Language of document : ECLI:EU:T:2018:886

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

6 décembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale THE COMMODORES – Signe antérieur non enregistré Commodores – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001] – Motif relatif de refus – Renvoi au droit national régissant la marque antérieure – Régime de l’action en usurpation d’appellation (action for passing off) »

Dans l’affaire T‑459/17,

Fifth Avenue Entertainment LLC, établie à Orlando, Floride (États-Unis), représentée par M. B. Brandreth, barrister, et Me D. Cañadas Arcas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. H. O’Neill et Mme S. Bonne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Commodore Entertainment Corp., établie à Saint Paul, Minnesota (États-Unis), représentée par MM. J. Mellor, QC, et J. Whelan, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 22 mai 2017 (affaire R 851/2016-5), relative à une procédure d’opposition entre Commodore Entertainment et Fifth Avenue Entertainment,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli et M. A. Kornezov (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 26 octobre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2017,

vu la question écrite du Tribunal à la requérante et sa réponse à cette question déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2018,

à la suite de l’audience du 9 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        The Commodores était un groupe musical notoirement connu, formé dans les années 70 par plusieurs artistes, dont M. McClary.

2        Le 17 octobre 2014, la requérante, Fifth Avenue Entertainment LLC, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        L’enregistrement a été demandé pour la marque verbale THE COMMODORES.

4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Série d’enregistrements sonores musicaux ; série d’enregistrements vidéo musicaux ; enregistrements musicaux sonores téléchargeables ; enregistrements vidéo musicaux téléchargeables proposant de la musique et du divertissement ; enregistrements audiovisuels proposant de la musique et du divertissement » ;

–        classe 41 : « Divertissement sous forme de représentations en direct par un artiste musical ».

5        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 199/2014, du 23 octobre 2014.

6        Le 22 janvier 2015, l’intervenante, Commodore Entertainment Corp., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et des services visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur plusieurs motifs dont celui, seul pertinent pour le présent litige, visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001). Un droit au signe antérieur non-enregistré Commodores selon le droit de plusieurs États membres était revendiqué. Par décision du 28 avril 2016, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a estimé, en substance, que l’opposante n’avait pas fourni d’informations sur le contenu du droit national applicable ou sur les conditions à remplir pour qu’elle puisse interdire l’utilisation de la marque demandée en vertu du droit des États membres mentionnés.

8        Le 7 mai 2016, l’intervenante a formé un recours au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001) contre la décision de la division d’opposition. Dans le cadre de son recours devant la chambre de recours, elle a précisé que le motif tiré de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 était fondé sur le droit non enregistré antérieur Commodores (ci-après le « signe antérieur non-enregistré »), relevant du droit du Royaume-Uni, à savoir l’article 5, paragraphe 4, sous a), du Trade Marks Act 1994 (loi sur les marques de 1994). L’intervenante a indiqué posséder un « goodwill » (force d’attraction de la clientèle) sur ce signe, susceptible de protection en vertu du droit national invoqué.

9        Par décision du 22 mai 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’enregistrement de la marque demandée dans son intégralité sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’elle a exposés.

 En droit

 Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'EUIPO

13      La requérante fait valoir, en substance, que l’intervenante n’a pas développé un « goodwill » sur le signe antérieur non-enregistré au sens du droit national invoqué et que, à supposer même que l’intervenante ait un tel « goodwill », elle aurait, à tout le moins, un « goodwill distinct » de celui de l’intervenante lui permettant de l’utiliser parallèlement.

14      Selon l’EUIPO, l’argument de la requérante selon lequel celle-ci aurait un « goodwill distinct » sur le signe antérieur non-enregistré lui permettant de l’utiliser parallèlement serait présenté pour la première fois devant le Tribunal et serait, pour cette raison, irrecevable.

15      Selon une jurisprudence constante, le recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 76 (devenu article 95 du règlement 2017/1001), ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2017, Nanu-Nana Joachim Hoepp/EUIPO – Fink (NANA FINK), T‑39/16, EU:T:2017:263, point 16 et jurisprudence citée]. En outre, selon l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

16      À cet égard, premièrement, il convient de constater que, dans son recours devant la chambre de recours, l’intervenante soutenait avoir un droit de propriété « entier » sur le nom The Commodores au Royaume-Uni (page 305 du dossier devant l'EUIPO) et bénéficier d’un goodwill « suffisant » sur ce nom pour interdire son utilisation en conformité avec le droit de cet État membre (page 297 et 298 du dossier devant l'EUIPO). En réponse, la requérante faisait valoir, dans ses observations devant la chambre de recours (pages 776 à 778 du dossier devant l'EUIPO), que les preuves soumises par l’intervenante n’étaient pas suffisantes pour établir que les conditions pour qu’une action en usurpation d’appellation (action for passing off) de la part de cette dernière aboutisse, étaient remplies et, en particulier, qu’elle ne prétendait pas être le propriétaire « exclusif » du « goodwill » sur le nom The Commodores, mais simplement être « co-titulaire » jouissant de « droits égaux » à l’utilisation de ce nom, à l’instar de chacun des membres fondateurs du groupe musical en cause (pages 795, 796 et 804 à 814 du dossier devant l'EUIPO).

17      La chambre de recours a donc relevé à juste titre, au point 49 de la décision attaquée, que « la propriété du goodwill [était] au cœur du litige entre les parties ». Dans ces circonstances, l’argumentation de la requérante fondée sur le fait qu’elle jouirait à tout le moins d’un « goodwill distinct » de celui de l’intervenante ne modifie pas l’objet du litige devant la chambre de recours.

18      Deuxièmement, s’il est vrai que la requérante n’avait pas invoqué devant la chambre de recours certains arrêts des juridictions nationales qu’elle cite dans la requête, cette circonstance ne justifie pas que ces arguments, fondés sur lesdits arrêts, soient rejetés comme irrecevables. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit national auquel, comme c’est le cas en l’espèce, le droit de l’Union fait référence (voir point 28 ci-après), d’éléments tirés de la législation ou de la jurisprudence nationale, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt d’une juridiction nationale précis, mais qu’il s’agit d’invoquer des dispositions légales ou des jugements à l’appui d’un moyen tiré de la mauvaise application par les chambres de recours d’une disposition du droit national [voir, par analogie, arrêt du 21 octobre 2014, Szajner/OHMI – Forge de Laguiole (LAGUIOLE), T‑453/11, EU:T:2014:901, point 23].

19      Partant, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO.

 Sur le fond

20      La requérante invoque deux moyens, le premier, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 76 du même règlement.

21      S’agissant du premier moyen, à titre liminaire, il convient de préciser qu’il n’est pas contesté, dans le cadre du présent litige, que la requérante et l’intervenante sont habilitées à exercer les droits de propriété intellectuelle en cause respectivement de M. McClary et de certains autres du groupe musical The Commodores.

22      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions : ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

23      Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée utilisée dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, EU:T:2009:226, point 35].

24      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée non uniquement locale de la marque antérieure, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement no 207/2009 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement [arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 33].

25      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les deux premières conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée non uniquement locale du signe antérieur, étaient remplies.

26      La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours.

27      En revanche, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les troisième et quatrième conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 étaient également remplies.

28      À cet égard, il résulte du membre de phrase « lorsque et dans la mesure où, selon [...] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », figurant à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, que les troisième et quatrième conditions fixées à cette disposition s’apprécient, à la différence des précédentes, au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué.

29      Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est tout à fait justifié, étant donné que le règlement no 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de la marque de l’Union européenne la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit de l’État membre qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêt du 24 mars 2009, GENERAL OPTICA, T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 34).

30      Selon la jurisprudence, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUDWEISER), T‑53/04 à T‑56/04, T‑58/04 et T‑59/04, non publié, EU:T:2007:167, point 74].

31      En l’espèce, le droit de l’État membre invoqué est celui du Royaume-Uni et, plus particulièrement, la loi sur les marques de 1994, dont l’article 5, paragraphe 4, dispose :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché : a) en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] »

32      Le Tribunal a déjà eu l’occasion de relever qu’il résultait de l’article 5, paragraphe 4, de la loi sur les marques de 1994, tel qu’interprété par les juridictions nationales, que la partie qui l’invoque devait rapporter la preuve que, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni, trois conditions sont remplies, à savoir, premièrement, le « goodwill » acquis par le signe en cause, deuxièmement, la présentation trompeuse de la part du titulaire de la marque plus récente et, troisièmement, le préjudice causé au « goodwill » [arrêt du 18 juillet 2017, Alfonso Egüed/EUIPO – Jackson Family Farms (BYRON), T‑45/16, EU:T:2017:518, point 43].

33      En l’espèce, en ce qui concerne la première condition, la chambre de recours a relevé, au point 49 de la décision attaquée, que « la propriété du goodwill [était] au cœur du litige entre les parties ». À cet égard, la chambre de recours a considéré que « l’opposante [était] propriétaire du goodwill lié à l’entreprise exerçant son activité sous le nom de [The Commodores] », « susceptible de protection » en vertu du droit du Royaume-Uni » (point 62 de la décision attaquée), ce qui lui permettrait donc d’interdire l’utilisation de la marque demandée dans le cadre d’une action en usurpation d’appellation en common law (action for passing off).

34      La chambre de recours a également relevé que ni la requérante ni M. McClary, ne pouvaient « invoquer un droit de propriété exclusif sur la marque [The Commodores] » (point 60 de la décision attaquée), dans la mesure où, selon le contrat de société en nom collectif conclu par les membres du groupe et une autre personne le 20 mars 1978 (ci-après le « contrat de société en nom collectif ») et son avenant du 1er juillet 1981 (ci-après l'« avenant de 1981 »), ceux-ci avaient cédé leurs droits à Commodores Entertainment Publishing Corp., société qui aurait ultérieurement fusionné avec l’intervenante.

35      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte notamment du fait que la validité du contrat de société en nom collectif était limitée à sept ans, l’avenant de 1981 n’ayant pas modifié la durée de validité dudit contrat. Or, selon la requérante, à l’expiration dudit contrat, les membres fondateurs du groupe, dont M. McClary qui n’aurait jamais quitté le groupe, ont retrouvé les droits antérieurement cédés à la société en nom collectif, dont le droit au nom The Commodores. Ce fait, parmi d’autres, démontrerait que M. McClary détient un droit distinct au « goodwill » associé audit nom, à l’instar des autres membres fondateurs du groupe.

36      À cet égard, il convient de constater que, sur la base des pièces versées au dossier, il paraît effectivement que, en vertu de la clause 4 du contrat de société en nom collectif, la validité de celui-ci était limitée à sept ans, étant précisé que l’avenant de 1981 n’a pas modifié la durée de cette validité. Or, si la chambre de recours a mentionné certaines clauses pertinentes de ce contrat, elle est restée en défaut d’examiner les effets découlant de l’expiration de sa validité. En fait, elle n’a même pas mentionné que ledit contrat avait expiré, se bornant à relever, au point 60 de la décision attaquée, que celui-ci montrait « clairement » que les membres fondateurs avaient cédé leurs droits à l’intervenante, sans pour autant s’interroger sur les effets sur ladite cession de l’expiration du contrat.

37      Cette omission est d’autant plus importante que la chambre de recours a estimé, au point 61 de la décision attaquée, que la question de savoir si M. McClary avait ou non quitté le groupe en 1984 était discutable et ne faisait pas l’objet de la procédure devant elle.

38      Il y a donc lieu de constater que la chambre de recours ne pouvait pas, sans commettre d’erreur d’appréciation, conclure, sur la base notamment d’un contrat dont la validité avait expiré, et par ailleurs, régi par le droit de Nevada, États-Unis (voir la clause 1 de celui-ci), que la « propriété en common law » du nom The Commodores revenait à l’intervenante (point 58 de la décision attaquée) et que ledit contrat montrait clairement que les membres fondateurs avaient cédé leurs droits à celle-ci, de sorte que la requérante ne pouvait pas invoquer le « droit de propriété exclusif sur la marque [The Commodores] » (point 60 de la décision attaquée).

39      En effet, ainsi que le fait valoir la requérante, en se bornant à relever qu’elle ne pouvait pas invoquer le « droit de propriété exclusif sur la marque The Commodores », la chambre de recours a omis d’examiner si la requérante en était co-titulaire et, si tel devait être le cas, l’incidence d’une telle co-titularité au regard du droit national invoqué.

40      Or, il est constant entre les parties que le droit national invoqué prévoit que, dans certaines hypothèses, plusieurs personnes peuvent détenir simultanément un « goodwill » distinct sur un nom, leurs permettant l’usage simultané de celui-ci. Dans de telles hypothèses, une action en usurpation d’appellation intentée à l’encontre d’une partie détenant un tel « goodwill » distinct par une autre partie jouissant également d’un « goodwill » sur ledit nom ne saurait aboutir.

41      Si l’EUIPO et l’intervenante présentent devant le Tribunal des arguments visant à démontrer que, en toute hypothèse, la requérante ne remplissait pas les conditions fixées dans la jurisprudence nationale relative à l’existence d’un « goodwill distinct », force est de constater qu’il n’appartient pas au Tribunal de trancher cette question. En effet, il est constant que celle-ci n’a aucunement été abordée dans la décision attaquée. Or, il est de jurisprudence constante que les éléments qui n’ont pas été mentionnés par la chambre de recours dans la décision attaquée ne sont pas pertinents. De tels nouveaux éléments ne sauraient compléter la motivation de la décision attaquée et sont sans influence sur l’appréciation de la validité de celle-ci [arrêt du 21 mai 2015, adidas/OHMI – Shoe Branding Europe (Deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑145/14, non publié, EU:T:2015:303, point 44].

42      En effet, dans le cadre d’une demande en annulation, le Tribunal effectue un contrôle de légalité des décisions des chambres de recours. S’il conclut qu’une telle décision, mise en cause dans un recours devant lui, est entachée d’une illégalité, il doit l’annuler, sans pouvoir rejeter le recours en substituant sa propre motivation à celle de la chambre de recours, auteur de l’acte attaqué [arrêt du 17 mars 2010, Mäurer + Wirtz/OHMI – Exportaciones Aceiteras Fedeoliva (tosca de FEDEOLIVA), T‑63/07, EU:T:2010:94, point 44].

43      Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours a omis d’examiner à suffisance de droit si la quatrième condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, à savoir que le droit national invoqué reconnaissait à l’intervenante la faculté d’interdire l’utilisation de la marque demandée, était remplie.

44      Il s’ensuit que le premier moyen doit être accueilli et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés dans le cadre de celui-ci et le second moyen.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

46      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

47      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 mai 2017 (affaire R 851/2016-5) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de Fifth Avenue Entertainment LLC.

3)      Commodore Entertainment Corp. supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.