefois à cette exclusion les articles 11, 12, 13 et 17 ainsi que l’article 18, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 2, qui s’appliquent «également aux contrats de crédit à durée indéterminée en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition». Ne relèvent donc pas de cette dérogation l’article 5, paragraphe 1, sous l) et m), et l’article 6 ainsi que l’article 10, paragraphe 2, sous l), qui imposent au prêteur l’obligation de fournir certaines informations à l’emprunteur avant la conclusion du contrat et qui font précisément l’objet de la question préjudicielle. Tenter néanmoins de fournir à la juridiction nationale une réponse utile non pas sur la base de la directive 2008/48, mais sur la base de la directive 87/102, qui l’a précédée et qui était applicable à l’époque des faits, se heurterait également à des difficultés insurmontables parce que cette dernière directive ne contenait aucune disposition qui correspondrait à celle de la directive 2008/48 évoquée dans la question. Une interprétation de la directive 87/102 ne serait donc pas susceptible de fournir à la juridiction de renvoi les réponses qu’elle attend.

96.      Comme la quatrième question préjudicielle ne présente aucun rapport avec le litige au principal, la Cour n’a aucune raison d’y répondre, mais elle devrait néanmoins attirer l’attention de la juridiction de renvoi sur le fait que la directive 2008/48 ne s’applique pas ratione temporis.

97.      En ce qui concerne la cinquième question, il paraît tout d’abord indispensable de signaler l’erreur qu’a commise la juridiction de renvoi lorsqu’elle l’a formulée. Les dispositions qu’elle y énonce ne présentant aucun lien avec l’objet normatif qu’elle expose, tout porte à penser que, comme la Commission l’a elle aussi constaté à bon escient (113), la juridiction de renvoi se réfère plutôt à l’article 6, paragraphe 2, et à l’article 7 de la directive 87/102. En effet, si la directive 87/102 énonce bien le droit à l’information et le principe de l’interdiction de l’enrichissement sans cause, rien de tel ne figure dans la directive 2008/48 citée par la juridiction de renvoi.

98.      Si l’on admet que notre supposition est correcte, il faut ensuite se demander si, compte tenu de la problématique concrète qui se pose dans le litige au principal, la juridiction de renvoi a bel et bien besoin d’une réponse à la question préjudicielle pour statuer.

99.      On observera à ce sujet que rien dans la décision de renvoi n’indique que le litige au principal porterait sur un problème lié à l’obligation que l’article 6, paragraphe 2, de la directive 87/102 fait au prêteur d’informer le consommateur «de toute modification du taux d’intérêt annuel ou des frais au moment où intervient cette modification». Indépendamment de cela, cette obligation ne concerne, selon les termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 87/102, que les contrats passés entre un établissement de crédit ou un organisme financier et un consommateur pour l’octroi d’un crédit sous la forme d’une avance sur compte courant. Il apparaît des informations concernant les faits dont nous disposons que le contrat de prêt litigieux ne relève pas de cette catégorie de contrat de prêt, de sorte qu’il n’est pas davantage nécessaire d’interpréter l’article 6, paragraphe 2, de la directive 87/102 pour résoudre le litige au principal.

100. Il ne paraît pas davantage que la juridiction de renvoi ait besoin d’une interprétation de l’article 7 de la directive 87/102 pour statuer au principal. Cette disposition de la directive fait aux États membres l’obligation de fixer, «lorsqu’il s’agit d’un crédit consenti en vue de l’acquisition de biens, […] les conditions dans lesquelles les biens peuvent être repris, notamment lorsque le consommateur n’a pas donné son accord». Elle prévoit en outre que les États membres «veillent en outre à ce que, lorsque le prêteur reprend les biens, le décompte entre les parties soit établi de manière à éviter que la reprise n’entraîne un enrichissement non justifié». Aucun élément de la décision de renvoi ne suggère qu’il s’agirait en l’espèce d’un problème lié à la restitution d’un bien au créancier. On peut concevoir que la juridiction de renvoi songe à une situation dans laquelle le professionnel pourrait exiger que le consommateur rembourse le prêt parce qu’il n’a pas respecté ses obligations contractuelles, situation dans laquelle se poserait la question de savoir si le créancier aurait alors également droit aux intérêts moratoires jugés abusifs. Dans le cas contraire, en effet, l’application de pareils intérêts pourrait être considérée comme un enrichissement sans cause. Rien dans la décision de renvoi n’indique cependant que la demande préjudicielle vise à tirer cette question au clair.

101. Eu égard aux arguments qui précèdent, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de répondre aux quatrième et cinquième questions préjudicielles.

F –    Sur la sixième question préjudicielle

102. La sixième question préjudicielle de la juridiction de renvoi porte en substance sur le point de savoir si l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale peut apprécier d’office le caractère déloyal d’une pratique commerciale consistant à inclure une clause d’intérêts moratoires dans le texte d’un contrat.

103. La disposition de la directive à propos de laquelle elle interroge la Cour fixe un objectif général que les États membres doivent atteindre par la voie législative. Il s’agit de garantir, dans l’intérêt des consommateurs, qu’existent «des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive». Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques permettant d’ester en justice contre de telles pratiques commerciales déloyales ou d’engager contre elles une procédure devant l’autorité administrative compétente soit à statuer sur les plaintes, soit à engager les poursuites judiciaires appropriées. On retiendra donc que, pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, la directive 2005/29 permet de créer au niveau national tant une procédure judiciaire qu’une procédure administrative.

104. Seule la première variante est toutefois pertinente aux fins de la procédure préjudicielle, puisque les questions de droit qui ont été soulevées portent sur la procédure d’injonction de payer nationale engagée devant une juridiction d’un État membre. On constatera à ce sujet que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2005/29 prévoit pour les juridictions des États membres de larges compétences qu’il décrit au moyen de leurs caractéristiques essentielles. Ces compétences comportent, notamment, la possibilité pour elles d’ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales, d’accorder des mesures conservatoires et de prendre telles dispositions qui permettront d’éliminer des effets persistants de ce type de pratique commerciale.

105. Le texte de cette disposition de la directive 2005/29 est clair: les États membres ne doivent accorder les compétences qu’elle prévoit qu’au cours du processus de transposition de la directive et respecter certaines règles minimales du droit de l’Union (114). Ils disposent néanmoins d’une grande liberté dans l’aménagement des mesures de transposition qu’ils adoptent (115). S’il est vrai que la directive 2005/29 met en place une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs (116), elle n’a toutefois pas pour objet d’harmoniser les règles de procédure qui permettraient de lutter contre ce type de pratiques commerciales. En ce qui concerne, une fois encore, la question de l’applicabilité directe de la directive 2005/29 à laquelle la juridiction de renvoi fait allusion lorsqu’elle indique que le Royaume d’Espagne ne l’a manifestement pas transposée dans son ordre juridique interne, il résulte, selon moi, des constatations qui précèdent que cela n’est pas prévu expressément et qu’une telle possibilité ne paraît pas avoir été envisagée si l’on considère la finalité normative de cette directive. À ceux qui soutiendraient que les juridictions nationales peuvent directement appliquer les dispositions de la directive 2005/29 de manière indifférenciée, on peut, en effet, rétorquer qu’il apparaît précisément de l’article 11, paragraphe 1, que la transposition de la directive ne sera garantie que lorsque les États membres auront adopté les procédures qu’il leur incombe de créer. La création de moyens propres à lutter contre les pratiques commerciales déloyales s’avère ainsi être une condition indispensable à la réalisation des objectifs de la directive au niveau national (117).

106. Indépendamment de ce résultat d’interprétation, on constatera à propos de la nécessité pour la juridiction de renvoi d’obtenir une réponse à la question préjudicielle pour pouvoir statuer que rien dans la décision de renvoi n’indique que le juge de première instance aurait considéré le fait d’inscrire dans le contrat la clause d’intérêts moratoires qu’il a jugée abusive était en même temps une pratique commerciale déloyale au sens de la directive 2005/29. La juridiction de renvoi, qui s’est, la première, interrogée sur la possibilité d’appliquer la directive 2005/29 à l’espèce au principal, parle uniquement d’une «éventuelle pratique déloyale» (118) sans fournir toutefois d’éléments sur lesquels fonder une telle supposition. Le contexte global permet uniquement de présumer que, pour la juridiction de renvoi, la pratique commerciale est déloyale en ce qu’elle fixe un taux d’intérêt trop élevé. Les maigres explications qu’elle fournit dans sa décision ne permettent cependant pas de constater avec certitude si elle a ou non qualifié les faits en ce sens par application des dispositions de la directive. Il en résulte que la demande d’interprétation de la directive 2005/29 ne présente aucun lien avec le litige au principal. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la sixième question préjudicielle présente un caractère purement hypothétique, comme les parties à la procédure l’ont d’ailleurs soutenu. Par conséquent, il y a lieu de déclarer la sixième question préjudicielle irrecevable.

VII – Conclusions

107. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la Cour comme suit aux questions préjudicielles qui lui ont été soumises par l’Audiencia Provincial de Barcelone:

«1)      La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’oblige pas une juridiction nationale à statuer d’office in limine litis, dans le cadre d’une procédure nationale d’injonction de payer, sur le caractère non contraignant d’une clause d’intérêts moratoires inscrite dans un contrat de crédit à la consommation dans la mesure où l’appréciation de l’éventuel caractère abusif de cette clause peut, conformément aux règles de procédure nationales, être déplacée vers une procédure contentieuse introduite par un recours du débiteur, procédure contentieuse dans le cadre de laquelle la juridiction nationale obtient la possibilité de se fournir les éléments de fait et de droit nécessaires à un tel examen.

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 fait obstacle à une réglementation nationale autorisant les juridictions à adapter les contrats passés avec des consommateurs en remplaçant une clause abusive par une autre qui ne l’est pas.

3)      Les dispositions du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer, ne s’appliquent pas aux procédures nationales de ce type.»


1 — Langue originale: l’allemand.


2 —      Directive du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).


3 —      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (JO L 110, p. 30).


4 —      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO L 399, p. 1).


5 —      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66).


6 —      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO L 149, p. 22).


7 —      Directive du 25 octobre 2011, modifiant la directive 93/13 et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 304, p. 64). Conformément à son article 28, paragraphe 1, les États membres doivent transposer la directive dans leur droit national avant le 13 décembre 2013.


8 —      L’article 32 de la directive 2011/83, qui est ajouté à la directive 93/13 en tant qu’article 8 bis, impose aux États membres l’obligation d’informer la Commission chaque fois qu’ils adoptent des dispositions spécifiques dans des domaines déterminés, en particulier lorsque ces dispositions étendent la portée du contrôle des clauses contractuelles prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et lorsqu’elles contiennent des listes de clauses contractuelles réputées abusives.


9 —      COM(2011) 635 final.


10 —      Au cours des dernières années, la Commission a intensifié ses efforts vers la création d’un instrument européen de droit des contrats. La communication «Un droit européen des contrats plus cohérent. Un plan d’action», qu’elle a présentée en 2003, proposait l’élaboration d’un cadre commun de référence contenant des principes, une terminologie et des règles communes du droit européen des contrats. Le Study Group on a European Civil Code, qui est un réseau international de chercheurs, a ensuite élaboré un projet académique de cadre commun de référence (Common Frame of Reference — CFR) qui s’inspirait des «Principles of European Contract Law» (PECL) définis dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la «commission Lando». Se fondant sur ces travaux préliminaires, la Commission a mis en place, en avril 2010, un groupe d’experts chargé de créer le cadre commun de référence du droit européen des contrats, groupe qui a présenté une étude de faisabilité le 3 mai 2011. Voir, à propos des travaux de création d’un code européen des droits des consommateurs, Lando, O., «On a European Contract Law for Consumers and Businesses — Future Perspectives», Towards a European Contract Law (éd. par R. Schulze et J. Stuyck), Munich, 2011, p. 203 et suiv., et Mazeaud, D., «Unfairness and Non-negotiated Terms», op. cit, p. 123, ainsi que Hesselink, M., «The Consumer Rights Directive and the CFR: two worlds apart?», European review of contract law, tome 5 (2009), point 3, p. 290, et Zimmermann, R., «The present state of European private law», The American journal of comparative law, tome 57 (2009), point 2, p. 479.


11 —      BOE no 176, du 24 juillet 1984.


12 —      BOE no 89, du 14 avril 1998.


13 —      BOE no 287, du 30 novembre 2007.


14 —      Voir Gruber, U., Europäisches Zivilprozess- und Kollisionsrecht — Kommentar (éd. T. Rauscher), Munich, 2010, p. 274, point 1.


15 —      En cas de masse de créances certaines, tous les États membres s’emploient à résoudre le problème de son recouvrement judiciaire suivant leur propre perspective dans le cadre de leurs traditions et procédures juridiques. Les solutions qu’ils mettent en place diffèrent considérablement tant du point de vue technique que par les chances de succès qu’elles offrent. Dans certains États membres, les principaux instruments que procure le droit de la procédure pour le recouvrement de créances qui ne font pas l’objet d’un litige sont des jugements par défaut, des procédures sommaires particulières prévues dans le cadre de l’action civile ordinaire ou même des mesures conservatoires dont les effets sont pratiquement définitifs dès lors qu’en pratique, elles ne sont que rarement suivies de procédures au fond. Dans certains États membres, cependant, la procédure d’injonction de paiement s’est avérée particulièrement efficace dans l’obtention d’un règlement rapide et peu onéreux des créances non susceptibles de faire l’objet d’une contestation. À l’origine, onze États membres (la République d’Autriche, le Royaume de Belgique, la République de Finlande, la République française, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, la République portugaise, le Royaume d’Espagne et le Royaume de Suède) avaient inclus une telle procédure dans leur code de procédure civile. L’injonction de payer française et le «Mahnverfahren» allemand en sont les exemples les plus connus. Le Royaume d’Espagne a créé une procédure analogue («proceso monitorio») en 1999 [voir Livre vert sur une procédure européenne d’injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance, COM(2002) 746 final]. Cette évolution montre que ce type de procédure est de plus en plus apprécié dans l’Union européenne.


16 —      Voir Hess, B., Europäisches Zivilprozessrecht, Heidelberg, 2010, p. 556, § 10, point 40.


17 —      Voir, par exemple, à propos des règles de compétence en Allemagne, Prütting, H., et Gehrlein, M., ZPO — Kommentar, 2e édition, Cologne, 2010, p. 1455, § 689, point 2; Zeiss, W., et Schreiber, K., Zivilprozessrecht, 10e édition, p. 305; en Autriche, Rechberger, W., et Simotta, D.-A., Grundriss des österreichischen Zivilprozessrechts, Vienne, 2003, p. 302, point 515/3, ainsi que, en Espagne, Alonso Crespo, E., «Algunos medios preventivos o alternativos del proceso civil atribuidos al secretario judicial», Estudios jurídicos, 2004, p. 6687, et Rodríguez Tirado, A. M., Las funciones procesales del Secretario judicial, Barcelone, 2001, qui analysent chacun la position du Rechtspfleger allemand et autrichien ainsi que celle du secretario judicial espagnol à l’intérieur de l’administration judiciaire.


18 —      Voir, par exemple, sur les règles de compétence en France, Guinchard, S., Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 2004, p. 629, et, en Italie, De Stefano, A., Procedura Civile, Milan, 2010, p. 662, point 5144.


19 —      Comme l’explique Sujecki, B., «Das Europäische Mahnverfahren», Neue Juristische Wochenschrift, 2007, p. 1625, en prenant pour exemple le texte de l’article 8 du règlement no 1896/2006, disposition qui nécessite une interprétation, limiter les devoirs d’examen de telle manière que la recevabilité ne devrait plus être analysée, tout en exigeant que soient rejetées les prétentions manifestement infondées, permet de confier cet examen à un officier de justice n’ayant pas rang de juge. Limiter l’examen de la sorte permettrait en outre d’automatiser complètement les demandes d’injonction de payer de manière à ce que la procédure puisse être allégée et rationalisée dans la mesure souhaitée.


20 —      Voir, sur la réglementation en France, Guinchard, S., op. cit. (note 18), p. 631; en Allemagne, Zeiss, W., et Schreiber, K., op. cit. (note 17), p. 306, point 779; en Autriche, Rechberger, W., et Simotta, D.-A., op. cit. (note 17), p. 304, point 515/7, et, en Italie, De Stefano, A., op. cit. (note 18), p. 671, point 5210.


21 —      Voir Gruber, U., op. cit. (note 14), p. 275, point 3, qui indique que la procédure instituée par le règlement no 1876/2006 repose sur la même conception de base que les procédures d’injonction de payer nationales. Il s’agit, pour le créancier, d’obtenir un titre exécutoire au terme d’une procédure simple, rapide et peu coûteuse. Ce n’est que lorsque le débiteur articule des moyens de défense que la procédure se mue en une procédure civile ordinaire.


22 —      Voir Alonso Crespo, E., op. cit. (note 17), p. 6687; Rechberger, W., et Simotta, D.-A., op. cit. (note 17), p. 301, point 515/2, qui énumèrent les avantages qu’il y a à pouvoir obtenir un titre exécutoire sans devoir exposer de grands frais grâce à la procédure d’injonction de payer.


23 —      Voir arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, Rec. p. I‑4941, point 25), et du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 25).


24 —      Voir arrêts Mostaza Claro (précité), point 36, et du 4 juin 2009, Pannon GSM (C‑243/08, Rec. p. I‑4713, point 25). Pour une critique de cette jurisprudence, voir Hesselink, M., «Unfair Terms in Contracts Between Businesses», Towards a European Contract Law (éd. R. Schulze et J. Stuyck), Munich, 2011, p. 132 et suiv.


25 —      Voir arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (déjà cité à la note 23, point 27) et Mostaza Claro (déjà cité à la note 23, point 26), ainsi que du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C‑40/08, Rec. p. I‑9579, point 31).


26 —      Arrêt Asturcom Telecomunicaciones (précité), point 32. Sur le contrôle par le juge du contenu des conditions générales de vente à la lumière du principe de bonne foi, voir Basedow, J., «Der Europäische Gerichtshof und das Privatrecht», Archiv für die civilistische Praxis, tome 210 (2010), p. 172 et suiv.


27 —      Arrêts du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, Rec. p. I‑10875, point 3), et Mostaza Claro (déjà cité à la note 23, point 27).


28 —      Arrêts Cofidis (déjà cité à la note 27, point 33) et Mostaza Claro (déjà cité à la note 23, point 28).


29 —      Arrêt déjà cité à la note 24.


30 — Ibidem, point 35.


31 — C‑137/08, Rec. p. I‑10847.


32 —      Ibidem, point 56.


33 —      Ibidem, points 14 et suiv.


34 —      Ibidem, point 18.


35 —      Ibidem, point 52.


36 —      Ibidem, point 53.


37 —      Ibidem, point 54.


38 —      Ibidem, point 55.


39 —      Voir point 113 de ces conclusions que j’ai présentées le 6 juillet 2010.


40 —      Voir point 65 des observations de la Commission.


41 —      Voir point 4 des présentes conclusions.


42 —      Voir chapitre 8 (articles 79 à 86 — «Clauses abusives») de la proposition de règlement.


43 —      Voir partie VI, chapitre 16, section 2 (articles 166 à 171 — «Intérêts de retard: dispositions générales»), de la proposition de règlement.


44 —      L’article 167, paragraphe 3, de la proposition de règlement est rédigé comme suit: «Une clause contractuelle qui fixe un taux d’intérêt supérieur à celui prévu à l’article 166 ou commençant à courir à une date antérieure à celle spécifiée au paragraphe 2 du présent article n’est pas contraignante dans la mesure où elle serait abusive au sens de l’article 83».


45 —      L’article 83, paragraphe 2, de la proposition de règlement énonce les critères (la transparence des clauses, la nature de la prestation contractuelle à fournir, les circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat, les autres clauses de celui‑ci et les clauses de tout autre contrat dont dépend le contrat) au regard desquels le caractère «abusif» d’une clause contractuelle doit être apprécié. Cette disposition est calquée sur l’article 4 de la directive 93/13.


46 — Aux termes du dix‑septième considérant, la liste des clauses figurant en annexe ne saurait avoir qu’un caractère indicatif pour les besoins de la directive. En conséquence de ce caractère minimal, elle peut faire l’objet d’ajouts ou de formulations plus limitatives par les États membres dans le cadre de leur législation, notamment en ce qui concerne la portée de ces clauses.


47 — Voir arrêts Pannon GSM (déjà cité à la note 24, point 38) et du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten (C‑237/02, Rec. p. I‑3403, point 20).


48 — Voir arrêts du 7 mai 2002, Commission/Suède (C‑478/99, Rec. p. I‑4147, point 20), et Freiburger Kommunalbauten (déjà cité à la note 47, point 20).


49 —      Voir points 23 et suiv. des présentes conclusions.


50 —      Voir également, en ce sens, De Stefano, A., op. cit. (note 18), p. 655, point 5100, à propos de la procédure d’injonction de payer (plus précisément du «procedimento di ingiunzione»), qui ne comporte ni procédure contentieuse ni analyse détaillée des créances invoquées et qui permet ainsi au créancier d’obtenir rapidement et à peu de frais un titre exécutoire qui lui permettra de demander l’exécution forcée.


51 —      Voir point 22 des observations écrites du gouvernement allemand.


52 —      Voir, par exemple, sur la procédure d’injonction de payer en France, Guinchard, S., op. cit. (note 18), p. 629, et, en Allemagne, Zeiss, W., et Schreiber, K., op. cit. (note 17), p. 305. Dans ces États membres, la loi permet à la juridiction de rejeter la demande d’injonction de payer lorsque le dossier qui lui a été soumis démontre que la créance ne peut manifestement pas exister.


53 —      Voir arrêts du 4 juillet 1963, Alvis/Conseil (32/62, Rec. p. 101); du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission (136/79, Rec. p. 2033, point 21), et du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission (C‑48/96 P, Rec. p. I‑2873, point 47).


54 —      Voir point 41 des présentes conclusions.


55 —      Voir point 65 des observations écrites de la Commission.


56 —      Voir point 24 des présentes conclusions.


57 —      Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe Zentralfinanz et Rewe-Zentral (33/76, Rec. p. 1989, point 5) et Comet (45/76, Rec. p. 2043, point 13); du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, Rec. p. I‑6297, point 29); du 11 septembre 2003, Safalero (C‑13/01, Rec. p. I‑8679, point 49); du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 39), et du 8 juillet 2010, Bulicke (C‑246/09, Rec. p. I‑7003, point 25).


58 —      Voir Lupoi, M. A., «The Harmonization of Civil Procedural Law within the EU» (éd. J. Orlando Frosini, M. A. Lupoi et M. Marchesiello), A European Space of Justice, Ravenne, 2006, p. 209, selon qui l’Union européenne est le système d’intégration dans lequel le droit de la procédure civile a fait l’objet de l’harmonisation la plus avancée. L’auteur concède toutefois que l’harmonisation s’est, jusqu’à présent, limitée à reprendre des instruments uniformes individuels, de sorte qu’elle n’a imposé aux États membres que l’obligation d’adapter leurs codes nationaux de procédure civile de manière à ce que les instruments uniformes puissent fonctionner convenablement. En termes d’harmonisation, les conséquences n’ont donc, en fin de compte, eu qu’un effet «indirect». Selon l’auteur, il ne serait pas possible de prévoir l’avenir de l’harmonisation en matière de droit de la procédure civile. Voir également, dans le même sens, Wagner, G., dans Kommentar zur Zivilprozessordnung (éd. Stein et Jonas), 22e édition, tome 10, Tübingen, 2011, p. 46, point 88, qui, malgré la multiplication considérable des actes juridiques européens dans ce domaine, pense que l’essentiel du droit de la procédure civile (les règles de procédure gouvernant les litiges internes) n’a pas encore été affecté. L’auteur estime qu’à considérer les choses de façon réaliste, l’uniformisation des codes de procédure civile en Europe se situe toujours dans un avenir lointain.


59 — Conformément à l’article 81, paragraphe 2, sous f), TFUE, l’Union est compétente à adopter des règles de procédure civile dans la mesure où cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Des réglementations approfondies ont ainsi été mises en place par le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), par le règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO L 174, p. 1), par le règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (JO L 324, p. 79), par la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (JO L 26, p. 41), et par la décision 2001/470/CE du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale (JO L 174, p. 25). Voir Rörig, U., «Einfluss des Rechts der Europäischen Gemeinschaft auf das nationale Zivilprozessrecht», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 2004, p. 18 et suiv. De surcroît, de nombreux instruments ont été créés au niveau de l’Union en vue de faciliter le règlement des litiges juridiques transfrontaliers et l’exécution transfrontalière des décisions, comme, par exemple, le règlement (CE) no 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (JO L 199, p. 1), le règlement no 1896/2006 et le règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15).


60 —      Voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen (C‑430/93 et C‑431/93, Rec. p. I‑4705, point 17); du 15 septembre 1998, Ansaldo Energia e.a. (C‑279/96 à C‑281/96, Rec. p. I‑5025, points 16 et 27); du 1er décembre 1998, Levez (C‑326/96, Rec. p. I‑7835, point 18); du 16 mai 2000, Preston e.a. (C‑78/98, Rec. p. I‑3201, point 31); du 6 décembre 2001, Clean Car Autoservice (C‑472/99, Rec. p. I‑9687, point 28); du 9 décembre 2003, Commission/Italie (C‑129/00, Rec. p. I‑14637, point 25); du 19 septembre 2006, i‑21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C‑422/04, Rec. p. I‑8559, point 57); Mostaza Claro (déjà cité à la note 23, point 24); du 7 juin 2007, van der Weerd e.a. (C‑222/05 à C‑225/05, Rec. p. I‑4233, point 28); du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, Rec. p. I‑7501, point 24); Asturcom Telecomunicaciones (déjà cité à la note 25, point 38), et du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, Rec. p. I‑7907, point 89).


61 —      Arrêt Asturcom Telecomunicaciones (déjà cité à la note 25, point 28).


62 —      Ibidem, point 37.


63 —      Ibidem, point 38.


64 —      Voir Wagner, G., op. cit. (note 58), p. 39, point 68, qui indique que, dans la mesure où le droit européen de la procédure civile règle une matière, c’est lui qui a la primauté sur le droit national. Dans le cas contraire, les États membres peuvent invoquer leur autonomie de procédure sous réserve des exigences du principe d’équivalence et du principe d’effectivité.


65 —      Voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, Edis (C‑231/96, Rec. p. I‑4951, point 36); Levez (déjà cité à la note 60, point 41); Preston e.a. (déjà cité à la note 60, point 55); i‑21 Germany et Arcor (déjà cité à la note 60, point 62) et du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C‑118/08, Rec. p. I‑635, point 33).


66 —      Voir arrêts Levez (déjà cité à la note 60, point 43); Preston e.a. (déjà cité à la note 60, point 56); du 29 octobre 2009, Pontin (C‑63/08, Rec. p. I‑10467, point 45); Bulicke (déjà cité à la note 57, point 28) et Rosado Santana (déjà cité à la note 60, point 90).


67 —      Voir arrêts Rosado Santana (déjà cité à la note 60, point 90) et Bulicke (déjà cité à la note 57, point 29).


68 —      Voir arrêts Rosado Santana (déjà cité à la note 60, point 91).


69 —      Voir arrêts Asturcom Telecomunicaciones (déjà cité à la note 25, point 50) et Levez (déjà cité à la note 60, point 40).


70 —      Voir arrêts du 10 juillet 1997, Palmisani (C‑261/95, Rec. p. I‑4025, point 33), et Rosado Santana (déjà cité à la note 60, point 91).


71 —      Voir, en ce sens, Girerd, P., «Les principes d’équivalence et d’effectivité — Encadrement ou désencadrement de l’autonomie procédurale des États membres?», Revue trimestrielle de droit européen, 2002, p. 75 et suiv.


72 —      Voir point 24 des présentes conclusions.


73 —      Arrêt déjà cité à la note 24, point 35.


74 —      Arrêt du 17 décembre 2009 (C‑227/08, Rec. p. I‑11939).


75 —      JO L 372, p. 31.


76 —      Arrêt Martín Martín (déjà cité à la note 74, point 18).


77 —      Ibidem, point 19.


78 —      Ibidem, point 20.


79 —      Voir points 55 et 56 des conclusions que j’ai présentées le 7 mai 2009 dans l’affaire Martín Martín, précitée.


80 —      Arrêt Martín Martín (précité, point 27).


81 —      Voir point 70 des présentes conclusions.


82 —      Arrêt Martín Martín (déjà cité à la note 74, point 35).


83 —      Arrêt déjà cité à la note 25, point 28.


84 —      Ibidem, point 33.


85 —      Voir point 82 des conclusions que j’ai présentées le 14 mai 2009 dans l’affaire Asturcom Telecomunicaciones, précitée.


86 —      Arrêt Asturcom Telecomunicaciones, précité, points 53 à 55 et 59. La Cour avait pu déduire des explications fournies par le gouvernement espagnol que, conformément au droit de ce pays, la juridiction saisie d’une demande d’exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis force de chose jugée était compétente à examiner d’office la question de savoir si une clause d’arbitrage inscrite dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est entachée de nullité pour violation de dispositions impératives du droit national. Dans plusieurs arrêts qu’elles avaient rendus récemment, l’Audiencia Provincial de Madrid et l’Audiencia Nacional avaient, elles aussi, admis une telle compétence. La Cour a cependant laissé à la juridiction de renvoi le soin de déterminer si tel était également le cas dans le litige dont elle avait été saisie.


87 —      C’est ce que rappelle également Tinzo, V., «Il potere del giudice di rilevazione della nullità di protezione», Diritto del commercio internazionale, 2011, p. 584. Selon lui, avant de déclarer une clause abusive inapplicable, le juge national demandera au consommateur s’il souhaite néanmoins la conserver. L’élément déterminant serait donc, en fin de compte, uniquement la volonté du consommateur. Selon l’auteur, la solution dégagée par la Cour relève d’une théorie qui s’emploie à concilier l’objectif de protection des consommateurs visé par la directive 93/13 et le principe du maintien des rapports contractuels. Voir également, dans le même sens, Milanesi, S., «Le pronunce Pannon ed Eva Martín Martín sulla rilevabilità d’ufficio della nullità di protezione», Giurisprudenza commerciale, 2010, tome II, p. 805, qui salue en outre la prémisse retenue par la Cour en ce qu’elle respecte le principe de la nullité relative («nullità di protezione», «protective nullity»). Selon l’auteur, cette prémisse garantit également l’équilibre des forces dans la procédure contradictoire.


88 —      Voir, sur le consommateur type dans la jurisprudence de la Cour, arrêts du 16 janvier 1992, X (C‑373/90, Rec. p. I‑131, points 15 et 16); du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C‑210/96, Rec. p. I‑4657, point 31); du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 29); du 13 janvier 2000, Estée Lauder (C‑220/98, Rec. p. I‑117, point 27); du 21 juin 2001, Commission/Irlande (C‑30/99, Rec. p. I‑4619, point 32); du 24 octobre 2002, Linhart et Biffl (C‑99/01, Rec. p. I‑9375, point 31); du 8 avril 2003, Pippig Augenoptik (C‑44/01, Rec. p. I‑3095, point 55); du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland (C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 77) et Henkel (C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 50); du 9 mars 2006, Matratzen Concord (C‑421/04, Rec. p. I‑2303, point 24), et du 19 septembre 2006, Lidl Belgium (C‑356/04, Rec. p. I‑8501, point 78).


89 —      Voir, en ce sens, Heinig, J., «Die AGB-Kontrolle von Gerichtsstandsklauseln — zum Urteil Pannon des EuGH», Europäische Zeitschrift zum Wirtschaftsrecht, 24/2009, p. 885. Voir également Josipovič, T., «Verbraucherschutz in der Republik Kroatien», Konsumentenschutz in Zentral- und Osteuropa (éd. R. Welser), Vienne, 2010, p. 72, qui signale cette particularité de la prémisse utilisée par la Cour dans la jurisprudence. Selon l’auteur, cette jurisprudence n’aurait pas encore été transposée en Croatie, candidat à l’adhésion, parce que le droit national ne prévoit que la nullité des clauses abusives. Il ne serait dès lors pas possible de les confirmer, même lorsque le consommateur le souhaite.


90 —      Voir point 68 des observations de la Commission.


91 —      Voir points 35 et suiv. des présentes conclusions.


92 —      Voir points 37 et suiv. des présentes conclusions.


93 —      Voir points 48 et suiv. des présentes conclusions.


94 —      Voir points 69 et suiv. des présentes conclusions.


95 — Voir arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, Rec. p. I‑4785, points 28 et 29).


96 —      Voir point 86 des conclusions que j’ai présentées le 29 octobre 2009 dans cette affaire, précitée.


97 —      Lorsqu’ils exercent le pouvoir que leur confère l’article 8 de la directive 93/13, les États membres doivent respecter les limites générales du droit de l’Union. Il s’agit notamment du droit primaire, y compris les libertés fondamentales, ainsi que du reste du droit secondaire (voir Kapnopoulou, E., Das Recht der missbräuchlichen Klausel in der Europäischen Union, Tübingen, 1997, p. 163).


98 —      Voir Neisser, H., et Verschraegen, B., Die Europäische Union — Anspruch und Wirklichkeit, Vienne, 2001, p. 297, point 14.103; Koenig, C., Pechstein, M., et Sander, C., EU-/EG-Prozessrecht, 2e édition, Tübingen, 2002, p. 401, point 767, ainsi que Leanerts, K., Arts, D., et Maselis, I., Procedural Law of the European Union, 2e édition, Londres, 2006, p. 174 et suiv.


99 — Voir arrêts du 2 décembre 1964, Dingemans (24/64, Rec. p. 1259); du 1er décembre 1965, Dekker (33/65, Rec. p. 1111); du 22 mars 1972, Merluzzi (80/71, Rec. p. 175); du 15 décembre 1993, Hünermund e.a. (C-292/92, Rec. p. I‑6787, point 8); du 23 mars 2006, Enirisorse (C-237/04, Rec. p. I‑2843, point 24); du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C-380/05, Rec. p. I‑349, points 49 et 50), et du 16 décembre 2008, Michaniki (C-213/07, Rec. p. I‑9999, point 51).


100 —      Voir arrêts du 18 novembre 1999, Teckal (C-107/98, Rec. p. I‑8121, point 34); du 22 juin 2000, Marca Mode (C-425/98, Rec. p. I‑4861, point 21), et du 10 mai 2001, Agorà et Excelsior (C-223/99 et C-260/99, Rec. p. I‑3605, point 24).


101 —      Voir Kapnopoulou, E., op. cit. (note 97), p. 151, qui signale également que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne prévoit en principe aucun «remplacement» des clauses non contraignantes. Il prévoit seulement que les clauses contenant des charges abusives au détriment du consommateur doivent être traitées comme si elles n’étaient pas écrites.


102 —      Voir point 30 des présentes conclusions.


103 —      Les explications que l’avocat général Tizzano a fournies au point 80 des conclusions qu’il a présentées le 22 septembre 2005 dans l’affaire Ynos (arrêt du 10 janvier 2006, C‑302/04, Rec. p. I‑371) doivent être prises en considération à cet égard. Comme il l’a constaté à bon droit, «la directive vise en effet plus à rééquilibrer la position contractuelle du consommateur en empêchant qu’il ‘soit lié par une clause abusive’ qu’à sauvegarder l’autonomie contractuelle des parties et, a fortiori, celle du professionnel, qui, au contraire, pourrait avoir tout intérêt à se libérer des obligations d’un contrat qui, une fois rééquilibré, s’avérerait moins avantageux pour lui». Vue sous cet angle, une adaptation du contrat servirait, en fin de compte, uniquement les intérêts du professionnel, ce que, selon l’avocat général, l’auteur de la directive 93/13 ne souhaitait pas.


104 —      Voir point 55 des observations écrites de la Commission.


105 —      Voir Pfeiffer, T., dans Das Recht der Europäischen Union — Kommentar (éd. E. Grabitz et M. Hilf), tome IV, A 5, art. 6, point 7, p. 2, qui estime qu’une «réduction validée», c’est-à-dire un maintien de la clause abusive dont le contenu est tout juste licite, est, en règle générale, incompatible avec la directive 93/13.


106 —      Voir arrêt du 9 mars 2004, Pfeiffer (C-397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 113).


107 —      Voir point 4.2 de la décision de renvoi.


108 —      Voir point 72 des observations de la Commission et point 41 des observations du gouvernement espagnol.


109 —      Voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 38); du 22 mai 2003, Korhonen e.a. (C‑18/01, Rec. p. I‑5321, point 19); du 5 février 2004, Schneider (C‑380/01, Rec. p. I‑1389, point 21); du 19 avril 2007, Asemfo (C‑295/05, Rec. p. I‑2999, point 30), et du 23 avril 2009, VTB-VAB (C‑261/07 et C‑299/07, Rec. p. I‑2949, point 32).


110 —      Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 18); du 15 juin 1995, Zabala Erasun e.a. (C‑422/93 à C‑424/93, Rec. p. I‑1567, point 29); du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 61); du 12 mars 1998, Djabali (C‑314/96, Rec. p. I‑1149, point 19); PreussenElektra (déjà cité à la note 109, point 39); Schneider (déjà cité à la note 109, point 22); du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (C‑212/06, Rec. p. I‑1683, point 29), et VTB-VAB (déjà cité à la note 109, point 33).


111 —      Ainsi qu’il apparaît de son article 1er, paragraphe 2, le règlement no 1896/2006 laisse au requérant la faculté «de faire valoir une créance […] en recourant à une autre procédure prévue par le droit de l’État membre ou par le droit communautaire». Gruber, U., op. cit. (note 14), p. 279, point 21, en déduit que le règlement n’évince pas les procédures au fond et en injonction de payer en vigueur dans les États membres, mais qu’à sa meilleure convenance le créancier peut préférer suivre la procédure instituée par le règlement plutôt qu’emprunter la voie nationale dont il disposait jusqu’à présent. S’il obtient un titre exécutoire au terme de la procédure nationale, le règlement no 1896/2006 lui permet de le faire confirmer: il sera alors en possession d’un titre européen, dont il pourra poursuivre l’exécution dans les autres États membres sans devoir en obtenir la reconnaissance préalable.


112 —      Ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006, celui‑ci «n’empêche pas le demandeur de faire valoir une créance au sens de l’article 4 en recourant à une autre procédure prévue par le droit d’un État membre ou par le droit communautaire». Gruber, U., op. cit. (note 16), p. 139, point 23, en conclut que le règlement n’a pas la primauté sur les procédures du fond et les procédures d’injonction de payer. S’il le souhaite, le créancier peut donc utiliser soit la procédure mise en place par le règlement, soit, comme il l’avait fait jusqu’alors, la procédure nationale existante d’injonction de payer. Dans la mesure où cette dernière lui permet d’obtenir un titre, le créancier pourrait se faire confirmer ce titre en tant que titre exécutoire européen conformément au règlement no 805/2004 et poursuivre l’exécution dans les autres États membres sans devoir y obtenir préalablement la reconnaissance de ce titre exécutoire.


113 —      Voir point 77 des observations de la Commission.


114 —      Voir Stuyck, J., «Enforcement of consumer rights and legal redress for consumers in the EU: An institutional model», New frontiers of consumer protection (éd. F. Cafaggi et H.-W. Micklitz), Oxford, 2009, p. 72 et suiv., qui souligne, d’une part, la liberté dont disposent les États membres lorsqu’ils aménagent les possibilités d’obtenir justice au niveau national et, d’autre part, le fait que la directive 2005/29 fixe certaines normes minimales que les États membres doivent impérativement respecter.


115 —      Voir Stolze, C., Harmonisierung des Lauterkeitsrechts in der EU — Unter besonderer Berücksichtigung der Sanktionssysteme, Hambourg, 2010, p. 158, selon qui la souplesse du libellé de la directive 2005/29 laisse aux États membres une grande liberté d’aménagement lorsqu’ils transposent les règles de mise en œuvre du droit au sens des articles 11 et suiv.


116 —      Voir arrêt du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag (C‑540/08, Rec. p. I‑10909, point 27).


117 —      Voir, en ce sens, Abbamonte, G., «The Unfair Commercial Practices Directive and its General Prohibition», The Regulation of Unfair Commercial Practices under EC Directive 2005/29, Oxford, 2007, p. 30, qui observe que, si la directive 2005/29 harmonise complètement le droit matériel des États membres dans le domaine des bonnes pratiques commerciales, elle n’harmonise cependant pas les mécanismes qui permettent de lutter contre les pratiques déloyales. Il en résulte que les États membres doivent organiser leurs systèmes de maintien de la loi, désigner les personnes physiques et les associations qui peuvent se prévaloir de la protection juridique établie par la directive et fixer les sanctions frappant les violations de ses règles. L’auteur souligne que l’application effective du droit est indispensable pour que la directive puisse déployer tout son potentiel.


118 —      Voir titre 7 («La posible práctica desleal de la entidad bancaria») de la décision de renvoi.