Language of document : ECLI:EU:F:2007:89

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

24 mai 2007 (*)

« Fonctionnaires – Agent temporaire – Prolongation de la période de stage – Licenciement à la fin de la période de stage – Actes faisant grief – Délai de réclamation – Irrecevabilité »

Dans les affaires jointes F‑27/06 et F‑75/06,

ayant pour objet des recours introduits au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Alessandro Lofaro, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me J.-L. Laffineur, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, assistés dans l’affaire F‑27/06 de Me F. Longfils, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par deux requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 10 mars 2006 et le 17 juillet suivant, M. Lofaro demande, premièrement, l’annulation de la décision du 6 juin 2005, par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l’« AHCC ») a prolongé le stage qu’il effectuait en qualité d’agent temporaire, deuxièmement, l’annulation de la décision du 28 septembre 2005, par laquelle l’AHCC l’a licencié, troisièmement, l’annulation de ses rapports de fin de stage et, quatrièmement, la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui payer des dommages et intérêts.

 Faits à l’origine du litige

2        Le 31 août 2004, M. Lofaro a été recruté par la Commission en qualité d’agent temporaire de grade C*1, sur la base de l’article 2, sous b), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »), ce pour une durée de trois ans à compter du 16 septembre 2004.

3        Son contrat stipulait qu’il devait, en vertu de l’article 14, premier alinéa, du RAA, accomplir un stage de six mois.

4        Le 4 avril 2005, le requérant a fait l’objet, en application de l’article 14, troisième alinéa, première phrase, du RAA, d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportaient ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service (ci-après le « premier rapport de fin de stage »). Il y était envisagé la prolongation du stage pour une durée de six mois.

5        Le 6 juin 2005, l’AHCC a décidé, sur la base de l’article 14, troisième alinéa, dernière phrase, du RAA, de prolonger le stage pour une nouvelle durée de six mois, soit du 16 mars au 15 septembre 2005 (ci-après la « décision de prolongation de stage »).

6        Un second rapport de stage a été établi le 20 juillet 2005 au titre de la période du 16 mars au 15 septembre 2005 (ci-après le « second rapport de fin de stage »). Il y était précisé que l’intéressé ne possédait pas les qualifications nécessaires pour s’acquitter des fonctions qui lui étaient confiées.

7        Par une note datée du 5 septembre 2005, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA, une réclamation contre la décision de prolongation de stage. À l’appui de cette réclamation, il contestait également, dans ladite note, les appréciations portées sur lui dans le premier rapport de fin de stage.

8        Cette réclamation a été rejetée par décision explicite de l’AHCC du 23 novembre 2005, notifiée le 29 novembre suivant.

9        Par ailleurs, par décision du 28 septembre 2005, dont le requérant a accusé réception le 30 septembre suivant, l’AHCC a, sur le fondement de l’article 14 du RAA, licencié l’intéressé avec effet au 15 octobre 2005 (ci-après la « décision de licenciement »).

10      Par note du 28 décembre 2005, enregistrée le 12 janvier 2006 à l’unité « Recours » de la direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de licenciement. À l’appui de cette réclamation, il contestait également, dans ladite note, le second rapport de fin de stage.

11      Cette réclamation a été rejetée par décision explicite de l’AHCC du 31 mars 2006, dont le requérant a accusé réception le 6 avril suivant.

 Procédure et conclusions des parties

 Recours F‑27/06 introduit suite au rejet de la réclamation du 5 septembre 2005

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de prolongation de stage ;

–        annuler la décision de licenciement ;

–        annuler les premier et second rapports de fin de stage ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision du 23 novembre 2005, par laquelle l’AHCC a rejeté la réclamation du 5 septembre 2005 introduite à l’encontre de la décision de prolongation de stage ;

–        condamner la Commission à lui payer, en réparation du préjudice subi, des dommages et intérêts évalués ex aequo et bono à 85 473 euros pour le préjudice matériel et 50 000 euros pour le préjudice moral, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2006, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 septembre 2006, le requérant a fait part de ses observations quant à cette exception d’irrecevabilité.

 Recours F‑75/06 introduit suite au rejet de la réclamation du 28 décembre 2005

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de licenciement ;

–        annuler le second rapport de fin de stage ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision du 31 mars 2006, par laquelle l’AHCC a rejeté la réclamation du 28 décembre 2005 introduite à l’encontre de la décision de licenciement ;

–        condamner la Commission à lui payer, en réparation du préjudice subi, des dommages et intérêts évalués ex aequo et bono à 85 473 euros pour le préjudice matériel et 50 000 euros pour le préjudice moral, sous réserve d’augmentation ou de diminution en cours d’instance ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 2006, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 octobre 2006, le requérant a fait part de ses observations quant à cette exception d’irrecevabilité.

18      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 31 janvier 2007, les affaires F‑27/06 et F‑75/06 ont été jointes pour la suite de la procédure, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

 Sur la recevabilité

19      Conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire de ce dernier. En l’espèce, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

20      Le requérant demande l’annulation de la décision de prolongation de stage, des premier et second rapports de fin de stage et de la décision de licenciement. Il demande également, pour autant que de besoin, l'annulation de la décision du 23 novembre 2005, par laquelle l’AHCC a rejeté la réclamation du 5 septembre 2005 introduite à l’encontre de la décision de prolongation de stage, ainsi que de la décision du 31 mars 2006, par laquelle l’AHCC a rejeté la réclamation du 28 décembre 2005 introduite à l’encontre de la décision de licenciement.

21      À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23, et du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 13).

22      En conséquence, il y a lieu de considérer que le présent recours est dirigé contre, premièrement, la décision de licenciement, deuxièmement, les premier et second rapports de fin de stage, troisièmement, la décision de prolongation de stage.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de licenciement

 Arguments des parties

23      Pour faire valoir que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de licenciement seraient irrecevables, la Commission soulève plusieurs fins de non-recevoir, parmi lesquelles celle tirée de la tardiveté de la réclamation introduite contre ladite décision. À cet égard, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, une réclamation doit être regardée comme « introduite » non pas lorsqu’elle est envoyée à l’institution, mais lorsqu’elle parvient à cette dernière (arrêt du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T‑54/90, Rec. p. II‑749, points 28 et 29 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, RecFP p. I‑A‑1‑9 et II‑A‑1‑33, point 28). Or, en l’espèce, la réclamation contre la décision de licenciement ne serait parvenue à l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration » que le 12 janvier 2006, alors que le requérant aurait disposé, pour introduire sa réclamation, d’un délai expirant le 30 décembre 2005, voire le 3 janvier 2006, en tenant compte des jours fériés.

24      Le requérant demande au Tribunal d’écarter cette fin de non-recevoir.

25      Le requérant expose que la date à prendre en compte pour l’introduction d’une réclamation serait celle, non de sa réception par l’institution, mais de son envoi. L’interprétation de l’article 90, paragraphe 2, du statut, adoptée jusqu’alors par la jurisprudence communautaire et consistant à retenir la date de réception de la réclamation, conduirait en effet à une violation du principe de sécurité juridique, dans la mesure où cette interprétation exposerait le requérant à des facteurs indépendants de sa volonté susceptibles de rendre sa réclamation tardive, tels les incertitudes inhérentes à l’acheminement du courrier par voie postale ou les dysfonctionnements dans la transmission de service à service au sein de l’institution destinataire.

26      Dans ces conditions, la réclamation, qui aurait été remise aux services postaux le 28 décembre 2005, soit antérieurement à l’expiration, le 3 janvier 2006, du délai de réclamation, ne serait pas tardive.

27      Dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que la réclamation aurait été introduite tardivement, le requérant fait valoir qu’elle serait tout de même recevable. En effet, d’une part, il aurait commis, en raison du comportement de la Commission, une erreur excusable quant à la date à laquelle la réclamation devait être introduite. D’autre part, il aurait pu légitimement penser que, en envoyant sa réclamation le 28 décembre 2005, elle parviendrait à la Commission le 3 janvier 2006 au plus tard, soit six jours après son envoi.

 Appréciation du Tribunal

28      Il y a lieu d’examiner si la réclamation du requérant a été introduite dans le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut. Dans l’hypothèse où une telle condition n’aurait pas été satisfaite, il conviendra de rechercher si l’intéressé a commis une erreur excusable résultant du comportement de la Commission. Enfin, si la réalité d’une telle erreur excusable ne devait pas être établie, il devra être répondu à l’argument du requérant, selon lequel la réclamation aurait été remise au service postal en temps utile pour qu’elle parvienne à la Commission avant l’expiration du délai susmentionné.

–       En ce qui concerne l’introduction de la réclamation dans les délais

29      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés. Ces délais répondent à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18 ; du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, Rec. p. 495, point 11, et du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15).

30      Il y a donc lieu de rechercher si le requérant a introduit sa réclamation dans le délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut, ce qui suppose de déterminer, d’abord, la date à laquelle expirait ledit délai, ensuite, la date à laquelle la réclamation a effectivement été introduite.

31      En ce qui concerne la date d’expiration du délai de trois mois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, le délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut expire à la fin du jour qui, dans le troisième mois, porte le même chiffre que le jour de l’événement ou de l’acte qui a fait courir le délai (voir arrêts de la Cour du 2 mai 1985, J. K./Parlement, 38/84, Rec. p. 1267, point 20, et du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 septembre 1996, Maurissen/Cour des comptes, T‑192/94, RecFP p. I‑A‑425 et II‑1229, point 28, et du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, Rec. p. I‑A‑69 et II‑325, point 50).

32      Par ailleurs, en l’absence de règles spécifiques concernant les délais visés à l’article 90 du statut, il convient de se référer au règlement (CEE, Euratom) n° 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes, lequel règlement s’applique, comme le précise son article 1er, à tous les actes de la Commission, « [s]auf dispositions contraires » (ordonnance du Tribunal de première instance du 13 mars 1998, Lonuzzo-Murgante/Parlement, T‑247/97, RecFP p. I‑A‑119 et II‑317, point 38 ; arrêt Onidi/Commission, précité, point 47 ).

33      Or, l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1182/71 prévoit que « [s]i le dernier jour d’un délai exprimé autrement qu’en heures est un jour férié, un dimanche ou un samedi, le délai prend fin à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant ». Quant à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement, il dispose que « [l]es jours fériés à prendre en considération pour l’application du présent règlement sont tous les jours prévus comme tels […] dans l’institution des Communautés auprès de laquelle un acte est à accomplir ».

34      En l’espèce, il est constant que le délai de réclamation contre la décision de licenciement a commencé à courir le 30 septembre 2005, date à laquelle le requérant a accusé réception de cette décision. Ledit délai de réclamation expirait donc le 30 décembre 2005. Toutefois, ce jour étant un jour férié au sein de la Commission, le 31 décembre 2005 un samedi, le 1er janvier 2006 un dimanche et le 2 janvier suivant étant aussi un jour férié au sein de cette même institution, le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, a pris fin, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, précité, « à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant », à savoir le 3 janvier 2006.

35      Il résulte de ce qui précède que la réclamation dirigée contre la décision de licenciement devait parvenir à l’institution destinataire au plus tard le 3 janvier 2006.

36      En ce qui concerne la date d’introduction de la réclamation, le requérant soutient que la date à prendre en compte est le 28 décembre 2005, date d’envoi de ladite réclamation, alors que la Commission estime de son côté que la date à retenir est celle de sa réception par l’unité « Recours » de la DG « Personnel et administration », en l’occurrence le 12 janvier 2006.

37      À cet égard, il a déjà été jugé que l’article 90, paragraphe 2, du statut doit être interprété en ce sens que la réclamation est « introduite » non pas lorsqu’elle est envoyée à l’institution, mais lorsqu’elle parvient à cette dernière (voir arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, points 8 et 13 ; arrêt Lacroix/Commission, précité, points 28 et 29 ; ordonnance Schmit/Commission, précitée, point 28).

38      Une telle interprétation de l’article 90, paragraphe 2, du statut ne saurait, contrairement à ce que soutient le requérant, avoir pour effet de méconnaître le principe de sécurité juridique. En effet, il convient de rappeler que ce principe exige, dans l’intérêt des parties au litige et des éventuels tiers intéressés, que pour tout délai, les points de départ et d’arrivée soient clairement déterminés et qu’ils soient respectés d’une façon rigoureuse (arrêt Lacroix/Commission, précité, point 29). Or, en l’espèce, un tel principe impose justement de retenir la date de réception de la réclamation par l’institution destinataire comme date de son « introduction » au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, puisque, ainsi que l’a fait observer le Tribunal de première instance dans l’arrêt Lacroix/Commission, précité (point 29), seule cette interprétation est de nature à permettre à l’administration de connaître le point de départ du délai pendant lequel elle doit notifier sa décision motivée en réponse à la réclamation.

39      En l’espèce, la Commission produit une copie de la réclamation en cause portant le cachet d’enregistrement de l’unité chargée d’instruire ladite réclamation avec pour mention « arrivée le : 12-01-2006 ». Certes, le fait pour une administration d’apposer un cachet d’enregistrement sur un document qui lui est envoyé ne lui permet pas de conférer date certaine à l’introduction de ce document. Toutefois, il n’en constitue pas moins un moyen, relevant de la bonne gestion administrative, de nature à faire présumer, jusqu’à la preuve du contraire, que ledit document lui est parvenu à la date indiquée (ordonnance Schmit/Commission, précitée, point 29). Or, le requérant n’apporte aucun élément de preuve, tel un récépissé remis par l’administration ou un accusé de réception d’une lettre adressée par envoi postal recommandé, susceptible de renverser la présomption conférée par le cachet d’enregistrement et d’établir ainsi que la réclamation aurait effectivement été introduite à une autre date. Au demeurant, l’intéressé n’allègue même pas que cette réclamation serait parvenue à l’institution avant le 12 janvier 2006.

40      Il convient donc de constater que la réclamation a été introduite après l’expiration, le 3 janvier 2006, du délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

–       En ce qui concerne l’erreur excusable

41      Le requérant fait valoir qu’il conviendrait, même si sa réclamation devait être considérée comme tardive, d’admettre la recevabilité de ses conclusions, puisqu’il aurait, du fait du comportement de la Commission, commis une erreur excusable.

42      Le requérant avance à cet égard quatre arguments.

43      Premièrement, la Commission, dans sa décision du 23 novembre 2005 rejetant la réclamation dirigée contre la décision de prolongation de stage, aurait fait référence, comme date d’introduction de ladite réclamation, à la date de son envoi, en l’occurrence le 5 septembre 2005, et non à la date de son enregistrement par les services de l’institution. Ainsi, le requérant aurait, de bonne foi, été conduit à croire que, à chaque fois qu’une réclamation est formée, la date de son introduction, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, serait celle de son envoi. Deuxièmement, dans la plupart des États membres de l’Union européenne, la date prise en compte pour le respect des délais d’introduction d’un recours administratif serait celle de son envoi. Troisièmement, la Commission elle-même retiendrait la date d’envoi pour certaines procédures, tels les avis de concours ou les appels d’offre. Quatrièmement, lorsque la date à prendre en compte pour l’introduction d’une réclamation ou d’un recours est celle de la réception, la Commission en informerait les particuliers de manière précise et complète.

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’erreur excusable ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie (arrêt de la Cour du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE, C‑193/01 P, Rec. p. I‑4837, point 24 ; arrêts du Tribunal de première instance du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, point 34 ; du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T‑514/93, Rec. p. II‑621, point 40, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 40).

45      C’est à la lumière de cette jurisprudence que doivent être examinés les quatre arguments avancés par le requérant pour conclure à l’existence d’une erreur excusable.

46      En ce qui concerne le premier argument, tiré de ce que la décision de rejet, datée du 23 novembre 2005, de la réclamation introduite contre la décision de prolongation de stage, serait à l’origine de l’erreur commise, il doit être rejeté.

47      Certes, il est constant que, dans cette décision de rejet, la Commission a porté la mention suivant laquelle « [e]n date du 5 septembre 2005, [le requérant] a introduit la présente réclamation à l’encontre de la décision du 6 juin 2005 […] prolongeant sa période de stage ». Or, il ressort des pièces du dossier que la date du 5 septembre 2005 est celle qui a été portée par le requérant sur ladite réclamation, non celle à laquelle cette dernière est parvenue à l’institution. Toutefois, cette simple inexactitude de date, figurant au demeurant sur un document distinct de la décision de licenciement, ne saurait être regardée comme ayant été de nature à provoquer, en ce qui concerne la date à laquelle une réclamation doit être regardée comme introduite au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie.

48      Quant aux trois autres arguments avancés par le requérant pour conclure à l’existence d’une erreur excusable, ils ne sauraient davantage être accueillis. En effet, la circonstance, à la supposer établie, que les droits internes de la plupart des États membres considèreraient que la date pertinente à retenir pour apprécier si une réclamation administrative a été introduite dans les délais serait la date de son envoi, et non la date de réception par l’autorité administrative, n’est pas de nature à créer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable présentant les qualités rappelées au point 44 ci-dessus. Il en va de même de la circonstance selon laquelle la Commission retiendrait la date d’envoi en ce qui concerne des procédures autres que la réclamation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou de celle selon laquelle, dans les cas où la date à prendre en compte pour l’introduction d’une réclamation ou d’un recours serait celle de la réception, la Commission en informerait expressément les personnes intéressées.

49      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à se prévaloir d’une erreur excusable qui rendrait recevables les conclusions susmentionnées.

–       En ce qui concerne la durée d’acheminement du courrier contenant la réclamation

50      Le requérant fait valoir que, en tout état de cause, il aurait légitimement pu penser que la réclamation parviendrait à la Commission au plus tard le 3 janvier 2006.

51      Toutefois, force est de constater que le courrier contenant la réclamation et destiné à la DG « Administration et personnel », sise à Bruxelles, n’a été posté d’Italie que le 28 décembre 2005. Par suite, compte tenu des difficultés prévisibles d’acheminement du courrier à cette période, ce courrier ne saurait être regardé comme ayant été remis au service postal en temps utile pour qu’il parvienne à la Commission avant l’expiration du délai de réclamation. Le requérant n’ayant pas fait preuve de la diligence attendue d’un justiciable normalement avisé, en vue de respecter les délais, l’argument avancé doit donc être écarté.

52      Il ressort de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission, que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de licenciement doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation des rapports de fin de stage

 Arguments des parties

53      La Commission soulève, à l’encontre des conclusions susmentionnées, une fin de non-recevoir tirée de ce que les rapports de fin de stage ne constitueraient pas des actes faisant grief, faute d’avoir produit des effets juridiques obligatoires ayant affecté directement et immédiatement les intérêts du requérant.

54      En réponse, le requérant admet que les rapports de fin de stage ne constitueraient que des actes préparatoires à la décision de prolongation de stage et à la décision de licenciement. Toutefois, il ajoute qu’il aurait intérêt à ce que certaines mentions incluses dans ces rapports et qui comporteraient des accusations non fondées, soient « annulées et retirées » desdits rapports.

 Appréciation du Tribunal

55      Il importe, à titre liminaire, de relever que si le requérant a indiqué, dans ses observations déposées en réponse à l’exception d’irrecevabilité, que les rapports de fin de stage constitueraient des actes préparatoires, il n’en a pas moins maintenu ses conclusions tendant à l’annulation desdits rapports, précisant qu’il avait intérêt à ce que certaines mentions incluses dans ceux-ci soient « annulées et retirées ».

56      Dans ces conditions, la question se trouve posée de savoir si les rapports de fin de stage constituent des actes faisant grief au requérant.

57      Selon une jurisprudence constante, seuls font grief les actes ou mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 24 juin 1993, Seghers/Conseil, T‑69/92, Rec. p. II‑651, point 28, et du 17 mai 2006, Lavagnoli/Commission, T‑95/04, RecFP p. I‑A‑2‑121 et II‑A‑2‑569, point 33).

58      Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence qu’en principe ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires, dont l’objectif est de préparer la décision finale. Ainsi, en matière de recours de fonctionnaires, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10, et du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, point 26 ; arrêts du Tribunal de première instance du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 28, et du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, RecFP p. I‑A‑2‑95 et II‑A‑2‑441, point 36).

59      Il convient de relever en l’espèce que si la décision de licenciement, en tant qu’elle a fixé définitivement la position de l’administration et, ce faisant, affecté directement et immédiatement les intérêts du requérant, a constitué un acte faisant grief à ce dernier, il en va différemment des rapports de fin de stage sur lesquels l’AHCC s’est fondée pour prendre la décision de licenciement et qui n’ont été que des actes préparatoires à celle-ci.

60      Une telle conclusion n’a pas pour conséquence de priver le requérant d’un recours juridictionnel effectif. En effet, il convient de rappeler que, en cas de licenciement d’un agent à l’issue d’un stage, celui-ci dispose de la faculté d’introduire un recours contre cette décision et de faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés. Ainsi, en l’espèce, le requérant, si son recours tendant à l’annulation de la décision de licenciement avait été recevable, aurait pu faire usage de cette faculté et contester, à l’appui de ce recours, le contenu des rapports de fin de stage.

61      Par suite, le requérant n’est pas recevable à demander l’annulation des rapports de fin de stage.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de prolongation de stage

 Arguments des parties

62      La Commission conclut à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées au double motif, premièrement, que la décision de prolongation de stage ne lui ferait pas grief, deuxièmement, que le requérant, qui a été licencié avec effet au 15 octobre 2005, ne justifierait pas d’un intérêt personnel et actuel à obtenir l’annulation de ladite décision.

63      Ces deux chefs d’irrecevabilité sont contestés par le requérant.

64      En ce qui concerne le premier chef d’irrecevabilité, le requérant fait valoir que la décision de prolongation de stage aurait été prise sur la base d’un rapport comportant des « accusations graves », susceptibles de compromettre ses chances de retrouver un nouvel emploi au sein des institutions de l’Union européenne. Dès lors, cette décision lui ferait grief.

65      En ce qui concerne le second chef d’irrecevabilité, le requérant souligne qu’il aurait formé une demande indemnitaire accessoire à la demande d’annulation de la décision de prolongation de stage et que, pour cette raison, il aurait intérêt à obtenir l’annulation de cette dernière décision.

 Appréciation du Tribunal

66      Il convient d’examiner la fin de non-recevoir tirée de ce que la décision de prolongation de stage ne ferait pas grief au requérant.

67      Ainsi qu’il a été rappelé au point 57 ci-dessus, seuls font grief les actes ou mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier.

68      En l’espèce, bien que la décision de prolongation de stage a eu pour effet de maintenir le requérant dans une situation professionnelle précaire et qu’elle s’inscrivait dans une procédure susceptible, le cas échéant, d’aboutir à son licenciement, elle n’avait pas, en soi, pour conséquence inévitable un tel licenciement. Ainsi, l’acte attaqué, purement préparatoire, n’a pas affecté directement et immédiatement les intérêts du requérant et n'a pas modifié de façon caractérisée sa situation juridique (voir, pour une décision de prorogation de la période d’essai d’un agent de la Banque européenne d’investissement, arrêt du Tribunal de première instance du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, RecFP p. I-A-51 et II‑211, point 45). Dès lors, la décision de prolongation de stage ne fait pas grief au requérant.

69      Quant à la circonstance, alléguée par le requérant, que le premier rapport de fin de stage, sur la base duquel a été prise la décision de prolongation de stage, contiendrait des « accusations graves » à son encontre, il importe de souligner, ainsi qu’il a été rappelé au point 60 de la présente ordonnance, que le requérant aurait pu, si son recours contre la décision de licenciement avait été recevable, faire état des prétendues erreurs entachant, selon lui, le premier rapport de fin de stage.

70      Il s’ensuit que les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision de prolongation de stage doivent être rejetées comme irrecevables, ce sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir tirée de ce que le requérant n’aurait pas intérêt à l’annulation de ladite décision.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

71      Le requérant demande la réparation, d’une part, du préjudice matériel qu’il aurait subi du fait de la décision de licenciement, d’autre part, du préjudice moral qui résulterait de l’inclusion, dans le premier rapport de fin de stage, d’allégations diffamatoires selon lesquelles il se serait prêté, envers des collègues féminins, à des « contacts physiques non sollicités ».

72      La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

 Appréciation du Tribunal

73      En ce qui concerne, premièrement, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice matériel que le requérant aurait subi du fait de la décision de licenciement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque des conclusions en indemnité présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation, elles-mêmes déclarées irrecevables, les conclusions en indemnité sont également irrecevables (ordonnance du Tribunal de première instance du 24 mars 1993, Benzler/Commission, T‑72/92, Rec. p. II‑347, point 21, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 52 de la présente ordonnance, le chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision de licenciement est irrecevable. En conséquence, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice matériel qu’aurait causé au requérant la décision de licenciement sont irrecevables.

74      En ce qui concerne, deuxièmement, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice moral prétendument causé par l’inclusion dans le premier rapport de fin de stage d’allégations diffamatoires relatives à de prétendus « contacts physiques non sollicités », il convient de rappeler que, lorsque le recours tend à la réparation d’un préjudice prétendument causé par un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, par une demande de l’intéressé invitant l’AIPN à réparer ce préjudice. C’est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l’intéressé peut saisir l’administration d’une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article (arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Commission, T‑153/01 et T‑323/01, RecFP p. I‑A‑161 et II‑719, point 99).

75      En l’espèce, dès lors que le prétendu préjudice moral dont aurait souffert le requérant trouve son origine dans le premier rapport de fin de stage, qui doit être regardé, ainsi qu’il a été rappelé au point 59 ci-dessus, comme un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative précédant l’introduction des recours aurait dû impérativement débuter par une demande de l’intéressé invitant l’AHCC à réparer ce préjudice et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de ladite demande. Or, il convient de constater que le comportement prétendument fautif de la Commission n’a fait l’objet d’aucune demande en réparation présentée à l’AHCC préalablement aux recours. Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice allégué ne sont pas davantage recevables.

76      Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble du recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

77      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Les recours sont rejetés comme irrecevables.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 24 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.