Language of document : ECLI:EU:F:2009:146

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

29 octobre 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Exécution d’un arrêt – Remboursement des dépens – Intention de l’administration de procéder à une retenue sur l’allocation d’invalidité du fonctionnaire – Absence d’acte faisant grief – Recours indemnitaire – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑94/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur) et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 19 novembre 2008, M. Marcuccio demande, en substance, l’annulation de la note du 28 mars 2008 par laquelle la Commission des Communautés européennes l’a informé de son intention d’opérer une retenue sur son allocation d’invalidité afin d’obtenir le paiement des dépens exposés dans une instance antérieure.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, a été affecté à Luanda au sein de la délégation de la Commission en Angola en tant que fonctionnaire stagiaire à compter du 16 juin 2000, puis comme fonctionnaire titulaire à compter du 16 mars 2001.

3        La Commission a mis à la disposition du requérant un immeuble à usage d’habitation, sis à Luanda, où l’intéressé a installé ses effets personnels.

4        Suite à la réaffectation, à compter du 1er avril 2002, du requérant au siège de la DG « Développement » à Bruxelles, la Commission a, par une note du 15 octobre 2002, informé celui-ci qu’elle avait procédé à la résiliation du bail du logement mis à sa disposition à Luanda et décidé de fixer au 27 novembre 2002 la date du déménagement de ses effets personnels et de son véhicule (ci-après la « note du 15 octobre 2002 »).

5        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 16 juin 2003 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 juin suivant), le requérant a introduit un recours enregistré sous la référence T‑241/03 et tendant, notamment, à l’annulation de la note du 15 octobre 2002. Par ordonnance du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission (T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2‑111 et II‑A‑2‑517), le Tribunal de première instance a rejeté le recours et condamné le requérant, qui avait entre-temps été mis à la retraite pour invalidité par une décision du 30 mai 2005, à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission.

6        Par une note de débit datée du 8 mars 2007, la Commission a demandé au requérant de lui payer la somme de 4 875 euros, correspondant aux honoraires de l’avocat l’ayant assistée dans la procédure T‑241/03 (ci-après la « note de débit »).

7        Le requérant n’ayant ni réglé la somme demandée dans la note de débit ni donné suite aux rappels envoyés par la Commission, celle-ci a fait parvenir à l’intéressé une note datée du 28 mars 2008 (ci-après la « note du 28 mars 2008 »), qui contenait le passage suivant :

« D’après les données comptables dont je dispose au 27 mars 2008, le paiement de la note de débit […] n’a pas encore été effectué. Le montant dû est de 5 432,16 [euros] (4 875 + 557,16 [euros] au titre d’intérêts de retard, en tenant compte notamment de l’échelonnement du remboursement).

La créance porte sur les dépens de la Commission qui ont été mis à votre charge par le Tribunal de première instance […] dans son ordonnance du 17 mai 2006 rendue dans l’affaire T‑241/03 et, en particulier, sur les honoraires de l’avocat de la Commission […] dont la note d’honoraires est jointe en annexe.

La récupération de cette créance sera opérée sur l[‘allocation] d’invalidité versée par la Commission, cette retenue étant effectuée en vertu de l’article 46 de l’annexe VII du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes].

La récupération sera opérée sur l[’allocation d’invalidité] à compter du mois de mai prochain, conformément au tableau en annexe, de façon à vous permettre, si vous le jugez adéquat, d’introduire une demande de contestation des dépens conformément à la procédure visée à l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal [de première instance]. »

8        À la note du 28 mars 2008 était annexée la copie des notes d’honoraires envoyées à la Commission par l’avocat l’ayant assistée dans le cadre de la procédure T‑241/03.

9        Par note du 19 avril 2008, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la note du 28 mars 2008 (ci-après la « réclamation »). Le requérant y contestait être débiteur de la somme de 4 875 euros et expliquait que, la créance de la Commission ne présentant aucun caractère liquide et certain quant à son montant, celle-ci n’était pas fondée à effectuer, par compensation, une retenue sur son allocation d’invalidité.

10      Par décision du 11 août 2008, la Commission a rejeté la réclamation. Cette décision contenait les passages suivants :

« Après avoir examiné attentivement votre réclamation, je tiens à préciser que la [note du 28 mars 2008] ne peut pas être qualifiée de décision vous faisant grief et qu’elle ne peut donc pas faire l’objet d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]. En effet, la [note] précitée […] était uniquement une invitation à payer la note de débit […] La [note du 28 mars 2008] vous annonçait qu’une récupération éventuelle de la somme en cause serait effectuée sur votre allocation d’invalidité, mais elle vous indiquait aussi que vous pouviez engager une procédure de contestation des dépens au sens de l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal de première instance […]

[…]

[C]ompte tenu de votre réclamation et par analogie avec ce qui vous a été indiqué dans la [note du 28 mars 2008], la Commission est disposée à attendre encore trois mois à compter de la date de la notification de la présente afin de vous permettre, si vous le jugez opportun, de saisir le Tribunal de première instance pour contester, en application de l’article 92 [de son] règlement de procédure, le montant des dépens mis à votre charge. […]

À l’issue de ce délai de trois mois, si le montant des dépens mis à votre charge n’a fait l’objet d’aucune contestation, la Commission considérera cette somme comme étant définitivement exigible et prendra la décision nécessaire pour procéder à sa récupération. »

11      La Commission n’a effectué aucune retenue sur l’allocation d’invalidité du requérant nonobstant la circonstance que ce dernier n’a ni réglé la somme réclamée ni introduit de demande de taxation des dépens afférents à l’affaire T‑241/03.

12      Par arrêt du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06, non encore publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑20/09 P), le Tribunal a annulé la décision du 30 mai 2005 ayant mis le requérant à la retraite pour invalidité.

 Conclusions des parties

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la note du 28 mars 2008 ;

–        annuler, dans la mesure nécessaire, la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler, dans la mesure nécessaire, la décision du 11 août 2008 ;

–        condamner la Commission à l’indemniser du préjudice moral et existentiel qui lui aurait été causé par les actes dont il demande l’annulation, à concurrence d’une somme de 10 000 euros ou d’une somme supérieure ou inférieure que le Tribunal jugera juste et équitable ;

–        condamner la Commission à lui rembourser tous les dépens et honoraires de la procédure inhérents au présent recours.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou dénué de fondement ;

–        condamner le requérant au paiement des dépens en application de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 En droit

15      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

16      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions en annulation

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15). Dans ces conditions, les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation se confondent avec celles tendant à l’annulation de la note du 28 mars 2008.

18      Il y a lieu d’examiner si la note du 28 mars 2008 constitue un acte faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »).

19      À cet égard, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, RecFP p. I‑A‑1‑55 et II‑A‑1‑199, point 33 et la jurisprudence citée), un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, points 13 et 14, ainsi que du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, point 83 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 2009, Giaprakis/Comité des régions, F‑106/07, non encore publié au Recueil, point 43).

20      Or, force est de constater que la note du 28 mars 2008 ne correspond pas à cette définition.

21      En effet, dans la note du 28 mars 2008, la Commission, après avoir rappelé au requérant que « le paiement de la note de débit […] n’[avait] pas encore été effectué », l’a informé que « [l]a récupération de cette créance sera[it] opérée sur [son allocation] d’invalidité », ce « à compter du mois de mai prochain, conformément au tableau en annexe, de façon à [lui] permettre, s[‘il le jugeait] adéquat, d’introduire une demande de contestation des dépens conformément à la procédure visée à l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal [de première instance] ». La note du 28 mars 2008 ne comportait donc pas de prise de position définitive de la Commission, mais exposait simplement l’intention de celle-ci de procéder, dans l’hypothèse où le requérant ne saisirait pas le Tribunal de première instance d’une demande de taxation des dépens, à la compensation entre, d’une part, la créance relative aux dépens de l’affaire T‑241/03 et, d’autre part, la créance d’allocation d’invalidité détenue par le requérant à son encontre.

22      Au demeurant, le fait que la note du 28 mars 2008 ne constitue pas un acte faisant grief au requérant est confirmé par la teneur de la décision de rejet de la réclamation, dans laquelle la Commission a précisé qu’elle était disposée à accorder à l’intéressé un nouveau délai avant de recouvrer la créance relative aux dépens de l’affaire T‑241/03, afin que celui-ci, s’il le jugeait opportun, puisse saisir le Tribunal de première instance d’une demande de taxation des dépens.

23      Enfin, il importe de souligner que la Commission n’a effectué aucune retenue sur l’allocation d’invalidité du requérant nonobstant la circonstance que ce dernier n’a ni réglé la somme réclamée ni introduit de demande de taxation des dépens.

24      Dans ces conditions, la note du 28 mars 2008 ne peut être considérée comme ayant affecté directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

25      Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation de cette note doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

 Sur les conclusions indemnitaires

26      Il importe de rappeler que, lorsque le recours tend à la réparation d’un préjudice prétendument causé par des comportements dépourvus de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, par une demande de l’intéressé invitant l’autorité investie du pouvoir de nomination à réparer ce préjudice. C’est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l’intéressé peut saisir l’administration d’une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article (ordonnance du Tribunal de première instance du 7 juin 2004, X/Commission, T‑230/02, non publiée au Recueil, point 15).

27      En l’espèce, le requérant sollicite en substance la condamnation de la Commission à réparer le préjudice moral et existentiel qui lui aurait été causé par la note du 28 mars 2008 ainsi que par la décision rejetant la réclamation introduite contre la note du 28 mars 2008. Toutefois, dès lors que le préjudice allégué résulte d’actes ne faisant pas grief au requérant, la procédure administrative aurait dû débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande. Or, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne s’est pas conformé à cette procédure. Les conclusions susmentionnées doivent donc être rejetées comme manifestement irrecevables.

28      Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

30      Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours de M. Marccucio est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Marcuccio est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 octobre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.