Language of document : ECLI:EU:C:2019:151

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 28 février 2019 (1)

Affaire C677/17

M. Çoban

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv)

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Accord d’association CEE‑Turquie – Protocole additionnel – Article 59 – Décision no 3/80 – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Article 6, paragraphe 1 – Levée des clauses de résidence – Prestations complémentaires accordées au titre de la législation nationale – Suppression »






1.        Il est dans la nature humaine de souhaiter rentrer chez soi après en avoir été longtemps absent et être resté à l’étranger pour un travail ou une mission. Ulysse a renoncé à la richesse et même à l’immortalité pour rentrer à Ithaque (2). De façon plus prosaïque, tant le législateur de l’Union que le Conseil d’association CEE‑Turquie avaient à l’esprit cet instinct du retour chez soi en adoptant des dispositions qui permettent à un travailleur d’exporter certaines prestations de sécurité sociale s’il quitte l’État membre dans lequel l’institution débitrice de ces prestations est située.

2.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision no 3/80 du Conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (3), lue en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, signé à Bruxelles le 23 novembre 1970 (4). Cette décision interdit notamment l’application de clauses de résidence au paiement de certains types de prestations sociales aux travailleurs turcs.

3.        Le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) s’interroge sur la relation entre cette interdiction et la règle interdisant de réserver un « traitement plus favorable » aux travailleurs turcs qu’aux ressortissants des États membres, prévue à l’article 59 du protocole additionnel.

 Le droit de l’Union

 L’accord d’association et le protocole additionnel

4.        Les parties contractantes ont signé l’accord d’association en 1963 (5). Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord vise à « promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales entre les parties [contractantes], en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc ».

5.        L’article 12 figure au chapitre 3 de l’accord, intitulé « Autres dispositions de caractère économique ». Il prévoit que « [l]es parties contractantes conviennent de s’inspirer des [articles 45 TFUE, 46 TFUE et 47 TFUE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles ».

6.        Le titre II du protocole additionnel contient les dispositions détaillées régissant la « circulation des personnes et des services », dont le premier chapitre concerne les « travailleurs ».

7.        L’article 39 (qui figure à ce chapitre) prévoit qu’« [a]vant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent protocole, le Conseil d’association arrête des dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de [l’Union] et de leur famille résidant à l’intérieur de [l’Union] ». Ces dispositions « devront permettre aux travailleurs de nationalité turque […] la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi accomplies dans les différents États membres pour ce qui concerne les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, ainsi que les soins de santé du travailleur et de sa famille résidant à l’intérieur de [l’Union] » (6). En vertu de l’article 39, paragraphe 4, « [l]es pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, acquises en vertu des dispositions prises en application du paragraphe 2, devront pouvoir être exportées vers la Turquie ».

8.        Le titre IV du protocole additionnel (intitulé « Dispositions finales et générales ») comprend l’article 59, qui dispose que « dans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent mutuellement en vertu du traité instituant la Communauté ».

9.        Le protocole additionnel fait partie intégrante de l’accord d’association (7).

 La décision no 1/80

10.      La décision no 1/80 a été adoptée par le Conseil d’association afin de promouvoir la libre circulation des travailleurs (8). Son article 6 établit les conditions d’accès à l’emploi pour les ressortissants turcs dûment enregistrés comme appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre. Conformément à une jurisprudence constante, tant que le travailleur turc exerce son droit au travail en vertu de l’accord d’association et de la décision no 1/80, il dispose en même temps d’un droit de séjour dans l’État membre concerné (9). Toutefois, il perd ce droit s’il quitte le marché de l’emploi définitivement, par exemple en raison d’une incapacité de travail (10).

 La décision no 3/80

11.      La finalité de la décision no 3/80, adoptée sur le fondement de l’article 39 du protocole additionnel, est de mettre en place des mesures de sécurité sociale permettant la circulation des ressortissants turcs qui travaillent ou ont travaillé dans un ou plusieurs États membres (11). La décision no 3/80 renvoie largement au règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (12).

12.      L’article 2 de la décision no 3/80, intitulé « Champ d’application personnel », précise que cette décision s’applique aux travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs des États membres et qui sont des ressortissants de la Turquie, aux membres de la famille de ces travailleurs, qui résident sur le territoire de l’un des États membres, et aux survivants de ces travailleurs.

13.      L’article 3, paragraphe 1, intitulé « Égalité de traitement », prévoit que « les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles [la décision 3/80 est applicable] sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci ».

14.      En vertu de l’article 4 (intitulé « Champ d’application matériel ») :

« 1.      La présente décision s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[…]

b)      les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ;

[…]

2.      La présente décision s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs […]

[…]

4.      La présente décision ne s’applique ni à l’assistance sociale et médicale […] »

15.      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision no 3/80, intitulé « Levée de clauses de résidence […] », dispose :

« À moins que la présente décision n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ».

 Le règlement no 1408/71

16.      Le règlement no 1408/71 définit le terme « prestations » à l’article 1er, sous t), comme signifiant « toutes prestations, […] y compris tous les éléments à charge des fonds publics, les majorations de revalorisation ou allocations supplémentaires, sous réserve des dispositions du titre III, ainsi que les prestations en capital qui peuvent être substituées aux pensions ou rentes et les versements effectués à titre de remboursement de cotisations » (13). L’article 4 de ce règlement définit son champ d’application matériel, qui inclut toutes les législations relatives aux « branches de sécurité sociale » se rapportant à l’un des risques énumérés à l’article 4, paragraphe 1 – y compris les « prestations d’invalidité » prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b) – et exclut l’« assistance sociale et médicale » (article 4, paragraphe 4), sans opérer de distinction entre les régimes contributifs et non contributifs (article 4, paragraphe 2).

17.      L’article 10, paragraphe 1, dispose que « les prestations en espèces d’invalidité, […] acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ». Sa formulation a manifestement servi de modèle lors de la rédaction du premier alinéa de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80.

18.      En vertu de la combinaison de l’article 4, paragraphe 2 bis, sous a), et de l’article 10 bis, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, tous deux introduits par le règlement (CEE) no 1247/92 (14), cette interdiction ne s’applique pas à certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif (ci-après les « PSECNC »). Sous réserve qu’une PSECNC figure à l’annexe II bis du règlement no 1408/71, sa perception peut être limitée au territoire de l’État membre qui l’accorde. En d’autres termes, les PSECNC ne sont pas exportables. L’annexe II bis comprend, pour les Pays-Bas, la Toeslagenwet (loi sur les prestations complémentaires, ci-après la « TW ») (15), du 6 novembre 1986.

19.      La décision no 3/80 n’a pas été modifiée afin d’y inclure une disposition équivalente à l’article 10 bis, paragraphe 1, du règlement no 1408/71.

 Le règlement no 883/2004

20.      Le règlement no 883/2004 a pour objectif d’adopter des mesures de coordination visant à garantir l’exercice effectif du droit à la libre circulation des personnes (16).

21.      L’article 2 définit le champ d’application personnel du règlement comme couvrant les « ressortissants de l’un des États membres, [les] apatrides et [les] réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi que [les] membres de leur famille et […] leurs survivants ».

22.      L’article 3 définit le champ d’application matériel du règlement de la façon suivante :

« 1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[…]

c)      les prestations d’invalidité ;

[…]

2.      Sauf disposition contraire prévue à l’annexe XI (17), le [ règlement no 883/2004] s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou non à cotisations, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur.

3.      [Le règlement no 883/2004] s’applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70.

[…] »

23.      L’article 7, relatif à la levée des clauses de résidence, reflète l’article 10 du règlement no 1408/71 et précise qu’« à moins que le [règlement no 883/2004] n’en dispose autrement, les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ».

24.      L’article 70 (l’article introductif du chapitre 9 intitulé « Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif ») contient une version plus élaborée de l’article 10 bis du règlement no 1408/71 et énonce :

« 1.      Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, et d’une assistance sociale.

2.      Aux fins du présent chapitre, on entend par “prestations spéciales en espèces à caractère non contributif” les prestations :

a)      qui sont destinées :

i)      soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l’environnement économique et social dans l’État membre concerné ;

ii)      soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l’environnement social de ces personnes dans l’État membre concerné ;

et

b)      qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations servies à titre de complément d’une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives,

et

c)      qui sont énumérées à l’annexe X.

3.      L’article 7 et les autres chapitres du présent titre ne s’appliquent pas aux prestations visées au paragraphe 2 du présent article.

4.      Les prestations visées au paragraphe 2 sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge. »

25.      Par dérogation à la règle générale de l’article 7, une PSECNC figurant à l’annexe X n’est donc pas exportable au sens du règlement no 883/2004, tout comme c’était le cas en vertu de l’article 10 bis du règlement no 1408/71.

26.      L’article 90, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 dispose que le règlement no 1408/71 est abrogé à compter de la date d’application du règlement no 883/2004, mais qu’il « reste en vigueur et [que] ses effets juridiques sont préservés » aux fins des « c) […] accords contenant une référence au règlement (CEE) no 1408/71, aussi longtemps que lesdits accords ne sont pas modifiés en fonction du présent règlement ».

27.      L’annexe X du règlement no 883/2004 énumère les différentes PSECNC et, pour les Pays-Bas, elle inclut la TW.

28.      En 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/776/UE dans l’intention de mettre à jour la décision no 3/80. Un nouveau « projet de décision du Conseil d’association UE-Turquie concernant l’adoption de dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale » figurait en annexe de cette décision (18). Toutefois, à ma connaissance, ce projet de décision n’a pas été adopté par le Conseil d’association. En conséquence, la décision no 3/80 n’a pas encore été modifiée afin d’y inclure une disposition équivalente à l’article 70, du règlement no 883/2004.

 Le règlement (UE) no 1231/2010

29.      Le règlement (UE) no 1231/2010 étend le régime applicable en vertu du règlement no 883/2004 aux ressortissants de pays tiers ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, dès lors qu’ils résident légalement sur le territoire d’un État membre et qu’ils se trouvent dans une situation dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un seul État membre (19).

 Le droit néerlandais

 La TW

30.      En vertu de la TW, les personnes ont droit à une prestation complémentaire pour augmenter leur revenu afin que son niveau (maximal) soit égal au salaire minimum applicable aux Pays-Bas (ci‑après la « prestation complémentaire »). L’octroi de cette prestation complémentaire est subordonné à la condition que la personne concernée soit couverte par un régime d’assurance des salariés, comme l’assurance contre l’incapacité de travail (20).

31.      L’article 4a, introduit dans la TW par la Wet beperking export uitkeringen (loi portant limitation de l’exportation des allocations) du 27 mai 1999, prévoit, à compter du 1er janvier 2000 :

« 1.      La personne visée à l’article 2 n’a pas droit à une prestation complémentaire pour la période où elle ne réside pas aux Pays‑Bas.

2.      La personne visée à l’article 2 qui, en vertu du paragraphe 1, n’a pas droit à une prestation complémentaire a droit à cette prestation complémentaire depuis le jour où elle fixe sa résidence au Pays‑Bas si elle satisfait aux conditions prévues à l’article 2, paragraphe 1, 2 ou 3. »

 La Remigratiewet

32.      La Remigratiewet (loi sur la migration de retour) prévoit notamment une assistance financière pour certaines catégories de personnes qui souhaitent quitter les Pays-Bas et se réinstaller dans leur pays d’origine. L’article 8, paragraphe 1, de cette loi prévoit que les personnes qui ont quitté les Pays-Bas pour rentrer dans leur pays d’origine peuvent revenir aux Pays-Bas au plus tard un an à compter de la date à laquelle elles se sont établies dans le pays de destination.

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

33.      M. Çoban est né le 20 février 1951. Il est ressortissant turc, enregistré comme appartenant au marché de l’emploi des Pays-Bas au sens de l’article 6 de la décision no 1/80. Il a travaillé en tant que chauffeur international jusqu’au 11 septembre 2006, lorsqu’il a quitté son emploi pour cause de maladie. Il a obtenu un titre de séjour UE de résident de longue durée le 18 décembre 2006.

34.      Le 8 septembre 2008, il a obtenu une allocation au titre de la Wet werk en inkomen naar arbeidsvermogen (loi sur le travail et le revenu en fonction de la capacité de travail), correspondant à une incapacité évaluée à un taux de 45 % à 55 % selon l’échelle nationale pertinente. À partir du mois de janvier 2012, une prestation complémentaire de 940,25 euros brut par mois au titre de la TW lui a également été accordée afin de lui assurer un revenu équivalent au salaire minimum aux Pays-Bas. À l’époque des faits, conformément à l’article 4 bis de la TW, une personne n’était éligible à cette prestation que si elle vivait aux Pays‑Bas.

35.      Le 10 février 2014, M. Çoban a informé le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (conseil d’administration de l’institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés, Pays-Bas, ci‑après l’« Uwv ») de son intention de s’établir en Turquie à partir du 1er avril 2014. Par décision du 12 février 2014, l’Uwv a supprimé la prestation complémentaire accordée à M. Çoban au titre de la TW à compter de la date de son départ. Il n’a pas formé de recours contre cette décision, qui est donc devenue définitive.

36.      Dans le cadre de son retour en Turquie, M. Çoban a demandé et obtenu certaines prestations d’aide au retour. Il s’est établi en Turquie le 18 mars 2014. Il disposait alors encore du titre de séjour UE de résident de longue durée.

37.      Le 9 juillet 2014, M. Çoban a présenté de nouveau, depuis la Turquie, une demande de prestation complémentaire au titre de la TW. La décision de renvoi ne permet pas de comprendre tout à fait clairement s’il s’agit d’une « nouvelle » demande concernant cette prestation ou s’il s’agit d’une demande visant à obtenir la reconnaissance de son droit acquis à la prestation et le rétablissement de la prestation (21). Par décision du 1er août 2014, l’Uwv a rejeté cette demande. Le 20 octobre 2014, l’Uwv a confirmé cette décision au motif que M. Çoban n’avait plus droit à recevoir la prestation complémentaire : il ne vivait pas aux Pays-Bas et par conséquent ne remplissait pas la condition de résidence prévue à l’article 4a de la TW.

38.      Le recours de M. Çoban contre la décision de l’Uwv a été rejeté par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays‑Bas).

39.      M. Çoban a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. Cette juridiction observe que M. Çoban a quitté les Pays-Bas de son propre gré et à une époque où la condition de résidence prévue à l’article 4a de la TW avait déjà été introduite. À l’époque où M. Çoban a présenté sa demande de prestation complémentaire depuis la Turquie, et au moment où cette prestation a été refusée, il aurait encore été en mesure de retourner aux Pays-Bas au titre de son permis de séjour UE de résident (22). Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a des doutes quant à la manière dont la jurisprudence de la Cour devrait être appliquée à M. Çoban (23). En conséquence, elle a posé la question préjudicielle suivante :

« L’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80, lu en combinaison avec l’article 59 du [protocole additionnel], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre telle que l’article 4a de la [TW] en vertu de laquelle une prestation complémentaire qui a été accordée est supprimée lorsque le bénéficiaire s’établit en Turquie, y compris lorsque le bénéficiaire a quitté le territoire de l’État membre de son propre gré ? Est-il pertinent à cet égard que l’intéressé, au moment de son départ, ne dispose plus d’un droit de séjour sur la base du régime d’association [CEE-Turquie], mais bien d’un titre de séjour UE de résident de longue durée ? Est-il pertinent à cet égard que la réglementation nationale permette à l’intéressé de revenir dans un délai d’un an à dater de son départ et de recouvrer ainsi le droit à la prestation complémentaire et qu’il conserve encore cette possibilité tant qu’il dispose d’un titre de séjour UE de résident de longue durée ? »

40.      Des observations écrites ont été présentées par l’Uwv, le gouvernement néerlandais et la Commission européenne. À l’audience de plaidoiries du 3 octobre 2018, M. Çoban, l’Uwv, le gouvernement néerlandais et la Commission ont présenté des observations orales.

 Observations liminaires

41.      La prestation complémentaire au titre de la TW est une PSECNC au sens de l’article 70 du règlement no 883/2004 et elle figure à l’annexe X dudit règlement. Contrairement à la règle générale énoncée à l’article 7 de celui-ci, il s’agit donc d’une prestation non exportable aux fins de ce règlement. Le règlement no 883/2004 maintient donc l’impossibilité d’exporter la prestation prévue par la TW et tout d’abord dégagée par l’article 10 bis et l’annexe 2 bis du règlement no 1408/71. Ce régime s’étend aux ressortissants de pays tiers et à leur famille résidant dans l’Union en vertu de l’article 1er du règlement no 1231/2010 (24).

42.      Le régime spécial des PSECNC découle du fait que, par le passé, la Cour a accepté que l’octroi de prestations étroitement liées au milieu social puisse être soumis à une condition de résidence dans l’État membre de l’institution compétente (25). Les conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Snares, auxquelles je me réfère avec reconnaissance, contiennent une analyse détaillée du motif des amendements et des changements qu’ils ont apportés (26).

43.      Les renvois au règlement no 1408/71 dans la décision no 3/80 n’ont pas été mis à jour ni modifiés. C’est notamment le cas de l’article 1er, sous a), de la décision no 3/80, qui définit plusieurs termes, notamment le terme « prestations », par renvoi à ce règlement. En vertu de l’article 90, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, il convient donc de continuer à interpréter la décision no 3/80 par renvoi au règlement no 1408/71 (27). En outre, et cela est crucial, la décision no 3/80 ne contient pas de dispositions  ‑ équivalentes à l’article 4, paragraphe 2 bis et à l’article 10 bis du règlement no 1408/71, tels que perpétués par l’article 3, paragraphe 3, et l’article 70 du règlement no 883/2004 ‑ qui se réfèrent expressément aux PSECNC en tant que telles, les font relever du champ d’application du règlement et, par dérogation à la règle générale, rendent ces prestations non exportables. La décision no 3/80 contient uniquement la règle générale selon laquelle les prestations qu’elle énumère sont exportables.

44.      Enfin, j’observe que la Cour a déjà jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 a un effet direct, de sorte que les ressortissants turcs auxquels cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit national qui lui sont contraires. Le libellé de l’article 6, paragraphe 1, interdit aux États membres, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, de réduire, modifier, suspendre, supprimer ou confisquer les prestations que cette disposition énumère au motif que l’ayant droit réside en Turquie ou sur le territoire d’un autre État membre (28).

 Analyse

45.      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision no 3/80, même lu en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, s’oppose-t-il à ce que la législation nationale supprime une prestation complémentaire, telle que celle en vertu de la TW, si le bénéficiaire part pour la Turquie mais détient un permis de séjour UE de résident de longue durée qui l’autorise à retourner aux Pays-Bas et à bénéficier de nouveau de cette prestation ?

 Sur la portée de l’interdiction contenue à l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80

46.      L’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 vise à consolider progressivement la situation des travailleurs turcs dans l’État membre d’accueil. À cet égard, elle complète la décision no 1/80 qui vise essentiellement l’intégration progressive de ces travailleurs dans le marché de l’emploi de l’État membre d’accueil (29).

47.      Le champ d’application personnel de la décision no 3/80 comprend les travailleurs de nationalité turque qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un des États membres (30). La Cour a déjà considéré dans l’arrêt Akdas e.a. que cette définition inclut les travailleurs turcs « qui résident désormais en Turquie » et « sont bénéficiaires de prestations en espèce d’invalidité acquises au titre de la législation d’un État membre » (31). Il est constant que M. Çoban relève du champ d’application personnel de la décision no 3/80 et donc de son article 6, paragraphe 1.

48.      À présent, j’examinerai brièvement le champ d’application matériel de cette disposition.

49.      Il ressort de la décision de renvoi que la prestation de base correspondant à l’incapacité de M. Çoban n’a pas été supprimée. La prestation qui a été supprimée est la prestation complémentaire qu’il recevait auparavant en vertu de la TW, dont l’objectif était de porter son revenu au niveau du salaire minimum aux Pays-Bas.

50.      Une prestation complémentaire en vertu de la TW est-elle une « prestation d’invalidité » au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 ?

51.      La juridiction de renvoi est d’avis que la prestation complémentaire est une prestation d’invalidité au sens de cette disposition. En effet, les arrêts par lesquels la Cour a interprété l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 dans les affaires Akdas e.a. et Demirci e.a., portaient précisément sur la même prestation (32).

52.      J’avoue ne pas être si certaine que la prestation complémentaire au titre de la TW relève effectivement de la décision no 3/80.

53.      Premièrement, je rappelle que les PSECNC ont été amenées dans le champ d’application du règlement no 1408/71 par les amendements introduits par le règlement no 1247/92. Ces amendements comprenaient l’article 4, paragraphe 2 bis, sous a) (qui amène expressément les PSECNC dans le champ d’application du règlement no 1408/71 et les décrit comme visant « à [apporter une couverture], à titre supplétif, complémentaire ou accessoire »), et l’article 10 bis (la règle établissant que les PSECNC ne sont pas exportables). Toutefois, des modifications équivalentes n’ont pas été apportées à la décision no 3/80 pour inclure les PSECNC dans son champ d’application.

54.      Deuxièmement, l’article 4 de la décision no 3/80 définit le champ d’application matériel de cette décision et explique, au paragraphe 1, sous b), que les prestations d’invalidité comprennent « celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ». Toutefois, il s’agit précisément de ce que la prestation complémentaire en vertu de la TW ne fait pas. Elle n’a aucun rapport avec la capacité de gain. Elle améliore le niveau de revenu du bénéficiaire.

55.      Troisièmement, l’article 4, paragraphe 4, de la décision no 3/80 prévoit expressément que celle-ci « ne s’applique [pas] à l’assistance sociale » ; pourtant, la finalité d’une PSECNC telle que la prestation complémentaire en vertu de la TW (en tant qu’elle se distingue de la prestation d’invalidité elle-même) est au moins en partie sociale.

56.      On pourrait penser que ces éléments militent contre la possibilité même qu’une PSECNC relève du champ d’application de la décision no 3/80. Toutefois, étant donné que la Cour, tant dans l’arrêt Akdas e.a. que dans l’arrêt Demirci e.a., a déjà considéré la même prestation en vertu de la TW comme relevant de la décision no 3/80, je partirai du principe qu’il s’agit en effet d’une « prestation d’invalidité » au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 (33).

57.      Une demande de prestation complémentaire en vertu de la TW relève-t-elle de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 lorsqu’elle est présentée après le retour en Turquie pour s’y installer, soit en tant que nouvelle demande de prestation soit en tant que demande de rétablissement de celle-ci ?

58.      Il ressort clairement du libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 que les prestations relevant du champ d’application de cette disposition et « acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres » (mise en italique par mes soins) ne peuvent subir « aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation » du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un autre État membre.

59.      En outre, l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel (la base juridique de la décision no 3/80) (34) se réfère uniquement à la possibilité d’« exporter vers la Turquie » « les pensions […] d’invalidité acquises en vertu des dispositions prises […] » (mise en italique par mes soins).

60.      Il s’ensuit logiquement qu’une demande de rétablir un droit à prestation précédemment acquis relèverait de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80, mais qu’inversement, une nouvelle demande visant à établir un droit à prestation n’en relèverait pas. Il incombe au juge national, en tant que seul juge des faits, de déterminer définitivement à laquelle de ces deux catégories appartient la demande présentée par M. Çoban depuis la Turquie le 9 juillet 2014. J’ajouterai seulement qu’une demande de rétablissement doit forcément relever de la décision no 3/80 dans la mesure où, en cas de suppression illégale d’une prestation, son rétablissement en est, à l’évidence, la réparation.

61.      Il convient toutefois de se pencher sur une autre difficulté. La décision de renvoi précise que M. Çoban a effectivement bénéficié de la prestation supplémentaire au titre de la TW du mois de janvier 2012 jusqu’au 1er avril 2014, date de sa suppression, déterminée par décision du 12 février 2014 (il s’agit de la date à laquelle M. Çoban a informé l’Uwv qu’il allait s’installer en Turquie). M. Çoban n’a pas formé de recours contre cette décision, qui est donc devenue définitive.

62.      La juridiction de renvoi considère néanmoins que, dans la mesure où l’on peut considérer que le présent recours de M. Çoban vise le rétablissement de sa prestation complémentaire au titre de la TW, celui‑ci réaffirme son droit acquis à cette prestation (et, de fait, demande à l’Uwv de revenir sur sa décision du 12 février 2014, par laquelle elle a mis fin au paiement de cette prestation) (35). Une fois encore, il appartient à la juridiction nationale de déterminer en vertu du droit national si le fait que M. Çoban n’a pas formé de recours contre la décision prise par l’Uwv le 12 février 2014 s’oppose à ce que l’on considère que, par le présent recours, il invoque un droit acquis à la prestation. Il semblerait ressortir de la décision de renvoi que, en vertu du droit national, ce fait ne s’y oppose pas, et que, en effet, cette prétention de M. Çoban pourrait être fondée.

63.      Il s’ensuit donc que les circonstances de l’affaire concernant M. Çoban relèvent bien du champ d’application de l’interdiction établie à l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80.

64.      J’en viens à présent aux autres questions (importantes) auxquelles la Cour sera confrontée. Le droit d’effet direct de M. Çoban d’invoquer l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 est-il affaibli par le double fait qu’il détenait un permis de séjour UE de résident de longue durée et que son retour en Turquie était volontaire ? L’article 59 du protocole additionnel permet-il d’ignorer ce droit ?

65.      Pour répondre à ces questions, il est tout d’abord nécessaire d’examiner avec soin les deux arrêts très différents de la Cour dans les affaires Akdas e.a. et Demirci e.a.

 Les arrêts Akdas e.a. et Demirci e.a.

66.      Dans l’affaire Akdas e.a., les requérants étaient tous des ressortissants turcs qui avaient été atteints d’invalidité et avaient demandé et obtenu, alors qu’ils étaient encore résidents aux Pays-Bas, le paiement à la fois d’une prestation d’invalidité en vertu de la WAO et une prestation complémentaire en vertu de la TW dans la version en vigueur avant l’année 2000. Ils étaient retournés en Turquie pour se rapprocher de leur famille, en conservant le droit à ces prestations en vertu de l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel. Toutefois, après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la version modifiée de la TW, les autorités nationales compétentes ont progressivement supprimé le paiement de la prestation en vertu de la TW.

67.      La Cour a examiné l’introduction de l’article 10 bis dans le règlement no 1408/71 et les régimes de non-exportabilité des PSECNC telles que la prestation complémentaire au titre de la TW (36) qui en découlent. Elle a ensuite conclu que le fait d’autoriser les requérants à continuer à percevoir cette prestation n’était pas incompatible avec l’article 59 du protocole additionnel.

68.      Premièrement, l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel prévoyait expressément l’exportabilité des prestations (et l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80, reflétait dûment cette disposition). Deuxièmement, les requérants relevaient du champ d’application de l’article 2 de la décision no 3/80, en tant que travailleurs turcs. Troisièmement, le fait d’appliquer les règles du règlement no 1408/71 relatives aux PSECNC dans le cadre de la décision no 3/80 serait revenu à modifier cette décision, ce pouvoir appartenant exclusivement au Conseil d’association en vertu des articles 8 et 22 de l’accord d’association. Quatrièmement, la situation des requérants ne pouvait être utilement comparée à celle des citoyens de l’Union, étant donné que ces derniers étaient en droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres et de jouir de la liberté non seulement, en premier lieu, de quitter un État membre, mais également d’y revenir (37).

69.      Par contre, dans l’affaire Demirci e.a., la Cour a considéré que M. Demirci et ses collègues ne pouvaient pas se prévaloir de la décision no 3/80 pour contester l’exigence relative à la résidence imposée par la législation nationale comme condition pour bénéficier d’une prestation complémentaire en vertu de la TW.

70.      Dans cette affaire, les requérants détenaient tous deux la double nationalité turque et néerlandaise. Comme M. Akdas et ses collègues, ils étaient atteints d’invalidité et ont fini par se trouver dans l’incapacité de travailler. Eux aussi bénéficiaient et de la prestation d’invalidité principale en vertu de la WAO et de la prestation complémentaire en vertu de la TW, dans sa version en vigueur avant l’année 2000. Eux aussi étaient retournés en Turquie pour se rapprocher de leur famille, en conservant le droit à ces prestations en vertu de l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel. Toutefois, après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la version modifiée de la TW, les autorités nationales compétentes avaient également décidé de supprimer progressivement le paiement de la prestation en vertu de la TW. Ils ont contesté ces décisions.

71.      Effectuant une distinction avec l’affaire Akdas e.a., la Cour a souligné que le fait que M. Demirci et ses collègues avaient acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en tant que travailleurs turcs les « [plaçait] dans une situation toute particulière, eu égard spécialement aux objectifs du régime d’association CEE-Turquie ». L’acquisition de la nationalité de l’État membre d’accueil représente, en principe, le niveau d’intégration du travailleur turc le plus abouti dans l’État membre d’accueil. L’acquisition de cette deuxième nationalité emportait les conséquences juridiques du régime liées non seulement à la possession de cette nationalité, mais aussi, et corrélativement, de la citoyenneté de l’Union, en particulier en matière de droit de séjour et de libre circulation dans les États membres. Dès lors, « rien ne [justifiait] que le ressortissant turc, dont le régime légal [avait] nécessairement changé au moment de l’acquisition de la nationalité de l’État membre d’accueil, ne soit pas traité par ledit État pour le versement d’une prestation telle que celle en cause au principal exclusivement en tant que ressortissant de cet État » (38).

72.      La Cour a considéré que si M. Demirci et ses collègues avaient pu conserver la prestation complémentaire en vertu de la TW, ils auraient bénéficié d’une différence de traitement double et injustifiable. En tant que ressortissants des Pays-Bas, ils auraient été traités plus favorablement que les travailleurs qui n’avaient que la nationalité turque et ne bénéficiaient plus d’un droit de séjour aux Pays-Bas parce qu’ils n’appartenaient plus au marché régulier de l’emploi de cet État. Ils auraient également été favorisés par rapport aux ressortissants de l’État membre d’accueil ou d’un autre État membre qui auraient, certes, bénéficié d’un régime favorable en termes de séjour et de libre circulation au sein de l’Union, mais qui seraient restés soumis à la condition de résidence sur le territoire du Royaume des Pays-Bas pour le versement de la prestation complémentaire. L’article 59 du protocole additionnel faisait obstacle à une telle issue.

 L’Article 59 du protocole additionnel.

73.      Le protocole additionnel fait partie du droit primaire dans la hiérarchie des règles de droit découlant de l’association CEE-Turquie (article 62 du protocole additionnel). C’est pourquoi les décisions adoptées par le Conseil d’association dans l’exercice de compétences déléguées doivent faire l’objet d’une interprétation conforme à la règle interdisant un traitement plus favorable qu’il prévoit. J’ai dit ailleurs que l’article 59 du protocole additionnel illustre le principe selon lequel l’appartenance à l’Union européenne est la relation la plus approfondie et la plus privilégiée qu’un État puisse obtenir ; partant, toute autre relation entre un pays tiers et l’Union européenne doit nécessairement être moins privilégiée (39).

74.      Comme son libellé l’indique clairement, l’article 59 du protocole additionnel concerne les droits et obligations des États membres et de la Turquie. Il ne porte pas explicitement sur les droits et obligations des particuliers. Cela étant, il est indubitable que l’article 59 peut servir de principe d’interprétation, ce qu’il fait en guidant la Cour dans l’examen des éléments de comparaison et en lui permettant de trancher pour une des lectures possibles du texte d’un instrument de rang inférieur (comme la décision no 3/80) plutôt qu’une autre. La jurisprudence appliquant l’article 59 confirme son importance dans ce rôle, lorsque deux situations impliquant des ressortissants de l’Union et des ressortissants turcs peuvent utilement être comparées. Ainsi, la Cour a jugé de manière constante, dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et de la décision no 1/80, que l’article 59 du protocole additionnel fait obstacle à ce que les ressortissants turcs bénéficient d’un traitement plus favorable que les ressortissants de l’Union (40). Toutefois, à plusieurs reprises, la Cour a refusé de comparer la situation des membres de la famille de travailleurs turcs tirant des droits de l’article 7 de la décision no 1/80 et celle des membres de la famille de ressortissants de l’Union parce que (après avoir examiné leur situation juridique respective) elle a considéré que ces situations ne pouvaient être utilement comparées, compte tenu des différences considérables entre elles (41).

75.      Je concorde donc pleinement avec l’analyse de mon collègue M. l’avocat général Wahl dans l’affaire Demirci e.a. : « [a]insi que le montrent clairement les motifs de l’arrêt Akdas e.a. (EU:C:2011:346), l’article 59 du protocole additionnel agit comme un “mécanisme de rattrapage” afin que l’interprétation des dispositions du régime d’association CEE-Turquie ne traite pas indûment les ressortissants de l’Union moins favorablement que les ressortissants turcs. Toutefois, l’article 59 ne constitue pas une clause générale de non-discrimination que les ressortissants de l’Union peuvent invoquer à chaque fois que des ressortissants turcs se voient conférer, au titre du régime d’association CEE‑Turquie, des droits dont les ressortissants de l’Union ne jouissent pas » (42).

76.      La situation de M. Çoban est-elle véritablement assimilable à celle des requérants dans l’affaire Akdas e.a. ou dans l’affaire Demirci e.a. ?

77.      Comme la juridiction de renvoi le signale utilement (43), M. Çoban a perdu son droit de séjour aux Pays-Bas en vertu de l’accord d’association lorsqu’il a quitté définitivement le marché de l’emploi (44). Il a arrêté de travailler en raison de sa maladie le 11 septembre 2006. Toutefois, il a obtenu un titre de séjour UE de résident de longue durée, le 18 décembre 2006, et détenait ce titre de séjour lorsqu’il a décidé de s’installer en Turquie à compter du 1er avril 2014. En vertu de la loi sur la migration de retour, il avait le droit de changer d’avis et de revenir aux Pays-Bas dans un délai d’un an à partir de son retour.

78.      Je limiterai ci-après mon analyse aux droits conférés par un tel titre de séjour de l’Union et aux limites de celui-ci. Je ne sais pas si le permis de M. Çoban lui conférait des droits supplémentaires en vertu du droit national et, selon moi, cela n’est en toute hypothèse pas pertinent. Ce qui importe ici est de savoir si, en vertu des droits qui lui sont conférés par le droit de l’Union, sa situation peut (ou non) être véritablement comparée à celle d’un ressortissant néerlandais ou d’un autre citoyen de l’Union. Si cette comparaison est légitime, alors, comme dans le cas des requérants détenteurs d’une double nationalité turque et néerlandaise dans l’affaire Demirci e.a., l’article 59 du protocole additionnel prévaut sur son droit de continuer à percevoir la prestation au titre de la TW (qu’il serait en mesure de faire valoir dans le cas contraire).

79.      Je comparerai tout d’abord brièvement la question du retour volontaire ou non volontaire, avant de me pencher sur le point de savoir s’il y a lieu d’assimiler la situation du titulaire d’un titre de séjour UE de longue durée à celle d’un ressortissant néerlandais ou d’un autre citoyen de l’Union.

80.      La décision no 3/80 n’effectue pas de distinction entre les différents motifs pour lesquels un ressortissant turc qui est ou a été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs États membres pourrait vouloir s’établir en Turquie ou même dans un autre État membre (45). Sa finalité est de faire en sorte que le travailleur turc, les membres de sa famille qui résident dans l’Union et ses survivants puissent, quelles que soient les circonstances, continuer à bénéficier de la protection conférée par la sécurité sociale à laquelle il a contribué pendant sa vie professionnelle. Sauf disposition contraire (et il n’y a pas de disposition pertinente « autre » ou « spéciale » dans la décision no 3/80), le travailleur turc est censé être « [soumis] aux obligations et [être admis] au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci » (article 3, paragraphe 1).

81.      L’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 envisage ensuite manifestement la possibilité qu’une personne visée par la décision (telle que figurant à l’article 2), bénéficiant de trois prestations acquises déterminées (« prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles ») puisse vouloir ou devoir partir. Les bénéficiaires de ces prestations sont précisément des personnes qui pourraient bien ne pas être en mesure de travailler ou de s’occuper d’elles‑mêmes sans aide. L’article 6, paragraphe 1, de cette décision énonce donc clairement et expressément que ces prestations, dont ces personnes auront manifestement besoin si elles partent, « ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ».

82.      Le fait de se déplacer ailleurs, en d’autres termes, n’est pas censé entraîner une perte du droit à prestation. La conclusion naturelle qu’il convient d’en tirer est que la décision no 3/80 envisage toute une série d’hypothèses de déplacement possibles et que le motif du déplacement est dénué de pertinence. Je vais illustrer cela par une hypothèse (plausible). Supposons que le travailleur en question ait pris sa retraite et qu’il vieillisse et devienne infirme. Malheureusement, il est veuf à présent et n’a personne, dans l’État membre où il vit, pour l’aider et s’occuper de lui. Il a une grande famille en Turquie, mais aussi une fille qui vit avec sa famille dans un État membre voisin. Il peut choisir de rester là où il est, isolé et sans soutien. Il peut choisir de rejoindre sa fille et la famille de celle-ci. Il peut choisir de retourner en Turquie. Il me semble qu’il serait à la fois artificiel et inique de considérer que, s’il décide de se réinstaller soit dans cet autre État membre, soit en Turquie (options 2 et 3), le caractère « volontaire » de cette décision le fait sortir du champ d’application de l’article 6 ou même de celui de la décision no 3/80 toute entière. Cela ne saurait être le prisme à travers lequel l’article 6, paragraphe 1, doit être examiné.

83.      J’en conclus donc que, même si la Cour a mentionné l’exercice volontaire des droits de libre circulation en tant que citoyen de l’Union pour étayer son raisonnement dans l’affaire Demirci e.a., elle ne saurait avoir eu l’intention de faire du caractère « volontaire » du départ de l’État membre qui octroyait la prestation le facteur déterminant qui, s’il est établi, prive le bénéficiaire turc des prestations de sécurité sociale et, par conséquent, de la protection conférée par l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80.

84.      J’en viens donc maintenant à la question du statut et des droits relatifs du titulaire d’un permis de séjour UE de résident de longue durée par rapport à ceux a) d’un ressortissant néerlandais et b) d’un ressortissant d’un autre État membre qui est donc citoyen de l’Union.

85.      La directive 2003/109/CE (46) vise à octroyer aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé légalement dans l’Union pendant au moins cinq ans et qui détiennent un permis de séjour de résident de longue durée « un ensemble de droits uniformes aussi proches que possible de ceux dont jouissent les citoyens de l’Union européenne » (considérant 2). Le considérant 7 explique que, afin d’acquérir le statut de résident de longue durée, « le ressortissant de pays tiers devrait prouver qu’il dispose de ressources suffisantes et d’une assurance maladie, pour éviter de devenir une charge pour l’État membre. Les États membres, lorsqu’ils évaluent la possession de ressources stables et régulières, peuvent prendre en considération des facteurs tels que les cotisations à un régime de pension ou l’acquittement d’obligations fiscales ». Ce considérant est mis en œuvre par l’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), qui établit, comme conditions préalables à l’acquisition du statut de résident de longue durée, le fait de disposer de ressources suffisantes sans recourir au système de sécurité sociale et celui de disposer d’une assurance maladie.

86.      L’article 8, paragraphe 1, prévoit que le statut de résident de longue durée est permanent sous réserve de l’article 9. Les motifs du retrait ou de la perte de ce statut énumérés dans cette dernière disposition comprennent, outre un certain nombre de motifs d’ordre public, « l’absence du territoire de l’[Union] pendant une période de douze mois consécutifs » [article 9, paragraphe 1, sous c)]. L’article 11 établit le droit à l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre concerné, mais il contient également un certain nombre de dérogations à ce principe. L’article 11, paragraphe 4, de la même directive dispose en particulier qu’« [e]n matière d’aide sociale et de protection sociale, les États membres peuvent limiter l’égalité de traitement aux prestations essentielles » (47).

87.      Curieusement, la directive 2003/109 ne semble pas prévoir ce qui se passe, c’est-à-dire les droits respectifs du ressortissant d’un pays tiers et de son État membre d’accueil, si la personne concernée finit par dépendre, de façon permanente, de la sécurité sociale complétée par les aides sociales pour survivre, voire si elle se retrouve dans l’indigence.

88.      Il semble clair que M. Çoban aurait rempli les conditions (et il est à présumer qu’il les remplissait) du permis de séjour UE de résident de longue durée du fait de son emploi en tant que chauffeur international. Il a obtenu son permis très peu de temps (environ trois mois) après son premier arrêt de travail (48). À ce stade, ses perspectives d’avenir, notamment le point de savoir s’il pourrait en fait recommencer à travailler, pouvaient très bien ne pas avoir été tout à fait claires. J’observe que ce n’est que près de deux ans plus tard (le 8 septembre 2008) que son incapacité a été évaluée à un taux de 45 % à 55 % et qu’il a obtenu sa prestation d’invalidité (49).

89.      Au moment où l’Uwv a supprimé la prestation perçue par M. Çoban en vertu de la TW, était-il dans une situation équivalente à celle d’un ressortissant néerlandais (comme M. Demirci et ses collègues) ou à celle d’un ressortissant d’un autre État membre de l’Union qui est dès lors, du fait de cette nationalité, citoyen de l’Union ?

90.      Il semble évident que, à l’égard des Pays-Bas, la situation de M. Çoban ne saurait être utilement comparée à celle d’un ressortissant néerlandais. M. Demirci et ses collègues se trouvaient dans leur propre pays (d’adoption). En obtenant la nationalité néerlandaise, ils avaient atteint « le niveau d’intégration du travailleur turc le plus abouti dans l’État membre d’accueil » (50). Ils sont néerlandais. M. Çoban n’a pas franchi cette étape fondamentale.

91.      Puisqu’il en est ainsi, la situation de M. Çoban devrait-elle être comparée à celle d’un citoyen de l’Union, qui aurait également le statut de résident de longue durée aux Pays-Bas et se déplacerait ailleurs, en renonçant par-là à son droit au paiement de la prestation complémentaire en vertu de la TW ?

92.      En principe, il va presque sans dire que, quelque favorable que soit la situation d’un ressortissant d’un pays tiers ayant obtenu le statut de résident de longue durée par rapport à la situation plus précaire d’un ressortissant de pays tiers qui n’a pas encore obtenu ce statut (51), elle ne saurait être aussi bonne que celle d’un ressortissant de l’Union.

93.      Le statut de citoyen de l’Union, comme la Cour l’a jugé dans de nombreuses affaires à partir de l’arrêt Grzelczyk, « a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres, permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique » (52). M. Grzelczyk a pu prétendre au « minimex » belge, un « avantage social » au sens du règlement (CEE) no 1612/68 (53) pendant la dernière année de ses études non en vertu du droit dérivé (de la Communauté économique européenne) mais en vertu de la solidarité due à un citoyen de l’Union. Un étudiant belge se trouvant dans la même situation aurait pu avoir accès au « minimex » pour bénéficier d’un soutien financier. Par conséquent, M. Grzelczyk aussi (54).

94.      Le statut de résident de longue durée de l’Union ne garantit pas de tels droits fondés sur le traité aux ressortissants de pays tiers pour combler les lacunes ou nuancer l’interprétation du droit dérivé de l’Union. Il est donc intrinsèquement peu probable que ce statut soit véritablement équivalent au statut d’un citoyen de l’Union.

95.      Il m’apparaît que, sous au moins deux aspects, on peut honnêtement affirmer que la situation de M. Çoban au 1er avril 2014 était plus précaire que celle d’un citoyen de l’Union. Le premier aspect concerne la pérennité de sa sécurité financière après que son incapacité de travail est devenue permanente ; le second, la durée limitée de son droit de conserver son statut de résident de longue durée de l’Union s’il quittait les Pays-Bas et s’installait en Turquie.

96.      En ce qui concerne le premier aspect, il ressort clairement des arrêts Dano (55)et Alimanovic (56) que, dans certaines circonstances, un État membre est en droit de limiter l’accès aux PSECNC même pour les citoyens de l’Union qui sont légalement présents sur son territoire, jusqu’au moment où ces citoyens obtiennent le droit de séjour permanent (57). À ma connaissance, il n’existe pas encore de jurisprudence de la Cour abordant le point de savoir si un ressortissant de pays tiers qui a obtenu le statut de résident de longue durée de l’Union et qui, par la suite, finit entièrement par dépendre financièrement d’un ensemble de prestations de sécurité sociale et d’une PSECNC pour subsister, peut compter sur le maintien de son statut et, avec celui-ci, sur la pérennité de ces prestations durant le reste de sa vie. Il serait téméraire d’affirmer que cela est manifestement le cas (58).

97.      Quant au second aspect, il ressort clairement du libellé de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/109 qu’un ressortissant d’un pays tiers « perd le droit au statut de résident de longue durée […] [en cas d’] absence du territoire de [l’Union] pendant une période de douze mois consécutifs ». À ce stade, il se trouvera dans la même situation que tout autre ressortissant d’un pays tiers qui veut (ré‑) entrer dans l’Union européenne (59). En théorie, sur la base des faits de la présente affaire (le taux d’incapacité de M. Çoban se situe entre 45 % et 55 %) une telle personne ne sera pas en mesure de se prévaloir du traitement préférentiel octroyé à un ressortissant turc qui souhaite (ré‑) entrer sur le marché de l’emploi d’un État membre en vertu de l’accord d’association (et en toute hypothèse, il n’aurait pas une liberté de circulation équivalente à celle d’un citoyen de l’Union) (60).

98.      Par contre, un citoyen de l’Union qui a le statut de résident de longue durée et qui choisit de quitter les Pays-Bas (et donc renonce à son droit de recevoir la prestation complémentaire en vertu de la TW) finira en effet par perdre son statut de résident de longue durée, après deux ans et non douze mois (61), mais il pourra, bien entendu, rentrer sur le territoire des Pays-Bas quand il le voudra (62).

99.      Dans l’arrêt Demirci e.a., la Cour a introduit son analyse détaillée des raisons pour lesquelles, contrairement aux requérants dans l’affaire Akdas e.a., les personnes ayant la double nationalité turque et néerlandaise ne pouvaient pas se prévaloir de la décision no 3/80 pour conserver le bénéfice de la prestation complémentaire en vertu de la TW par les mots « la circonstance que les défendeurs au principal ont acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en tant que travailleurs turcs les place dans une situation toute particulière » (mise en italique par mes soins) (63).

100. Cependant, il est clair que M. Çoban n’est pas dans une « situation toute particulière » équivalente. Il n’a pas la double nationalité turque et néerlandaise. Il n’est pas ressortissant d’un autre État membre. Il n’a qu’une seule nationalité : la nationalité turque. Je pense que les éléments exposés aux points 84 et suivants démontrent que sa situation ne peut être véritablement comparée à celle d’un ressortissant néerlandais ou d’un citoyen de l’Union. Il s’ensuit que l’article 59 du protocole additionnel n’opère pas de manière à le priver des droits d’effet direct fondés sur l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 qu’il pourrait invoquer dans d’autres circonstances.

 Remarque supplémentaire

101. Après cette analyse, il devrait ressortir clairement que les doutes qui ont abouti au présent litige prennent leur racine dans le fait que la décision no 3/80 reflète la version du règlement no 1408/71 qui était en vigueur avant sa modification pour rendre les PSECNC non exportables (64). Dans l’arrêt Akdas e.a., et encore dans l’arrêt Demirci e.a., la Cour est partie du postulat que les PSECNC relèvent du champ d’application de la décision no 3/80 (65).

102. Si l’article 59 du protocole additionnel constitue un outil d’interprétation valable (66) et peut donc intervenir dans des circonstances spécifiques pour éviter l’application de la décision no 3/80, sa finalité et son effet ne s’étendent pas à la réécriture de la décision no 3/80 afin d’en « extraire » précisément les PSECNC dont la Cour a déclaré qu’elles sont couvertes par cet instrument. Le pouvoir de modifier ou de reformuler la décision no 3/80 revient au Conseil d’association (67). Si, pour des raisons politiques, il est considéré comme désirable d’empêcher les ressortissants turcs qui s’installent en dehors de l’État membre d’accueil de conserver leur droit à une PSECNC, et à moins que la Cour ne revienne sur la prémisse sur laquelle les arrêts Akdas e.a. et Demirci e.a. ont été fondés (68), seule la voie législative permet d’atteindre ce résultat.

 Conclusion

103. Je propose donc à la Cour de répondre de la façon suivante à la question posée à titre préjudiciel par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays‑Bas) :

L’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80 du Conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, peut être invoqué directement par un ancien travailleur qui n’a pas, en plus de la nationalité turque, la nationalité d’un État membre et qui est bénéficiaire d’une prestation complémentaire en vertu de la Toeslagenwet (loi sur les prestations complémentaires), pour conserver cette prestation s’il retourne s’installer en Turquie. L’article 59 du protocole additionnel, signé à Bruxelles le 23 novembre 1970, ne s’oppose pas à cette issue. Il n’est pas pertinent que cette personne a) retourne en Turquie de son propre gré ou b) bénéficie, en tant que ressortissante d’un pays tiers, du statut de résident de longue durée dans l’Union, de sorte qu’elle pourrait retourner dans le pays membre d’accueil dans un délai de douze mois et y reprendre sa résidence.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Dans le cinquième chant de l’Odyssée, vers 136, Calypso dit avoir espéré faire d’Ulysse un immortel s’il était resté sur son île. Dans le septième chant, vers 313, Alcinoüs (le roi des Phéaciens) offre à Ulysse la main de sa fille Nausicaa et la richesse s’il reste comme son gendre.


3      JO 1983, C 110, p. 60.


4      Protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie et relatif aux mesures à prendre pour leur entrée en vigueur (JO 1972, L 293, p. 3) (ci‑après le « protocole additionnel »).


5      Accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part (JO 1973, C 113, p. 1), et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, P 217, p. 3685) (ci-après l’« accord d’association »).


6      Article 39, paragraphes 1 et 2, respectivement.


7      Article 62 du protocole additionnel.


8      Décision no 1/80 du Conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, créée dans le cadre de l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (ci-après la « décision no 1/80 »). Cette décision n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, mais elle est disponible dans une compilation utile de textes pertinents, publiée sous l’autorité du Conseil en 1992 : voir https://www.ab.gov.tr/files/ardb/evt/Accord_d_association_et_protocoles_CEE-Turquie_et_autres_textes_de_base.pdf


9      Voir arrêt du 20 septembre 1990, Sevince (C‑192/89, EU:C:1990:322, point 29).


10      Voir arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 42).


11      Article 39, paragraphe 1, du protocole additionnel et préambule de la décision no 3/80.


12      Règlement du Conseil du 14 juin 1971 (JO 1971, L 149, p. 2).


13      La version anglaise comporte l’expression « as also » qui est, je le pense, une mauvaise traduction de « ainsi que » (« and also »). Le règlement no 1408/71 a été, en principe, abrogé par le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1). À l’époque des faits, il s’agissait de la version du règlement (CE) no 883/2004 telle que modifiée par le règlement (UE) no 1372/2013 de la Commission, du 19 décembre 2013 (JO 2013, L 346, p. 27), qui était applicable. Bien qu’il ait été abrogé pour la plus grande partie, le règlement no 1408/71 a en dernier lieu été modifié par le règlement (CE) no 592/2008, du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non‑salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 2008, L 177, p. 1).


14      Règlement du Conseil du 30 avril 1992 (JO 1992, L 136, p. 1). Le nouvel article 4, paragraphe 2 bis, a introduit dans le champ d’application du règlement no 1408/71 les prestations spéciales en espèce à caractère non contributif telles qu’elles étaient à l’époque régies par les règles de l’article 10 bis. Dans l’arrêt du 4 novembre 1997, Snares (C‑20/96, EU:C:1997:518), qui est le premier dans lequel la Cour s’est prononcée sur le nouvel article 10 bis, celle-ci a expliqué qu’à partir du moment où une prestation figure à l’annexe II bis du règlement no 1408/71, cela établit non seulement que cette prestation relève du champ d’application de l’article 10 bis du règlement no 1408/71 mais également qu’« [i]l ressort […] du libellé de l’article 10 bis que cette disposition implique que les prestations qu’elle vise relèvent par ailleurs de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement no 1408/71, tel que modifié par le règlement no 1247/92 » et qu’elle est « exclusivement régie par les règles de coordination de l’article 10 bis » (points 30 à 32).


15      La TW a été ajoutée à cette liste par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 (JO L 117, p. 1).


16      Considérant 45.


17      Cette annexe contient des dispositions particulières d’application de la législation des États membres.


18      Décision du Conseil du 6 décembre 2012 relative à la position à adopter, au nom de l’Union européenne, au sein du Conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, en ce qui concerne l’adoption de dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2012, L 340, p. 19).


19      Article 1er du règlement du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 visant à étendre le règlement (CE) no 883/2004 et le règlement (CE) no 987/2009 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces règlements uniquement en raison de leur nationalité (JO 2010, L 344, p. 1).


20      Article 1er, paragraphe 1, sous d), de la TW. La TW elle-même est fondée sur la Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzekering (loi relative à l’assurance contre l’incapacité de travail, ci‑après la « WAO ») dans le contexte de laquelle les arrêts du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346), et du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8) ont été rendus.


21      Voir les points 60 et suivants des présentes conclusions.


22      La juridiction de renvoi observe à cet égard que M. Çoban a perdu son droit de séjour aux Pays‑Bas au titre du régime d’association CEE-Turquie lorsqu’il a définitivement quitté le marché de l’emploi de cet État membre, mais qu’il aurait encore pu revenir en vertu de la loi sur la Remigratiewet dans un délai d’un an.


23      À savoir les arrêts du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346), et du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8).


24      Voir points 18, 23, 26 et 27 des présentes conclusions.


25      Voir arrêt du 27 septembre 1988, Lenoir (313/86, EU:C:1988:452, points 16), confirmé par arrêt du 4 novembre 1997, Snares (C‑20/96, EU:C:1997:518, points 42 et 43).


26      Voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Snares (C‑20/96, EU:C:1997:227, points 11 à 20).


27      Voir point 26 des présentes conclusions.


28      Arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, points 67 à 73).


29      Arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, points 48 et 49).


30      Article 2 de la décision no 3/80.


31      Arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, point 79).


32      Arrêts du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, points 47 et 48), et du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, points 38 et 39). Au point 54 de l’arrêt Akdas e.a., la Cour cite la considération de la juridiction de renvoi selon laquelle la prestation complémentaire versée au titre de la TW, dont l’octroi ne dépend pas d’une appréciation individuelle des besoins personnels du demandeur, doit être assimilée à une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b) de la décision no 3/80 et relève ainsi du champ matériel de cette dernière.


33      Dans l’arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, point 77), la Cour constate qu’« il est admis par les parties » qu’une prestation telle que la prestation complémentaire, versée au titre de la TW, relève de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision no 3/80 et est dès lors visée par l’interdiction prévue à l’article 6, paragraphe 1, de cette même décision. Probablement en conséquence de cela, dans l’arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8), ni l’avocat général ni la Cour n’ont abordé cette question.


34      Voir l’article 39, paragraphe 1, du protocole additionnel et le préambule de la décision no 3/80.


35      Cette considération (au point 5 de la décision de renvoi en l’espèce) est réitérée au point 4.4 de la décision de renvoi postérieure déférée par la même juridiction dans l’affaire C‑257/18, Güler (pendante). En effet, la juridiction de renvoi y souligne que M. Çoban dispose effectivement d’un droit acquis à la prestation complémentaire, alors que s’agissant de M. Güler, « il existe un doute à cet égard », ce qui est l’un des motifs pour lesquels elle saisit de nouveau la Cour en vertu de l’article 267 TFUE.


36      Arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, points 84 à 87).


37      Arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, points 88 à 95).


38      Arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, points 53 à 57).


39      Voir à ce sujet mes conclusions dans l’affaire Yön (C‑123/17, EU:C:2018:267, points 89 et 90).


40      Voir, notamment, arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 62 et jurisprudence citée).


41      Voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2007, Derin (C‑325/05, EU:C:2007:442, points 58 à 69, en particulier point 68), et du 22 décembre 2010, Bozkurt (C‑303/08, EU:C:2010:800, point 45). Voir, dans le même esprit, mes conclusions dans l’affaire Pehlivan (C‑484/07, EU:C:2010:410, point 63) : il convient de prendre la situation globale en considération.


42      Conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2014:2073, point 43).


43      Voir point 38 des présentes conclusions et le texte de la question préjudicielle.


44      Voir point 9 des présentes conclusions.


45      Voir article 2 (champ d’application personnel) lu en combinaison avec l’article 6 (levée des clauses de résidence). L’article 2 s’applique également aux membres de la famille de ces travailleurs qui résident sur le territoire de l’un des États membres et à leurs survivants.


46      Directive du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44).


47      En ce qui concerne la notion de « prestations essentielles », voir arrêt du 24 avril 2012, Kamberaj (C‑571/10, EU:C:2012:233, point 91). Les États membres peuvent « limiter l’égalité de traitement dont bénéficient les titulaires du statut accordé par la directive 2003/109, à l’exception des prestations d’aide sociale ou de protection sociale octroyées par les autorités publiques, que ce soit au niveau national, régional ou local, qui contribuent à permettre à l’individu de faire face à ses besoins élémentaires tels que la nourriture, le logement et la santé » (mise en italique par mes soins).


48      Voir point 33 des présentes conclusions.


49      Voir point 34 des présentes conclusions.


50      Arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, point 53).


51      Ce statut est incontestablement très favorable. L’avocat général Szpunar le décrit ainsi dans ses conclusions dans l’affaire P et S (C‑579/13, EU:C:2015:39, points 29 à 31) : « […] la directive 2003/109 crée en faveur des ressortissants de pays tiers ayant résidé légalement dans l’Union européenne pendant une période d’au moins cinq ans un statut juridique particulier découlant exclusivement du droit de l’Union : le statut de résident de longue durée. L’introduction de ce statut crée pour les ressortissants étrangers, par rapport à la citoyenneté, une forme alternative de participation à la vie économique et sociale de l’Union, qui correspond dans la doctrine à la notion de “denizenship”, par opposition à celle de “citizenship”. Pour les questions qui ne sont pas régies par le droit de l’Union, le statut des ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union continue de relever du droit national des États membres » (mise en italique par mes soins).


52      Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31).


53      Règlement du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2). Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C‑184/99, EU:C:2001:458, point 27). Toutefois, M. Grzelczyk ne relevait pas de ce règlement parce qu’il n’avait pas la qualité de « travailleur »: voir les points 15 et 16 de l’arrêt.


54      Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C‑184/99, EU:C:2001:458, point 29). Quant à l’efficacité des droits découlant du statut de citoyen de l’Union européenne en vertu du traité pour écarter les limites posées par le droit dérivé, voir les points 30 à 36 de l’arrêt.


55      Arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358).


56      Arrêt du 15 septembre 2015, Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:597).


57      Voir arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358 points 68 à 74). Mme Dano détenait un certificat de résidence national de durée illimitée mais ne pouvait pas encore prétendre au droit de séjour en vertu de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77) (voir, respectivement, les points 26 et 44 de l’arrêt).


58      En ce sens, voir arrêts du 19 septembre 2013, Brey (C‑140/12, EU:C:2013:565, points 64, 69 et 78), et du 15 septembre 2015, Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:597, points 57 à 59 et 62). Le texte de la directive 2003/109 ne répond pas à cette question : voir le point 87 des présentes conclusions.


59      Le fait que la loi sur la migration de retour autorise un travailleur turc qui s’est établi en Turquie à changer d’avis et à rentrer aux Pays-Bas sous réserve qu’il le fasse dans un délai d’un an à partir de la date où il s’est installé dans son pays de destination pourrait ne pas être un hasard : voir le point 32 des présentes conclusions.


60      Voir arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, point 56) : « à la différence des travailleurs des États membres, les ressortissants turcs ne bénéficient pas de la libre circulation à l’intérieur de l’Union, mais ne peuvent se prévaloir que de certains droits sur le territoire du seul État membre d’accueil (voir arrêts Tetik, C‑171/95, EU:C:1997:31, point 29, et Derin, C‑325/05, EU:C:2007:442, point 66) ».


61      Voir l’article 16, paragraphe 4, de la directive 2004/38.


62      Voir l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/38.


63      Arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a. (C‑171/13, EU:C:2015:8, point 53).


64      Voir point 53 des présentes conclusions. Dans l’arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346), la Cour était clairement consciente du décalage entre la décision no 3/80 et la version modifiée du règlement no 1408/71 : voir les points 83 à 86 de l’arrêt dans cette affaire.


65      Voir arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, point 77).


66      Voir points 73 et suivants des présentes conclusions.


67      Voir arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, point 91).


68      Si la Cour souhaitait revenir sur cette prémisse, avec tout le respect qu’il se doit, il me semble que le lieu approprié pour un tel revirement de la jurisprudence établie serait la grande chambre.