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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 avril 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Règlement (CE) no 1107/2009 – Autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Examen en vue de l’autorisation – Article 4 – Article 29 – Conditions – Absence d’effet nocif – Critères – Propriétés perturbant le système endocrinien – Règlement (UE) 2018/605 – Principe de précaution – État actuel des connaissances scientifiques et techniques »

Dans les affaires jointes C‑309/22 et C‑310/22,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas), par décisions du 3 mai 2022, parvenues à la Cour le 11 mai 2022, dans les procédures

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe)

contre

College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden,

en présence de :

Adama Registrations BV (Adama) (C‑309/22),

BASF Nederland BV (C‑310/22),

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. N. Piçarra et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), par MM. H. Muilerman et G. Simon, experts, et Me M. R. J. Baneke, advocaat,

–        pour Adama Registrations BV (Adama), par Mes E. Broeren et A. Freriks, advocaten,

–        pour BASF Nederland BV, par Mes E. Broeren et A. Freriks, advocaten,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par Mme S. Šindelková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes K. Konsta, E.-E. Krompa, E. Leftheriotou et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. C. Becker et M. M. ter Haar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 28 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 4, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2018/605 de la Commission, du 19 avril 2018, modifiant l’annexe II du règlement (CE) no 1107/2009 en établissant des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien (JO 2018, L 101, p. 33, et rectificatif JO 2018, L 111, p. 10) (ci-après le « règlement no 1107/2009 »), lus en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II de ce règlement, ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 2 du règlement 2018/605.

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) au College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden (Conseil pour l’autorisation des produits phytopharmaceutiques et biocides, Pays‑Bas) (ci-après le « CTGB ») au sujet du rejet, par ce dernier, respectivement, d’une part, de la réclamation de PAN Europe dirigée contre la décision de celui-ci d’autoriser la mise sur le marché néerlandais du produit phytopharmaceutique Pitcher contenant la substance active fludioxonil et, d’autre part, de la réclamation de PAN Europe dirigée contre la décision du CTGB d’autoriser la mise sur le marché néerlandais du produit phytopharmaceutique Dagonis contenant la substance active difénoconazole.

 Le cadre juridique

 Le règlement no 1107/2009

3        Les considérants 8, 24 et 29 du règlement no 1107/2009 énoncent :

« (8)      Le présent règlement a pour objet de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, et dans le même temps de préserver la compétitivité de l’agriculture communautaire. Il convient d’accorder une attention particulière à la protection des groupes vulnérables de la population, notamment les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants. Le principe de précaution devrait être appliqué et le présent règlement devrait assurer que l’industrie démontre que les substances ou produits fabriqués ou mis sur le marché n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement.

[...]

(24)      Les dispositions régissant l’octroi des autorisations doivent garantir un niveau élevé de protection. Lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale. Par conséquent, il devrait être démontré, avant leur mise sur le marché, que les produits phytopharmaceutiques présentent un intérêt manifeste pour la production végétale et n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale, notamment celle des groupes vulnérables, ou d’effet inacceptable sur l’environnement.

[...]

(29)      Le principe de reconnaissance mutuelle est l’un des moyens de garantir la libre circulation des marchandises au sein de la Communauté. Pour éviter les doubles emplois, réduire la charge administrative pesant sur l’industrie et les États membres et prévoir une mise à disposition plus harmonisée des produits phytopharmaceutiques, les autorisations accordées par un État membre devraient être acceptées par les autres États membres lorsque les conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales (y compris climatiques) sont comparables. La Communauté devrait dès lors être divisée en zones présentant de telles conditions comparables, afin de faciliter une telle reconnaissance mutuelle. Toutefois, des circonstances environnementales ou agricoles propres au territoire d’un ou de plusieurs États membres pourraient nécessiter que, sur demande, les États membres reconnaissent ou modifient une autorisation délivrée par un autre État membre, ou refusent d’autoriser le produit phytopharmaceutique sur leur territoire, si des circonstances agricoles ou environnementales particulières le justifient ou si le niveau élevé de protection de la santé tant humaine qu’animale et de l’environnement prévu dans le présent règlement ne peut être assuré. Des conditions appropriées devraient également pouvoir être imposées au regard des objectifs définis dans le plan d’action national adopté conformément à la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation [des pesticides compatible avec le développement durable (JO 2009, L 309, p. 71)]. »

4        L’article 1er de ce règlement, intitulé « Objet et finalité », dispose, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3.      Le présent règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, tout en améliorant la production agricole.

4.      Les dispositions du présent règlement se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. En particulier, les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire. »

5        Figurant dans le chapitre II dudit règlement, intitulé « Substances actives, phytoprotecteurs, synergistes et coformulants », l’article 4 de celui-ci, intitulé « Critères d’approbation des substances actives », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.      Une substance active est approuvée conformément à l’annexe II s’il est prévisible, eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3.

L’évaluation de la substance active vise en premier lieu à déterminer s’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés aux points 3.6.2 à 3.6.4 et 3.7 de l’annexe II. Si tel est le cas, l’évaluation se poursuit pour déterminer s’il est satisfait aux autres critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de l’annexe II.

[...]

3.      Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfait aux conditions suivantes :

a)      il est suffisamment efficace ;

b)      il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (compte tenu des substances résultant du traitement de l’eau), des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité [européenne de sécurité des aliments (EFSA)], sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ;

c)      il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ;

d)      il ne provoque ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ;

e)      il n’a pas d’effet inacceptable sur l’environnement, compte tenu particulièrement des éléments suivants, lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’[EFSA], sont disponibles :

[...] »

6        Au chapitre III du règlement no 1107/2009, intitulé « Produits phytopharmaceutiques », figure la section 1, portant sur l’autorisation, dont la sous-section 1, intitulée « Exigences et contenu », comporte les articles 28 à 32 de ce règlement.

7        L’article 29 dudit règlement, intitulé « Conditions d’autorisation de mise sur le marché », dispose :

1.      Sans préjudice de l’article 50, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si, selon les principes uniformes visés au paragraphe 6, il satisfait aux exigences suivantes :

a)      ses substances actives, phytoprotecteurs et synergistes ont été approuvés ;

[...]

e)      dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, il satisfait aux conditions prévues à l’article 4, paragraphe 3 ;

[...]

6.      Des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques comprennent les exigences énoncées à l’annexe VI de la directive 91/414/CEE [du Conseil, du 15 juin 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1),] et sont définis dans des règlements adoptés selon la procédure consultative visée à l’article 79, paragraphe 2, sans modifications substantielles. Les modifications ultérieures apportées à ces règlements sont adoptées en vertu de l’article 78, paragraphe 1, point c).

En vertu de ces principes, l’interaction entre la substance active, les phytoprotecteurs, les synergistes et les coformulants doit être prise en compte lors de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques. »

8        La sous-section 2, intitulée « Procédure », figurant à la section 1, portant sur l’autorisation, de ce chapitre III du règlement no 1107/2009, comporte les articles 33 à 39 de celui-ci.

9        Aux termes de l’article 36 de ce règlement, intitulé « Examen en vue de l’autorisation » :

« 1.      L’État membre examinant la demande procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande. Il donne à tous les États membres de la même zone la possibilité de faire part de leurs observations, qui seront examinées lors de l’évaluation.

Il applique les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques visés à l’article 29, paragraphe 6, pour déterminer, dans la mesure du possible, si le produit phytopharmaceutique satisfait aux exigences prévues à l’article 29 dans la même zone, lorsqu’il est utilisé conformément à l’article 55 et dans des conditions réalistes d’emploi.

L’État membre examinant la demande met son évaluation à la disposition des autres États membres de la zone. La structure du rapport d’évaluation est définie conformément à la procédure consultative visée à l’article 79, paragraphe 2.

2.      Les États membres concernés accordent ou refusent les autorisations sur la base des conclusions de l’évaluation réalisée par l’État membre examinant la demande, conformément aux dispositions des articles 31 et 32.

3.      Par dérogation au paragraphe 2 et sous réserve du droit communautaire, des conditions appropriées peuvent être imposées en ce qui concerne les exigences visées à l’article 31, paragraphes 3 et 4, et d’autres mesures d’atténuation des risques découlant de conditions d’utilisation spécifiques.

Lorsque la mise en place de mesures nationales d’atténuation des risques visées au premier alinéa ne permettent pas de répondre aux préoccupations d’un État membre liées à la santé humaine ou animale ou à l’environnement, un État membre peut refuser l’autorisation du produit phytopharmaceutique sur son territoire si, en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement.

Cet État membre informe immédiatement le demandeur et la Commission [européenne] de sa décision et fournit les éléments techniques ou scientifiques à l’appui de cette décision.

Les États membres prévoient la possibilité d’attaquer une décision refusant l’autorisation de tels produits devant les juridictions nationales ou d’autres instances d’appel. »

10      La sous-section 4, intitulée « Renouvellement, retrait et modification », figurant à la section 1, portant sur l’autorisation, dudit chapitre III du règlement no 1107/2009, comporte les articles 43 à 46 de celui-ci.

11      Le chapitre IX de ce règlement, intitulé « Situations d’urgence », comporte les articles 69 à 71 de celui-ci.

12      L’article 69 dudit règlement, intitulé « Mesures d’urgence », est libellé comme suit :

« Lorsqu’il apparaît clairement qu’une substance active, un phytoprotecteur, un synergiste ou un coformulant approuvé ou un produit phytopharmaceutique qui a été autorisé en vertu du présent règlement est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou l’environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante au moyen des mesures prises par l’État membre ou les États membres concernés, des mesures visant à restreindre ou interdire l’utilisation et/ou la vente de la substance ou du produit en question sont prises immédiatement selon la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3, soit à l’initiative de la Commission, soit à la demande d’un État membre. Avant d’arrêter de telles mesures, la Commission examine les éléments disponibles et peut demander l’avis de l’[EFSA]. La Commission peut fixer le délai imparti à l’[EFSA] pour émettre cet avis. »

13      L’annexe I du règlement no 1107/2009 établit trois zones d’autorisation des produits phytopharmaceutiques [la zone A (Nord), la zone B (Centre) et la zone C (Sud)] et définit les États membres qui appartiennent à chacune de ces zones.

14      L’annexe II dudit règlement porte sur la procédure et les critères d’approbation des substances actives, phytoprotecteurs et synergistes conformément au chapitre II. Dans cette annexe II figure le titre 3, intitulé « Critères d’approbation d’une substance active », dont le sous‑titre 3.6 porte l’intitulé « Incidence sur la santé humaine ».

15      Le point 3.6.5 de cette annexe II prévoit, avec effet au 10 novembre 2018, les critères spécifiques sur la base desquels une substance active, un phytoprotecteur ou un synergiste doivent être considérés comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien qui peuvent causer des effets indésirables chez l’homme.

16      Le point 3.8.2 de ladite annexe II prévoit, avec effet au 10 novembre 2018, les critères spécifiques sur la base desquels une substance active, un phytoprotecteur ou un synergiste doivent être considérés comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien qui peuvent causer des effets indésirables sur des organismes non cibles.

 Le règlement (UE) no 546/2011

17      Aux termes de l’article 1er du règlement (UE) no 546/2011 de la Commission, du 10 juin 2011, portant application du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques (JO 2011, L 155, p. 127), adopté sur le fondement de l’article 29, paragraphe 6, et de l’article 84 du règlement no 1107/2009 :

« Les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques visés à l’article 29, paragraphe 6, du règlement [no 1107/2009] sont établis à l’annexe du présent règlement. »

18      La partie I de l’annexe du règlement no 546/2011, relative aux « [p]rincipes uniformes pour l’évaluation et l’autorisation des produits phytopharmaceutiques chimiques », comporte un titre A, intitulé « Introduction », dont le point 2 est ainsi libellé :

« Lors de l’évaluation des demandes et de l’octroi des autorisations, les États membres :

[...]

c)      prennent en considération les autres éléments d’information d’ordre technique ou scientifique dont ils peuvent raisonnablement disposer et qui sont relatifs au rendement du produit phytopharmaceutique ou aux effets nuisibles potentiels du produit phytopharmaceutique, de ses composantes ou de ses résidus. »

19      Cette partie I comporte un titre B, intitulé « Évaluation », dont le point 1.1 énonce :

« Les États membres évaluent les informations visées [au titre A, point 2], selon l’état des connaissances scientifiques et techniques ; en particulier :

a)      ils apprécient l’efficacité et la phytotoxicité du produit phytopharmaceutique pour chaque utilisation qui fait l’objet d’une demande d’autorisation ; et

b)      ils déterminent et évaluent le danger qu’il présente et apprécient les risques qu’il peut comporter pour l’homme, les animaux ou l’environnement. »

 Le règlement 2018/605

20      Les considérants 1, 2, 5 et 8 du règlement 2018/605 énoncent :

« (1)      Il convient d’élaborer des critères scientifiques permettant de déterminer les propriétés des substances actives, des phytoprotecteurs et des synergistes perturbant le système endocrinien en tenant compte des objectifs du règlement [no 1107/2009], à savoir, d’une part, assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en garantissant en particulier que les substances ou produits mis sur le marché n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement et, d’autre part, améliorer le fonctionnement du marché intérieur, tout en améliorant la production agricole.

(2)      Dans le cadre de son programme international sur la sécurité des substances chimiques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé, en 2002, une définition des perturbateurs endocriniens [...], puis, en 2009, une définition des effets indésirables [...] Ces définitions font désormais l’objet d’un très large consensus entre scientifiques. L’[EFSA] les a approuvées dans son avis scientifique concernant les perturbateurs endocriniens adopté le 28 février 2013 [...] Le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs partage également ce point de vue [...] Il convient par conséquent de fonder les critères pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien sur ces définitions de l’OMS.

[...]

(5)      Étant donné que les critères scientifiques spécifiques exposés dans le présent règlement reflètent l’état des connaissances scientifiques et techniques actuelles et doivent être appliqués en lieu et place des critères actuellement énoncés à l’annexe II, point 3.6.5, du règlement [no 1107/2009], il convient qu’ils figurent dans ladite annexe.

[...]

(8)      Les critères pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien reflètent l’état des connaissances scientifiques et techniques actuelles et permettront d’identifier avec plus de précision les substances actives ayant des propriétés perturbant le système endocrinien. Il convient donc que les nouveaux critères s’appliquent dès que possible, en tenant compte du temps nécessaire pour permettre aux États membres et à l’[EFSA] de se préparer à leur application. C’est pourquoi ces critères devraient s’appliquer à partir du 10 novembre 2018, sauf si le comité concerné a voté sur un projet de règlement au plus tard le 10 novembre 2018. La Commission examinera les implications pour chaque procédure en cours en vertu du règlement [no 1107/2009] et prendra, le cas échéant, les mesures appropriées dans le respect des droits des demandeurs. Cela pourrait inclure une demande de renseignements complémentaires au demandeur et/ou de données scientifiques supplémentaires à l’État membre rapporteur et à l’[EFSA]. »

21      L’article 2 de ce règlement dispose :

« Les points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement [no 1107/2009], tel que modifié par le présent règlement, s’appliquent à partir du 10 novembre 2018, excepté dans le cas des procédures pour lesquelles le comité a voté sur un projet de règlement au plus tard le 10 novembre 2018. »

 Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

 L’affaire C309/22

22      Le Pitcher est un produit phytopharmaceutique, plus spécifiquement un fongicide à usage professionnel destiné au traitement par immersion de certaines cultures de bulbes et de tubercules à fleurs et au traitement de certaines cultures pérennes et floricoles. Il est composé d’un mélange des substances actives fludioxonil et folpet ainsi que de sept auxiliaires de formulation.

23      La validité de l’approbation du fludioxonil, en tant que substance active, au titre du règlement no 1107/2009, a été prolongée dans l’Union européenne, jusqu’au 31 octobre 2022, par le règlement d’exécution (UE) 2021/1449 de la Commission, du 3 septembre 2021, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la validité de l’approbation des substances actives amidosulfuron, bifénox, chlorméquat, chlorotoluron, clofentézine, clomazone, cyperméthrine, daminozide, deltaméthrine, dicamba, difénoconazole, diflufénican, diméthachlore, étofenprox, fenoxaprop-P, fenpropidine, fludioxon[i]l, flufénacet, fosthiazate, huile de paraffine, huiles de paraffine, hydroxy-8-quinoléine, indoxacarbe, lénacile, MCPA, MCPB, nicosulfuron, penconazole, phénylphénol-2 (y compris ses sels comme le sel de sodium), piclorame, propaquizafop, prosulfocarbe, quizalofop-P-éthyle, quizalofop-P-téfuryle, soufre, tétraconazole, triallate, triflusulfuron et tritosulfuron (JO 2021, L 313, p. 20).

24      La validité de l’approbation du folpet, en tant que substance active, au titre du règlement no 1107/2009, a été prolongée dans l’Union, jusqu’au 31 juillet 2022, par le règlement d’exécution (UE) 2021/745 de la Commission, du 6 mai 2021, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la validité de l’approbation des substances actives sulfate d’ammonium et d’aluminium, silicate d’aluminium, beflubutamid, benthiavalicarb, bifénazate, boscalid, carbonate de calcium, captane, dioxyde de carbone, cymoxanil, diméthomorphe, éthéphon, extrait de l’arbre à thé, famoxadone, résidus de distillation de graisses, acides gras de C7 à C20, flumioxazine, fluoxastrobine, flurochloridone, folpet, formétanate, acide gibbérellique, gibbérellines, heptamaloxyloglucan, protéines hydrolysées, sulfate de fer, métazachlore, métribuzine, milbémectine, Paecilomyces lilacinus — souche 251, phenmedipham, phosmet, pirimiphos-méthyl, huiles végétales/huile de colza, hydrogénocarbonate de potassium, propamocarbe, prothioconazole, sable quartzeux, huile de poisson, répulsifs olfactifs d’origine animale ou végétale/graisses de mouton, S-métolachlore, phéromones de lépidoptères à chaîne linéaire, tébuconazole et urée (JO 2021, L 160, p. 89).

25      Des demandes de renouvellement de la validité de ces approbations ont été introduites, auxquelles, au jour de la demande de décision préjudicielle, il n’avait pas encore été répondu.

26      Le 15 septembre 2015, Adama Registrations BV (Adama) a déposé, aux Pays-Bas, une demande de première autorisation de mise sur le marché du Pitcher.

27      Par décision du 4 octobre 2019, le CTGB a accordé cette autorisation jusqu’au 31 juillet 2021.

28      PAN Europe a introduit une réclamation contre cette décision. Le CTGB a déclaré cette réclamation non fondée, par décision du 2 septembre 2020.

29      PAN Europe a dès lors saisi le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à l’annulation de cette décision du 2 septembre 2020.

30      Devant la juridiction de renvoi, PAN Europe fait valoir que le CTGB n’a pas évalué les propriétés perturbant le système endocrinien de la substance active fludioxonil. Or, cette substance, qui est contenue dans le produit Pitcher, posséderait de telles propriétés, ce qui aurait dû conduire le CTGB à refuser l’autorisation de mise sur le marché néerlandais du Pitcher. Selon PAN Europe, le CTGB doit évaluer les propriétés perturbant le système endocrinien d’un produit phytopharmaceutique, dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation de mise sur le marché de celui-ci, à la lumière de l’état des connaissances scientifiques et techniques à la date de la décision sur cette demande.

31      Le CTGB avance, devant la juridiction de renvoi, que les propriétés perturbant le système endocrinien n’ont pas à être réévaluées dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation du produit phytopharmaceutique en cause, dont la substance active approuvée est un composant. Selon lui, les nouveaux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, tels qu’ils résultent du règlement 2018/605, ne concernent que l’approbation de la substance active fludioxonil ou le réexamen de l’approbation de cette substance active au niveau de l’Union. En outre, ce sont l’état des connaissances scientifiques et techniques ainsi que les documents d’orientation disponibles à la date de la demande d’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique qui seraient déterminants aux fins de l’évaluation des risques concernant ce produit.

32      En partant de la prémisse que les propriétés perturbant le système endocrinien doivent être évaluées lors de l’examen au niveau national d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, la juridiction de renvoi cherche à savoir, tout d’abord, si l’article 2 du règlement 2018/605 implique que l’autorité nationale compétente est tenue d’appliquer les nouveaux critères de détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, énoncés par ce règlement, y compris dans le cadre des procédures entamées avant le 10 novembre 2018, date d’application de ces nouveaux critères, qui sont encore pendantes à cette date.

33      Elle relève à cet égard que la demande d’autorisation de mise sur le marché du Pitcher a été déposée avant le 10 novembre 2018, à savoir le 15 septembre 2015, et que le CTGB a pris une décision à cet égard après le 10 novembre 2018, à savoir le 4 octobre 2019. Le règlement 2018/605 est donc entré en vigueur alors que cette demande était en cours.

34      Ensuite, dans l’hypothèse où les nouveaux critères de détermination des propriétés perturbant le système endocrinien ne s’appliqueraient pas dans le cadre des procédures entamées avant le 10 novembre 2018 et qui sont encore pendantes à cette date, la juridiction de renvoi se demande si ces procédures doivent être suspendues dans l’attente des conclusions de la Commission sur les conséquences du règlement 2018/605, eu égard au considérant 8 de celui-ci.

35      Enfin, s’il n’y a pas lieu de suspendre lesdites procédures, la juridiction de renvoi se demande s’il suffit que l’autorité nationale compétente effectue une évaluation des propriétés perturbant le système endocrinien du produit phytopharmaceutique en cause sur la base des seules données connues au moment de la demande d’autorisation de mise sur le marché de ce produit, même si les connaissances scientifiques et techniques auxquelles fait référence cette demande ne sont plus d’actualité à la date de l’adoption de la décision sur cette demande.

36      Dans ces conditions, le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2 du règlement 2018/605 implique-t-il que l’autorité compétente doit également appliquer les nouveaux critères de détermination de propriétés de perturbation endocrinienne dans les procédures d’évaluation et de décision relatives à des demandes d’autorisation toujours en cours le 10 novembre 2018, eu égard également à l’article 29, paragraphe 1, initio et sous e), conjointement avec l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009 ?

2)      Si la première question appelle une réponse négative, incombe-t-il à l’autorité compétente de suspendre les procédures d’évaluation et de décision relatives à des demandes d’autorisation dans l’attente des conclusions de la [Commission] sur les conséquences du règlement 2018/605 pour toute procédure en cours dans le cadre du règlement no 1107/2009, compte tenu du considérant 8 du règlement 2018/605 ?

3)      Si cette deuxième question appelle une réponse négative, l’autorité compétente peut-elle se contenter d’une évaluation faite sur la base des seules données connues au moment de la demande, même si les connaissances scientifiques et techniques qu’elles comportent ne sont plus d’actualité au moment où la décision attaquée est prise ? »

 L’affaire C310/22

37      Le Dagonis est un produit phytopharmaceutique, plus spécifiquement un fongicide destiné, notamment, à lutter contre l’oïdium et la tache septorienne. Il contient les substances actives difénoconazole et fluxapyroxad.

38      La substance active difénoconazole a été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414 par la directive 2008/69/CE de la Commission, du 1er juillet 2008, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire les substances actives clofentézine, dicamba, difénoconazole, diflubenzuron, imazaquine, lénacile, oxadiazon, piclorame et pyriproxyfène (JO 2008, L 172, p. 9), en tant que substance active dont l’incorporation est autorisée dans les produits phytopharmaceutiques, avec effet au 1er janvier 2009.

39      Après l’entrée en vigueur du règlement no 1107/2009, cette inscription du difénoconazole a été convertie en une approbation, en tant que substance active, au titre de ce règlement par le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1).

40      La validité de cette approbation du difénoconazole a été prolongée plusieurs fois, notamment par le règlement d’exécution (UE) 2021/1449, jusqu’au 31 décembre 2022.

41      La juridiction de renvoi indique que le règlement d’exécution (UE) 2015/408 de la Commission, du 11 mars 2015, relatif à l’application de l’article 80, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et l’établissement d’une liste de substances dont on envisage la substitution (JO 2015, L 67, p. 18), désigne le difénoconazole comme étant une substance active dont la substitution est envisagée.

42      Le fluxapyroxad a été approuvé en tant que substance active par le règlement d’exécution (UE) no 589/2012 de la Commission, du 4 juillet 2012, approuvant la substance active fluxapyroxad, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2012, L 175, p. 7), avec effet au 1er janvier 2013 et une expiration prévue pour le 31 décembre 2022.

43      BASF Nederland BV a demandé l’autorisation de mise sur le marché du Dagonis dans plusieurs États membres.

44      En ce qui concerne le Royaume des Pays-Bas, cette demande a été présentée le 22 janvier 2016, de sorte que cet État membre devait décider de l’autorisation de ce produit, en tant qu’État membre concerné, au sens de l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009.

45      Pour la zone B (Centre), qui comprend le Royaume des Pays-Bas, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a procédé à une évaluation scientifique des risques concernant le Dagonis, en tant qu’État membre examinant la demande au titre de l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement.

46      Par décision du 3 mai 2019, le CTGB a accordé une autorisation de mise sur le marché néerlandais du Dagonis, jusqu’au 31 décembre 2020, pour le traitement des cultures de pommes de terre, de fraises et de divers légumes, herbes et fleurs.

47      PAN Europe a introduit une réclamation contre cette décision devant le CTGB, qui, par décision du 13 novembre 2019, a rejeté partiellement cette réclamation et a confirmé ladite décision du 3 mai 2019, tout en modifiant les motifs de cette dernière.

48      PAN Europe a dès lors saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant à l’annulation de cette décision du 13 novembre 2019.

49      Devant la juridiction de renvoi, PAN Europe fait valoir que le CTGB n’a pas évalué les propriétés perturbant le système endocrinien du Dagonis et n’aurait donc pas dû autoriser sa mise sur le marché néerlandais. À cet égard, il ressortirait du dossier fourni par BASF Nederland et de six études présentées par PAN Europe que la substance active difénoconazole possède de telles propriétés. Selon PAN Europe, il découle de l’article 29, paragraphe 1, sous e), lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, ainsi que de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), que le CTGB doit évaluer les propriétés de perturbation endocrinienne d’un produit phytopharmaceutique, dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation de celui-ci, à la lumière de l’état des connaissances scientifiques et techniques à la date de la décision sur cette demande. PAN Europe soutient que de nouveaux critères d’évaluation des propriétés perturbant le système endocrinien, auxquels le Dagonis ne serait pas conforme, résultent du règlement 2018/605 ainsi que du document « Guidance for the Identification of endocrine disruptors in the context of Regulations (EU) N o 528/2012 and (EC) N o 1107/2009 » [guide pour l’identification des perturbateurs endocriniens dans le cadre des règlements (UE) no 528/2012 et (CE) no 1107/2009], établi par l’EFSA.

50      Le CTGB avance, devant la juridiction de renvoi, que ces propriétés n’ont pas à être réévaluées dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, dont la substance active approuvée est un composant. Selon lui, il découle notamment du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, du règlement 2018/605 et du document de l’EFSA mentionné au point précédent du présent arrêt que les nouveaux critères pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien ne concernent que l’approbation de la substance active ou le réexamen de l’approbation de celle-ci au niveau de l’Union. Le CTGB fait valoir qu’il suffit, pour qu’une autorisation de mise sur le marché soit accordée, que soit remplie la condition prévue à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1107/2009, selon laquelle la substance active doit être approuvée. Par ailleurs, le règlement 2018/605 ne s’appliquerait qu’aux décisions d’approbation prises après le 10 novembre 2018. Or, la décision d’approbation de la substance active difénoconazole aurait été adoptée le 1er juillet 2008.

51      BASF Nederland, qui soutient la position du CTGB devant la juridiction de renvoi, fait valoir que, lors de l’examen de la demande d’autorisation du Dagonis, les propriétés perturbant le système endocrinien de la substance active difénoconazole ont été prises en compte, ainsi que cela ressort de l’évaluation de base (Core Assessment) effectuée par le Royaume-Uni, de laquelle il ressort que l’exposition de poissons zèbres au difénoconazole a été examinée afin d’identifier d’éventuels effets de perturbation endocrinienne.

52      La juridiction de renvoi s’interroge, premièrement, sur le bien-fondé de l’approche selon laquelle il résulterait de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, lu en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, que les propriétés perturbant le système endocrinien ne sont pas évaluées lors de l’examen au niveau national d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique.

53      Deuxièmement, elle indique que, si cette approche est jugée correcte, il n’y aurait pas lieu de tenir compte des connaissances scientifiques portant sur les propriétés perturbant le système endocrinien dans le cadre de l’examen de la demande d’autorisation de mise sur le marché du Dagonis, telles qui sous-tendent le règlement no 283/2013 de la Commission, du 1er mars 2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 2013, L 93, p. 1), ainsi que le règlement 2018/605. Or, il résulterait de l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1107/2009 que cet examen doit être effectué sur la base de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques.

54      Troisièmement, selon la juridiction de renvoi, si des objections portant sur les propriétés perturbant le système endocrinien d’une substance active ne peuvent être soulevées que dans le cadre d’une procédure d’approbation d’une telle substance, la question se pose de savoir si une organisation non gouvernementale telle que PAN Europe peut soulever de telles objections. À cet égard, il ressortirait de l’ordonnance du 28 septembre 2016, PAN Europe e.a./Commission (T‑600/15, EU:T:2016:601), et notamment du point 62 de celle-ci, qu’une telle organisation ne saurait directement contester en justice l’approbation d’une substance active et ne disposerait dès lors d’aucun recours effectif en ce qui concerne les propriétés perturbant le système endocrinien des substances actives approuvées qui sont incorporées dans des produits phytopharmaceutiques dont la mise sur le marché est demandée.

55      Quatrièmement, dans la mesure où, eu égard à l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1107/2009, les propriétés perturbant le système endocrinien peuvent être évaluées dans le cadre de l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché national d’un produit phytopharmaceutique contenant la substance active concernée, se poserait la question de savoir si les autorités et les juridictions nationales doivent apprécier les moyens soulevés pour s’opposer à l’approbation de la substance active sur la base des connaissances scientifiques et techniques existant au moment de la décision à adopter sur ladite demande d’autorisation nationale ou au moment de l’approbation de la substance active.

56      Dans ces conditions, le College van Beroep voor het bedrijfsleven (cour d’appel du contentieux administratif en matière économique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      [Résulte-t]-il de l’article 4, paragraphe 1, [second] alinéa, du règlement [no 1107/2009], lu en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II du même règlement, que les effets perturbateurs endocriniens [désignés par ailleurs par l’expression “propriétés perturbant le système endocrinien”] qu’une substance active pourrait avoir ne doivent plus être évalués lors de l’appréciation au niveau national d’une demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique ?

2)      S’il est répondu par l’affirmative à la première question, cela signifie‑t-il que les connaissances scientifiques et techniques sur les propriétés perturbant le système endocrinien, comme par exemple celles qui sous–tendent le règlement no 283/2013 et le règlement 2018/605, ne sont pas prises en compte lors de l’appréciation de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique ? Comment cela s’articule-t-il avec l’exigence de l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement [no 1107/2009], selon laquelle cette appréciation doit être effectuée sur la base de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques ?

3)      S’il est répondu par l’affirmative à la première question, comment une organisation non gouvernementale telle que l’appelante dispose-t-elle d’un recours effectif au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux [...] pour soumettre une approbation de substance active au contrôle d’une juridiction ?

4)      S’il est répondu par la négative à la première question, cela signifie-t-il que, lors de l’appréciation d’une demande d’autorisation, c’est l’état à ce moment-là des connaissances scientifiques et techniques sur ces propriétés perturbant le système endocrinien qui est déterminant ? »

57      Par décision du 10 mai 2023, les affaires C‑309/22 et C‑310/22 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de l’arrêt.

 Sur les demandes de réouverture de la phase orale de la procédure

58      À la suite de la lecture des conclusions de Mme l’avocate générale lors de l’audience du 28 septembre 2023, Adama et BASF Nederland ont, par acte déposé au greffe de la Cour le 23 octobre 2023, demandé la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

59      En vertu de cette disposition, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

60      Dans leur demande, Adama et BASF Nederland font valoir que la Cour ne dispose pas d’informations suffisantes pour rendre une décision dans les affaires jointes C‑309/22 et C‑310/22, que leurs observations écrites n’ont pas été suffisamment prises en considération dans les conclusions de Mme l’avocate générale et que celles-ci comportent des éléments sur lesquels Adama et BASF Nederland n’ont pas pu se prononcer.

61      À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention, en vue de l’assister dans l’accomplissement de sa mission qui est d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités.

62      La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles‑ci. En outre, ni le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ni ledit règlement de procédure ne prévoient la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. Par conséquent, le désaccord d’un intéressé avec les conclusions de l’avocat général ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (arrêt du 28 septembre 2023, LACD, C‑133/22, EU:C:2023:710, point 22 et jurisprudence citée).

63      En l’occurrence, dès lors que, d’une part, Adama et BASF Nederland se limitent, en substance, à contester certains passages des conclusions de Mme l’avocate générale et à présenter des observations sur le contenu de celles-ci et que, d’autre part, la Cour n’est pas liée par la description des arguments juridiques telle qu’elle figure dans ces conclusions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question dans l’affaire C309/22 ainsi que sur les première et quatrième questions dans l’affaire C310/22

64      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la première question dans l’affaire C‑309/22 vise, notamment, l’article 2 du règlement 2018/605. Selon cet article, le point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, tel que modifié par le règlement 2018/605, s’applique à partir du 10 novembre 2018, excepté pour les procédures dans lesquelles le  comité visé à l’article 79, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 a voté sur un projet de règlement au plus tard le 10 novembre 2018. Si l’article 2 du règlement 2018/605 fait partie du contexte réglementaire dans lequel s’insèrent la première question dans l’affaire C‑309/22 ainsi que les première et quatrième questions dans l’affaire C‑310/22, cet article n’est toutefois pas applicable au litige au principal dans l’affaire C‑309/22.

65      En effet, d’une part, ledit article fixe l’entrée en vigueur des critères permettant l’identification des substances actives ayant des propriétés perturbant le système endocrinien aux fins de l’approbation d’une substance active. Il ne régit pas la prise en compte, par un État membre, lors de l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contenant une telle substance, des effets nocifs que ce produit est susceptible de causer.

66      D’autre part, l’exception que ledit article contient ne s’applique qu’aux procédures dans lesquelles le comité visé à l’article 79, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 a voté sur un projet de règlement au plus tard le 10 novembre 2018, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

67      En outre, quand bien même conviendrait-il d’appliquer aux procédures d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, par analogie, le délai de six mois accordé par le législateur de l’Union aux États membres et à l’EFSA pour qu’ils se préparent à l’application des nouveaux critères énoncés au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, force est de constater que c’est postérieurement à cette période que le CTGB a, dans le cadre des affaires au principal, délivré une autorisation de mise sur le marché, respectivement, du Dagonis et du Pitcher.

68      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa première question dans l’affaire C‑309/22 et par ses première et quatrième questions dans l’affaire C‑310/22, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), ainsi que l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, et paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, lus en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II de ce règlement, doivent être interprétés en ce sens que l’autorité compétente d’un État membre chargée d’évaluer une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est tenue, lors de l’examen de cette demande, de prendre en compte les effets indésirables que les propriétés perturbant le système endocrinien d’une substance active contenue dans ledit produit sont susceptibles de causer sur l’être humain, compte tenu des connaissances scientifiques ou techniques pertinentes et fiables qui sont disponibles au moment de cet examen et qui sont, notamment, reprises dans les critères énoncés à ce point 3.6.5 .

69      En premier lieu, en ce qui concerne le libellé de l’article 29 du règlement no 1107/2009, il convient de rappeler que cet article, relatif aux conditions d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, prévoit, à son paragraphe 1, que, sans préjudice de l’article 50 de ce règlement, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que s’il satisfait aux différentes exigences qu’il énonce.

70      Il découle ainsi de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), dudit règlement qu’un tel produit ne peut être autorisé que si ses substances actives ont été approuvées et si, dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, il satisfait aux conditions prévues à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement.

71      Or, selon cette dernière disposition, un produit phytopharmaceutique doit satisfaire, dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, notamment à la condition, figurant à son point b), de ne pas avoir d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine.

72      Partant, sur la base du libellé de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1107/2009, il apparaît qu’un produit phytopharmaceutique peut être autorisé par une autorité nationale compétente lorsque, notamment, toutes les substances actives que ce produit contient sont approuvées et que ledit produit n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé, dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, sur la santé humaine.

73      Quant au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, il y a lieu de rappeler qu’il prévoit, avec effet au 10 novembre 2018, les critères spécifiques qui déterminent, notamment, si une substance active doit être considérée comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien pouvant causer des effets indésirables sur l’être humain.

74      Dans les litiges au principal se pose donc la question de savoir si l’autorité compétente d’un État membre saisie d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique doit, dans le cadre de l’appréciation des effets potentiels de ce produit sur la santé humaine, tenir compte de ces critères.

75      Selon la position défendue par Adama, BASF Nederland, les gouvernements néerlandais et hellénique ainsi que par la Commission, les propriétés perturbant le système endocrinien qu’une substance active pourrait présenter ne doivent pas être évaluées dans le cadre de l’examen au niveau national d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique qui contient cette substance active. En effet, un tel examen méconnaîtrait l’économie du règlement no 1107/2009, la distinction entre l’appréciation, au niveau de l’Union, des propriétés intrinsèques des substances actives et l’examen, au niveau des États membres, des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ainsi que la répartition des compétences entre l’Union et les États membres instaurée par ce règlement.

76      En revanche, PAN Europe et le gouvernement tchèque estiment que, lorsqu’une autorité nationale compétente, qui statue sur une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, a, à sa disposition, des connaissances scientifiques et techniques actuelles et pertinentes qui établissent qu’il existe un risque qu’un produit phytopharmaceutique comporte des effets indésirables sur l’être humain en raison des propriétés perturbant le système endocrinien d’une substance active qu’il contient, cette autorité est tenue d’apprécier un tel risque et d’en tirer les conclusions appropriées.

77      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1107/2009, évoqué aux points 69 à 71 du présent arrêt, que, lorsqu’une décision est à adopter au sujet de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, les autorités compétentes de l’État membre concerné devraient tenir compte uniquement de certaines catégories des connaissances scientifiques ou techniques en fonction de leur source ou du moment auquel ces connaissances sont devenues accessibles.

78      Il s’ensuit que, sur la base d’une interprétation littérale de ces dispositions, rien n’empêche les autorités nationales compétentes, lors de l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, au titre de l’article 29 du règlement no 1107/2009, de vérifier si, dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, ce produit n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, au sens de l’article 4, paragraphe 3, sous b), de ce règlement, au regard des critères figurant, notamment, au point 3.6.5 de l’annexe II dudit règlement et des propriétés d’une substance active contenue dans ledit produit.

79      En deuxième lieu, cette interprétation littérale est confortée par le contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions.

80      Premièrement, il doit être observé que le règlement no 1107/2009 distingue l’approbation de substances actives au niveau de l’Union et les autorisations de mise sur le marché et d’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Tandis que cette approbation des substances actives est régie par les dispositions du chapitre II de ce règlement, parmi lesquelles figure l’article 4 dudit règlement, et relève de la compétence de la Commission, les autorisations de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sont visées au chapitre III du même règlement et sont adoptées par les États membres.

81      Toutefois, il convient de constater que, dans le cadre des demandes d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1107/2009 impose aux États membres de vérifier que les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement sont remplies. Or, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, sous e), dudit règlement, figure au nombre des exigences requises pour que la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique soit autorisée celle qu’il satisfasse, dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, aux conditions prévues à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement. Conformément à ces dispositions, un tel produit ne peut être autorisé que s’il est établi qu’il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 71 et 114).

82      Partant, si l’approbation, par la Commission, de la substance active ne peut être réexaminée par les États membres lors de l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contenant cette substance, l’autorisation d’un tel produit ne saurait, en revanche, être considérée comme constituant une mise en œuvre purement automatique de l’approbation, par la Commission, d’une substance active contenue dans ce produit (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2020, Associazione GranoSalus/Commission, C‑313/19 P, EU:C:2020:869, points 55 et 58).

83      Dès lors, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 58 de ses conclusions, si le règlement no 1107/2009 fait obstacle à ce qu’un État membre accorde une autorisation de mise sur le marché pour un produit phytopharmaceutique contenant une substance active qui n’a pas été approuvée, un État membre n’est pas tenu d’autoriser la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contenant des substances actives qui ont toutes été approuvées, s’il existe des connaissances scientifiques ou techniques qui identifient un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement lié à l’utilisation de ce produit.

84      Deuxièmement, il convient également d’avoir égard aux principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques auxquels l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 renvoie et qui sont établis à l’annexe du règlement no 546/2011.

85      C’est ainsi que, conformément au point 2, sous c), figurant dans le titre A de la partie I de cette annexe, lors de l’examen des demandes d’autorisation et de l’octroi des autorisations, les États membres doivent prendre en considération les autres éléments d’information d’ordre technique ou scientifique dont ils peuvent raisonnablement disposer et qui sont relatifs aux effets nuisibles potentiels du produit phytopharmaceutique ou de ses composants. Or, il ne fait pas de doute que constituent de tels éléments d’information d’ordre scientifique les critères énoncés au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009.

86      D’une part, il ressort du considérant 2 du règlement 2018/605 que ces critères se fondent sur les définitions des perturbateurs endocriniens et de leurs effets indésirables proposées par l’OMS, lesquelles font l’objet d’un très large consensus entre scientifiques et ont été approuvées par l’EFSA dans son avis scientifique concernant les perturbateurs endocriniens du 28 février 2013.

87      D’autre part, l’identification d’une substance active ayant des propriétés perturbant le système endocrinien qui peuvent causer des effets indésirables chez l’être humain doivent, notamment, s’appuyer, selon le sixième alinéa du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, sur toutes les données scientifiques pertinentes disponibles et sur une évaluation de ces données sur la base d’une analyse de leur force probante.

88      Il résulte des considérations qui précèdent que le contexte de l’article 29, paragraphe 1, de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, et paragraphe 3, ainsi que du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 confirme l’interprétation littérale de ces dispositions énoncée au point 78 du présent arrêt.

89      En troisième lieu, cette interprétation est également corroborée par l’objectif du règlement no 1107/2009 qui, ainsi qu’il est précisé à l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, et comme il est reflété au considérant 8 de celui‑ci, est, notamment, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement (arrêt du 19 janvier 2023, Pesticide Action Network Europe e.a., C‑162/21, EU:C:2023:30, point 46).

90      À cet égard, en faisant référence au considérant 24 dudit règlement, la Cour a déjà jugé que les dispositions régissant l’octroi des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques doivent garantir un niveau élevé de protection et que, lors de la délivrance de telles autorisations, l’objectif de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement « devrait primer » l’objectif d’amélioration de la production végétale (arrêt du 19 janvier 2023, Pesticide Action Network Europe e.a., C‑162/21, EU:C:2023:30, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

91      De même, le considérant 29 du règlement no 1107/2009, tout en insistant sur la nécessité de prévoir une mise à disposition plus harmonisée des produits phytopharmaceutiques, reconnaît que des circonstances environnementales ou agricoles propres au territoire d’un ou de plusieurs États membres pourraient justifier que cet État ou ces États membres refusent d’autoriser le produit phytopharmaceutique sur leurs territoires lorsque des circonstances agricoles ou environnementales particulières le justifient ou si le niveau élevé de protection de la santé tant humaine qu’animale et de l’environnement ne peut être assuré.

92      En outre, il importe de rappeler que les dispositions de ce règlement se fondent, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, lu à la lumière du considérant 8 du même règlement, sur le principe de précaution, et ce afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine.

93      Or, la prise en compte, lors de l’appréciation des effets nuisibles potentiels d’un produit phytopharmaceutique dont l’autorisation de mise sur le marché est demandée, des critères scientifiques figurant au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 contribue, dans le respect du principe de précaution, à la réalisation de l’objectif rappelé au point 89 du présent arrêt.

94      Il importe d’ajouter que les considérations exposées aux points qui précèdent du présent arrêt ne sont pas remises en cause par l’exigence du respect du principe de sécurité juridique.

95      Dans leurs observations écrites, Adama et le gouvernement hellénique font valoir, en substance, que ce principe exige que l’examen d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique soit effectué en fonction des connaissances scientifiques et techniques existant à la date de l’introduction de cette demande.

96      Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 101).

97      Ce principe doit, toutefois, dans le domaine spécifique des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, être mis en balance avec le principe de précaution sur lequel le règlement no 1107/2009 se fonde et dont l’objectif est, comme rappelé au point 89 du présent arrêt, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine ou animale et de l’environnement. C’est ainsi que, en cas d’apparition d’éléments établissant qu’une substance active ou qu’un produit phytopharmaceutique présente un effet nocif sur la santé humaine ou animale ou un effet inacceptable sur l’environnement, la Commission et/ou les États membres peuvent être contraints de retirer l’approbation de cette substance active ou l’autorisation de mise sur le marché de ce produit phytopharmaceutique ainsi que, le cas échéant, de prendre des mesures d’urgence.

98      Il s’ensuit que, dans le contexte de ce règlement, tout demandeur souhaitant mettre un produit phytopharmaceutique sur le marché peut s’attendre à ce que l’état des connaissances scientifiques ou techniques soit modifié durant la procédure d’autorisation ou au cours de la période pour laquelle une substance active est approuvée ou un produit phytopharmaceutique est autorisé. En outre, il ressort des articles 46 et 69 à 71 dudit règlement que le retrait d’une autorisation ou l’adoption d’une mesure d’urgence sont susceptibles de déployer leurs effets immédiatement, ne permettant plus la mise sur le marché ainsi que l’utilisation des stocks existants du produit en cause.

99      Dès lors, la prise en compte d’une connaissance scientifique ou technique pertinente et fiable qui n’était pas encore accessible au moment de l’introduction de la demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique ne saurait être considérée comme étant contraire au principe de sécurité juridique.

100    Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C‑309/22 et aux première et quatrième questions dans l’affaire C‑310/22 que l’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), ainsi que l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, et paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, lus en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II de ce règlement, doivent être interprétés en ce sens que l’autorité compétente d’un État membre chargée d’évaluer une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est tenue, lors de l’examen de cette demande, de prendre en compte les effets indésirables que les propriétés perturbant le système endocrinien d’une substance active contenue dans ledit produit sont susceptibles de causer sur l’être humain, compte tenu des connaissances scientifiques ou techniques pertinentes et fiables qui sont disponibles au moment de cet examen et qui sont, notamment, reprises dans les critères énoncés à ce point 3.6.5.

 Sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C309/22 ainsi que sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C310/22

101    Compte tenu de la réponse apportée à la première question dans l’affaire C‑309/22 ainsi qu’aux première et quatrième questions dans l’affaire C‑310/22, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑309/22 ainsi qu’aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑310/22.

 Sur les dépens

102    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 29, paragraphe 1, sous a) et e), ainsi que l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, et paragraphe 3, du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2018/605 de la Commission, du 19 avril 2018, modifiant l’annexe II du règlement (CE) no 1107/2009 en établissant des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, lus en combinaison avec le point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, tel que modifié,

doivent être interprétés en ce sens que :

l’autorité compétente d’un État membre chargée d’évaluer une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique est tenue, lors de l’examen de cette demande, de prendre en compte les effets indésirables que les propriétés perturbant le système endocrinien d’une substance active contenue dans ledit produit sont susceptibles de causer sur l’être humain, compte tenu des connaissances scientifiques ou techniques pertinentes et fiables qui sont disponibles au moment de cet examen et qui sont, notamment, reprises dans les critères énoncés à ce point 3.6.5.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.