Language of document : ECLI:EU:T:2018:534

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 septembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Congés – Adoption de nouvelles lignes directrices du Parlement relatives à la gestion des congés – Décisions individuelles prises en application des nouvelles lignes directrices dans les services d’interprétation – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Intérêt du service – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑788/16,

Dominique De Geoffroy, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), et les autres fonctionnaires du Parlement européen dont les noms figurent en annexe(1), représentés initialement par Mes N. de Montigny et J.-N. Louis, puis par Me de Montigny, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et L. Deneys, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, des lignes directrices du Parlement du 21 mars 2016 concernant la mise en œuvre, pour les services d’interprétation, de l’article 4, paragraphe 5, des règles internes relatives à la gestion des congés, deuxièmement, de la décision du Parlement du 12 avril 2016 acceptant la demande de congé de Mme Françoise Joostens, mais intégrant les jours de congé sollicités dans un quota de trois jours et demi, troisièmement, de la décision du Parlement du 2 juin 2016 refusant un congé sollicité par Mme Joostens et, quatrièmement, de la décision du Parlement du 13 juin 2016 refusant un congé sollicité par M. Stéphane Grosjean,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 mars 2016, le Parlement européen a publié, sur l’intranet de sa direction générale (DG) de l’interprétation et des conférences, des lignes directrices concernant la mise en œuvre, pour les services d’interprétation, de l’article 4, paragraphe 5, des règles internes relatives à la gestion des congés (ci-après les « lignes directrices »), dont l’objectif est de faire en sorte que les congés annuels des interprètes soient pris, le plus possible, lors des périodes de faible charge de travail.

2        Parmi les instructions données aux chefs d’unité linguistique dans le cadre des points C.1 et C.2 des lignes directrices figure notamment le fait que les interprètes ont, en principe, la possibilité de prendre des jours de congé lors des périodes de forte charge de travail à la condition que ces jours de congé soient limités à trois jours et demi pour l’année 2016, puis cinq jours par année à partir de 2017 (ci-après le « quota »).

3        Les lignes directrices s’appliquent à toutes les demandes de congé introduites à partir du 21 mars 2016 et portant sur des congés postérieurs au 1er juillet 2016.

4        En avril 2016, Mme Françoise Joostens, fonctionnaire du Parlement occupant les fonctions d’interprète, a introduit une demande de congé annuel pour la période du 26 août au 4 septembre 2016. Le 12 avril 2016, Mme Joostens a reçu une notification selon laquelle sa demande de congé était acceptée et trois jours et demi travaillés seraient décomptés du quota pour l’année 2016, car la demande de congé portait, en partie, sur des jours à forte charge de travail (ci-après la « décision du 12 avril 2016 »).

5        En mai 2016, Mme Joostens a introduit une demande de congé annuel pour la journée du 8 novembre 2016. Le 2 juin 2016, elle a reçu une notification selon laquelle sa demande de congé était rejetée, car son quota aurait été épuisé (ci-après la « décision du 2 juin 2016 »).

6        En juin 2016, M. Stéphane Grosjean, fonctionnaire du Parlement occupant les fonctions d’interprète, a introduit une demande de congé annuel pour une demi-journée le 11 octobre 2016. Le 13 juin 2016, M. Grosjean a reçu une notification selon laquelle sa demande de congé était rejetée, car elle ne portait que sur une demi-journée (ci-après la « décision du 13 juin 2016 »).

7        Par lettre du 20 juin 2016, les requérants, fonctionnaires du Parlement occupant les fonctions d’interprète au nombre de quinze, dont Mme Joostens et M. Grosjean, ont introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre les lignes directrices et les décisions des 12 avril, 2 et 13 juin 2016, prises en application des lignes directrices (ci-après, prises ensemble, les « actes attaqués »).

8        Par lettre du 11 novembre 2016, notifiée à l’avocat des requérants le 17 novembre 2016, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation contre les actes attaqués comme, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 2016, les requérants ont introduit le présent recours.

10      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

11      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les conclusions en annulation des lignes directrices et de la décision du 12 avril 2016 comme irrecevables ;

–        rejeter le surplus des conclusions comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation des lignes directrices

12      Le point A des lignes directrices définit deux types distincts de jours de travail : les jours à forte charge de travail d’une part, et les jours à faible charge de travail d’autre part. Les jours à forte charge de travail sont les jours ouvrés (lundi à vendredi), sauf le lundi matin et le vendredi, qui correspondent aux périodes du calendrier dédiées aux sessions parlementaires, aux commissions parlementaires et aux groupes politiques. Les jours à faible charge de travail correspondent aux jours ouvrés qui ne sont pas des jours à forte charge de travail.

13      Les lignes directrices mentionnent que les chefs d’unité linguistique de la DG de l’interprétation et des conférences doivent faire en sorte que les congés des interprètes qu’ils encadrent soient pris en priorité durant les périodes de faible charge de travail. Parmi les instructions données aux chefs d’unité linguistique dans le cadre des points C.1 et C.2 des lignes directrices figure notamment le fait que les interprètes ont la possibilité de prendre des jours de congé lors des périodes de forte charge de travail à la condition que le nombre de ces jours de congé n’excède pas le quota. Ces demandes de congé spécifiques doivent être introduites au moins six semaines avant le début de la période de congé. Ces demandes ne peuvent faire l’objet d’un refus qu’en présence de raisons de service impératif.

14      Les points C.1 et C.2 des lignes directrices prévoient également que, si un chef d’unité linguistique refuse un congé durant les périodes de forte charge de travail, l’interprète a la possibilité d’introduire une nouvelle demande de congé, au plus tôt le lundi de la semaine précédant la période de congé souhaitée, et ce jusqu’à la date du congé souhaité. Selon les lignes directrices, ces jours de congé doivent être accordés par le chef d’unité linguistique, sauf si l’octroi des jours de congé a pour conséquence le recrutement d’un interprète free-lance ou si cet octroi est contraire à l’intérêt du service.

15      De plus, selon le point B.3 des lignes directrices, le refus d’une demande de congé portant sur une période de forte charge de travail ne peut être considéré comme une raison valable permettant un report de congé sur l’année suivante excédant la limite fixée à l’article 4 de l’annexe V du statut. Ce refus ne peut également entraîner une augmentation du nombre de jours comptabilisés dans le quota pour l’année suivante.

16      En outre, le point D des lignes directrices instaure des « semaines avec des délais spécifiques ». Les demandes de congé concernant ces semaines spécifiques, qui n’ont pas de dates fixes, doivent être introduites avant une certaine date. Ces semaines spécifiques sont annoncées au préalable sur l’intranet de la DG de l’interprétation et des conférences. Il est néanmoins possible pour les interprètes d’introduire des demandes de congé portant sur ces périodes après les délais mentionnés. Dans ce cas précis, ces demandes doivent être introduites auprès du directeur général de la DG de l’interprétation et des conférences. Selon les lignes directrices, ce dernier devra approuver ces demandes, après avis de l’unité chargée de la programmation, sauf si la demande a pour conséquence le recrutement d’un interprète free-lance.

17      Par ailleurs, selon le point C.1 des lignes directrices, les jours de congé en périodes de forte charge de travail ne peuvent pas être pris sous forme de demi-journée, à l’exception du lundi après-midi.

18      Enfin, les lignes directrices précisent que le directeur général est en mesure d’accorder des dérogations aux dispositions susmentionnées dans des cas dûment justifiés où des refus de demandes de congé occasionneraient des contraintes excessives pour les interprètes concernés.

19      A l’appui de leurs conclusions en annulation des lignes directrices, les requérants invoquent sept moyens, tirés, le premier, d’une absence de motivation, le deuxième, d’une violation du statut et des règles internes relatives à la gestion des congés (ci-après les « règles internes »), le troisième, d’une violation des droits acquis, le quatrième, de l’absence de consultation des membres du personnel et d’une violation de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le cinquième, de l’absence de mise en balance des intérêts, du mépris du principe de proportionnalité, de l’abus de droit, d’une erreur d’appréciation et d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, le sixième, de la discrimination engendrée entre les interprètes et les autres fonctionnaires et agents et, le septième, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de sécurité juridique et de prévisibilité s’agissant des exceptions et des cas spéciaux prévus par les lignes directrices.

20      Le Parlement soulève, dans le mémoire en défense, une fin de non-recevoir à l’encontre des conclusions en annulation des lignes directrices. Le Parlement conteste en particulier le caractère d’acte faisant grief aux requérants des lignes directrices.

21      Les requérants mentionnent en revanche dans la réplique que les conclusions en annulation des lignes directrices sont recevables, dans la mesure où les lignes directrices s’appliqueraient à chacun des requérants, en raison de leur qualité d’interprètes au Parlement.

22      Les requérants affirment également que plusieurs dispositions des lignes directrices affectent directement chacun d’entre eux sans que ceux-ci puissent bénéficier d’une décision différente de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

23      Selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours à la Cour de justice de l’Union européenne n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

24      Selon l’article 90, paragraphe 2, du statut, toute réclamation doit être introduite contre un acte faisant grief. Il ressort des termes de la troisième phrase du même paragraphe que l’acte faisant grief peut être une mesure de caractère général ou une mesure individuelle.

25      Selon une jurisprudence constante, pour pouvoir être qualifiée d’acte faisant grief, une mesure de portée générale doit émaner de l’AIPN compétente et, au moins, renfermer une prise de position définitive de l’administration à l’égard de la situation individuelle de la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Agne-Dapper e.a./Commission e.a., T‑35/05, T‑61/05, T‑107/05, T‑108/05 et T‑139/05, EU:T:2006:365, point 56 et jurisprudence citée).

26      Afin d’apprécier si les conclusions en annulation des lignes directrices sont recevables, il convient donc d’examiner si les dispositions des lignes directrices renferment une position définitive de l’administration à l’égard de la situation individuelle de chacun des quinze requérants.

27      À cet égard, il convient d’emblée de relever que les lignes directrices requièrent des mesures d’application prises par les chefs d’unité linguistique de la DG de l’interprétation et des conférences. Comme le confirment les circonstances de la présente affaire, la situation juridique individuelle des requérants en matière de congés n’a pas été directement modifiée par le seul effet des lignes directrices, mais à la suite des décisions individuelles prises par les chefs d’unité linguistique concernant les demandes de congé particulières introduites par les requérants.

28      En effet, force est de constater que les chefs d’unité linguistique des requérants disposaient d’une marge d’appréciation significative pour accepter ou refuser les demandes de congé formulées par ces derniers.

29      Ainsi, s’agissant d’une demande de congé portant sur une période de forte charge de travail, dans le cas où le demandeur dispose d’un quota suffisant, une disposition du point C.1 des lignes directrices mentionne que cette demande ne peut être refusée par le chef d’unité linguistique qu’en présence de raisons de service impératif et que, en cas de refus, l’interprète peut introduire une nouvelle demande, portant sur la même période, quelques jours avant la période souhaitée, conformément au point C.2 des lignes directrices). Dans ce dernier cas, les lignes directrices prévoient que le congé doit être accordé, sauf si l’octroi de ce congé a pour conséquence le recrutement d’un interprète free-lance ou s’il va à l’encontre de l’intérêt du service.

30      Il en va de même pour l’octroi de congés durant les « semaines avec des délais spécifiques », dont les modalités sont visées au point D des lignes directrices. Ici encore, une demande de congé peut faire l’objet d’une acceptation ou d’un refus, en fonction des différents cas de figure, en fonction d’un avis de l’unité chargée de la programmation ou si l’octroi de congé a pour conséquence le recrutement d’un interprète free-lance.

31      Enfin, il convient également de mentionner que l’ensemble des dispositions des lignes directrices peuvent faire l’objet de dérogations complémentaires de la part du directeur général de la DG de l’interprétation et des conférences dans certains cas dûment justifiés, si les refus de congés occasionnent des contraintes excessives pour les interprètes. Cette disposition ajoute donc une nouvelle marge d’appréciation pour le directeur général de la DG de l’interprétation et des conférences pour autoriser, au cas par cas, l’octroi de congés, en fonction des situations individuelles des interprètes.

32      Il découle donc des dispositions des lignes directrices que, si celles-ci fournissent un ensemble de directives aux chefs d’unité linguistique lorsqu’ils doivent examiner une demande de congé introduite par un interprète, elles ne renferment pas, en elles-mêmes, la réponse que les chefs d’unité linguistique devront donner automatiquement et systématiquement à chacune des demandes de congé formulées par les interprètes, chaque demande s’inscrivant dans un contexte particulier.

33      En application de la jurisprudence mentionnée au point 25 ci-dessus, les dispositions des lignes directrices ne contenant pas de prises de position définitives de l’administration à l’égard de la situation individuelle de chacun des requérants, les lignes directrices ne constituent pas un acte faisant grief à chacun d’entre eux. Partant, ceux-ci sont irrecevables à demander l’annulation de cet acte.

34      Pareille conclusion n’est pas contredite par la jurisprudence invoquée par les requérants dans la réplique, selon laquelle un acte de portée générale peut affecter les droits des fonctionnaires, même s’il requiert une décision individuelle en vue d’être exécuté (arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE, F‑101/13, EU:F:2014:223, point 14).

35      En effet, dans l’arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, EU:F:2014:223, point 14), le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne a rappelé que les fonctionnaires avaient le droit d’introduire un recours contre une mesure de caractère général de l’AIPN qui leur faisait grief, dès lors que cette mesure, d’une part, ne requérait pas, pour produire des effets de droit, de mesure d’application ou ne laissait, pour son application, aucune marge d’appréciation aux autorités chargées de sa mise en œuvre et, d’autre part, affectait immédiatement les intérêts des fonctionnaires en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique.

36      Or, en l’espèce, comme il a été démontré aux points 28 à 32 ci-dessus, les dispositions des lignes directrices laissent une grande marge d’appréciation aux chefs d’unité linguistique et au directeur général de la DG de l’interprétation et des conférences pour accepter ou refuser les demandes de congé formulées par les interprètes, en fonction du contexte de la demande et de la situation individuelle de chaque interprète. Les lignes directrices ne contiennent donc aucune position définitive de l’administration à l’égard de la situation individuelle de chacun des requérants, puisque la position définitive de l’administration ne sera connue qu’après chacune des décisions individuelles prises par les autorités gestionnaires statuant sur les demandes de congé formulées par chacun des requérants.

37      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, EU:F:2014:223), une telle marge d’appréciation était inexistante. En effet, la mesure de portée générale qui était l’objet du litige consistait en la suppression d’une indemnité qui était versée aux agents du service européen pour l’action extérieure (SEAE) en fonction à Maurice. L’adoption de mesures intermédiaires, qui intervenait en l’absence de marge d’appréciation des autorités gestionnaires, n’était pas de nature à faire obstacle au caractère immédiat de l’affectation de la situation juridique des requérants, lesquels devaient nécessairement s’attendre à la perte du bénéfice de ladite indemnité à compter du 1er juillet 2013.

38      Il découle de ce qui précède que les lignes directrices ne sont pas un acte faisant grief aux requérants et que, partant, ils ne sont pas recevables à en demander l’annulation.

39      Les conclusions en annulation des lignes directrices doivent donc être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 12 avril 2016

40      Les requérants contestent la légalité de la décision du 12 avril 2016, qui valide la demande de congé de Mme Joostens pour la période allant du 26 août au 4 septembre 2016 et qui lui indique que trois jours et demi seront décomptés du quota pour l’année 2016.

41      A l’appui des conclusions en annulation de la décision du 12 avril 2016, les requérants invoquent deux moyens, tirés, le premier, d’une absence de motivation de la décision du 12 avril 2016 et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la classification de la semaine 35 (semaine du 29 août 2016 au 1er septembre 2016) comme une semaine de forte charge de travail.

42      Le Parlement soulève, dans le cadre du mémoire en défense, une fin de non-recevoir à l’encontre des conclusions en annulation de la décision du 12 avril 2016.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

43      Il convient de souligner que l’argumentation des requérants, exposée aux points 24 à 30 de la requête, repose en majeure partie sur le fait qu’ils n’auraient pas reçu de réponse à leur réclamation.

44      C’est seulement au point 30 de la requête qu’il est précisé qu’« il convient d’annuler les décisions litigieuses au motif qu’aucun élément de ces décisions ne permet d’apprécier la motivation sous-tendant l’adoption de ces actes ». Selon l’interprétation faite par le Tribunal de ce point de la requête, les requérants font valoir que la décision du 12 avril 2016 ne serait pas suffisamment motivée.

45      Dans la réplique, les requérants précisent qu’ils ont reçu une réponse à leur réclamation, mais qu’il ne serait pas pertinent de tenir compte de celle-ci en raison de son caractère tardif.

46      Le Parlement conteste cet argument.

47      Premièrement, s’agissant de l’argumentation développée liée à l’absence de réponse à la réclamation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le statut n’impose pas aux institutions de l’Union européenne de transmettre de réponses explicites aux réclamations de leurs fonctionnaires. À cet égard, il est d’ailleurs mentionné à l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut que le défaut de réponse à une réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2001, N/Commission, T‑2/00, EU:T:2001:50, point 78).

48      De plus, le fait qu’une réponse à une réclamation intervienne tardivement, comme c’est le cas en l’espèce, ne saurait, en tant que tel, remettre en cause la légalité de cette réponse ni celle de l’acte visé par ladite réclamation (ordonnance du 21 juin 2010, Meister/OHMI, T‑284/09 P, EU:T:2010:246, point 29).

49      Il découle donc de la jurisprudence que le caractère tardif de la réponse à la réclamation n’est pas susceptible, en tant que tel, d’induire un défaut de motivation des actes qui faisaient l’objet de la réclamation. L’argumentation liée au caractère tardif de la réponse à la réclamation doit donc être rejetée comme inopérante.

50      Deuxièmement, il convient de rappeler que, si la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est, en outre, pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est suffisante doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, points 115 à 116 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, force est de constater que le Parlement a suffisamment motivé la décision du 12 avril 2016, dans la mesure où, le même jour, Mme Joostens a reçu un courriel lui expliquant que l’approbation de sa demande de congé aurait pour conséquence que trois jours et demi seraient décomptés de son quota pour l’année 2016.

52      L’existence du quota, dont les modalités de fonctionnement sont décrites dans les lignes directrices, était, de plus, bien connue de Mme Joostens, puisque les lignes directrices ont été publiées sur l’intranet de la DG de l’interprétation et des conférences en mars 2016 et que Mme Joostens a participé à la réunion du 5 janvier 2016, au cours de laquelle le Parlement a expliqué aux interprètes la mise en place des lignes directrices, comme l’atteste la signature de Mme Joostens sur la liste de présence des participants à ladite réunion.

53      Il y a donc lieu d’écarter le moyen tiré d’une insuffisance de motivation.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

54      Les requérants font valoir que la semaine 35 ne saurait être qualifiée de période de forte charge de travail et que, par conséquent, l’administration n’aurait pas dû décompter à Mme Joostens trois jours et demi de son quota pour l’année 2016. Les requérants affirment en particulier que, lorsque la demande de congé a été introduite, seules deux réunions étaient programmées durant la semaine 35, alors que 71 réunions étaient prévues durant la semaine 36.

55      Ce moyen peut être interprété comme un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise en ce que le Parlement a considéré que la semaine 35 était une semaine de forte charge de travail.

56      Le Parlement n’a pas contesté dans ses écritures le bien-fondé de ce moyen. Durant l’audience, en revanche, il a souligné que la semaine 35 était bien une semaine de forte charge de travail.

57      Il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois. En particulier, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37, point 101 et jurisprudence citée).

58      Il convient, à ce titre, de rappeler qu’une erreur d’appréciation peut être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice du pouvoir décisionnel de l’administration (voir arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 41 et jurisprudence citée).

59      Ainsi, afin d’établir si le Parlement a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans sa décision. En d’autres termes, si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation des faits par le Parlement peut néanmoins être considérée comme vraisemblable, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 58 et jurisprudence citée).

60      Or, il apparaît en l’espèce que le Parlement a catégorisé le temps de travail des interprètes en semaines à forte charge de travail, d’une part, et en semaines à faible charge de travail, d’autre part. La classification adoptée reflète l’activité du Parlement, puisque les semaines à forte charge de travail correspondent aux périodes du calendrier qui sont dédiées aux sessions parlementaires, aux commissions parlementaires et aux groupes politiques en particulier. La classification adoptée n’est donc pas arbitraire, mais fondée sur une analyse des besoins en matière d’interprétariat.

61      L’argument des requérants selon lequel, au 21 avril 2016, seulement deux réunions auraient été prévues lors de la semaine 35 ne s’oppose pas à ce que cette semaine puisse être considérée comme une semaine à forte charge de travail par le Parlement, dans la mesure où d’autres réunions étaient susceptibles d’être encore programmées entre le 21 avril et le 1er septembre 2016.

62      Le Parlement a d’ailleurs mentionné lors de l’audience, sans être contredit, que, à la date du 11 juillet 2016, 77 réunions étaient programmées durant la semaine 35 et que celle-ci constituait donc une semaine à forte charge de travail.

63      Il découle de ce qui précède que le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la semaine 35 était une semaine à forte charge de travail.

64      Il convient donc de rejeter le moyen soulevé et, partant, les conclusions en annulation de la décision du 12 avril 2016 comme non fondées, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement.

65      En effet, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, selon les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 2 juin 2016

66      Les requérants contestent la légalité de la décision du 2 juin 2016 de refus d’octroi d’un congé annuel demandé pour le 8 novembre 2016.

67      Dans le cadre de leur premier moyen, les requérants considèrent que la décision du 2 juin 2016 est manifestement contraire aux règles internes relatives à la gestion des congés.

68      De plus, dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérants affirment que la décision du 2 juin 2016 est illégale en ce qu’elle découle de l’application des lignes directrices, qui seraient elles-mêmes illégales. Ainsi, par ce dernier moyen, les requérants soulèvent une exception d’illégalité des lignes directrices.

69      Enfin, dans le cadre de leur troisième moyen, les requérants font valoir que la décision du 2 juin 2016 n’est pas suffisamment motivée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles internes

70      Les requérants affirment que la décision du 2 juin 2016 est contraire aux règles internes, sans développer leurs arguments.

71      Le Parlement fait valoir que les requérants ne développent pas du tout leurs arguments et qu’ils ne précisent pas le ou les articles des règles internes qui auraient été violés, ni en quoi consiste cette violation.

72      Selon l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit, notamment, contenir les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure.

73      De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, point 149).

74      En l’espèce, il convient de souligner que les règles internes contiennent 47 articles portant sur différents aspects des congés.

75      L’affirmation des requérants selon laquelle la décision du 2 juin 2016 serait contraire aux règles internes n’est étayée d’aucune explication, de sorte qu’il convient de rejeter le moyen comme irrecevable.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des lignes directrices

76      Les requérants appuient leur exception d’illégalité sur les griefs exposés dans les conclusions tendant, au principal, à l’annulation des lignes directrices.

77      L’exception d’illégalité soulevée doit donc être examinée au regard des griefs tirés, le premier, d’une absence de motivation, le deuxième, d’une violation du statut et des règles internes, le troisième, d’une violation des droits acquis, le quatrième, de l’absence de consultation des membres du personnel et d’une violation de l’article 27 de la Charte, le cinquième, de l’absence de mise en balance des intérêts, du mépris du principe de proportionnalité, d’un abus de droit, d’une erreur d’appréciation et d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, le sixième, de la discrimination engendrée des interprètes eu égard aux autres fonctionnaires et agents et, le septième, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de sécurité juridique et de prévisibilité s’agissant des exceptions et des cas spéciaux prévus par les lignes directrices.

78      Le Parlement conteste ces arguments.

79      Il convient de souligner, à titre liminaire, que, selon la jurisprudence, l’exception d’illégalité, prévue à l’article 277 TFUE, assure à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité de l’acte réglementaire qui forme la base juridique de celle-ci (arrêt du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 6).

80      Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir, en ce sens, arrêt de 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 57 et jurisprudence citée). À défaut de lien étroit entre l’illégalité invoquée de l’acte de portée générale et les motifs de la décision attaquée, l’exception d’illégalité doit être déclarée irrecevable (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, points 37 et 38).

81      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler la jurisprudence en vertu de laquelle rien ne s’oppose, en principe, à ce que l’inapplicabilité partielle d’un acte normatif puisse être prononcée en vertu de l’article 277 TFUE lorsque les dispositions qui le composent sont détachables (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 1998, De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, EU:T:1998:50, points 30 à 34 et jurisprudence citée).

82      Il découle des considérations précédentes que l’exception d’illégalité n’est recevable qu’en ce qu’elle critique les dispositions des lignes directrices qui constituent la base juridique de la décision du 2 juin 2016. En l’espèce, il s’agit de la disposition, visée aux points C.1 et C.2 des lignes directrices, permettant à un interprète de prendre des jours de congé pendant les périodes de forte charge de travail lorsque le quota est épuisé.

–       Sur le grief tiré d’une absence de motivation

83      Comme cela est évoqué aux points 43 à 45 ci-dessus, il convient de souligner que l’argumentation des requérants, exposée aux points 24 à 30 de la requête, repose en majeure partie sur le fait qu’ils n’auraient pas reçu de réponse à leur réclamation.

84      C’est seulement au point 30 de la requête qu’il est précisé qu’« il convient d’annuler les décisions litigieuses au motif qu’aucun élément de ces décisions ne permet d’apprécier la motivation sous-tendant l’adoption de ces actes ». Selon l’interprétation faite par le Tribunal de ce point de la requête, les requérants y font valoir que les lignes directrices ne seraient pas suffisamment motivées.

85      Dans la réplique, les requérants précisent qu’ils ont reçu une réponse à leur réclamation, mais qu’il ne serait pas pertinent de tenir compte de celle-ci en raison de son caractère tardif.

86      Le Parlement conteste ces arguments.

87      Premièrement, il découle de la jurisprudence évoquée au point 48 ci-dessus que le caractère tardif de la réponse à la réclamation n’est pas susceptible, en tant que tel, d’induire un défaut de motivation des actes qui faisaient l’objet de la réclamation. L’argumentation liée au caractère tardif de la réponse à la réclamation doit donc être rejetée comme inopérante.

88      Deuxièmement, s’agissant d’un défaut de motivation des lignes directrices, il peut être rappelé que la motivation d’un acte de portée générale peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 1968, Beus, 5/67, EU:C:1968:13, p. 143). De plus, il ne saurait être exigé que la motivation des actes de portée générale spécifie les différents éléments de fait ou de droit, parfois très nombreux et complexes, qui font l’objet desdits actes, dès lors que ceux-ci entrent dans le cadre systématique de l’ensemble dont ils font partie (voir, par analogie, arrêt du 8 juin 1989, AGPB, 167/88, EU:C:1989:234, point 34).

89      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

90      À ce titre, il convient de constater que, lorsque les lignes directrices ont été publiées sur l’intranet de la DG de l’interprétation et des conférences, le directeur général de cette direction y a publié, le même jour, une communication dans laquelle il a expliqué qu’un audit des services d’interprétation, mené entre avril et décembre 2015, avait révélé que la fourniture de services d’interprétation était réduite de manière significative par le fait que les interprètes n’étaient pas pleinement disponibles lorsque les députés avaient le plus besoin de leurs services. Cette communication mentionne que, à la suite de différentes consultations effectuées auprès des interprètes, il a été décidé de pallier ce problème de disponibilité des interprètes en encadrant davantage, par le biais des lignes directrices, la possibilité pour les interprètes de prendre des congés lorsque les besoins en interprétation sont importants.

91      Il découle de ce qui précède que le Parlement a indiqué la situation d’ensemble qui avait conduit à l’adoption des points C.1 et C.2 des lignes directrices et les objectifs généraux qu’ils se proposaient d’atteindre, conformément à la jurisprudence évoquée au point 88 ci-dessus. Partant, nulle insuffisance de motivation ne peut lui être reprochée en l’espèce.

92      Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré d’une insuffisance de motivation comme partiellement inopérant et partiellement non fondé.

–       Sur le grief tiré d’une violation du statut et des règles internes

93      Tout d’abord, les requérants font valoir, aux points 31 à 34 et 36 de la requête, que les lignes directrices violent l’article 4, paragraphe 5, et les articles 7, 16 et 43 des règles internes ainsi que l’article 4 de l’annexe V du statut.

94      Ensuite, les requérants mentionnent, au point 35 de la requête, que les lignes directrices dérogent à des dispositions des chapitres 2 et 3 et du titre III des règles internes.

95      Enfin, les requérants font valoir, au point 37 de la requête, que, « en ce qu’elles violent les dispositions statutaires sur le droit aux congés (titre IV et annexe V du statut) et les règles internes, les [lignes directrices] sont illégales et doivent être retirées ».

96      Le Parlement conteste ces arguments.

97      À titre liminaire, il convient de constater que l’argumentation des requérants n’est étayée qu’en ce qui concerne une violation de l’article 4, paragraphe 5, et des articles 7, 16 et 43 des règles internes ainsi que de l’article 4 de l’annexe V du statut. En effet, si les requérants ont mis en évidence, aux points 31 à 34 et 36 de la requête, les dispositions de ces articles qu’ils considèrent comme violées par les lignes directrices, ils n’ont, en revanche, pas apporté une quelconque argumentation s’agissant d’une violation des autres articles des règles internes et du statut. En application de la jurisprudence mentionnée aux points 72 et 73 ci-dessus, il convient donc d’écarter comme irrecevables les arguments des requérants relatifs à une violation de ces autres articles des règles internes et du statut.

98      Premièrement, s’agissant d’une violation de l’article 4, paragraphe 5, des règles internes, il convient de souligner que cet article dispose que « les services qui ont une faible activité pendant la période intersessions peuvent programmer les congés de leur personnel de manière à épuiser au maximum leurs droits à congé pendant cette période » et que « chaque [direction générale] prend les dispositions spécifiques en la matière, tout en tenant compte de l’intérêt du service ». Les dispositions relatives au quota, en ce qu’elles incitent les chefs d’unité linguistique de la DG de l’interprétation et des conférences à programmer les congés de leurs agents, le plus possible, durant les périodes de faible charge de travail, constituent des modalités d’application adéquates des dispositions des règles internes qu’elles ont vocation à compléter. Par conséquent, ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 4, paragraphe 5, des règles internes.

99      Deuxièmement, s’agissant d’une violation alléguée des articles 7, 16 et 43 des règles internes et de l’article 4 de l’annexe V du statut, il apparaît que ces dispositions n’ont pas de lien avec le quota et la possibilité de déroger à celui-ci. En effet, l’article 7 des règles internes porte sur les modalités générales de demande et d’annulation des congés, l’article 16 des règles internes et l’article 4 de l’annexe V du statut portent sur les modalités de report des congés non pris lors d’une année sur l’année suivante et l’article 43 des règles internes porte sur les congés spéciaux pris pour des consultations médicales. En application de la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus, il y a donc lieu d’écarter une quelconque violation des articles 7, 16 et 43 des règles internes et de l’article 4 de l’annexe V du statut.

100    Partant, il y a donc lieu d’écarter le grief tiré d’une violation des règles internes et du statut comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

–       Sur le grief tiré de la violation des droits acquis

101    Les requérants affirment que les lignes directrices violent les droits acquis des interprètes. En particulier, ils relèvent que les interprètes, avant la mise en œuvre des lignes directrices, étaient en mesure de prendre des demi-jours de congé, disposaient de délais plus courts pour poser leurs demandes de congé, pouvaient organiser leurs congés en fonction de leur vie familiale, pouvaient prendre leurs congés quand ils le souhaitaient, pouvaient annuler leurs congés plus facilement et pouvaient reporter les jours de congé d’une année sur l’autre plus facilement.

102    Les requérants estiment que les lignes directrices ont supprimé ces droits et que, partant, le Parlement a violé les droits acquis des interprètes.

103    Le Parlement conteste ces arguments.

104    À cet égard, le fait qu’une institution de l’Union ait, pendant une longue période, suivi une politique déterminée ne crée pas, pour les intéressés, un droit au maintien des avantages que cette politique a pu leur procurer (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, EU:C:1981:311, point 40).

105    En outre, l’autorité compétente est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (voir arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469, point 98 et jurisprudence citée).

106    Il s’ensuit qu’un agent ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de ce droit s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée par l’autorité compétente (arrêts du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 78).

107    En l’espèce, en application de la jurisprudence énoncée au point 106 ci-dessus, il suffit de constater que les interprètes ne peuvent se prévaloir de droits acquis s’agissant des demandes de congé introduites après l’entrée en vigueur des lignes directrices, puisque, précisément, le fait générateur ne s’est pas produit sous l’empire de la règle précédente.

108    Par ailleurs, les lignes directrices contribuent à l’effectivité de la règle figurant à l’article 4, paragraphe 5, des règles internes.

109    De plus, aucune disposition des règles internes, avant l’adoption des lignes directrices, ne reconnaissait un droit aux interprètes de prendre leurs congés quand ils le souhaitaient.

110    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré d’une violation des droits acquis comme non fondé.

–       Sur le grief tiré de l’absence de consultation des représentants du personnel et de la violation de l’article 27 de la Charte

111    Les requérants font valoir que le Parlement n’a pas consulté les interprètes avant d’adopter les lignes directrices.

112    Cette absence de consultation du personnel constituerait, selon les requérants, une violation de l’article 27 de la Charte.

113    Le Parlement conteste cette argumentation.

114    Selon l’article 27 de la Charte, les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et les conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et les pratiques nationales.

115    Il convient de souligner que cet article subordonne l’existence d’un droit subjectif à l’information et à la consultation des travailleurs à sa consécration par une norme de droit de l’Union (arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, point 45).

116    Or, force est de constater qu’aucune norme de droit de l’Union n’oblige la DG de l’interprétation et des conférences à consulter son personnel lorsqu’elle décide de mettre en place des mesures d’organisation des services d’interprétation.

117    Les interprètes n’ont donc pas un droit subjectif à la consultation directement fondé sur l’article 27 de la Charte.

118    Il y a donc lieu, en tout état de cause, de rejeter le grief tiré d’une violation de l’article 27 de la Charte comme non fondé.

–       Sur le grief tiré, premièrement, d’une violation des principes de bonne administration et de coopération loyale ainsi que du devoir de sollicitude et d’une erreur d’appréciation dans la mise en balance des intérêts des parties en présence et, deuxièmement, d’une atteinte aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique, à la vie privée et familiale et à des conditions de travail justes et équitables

119    En premier lieu, les requérants font valoir que, en ne consultant pas suffisamment les interprètes avant l’adoption des lignes directrices, le Parlement a violé les principes de bonne administration et de coopération loyale ainsi que le devoir de sollicitude et a commis une erreur d’appréciation dans la mise en balance des intérêts des parties en présence.

120    En second lieu, les requérants soutiennent, en substance, que les lignes directrices portent atteinte aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique, à la vie privée et familiale et à des conditions de travail justes et équitables.

121    Le Parlement conteste ces arguments.

122    En premier lieu, en ce qui concerne l’insuffisance de consultation des interprètes avant l’adoption des lignes directrices, qui serait constitutive d’une violation des principes de bonne administration et de coopération loyale ainsi que du devoir de sollicitude et d’une erreur d’appréciation dans la mise en balance des intérêts des parties en présence, il convient de constater que, comme le rappelle le Parlement dans ses écritures, sans être contredit par les requérants, plusieurs réunions ont eu lieu entre les interprètes ou leurs représentants, d’une part, et le Parlement, d’autre part, avant l’adoption des lignes directrices.

123    Ainsi, en janvier 2016, les interprètes ont été conviés à des réunions pendant lesquelles la question des restrictions de congé pendant les journées à forte charge de travail a été discutée. Le 29 janvier 2016, une délégation d’interprètes a pu exprimer son avis concernant cette question. Puis, pendant les mois qui ont suivi, les chefs d’unité linguistique de la DG de l’interprétation et des conférences ont évoqué cette question avec leurs agents lors des réunions d’unité. Le 9 mars 2016, la proposition finalisée des lignes directrices a été présentée lors de la réunion trimestrielle entre la direction de la DG de l’interprétation et des conférences et une délégation des interprètes.

124    Il apparaît donc que les interprètes ont eu l’opportunité, à plusieurs reprises, de donner leur opinion concernant l’adoption des lignes directrices. Il n’est donc pas établi que le Parlement ait insuffisamment consulté les interprètes avant d’adopter les lignes directrices.

125    Partant, en tout état de cause, aucune violation des principes de bonne administration et de coopération loyale ainsi que du devoir de sollicitude ni aucune erreur d’appréciation dans la mise en balance des intérêts des parties en présence ne sauraient être reprochées au Parlement s’agissant des dispositions figurant aux points C.1 et C.2 des lignes directrices.

126    En second lieu, s’agissant d’une violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, du droit à la vie privée et familiale et du droit à des conditions de travail justes et équitables, il convient de rappeler que, en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation de l’Union est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient de nature à permettre que soit atteint l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (voir arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 142 et jurisprudence citée).

127    Dans ce contexte, le juge procède à un contrôle restreint du respect du principe de proportionnalité. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans tel domaine était la seule ou la meilleure possible, mais seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci eu égard à l’objectif que les institutions compétentes entendaient poursuivre peut affecter la légalité de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, points 116 à 118).

128    En l’espèce, il apparaît que l’objectif poursuivi par les dispositions figurant aux points C.1 et C.2 des lignes directrices est d’augmenter l’efficacité du service d’interprétation interne du Parlement, en faisant en sorte que les interprètes soient disponibles lorsque les besoins en interprétation se manifestent. L’instauration du quota n’est donc pas manifestement inappropriée au regard de l’objectif poursuivi, dans la mesure où il a pour effet d’accroître le nombre d’interprètes disponibles lorsque les besoins en interprétation sont les plus importants.

129    Par ailleurs, il apparaît que le dernier paragraphe des lignes directrices prévoit que des journées de congé au-delà des quotas peuvent être accordées dans des cas dûment justifiés. Le Parlement a donc prévu un dispositif dérogatoire au quota afin de prendre en compte l’intérêt individuel des interprètes si ceux-ci ont des contraintes personnelles nécessitant la prise de congés lors des périodes de forte charge de travail, et ce même si leur quota est dépassé.

130    Partant, aucune violation des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, du droit à la vie privée et familiale et du droit à des conditions de travail justes et équitables ne peut être reprochée au Parlement.

131    Il convient donc d’écarter le grief tiré, premièrement, d’une violation des principes de bonne administration et de coopération loyale ainsi que du devoir de sollicitude et d’une erreur d’appréciation dans la mise en balance des intérêts des parties en présence et, deuxièmement, d’une atteinte aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique, à la vie privée et familiale et à des conditions de travail justes et équitables comme non fondé.

–       Sur le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

132    Les requérants relèvent que les lignes directrices mettraient en place une double violation du principe d’égalité de traitement : premièrement, entre les interprètes, d’une part, et les autres agents du Parlement, d’autre part, et, deuxièmement, entre les interprètes, dans la mesure où certains interprètes disposeraient d’un traitement différent s’agissant de l’octroi de jours de congé au-delà du quota en fonction de la relation qu’ils entretiennent avec leur supérieur hiérarchique.

133    Le Parlement conteste ce grief.

134    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, point 40 et jurisprudence citée). Il en va de même du principe de non-discrimination, lequel n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité de traitement (arrêt du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7).

135    S’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires interprètes et autres fonctionnaires, il apparaît que ces deux types d’agents ne sont pas dans une situation comparable, puisqu’ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes de travail. En effet, les besoins d’interprétation étant liés aux réunions et aux sessions parlementaires, les interprètes doivent être disponibles, le plus possible, lors des périodes de l’année où les députés sont en sessions. En cas d’absence d’un interprète durant ces périodes, le Parlement doit le remplacer dans les missions d’interprétation, solliciter parfois les services d’interprétation free-lance et modifier le planning d’interprétation ainsi que le travail de l’ensemble d’une équipe, le cas échéant.

136    En raison des différentes combinaisons linguistiques requises pour chaque réunion et des profils linguistiques variables des interprètes, le Parlement mentionne, à juste titre, que l’absence d’un seul interprète, lors des réunions ou des sessions parlementaires, a des conséquences directes et immédiates sur le fonctionnement de l’institution, souvent plus dommageables que celle des autres fonctionnaires. En effet, une telle absence est susceptible, par exemple, d’empêcher la bonne tenue d’une réunion parlementaire.

137    Il découle de ce qui précède que les interprètes, d’une part, et les autres agents du Parlement, d’autre part, ne se trouvent pas dans une situation comparable en matière de congés. Partant, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne peut, dès lors, être reprochée au Parlement du fait des dispositions figurant aux points C.1 et C.2 des lignes directrices.

138    Par ailleurs, s’agissant des cas de violation du principe d’égalité de traitement au sein de la DG de l’interprétation et des conférences, où certains interprètes se seraient vu octroyer des jours de congé au-delà des cinq jours de congé durant les périodes de forte charge de travail alors que d’autres collègues se les seraient vu refuser sans justification, il suffit de relever que les requérants ne précisent pas quels sont les cas en question.

139    Or, selon la jurisprudence mentionnée au point 73 ci-dessus, ce dernier argument n’est pas suffisamment étayé, en violation de l’article 76 du règlement de procédure. Il doit donc être rejeté comme irrecevable et, partant, le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement doit être également rejeté dans sa totalité.

140    Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré d’une exception d’illégalité des lignes directrices dans sa totalité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une absence de motivation de la décision du 2 juin 2016

141    Comme cela est évoqué aux points 43 à 45 ci-dessus, il convient de souligner que l’argumentation des requérants, exposée aux points 24 à 30 de la requête, repose en majeure partie sur le fait qu’ils n’auraient pas reçu de réponse à leur réclamation.

142    C’est seulement au point 30 de la requête qu’il est précisé qu’« il convient d’annuler les décisions litigieuses au motif qu’aucun élément de ces décisions ne permet d’apprécier la motivation sous-tendant l’adoption de ces actes ». Selon l’interprétation faite par le Tribunal de ce point de la requête, les requérants y font valoir que la décision du 2 juin 2016 ne serait pas suffisamment motivée.

143    Dans la réplique, les requérants précisent qu’ils ont reçu une réponse à leur réclamation, mais qu’il ne serait pas pertinent de tenir compte de celle-ci en raison de son caractère tardif.

144    Le Parlement conteste ce moyen.

145    Premièrement, il découle de la jurisprudence évoquée au point 48 ci-dessus que le caractère tardif de la réponse à la réclamation n’est pas susceptible, en tant que tel, d’induire un défaut de motivation des actes qui faisaient l’objet de la réclamation. L’argumentation liée au caractère tardif de la réponse à la réclamation doit donc être rejetée comme inopérante.

146    Deuxièmement, à la lumière de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, il suffit de constater que Mme Joostens a reçu un message électronique de l’administration qui l’a informée que sa demande de congé devait être rejetée au motif que son quota était épuisé, que les nouvelles règles en matière de congés étaient disponibles sur l’intranet de la DG de l’interprétation et des conférences et qu’elle serait en mesure de faire une nouvelle demande de congé lors de la semaine précédant le congé demandé. De plus, comme il est exposé au point 52 ci-dessus, Mme Joostens a participé à la réunion du 5 janvier 2016, au cours de laquelle le Parlement a expliqué aux interprètes la mise en place des lignes directrices.

147    Dès lors, il convient de rejeter le moyen tiré d’une absence de motivation de la décision du 2 juin 2016 comme non fondé et, partant, de rejeter les conclusions en annulation de cette même décision.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 13 juin 2016

148    Les requérants contestent la légalité de la décision du 13 juin 2016, par laquelle la demande de congé de M. Grosjean a été refusée au motif qu’elle ne visait qu’une demi-journée de travail.

149    À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants soulèvent trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7 des règles internes, le deuxième, d’une exception d’illégalité des lignes directrices et, le troisième, d’une absence de motivation.

150    Il convient d’examiner directement le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des lignes directrices.

151    Les requérants appuient leur exception d’illégalité sur les griefs exposés dans les conclusions tendant, au principal, à l’annulation des lignes directrices, à savoir ceux dont la liste est mentionnée au point 77 ci-dessus.

152    Il convient d’examiner directement le deuxième grief, tiré d’une violation du statut et des règles internes.

153    À titre liminaire, en application de la jurisprudence énoncée au point 80 ci-dessus, il convient de rappeler que la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige et que, à défaut d’un lien étroit entre l’illégalité invoquée de l’acte de portée générale et les motifs de la décision attaquée, l’exception d’illégalité doit être déclarée irrecevable.

154    Ainsi, l’exception d’illégalité n’est recevable qu’en ce qu’elle critique les dispositions des lignes directrices qui constituent la base juridique de la décision du 13 juin 2016. En l’espèce, il s’agit de la disposition, visée au point C.1 des lignes directrices, selon laquelle un interprète ne peut faire une demande de congé sous forme de demi-journées lors des périodes de forte charge de travail, à l’exception du lundi après-midi et du vendredi (ci-après la « disposition “demi-jour de congé” »).

155    Dans le cadre de leur grief, les requérants font valoir les mêmes arguments que ceux exposés aux points 93 à 95 ci-dessus.

156    Le Parlement conteste ces arguments.

157    Selon le Parlement, l’interdiction de prendre des demi-jours de congé pendant les périodes de forte charge de travail existait au sein de la DG de l’interprétation et des conférences avant même l’adoption des lignes directrices et serait justifiée par l’intérêt du service, conformément à l’article 2 de l’Annexe V du statut et des règles internes.

158    En effet, le Parlement fait valoir que l’absence d’un interprète fonctionnaire doit être suppléée, le cas échéant, par le recrutement d’un interprète free-lance. Or, les interprètes free-lance ne pourraient être recrutés que par journées entières, en vertu d’une convention signée entre le Parlement et ceux-ci. Dans une perspective d’économie budgétaire, le Parlement a donc choisi de restreindre la possibilité de prendre des demi-jours de congé pendant les périodes de forte charge de travail.

159    En l’espèce, il convient de constater que l’article 1 des règles internes dispose que, « sauf dispositions contraires, les présentes règles internes en matière de congés sont applicables à l’ensemble du personnel, à l’exclusion des stagiaires et des boursiers ».

160    De plus, l’article 7, paragraphe 1, des règles internes dispose que « les demandes de congés annuels sont formulées en journées et demi-journées ».

161    Il découle donc des dispositions précédentes que le Parlement confère à ses agents, et notamment aux interprètes, le droit de demander des demi-journées de congé. Force est de constater qu’aucune disposition des règles internes n’introduit une restriction temporelle ou n’habilite une direction générale à prendre une disposition visant à introduire une telle restriction.

162    En particulier, il ressort des lignes directrices que celles-ci n’ont été adoptées qu’en vue de mettre en œuvre l’article 4, paragraphe 5, des règles internes.

163    Cet article précise que « les services qui ont une faible activité pendant la période intersessions peuvent programmer les congés de leur personnel de manière à épuiser au maximum leurs droits à congé pendant cette période » et que « [c]haque [direction générale] prend les dispositions spécifiques en la matière, tout en tenant compte de l’intérêt du service ».

164    Le Tribunal rappelle que toute disposition du droit de l’Union doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Plato Plastik Robert Frank, C‑341/01, EU:C:2004:254, point 64 et jurisprudence citée) et en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier (arrêts du 12 novembre 1969, Stauder, 29/69, EU:C:1969:57, point 3, et du 7 juillet 1988, Moksel Import und Export, 55/87, EU:C:1988:377, point 15).

165    Il découle des termes de l’article 4, paragraphe 5, des règles internes que l’habilitation donnée par le secrétariat général du Parlement à la DG de l’interprétation et des conférences est restreinte à la seule mise en place d’une organisation des congés visant à ce que les congés des interprètes soient pris, le plus possible, lors des périodes de faible charge de travail. Partant, cette habilitation n’autorisait pas la DG de l’interprétation et des conférences à adopter des dispositions autres que celles participant à l’objectif de faire en sorte que les congés des interprètes soient pris, le plus possible, lors des périodes de faible charge de travail et, en particulier, des dispositions contredisant d’autres dispositions des règles internes.

166    Or, comme l’a admis le Parlement au cours de l’audience, la disposition « demi-jour de congé » a été introduite dans les lignes directrices non pas pour faire en sorte que les congés des interprètes soient pris, le plus possible, lors des périodes de faible charge de travail, mais dans une perspective d’économie budgétaire, liée au fait que l’absence d’une demi-journée d’un interprète fonctionnaire était susceptible d’occasionner le recrutement d’un interprète free-lance pour une journée entière, en vertu d’une convention passée entre le Parlement et les interprètes free-lance. Dans cette hypothèse, une demande de congé d’un interprète portant sur une demi-journée était en effet susceptible d’occasionner un surcoût financier pour l’institution, puisqu’à la fois l’interprète fonctionnaire et l’interprète free-lance seraient rémunérés pour la demi-journée restante.

167    Il découle des considérations précédentes que le Parlement n’était pas fondé, sur la base de l’article 4, paragraphe 5, des règles internes, à restreindre le droit des interprètes, inscrit à l’article 7, paragraphe 1, des règles internes, de demander des demi-journées de congé tout au long de l’année.

168    Pareille conclusion n’est pas contredite par l’argumentation du Parlement selon laquelle une règle équivalente à la disposition « demi-jour de congé » existait déjà au sein de la DG de l’interprétation et des conférences et qu’elle était justifiée par l’intérêt du service, conformément à l’article 2 de l’annexe V du statut et des règles internes. En effet, ce constat est sans effet sur le fait que la disposition « demi-jour de congé » restreint illégalement la portée de l’article 7, paragraphe 1, des règles internes.

169    Il y a donc lieu d’accueillir l’exception d’illégalité soulevée par les requérants et de constater, en application de la jurisprudence mentionnée au point 81 ci-dessus, l’illégalité de la disposition « demi-jour de congé » des lignes directrices, cette disposition étant détachable des autres dispositions des lignes directrices.

170    Or, il découle de la motivation de la décision du 13 juin 2016 que celle-ci a précisément été prise en application de la disposition « demi-jour de congé ».

171    La décision du 13 juin 2016 étant fondée sur cette disposition, il convient, dès lors, de l’annuler, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation de ladite décision.

 Sur les dépens

172    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

173    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que chaque partie succombe sur au moins un chef. Il y a donc lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 13 juin 2016 refusant un congé sollicité par M. Stéphane Grosjean est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 La liste des autres fonctionnaires n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.