Language of document : ECLI:EU:C:2019:1072

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 décembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Directive 2003/86/CE – Droit au regroupement familial – Conditions requises pour l’exercice du droit au regroupement familial – Notion de “raisons d’ordre public” – Rejet d’une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille – Retrait d’un titre de séjour d’un membre de la famille ou refus de le renouveler »

Dans les affaires jointes C‑381/18 et C‑382/18,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), par décisions du 6 juin 2018, parvenues à la Cour le 11 juin 2018, dans les procédures

G.S. (C‑381/18),

V.G. (C‑382/18)

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour G.S., par Mes M. Strooij et J. Hoftijzer, advocaten,

–        pour V.G., par Mes V. Sarkisian et N. Melehi, advocaten,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. L. Noort et M. A. M. de Ree ainsi que M. J.M. Hoogveld, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par M. R. Kanitz, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme C. Cattabriga et M. G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant G.S. (affaire C‑381/18) et V.G. (affaire C‑382/18) au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État ») au sujet de la légalité, d’une part, d’une décision ayant refusé le renouvellement du permis de séjour accordé à G.S. au titre du regroupement familial et procédé au retrait rétroactif de ce permis de séjour, ainsi que, d’autre part, d’une décision ayant rejeté la demande de V.G. d’octroi d’un permis de séjour au titre du regroupement familial.

 Le cadre juridique

 La directive 2003/86

3        Les considérants 2 et 14 de la directive 2003/86 sont libellés comme suit :

« (2)      Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950,] et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[...]

(14)      Le regroupement familial peut être refusé pour des raisons dûment justifiées. Notamment, la personne qui souhaite se voir accorder le regroupement familial ne devrait pas constituer une menace pour l’ordre public et la sécurité publique. La notion d’ordre public peut couvrir la condamnation pour infraction grave. Dans ce cadre, il est à noter que les notions d’ordre public et de sécurité publique couvrent également les cas où un ressortissant d’un pays tiers appartient à une association qui soutient le terrorisme, qui soutient une association de ce type ou a des visées extrémistes. »

4        Aux termes de l’article 2, sous c), de cette directive, le « regroupant » est défini comme « un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre ».

5        L’article 3, paragraphe 3, de ladite directive dispose :

« La présente directive ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union. »

6        L’article 4, paragraphe 1, de la même directive prévoit que les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à celle-ci et sous réserve du respect des conditions visées à son chapitre IV ainsi qu’à son article 16, des membres de la famille qu’il énumère.

7        L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 énonce :

« 1.      Les États membres peuvent rejeter une demande d’entrée et de séjour d’un des membres de la famille pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

2.      Les États membres peuvent retirer le titre de séjour d’un membre de la famille ou refuser de le renouveler pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

Lorsqu’ils prennent une telle décision, les États membres tiennent compte, outre de l’article 17, de la gravité ou de la nature de l’infraction à l’ordre public ou à la sécurité publique commise par le membre de la famille, ou des dangers que cette personne est susceptible de causer. »

8        L’article 17 de cette directive est ainsi rédigé :

« Les États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas de rejet d’une demande, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour, ainsi qu’en cas d’adoption d’une mesure d’éloignement du regroupant ou des membres de sa famille. »

 La directive 2004/38/CE

9        L’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), énonce :

« Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C-381/18

10      Le 8 avril 2009, G.S., ressortissant d’un pays tiers, s’est vu délivrer, aux Pays-Bas, sur le fondement des dispositions nationales relatives au regroupement familial, un permis de séjour en qualité de « partenaire » d’un regroupant. Ce permis a été renouvelé pour la période allant du 9 mars 2010 au 28 août 2014.

11      Le 17 août 2012, G.S. a été condamné en Suisse à une peine d’emprisonnement de quatre ans et trois mois du chef de participation à un trafic de stupéfiants, pour des faits s’étant déroulés jusqu’au 4 septembre 2010.

12      Il a ensuite déposé une demande de renouvellement de son permis de séjour aux Pays-Bas.

13      Le 24 septembre 2015, le secrétaire d’État a rejeté cette demande pour des raisons d’ordre public. Il a également retiré, avec effet rétroactif au 4 septembre 2010, le permis de séjour dont G.S. bénéficiait et a prononcé, à son égard, une interdiction d’entrée.

14      Pour adopter ces décisions, le secrétaire d’État s’est fondé sur un cadre d’évaluation de droit national permettant de retirer un permis de séjour ou de refuser son renouvellement lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine suffisamment importante par rapport à la durée de son séjour régulier aux Pays-Bas. En outre, le secrétaire d’État a procédé à la mise en balance des intérêts de ladite personne et de son partenaire avec l’intérêt général s’attachant à la protection de l’ordre public.

15      À la suite d’une réclamation introduite par G.S., le secrétaire d’État a, par une décision du 21 octobre 2016, admis son recours en ce qui concerne l’interdiction d’entrée et a déclaré que G.S. ne pouvait pas séjourner de manière régulière sur le territoire des Pays-Bas. Pour le reste, le secrétaire d’État a maintenu ses décisions initiales.

16      G.S. a introduit un recours contre les décisions du secrétaire d’État devant le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Amsterdam (tribunal de La Haye, siégeant à Amsterdam, Pays-Bas). Par un jugement du 3 février 2017, cette juridiction a annulé la décision du 24 septembre 2015 en tant qu’elle avait prononcé une interdiction d’entrée et la décision du 21 octobre 2016 en tant qu’elle avait déclaré que G.S. ne pouvait pas séjourner de manière régulière sur le territoire des Pays‑Bas. En revanche, elle a déclaré ce recours non fondé pour le surplus.

17      G.S. a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

18      La juridiction de renvoi se demande si, pour se prévaloir à bon droit de raisons d’ordre public, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/86, l’autorité compétente doit établir que le comportement individuel du ressortissant d’un pays tiers concerné représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

19      Elle relève qu’une telle exigence pourrait découler des solutions retenues par la Cour dans les arrêts du 11 juin 2015, Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:377), du 24 juin 2015, T. (C‑373/13, EU:C:2015:413), et du 15 février 2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84), ainsi que de l’encadrement de la marge de manœuvre des États membres dans l’application de la directive 2003/86, tel qu’il ressort, en particulier, de l’arrêt du 4 mars 2010, Chakroun (C‑578/08, EU:C:2010:117).

20      Cela étant, au regard notamment du considérant 2 de la directive 2003/86 et de l’arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, EU:C:2006:429), il serait envisageable de considérer que l’application de cette directive doit être conduite dans le cadre défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle correspondrait la pratique nationale.

21      Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 6, paragraphe 2, de la directive [2003/86] doit-il être interprété en ce sens que la décision de retirer ou de refuser le renouvellement d’un titre de séjour de membre de la famille pour des raisons d’ordre public doit être motivée par le fait que le comportement personnel du membre de la famille concerné constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant l’un des intérêts fondamentaux de la société ?

2)      S’il convient de répondre à la première question par la négative, quelles sont les conditions de motivation qui s’appliquent, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive [2003/86], à la décision de retirer ou de refuser le renouvellement d’un titre de séjour de membre de la famille pour des raisons d’ordre public ?

L’article 6, paragraphe 2, de la directive [2003/86] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle un titre de séjour de membre de la famille peut être retiré ou la demande de renouvellement de ce titre peut être rejetée pour des raisons d’ordre public si la peine ou la mesure à laquelle le membre de la famille concerné est condamné est suffisamment importante par rapport à la durée de son séjour régulier aux Pays-Bas [...], une mise en balance des intérêts étant effectuée, conformément aux critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts du 2 août 2001, Boultif c. Suisse (CE:ECHR:2001:0802JUD005427300), et du 18 octobre 2006, Üner c. Pays‑Bas (CE:ECHR:2006:1018JUD004641099), entre les intérêts du membre de la famille concerné à exercer aux Pays-Bas le droit au regroupement familial, d’une part, et l’intérêt de l’État néerlandais à protéger l’ordre public, d’autre part ? »

 L’affaire C-382/18

22      Au cours des années 1999 à 2011, V.G., ressortissant d’un pays tiers, a séjourné aux Pays-Bas, en partie régulièrement.

23      Durant cette période, V.G. a fait l’objet de quatre condamnations pénales à une peine de travail ou à une amende pour vol à l’étalage et pour conduite en état d’intoxication. Au mois de juin 2011, il a été remis aux autorités arméniennes en lien avec des infractions alléguées à la législation sur les stupéfiants.

24      Le 28 juillet 2016, l’épouse de V.G., ressortissante néerlandaise, a déposé une demande d’octroi de permis de séjour à V.G. au titre de la législation sur le regroupement familial.

25      Le 19 septembre 2016, le secrétaire d’État a rejeté cette demande pour des raisons d’ordre public.

26      Pour adopter cette décision, le secrétaire d’État s’est fondé sur un cadre d’évaluation de droit national permettant de refuser l’entrée d’un ressortissant d’un pays tiers au titre du regroupement familial s’il a été condamné pour un crime ou un délit à une peine de travail ou à une amende, y compris lorsque ce crime ou ce délit a été commis il y a plus de cinq ans, pour autant que la personne concernée était en état de récidive. En outre, le secrétaire d’État a procédé à une mise en balance des intérêts de ladite personne avec l’intérêt général s’attachant à la protection de l’ordre public.

27      À la suite d’une réclamation introduite par V.G., le secrétaire d’État a, par une décision du 6 février 2017, maintenu sa décision initiale.

28      V.G. a introduit un recours contre cette décision devant le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Amsterdam (tribunal de La Haye, siégeant à Amsterdam). Par un jugement du 23 juin 2017, cette juridiction a rejeté ce recours.

29      V.G. a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

30      Le Raad van State (Conseil d’État) relève que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86, la situation en cause au principal ne relève pas du champ d’application de cette directive, dès lors que le conjoint de V.G. est de nationalité néerlandaise.

31      Cette juridiction souligne néanmoins que l’article 6 de ladite directive doit s’appliquer, par analogie, à V.G. dans la mesure où le droit néerlandais prévoit que, lorsque, comme en l’occurrence, la législation et la réglementation néerlandaises n’opèrent pas de distinction entre une situation couverte par le droit de l’Union et une situation échappant à ce droit, les dispositions pertinentes dudit droit s’appliquent de manière directe et inconditionnelle à la situation interne.

32      La juridiction de renvoi considère, de ce fait, que l’interprétation de l’article 6 de la directive 2003/86 est décisive pour l’issue du litige au principal. Elle s’interroge toutefois, au regard de l’arrêt du 18 octobre 2012, Nolan (C‑583/10, EU:C:2012:638), sur la compétence de la Cour pour répondre à des questions portant sur cet article dans une situation telle que celle en cause au principal.

33      Dans l’hypothèse d’une réponse positive, la juridiction de renvoi se demande si, pour se prévaloir de raisons d’ordre public, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, l’autorité compétente doit établir que le comportement personnel du ressortissant d’un pays tiers concerné représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

34      Elle relève qu’une telle exigence pourrait découler de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 19 du présent arrêt.

35      Cela étant, les arrêts du 19 décembre 2013, Koushkaki (C‑84/12, EU:C:2013:862), et du 4 avril 2017, Fahimian (C‑544/15, EU:C:2017:255), suggéreraient qu’un standard plus souple est applicable lorsque sont en cause des appréciations complexes, comme c’est le cas lorsqu’une décision doit être prise sur l’entrée d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire des États membres.

36      Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Compte tenu de l’article 3, paragraphe 3, de la directive [2003/86] et de l’arrêt du 18 octobre 2012, Nolan (C‑583/10, EU:C:2012:638), la Cour dispose-t-elle de la compétence de répondre à des questions préjudicielles du juge néerlandais relatives à l’interprétation de dispositions de ladite directive dans un litige concernant une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille d’un regroupant qui a la nationalité néerlandaise, si cette directive a, en droit néerlandais, été déclarée applicable de manière directe et inconditionnelle à ce type de membres de la famille ?

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive [2003/86] doit-il être interprété en ce sens que la décision de rejet d’une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille pour des raisons d’ordre public doit être motivée par le fait que le comportement personnel du membre de la famille concerné constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant l’un des intérêts fondamentaux de la société ?

3)      S’il convient de répondre à la deuxième question par la négative, quelles sont les conditions de motivation qui s’appliquent, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive [2003/86], à la décision de rejeter une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille pour des raisons d’ordre public ?

L’article 6, paragraphe 1, de la directive [2003/86] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle une demande d’entrée et de séjour d’un membre de la famille peut être rejetée pour des raisons d’ordre public sur la base de condamnations encourues lors d’un séjour antérieur sur le territoire de l’État membre concerné, une mise en balance des intérêts étant effectuée, conformément aux critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts du 2 août 2001, Boultif c. Suisse (CE:ECHR:2001:0802JUD005427300), et du 18 octobre 2006, Üner c. Pays‑Bas (CE:ECHR:2006:1018JUD004641099), entre les intérêts du membre de la famille et du regroupant concernés à exercer aux Pays-Bas le droit au regroupement familial, d’une part, et l’intérêt de l’État néerlandais à protéger l’ordre public, d’autre part ? »

37      Par décision du président de la Cour du 3 juillet 2018, les affaires C‑381/18 et C‑382/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question dans l’affaire C-382/18

38      Par sa première question dans l’affaire C-382/18, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 6 de la directive 2003/86 dans une situation dans laquelle une juridiction est appelée à se prononcer sur une demande d’entrée et de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, lorsque cette disposition a été rendue applicable à une telle situation, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.

39      Il convient de relever, d’une part, que l’article 2, sous c), de la directive 2003/86 précise que le terme « regroupant » vise nécessairement un ressortissant d’un pays tiers et, d’autre part, que l’article 3, paragraphe 3, de cette directive dispose que celle-ci ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 29).

40      Le législateur de l’Union n’a donc pas prévu l’application de ladite directive à un ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, tel que le requérant au principal, ce que confirment d’ailleurs les travaux préparatoires de la même directive (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

41      Il ressort toutefois d’une jurisprudence constante de la Cour que celle-ci est compétente pour statuer sur une demande préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union, dans des situations dans lesquelles, même si les faits au principal ne relèvent pas directement du champ d’application de ce droit, les dispositions dudit droit ont été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

42      En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

43      Ainsi, une interprétation par la Cour de dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celles-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application desdites dispositions (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

44      En l’occurrence, la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 34 ainsi que jurisprudence citée), a précisé qu’il découle du droit néerlandais que, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le législateur national soumet à une même règle une situation entrant dans le champ d’application du droit de l’Union et une situation n’entrant pas dans le champ d’application de ce droit, ces situations doivent faire l’objet d’un traitement identique. Cette juridiction en a déduit qu’elle était tenue, en vertu du droit néerlandais, d’appliquer l’article 6 de la directive 2003/86 dans cette affaire.

45      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, comme le relève également le gouvernement néerlandais, cette disposition a été rendue applicable, d’une manière directe et inconditionnelle, par le droit néerlandais, à une situation telle que celle en cause au principal et qu’il existe donc un intérêt certain de l’Union à ce que la Cour se prononce sur la demande préjudicielle dans l’affaire C-382/18.

46      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86 exclut expressément les situations telles que celle en cause au principal dans l’affaire C-382/18 du champ d’application de cette directive, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une telle circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la compétence de la Cour pour se prononcer sur une demande de décision préjudicielle dans le cadre défini par la jurisprudence constante de la Cour rappelée aux points 41 à 43 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, points 36 à 43 ; du 7 novembre 2018, K et B, C‑380/17, EU:C:2018:877, point 40, ainsi que du 13 mars 2019, E., C‑635/17, EU:C:2019:192, points 40 à 42).

47      En effet, la jurisprudence rappelée aux points 41 à 43 du présent arrêt vise précisément à permettre à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de dispositions de droit de l’Union, indépendamment des conditions dans lesquelles celles-ci sont appelées à s’appliquer, dans des situations que les auteurs des traités ou le législateur de l’Union n’ont pas jugé utile d’inclure dans le champ d’application de ces dispositions. Ainsi, la compétence de la Cour ne saurait raisonnablement varier selon que le champ d’application de la disposition pertinente a été délimité au moyen d’une définition positive ou à travers l’établissement de certains cas d’exclusion, ces deux techniques législatives pouvant être utilisées indifféremment (arrêt du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question dans l’affaire C-382/18 que la Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 6 de la directive 2003/86 dans une situation dans laquelle une juridiction est appelée à se prononcer sur une demande d’entrée et de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, lorsque cette disposition a été rendue applicable à une telle situation, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.

 Sur les première et deuxième questions dans l’affaire C-381/18 ainsi que sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C-382/18

49      Par ses première et deuxième questions dans l’affaire C-381/18 ainsi que par ses deuxième et troisième questions dans l’affaire C-382/18, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités compétentes peuvent, pour des raisons d’ordre public, d’une part, rejeter une demande d’entrée et de séjour fondée sur cette directive sur la base d’une condamnation pénale intervenue lors d’un séjour antérieur sur le territoire de l’État membre concerné et, d’autre part, retirer un titre de séjour fondé sur ladite directive ou refuser son renouvellement lorsqu’une peine suffisamment lourde par rapport à la durée du séjour a été prononcée contre le demandeur.

50      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2003/86 prévoit que les États membres peuvent rejeter une demande d’entrée et de séjour fondée sur cette directive pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

51      Quant à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, de ladite directive, il dispose que les États membres peuvent, pour les mêmes raisons, retirer un titre de séjour fondé sur la même directive ou refuser de le renouveler.

52      Il s’ensuit que les États membres peuvent adopter les décisions visées à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 notamment lorsque le ressortissant d’un pays tiers concerné doit être considéré comme représentant une menace pour l’ordre public.

53      Dans ce contexte, en vue de déterminer la portée de la notion de « raisons d’ordre public », au sens de ces dispositions, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’un citoyen de l’Union ayant fait usage de son droit à la libre circulation et certains membres de sa famille ne peuvent être considérés comme représentant une menace pour l’ordre public que si leur comportement individuel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, points 66 et 67, ainsi que du 5 juin 2018, Coman e.a., C‑673/16, EU:C:2018:385, point 44).

54      Cela étant, ainsi qu’il ressort des points 28 à 30 de l’arrêt de ce jour E.P. (Menace pour l’ordre public) (C-380/18), toute référence par le législateur de l’Union à la notion de « menace pour l’ordre public » ne doit pas nécessairement être comprise comme renvoyant de manière exclusive à un comportement individuel représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société de l’État membre concerné.

55      Il apparaît donc nécessaire, en vue de préciser la portée de la notion de « raisons d’ordre public », au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86, de tenir compte des termes de ces dispositions, de leur contexte et des objectifs poursuivis par la législation dont elles font partie (voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2015, T., C‑373/13, EU:C:2015:413, point 58, et du 4 avril 2017, Fahimian, C‑544/15, EU:C:2017:255, point 30). La genèse d’une disposition de droit de l’Union peut également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Planet49, C‑673/17, EU:C:2019:801, point 48 et jurisprudence citée).

56      S’agissant, en premier lieu, du libellé de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de cette directive, il convient de faire observer que, à la différence, notamment, de l’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38, il n’exige pas expressément que le comportement de la personne concernée représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société, pour que cette personne puisse être considérée comme constituant une menace pour l’ordre public.

57      À cet égard, il importe de souligner que, si l’article 6, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2003/86 prévoit que les États membres tiennent compte notamment de la gravité ou de la nature de l’infraction à l’ordre public commise par cette personne ou des dangers que celle-ci est susceptible de causer, cette obligation renvoie à un standard nettement moins exigeant que celui résultant de la jurisprudence mentionnée au point 53 du présent arrêt. En particulier, outre le fait que ladite obligation n’impose pas aux autorités compétentes de se fonder, de manière systématique, sur le danger réel et actuel que représente le comportement de ladite personne, elle n’établit pas de lien entre la notion de « menace pour l’ordre public » et le risque d’atteinte à un intérêt fondamental de la société.

58      En ce qui concerne, en deuxième lieu, le contexte dans lequel se place l’article 6, paragraphes 1 et 2, de cette directive, il y a lieu de relever que le considérant 14 de celle-ci précise que la notion d’« ordre public » peut couvrir la condamnation pour infraction grave, ce qui tend à indiquer que la seule existence d’une telle condamnation pourrait suffire à établir l’existence d’une menace pour l’ordre public, au sens de ladite directive, sans qu’il soit nécessaire d’établir une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société de l’État membre concerné.

59      S’agissant, en troisième lieu, de la genèse de cet article 6, il ressort des propositions modifiées de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial [COM(2000) 624 final et COM(2002) 225 final], à l’origine de la directive 2003/86, qu’il était initialement envisagé d’exiger que les raisons d’ordre public soient fondées exclusivement sur le comportement personnel du membre de la famille concerné. Cependant, cette restriction de la marge de manœuvre reconnue aux États membres dans l’application de l’article 6 de cette directive n’a finalement pas été retenue par le législateur de l’Union.

60      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’objectif poursuivi par la directive 2003/86, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette directive vise à favoriser le regroupement familial et à accorder une protection aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs (voir, en ce sens, arrêts du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, EU:C:2018:248, point 44, ainsi que du 13 mars 2019, E., C‑635/17, EU:C:2019:192, point 45).

61      En vue de réaliser cet objectif, l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive impose aux États membres des obligations positives précises, auxquelles correspondent des droits subjectifs clairement définis. Il leur fait ainsi obligation d’autoriser le regroupement familial de certains membres de la famille du regroupant sans pouvoir exercer leur marge d’appréciation, pour autant que les conditions visées au chapitre IV de la même directive, sous lequel figure l’article 6 de celle-ci, sont satisfaites (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, points 45 et 46, ainsi que du 13 mars 2019, E., C‑635/17, EU:C:2019:192, point 46).

62      Dans ces conditions, l’autorisation du regroupement familial étant la règle générale, l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 doit être interprété de manière stricte et la marge de manœuvre qu’il reconnaît aux États membres ne doit pas être utilisée par ceux-ci d’une manière qui porterait atteinte à l’objectif de cette directive et à l’effet utile de celle-ci (voir, par analogie, arrêts du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, point 50, ainsi que du 7 novembre 2018, C et A, C‑257/17, EU:C:2018:876, point 51).

63      Pour autant, au regard des éléments mentionnés aux points 56 à 59 du présent arrêt, il découle des choix opérés par le législateur de l’Union que cette limitation de la marge de manœuvre des États membres ne saurait impliquer qu’il serait exclu, pour les autorités compétentes, d’appliquer l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 en se fondant sur la seule circonstance que la personne concernée a été condamnée pour la commission d’une infraction pénale, sans avoir à établir que le comportement individuel de cette personne représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société de l’État membre concerné.

64      En revanche, conformément au principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la pratique nationale d’application de ces dispositions ne saurait notamment aller au-delà de ce qui nécessaire pour garantir le maintien de l’ordre public (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, point 51).

65      Il s’ensuit que les autorités compétentes ne sauraient considérer, de manière automatique, qu’un ressortissant d’un pays tiers constitue une menace pour l’ordre public, au sens de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86, du seul fait que celui-ci a fait l’objet d’une condamnation pénale quelconque.

66      Ainsi, ces autorités ne peuvent établir qu’un ressortissant d’un pays tiers constitue une menace pour l’ordre public, en se fondant sur la seule circonstance que ce ressortissant a été condamné pour la commission d’une infraction pénale, que si cette infraction est d’une gravité ou d’une nature telle qu’il est nécessaire d’exclure le séjour de ce ressortissant sur le territoire de l’État membre concerné.

67      Cette conclusion est d’ailleurs corroborée tant par la référence à la notion de « condamnation pour infraction grave », figurant au considérant 14 de la directive 2003/86, que, s’agissant spécifiquement du retrait ou du refus de renouvellement d’un titre de séjour, par l’exigence de prendre en compte la gravité ou la nature de l’infraction commise, imposée à l’article 6, paragraphe 2, second alinéa, de cette directive.

68      En outre, avant d’adopter une décision négative fondée sur l’article 6 de ladite directive, les autorités compétentes doivent procéder, conformément à l’article 17 de la même directive, à une appréciation individuelle de la situation de la personne concernée, en prenant dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de cette personne, sa durée de résidence dans l’État membre ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, E., C‑635/17, EU:C:2019:192, point 58 et jurisprudence citée).

69      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la pratique nationale en cause au principal satisfait à ces exigences.

70      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions dans l’affaire C-381/18 ainsi qu’aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C-382/18 que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités compétentes peuvent, pour des raisons d’ordre public, d’une part, rejeter une demande d’entrée et de séjour fondée sur cette directive sur la base d’une condamnation pénale intervenue lors d’un séjour antérieur sur le territoire de l’État membre concerné et, d’autre part, retirer un titre de séjour fondé sur ladite directive ou refuser son renouvellement lorsqu’une peine suffisamment lourde par rapport à la durée du séjour a été prononcée contre le demandeur, pour autant que cette pratique ne trouve à s’appliquer que si l’infraction ayant justifié la condamnation pénale en cause présente une gravité suffisante pour établir qu’il est nécessaire d’exclure le séjour de ce demandeur et que ces autorités procèdent à l’appréciation individuelle prévue à l’article 17 de la même directive, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

71      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      La Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 6 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, dans une situation dans laquelle une juridiction est appelée à se prononcer sur une demande d’entrée et de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, lorsque cette disposition a été rendue applicable à une telle situation, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.

2)      L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités compétentes peuvent, pour des raisons d’ordre public, d’une part, rejeter une demande d’entrée et de séjour fondée sur cette directive sur la base d’une condamnation pénale intervenue lors d’un séjour antérieur sur le territoire de l’État membre concerné et, d’autre part, retirer un titre de séjour fondé sur ladite directive ou refuser son renouvellement lorsqu’une peine suffisamment lourde par rapport à la durée du séjour a été prononcée contre le demandeur, pour autant que cette pratique ne trouve à s’appliquer que si l’infraction ayant justifié la condamnation pénale en cause présente une gravité suffisante pour établir qu’il est nécessaire d’exclure le séjour de ce demandeur et que ces autorités procèdent à l’appréciation individuelle prévue à l’article 17 de la même directive, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.