Language of document : ECLI:EU:C:2019:8

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 10 janvier 2019 (1)

Affaire C607/17

Skatteverket

contre

Memira Holding AB

[demande de décision préjudicielle formée par le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède)]

« Renvoi préjudiciel – Législation fiscale nationale – Liberté d’établissement – Déduction des pertes subies par une filiale étrangère dans l’État de résidence de la société mère dans le cadre d’une fusion – Justification de la non-déductibilité des “pertes définitives” – Proportionnalité d’une absence de compensation transfrontalière des pertes – Notion de “pertes définitives” »






I.      Introduction

1.        La présente affaire (2) concerne la question de savoir si, en vertu de l’article 49 TFUE, lu conjointement avec l’article 54 TFUE, une société mère suédoise est en droit de déduire de ses bénéfices les pertes d’une filiale ayant son siège en Allemagne dont elle détient 100 % du capital, lorsque cette dernière est liquidée au moyen d’une fusion avec elle et n’a pas pu « utiliser » entièrement en Allemagne les pertes subies dans cet État.

2.        En principe les libertés fondamentales n’imposent pas de permettre une utilisation transfrontalière des pertes à l’intérieur d’un groupe. Ainsi, les pertes subies à l’étranger seraient perdues. Selon l’arrêt de la grande chambre de la Cour, Marks & Spencer (3), rendu en 2005, il y aurait lieu de prévoir une utilisation transfrontalière des pertes seulement concernant les pertes définitives, conformément au principe de proportionnalité.

3.        Cette catégorie des « pertes définitives », créée par la Cour, pose de nombreux problèmes qui ont déjà donné lieu à plusieurs arrêts (4) (dont deux de la grande chambre). Toutefois, tous ces arrêts ne sont pas parvenus à apporter des éclaircissements définitifs quant aux conditions auxquelles est subordonné le caractère définitif des pertes. Si elle veut maintenir l’exception concernant les pertes définitives (5), la Cour aura sans doute souvent l’occasion de préciser les contours de cette catégorie.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

4.        En droit de l’Union, le cadre juridique de l’affaire est constitué par la liberté d’établissement des sociétés conformément à l’article 49 TFUE, lu conjointement avec l’article 54 TFUE, ainsi que la directive 2009/133/CE (6) (ci‑après la « directive sur les fusions »).

5.        La directive sur les fusions ne comporte de dispositions relatives aux pertes de la société apporteuse qu’à son article 6 :

« Dans la mesure où les États membres appliquent, lorsque les opérations visées à l’article 1er, point a), interviennent entre sociétés de l’État membre de la société apporteuse, des dispositions permettant la reprise, par la société bénéficiaire, des pertes de la société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal, ils étendent le bénéfice de ces dispositions à la reprise, par les établissements stables de la société bénéficiaire situés sur leur territoire, des pertes de la société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal. »

B.      Le droit suédois

6.        La directive sur les fusions a été transposée en droit suédois au chapitre 37 de l’Inkomstskattelag (1999:1229) (7).

7.        À l’article 3 du chapitre 37 de la loi (1999:1229), une fusion est définie comme une transformation. D’une part, l’ensemble des actifs, des dettes et des autres obligations d’une entreprise (entreprise apporteuse) sont repris par une autre entreprise (entreprise bénéficiaire). D’autre part, l’entreprise apporteuse doit être dissoute sans liquidation. Pour que les règles fiscales spécifiques aux fusions qui sont énoncées aux articles 16 à 29 soient applicables, il faut encore qu’il s’agisse d’une fusion dite qualifiée.

8.        Pour qu’une fusion soit considérée comme qualifiée, l’article 11 du chapitre 37 de la loi (1999:1229) exige que l’entreprise apporteuse soit, immédiatement avant la fusion, imposable sur le revenu en Suède au titre d’une partie au moins de son activité économique. En outre, l’article 12 de ce chapitre requiert que l’entreprise bénéficiaire soit, immédiatement après la fusion, imposable en Suède sur le revenu au titre de l’activité économique pour laquelle l’entreprise apporteuse était assujettie à l’impôt. Le revenu en question ne doit pas non plus être exonéré, en tout ou en partie, en Suède en raison d’une convention fiscale.

9.        Conformément à l’article 17, premier alinéa, du chapitre 37 de la loi (1999:1229), en cas de fusion qualifiée, concernant l’activité économique visée à l’article 11, la société apporteuse ne peut ni déclarer de revenu ni déduire de dépenses liés à la fusion. En revanche, l’article 18, premier alinéa, de ce chapitre prévoit, concernant cette activité économique, que, du point de vue fiscal, l’entreprise bénéficiaire se substitue à l’entreprise apporteuse. Cette substitution implique notamment que la société bénéficiaire peut déduire les déficits de la société apporteuse des exercices fiscaux antérieurs, dans certaines limites précisées aux articles 21 à 26 du chapitre 37 de la loi (1999:1229).

10.      En droit suédois, afin de compenser les revenus à l’intérieur d’un groupe d’entreprises transfrontalier en transférant des bénéfices, l’on a généralement recours au dégrèvement de groupe. Le dégrèvement de groupe est régi par les dispositions du chapitre 35 a de la loi (1999:1229). Conformément aux articles 2 et 5 dudit chapitre, une entreprise mère suédoise peut procéder à un dégrèvement de groupe au titre d’une perte définitive subie par une filiale étrangère détenue à 100 % qui a son siège dans un État membre de l’Espace économique européen, à condition, notamment, que la filiale ait été mise en liquidation et que cette dernière ait été clôturée. Toutefois, selon la juridiction de renvoi, ces dispositions ne s’appliquent pas aux fusions.

III. Le litige au principal

11.      L’affaire concerne un avis préalable du Skatterättsnämnden (commission du droit fiscal, Suède). L’avis préalable est fondé sur les faits suivants :

12.      Memira Holding AB (ci-après « Memira ») est la société mère d’un groupe ayant des filiales dans plusieurs pays, dont l’Allemagne. La filiale allemande a enregistré des résultats négatifs. Entretemps, l’activité de cette filiale a été liquidée. Il n’en resterait plus que des dettes et certains actifs liquides. Le groupe envisage maintenant de permettre à la filiale d’être absorbée par la société mère dans le cadre d’une fusion transfrontalière. La fusion implique que la filiale soit dissoute sans liquidation. Après la fusion, le groupe ne disposera plus d’aucune société en Allemagne. En outre, il n’y exercera plus d’activité, ni par l’intermédiaire de la société mère ni par l’intermédiaire d’une autre société du groupe.

13.      La filiale allemande a accumulé au cours d’exercices antérieurs des pertes d’un montant total d’environ 7,6 millions d’euros. Ces pertes sont dues au manque de rentabilité des activités en Allemagne. Elles pourraient être déduites dans le cadre de l’imposition de la filiale en Allemagne et celles qui ne sont pas utilisées pourraient être reportées indéfiniment et, le cas échéant, imputées sur des bénéfices générés par la filiale au titre d’exercices ultérieurs. En revanche, le droit allemand ne permettait pas de transférer des pertes au moyen d’une fusion à une autre entreprise assujettie à l’impôt en Allemagne.

14.      Selon la commission du droit fiscal, en cas de fusion avec la filiale allemande, les conditions applicables à la société conformément au droit de l’Union pour bénéficier de la déduction des déficits ne seraient pas remplies. Selon la Cour, pour déterminer si des pertes sont définitives, il conviendrait de se fonder sur le traitement applicable à celles-ci conformément au droit de l’État de résidence de la filiale. Comme le droit allemand ne prévoirait aucune possibilité d’utiliser les pertes en cas de fusion avec une autre entreprise assujettie à l’impôt en Allemagne, ces pertes ne devraient pas être considérées comme définitives au sens de la jurisprudence de la Cour. Partant, il n’y aurait à cet égard aucune violation du droit de l’Union.

15.      Le Skatteverket (administration fiscale suédoise) et Memira, qui avait demandé l’avis préalable, ont tous deux introduit un recours devant le Högsta förvaltningsdomstol (Cour suprême administrative, Suède).

IV.    La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

16.      Saisi du litige, le Högsta förvaltningsdomstol (Cour suprême administrative) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Aux fins d’apprécier si une perte subie par une filiale établie dans un autre État membre présente un caractère définitif au sens, notamment, de la jurisprudence A – si bien que la société mère pourrait déduire la perte en vertu de l’article 49 TFUE ‑, convient-il de tenir compte des restrictions, prévues par la réglementation de l’État de la filiale, à la possibilité pour une entité autre que celle ayant subi elle-même la perte de déduire cette dernière ?

2)      S’il convient de tenir compte d’une restriction telle que celles qui sont visées dans la première question, faut-il prendre en considération le point de savoir si, dans le cas d’espèce, il existe effectivement, dans l’État de la filiale, une quelconque autre entité qui aurait pu déduire les pertes si une telle déduction y avait été autorisée ? »

17.      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, Memira, les gouvernements suédois, allemand, italien, finlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission européenne, ont présenté des observations écrites relatives à ces questions. Le Skatteverk, les gouvernements suédois, allemand et finlandais, ainsi que la Commission, ont participé à l’audience qui s’est tenue le 24 octobre 2018.

V.      L’appréciation juridique

A.      Sur les questions préjudicielles

18.      Les deux questions préjudicielles concernent des pertes définitives d’une filiale qui disparaît dans le cadre d’une fusion.

19.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande expressément si, pour déterminer si la « perte subie par une filiale établie dans un autre État membre présente un caractère définitif au sens, notamment, de la jurisprudence A », il importe que l’utilisation des pertes par des tiers soit limitée dans l’État de résidence de la filiale.

20.      Concrètement, cela amène à se demander si la liberté d’établissement (article 49 TFUE, lu conjointement avec l’article 54 TFUE) oblige l’État suédois à prendre en compte les pertes accumulées (plus précisément « reportées ») au cours des années par une filiale ayant son siège en Allemagne, lorsque celle-ci fusionne avec la société mère et est ainsi liquidée. Le droit fiscal allemand ne permet pas d’utiliser les pertes dans le cadre d’une fusion, c’est pourquoi celles-ci seraient perdues en Allemagne à cause de la liquidation.

21.      Dans le cas où il conviendrait de répondre affirmativement à la première question, la juridiction de renvoi voudrait savoir si le fait que, dans le cas d’espèce, il n’existe aucun autre sujet de droit susceptible de procéder à un report des pertes, y change quelque chose. Il est possible de répondre à cette question en même temps qu’à la première.

22.      Même si les deux questions font référence à l’interprétation de la jurisprudence de la Cour, la juridiction de renvoi se fonde surtout sur l’arrêt A (8), qui a transposé les conclusions de l’arrêt Marks & Spencer (9) à une fusion transfrontalière, elles présupposent qu’il y ait une restriction à la liberté d’établissement.

23.      Toutefois, comme, avec la directive sur les fusions, le droit de l’Union a sa propre réglementation des conséquences fiscales de fusions transfrontalières de sociétés, il convient tout d’abord d’examiner ces dispositions spéciales (voir points 25 et suivants des présentes conclusions). En effet, la Cour a jugé à plusieurs reprises que « toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive à l’échelle de l’Union européenne doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation, et non pas de celles du droit primaire » (10).

24.      Quand bien même la directive sur les fusions constituerait une harmonisation exhaustive, cela ne pourrait empêcher qu’il faille l’interpréter de manière conforme au droit primaire et, le cas échéant, apprécier de façon incidente sa compatibilité avec les libertés fondamentales. En effet, la Cour admet depuis longtemps que l’interdiction des restrictions à la libre circulation des services ne s’applique pas uniquement aux mesures nationales mais aussi à celles des institutions de l’Union (11). Tous les actes juridiques de l’Union ont « pour fondement, pour cadre et pour limites » (12) les traités, en tant que droit primaire. Partant, dans le cas où la directive sur les fusions n’impliquerait pas une imputation des pertes, il faudrait alors examiner s’il y a une restriction à la liberté d’établissement (voir points 28 et suivants des présentes conclusions).

B.      L’utilisation des pertes conformément à la directive sur les fusions

25.      Il est constant que des faits tels que ceux de l’affaire au principal relèvent du champ d’application de la directive sur les fusions. Cette directive, aux termes de ses considérants 2 et 3, a pour vocation, dans l’intérêt du marché intérieur, de créer un régime fiscal commun afin d’éliminer le traitement fiscal moins favorable des fusions transfrontalières par rapport aux fusions à l’intérieur d’un État membre. Le considérant 9 inclut expressément dans cet objectif la prise en considération fiscale des pertes.

26.      Ainsi, cette directive comporte également, à son article 6, une disposition relative à la reprise, par la société bénéficiaire, de pertes de la société apporteuse, qui n’ont pas encore été prises en compte fiscalement. La société bénéficiaire de la fusion peut ensuite transférer des pertes non encore amorties du point de vue fiscal de la société apporteuse résidant dans un autre État membre vers un établissement stable situé dans cet État membre pour autant qu’un tel transfert soit également possible entre sociétés de cet État membre.

27.      Partant, l’article 6 de la directive sur les fusions implique tout au plus une prise en compte d’un report de pertes de la société apporteuse dans son État de résidence (en l’occurrence l’Allemagne). Une prise en compte du report de pertes dans l’État membre de résidence de la société bénéficiaire (en l’occurrence la Suède) n’est pas mentionnée. Il est parfaitement possible d’en conclure qu’une telle prise en compte des pertes n’est pas requise par le droit de l’Union, d’autant plus que le considérant 9 de la directive sur les fusions a identifié le problème des pertes (étrangères) de la société apporteuse et que l’article 6 de ladite directive a réglé ce problème d’une manière bien précise. En tout état de cause, la directive sur les fusions n’implique pas une utilisation des pertes reportées en Allemagne aux fins de l’imposition en Suède.

C.      La restriction à la liberté d’établissement

28.      Cependant, il se pourrait qu’une obligation de prise en compte des pertes découle de la liberté d’établissement de la société bénéficiaire accordée par les articles 49 et 54 TFUE.

29.      La liberté d’établissement, que l’article 49 TFUE reconnaît aux ressortissants de l’Union européenne, comprend, conformément à l’article 54 TFUE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement au sein de l’Union, le droit d’exercer leur activité dans d’autres États membres par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence.

30.      Les restrictions à la liberté d’établissement sont, selon une jurisprudence constante, toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (13).

31.      Pour qu’une disposition de droit fiscal d’un État membre constitue une entrave à la liberté d’établissement des sociétés, il faut qu’il en résulte une différence de traitement au détriment des sociétés qui exercent cette liberté, que la différence de traitement concerne des situations objectivement comparables et qu’elle ne soit pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ou pas proportionnée à cet objectif (14).

1.      L’inégalité de traitement

32.      En l’espèce, l’inégalité de traitement ne fait aucun doute. Selon la juridiction de renvoi, le droit suédois permet une compensation des pertes dans le cadre d’une fusion seulement en cas de fusion qualifiée. Pour qu’une fusion soit considérée comme telle, il faut que l’entreprise apporteuse (dont les pertes doivent être utilisées) ait des revenus imposables en Suède.

33.      Ainsi, la disposition suédoise est fondée non pas sur une situation transfrontalière mais seulement sur le caractère imposable en Suède des revenus. Une fusion avec une filiale ayant son siège en Suède qui ne génère dans cet État que des revenus non imposables ne permet pas non plus de transférer des pertes accumulées à la société mère. Partant, selon son libellé, la disposition suédoise ne fait pas de distinction entre une situation nationale et une situation transfrontalière. La disposition en cause est dépourvue de caractère directement discriminatoire.

34.      Sont toutefois également interdites toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (15) (la discrimination dite dissimulée ou indirecte).

35.      Dans l’arrêt Hervis Sport, la Cour a jugé qu’il pouvait y avoir discrimination indirecte lorsque la plupart des entreprises pour lesquelles l’impôt était le plus progressif en raison de leur chiffre d’affaires élevé faisaient partie d’un groupe lié à un autre État membre (16). Toutefois, ainsi que nous l’avons déjà expliqué dans une autre affaire, le simple fait que ce soient surtout des sociétés étrangères qui sont affectées ne suffit pas (17).

36.      En effet, la reconnaissance d’une telle discrimination indirecte requiert des conditions plus strictes. Il faut que soient visés seulement des cas de figure qui, d’un point de vue purement formel, ne constituent pas une discrimination, mais en produisent les effets (18). Partant, pour constituer une discrimination dissimulée, une disposition doit, par sa nature même (19), affecter tout particulièrement des entreprises étrangères.

37.      Lorsqu’une disposition est fondée sur le caractère imposable des revenus nationaux, il y a lieu de considérer qu’il en va bien ainsi. Certes, il se peut qu’il y ait aussi des revenus exonérés (et donc non imposables) générés dans l’État de résidence empêchant une utilisation des pertes en cas de fusion. Il se peut également qu’il y ait des entreprises non-résidentes générant des revenus nationaux (notamment des revenus générés par des établissements), ce qui permettrait une certaine utilisation de pertes en cas de fusion transfrontalière.

38.      Cependant, par nature, le droit fiscal en matière d’imposition des entreprises se caractérise par le dualisme entre revenus nationaux imposables et revenus étrangers non imposables. Ainsi, par nature, le caractère imposable des revenus est déterminé par un lien territorial. C’est pourquoi, une prise en compte des pertes dans le cadre d’une fusion fondée sur le caractère imposable des revenus de la société apporteuse conduit structurellement à un traitement moins favorable d’une fusion avec une société étrangère.

39.      Cette inégalité de traitement est susceptible de rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement en créant des filiales dans d’autres États membres, puisque, en cas de fusion, une utilisation des pertes au niveau de la société mère ne serait plus possible. Elle n’est toutefois incompatible avec les dispositions du traité que si elle concerne des situations objectivement comparables.

2.      La comparabilité

40.      Selon une jurisprudence constante, la comparabilité d’une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examinée en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause (20). L’objectif (subjectif) poursuivi par le législateur suédois avec les dispositions fiscales régissant les fusions ne ressort pas expressément de la décision de renvoi.

41.      Toutefois, l’objectif principal de toute disposition fiscale est d’obtenir des recettes fiscales. C’est pourquoi il est tout à fait possible d’affirmer que la limitation de l’imputation de pertes, qui n’ont pas eu pour contrepartie des revenus imposables, vise à sauvegarder les recettes fiscales. La disposition suédoise prévoit expressément un tel lien lorsqu’elle subordonne un report de pertes dans le cadre d’une fusion à l’existence de revenus imposables.

42.      Le gouvernement allemand estime que la situation des filiales résidentes et celle des filiales non-résidentes ne sont pas comparables. Il renvoie à cet égard à l’arrêt Timac Agro Deutschland (21) et à nos conclusions dans l’affaire C‑172/13 (22).

43.      Jusqu’à présent, la Cour a subordonné la comparabilité entre établissements résidents et établissements non-résidents à l’exercice par l’État membre concerné de la compétence fiscale sur l’établissement étranger. Ainsi, elle a jugé expressément qu’« [e]n l’occurrence, il y a lieu de constater que, dès lors que la République fédérale d’Allemagne n’exerce aucune compétence fiscale sur les résultats d’un tel établissement stable, la déduction de ses pertes n’étant plus autorisée en Allemagne, la situation d’un établissement stable situé en Autriche n’est pas comparable à celle d’un établissement stable situé en Allemagne à l’égard des mesures prévues par la République fédérale d’Allemagne afin de prévenir ou d’atténuer la double imposition des bénéfices d’une société résidente » (23). Ce raisonnement pourrait également s’appliquer aux filiales non‑résidentes qui ne sont pas imposées dans l’État de résidence de la société mère.

44.      Cependant, selon une jurisprudence constante relative à l’utilisation transfrontalière des pertes entre sociétés mères et filiales, la Cour a considéré implicitement ou expressément que la situation des filiales résidentes et celle des filiales non-résidentes sont comparables (24).

45.      De surcroît, récemment, dans l’arrêt Bevola, rendu dans une affaire concernant des pertes définitives d’un établissement non-résident, la Cour a même considéré expressément que les situations d’établissements résidents imposés et d’établissements non-résidents non imposés étaient comparables (25). Dès lors, il doit en aller ainsi à plus forte raison pour des sous-filiales résidentes imposées et des sous-filiales non-résidentes non imposées qui sont détenues à 100 %.

46.      En définitive, le critère de la comparabilité n’est pas nettement défini. Dans la mesure où toutes les situations sont comparables à au moins un égard lorsqu’elles ne sont pas identiques (26), il conviendrait de toute façon d’abandonner l’examen de ce critère (27).

47.      Partant, au vu de ces considérations, il faut considérer que les situations sont comparables. Il n’y a lieu de prendre en compte des différences entre une sous-filiale non-résidente et une sous-filiale résidente, en l’occurrence l’absence de symétrie entre l’imposition des bénéfices et la prise en compte des pertes (28), qu’au niveau du contrôle des justifications. Partant, il y a une restriction à la liberté d’établissement.

3.      La justification

48.      Une restriction à la liberté d’établissement peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. La sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et le souci d’éviter une double prise en compte de pertes (pour une seule imposition) pourrait en l’occurrence constituer des justifications (29). De surcroît, la restriction doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (30).

a)      Sur la première question : importe-t-il que la législation de l’État membre de résidence ne permette pas de report de pertes dans le cadre d’une fusion ?

49.      Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, pour apprécier si la limitation de la déduction des pertes en Suède est justifiée, il importe que le droit régissant la société apporteuse (en l’occurrence le droit allemand) ne permette pas de faire valoir les pertes en cas de fusion avec un autre sujet de droit imposable en Allemagne.

50.      La Cour (31) a jugé que, en principe, les libertés fondamentales n’imposent pas de permettre une utilisation transfrontalière des pertes à l’intérieur d’un groupe. Il serait disproportionné que l’État membre de résidence de la société mère refuse une prise en compte des pertes seulement dans le cas de pertes définitives, dans une situation où la filiale non-résidente a épuisé toutes les possibilités de prise en compte des pertes et où il n’existe plus aucune de possibilité que ces pertes puissent être prises en compte. La société mère doit démontrer que ces conditions sont remplies (32). Toutefois, la liquidation d’une filiale après une fusion ne suffirait pas à démontrer qu’il n’y a aucune possibilité de prise en compte des pertes dans l’État de résidence de ladite filiale (33).

1)      La justification tirée du souci d’éviter une double prise en compte de pertes

51.      En l’occurrence, la justification tirée du souci d’éviter une double prise en compte de pertes pourrait être invoquée. Dans le cas de figure de l’espèce, une double prise en compte des pertes ne paraît pas exclue. Selon les indications de la juridiction de renvoi, Memira dispose encore de certains actifs liquides. À cet égard, il revient, dès lors, à la juridiction nationale de déterminer si Memira a effectivement apporté la preuve que la filiale allemande a épuisé toutes les possibilités de prise en compte des pertes qui existent en Allemagne (34). En l’absence d’une telle preuve, il n’y a pas de pertes définitives.

2)      La justification tirée de la sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition

52.      S’agissant de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, il y a lieu de rappeler qu’il s’agit d’un objectif légitime reconnu par la Cour (35), qui peut rendre nécessaire l’application, aux activités économiques des contribuables établis dans l’un desdits États membres, des seules règles fiscales de celui-ci, pour ce qui est tant des bénéfices que des pertes (36).

53.      Toutefois, en l’espèce, cette justification ne permet pas de considérer qu’il existe des pertes définitives, et ce pour deux raisons. D’une part, une prise en compte des pertes subies en Allemagne par la filiale au cours des années, porterait atteinte à l’autonomie fiscale des États membres (i). D’autre part, la condition requérant que les pertes soient certes utilisables en droit mais ne le soit pas en fait n’est pas remplie en l’espèce (ii).

i)      Le respect de l’autonomie fiscale des États membres

54.      Ainsi que l’a déjà jugé la Cour, les libertés fondamentales ne sauraient avoir pour effet d’imposer à l’État membre de résidence d’une société mère une prise en compte des pertes en faveur de cette dernière d’un montant trouvant son origine uniquement dans le système fiscal d’un autre État membre sous peine, pour le premier État membre, de voir son autonomie fiscale restreinte par l’exercice du pouvoir fiscal de l’autre État membre (37).

–       L’impossibilité de transférer des pertes dans le cadre d’une fusion dans l’État de résidence de la filiale

55.      À cet égard, ainsi que l’a indiqué expressément la Cour (38), « le caractère définitif, au sens du point 55 de l’arrêt Marks & Spencer [(39)], des pertes subies par une filiale non-résidente ne peut résulter du fait que l’État membre où réside ladite filiale exclut toute possibilité de report des pertes » (40). En effet, autrement, un État membre devrait alors adapter son droit fiscal à celui d’un autre État membre.

56.      Si, selon la jurisprudence de la Cour (41), le caractère définitif des pertes subies par une filiale non-résidente ne peut résulter du fait que l’État membre où réside ladite filiale exclut toute possibilité de report des pertes, il doit en aller de même pour l’exclusion d’un transfert de perte à un tiers (en l’occurrence dans le cadre d’une fusion). Ne serait-ce que pour cette raison, la disposition suédoise n’est pas disproportionnée.

–       Le caractère définitif des pertes reportées

57.      De toute façon, la Cour a déjà jugé que les libertés fondamentales ne s’opposent pas à ce que le caractère définitif d’une perte susceptible de faire l’objet d’une imputation transfrontalière soit toujours constaté à la fin de la période d’imposition (42). Partant, toutes les pertes reportables ne sont pas des pertes définitives, au moins dans un premier temps (43). Cela est important dans la présente affaire qui concerne une demande d’imputation de pertes reportées en Allemagne au cours des années.

58.      Les pertes (reportées) accumulées qui ne sont pas considérées comme définitives pour une année (parce qu’elles sont reportables ou parce que leur imputation était exclue par le droit national) ne peuvent pas devenir des pertes définitives plus tard, au motif qu’en raison de la liquidation un report supplémentaire est exclu.

59.      Autrement, les activités allemandes, bénéficiaires au départ, seraient imposées seulement en Allemagne, mais les pertes subies par la suite seraient financées par les recettes fiscales des États où les sociétés mères des groupes ont leur siège. Cela ne serait pas compatible avec la sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition.

60.      De manière similaire, dans l’arrêt Commission/Royaume-Uni, la Cour est partie du principe que des pertes non définitives ne peuvent plus devenir définitives par la suite (44). En tout état de cause, les considérations de la Cour dans cet arrêt semblent indiquer que doivent encore pouvoir faire, d’une manière ou d’une autre, l’objet d’une imputation transfrontalière tout au plus les pertes subies par la filiale pendant la dernière année de la liquidation et non pas les pertes accumulées et reportées jusqu’alors conformément au droit national (en l’occurrence le droit allemand) (45). C’est pourquoi la liberté d’établissement n’impose pas une imputation transfrontalière de ces pertes reportées.

–       La faculté d’option du contribuable

61.      Qui plus est, le principe d’autonomie des ordres fiscaux s’oppose à un droit de choix des contribuables. En effet, ainsi que la jugé expressément la Cour (46), donner aux sociétés la faculté d’opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l’État membre où se situe leur établissement ou dans un autre État membre compromettrait sensiblement une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, la base d’imposition se trouvant augmentée dans le premier État et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées.

62.      Or, la limitation de la prise en compte des pertes dans le cadre d’une fusion à des sociétés ayant des revenus imposables en Suède est précisément justifiée parce qu’autrement, cela donnerait une faculté d’option à l’intérieur d’un groupe, ainsi que le souligne aussi la Commission. Le groupe pourrait choisir librement l’État membre (État de résidence de n’importe quelle société bénéficiaire au sein du groupe) où il veut utiliser les pertes de ses sociétés déficitaires. Il convient de tenir compte de cet aspect aux fins de la définition des « pertes définitives » et lorsque l’on considère des pertes comme telles.

63.      Lorsqu’une fusion dans l’État de résidence de la filiale ne permet pas de conserver les pertes, il serait possible de délocaliser les fusions avec des filiales ayant des reports de pertes élevés dans des États qui, comme la Suède, permettent un transfert de pertes dans le cadre d’une fusion. Une telle fusion serait plus avantageuse dans un État membre où le groupe dispose de bénéfices correspondants et doit payer les impôts les plus élevés ; d’autant plus que les dispositions suédoises régissant les fusions ne requièrent pas que deux sociétés appartiennent à un groupe, comme dans l’affaire Marks & Spencer (47).

64.      D’ailleurs, conformément au principe de territorialité, cet arrêt implique d’utiliser les pertes en priorité dans l’État membre de résidence, en l’occurrence l’Allemagne. Même si le droit fiscal allemand ne permet pas de transfert des pertes dans le cadre d’une fusion, en cas de transfert de parts dans le but de redresser une société en difficultés, il permet une conservation des pertes et, en fin de compte, une utilisation de celles-ci par les nouveaux détenteurs du capital (48). Pour cette raison aussi, Memira ne peut pas opter pour une prise en compte des pertes en Suède.

ii)    La distinction entre caractère définitif en fait et en droit ?

65.      Dans ce contexte, aux fins de l’appréciation du caractère définitif de pertes, presque toutes les parties à la procédure font une distinction entre pertes non utilisables (c’est-à-dire définitives) en fait et en droit.

66.      Des pertes qui ne sont pas utilisables parce qu’elles ne sont pas reconnues juridiquement ou parce qu’elles ne sont pas exploitables en raison de limitations légales (par exemple non reportables en arrière ou en avant) ne devraient pas être des pertes définitives au sens de la jurisprudence de la Cour. Seules les pertes qui, tout en étant utilisables en droit, ne peuvent cependant pas en fait être exploitées à l’avenir, pourraient être considérées comme définitives. Cela est convaincant en raison de l’autonomie des ordres fiscaux (points 54 et suivants).

67.      Toutefois, nous doutons qu’il puisse vraiment exister des pertes utilisables en droit mais non en fait. Nous voudrions expliquer cela à l’aide d’un exemple. Le seul cas où une perte subsisterait en dépit d’une possibilité illimitée de report en avant ou en arrière, serait celui d’une entreprise globalement déficitaire qui n’a jamais réalisé suffisamment de bénéfices, même après la cession de tous ses actifs. Dans un tel cas, les pertes de la dernière année ne pourraient pas non plus être utilisées (en fait).

68.      Toutefois, même dans ce cas, il resterait en fin de compte toujours la possibilité de transférer ces pertes à un acheteur en cédant l’entreprise (49), dans la mesure où l’État membre de résidence le permet. Le prix de vente payé par l’acheteur prendra en considération la valeur des pertes existantes, si bien que le vendeur « utilisera » les pertes dans cette mesure.

69.      Lorsque l’ordre juridique en cause permet un transfert des pertes à d’autres personnes, une utilisation de ces pertes est toujours possible en fait. Il se peut que, dans certains cas, elle ne réussisse pas vraiment, parce que l’acquéreur d’une entreprise déficitaire n’est pas forcément prêt à payer un prix important pour une telle entreprise. Cependant, il n’en demeure pas moins que les pertes sont utilisables en fait.

70.      Ainsi, même dans ce cas, le caractère définitif des pertes est fondé soit sur l’ordre juridique de l’État membre (exclusion de toute possibilité de report de pertes) ou sur la décision du contribuable de liquider la société plutôt que de la céder. Toutefois, dans les deux cas, nous ne voyons pas pourquoi la non-prise en compte des pertes devrait alors être disproportionnée dans un autre État membre. Non sans raison, la Cour requiert également que toutes les possibilités de prise en compte de pertes aient été épuisées. Un transfert des pertes à un tiers au moyen d’une vente fait aussi partie de ces possibilités.

iii) Les pertes définitives au sens de l’arrêt Bevola ?

71.      L’arrêt Bevola ne s’oppose pas non plus à un tel constat (50). D’une part, dans cet arrêt, la Cour s’est « contentée » de transposer l’exception de l’arrêt Marks & Spencer à des pertes « définitives » d’établissements et n’a pas remis en question les limitations définies précédemment (51). En particulier, elle n’a rien dit de plus sur la question de savoir quand il y a des pertes définitives.

72.      D’autre part, dans cet arrêt récent, l’argumentation repose essentiellement sur le principe de la capacité contributive (52). Cela peut encore se comprendre dans le cas d’établissements, car, juridiquement, des établissements sont des parties non autonomes de l’entreprise d’un contribuable. Cependant, dans le cas de filiales et de sous-filiales, cette argumentation ne tiendrait pas. Celles-ci sont des personnes morales indépendantes qui ont une capacité contributive propre (si l’on entend par là la capacité à payer des impôts en raison de leurs revenus) (53). À juste titre, la Cour n’a pas jugé que, pour imposer correctement la capacité contributive de la société mère, il est nécessaire de prendre en compte les pertes de la filiale.

73.      Du point de vue du droit fiscal, la compensation des pertes à l’intérieur du groupe est contraire au principe de la capacité contributive, puisqu’elle conduit à agréger les capacités contributives de plusieurs sujets de droit. Pour cette raison, l’inclusion de sujets de droits supplémentaires ne pourra en tout cas pas être fondée sur le principe de l’imposition selon la capacité contributive.

74.      Au contraire, il est même plutôt contraire au principe d’imposition selon la capacité contributive qu’un État membre prenne en compte seulement un aspect (c’est-à-dire seulement les recettes ou seulement les dépenses). Qui plus est, à notre connaissance, il n’existe ni un principe général du droit fiscal ni un principe général du droit de l’Union requérant que, à la fin du cycle de vie d’une personne, toutes les pertes de celle-ci soient compensées d’une manière ou d’une autre. En particulier, le principe de la capacité contributive ne requiert pas une exportation des pertes vers d’autres États membres.

75.      Partant, en l’espèce, même selon l’arrêt Bevola, il n’y a pas de pertes définitives déductibles pouvant être exportées de l’Allemagne vers la Suède.

iv)    Conclusion intermédiaire tenant compte de l’exigence d’un « marché intérieure équitable »

76.      Cette conclusion déduite de la jurisprudence est convaincante également du point de vue d’un marché intérieur « équitable », qui est revenu au centre de l’attention avec le débat sur le BEPS (54). En effet, justement dans le cas de figure spécifique de l’espèce, une imputation transfrontalière des pertes définitives favoriserait surtout les grands groupes multinationaux par rapport aux entreprises plus petites (qui généralement n’ont pas une activité transfrontalière). Ainsi, si Memira sait qu’en fin de compte elle pourra imputer toutes les pertes subies par ses activités en Allemagne sur les bénéfices d’autres sociétés du groupe dans d’autres États membres, alors, pour tenter de s’établir sur le marché allemand, elle sera dans une situation concurrentielle bien différente de celle d’un concurrent allemand qui devra partir du principe que ses pertes seront perdues s’il cesse ses activités en Allemagne. Pour Memira, les « pertes allemandes » représenteraient une charge bien moindre que pour un concurrent allemand dépourvu d’une structure de groupe équivalente.

77.      Compte tenu de cela et en appliquant systématiquement la jurisprudence de la Cour (voir points 51 et suivants et jurisprudence citée), l’on parvient ainsi à la conclusion suivante : si l’utilisation des pertes est exclue légalement dans l’État de résidence de la sous-filiale, il n’y a pas de pertes définitives. Si l’État de résidence permet une utilisation des pertes, alors le contribuable doit avoir épuisé ces possibilités d’utilisation des pertes. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt Marks & Spencer (55), fait également partie de telles possibilités l’utilisation des pertes par transfert à un tiers, auquel il n’a pas été recouru en l’espèce. Dès lors, pour cette raison aussi, l’on peut constater qu’il n’y a pas de pertes définitives chez Memira.

78.      Partant, l’exclusion par la Suède de l’imputation des pertes subies par une filiale non-résidente et non imposée dans cet État n’est pas disproportionnée.

3)      La réponse à la première question

79.      Par conséquent, il y a lieu de répondre comme suit à la première question : l’article 49 TFUE, lu conjointement avec l’article 54 TFUE, subordonne une imputation transfrontalière des pertes à l’existence d’une possibilité légale de prendre en compte les pertes dans l’État de résidence de la filiale et à une utilisation de cette possibilité par le contribuable. Constituent également de telles possibilités l’utilisation des pertes dans le cadre d’une fusion avec un tiers ou l’utilisation au moyen d’une vente de la société à un tiers. La première de ces possibilités n’existe pas en Allemagne, mais il est possible de recourir à la seconde dans une certaine mesure limitée, ce que Memira n’a pas fait. C’est pourquoi, en tout état de cause, les conditions de l’existence de pertes définitives ne sont pas réunies.

b)      Sur la seconde question : importe-t-il de savoir s’il existe d’autres possibilités de fusion avec des sociétés du groupe dans l’État de résidence ?

80.      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans le cas où une fusion permettant de conserver les pertes est exclue dans l’État membre de résidence, le fait que, dans le cas d’espèce, il n’existe aucune « autre entité qui aurait pu déduire les pertes si une telle déduction […] avait été autorisée ».

81.      Cette question est un peu difficile à comprendre, car il est difficilement concevable que, dans toute l’Allemagne, il n’existe aucun autre sujet de droit qui aurait pu déduire les pertes. La juridiction de renvoi veut sans doute demander si les pertes doivent également être considérées comme définitives dans le cas où, ainsi que le gouvernement italien l’a avancé dans ses observations, Memira dispose effectivement d’une autre société en Allemagne, avec laquelle une fusion aurait été possible ou bien s’il suffit, pour considérer que les pertes ne sont pas définitives, de savoir que dans le cas hypothétique d’une fusion avec une société allemande du groupe, ces pertes auraient été perdues.

82.      La réponse découle déjà de ce qu’il ne peut pas exister de pertes utilisables en droit mais non en fait (voir à cet égard points 67 et suivants des présentes conclusions). C’est pourquoi il importe peu de savoir si, dans le cas d’espèce, Memira dispose effectivement d’une autre société en Allemagne.

83.      De surcroît, la réponse à la seconde question découle également de la jurisprudence de la Cour. Selon cette jurisprudence, une prise en compte transfrontalière de pertes « étrangères » est envisageable seulement si la filiale non-résidente a épuisé les possibilités de prise en compte des pertes qui existent dans son État de résidence au moyen d’un transfert de ces pertes à un tiers, et il n’existe pas de possibilité pour que les pertes de la filiale étrangère puissent être prises en compte dans son État de résidence par un tiers (56). La Cour évoque expressément un tiers et non une autre personne appartenant au groupe, ainsi que le soulignent presque tous les gouvernements des États membres qui ont participé à la procédure.

84.      Par conséquent, soit un transfert à tiers, quel qu’il soit (y compris un transfert économique des pertes en cas de vente de la société à de nouveaux détenteurs de parts) est possible, si bien que l’existence de pertes définitives au sens de l’arrêt Marks & Spencer est exclue, soit l’État membre a exclu légalement un transfert de pertes (comme en Allemagne en cas de fusion). Dès lors, il n’est pas disproportionné que l’État de résidence de la société mère prenne en compte une telle exclusion.

VI.    Conclusion

85.      Pour ces motifs, nous suggérons de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède) :

1)      L’article 49 TFUE, lu conjointement avec l’article 54 TFUE, subordonne une imputation transfrontalière des pertes à l’existence d’une possibilité légale de prendre en compte les pertes dans l’État de résidence de la filiale et à une utilisation de cette possibilité par le contribuable. Constituent également de telles possibilités l’utilisation des pertes dans le cadre d’une fusion avec un tiers ou l’utilisation au moyen d’une vente de la société à un tiers.

2)      À cet égard, il importe peu que, dans le cas d’espèce, le groupe dispose dans l’État membre de résidence de la filiale d’autres sociétés auxquelles il aurait été possible de transférer les pertes.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Voir également affaire C‑608/17 et nos conclusions du même jour.


3      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763).


4      Sans prétendre à l’exhaustivité : arrêts du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526) ; du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424) ; du 17 décembre 2015, Timac Agro Deutschland (C‑388/14, EU:C:2015:829) ; du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50) ; du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716) ; du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84), et du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278).


5      C’est bien ce que semble indiquer la transposition expresse de la jurisprudence Marks & Spencer à des pertes subies par des établissements non-résidents, dans l’arrêt Bevola [arrêt du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock, (C‑650/16, EU:C:2018:424, points 63 et 64)]. En revanche, plusieurs voix à la Cour estiment que l’on pourrait se passer de la notion de « pertes définitives » : voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire K (C‑322/11, EU:C:2013:183, points 66 et suiv. et 87), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2014:2321, points 41 et suiv.) et dans l’affaire A (C‑123/11, EU:C:2012:488, points 50 et suiv.).


6      Directive 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (JO 2009, L 310, p. 34), portant refonte de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 1). Cette directive a été modifiée par la directive 2013/13/UE du Conseil, du 13 mai 2013, portant adaptation de certaines directives dans le domaine de la fiscalité, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 141, p. 30), et il ne faut pas la confondre avec la directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (JO 2005, L 310, p. 1), qui concerne les aspects de droits des sociétés de certaines fusions transfrontalières.


7      Loi (1999:1229) relative à l’impôt sur le revenu.


8      Arrêt du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84).


9      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763).


10      Comme dernièrement les arrêts du 8 mars 2017, Euro Park Service (C‑14/16, EU:C:2017:177, point 19) ; du 12 novembre 2015, Visnapuu (C‑198/14, EU:C:2015:751, point 40) ; du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (C‑322/01, EU:C:2003:664, point 64), et du 16 décembre 2008, Gysbrechts et Santurel Inter (C‑205/07, EU:C:2008:730, point 33), même si, à chaque fois, la Cour a écarté l’absence de lien avec le droit primaire.


11      Arrêts du 29 février 1984, REWE-Zentrale (37/83, EU:C:1984:89 point 18) ; du 18 septembre 2003, Bosal (C‑168/01, EU:C:2003:479, points 25 et 26) ; du 23 février 2006, Keller Holding (C‑471/04, EU:C:2006:143, point 45) ; du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, point 46) ; du 26 octobre 2010, Schmelz (C‑97/09, EU:C:2010:632, point 50), et du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 39).


12      Arrêt du 5 octobre 1978, Viola (26/78, EU:C:1978:172, point 9/14).


13      Arrêts du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 36) ; du 16 avril 2015, Commission/Allemagne (C‑591/13, EU:C:2015:230, point 56 et jurisprudence citée), et du 21 mai 2015, Verder LabTec (C‑657/13, EU:C:2015:331, point 34).


14      Voir en ce sens arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, point 167) ; du 25 février 2010, X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, point 20), et du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526, point 18).


15      Voir notamment arrêts du 5 décembre 1989, Commission/Italie (C‑3/88, EU:C:1989:606, point 8) ; du 13 juillet 1993, Commerzbank (C‑330/91, EU:C:1993:303, point 14) ; du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 26) ; du 8 juillet 1999, Baxter e.a. (C‑254/97, EU:C:1999:368, point 10) ; du 25 janvier 2007, Meindl (C‑329/05, EU:C:2007:57, point 21) ; du 18 mars 2010, Gielen (C‑440/08, EU:C:2010:148, point 37) ; du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez (C‑570/07 et C‑571/07, EU:C:2010:300, points 117 et 118) ; du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2014:47, point 30), et du 8 juin 2017, Van der Weegen e.a. (C‑580/15, EU:C:2017:429, point 33) ; voir également nos conclusions dans l’affaire Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2013:531, point 34).


16      Arrêt du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2014:47, points 39 et suivants).


17      Voir à cet égard nos conclusions dans l’affaire ANGED (C‑233/16, EU:C:2017:852, points 34 et suivants), et dans l’affaire Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2013:531, point 41).


18      Voir à cet égard déjà nos conclusions dans l’affaire ANGED (C‑233/16, EU:C:2017:852, point 38) et dans l’affaire Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2013:531, point 40).


19      Ainsi, également dans le champ d’application de la liberté d’établissement, arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez und Chao Gómez (C‑570/07 et C‑571/07, EU:C:2010:300, point 119).


20      Arrêts du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89, point 22) ; du 12 juin 2014, SCA Group Holding e.a. (C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758, point 28) ; du 22 juin 2017, Bechtel (C‑20/16, EU:C:2017:488, point 53) ; du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424, point 32), et du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526, point 31).


21      Arrêt du 17 décembre 2015, Timac Agro Deutschland (C‑388/14, EU:C:2015:829, point 65), qui renvoie à l’arrêt du 17 juillet 2014, Nordea Bank (C‑48/13, EU:C:2014:2087, point 24), et à l’arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal und Denkavit France (C‑170/05, EU:C:2006:783, points 34 et 35).


22      Conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2014:2321, point 26) ; néanmoins dans le cas de figure de l’espèce, nous avions considéré que les situations étaient comparables (voir point 29).


23      Arrêt du 17 décembre 2015, Timac Agro Deutschland (C‑388/14, EU:C:2015:829, point 65), renvoyant à l’arrêt du 17 juillet 2014, Nordea Bank (C‑48/13, EU:C:2014:2087, point 24) et à l’arrêt du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal und Denkavit France (C‑170/05, EU:C:2006:783, points 34 et 35).


24      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, points 27 et suivants) ; du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, point 35) ; du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, points 22 et suivants), et du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526, point 35).


25      Arrêt du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424, points 38 et 39).


26      Certes, selon un proverbe allemand, on ne peut pas comparer des pommes avec des poires. Cependant, la pomme et la poire ont aussi des points communs (ainsi elles sont toutes deux des fruits à pépins) et sont donc comparables.


27      C’est ce que nous avions déjà proposé à la Cour dans nos conclusions dans l’affaire Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:153, points 21 à 28).


28      Voir à cet égard, expressément, arrêts du 6 septembre 2012, Philips Electronics (C‑18/11, EU:C:2012:532), et du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278, point 33).


29      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, points 43 et suivants).


30      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 35) ; du12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, EU:C:2006:544, point 47), et du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 42).


31      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763).


32      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, points 55 et 56).


33      Arrêt du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, points 51 et 52).


34      En ce sens également arrêt du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, point 54).


35      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, points 45 et 46) ; du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 45) ; du 6 septembre 2012, Philips Electronics (C‑18/11, EU:C:2012:532, point 23), et du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716, point 50).


36      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 45) ; du 18 juillet 2007, Oy AA (C‑231/05, EU:C:2007:439, point 54) ; du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278, point 31), et du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716, point 50).


37      En ce sens déjà, arrêts du 30 juin 2011, Meilicke e.a. (C‑262/09, EU:C:2011:438, point 33), et du 21 décembre 2016, Masco Denmark et Damixa (C‑593/14, EU:C:2016:984, point 41).


38      Arrêt du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, point 33).


39      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763).


40      Voir arrêt du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716, points 75 à 79 et jurisprudence citée).


41      Arrêts du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, point 33), et du 17 décembre 2015, Timac Agro Deutschland (C‑388/14, EU:C:2015:829, point 54).


42      Arrêt du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, points 31 et 36).


43      C’est pourquoi le gouvernement allemand a soutenu que seules les pertes subies pendant la dernière année doivent être considérées comme définitives, en raison de l’impossibilité de fait d’un report, alors que les pertes reportées ne perdent plus leur caractère non définitif.


44      Voir arrêt du 3 février 2015, Commission/Royaume-Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50, point 37).


45      La Cour est pour partie comprise ainsi ; voir observations du gouvernement allemand dans la présente affaire et, par exemple, David Eisendle, « Grenzüberschreitende Verlustverrechnung im Jahre 11 nach Marks & Spencer », ISR 2016, 37 (42).


46      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 46) ; du 18 juillet 2007, Oy AA (C‑231/05, EU:C:2007:439, point 55), et du 15 mai 2008, Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278, point 32).


47      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763).


48      La disposition en question, la « clause d’assainissement » de l’article 8c du Körperschaftssteuergesetz (loi allemande relative à l’impôt sur les sociétés), a fait récemment l’objet d’une affaire devant la Cour [arrêt du 28 juin 2018, Andres (Insolvenz Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505)].


49      La Cour évoque expressément cette possibilité, par exemple, arrêt du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, points 52 et suivants).


50      Arrêt du 12 juin 2018, Bevola und Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424, points 61 et suivants).


51      Au contraire, la Cour a chargé expressément la juridiction nationale de constater si sont remplies les conditions auxquelles est subordonné le caractère définitif des pertes ; voir arrêt du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424, point 65).


52      Arrêt du 12 juin 2018, Bevola et Jens W. Trock (C‑650/16, EU:C:2018:424, points 39 et 59) ; Voir également arrêt du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526, point 35).


53      L’acceptation d’un principe juridiquement pertinent de capacité contributive transfrontalière de groupes ouvrirait sans doute de nouvelles perspectives de montages fiscaux surtout à de grands groupes multinationaux. C’est pourquoi l’arrêt du 4 juillet 2018, NN (C‑28/17, EU:C:2018:526, point 35), nous semble problématique.


54      Pour simplifier, on entend par BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), les stratégies d’optimisation fiscale d’« entreprises multinationales » qui, dans le cadre des systèmes fiscaux actuels, disposent de possibilités (légales) de minimiser leurs bases d’imposition dans des États où la charge fiscale est lourde et de transférer les bénéfices vers des pays où la charge fiscale est faible.


55      Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 55).


56      Arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 55), et du 21 février 2013, A (C‑123/11, EU:C:2013:84, fin du point 56).