Language of document : ECLI:EU:T:2018:874

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

4 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Réforme du statut du 1er janvier 2014 – Article 6 de l’annexe X du statut – Nouvelles dispositions relatives à l’octroi des jours de congé applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers – Exception d’illégalité – Article 10, deuxième alinéa, du statut – Articles 7 et 33 de la charte des droits fondamentaux – Égalité de traitement – Droits acquis – Confiance légitime – Sécurité juridique – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire T‑517/16,

Andrea Janoha, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Christ Church (Barbade), et les autres agents contractuels de la Commission européenne dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me O. Mader, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Currall et G. Gattinara, puis par M. Gattinara et Mme A.-C. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bauer et Mme M. Veiga, puis par MM. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions réduisant le nombre de jours de congé annuel des requérants à compter de l’année 2014,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Andrea Janoha et les autres personnes dont les noms figurent en annexe, sont agents contractuels de la Commission européenne. Tous ont été affectés dans des pays tiers et l’étaient déjà avant le 1er janvier 2014.

2        En vertu de l’article 57, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents contractuels en vertu des articles 16 et 91 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), les fonctionnaires et agents ont droit, par année civile, à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum, conformément à une réglementation à établir d’un commun accord entre les institutions de l’Union européenne après avis du comité du statut. En application de cette disposition, le nombre de jours de congé annuel a été fixé à 24 jours de congé auxquels s’ajoutent des jours de congé supplémentaires alloués en fonction de l’âge et du grade dans les limites des 30 jours susmentionnés.

3        L’annexe X du statut énonce toutefois des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans les pays tiers. En vertu de l’article 118 du RAA, certaines de ces dispositions s’appliquent par analogie aux agents contractuels se trouvant dans la même situation. Tel est le cas de l’article 6 de cette annexe.

4        L’article 6 de l’annexe X du statut, dans sa version antérieure à la prise d’effet du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut et le RAA (JO 2013, L 287, p. 15), disposait, pour le personnel affecté dans un pays tiers, ce qui suit :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de trois jours et demi ouvrables par mois de service. »

5        Au considérant 27 du règlement no 1023/2013, le législateur de l’Union a cependant exposé ce qui suit :

« Il convient de moderniser les conditions de travail du personnel employé dans des pays tiers et de les rendre meilleures sur le plan du rapport coût-efficacité tout en réalisant des économies. Les droits à congé annuel devraient être adaptés et la possibilité devrait être prévue de prendre en compte un éventail plus large de paramètres pour déterminer l’indemnité de conditions de vie sans nuire à l’objectif général consistant à réaliser des économies. Les conditions d’octroi de l’indemnité de logement devraient être révisées pour mieux tenir compte des conditions locales et réduire la charge administrative. »

6        Depuis la prise d’effet, le 1er janvier 2014, de l’article 1er, point 70, sous a), du règlement no 1023/2013, l’article 6 de l’annexe X du statut (ci-après le « nouvel article 6 de l’annexe X du statut ») dispose, toujours en ce qui concerne les fonctionnaires affectés dans un pays tiers, ce qui suit :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de deux jours ouvrables par mois de service.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, les fonctionnaires déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014 ont droit :

–        à trois jours ouvrables du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

–        à deux jours ouvrables et demi du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. »

7        Le 16 décembre 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 9051 final relative aux congés (ci-après la « décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés »).

8        Les dossiers personnels des requérants ont été mis à jour pour tenir compte du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut et les requérants se sont ainsi vu allouer 36 jours ouvrables de congé annuel pour l’année 2014 contre 42 l’année précédente (ci-après les « décisions attaquées »).

9        Les requérants ont introduit des réclamations entre le 18 et le 28 février 2014. Ces réclamations ont été rejetées par l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») par décisions du 23 mai 2014 (ci-après les « décisions de rejet des réclamations »).

II.    Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 1er septembre 2014, les requérants ont introduit le présent recours, lequel a été enregistré sous le numéro F‑86/14.

11      Par actes déposés respectivement au greffe du Tribunal de la fonction publique le 29 octobre 2014 et le 10 février 2015, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par décision du 27 novembre 2014, le Tribunal de la fonction publique a admis l’intervention du Conseil.

13      Par ordonnance du 25 juin 2015, le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande d’intervention du Parlement, en ce qu’elle avait été présentée tardivement.

14      Par ordonnance du 25 juin 2015, le Tribunal de la fonction publique a décidé de suspendre la procédure dans la présente affaire jusqu’à ce que l’affaire T‑17/14, U4U e.a./Parlement et Conseil, soit passée en force de chose jugée.

15      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 et doit désormais être traitée conformément au règlement de procédure du Tribunal. Cette affaire a ainsi été enregistrée sous le numéro T‑517/16 et attribuée à la quatrième chambre.

16      L’affaire dans l’attente de laquelle la procédure avait été suspendue a donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489). Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi et est passé en force de chose jugée.

17      Le 26 janvier 2017, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’inviter les parties à répondre, par écrit, à une question concernant les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489). Les parties ont déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti.

18      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, le 26 juillet 2017, d’ouvrir la phase orale de la procédure et, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, d’inviter les parties à répondre à des questions par écrit. Les parties ont déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti.

19      Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, le 20 septembre 2017, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

20      Le 18 octobre 2017, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, d’inviter avant l’audience les parties à répondre à des questions par écrit. Les parties ont déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 20 novembre 2017.

22      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        déclarer l’inapplicabilité du nouvel article 6 de l’annexe X du statut et de la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés, en ce qu’ils réduisent le nombre de leurs jours de congé annuel ;

–        annuler les décisions de rejet des réclamations ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

24      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer non fondée l’exception d’illégalité relative au nouvel article 6 de l’annexe X du statut ;

–        rejeter le recours.

III. En droit

A.      Sur le deuxième chef de conclusions des requérants tendant à ce que le Tribunal déclare inapplicables le nouvel article 6 de l’annexe X du statut et la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés

25      Les requérants demandent, dans leur deuxième chef de conclusions, que le Tribunal déclare inapplicables le nouvel article 6 de l’annexe X du statut et la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés.

26      Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de faire des constatations de principe dans le dispositif de ses arrêts (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, EU:T:2004:367, points 136 et 137). Toutefois, en l’espèce, il est clair que le deuxième chef de conclusions doit être compris comme n’étant pas distinct du premier chef de conclusions, dès lors que, en substance, les requérants soulèvent, à titre incident, l’inapplicabilité du nouvel article 6 de l’annexe X du statut et de la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés au soutien de leur demande d’annulation des décisions portant réduction de leurs congés annuels pour l’année 2014.

B.      Sur le troisième chef de conclusions des requérants tendant à ce que le Tribunal annule les décisions de rejet des réclamations

27      Les requérants demandent, dans leur troisième chef de conclusions, que le Tribunal annule les décisions de rejet des réclamations, en ce qu’elles concernent leur droit au congé annuel.

28      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge (arrêts du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 18). Par conséquent, étant donné que, dans le système du statut, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste, le recours subséquent est jugé recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, dans la mesure où la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut. Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée. Il peut, notamment, en être ainsi lorsqu’il constate que la décision portant rejet de la réclamation est purement confirmative de la décision objet de la réclamation et que, partant, l’annulation du rejet de la réclamation ne produirait sur la situation juridique de la personne intéressée aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation de la décision initiale (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 33).

29      Inversement, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale (voir arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il convient d’observer que le rejet des réclamations ne contient pas un réexamen de la situation des requérants qui aurait été effectué au vu d’éléments de droit ou de fait nouveaux et qu’il ne modifie pas non plus les décisions attaquées. Les décisions de rejet des réclamations ne font que les confirmer. Les conclusions tendant à l’annulation des décisions de rejet des réclamations sont ainsi, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent en réalité avec les conclusions en annulation des décisions attaquées. Dans ces conditions, les conclusions en annulation doivent être regardées comme formellement dirigées seulement contre ces dernières.

31      Partant, il y a lieu de considérer que le troisième chef de conclusions des requérants ne se distingue pas du premier chef de conclusions des requérants, tendant à ce que le Tribunal annule les décisions attaquées.

C.      Sur le premier chef de conclusions des requérants tendant à ce que le Tribunal annule les décisions attaquées

1.      Sur la qualification d’actes faisant grief aux requérants des décisions attaquées

32      La Commission et le Conseil font valoir que les décisions attaquées ne sont pas en tant que telles des actes attaquables, étant donné qu’elles ne sont que le reflet de la mise en œuvre d’une modification législative effectuée par le nouvel article 6 de l’annexe X du statut. En conséquence, les décisions attaquées ne sauraient être considérées comme des décisions prises par l’AHCC et ne seraient qu’une conséquence technique de l’entrée en vigueur du nouvel article 6 de l’annexe X du statut.

33      Les requérants répondent que la requête est recevable, au motif que les décisions attaquées mettent en œuvre, à leur égard, des actes de portée générale avec un effet juridique contraignant.

34      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et individuellement les intérêts des intéressés en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique peuvent être considérés comme leur faisant grief (voir ordonnance du 3 décembre 1992, Moat/Commission, C‑32/92 P, EU:C:1992:496, point 9 et jurisprudence citée).

35      Dans des hypothèses où les droits d’une catégorie abstraite de fonctionnaires ou d’agents sont affectés, à la suite de l’entrée en vigueur d’un acte de portée générale, les mesures administratives consécutives à cette modification traduisent nécessairement, à l’égard de leurs destinataires, l’adoption de décisions administratives de portée individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts des fonctionnaires concernés qui doivent être considérées comme des actes faisant grief (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 1985, Delhez e.a./Commission, 264/83, EU:C:1985:293, point 20, et du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, EU:C:2000:282, point 49).

36      Il découle de ce qui précède que les décisions attaquées doivent être considérées comme des actes faisant grief aux requérants.

2.      Sur l’objet du premier chef de conclusions et les conséquences sur les exceptions d’illégalité soulevées par les requérants

37      Les décisions attaquées ayant uniquement déterminé le nombre de jours de congé annuel pour l’année 2014, la question se pose de savoir si les requérants sont recevables à soulever, comme ils l’ont fait, des moyens fondés sur des exceptions d’illégalité dirigées non pas seulement contre le nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut, relatif au congé annuel de l’année 2014, mais plus largement contre le premier alinéa de cet article déterminant le nombre de jours de congé annuel à compter de l’année 2016.

38      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 20 ci-dessus, les requérants ont soutenu qu’ils avaient un intérêt à soulever l’illégalité de l’ensemble du nouvel article 6 de l’annexe X du statut, puisque la période de transition n’était qu’un mécanisme d’amortissement, et que ce n’était qu’en prenant en considération l’ensemble de la disposition qu’il était possible de saisir sa portée, laquelle était essentielle à la solution du litige.

39      En revanche, la Commission et le Conseil font valoir que les exceptions d’illégalité soulevées ne pouvaient avoir pour objet que le nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut, au motif que l’exception d’illégalité ne constituait pas un droit d’action autonome et ne pouvait donc avoir qu’une portée incidente, limitée par l’objet du recours.

40      Selon une jurisprudence constante, une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation au principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige (voir arrêt du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 170 et jurisprudence citée). Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (arrêts du 15 mars 2017, Fernández González/Commission, T‑455/16 P, non publié, EU:T:2017:169, point 34, et du 22 novembre 2017, von Blumenthal e.a./BEI, T‑558/16, non publié, EU:T:2017:827, point 71).

41      Néanmoins, l’article 277 TFUE doit recevoir une interprétation suffisamment large afin que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes (arrêts du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, EU:T:1993:89, point 56, et du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, point 50). Aussi le champ d’application de l’article 277 TFUE doit-il s’étendre aux actes des institutions qui ont été pertinents pour l’adoption de la décision qui fait l’objet du recours en annulation (arrêts du 4 mars 1998, De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, EU:T:1998:50, point 27, et du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 135), en ce sens que ladite décision repose essentiellement sur ceux-ci (arrêt du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 172), même s’ils n’en constituaient pas formellement la base juridique (arrêts du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 135 ; du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, EU:T:2007:347, point 33, et du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T‑177/12, EU:T:2014:849, point 25).

42      En l’espèce, les requérants bénéficiaient de 42 jours de congé annuel en 2013 en vertu de l’article 6 de l’annexe X du statut dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 1er, point 70, sous a), du règlement no 1023/2013. En 2014, année de l’introduction du recours, ils ne bénéficiaient plus que de 36 jours de congé annuel en application du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut. En 2015, ils ne devaient plus disposer que de 30 jours de congé annuel en vertu du second tiret du second alinéa dudit article. Finalement, à partir de l’année 2016, les requérants ne devaient plus avoir droit, en principe, qu’à 24 jours de congé par an, conformément au premier alinéa du nouvel article 6 de l’annexe X du statut.

43      Ainsi, l’autorité compétente ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour déterminer le nombre de jours de congé annuel. De plus, il ressort d’une interprétation contextuelle et systémique du nouvel article 6 de l’annexe X du statut que le premier tiret de son second alinéa, directement applicable aux décisions attaquées, constituait une disposition transitoire, tandis que le premier alinéa dudit article forme le nouveau régime définitif en matière de congé annuel des fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers.

44      Il convient dès lors de rappeler que la nature même d’une période transitoire est d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre (arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469, point 117) pour résoudre des difficultés inhérentes à la mise en place du nouveau régime ou éviter une modification abrupte du régime antérieur.

45      Au vu du lien qui unit les dispositions transitoires aux dispositions définitives, les premières n’ayant aucune raison d’exister sans les secondes, et au vu de l’absence de marge de manœuvre de l’autorité compétente, il y a lieu de considérer, en l’espèce, qu’il existe un lien juridique direct entre les décisions attaquées et le nouvel article 6, premier alinéa, de l’annexe X du statut et que, ce premier alinéa étant l’aboutissement du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut, il est au moins indirectement applicable auxdites décisions en ce qu’il était pertinent pour leur adoption, dans la mesure où elles reposaient essentiellement sur celui-ci, même s’il n’en constituait pas formellement la base juridique.

46      Aussi les décisions attaquées constituaient-elles à l’égard des requérants la première application du nouvel article 6 de l’annexe X du statut, avec pour conséquence que, à partir de 2016, ceux-ci ne bénéficieraient plus que de 24 jours de congé.

47      Partant, même si les décisions attaquées sont formellement fondées sur la disposition transitoire concernant la seule année 2014, figurant au premier tiret du second alinéa du nouvel article 6 de l’annexe X du statut, les requérants sont recevables à contester également, par voie d’exception, la légalité du régime définitif du congé annuel déterminé par le premier alinéa dudit article.

3.      Sur les moyens

48      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent cinq moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 10, deuxième alinéa, du statut. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des articles 7 et 33 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 20 de la Charte. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du contrat des requérants ainsi que des principes de confiance légitime, des droits acquis et de sécurité juridique. Le cinquième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir. Tous les moyens des requérants visent une exception d’illégalité à l’encontre du nouvel article 6 de l’annexe X du statut.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 10, deuxième alinéa, du statut

49      Les requérants soulèvent une exception d’illégalité à l’encontre du nouvel article 6 de l’annexe X du statut, en faisant valoir, en substance, que, pendant la procédure législative d’adoption du règlement no 1023/2013, modifiant le statut, l’article 27 de la Charte et l’article 10, deuxième alinéa, du statut ont été enfreints, en ce que le comité du statut n’a pas été consulté sur la réduction des jours de congé des fonctionnaires affectés dans un pays tiers. Les requérants visent ainsi, par leur premier moyen, à invoquer une violation de l’article 10, deuxième alinéa, du statut ainsi que de l’article 27 de la Charte.

50      La Commission et le Conseil contestent les arguments des requérants.

51      Dans les décisions de rejet des réclamations, l’AHCC a mis en exergue le fait que l’article 10 du statut était une expression directe du principe consacré par l’article 27 de la Charte, à savoir le principe d’information et de consultation des travailleurs. L’AHCC a précisé que ledit principe devait être respecté selon les conditions déterminées par le droit de l’Union. De telles conditions seraient, en l’espèce, déterminées par l’article 10 du statut, de telle sorte que, lorsqu’elles sont respectées, l’article 27 de la Charte doit être considéré comme respecté. Dans ce contexte, l’AHCC a observé que l’article 10 du statut avait été respecté lors de la consultation du comité du statut sur la proposition de révision le 21 novembre 2011 et que ledit comité avait été consulté une seconde fois, le 5 juillet 2013, alors même que cette proposition n’avait pas été substantiellement modifiée.

52      L’article 10, deuxième alinéa, du statut dispose ce qui suit :

« Le comité est consulté par la Commission sur toute proposition de révision du statut ; il fait parvenir son avis dans le délai fixé par la Commission. Indépendamment des fonctions qui lui sont attribuées par le présent statut, le comité peut formuler toute suggestion en vue de la révision du statut. Il se réunit à la demande de son président, d’une institution ou du comité du personnel d’une institution. »

53      À cet égard, il ressort du point 135 de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), que l’article 10 du statut est à interpréter en ce sens que, uniquement lorsque la Commission procède elle-même à une modification de sa proposition de révision du statut lors de la procédure législative ordinaire, elle a l’obligation de consulter de nouveau le comité du statut avant l’adoption par le Conseil des dispositions réglementaires concernées, lorsque cette modification affecte de façon substantielle l’économie de la proposition.

54      En réponse à la question posée aux requérants sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil (T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489), ces derniers admettent que, dans la mesure où le Tribunal déciderait de suivre en l’espèce l’interprétation de l’article 10 du statut fournie par cet arrêt, le premier moyen devrait être rejeté. Cependant, ils soutiennent que cette interprétation vide cette disposition de son effet utile et qu’il conviendrait de l’interpréter plutôt dans le sens où la Commission serait tenue de consulter à nouveau le comité du statut lorsque des modifications de la proposition de révision sont introduites par le Parlement ou le Conseil.

55      En l’espèce, il y a lieu de constater que, si la Commission a fait usage de son pouvoir d’initiative législative en présentant la proposition de modification du statut, elle n’a pas fait usage de ce pouvoir pour modifier elle-même sa proposition, la modification ayant été introduite lors des négociations au sein du Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, points 136 à 139).

56      Il en découle que la Commission n’était pas tenue de consulter à nouveau le comité, et ce indépendamment du caractère substantiel des amendements adoptés par le Parlement concernant le nouvel article 6 de l’annexe X du statut. L’article 10 du statut a ainsi été respecté en l’espèce.

57      Il résulte du point précédent que l’article 27 de la Charte a également été respecté en l’espèce.

58      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 7 et 33 de la Charte

59      Les requérants soulèvent une exception d’illégalité à l’encontre du nouvel article 6 de l’annexe X du statut en ce qu’il porterait atteinte aux articles 7 et 33 de la Charte. Les requérants soutiennent que le nouvel article 6 de l’annexe X du statut constitue une ingérence dans leurs droits au respect de la vie privée et à la vie familiale consacrés par l’article 7 et l’article 33, paragraphe 1, de la Charte.

60      À cet égard, les requérants font valoir que la réduction de leurs jours de congé annuel de base rend automatiquement impossible de maintenir de manière satisfaisante leurs relations familiales et leurs attaches personnelles avec le centre de leurs intérêts principaux, puisque la vie familiale nécessite que les personnes puissent être personnellement disponibles pour leur famille. Ils soulignent également que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») donne une définition large à la notion de vie privée.

61      La Commission et le Conseil concluent au rejet du présent moyen en faisant valoir qu’il n’existe aucun lien entre la protection du droit à la vie familiale et le nombre de jours de congé annuel des requérants. De plus, ils soutiennent que d’autres dispositions du statut tiennent compte du droit au respect de la vie familiale du personnel affecté dans des pays tiers, telles que l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, concernant le calcul du montant des frais de voyage annuel, l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, concernant le remboursement forfaitaire des frais de voyage, l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, concernant le remboursement des frais de voyage vers le lieu d’affectation, et l’article 7, second alinéa, de l’annexe V du statut, relatif au délai de route ajouté au congé annuel. Ils soulignent aussi que le contexte social actuel se caractérise par des conditions de déplacement et de communication qui ont connu des changements importants par rapport à 2004, où la dernière révision du statut avait eu lieu.

62      Dans les décisions de rejet des réclamations, l’AHCC a considéré que l’article 7 de la Charte ne prévoyait aucun droit concret au congé annuel pour les fonctionnaires et agents. Elle a souligné que le droit au congé annuel était prévu par l’article 31 de la Charte. L’AHCC a, en outre, estimé que la possibilité de maintenir des relations familiales n’était pas empêchée par la réduction du congé annuel, en ce que ces relations ne requéraient pas d’être présent personnellement ou de se rendre pendant les congés sur les lieux où les cercles familiaux et sociaux se trouvaient. Cela serait ainsi grâce à l’internet, qui est à présent disponible à très bas prix. L’AHCC a souligné que les jours de congé annuel étaient aussi importants pour les fonctionnaires et agents affectés dans le territoire de l’Union, lorsque leur lieu d’origine était différent de leur lieu d’affectation, et que ces mêmes fonctionnaires et agents avaient le même droit de base au congé annuel que les requérants. Enfin, l’AHCC a souligné que les fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers avaient droit jusqu’à cinq jours de congé par an pour se déplacer vers leur lieu d’origine en fonction de la distance entre leur lieu d’affectation et leur lieu d’origine, les fonctionnaires affectés dans le territoire de l’Union n’ayant droit qu’à deux jours et demi par an.

63      L’article 7 de la Charte prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».

64      L’article 33, paragraphe 1, de la Charte dispose que « la protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social ».

65      Il importe de rappeler que l’obligation de respecter les droits fondamentaux s’adresse, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, à toutes les institutions, à tous les organes et organismes de l’Union (arrêt du 4 février 2014, Syrian Lebanese Commercial Bank/Conseil, T‑174/12 et T‑80/13, EU:T:2014:52, point 162).

66      Il y a lieu aussi de rappeler qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte que, dans la mesure où celle-ci contient des droits correspondant à des droits garantis par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention, en ce compris au vu de la jurisprudence de la Cour EDH, qui doit être prise en compte en application de cette disposition [voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2017, C. K. e.a., C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 67 ; du 15 mars 2017, Al Chodor, C‑528/15, EU:C:2017:213, point 37, et du 11 octobre 2017, Osho Lotus Commune/EUIPO – Osho International Foundation (OSHO), T‑670/15, non publié, EU:T:2017:716, point 114].

67      En l’occurrence, l’article 7 de la Charte correspond à l’article 8, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 33, paragraphe 1, de la Charte pose des obligations qui découlent aussi de cette stipulation.

68      S’agissant de la question de savoir si le nouvel article 6 de l’annexe X du statut apporte une limitation au droit au respect de la vie privée, il y a lieu de constater que, dans la requête, les requérants n’ont pas étayé de manière précise une violation spécifique de ce droit.

69      Par ailleurs et en tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que la notion de « vie privée » ne saurait être définie de manière exhaustive et qu’il serait trop restrictif de la limiter à un cercle intime où chacun peut mener sa vie personnelle à sa guise et d’écarter entièrement le monde extérieur de ce cercle. Dans ce contexte, la Cour EDH a jugé qu’il n’y avait aucune raison de principe de comprendre la notion de « vie privée » comme excluant les activités professionnelles. C’est au contraire dans leur travail que la majorité des gens ont beaucoup, voire un maximum d’occasions de resserrer leurs liens avec le monde extérieur (Cour EDH, 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, CE :ECHR :1992 :1216JUD 001371088, § 29).

70      Dès lors que le droit au respect de la vie privée s’exerce aussi au travail, la réduction des jours de congé annuel ne saurait être regardée, par principe, comme ayant en soi une influence sur ce droit.

71      S’agissant de la question de savoir si le nouvel article 6 de l’annexe X du statut apporte une limitation au droit au respect de la vie familiale, il y a lieu d’observer que la Cour EDH a jugé que l’existence ou l’absence d’une vie familiale est une question de fait dépendant de la réalité pratique des liens personnels étroits (Cour EDH, 12 juillet 2001, K. et T. c. Finlande, CE :ECHR :2001 :0712JUD 002570294, § 150). La Cour EDH a également jugé que, pour les membres d’une même famille, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale (Cour EDH, 12 juillet 2001, K. et T. c. Finlande, CE :ECHR :2001 :0712JUD 002570294, § 151, et 13 décembre 2012, El-Masri c. L’ex-République yougoslave de Macédoine, CE :ECHR :2012 :1213JUD 003963009, § 248).

72      Le droit au congé annuel, quant à lui, a pour finalité de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs (arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 25) et ainsi de protéger sa sécurité et sa santé (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère, C‑428/09, EU:C:2010:612, point 37, et ordonnance du 4 mars 2011, Grigore, C‑258/10, non publiée, EU:C:2011:122, point 40). Il ne doit pas nécessairement être consacré à la vie familiale. Partant, dans la mesure où la manière d’employer les jours de congé relève d’un choix personnel qui n’est assujetti à aucune obligation familiale ou de résidence, le rapport entre le nombre de jours de congé annuel et le respect de la vie familiale est trop aléatoire et indirect pour être pris en considération.

73      Il y a lieu, ainsi, de conclure que la réduction des jours de congé des requérants ne saurait être considérée comme constituant une limitation de leur droit au respect de la vie familiale.

74      En outre, les requérants soulignent que la jurisprudence de la Cour a reconnu un principe général du droit de la fonction publique selon lequel le fonctionnaire doit avoir la possibilité de garder ses relations personnelles avec le lieu où résident ses intérêts principaux (arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 144/84, EU:C:1985:171, point 13). Ils rappellent que leurs lieux d’intérêts principaux se trouvent dans leur pays d’origine et que, selon cette jurisprudence, le lieu des intérêts principaux est celui où se trouvent les attaches familiales principales, les attaches patrimoniales et les intérêts essentiels de nature civique.

75      Certes, la jurisprudence a admis que la possibilité pour le fonctionnaire de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux est un principe général du droit de la fonction publique européenne (arrêts du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 144/84, EU:C:1985:171, point 13, et du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, EU:T:1990:50, point 27). Cependant, cette jurisprudence est fondée sur les prescriptions de l’annexe VII du statut, qui a trait aux règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais, tels les frais de voyage (arrêt du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, EU:F:2007:14, point 54), et non pas sur le droit au congé annuel payé, dont la finalité n’est pas de préserver les relations personnelles des fonctionnaires et agents avec le lieu de leurs intérêts principaux.

76      Il découle de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 20 de la Charte

77      Les requérants soulèvent une exception d’illégalité à l’encontre du nouvel article 6 de l’annexe X du statut, en ce que cette disposition violerait le principe d’égalité de traitement et l’article 20 de la Charte.

78      Les requérants considèrent que les fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers se trouvent dans une situation différente de celle dans laquelle se trouve le personnel affecté dans le territoire de l’Union, cette différence devant être prise en compte par le législateur lors de la détermination du droit au congé annuel de base du personnel en délégation. Ils font valoir que le fait que l’annexe X du statut existe, et notamment son article 6 concernant le droit au congé annuel, démontre qu’il convient de prévoir des dispositions différenciées propres au personnel en délégation.

79      Par ailleurs, les requérants soulignent que les 42 jours de congé annuel auxquels ils avaient droit avant la réforme en cause visaient à compenser l’éloignement de leur lieu de résidence et à leur octroyer le temps nécessaire pour voyager vers leurs centres d’intérêts pour maintenir des attaches personnelles, passer leurs contrôles médicaux, entretenir des relations familiales, assumer des engagements sociaux et civiques et remplir leurs obligations civiques et administratives dans leur pays d’origine. Ils soulignent qu’ils vivent dans une situation de sécurité précaire, qu’ils sont isolés de leurs familles et cercles sociaux et soumis à une tension liée à l’éloignement et aux conditions de vie différentes.

80      La Commission, soutenue par le Conseil, conclut au rejet du moyen et fait valoir que le nouvel article 6 de l’annexe X du statut ne porte pas atteinte au principe d’égalité de traitement. Elle avance que, pour apprécier la légalité du nouvel article, il y a lieu d’analyser l’ensemble des dispositions applicables aux requérants et, notamment, l’indemnité de conditions de vie, prévue par l’article 10 de l’annexe X du statut, le congé de détente, prévu par l’article 8 de la même annexe, et le délai de route supérieur à celui octroyé au personnel affecté sur le territoire de l’Union, prévu à l’article 7, second alinéa, de l’annexe V du statut.

81      Dans les décisions de rejet des réclamations, l’AHCC a considéré que la modification du droit de base au congé annuel des fonctionnaires et agents dans des pays tiers n’était pas contraire au principe d’égalité de traitement, en ce que, même si ce droit avait été rendu équivalent au droit de base des fonctionnaires et agents affectés dans le territoire de l’Union, l’annexe X du statut prévoyait des règles particulières tenant compte des conditions de vie particulières qui pouvaient exister dans certains pays tiers. Ces règles étaient, notamment, le congé de détente, le délai de route plus étendu et l’indemnité de conditions de vie. De plus, l’AHCC a souligné que l’existence de conditions de vie difficiles dans certains pays tiers n’aurait pas justifié l’octroi d’un droit de base au congé annuel supérieur à celui octroyé à l’ensemble des agents et fonctionnaires affectés dans des pays tiers, puisque, dans certains pays tiers, les conditions de vie étaient équivalentes à celles existant dans le territoire de l’Union. Par ailleurs, l’AHCC a souligné que le législateur de l’Union avait un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la modification des dispositions du statut.

82      Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la Charte, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. En ce qui concerne l’exigence tenant au caractère comparable des situations aux fins de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de préciser que celle-ci doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et que l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète, à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, points 56 et 57, et du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 69). En vue de déterminer s’il existe une atteinte au principe d’égalité de traitement, il convient de se fonder sur une analyse centrée sur l’ensemble des règles de droit régissant les positions de chacune des situations à comparer en tenant compte notamment de l’objet de la disposition contestée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, points 58 et 62).

83      Les requérants prétendent que les fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des fonctionnaires et agents affectés au sein de l’Union et que ces deux catégories ne pouvaient donc être traitées de manière identique.

84      Or, le droit au congé annuel a pour but de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de repos, de détente et de loisirs par rapport à l’exercice de ses fonctions (voir point 72 ci-dessus). Partant, c’est à l’aune des conditions de vie dans lesquelles les fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers exercent leurs fonctions qu’il y a lieu d’apprécier si ceux-ci se trouvent, ou non, dans une situation différente des fonctionnaires et agents affectés dans l’Union.

85      À cet égard, force est de constater, comme le soutiennent la Commission et le Conseil, que les conditions de vie dans certains pays tiers peuvent être considérées comme équivalentes à celles existant habituellement dans l’Union. Une telle équivalence est précisément prise en compte par l’article 10 de l’annexe X du statut, qui, aux fins de l’octroi d’une indemnité de conditions de vie, établit une différence entre les fonctionnaires affectés dans des pays tiers où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent dans l’Union et les fonctionnaires affectés dans des pays tiers où les conditions de vie ne peuvent pas être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent dans l’Union.

86      Or, il y a lieu de constater que, outre un congé annuel dont bénéficient tous les fonctionnaires et agents, les fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers présentant des conditions de vie équivalentes aux conditions de vie régnant dans l’Union ont le droit, conformément à l’article 7, second alinéa, de l’annexe X du statut, de reporter à l’année suivante les jours de congé non épuisés à concurrence de quatorze jours ouvrables, contre douze, en vertu de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du même statut, pour les fonctionnaires travaillant sur le territoire de l’Union. De plus, il ressort de l’article 7, second alinéa, de l’annexe V du statut que le délai de route, normalement fixé à deux journées et demie de congé, est plus long pour le personnel affecté dans un pays tiers lorsque des nécessités le justifient.

87      Quant aux fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers ne bénéficiant pas des conditions de vie équivalentes à celles présentes dans l’Union, ils peuvent obtenir un congé de détente sur la base de l’article 8 de l’annexe X du statut, en sus du report des congés annuels et du délai de route, dans les mêmes conditions que les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers présentant des conditions de vie équivalentes à celles de l’Union.

88      Il découle de ce qui précède que les règles applicables aux fonctionnaires et agents affectés sur le territoire de l’Union, aux fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers présentant des conditions de vie équivalentes à celles de l’Union et aux fonctionnaires et agents affectés dans des pays tiers ne présentant pas des conditions de vie équivalentes contiennent des différences liées aux situations respectives des intéressés et que, ainsi, elles ne portent pas atteinte au principe d’égalité de traitement.

89      Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments des parties relatifs à la justification d’un prétendu traitement discriminatoire.

90      Par ailleurs, les requérants ont fait valoir que la nature arbitraire de la réduction du droit de base au congé annuel à 24 jours était démontrée par le fait que le personnel des administrations des États membres affecté dans des délégations bénéficiait d’une moyenne de 41,5 jours de congé par an.

91      À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que cet argument manque de clarté et de pertinence. Les requérants n’indiquent pas les règles nationales auxquelles ils font référence. Par ailleurs, le statut et le RAA ont été adoptés par un règlement de l’Union qui se distingue du droit applicable aux fonctionnaires et agents relevant des administrations des États membres.

92      Les requérants font observer également que le personnel local qui travaille dans les délégations de l’Union a le même droit au congé annuel de base que les requérants, alors que ce personnel est originaire du pays où la délégation est située.

93      Toutefois, il ressort de l’article 120 du RAA que les congés des agents locaux sont fixés par l’AHCC non pas sur la base du statut ou du RAA, mais au vu de la réglementation et des usages existant sur le lieu de leur affectation. Ainsi, ni la décision de la Commission du 16 décembre 2013 relative aux congés ni la décision de la Commission relative à la gestion du congé de détente au titre de l’article 8 de l’annexe X du statut ne s’appliquent aux agents locaux. Ceux-ci ne se trouvent par conséquent pas dans la même situation juridique que les requérants. De surcroît, les requérants ne fournissent pas de précision quant aux modalités d’octroi des congés annuels des agents locaux, telle que l’allongement éventuel de la durée des congés en fonction de l’âge et du grade et le report du solde de congés non pris d’une année à l’autre.

94      Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des contrats et des droits acquis des requérants et des principes de confiance légitime et de sécurité juridique

95      Les requérants font valoir que le nouvel article 6 de l’annexe X du statut enfreint les principes de confiance légitime et de sécurité juridique et qu’il constitue une violation de leurs contrats et de leurs droits acquis.

96      La Commission et le Conseil contestent les arguments des requérants.

97      Dans les décisions de rejet des réclamations, l’AHCC a tout d’abord rappelé la jurisprudence selon laquelle le lien juridique entre les fonctionnaires ou agents de l’Union et l’administration est fondé sur le statut ou le RAA et que ledit lien n’est pas de nature contractuelle (arrêts du 4 mars 2010, Angé Serrano e.a./Parlement, C‑496/08 P, EU:C:2010:116, point 82, et du 11 juillet 1996, Aubineau/Commission, T‑102/95, EU:T:1996:104, points 22 et 27). Elle a aussi rappelé la jurisprudence selon laquelle les droits doivent seulement être considérés comme étant acquis lorsqu’ils sont nés sous l’empire de la loi avant sa modification. L’AHCC a également fait valoir que, en vertu de l’article 57 du statut, les fonctionnaires avaient droit à un congé annuel allant de 24 à 30 jours par an, mais en fonction de leur âge. Elle a enfin souligné que la réduction des jours de congé en cause avait été accompagnée d’une période transitoire de deux ans.

98      Premièrement, les requérants font valoir qu’ils ont placé leur confiance légitime dans le respect de leurs droits et obligations statutaires, notamment leur droit au congé annuel, dérivés des contrats individuels qui convenaient à leurs conditions de travail et contenaient un renvoi au RAA. Ils soulignent que lesdites conditions étaient considérées comme équilibrées au moment de la signature de leurs contrats. Ils font valoir que, selon la jurisprudence du tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail, pour déterminer si les principes de confiance légitime et de protection des droits acquis ont été violés, il convient d’analyser si les modifications altèrent des conditions à caractère fondamental, si elles portent atteinte à l’équilibre des obligations contractuelles et si leur nature est propre à inciter le travailleur à entrer ou à rester en service. Pour ce qui est de la violation de leurs contrats, les requérants observent que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2009, Lebedef/Commission (F‑39/08, EU:F:2009:85, point 70), le Tribunal de la fonction publique a admis l’existence d’une différence entre les fonctionnaires et les agents contractuels tenant à la nature du lien d’emploi, lequel est régi par le statut pour les fonctionnaires et par un contrat pour les agents contractuels.

99      Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les fonctionnaires et agents ne sauraient se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s’opposer à la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dans lequel le législateur dispose, comme en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation quant à la nécessité de réformes statutaires (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 90 et 91, et du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 170).

100    Par ailleurs, il découle de la jurisprudence que, quand les contrats sont conclus avec une institution de l’Union, chargée d’une mission d’intérêt général et habilitée à prévoir, par voie de règlement, les dispositions applicables à son personnel, la volonté des parties à un tel contrat trouve nécessairement ses limites dans les obligations de toute nature qui découlent de cette mission particulière. Dès lors, en signant un contrat avec l’AHCC, les agents adhèrent au RAA sans pouvoir en négocier individuellement aucun des éléments. L’accord de volontés se trouve ainsi singulièrement limité à l’acceptation des droits et obligations prévus par ledit RAA (voir, par analogie, arrêts du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE, C‑409/02 P, EU:C:2004:625, points 34 et 35, et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 37). Par conséquent, les requérants ne sauraient invoquer la nature des contrats qui les lient à l’Union pour s’opposer à une modification de l’article 6 de l’annexe X du statut par le législateur.

101    Il en découle que la violation de la confiance légitime et des contrats des requérants ne saurait être constatée en l’espèce.

102    Deuxièmement, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique ne trouve à s’appliquer à des situations du type de celle en cause en l’espèce que lorsqu’un acte réglementaire de l’Union voit son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication (voir, en ce sens, arrêt du 9 janvier 1990, SAFA, C‑337/88, EU:C:1990:1, point 13) et que les règles de l’Union visent des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 1982, Bout, 21/81, EU:C:1982:47, point 13), hypothèses étrangères au cas d’espèce. De plus, selon une jurisprudence constante, il est de principe que, en cas de modification de dispositions d’application générale et, singulièrement, des dispositions du statut, une règle nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs des situations juridiques qui sont nées, sans être cependant entièrement constituées, sous l’empire de la règle antérieure (arrêts du 14 avril 1970, Brock, 68/69, EU:C:1970:24, point 7 ; du 5 décembre 1973, SOPAD, 143/73, EU:C:1973:145, point 8, et du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, EU:C:1986:304, point 31). Un fonctionnaire ne peut en effet se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de celui-ci s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé antérieur à la modification des dispositions statutaires (arrêt du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5).

103    Or, ainsi que le souligne l’AHCC dans les décisions de rejet des réclamations, le droit au congé annuel des requérants pour l’année 2014 est né sous l’empire du règlement no 1023/2013, entré en vigueur le 1er janvier 2014 sans effet rétroactif. Par conséquent, compte tenu du fait que le droit au congé annuel est fixé chaque année selon le temps réel de service, il doit être constaté qu’il n’existe aucun droit acquis par les requérants, né sous l’empire de l’ancienne version du statut, en ce qui concerne le droit au congé annuel pour l’année 2014.

104    Dès lors, les principes de sécurité juridique et de respect des droits acquis des requérants ne sauraient être considérés comme enfreints en l’espèce.

105    Au vu des considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté.

e)      Sur le cinquième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

106    Premièrement, les requérants contestent le fait que le législateur de l’Union doive se voir accorder un large pouvoir d’appréciation en matière de modification du statut. Cela étant, ils considèrent que, même si un large pouvoir d’appréciation devait lui être reconnu dans ce domaine, le nouvel article 6 de l’annexe X du statut ne devrait pas être appliqué, car il serait entaché d’un détournement de pouvoir et serait le résultat d’un dépassement manifeste des limites du pouvoir d’appréciation. Les requérants font valoir à cet égard que la réduction des jours de congé annuel telle qu’introduite par le nouvel article 6 de l’annexe X du statut constitue un détournement de pouvoir en ce qu’elle poursuit un but impropre autre que les objectifs formels de réaliser des économies, de moderniser la fonction publique et d’assurer la transparence de l’administration dont il est fait spécifiquement état dans le règlement no 1023/2013.

107    Deuxièmement, les requérants allèguent que l’AHCC a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation et détourné ses pouvoirs en tant que partie plus forte au contrat, en introduisant unilatéralement une modification des conditions contractuelles.

108    Les requérants invoquent ainsi un détournement de pouvoir et un dépassement du pouvoir d’appréciation tant par le législateur que par l’AHCC.

109    La Commission et le Conseil contestent les arguments des requérants.

110    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité (voir arrêt du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, EU:C:2005:151, point 64 et jurisprudence citée). À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions ; il faut encore fournir des indices objectifs, précis et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance (arrêts du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T‑111/99, EU:T:2000:179, point 64 ; du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, EU:T:2001:232, point 68, et du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, EU:T:2002:284, points 28 et 29).

111    Pour ce qui est du détournement de pouvoir du législateur, il suffit d’observer que les requérants ne précisent pas le but impropre qui serait poursuivi par celui-ci et que, ainsi, ils n’étayent pas leur grief.

112    En ce qui concerne le détournement de pouvoir de l’AHCC, il suffit également de constater que les requérants n’ont fourni aucun indice objectif, précis et concordant de nature à prouver que, en adoptant les décisions attaquées, l’AHCC aurait utilisé ses pouvoirs pour atteindre un but autre que celui en vue duquel ils lui avaient été conférés. L’AHCC a adopté les décisions attaquées en appliquant le nouvel article 6 de l’annexe X du statut pour fixer les jours de congé des requérants.

113    Par ailleurs, les requérants n’ont pas précisé quel serait, à leur avis, le but recherché par l’AHCC.

114    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

115    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

117    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

118    En l’espèce, les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens et ceux de la Commission, conformément aux conclusions de la Commission. Par ailleurs, en tant qu’institution intervenante, le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Andrea Janoha et les autres agents contractuels de la Commission européenne dont les noms figurent en annexe sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

 

      Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres agents contractuels n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.