Language of document : ECLI:EU:C:2018:1008

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Marque verbale HP – Procédure de nullité – Rejet de la demande en nullité »

Dans l’affaire C‑409/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 juin 2018,

Senetic S.A., établie à Katowice (Pologne), représentée par Me M. Krekora, adwokat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

HP Hewlett Packard Group LLC, établie à Houston (États-Unis),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de la huitième chambre, faisant fonction de président de la dixième chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger (rapporteure), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Senetic S.A. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 avril 2018, Senetic/EUIPO – HP Hewlett Packard Group (HP) (T‑208/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:216), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er février 2017 (affaire R 1002/2016-5), relative à une procédure de nullité.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et, le troisième, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        Mme l’avocate générale a, le 19 octobre 2018, pris la position suivante :

« 1.      Le 1er avril 1996, HP Hewlett Packard Group LLC (ci–après “Hewlett Packard”) a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal HP (ci–après la “marque contestée”). Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 2, 9, 16, 20, 35 à 39, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. La marque a été enregistrée le 25 janvier 2001. Le 13 janvier 2015, la requérante a déposé une demande en nullité de la marque contestée, qui a été rejetée par une décision du 5 avril 2016 de la division d’opposition de l’EUIPO. La requérante a formé un recours contre cette décision devant l’EUIPO. Par décision du 1er février 2017, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Le 5 avril 2017, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours demandant, notamment, l’annulation de cette décision.

2.      Le Tribunal a fait les constatations suivantes pour rejeter ce recours. Tout d’abord, c’est sans commettre d’erreur que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a considéré que la requérante n’était pas parvenue à établir un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits et les services qu’elle vise. Ensuite, la marque contestée doit être considérée comme possédant un caractère distinctif minimal et comme apte à remplir la fonction essentielle de la marque. Enfin, la requérante n’a nullement démontré la mauvaise foi de Hewlett Packard.

3.      Pour le surplus, je renvoie la Cour à la lecture de l’arrêt attaqué.

4.      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour, premièrement, de constater la recevabilité de son pourvoi, deuxièmement, d’annuler l’arrêt attaqué, troisièmement, d’annuler la décision du 1er février 2017 de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, et, quatrièmement, de condamner l’EUIPO et Hewlett Packard aux dépens.

5.      La requérante soulève trois moyens à l’appui de son pourvoi.

6.      Par son premier moyen, la requérante affirme que la marque contestée est composée exclusivement de signes descriptifs et que le Tribunal a commis deux erreurs de droit. Premièrement, ce serait à tort que le Tribunal a jugé que la requérante n’avait pas apporté la preuve que le public pertinent associerait la marque verbale HP à des produits et à des services dans le domaine de la technologie et de la finance. Deuxièmement, ce serait à tort que le Tribunal a estimé qu’il incombait à la requérante d’apporter la preuve que la marque verbale était effectivement utilisée par un tiers pour de tels produits et de tels services avant que la marque contestée ne soit enregistrée par Hewlett Packard.

7.      Aux points 19 à 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a énoncé que la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du règlement no 207/2009 et que les signes et les indications visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé et sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en question. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés. Pour que l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 soit applicable, il faut que le signe présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques. Enfin, la date pertinente aux fins d’examiner, dans le cadre d’une demande en nullité fondée sur l’article 52 du règlement no 207/2009, sur la base de son article 7, paragraphe 1, sous c), est celle du dépôt de la demande d’enregistrement.

8.      Aux points 28 à 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la requérante s’était bornée à formuler une affirmation à caractère général selon laquelle la marque contestée serait descriptive. Il a indiqué que c’est à juste titre que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a constaté que certains éléments de preuve fournis par la requérante n’étaient manifestement pas pertinents dès lors qu’ils concernaient des combinaisons de lettres différentes de la marque contestée. La preuve que le couple de lettres « HP » correspond dans le domaine des services financiers à hedge process ne suffisait pas à démontrer le caractère descriptif de la marque contestée. Le Tribunal a conclu que la requérante n’était pas parvenue à établir un rapport suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits et les services qu’elle vise.

9.      Il ressort clairement de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné l’appréciation de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO à la lumière du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ainsi que des principes dégagés par une jurisprudence établie. De plus, le Tribunal n’a pas déclaré que la requérante était dans l’obligation d’établir ou d’apporter des éléments prouvant que la marque verbale était effectivement utilisée par un tiers avant le dépôt de cette marque. Les affirmations de la requérante en ce sens reposent sur une mauvaise lecture de l’arrêt attaqué.

10.      Il découle de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi devant la Cour est limité aux questions de droit. Par conséquent, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces preuves, sous réserve d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve, ne constituent pas des questions de droit susceptibles d’être examinées par la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 50).

11.      La requérante n’a pas établi que le Tribunal a dénaturé des faits ou des éléments de preuve. En réalité, elle demande un nouvel examen des faits sur la base desquels repose l’appréciation du point de savoir si la marque contestée a un caractère descriptif tombant sous le coup de l’interdiction de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

12.      J’en conclus donc que le premier moyen est, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

13.      Par son deuxième moyen, la requérante affirme que le Tribunal a estimé à tort que, dès lors que la marque contestée n’avait pas un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, elle devrait être considérée comme étant pourvue d’un minimum de caractère distinctif et apte à remplir la fonction essentielle de la marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

14.      Aux points 41 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, posé les bases de son approche pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, à savoir qu’il convient de l’effectuer par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé, qu’un degré de distinctivité minimal suffit pour faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qu’il n’est pas nécessaire d’établir que le signe présente un aspect inhabituel ou frappant et que le signe déposé doit seulement apparaître a priori apte à permettre au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services désignés dans la demande de marque de l’Union européenne et de les distinguer de ceux d’autres entreprises.

15.      Le Tribunal a constaté, ensuite, au point 46 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée n’est pas descriptive des produits et des services qu’elle vise. Il a confirmé la conclusion de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle la combinaison des deux lettres constituant la marque contestée n’est pas couramment utilisée ni perçue simplement comme une indication dépourvue de caractère distinctif. Il a rejeté l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée ne comprendrait aucun élément caractéristique et aucune particularité mémorable ou attractive susceptible de lui conférer un degré de distinctivité minimal. Enfin, le Tribunal a admis que le signe HP peut être compris par le public pertinent comme une référence aux noms Hewlett et Packard, les noms de famille des fondateurs de l’entreprise.

16.      Le deuxième moyen repose sur une mauvaise lecture de l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’a pas affirmé que, dès lors que la marque contestée n’est pas descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, elle serait pourvue d’un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. Au contraire, le Tribunal a procédé à un examen par étapes du caractère distinctif ou non de la marque contestée. Au terme de celui-ci, il a estimé que le signe HP est apte à remplir la fonction essentielle de la marque, à savoir qu’il permet au consommateur d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en question.

17.      Je conclus donc que le deuxième moyen est manifestement non fondé.

18.      La requérante soulève un troisième moyen, tiré de ce que le Tribunal a estimé à tort que la demande d’enregistrement par Hewlett Packard de la marque contestée, qui, selon la requérante, est une marque descriptive, n’était pas effectuée de mauvaise foi.

19.      Aux points 51 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a correctement exposé les bases suivant lesquelles la nullité d’une marque de l’Union européenne peut être déclarée, en application de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque en cause. Il a rappelé les éléments suivants, à savoir, premièrement, que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du “premier déposant”, inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, deuxièmement, que l’application de ce principe est nuancée, notamment, par l’article 52, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, troisièmement, que, dans un tel cas, la charge de la preuve incombe au demandeur en nullité, quatrièmement, que le moment pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur est celui du dépôt, par celui-ci, de la demande d’enregistrement, et, cinquièmement, que, pour l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, il convient de prendre en considération certains facteurs, tels que le fait qu’il sait qu’un tiers utilise un signe identique dans l’un des États membres, son intention d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouit le signe du tiers. Dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de ce signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance de ce dépôt.

20.      Le Tribunal a relevé que la requérante n’a produit aucune preuve de la mauvaise foi de Hewlett Packard lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. En premier lieu, il n’a été produit aucun élément de preuve justifiant les circonstances objectives dans lesquelles Hewlett Packard aurait eu connaissance de l’existence de la commercialisation par la requérante ou par d’autres tiers de certains des produits et des services concernés sous un signe similaire ou identique. En deuxième lieu, étant donné que la requérante n’a pas établi que la marque contestée est descriptive ou dépourvue de caractère distinctif, ses affirmations selon lesquelles la preuve de la mauvaise foi aurait été établie de manière plus facile en raison du caractère descriptif de la marque contestée étaient infondées. En troisième lieu, la requérante n’a pas démontré l’intention de Hewlett Packard d’empêcher la commercialisation d’un produit par un tiers en utilisant le signe dont elle a demandé l’enregistrement.

21.      Comme exposé au point 10 de la présente position, l’article 256, paragraphe 1, TFUE et l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne disposent que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal a donc une compétence exclusive pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve.

22.      En réalité, la requérante demande là encore un nouvel examen des faits sur la base desquels repose l’appréciation par le Tribunal du point de savoir si, lors du dépôt de la demande d’enregistrement, Hewlett Packard a agi de mauvaise foi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Mais comme il n’est pas soutenu de dénaturation des faits ou des éléments de preuve, les arguments de la requérante doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

23.      Au vu des considérations qui précèdent, je conclus au rejet des trois moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi comme étant manifestement irrecevables ou manifestement non fondés. Je propose donc à la Cour de rejeter le pourvoi en application de l’article 181 de son règlement de procédure.

24.      L’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois en vertu des dispositions de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, énonce qu’il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. Le présent pourvoi n’a pas été signifié à la partie défenderesse qui n’a donc exposé aucuns dépens au titre de ce pourvoi. La requérante doit supporter ses propres dépens. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par Mme l’avocate générale, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Senetic S.A. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.