Language of document : ECLI:EU:T:2019:337

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre) 

16 mai 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur les territoires des États membres – Réparation du dommage prétendument subi par la requérante à la suite de l’inclusion et du maintien de son nom dans la liste des personnes et des entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives en cause – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑37/17,

Bank Tejarat, établie à Téhéran (Iran), représentée par M. S. Zaiwalla, Mme P. Reddy, M. K. Mittal, Mme A. Meskarian, solicitors, MM. T. Otty, QC, R. Blakeley, V. Zaiwalla, H. Leith, barristers, et M. T. de la Mare, QC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. L. Havas et Mme J. Norris, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices que la requérante aurait prétendument subis du fait du règlement d’exécution (UE) no 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2012, L 19, p. 1), du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) no 709/2012 du Conseil, du 2 août 2012, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2012, L 208, p. 2),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

2        La requérante, Bank Tejarat, est une banque iranienne.

3        Le nom de la requérante a été inscrit sur la liste des personnes et des entités désignées à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), par la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 19, p. 22), et, par voie de conséquence, à l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) no 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 19, p. 1).

4        Par la suite, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste des personnes et des entités désignées à l’annexe IX du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1), et à l’annexe II du règlement d’exécution (UE) no 709/2012, du 2 août 2012, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2012, L 208, p. 2).

5        Les mesures restrictives mentionnées aux points 3 et 4 ci-dessus sont ci-après dénommées les « actes d’inscription initiale ».

6        Ces inscriptions ont eu pour conséquence le gel de l’ensemble des fonds et des ressources économiques détenus par la requérante au sein de l’Union européenne.

7        Dans la décision 2012/35, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants à l’appui de la désignation de la requérante :

« La Bank Tejarat appartient à l’État Iranien. Elle a directement facilité les efforts nucléaires de l’Iran. Ainsi, en 2011, elle a permis que des dizaines de millions de dollars circulent pour appuyer les tentatives déployées par l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, désignée par les Nations unies, pour se procurer du yellow cake (gâteau jaune). L’AEOI est la principale organisation iranienne de recherche et développement dans le domaine de la technologie nucléaire ; elle gère les programmes de production de matière fissile.

La Bank Tejarat a également, par le passé, aidé des banques iraniennes désignées à contourner les sanctions internationales, par exemple dans des activités impliquant des sociétés écrans du Shahid Hemmat Industrial Group, désigné par les Nations unies.

Par l’intermédiaire des services financiers qu’elle a fournis ces dernières années à la Bank Mellat et à l’Export Development Bank of Iran (EDBI), désignées par l’UE, la Bank Tejarat a également soutenu les activités de filiales et de sous-unités du Corps des gardiens de la révolution islamique, de l’Organisation des industries de la défense désignée par les Nations unies et du Modalf désigné par les Nations unies. »

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2012, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision 2012/35, du règlement d’exécution no 54/2012, du règlement no 267/2012 et du règlement d’exécution no 709/2012, pour autant que ces actes la concernaient.

9        Par arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T‑176/12, non publié, EU:T:2015:43), le Tribunal a annulé les actes mentionnés au point 8 ci-dessus pour autant qu’ils concernaient la requérante, au motif que le Conseil n’avait pas établi que celle-ci avait apporté un appui à la prolifération nucléaire et aidé d’autres personnes et d’autres entités à enfreindre les mesures restrictives les visant ou à s’y soustraire. Aucun pourvoi n’ayant été formé contre cet arrêt, celui-ci est devenu définitif et a acquis l’autorité de la chose jugée.

10      Par l’adoption de la décision (PESC) 2015/556 du Conseil, du 7 avril 2015, modifiant la décision 2010/413 (JO 2015, L 92, p. 101), et du règlement d’exécution (UE) 2015/549 du Conseil, du 7 avril 2015, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2015, L 92, p. 12), le Conseil a inscrit de nouveau le nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités désignées, avec un nouvel exposé des motifs :

« La Bank Tejarat fournit un appui important au gouvernement iranien en mettant à disposition des moyens financiers et en finançant des services liés à des projets de développement dans le secteur pétrolier et gazier. Le secteur pétrolier et gazier constitue une source importante de financement pour le gouvernement iranien et plusieurs projets financés par la Bank Tejarat sont menés par des filiales d’entités détenues et contrôlées par le gouvernement iranien. En outre, la Bank Tejarat continue à être partiellement détenue par le gouvernement iranien et étroitement liée à celui-ci, qui est donc en mesure d’influencer les décisions de la Bank Tejarat, notamment quant à sa participation au financement de projets que le gouvernement iranien juge hautement prioritaires.

Par ailleurs, dans la mesure où elle finance divers projets de production et de raffinage de pétrole brut qui nécessitent l’acquisition d’équipements et de technologies essentiels à ces secteurs, dont la fourniture en vue de leur utilisation en Iran est interdite, la Bank Tejarat peut être considérée comme concourant à l’acquisition de biens et de technologies interdits. »

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juin 2015, la requérante a demandé l’annulation des mesures de réinscription sur la liste des personnes et des entités désignées.

12      Par arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil (T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164), le Tribunal a rejeté le recours formé par la requérante, confirmant ainsi la légalité de la décision prise par le Conseil de réinscrire la requérante sur la base des motifs exposés au point 10 ci-dessus.

13      La requérante a donc été soumise aux mesures restrictives en cause pendant trois ans. Elle a ensuite fait l’objet d’une réinscription de son nom sur la liste des personnes et des entités désignées, et ce pendant la période allant du 7 avril 2015 au 16 janvier 2016, soit jusqu’à la date de mise en œuvre du plan d’action global commun (JCPOA) conclu avec la République islamique d’Iran en juillet 2015, qui a levé les mesures restrictives de l’Union envers la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

15      Le 26 avril 2017, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 mai 2017, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

17      Le 22 mai 2017, le Conseil a déposé ses observations sur la demande d’intervention.

18      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 12 juin 2017, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

19      Le 19 juin 2017, la requérante a déposé la réplique.

20      Le 26 juillet 2017, la Commission a déposé le mémoire en intervention.

21      Le 28 juillet 2017, le Conseil a déposé la duplique.

22      Le 6 septembre 2017, la requérante a déposé ses observations sur le mémoire en intervention et a demandé au Tribunal, par lettre datée du même jour, l’adoption de mesures d’organisation de la procédure tendant à ce que la présente procédure soit scindée en deux phases, une phase relative à la responsabilité et une autre relative à la quantification du préjudice.

23      Par lettres du 22 septembre 2017, le Conseil et la Commission ont déposé leurs observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure.

24      Par décision du président du Tribunal du 11 juin 2018, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 5 décembre 2018, au cours de laquelle il a été demandé à la requérante quelles conséquences il fallait tirer de l’arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil (C‑248/17 P, EU:C:2018:967), arrêt dans lequel la Cour a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil (T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164). Au vu de la réponse de la requérante, le Tribunal a invité cette dernière à produire un document contenant des adaptations de ses conclusions et un nouveau chiffrage du dommage subi à la suite desdites adaptations.

27      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 janvier 2019, la requérante a déféré à cette demande.

28      Par mesure d’organisation de la procédure en date du 11 janvier 2019, la requérante a été invitée à présenter ses observations sur l’argument que le Conseil a avancé lors de l’audience, selon lequel le Tribunal ne serait pas compétent pour connaître du présent recours en indemnité à l’égard de la décision 2010/413 et des versions modifiées par les décisions successives.

29      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2019, la requérante a déposé ses observations, dans lesquelles elle a indiqué que le présent recours en indemnité se fondait sur les règlements d’exécution nos 54/2012, 267/2012 et 709/2012 (les règlements d’exécution nos 54/2012, 267/2012 et 709/2012 étant ci-après dénommés ensemble les « actes en cause »).

30      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 28 janvier 2019, le Conseil et la Commission ont déposé leurs observations relatives aux réponses de la requérante du 2 janvier 2019.

31      La phase orale de la procédure a été clôturée le 5 février 2019.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Conseil à lui verser les sommes suivantes :

–        399 880 000 dollars des États-Unis (USD), soit 349 695 249,54 euros au taux de change en vigueur le 2 janvier 2019, au titre du préjudice matériel ;

–        les intérêts à compter de la date à laquelle le préjudice a été subi par elle jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, au taux des opérations principales de refinancement de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 2 % par an, soit 42 403 569,77 USD (37 081 352,43 euros) au 2 janvier 2019, et à un « taux journalier de 21 911,23 USD (19 160,74 euros) » à partir du 3 janvier 2019 jusqu’à la date de prononcé du présent arrêt, ou, à titre subsidiaire, au taux et pour la période que le Tribunal jugera appropriés ;

–        1 000 000 euros au titre du préjudice moral ;

–        les intérêts postérieurs au prononcé du présent arrêt sur les sommes indiquées aux tirets précédents, calculés au taux des opérations principales de refinancement de la BCE majoré de 2 % par an jusqu’à la date de paiement ou, à titre subsidiaire, au taux et pour la période que le Tribunal jugera appropriés ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

33      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

34      La requérante fait valoir que l’adoption des mesures restrictives en cause lui a occasionné tant un préjudice moral qu’un préjudice matériel, dont elle demande réparation. La période visée par cette demande couvre la période comprise entre le 23 janvier 2012, date d’adoption des actes d’inscription initiale, et le 6 avril 2015, jour précédant la réinscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités désignées.

35      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

36      L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 47 et jurisprudence citée).

37      Le caractère cumulatif de ces trois conditions d’engagement de la responsabilité implique que, lorsque l’une d’entre elles n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 48 et jurisprudence citée).

38      Il y a donc lieu de vérifier, en l’espèce, si la requérante rapporte la preuve, qui lui incombe, de l’illégalité du comportement qu’elle reproche au Conseil, tenant à l’adoption des actes en cause, de la réalité des préjudices, matériel et moral, qu’elle prétend avoir subis à la suite de ces actes et de l’existence d’un lien de causalité entre l’adoption desdits actes et les préjudices qu’elle invoque.

39      En ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché au Conseil, la requérante fait valoir en substance que, eu égard à l’intervention de l’arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T‑176/12, non publié, EU:T:2015:43), il apparaît que le Conseil a commis une illégalité en inscrivant et en maintenant son nom sur la liste des personnes et des entités désignées, alors qu’il ne se fondait sur aucun élément de preuve établissant sa participation à la prolifération nucléaire.

40      En outre, l’adoption des actes en cause porterait atteinte à une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, à savoir au droit de ne pas être soumis à des sanctions illégales adoptées en l’absence d’éléments de preuve.

41      Selon la requérante, laquelle se réfère à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986, points 57 et 58), constitue une violation suffisamment caractérisée des dispositions en cause le fait, pour le Conseil, d’inscrire ou de maintenir inscrit le nom d’une personne sur la liste des personnes et des entités désignées alors qu’il ne dispose pas d’informations ou d’éléments de preuve établissant, à suffisance de droit, le bien-fondé des mesures restrictives en cause.

42      La requérante estime également que le Conseil ne peut prétendre que les dispositions qu’il a violées étaient vagues, ambiguës ou peu claires, car, au moment où les actes en cause ont été adoptés, il aurait été clair que le Conseil devait apporter des éléments de preuve à l’appui des mesures restrictives qu’il prenait.

43      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

44      Selon une jurisprudence bien établie, la constatation de l’illégalité d’un acte juridique de l’Union, dans le cadre par exemple d’un recours en annulation, ne suffit pas, pour regrettable qu’elle soit, pour considérer que la responsabilité non contractuelle de celle-ci, tenant à l’illégalité du comportement d’une de ses institutions, soit, de ce fait, automatiquement engagée. Pour admettre qu’il est satisfait à cette condition, la jurisprudence exige, en effet, que la partie requérante établisse, en premier lieu, que l’institution en cause ait commis non pas une simple illégalité, mais une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 et jurisprudence citée).

45      Par ailleurs, la preuve d’une illégalité suffisamment caractérisée vise à éviter, notamment dans le domaine des mesures restrictives, que la mission que l’institution concernée est appelée à accomplir dans l’intérêt général de l’Union et de ses États membres ne soit entravée par le risque que cette institution soit finalement appelée à supporter les dommages que les personnes concernées par ses actes pourraient éventuellement subir, sans pour autant laisser peser sur ces particuliers les conséquences, patrimoniales ou morales, de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, point 125 ; du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 51).

46      En effet, selon la jurisprudence, l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux finalités de l’action extérieure de l’Union énoncées à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, découlant, pour certains opérateurs économiques, des décisions de mise en œuvre des actes adoptés par l’Union en vue de la réalisation de cet objectif fondamental (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150 et jurisprudence citée).

47      Ainsi, dans l’appréciation du comportement de l’institution concernée, le Tribunal, saisi d’un recours en indemnité introduit par un opérateur économique, est également tenu, eu égard notamment aux dispositions de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, de prendre en compte cet objectif fondamental de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), sauf lorsque cet opérateur est en mesure d’établir que le Conseil a manqué à ses obligations impératives de façon flagrante et inexcusable ou a porté atteinte, de la même façon, à un droit fondamental reconnu par l’Union (arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 46).

48      L’annulation éventuelle d’un ou de plusieurs actes du Conseil se trouvant à l’origine des préjudices invoqués par une partie requérante, même lorsqu’une telle annulation serait décidée par un arrêt du Tribunal prononcé avant l’introduction du recours indemnitaire, ne constitue pas la preuve irréfragable d’une violation suffisamment caractérisée de la part de cette institution, permettant de constater, ipso jure, la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, point 48).

49      Le critère décisif, qui permet de considérer que l’exigence de ne pas laisser peser sur ces particuliers les conséquences de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable est respectée, est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Ce qui est donc déterminant pour établir l’existence d’une telle violation, c’est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause. Il découle ainsi des critères jurisprudentiels que, lorsque l’institution concernée ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 35 et jurisprudence citée).

50      Toutefois, cette jurisprudence n’établit aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de l’infraction de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. En effet, bien qu’elle présente un caractère déterminant, l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’institution concernée ne constitue pas un critère exclusif. À cet égard, la Cour a rappelé de manière constante que le régime qu’elle avait dégagé au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE (devenu article 340, second alinéa, TFUE) prenait, en outre, notamment en compte la complexité des situations à régler et les difficultés d’application ou d’interprétation des textes (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

51      Il s’ensuit que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité de l’Union (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 39 et jurisprudence citée).

52      Il appartient dès lors au juge de l’Union, après avoir déterminé, d’abord, si l’institution concernée disposait d’une marge d’appréciation, de prendre en considération, ensuite, la complexité de la situation à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise. En tout état de cause, une violation du droit de l’Union est manifestement caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché, d’un arrêt préjudiciel ou d’une jurisprudence bien établie en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 40 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T‑176/12, non publié, EU:T:2015:43), le Tribunal a annulé l’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités désignées en considérant que le Conseil n’avait pas fourni d’informations pour étayer les allégations figurant dans l’énoncé des motifs. Au point 73 de ce même arrêt, le Tribunal a confirmé que l’annulation des mesures en cause était suspendue pour un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, durant lequel le Conseil pourrait « remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard du requérant ».

54      Par la suite, le Conseil a adopté, le 7 avril 2015, de nouvelles mesures par lesquelles la requérante a été réinscrite sur la liste des personnes et des entités désignées, avec un nouvel exposé des motifs (voir point 10 ci-dessus).

55      Dans l’arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil (T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164), en premier lieu, le Tribunal a jugé que le Conseil était en droit, en vertu de l’article 266 TFUE, de réinscrire le nom de la requérante à la suite de l’arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T‑176/12, non publié, EU:T:2015:43). En deuxième lieu, le Tribunal a jugé que le droit de la requérante d’être entendue avait été respecté, étant donné que le Conseil lui avait donné la possibilité, en temps utile, de présenter des observations sur la décision destinée à la réinscrire et sur les motifs justifiant cette réinscription. En troisième lieu, le Tribunal a jugé que le Conseil n’avait commis aucune erreur d’appréciation en constatant que la requérante remplissait les conditions de désignation au motif qu’elle apportait un appui financier direct au gouvernement iranien et qu’elle fournissait un appui aux activités de prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran à travers sa participation à l’acquisition de biens et de technologies interdits.

56      En ce qui concerne les nouvelles mesures d’inscription du nom de la requérante sur la liste des personnes et des entités désignées, il y a lieu de rappeler que, par arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil (C‑248/17 P, EU:C:2018:967), la Cour a confirmé l’arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil (T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164), raison pour laquelle la requérante ne réclame plus, ainsi qu’il résulte de sa réponse lors de l’audience et de ses écritures du 2 janvier 2019, un dommage au titre de la période postérieure au 7 avril 2015.

57      En ce qui concerne les actes d’inscription initiale, de janvier 2012, jugés illégaux dans l’arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat/Conseil (T‑176/12, non publié, EU:T:2015:43), premièrement, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, les dispositions qui énoncent, de façon limitative, les conditions dans lesquelles des mesures restrictives peuvent être adoptées ont essentiellement pour objet de protéger les intérêts individuels des personnes et des entités susceptibles d’être concernées, en limitant les cas dans lesquels de telles mesures peuvent légalement leur être appliquées (voir, par analogie, arrêts du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 51 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 57).

58      Ces mêmes dispositions assurent ainsi la protection des intérêts individuels des personnes et des entités susceptibles d’être concernées par des mesures restrictives et sont, dès lors, à considérer comme des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Si les conditions de fond en question ne sont pas réunies, la personne ou l’entité concernée a en effet le droit de ne pas se voir imposer de mesures restrictives. Un tel droit implique nécessairement que la personne ou l’entité à laquelle des mesures restrictives sont imposées dans des conditions non prévues par les dispositions en question puisse demander à être indemnisée des conséquences dommageables de ces mesures, s’il se révèle que leur imposition repose sur une violation suffisamment caractérisée des règles de fond appliquées par le Conseil (voir, par analogie, arrêts du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 52 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 58).

59      Deuxièmement, s’agissant de la question de savoir si le Conseil disposait d’une marge d’appréciation, il ressort de la jurisprudence que l’obligation du Conseil d’établir le bien-fondé des mesures restrictives adoptées est dictée par le respect des droits fondamentaux des personnes et des entités concernées, et notamment de leur droit à une protection juridictionnelle effective, ce qui implique qu’il ne dispose pas de marge d’appréciation à cet égard (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 60).

60      En ce qui concerne la détermination des obligations qui pesaient sur le Conseil envers la requérante au regard de la jurisprudence en vigueur lors de l’adoption des actes en cause, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour l’avait déjà souligné dans une jurisprudence antérieure à l’adoption desdits actes, que l’Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment avec le traité FUE et les principes généraux du droit (voir arrêt du 29 juin 2010, E et F, C‑550/09, EU:C:2010:382, point 44 et jurisprudence citée), et dans laquelle les personnes physiques et morales doivent bénéficier d’une protection juridictionnelle effective (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 35).

61      S’agissant du respect du principe de protection juridictionnelle effective, la Cour a considéré, au point 343 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que des mesures restrictives adoptées à l’égard de personnes physiques ou morales n’échappent pas à tout contrôle du juge de l’Union, notamment lorsqu’il est affirmé que l’acte qui les édicte touche à la sécurité nationale et au terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 36).

62      Ainsi qu’il résulte de cette jurisprudence, le droit à une protection juridictionnelle effective exige que le Conseil fournisse, en cas de contestation, des informations et des éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption de mesures restrictives à l’égard de personnes physiques ou morales. À cet égard, il ressort du point 336 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), que le contrôle juridictionnel des mesures restrictives prises à l’encontre des personnes physiques ou morales doit pouvoir porter, notamment, sur la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision imposant à une personne ou à une entité un ensemble de mesures restrictives (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 37).

63      De même, au point 57 de l’arrêt du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382), la Cour a considéré qu’un contrôle juridictionnel adéquat de la légalité au fond des mesures restrictives individuelles devait viser, notamment, à la vérification des faits ainsi que des éléments de preuve et d’information invoqués pour adopter de telles mesures (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 38).

64      Par ailleurs, bien qu’aient été en cause dans les affaires ayant donné lieu auxdits arrêts des mesures de gel des avoirs adoptées dans le contexte spécifique de la lutte contre le terrorisme international, il est manifeste que l’obligation d’établir le bien-fondé des mesures restrictives ciblant des personnes et des entités individuelles, qui résulte de cette jurisprudence, vaut également en ce qui concerne l’adoption de mesures restrictives de gel des avoirs ayant pour but de faire pression sur la République islamique d’Iran, telles que celles visant la requérante, compte tenu notamment de la nature individuelle desdites mesures restrictives et de l’incidence importante que celles-ci sont susceptibles d’avoir sur les droits et les libertés des personnes et des entités visées (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 361 et 375).

65      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’obligation incombant au Conseil de fournir, en cas de contestation, les informations ou les éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne physique ou morale découlait déjà, à la date de l’adoption des dispositions litigieuses, d’une jurisprudence bien établie de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 40).

66      Toutefois, si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986, point 59), le Tribunal a considéré que le Conseil avait commis une illégalité alors qu’il ne disposait pas de marge d’appréciation, cela tenait au fait, ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 33), qu’il ne disposait pas d’informations ou d’éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la partie requérante.

67      Or, à l’instar de ce que fait valoir le Conseil, la situation en l’espèce est différente. Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 23 novembre 2011, Sison/Conseil (T‑341/07, EU:T:2011:687), et du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), aucune des parties à ces litiges n’avait été réinscrite sur les listes des personnes et des entités désignées à la suite de ces arrêts concluant que le Conseil avait commis une erreur d’appréciation en les inscrivant sur ces listes. Ainsi, puisqu’il n’avait pas été prouvé que Safa Nicu Sepahan et M. Jose Maria Sison relevaient des critères d’inscription, ces derniers avaient le droit de ne pas faire l’objet de mesures restrictives.

68      À cet égard, il apparaît, au regard des termes de l’arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil (T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164), que la requérante remplissait effectivement les critères de désignation pertinents au moment où les actes d’inscription ont été adoptés.

69      L’inscription initiale de la requérante était fondée sur l’appui qu’elle apportait à la prolifération nucléaire, critère d’inscription prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012. La décision de réinscription est également fondée sur cette base juridique et sur deux motifs distincts : l’un relatif à la fourniture par la requérante d’un appui au gouvernement iranien et l’autre relatif à la participation de la requérante à l’acquisition de technologies et de biens interdits.

70      Dans le cadre de la réinscription, le Conseil a fourni plusieurs documents à l’appui des éléments de cet exposé des motifs, qui montrent également l’implication de la requérante dans la prolifération avant et pendant son inscription initiale.

71      À cet égard, le Conseil a produit un article extrait du site Internet d’une agence de presse iranienne, de mars 2011, dans lequel le directeur de la Petroleum Engineering and Development Company (PEDEC) annonçait la signature prochaine d’un contrat pour le développement du champ pétrolifère de Darkhovine (Iran), visant à accroître à terme la capacité de production de pétrole brut de 260 000 barils par jour, et indiquait que la requérante fournirait des moyens financiers pour ce projet. En outre, un article publié à la même époque par la même agence annonçait l’émission d’obligations par la Pars Oil and Gas Company qui seraient offertes notamment par la requérante à compter de mars 2011 et qui serviraient à financer des projets de l’industrie pétrolière.

72      Il en résulte que, à l’époque de l’adoption des actes d’inscription initiale en janvier 2012, la requérante, par l’intermédiaire du financement qu’elle fournissait à des projets de développement dans le secteur pétrolier, concourait à l’acquisition de technologies et de biens interdits, ce qui constituait une forme d’appui aux activités de prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran.

73      Partant, les activités que menait la requérante lors de l’adoption des actes d’inscription initiale sur la liste des personnes et des entités désignées, en janvier 2012, relevaient du critère de désignation relatif à l’apport d’un appui aux activités de prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran par la participation à l’acquisition de biens interdits, au sens de l’article 20, paragraphe 1, point b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 (devenu l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012). Bien que les allégations spécifiques énoncées dans l’exposé des motifs initial aient été différentes des faits mentionnés dans l’exposé des motifs des actes ultérieurs de réinscription d’avril 2015, la décision d’inscription initiale était néanmoins fondée sur le même critère, à savoir l’appui apporté aux activités de prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran.

74      Autrement dit, si le Conseil avait apporté les preuves mentionnées au point 71 ci-dessus, cela aurait été suffisant pour établir que la requérante apportait un appui à la prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran.

75      À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, le Conseil n’a pas produit les preuves dans le cadre du recours en annulation portant sur les actes d’inscription initiale de janvier 2012. Toutefois, il est de jurisprudence constante que l’institution dont le comportement est en cause s’agissant de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est, en principe, en droit de se prévaloir, à sa décharge, de tous les éléments pertinents survenus avant l’introduction du recours indemnitaire, de même que la partie requérante peut établir l’étendue et l’importance de son dommage en ayant recours à des éléments de preuve postérieurs à la survenance de celui-ci, et que cette possibilité pour l’institution est particulièrement justifiée dans un domaine d’activité de l’Union comme celui de la PESC (arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil, T‑692/15, sous pourvoi, EU:T:2017:890, points 49 et 50).

76      Ainsi, dans le cadre du présent recours en indemnité, le Tribunal ne saurait ignorer les motifs pertinents et les éléments de preuve invoqués à sa décharge par le Conseil, afin de démontrer que la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’était pas remplie.

77      Il résulte de ce qui précède que la violation constatée s’agissant des actes d’inscription initiale ne constitue pas une violation suffisamment caractérisée pour qu’elle soit de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

78      Le recours doit dès lors être rejeté dans son intégralité sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union sont réunies, ni d’examiner la demande de la requérante tendant à l’organisation d’une mesure d’organisation de la procédure consistant en la désignation d’un expert afin de procéder à une évaluation comptable du préjudice invoqué.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supporteront leurs dépens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier. La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bank Tejarat supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.