Language of document : ECLI:EU:C:2019:606

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

11 juillet 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque verbale DEVIN ‐ Déclaration de nullité »

Dans l’affaire C‑800/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 décembre 2018,

Haskovo Chamber of Commerce and Industry, établie à Haskovo (Bulgarie), représentée par Mes I. Pakidanska et D. Dimitrova, advokati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Devin AD, établie à Devin (Bulgarie), représentée par Me B. Van Asbroeck, avocat,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. D. Šváby et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, la Haskovo Chamber of Commerce and Industry (chambre de commerce et d’industrie d’Haskovo, Bulgarie) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2018, Devin/EUIPO – Haskovo (DEVIN) (T‑122/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:719), par lequel celui-ci a partiellement accueilli le recours formé par Devin AD contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 2 décembre 2016 (affaire R 579/2016-2), relative à une procédure de nullité entre Devin et la chambre de commerce et d’industrie d’Haskovo (ci-après la « décision litigieuse »).

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, lequel s’articule en cinq branches, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        Mme l’avocate générale a, le 11 mai 2019, pris la position suivante :

« 1.      La chambre de commerce et d’industrie d’Haskovo a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué. Cet arrêt a partiellement accueilli le recours formé par Devin contre la décision litigieuse, relative à une procédure de nullité concernant la marque de l’Union européenne DEVIN, enregistrée pour des produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après la “marque contestée”).

2.      Par la décision litigieuse, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation de l’EUIPO d’accueillir la demande en nullité de cette marque fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. Elle a estimé que la marque contestée était descriptive aux motifs que la ville bulgare de Devin était connue du grand public en Bulgarie et d’une proportion considérable de consommateurs dans les pays voisins tels que la Grèce et la Roumanie, en particulier en tant que célèbre station thermale, et que le nom de cette ville était associé par le public pertinent à la catégorie de produits relevant de cette classe 32 couverts par la marque contestée, notamment les eaux minérales.

3.      Devin a introduit un recours devant le Tribunal tendant notamment à l’annulation de la décision litigieuse. Celui-ci a accueilli la première branche du premier moyen soulevé devant lui et a considéré, au point 92 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’avait pas établi l’existence d’un degré suffisant de reconnaissance de la ville de Devin par le consommateur moyen de l’Union, notamment grec ou roumain, permettant de considérer que le consommateur moyen associerait le terme “devin” à une ville en Bulgarie. Il a ensuite fait droit à ce chef de conclusions et a annulé la décision litigieuse sans examiner les autres arguments invoqués.

4.      Je renvoie la Cour à l’arrêt attaqué pour de plus amples détails.

5.      La requérante conclut à ce que la Cour annule l’arrêt attaqué et condamne Devin aux dépens. À l’appui de son pourvoi, elle invoque un moyen unique, par lequel elle soutient que le Tribunal a commis une erreur en ayant jugé que la marque contestée n’était pas descriptive de l’origine géographique des produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice que cette marque est destinée à couvrir. Ce moyen unique comporte cinq branches.

6.      Par la première branche de son moyen unique de pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal, lorsqu’il a apprécié si la chambre de recours avait commis une erreur de droit en ayant conclu au caractère descriptif de la marque en cause eu égard au degré de reconnaissance par le public pertinent du terme “devin” en tant que nom géographique, a exigé, pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, un degré de familiarité de ce public avec ce terme sensiblement plus élevé que celui défini par la jurisprudence établie.

7.      Cet argument repose, selon moi, sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Au point 48 de cet arrêt, le Tribunal a estimé que la chambre de recours avait commis une erreur dans la délimitation du public pertinent, en ce qu’elle n’avait pas pris en considération l’ensemble de ce public, constitué par “le consommateur moyen de l’Union, notamment de Grèce et de Roumanie”, mais s’était limitée à une seule partie de celui-ci, à savoir “les touristes étrangers visitant la Bulgarie ou Devin”. Le Tribunal, après avoir pris en considération à juste titre l’ensemble du public pertinent, a considéré, au regard de la jurisprudence citée au point 18 de l’arrêt attaqué et que la requérante ne conteste pas, que la chambre de recours avait appliqué “un mauvais test”, qui l’a conduite à une appréciation factuelle erronée de la perception du terme “devin” par le public pertinent. Au point 94 dudit arrêt, le Tribunal a précisé à cet égard que “[l]a partie du public pertinent qui connaît ce nom en tant que lieu géographique n’est qu’infime et négligeable, d’un ou de quelques pourcents tout au plus”. C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a délimité ainsi le public pertinent aux fins d’apprécier le degré de reconnaissance de la ville de Devin par le consommateur moyen de l’Union. Par conséquent, la première branche du moyen unique du pourvoi est, selon moi, manifestement non fondée.

8.      Par la deuxième branche de son moyen unique de pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a, premièrement, commis une erreur de droit en ayant apprécié de manière séparée l’ensemble des éléments de fait et de preuve. Il aurait, deuxièmement, établi à tort une distinction entre la perception de la marque contestée par le public pertinent en Roumanie et en Grèce, d’une part, et la perception de cette marque par les consommateurs dans l’ensemble des autres États membres, d’autre part, et aurait commis une erreur dans l’appréciation de la connaissance de la ville de Devin par le public pertinent situé en dehors du territoire bulgare au regard des éléments de preuve (notamment des décisions d’autorités nationales au sein de l’Union). Enfin, troisièmement, il aurait omis à tort de tenir compte, dans son appréciation de la perception par le public pertinent du terme “devin” comme renvoyant à un lieu géographique en Bulgarie, soit de la catégorie des produits concernés, soit des caractéristiques du lieu désigné par le nom Devin.

9.      J’estime que la deuxième branche du moyen unique du pourvoi est, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.

10.      La requérante ne présente aucun fondement juridique ou matériel à l’appui de son allégation selon laquelle tous les éléments de fait et de preuve doivent être appréciés dans leur globalité. L’argument qu’elle formule à cet égard n’est pas étayé. En réalité, par son argumentation au soutien de cette partie de la deuxième branche du moyen unique du pourvoi, elle vise à obtenir un réexamen des constatations et des appréciations factuelles du Tribunal ainsi que de celles relatives aux éléments de preuve. Dès lors que la requérante ne soutient pas que le Tribunal a dénaturé les faits, cette partie de la deuxième branche du moyen unique du pourvoi est manifestement irrecevable (voir, notamment, arrêt du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C‑467/13 P, non publié, EU:C:2014:2274, point 26 et jurisprudence citée). En outre, l’invocation par la requérante de décisions nationales ne constitue pas un critère pertinent aux fins de l’appréciation du Tribunal. Il est en effet de jurisprudence constante que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome et que son application est indépendante de tout système national (voir arrêt du 12 décembre 2013, Rivella International/OHMI, C‑445/12 P, EU:C:2013:826, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citée). Cette partie de la deuxième branche du moyen unique du pourvoi est donc manifestement non fondée.

11.      Par la troisième branche de son moyen unique de pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a constaté à tort, au point 66 de l’arrêt attaqué, que “l’assertion de la division d’annulation selon laquelle le nom géographique Devin, à l’avenir, serait potentiellement compris par le public de l’Union comme une description de l’origine géographique des produits pertinents [...] n’[était] pas étayée par les éléments du dossier et constitu[ait] une simple hypothèse”. Elle estime que plusieurs éléments de fait et de preuve auraient dû le conduire à porter une appréciation contraire. Cependant, dès lors que la requérante ne soutient pas que le Tribunal a dénaturé les faits, cette branche de son argumentation ne constitue pas une question de droit et ne saurait, de ce fait, être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir la jurisprudence citée au point 10 ci-dessus). Elle est, partant, manifestement irrecevable.

12.      Par la quatrième branche de son moyen unique de pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant jugé que l’intérêt général à préserver la disponibilité d’un nom géographique tel que celui de la ville thermale de Devin peut être protégé sans que soit requise l’annulation de la marque contestée. La requérante fait valoir que les dispositions juridiques relatives à la limitation du droit exclusif du titulaire d’une marque, à savoir l’article 9, paragraphe 2, sous c), et l’article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ne sont pas applicables en l’espèce.

13.      Selon moi, cet argument est manifestement non fondé.

14.      Les constatations du Tribunal figurant aux points 75 à 80 de l’arrêt attaqué ne contredisent pas l’appréciation qu’il a portée au point 67 de cet arrêt selon laquelle le terme “Devin” n’est pas reconnu comme une désignation d’une provenance géographique par le consommateur moyen des États membres de l’Union autres que la République de Bulgarie. Le Tribunal a indiqué clairement au point 80 de l’arrêt attaqué que son appréciation de l’article 12, paragraphe 1, sous b), constituait un “rappel législatif et jurisprudentiel” qui “ne [revenait] pas à préconiser un contrôle minimal des motifs de refus prévus à l’article 7 du règlement no 207/2009 [...]”. Le Tribunal a précisé également, au point 92 de l’arrêt attaqué, qu’il a considéré que la chambre de recours n’avait pas établi l’existence d’un degré suffisant de reconnaissance de la ville de Devin par le consommateur moyen de l’Union “[e]u égard aux considérations susmentionnées, en particulier aux points 32 à 67” de cet arrêt. L’argument avancé par la requérante par la quatrième branche de son moyen unique de pourvoi est donc fondé sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Si la requérante soutient également, dans le cadre de cette quatrième branche, que le Tribunal a estimé à tort, aux points 79 et 89 de l’arrêt attaqué, que l’attribution de la marque contestée constituait un obstacle pour d’autres entreprises, cet argument n’est, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve qui n’est pas invoqué en l’espèce, pas susceptible d’être examiné par la Cour. Il est, en conséquence, manifestement irrecevable.

15.      Par conséquent, la quatrième branche du moyen unique de pourvoi est, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.

16.      Par la cinquième branche de son moyen unique de pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal, en ayant estimé, aux points 93 et 94 de l’arrêt attaqué, que le pourcentage de la partie du public pertinent qui connaissait le nom “Devin” en tant que lieu géographique semblait, prima facie, inférieur à celui de la partie du public pertinent qui connaissait Devin en tant que marque d’eau minérale, a reconnu un certain degré de caractère distinctif à la marque contestée, sans, cependant, étayer son appréciation par des arguments à cet égard. La requérante considère que cette appréciation arbitraire permet de douter de l’objectivité du Tribunal.

17.      La requérante ne produit cependant aucun élément probant à l’appui de son argumentation tiré d’un manque d’objectivité du Tribunal. Il s’ensuit que la cinquième branche du moyen unique du pourvoi est manifestement non fondée. En tout état de cause, les constatations du Tribunal figurant aux points 32 à 67 de l’arrêt attaqué, sur le fondement desquelles il a formé son appréciation, ne seraient pas remises en question.

18.      Dès lors, je conclus que les cinq branches du moyen unique du pourvoi sont, chacune, manifestement irrecevables, manifestement non fondées ou, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement non fondées. Par voie de conséquence, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en application de l’article 181 de son règlement de procédure.

19.      L’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois en vertu des dispositions de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, énonce qu’il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. Le présent pourvoi n’ayant pas été signifié à la partie défenderesse, celle-ci n’a exposé aucuns dépens au titre de celui-ci. La requérante devra, par conséquent, supporter ses propres dépens. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par Mme l’avocate générale, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Haskovo Chamber of Commerce and Industry supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.