Language of document : ECLI:EU:C:2010:344

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme E. Sharpston

présentée le 16 juin 2010 (1)

Affaire C‑211/10 PPU

Doris Povse

contre

Mauro Alpago

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Procédure préjudicielle d’urgence – Règlement (CE) n° 2201/2003 – Responsabilité parentale commune aux deux parents – Déplacement de l’enfant vers un autre État membre en violation d’une interdiction de sortie du territoire – Décision de la juridiction du premier État membre retirant l’interdiction et attribuant provisoirement le pouvoir de décision au parent s’étant déplacé avec l’enfant – Résidence de l’enfant dans le deuxième État membre pendant plus d’un an – Décision de la juridiction du premier État membre ordonnant le retour de l’enfant dans cet État – Motifs pouvant justifier le refus, dans le deuxième État membre, de l’exécution de cette dernière décision»





1.        Un enfant né en Italie en 2006, de père italien et de mère autrichienne, qui n’ont jamais été mariés, se trouve actuellement en Autriche avec la mère, contre la volonté du père. Dans le cadre d’une procédure visant à déterminer l’exercice de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, une juridiction italienne a ordonné son retour en Italie. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) (Autriche) nous pose cinq questions concernant les motifs pour lesquels l’exécution de cette ordonnance pourrait éventuellement être refusée.

 Le cadre juridique

2.        La situation est régie, au niveau de l’Union européenne, par le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil (2), lu en combinaison avec la convention de La Haye de 1980 (3).

 La convention

3.        Dans le préambule de la convention, les États signataires se déclarent «[p]rofondément convaincus que l’intérêt de l’enfant est d’une importance primordiale pour toute question relative à sa garde» et affirment qu’ils désirent «protéger l’enfant, sur le plan international, contre les effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non-retour illicites et établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle, ainsi que d’assurer la protection du droit de visite».

4.        Selon l’article 3 de la convention:

«Le déplacement ou le non‑retour d’un enfant est considéré comme illicite:

a)      lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et

b)      que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus.

Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d’une attribution de plein droit, d’une décision judiciaire ou administrative, ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet État.»

5.        L’article 12 de la convention prévoit:

«Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

[…]»

6.        Aux termes de l’article 13 de la convention:

«Nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit:

a)      que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour, ou

b)      qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

Dans l’appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l’autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l’État de la résidence habituelle de l’enfant sur sa situation sociale.»

7.        L’article 17 de la convention dispose:

«Le seul fait qu’une décision relative à la garde ait été rendue ou soit susceptible d’être reconnue dans l’État requis ne peut justifier le refus de renvoyer l’enfant dans le cadre de cette convention, mais les autorités judiciaires ou administratives de l’État requis peuvent prendre en considération les motifs de cette décision qui rentreraient dans le cadre de l’application de la convention.»

8.        Selon l’article 19 de la convention:

«Une décision sur le retour de l’enfant rendue dans le cadre de la convention n’affecte pas le fond du droit de garde.»

 Le règlement

9.        Plusieurs considérants du règlement paraissent pertinents à l’analyse des questions soulevées par le présent renvoi préjudiciel, notamment:

«(12) Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.

[…]

(17)      En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye du 25 octobre 1980 devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. Les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement devraient être en mesure de s’opposer à son retour dans des cas précis, dûment justifiés. Toutefois, une telle décision devrait pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non-retour illicites. Si cette décision implique le retour de l’enfant, le retour devrait être effectué sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure pour la reconnaissance et l’exécution de ladite décision dans l’État membre où se trouve l’enfant enlevé.

[…]

(21)      La reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire.

[…]

(23)      Le Conseil européen de Tampere a estimé en ses conclusions (point 34) que les décisions rendues dans les litiges relevant du droit familial devaient être ‘automatiquement reconnues dans l’ensemble de l’Union sans procédure intermédiaire ni motifs de refus d’exécution’. C’est pourquoi les décisions concernant le droit de visite et celles concernant le retour de l’enfant, qui ont été certifiées dans l’État membre d’origine conformément aux dispositions du présent règlement, devraient être reconnues et jouissent de la force exécutoire dans tous les autres États membres sans qu’aucune autre procédure ne soit requise. Les modalités relatives à l’exécution de ces décisions restent régies par le droit national.

(24)      Le certificat délivré aux fins de faciliter l’exécution de la décision ne devrait être susceptible d’aucun recours. Il ne devrait donner lieu à une action en rectification qu’en cas d’erreur matérielle, c’est-à-dire si le certificat ne reflète pas correctement le contenu de la décision.»

10.      L’article 2 du règlement définit certains des termes qui y sont employés. En particulier, on entend par:

«4)      ‘décision’ toute décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation d’un mariage, ainsi que toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes ‘arrêt’, ‘jugement’ ou ‘ordonnance’;

[…]

11)      ‘déplacement ou non-retour illicites d’un enfant’ le déplacement ou le non-retour d’un enfant lorsque:

a)      il a eu lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour

et

b)      sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l’un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement d’un autre titulaire de la responsabilité parentale

[…]».

11.      Selon l’article 8 du règlement, et sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12, les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

12.      À cet égard, l’article 10 du règlement (4) dispose:

«En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre et que

a)      toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non-retour

ou

b)      l’enfant a résidé dans cet autre État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, que l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement et que l’une au moins des conditions suivantes est remplie:

i)      dans un délai d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, aucune demande de retour n’a été faite auprès des autorités compétentes de l’État membre où l’enfant a été déplacé ou est retenu;

ii)      une demande de retour présentée par le titulaire d’un droit de garde a été retirée et aucune nouvelle demande n’a été présentée dans le délai fixé au point i);

iii)      une affaire portée devant une juridiction de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites a été close en application de l’article 11, paragraphe 7;

iv)      une décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant a été rendue par les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.»

13.      Aux termes de l’article 11 du règlement:

«1.      Lorsqu’une personne, institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la [convention] en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d’application.

2.      Lors de l’application des articles 12 et 13 de la [convention], il y a lieu de veiller à ce que l’enfant ait la possibilité d’être entendu au cours de la procédure, à moins que cela n’apparaisse inapproprié eu égard à son âge ou à son degré de maturité.

3.      Une juridiction saisie d’une demande de retour d’un enfant visée au paragraphe 1 agit rapidement dans le cadre de la procédure relative à la demande, en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national.

Sans préjudice du premier alinéa, la juridiction rend sa décision, sauf si cela s’avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles, six semaines au plus tard après sa saisine.

4.      Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l’enfant en vertu de l’article 13, point b), de la [convention] s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour.

5.      Une juridiction ne peut refuser le retour de l’enfant si la personne qui a demandé le retour de l’enfant n’a pas eu la possibilité d’être entendue.

6.      Si une juridiction a rendu une décision de non-retour en vertu de l’article 13 de la [convention], cette juridiction doit immédiatement, soit directement soit par l’intermédiaire de son autorité centrale, transmettre une copie de la décision judiciaire de non-retour et des documents pertinents, en particulier un compte rendu des audiences, à la juridiction compétente ou à l’autorité centrale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, conformément à ce que prévoit le droit national. La juridiction doit recevoir tous les documents mentionnés dans un délai d’un mois à compter de la date de la décision de non-retour.

7.      À moins que les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites aient déjà été saisies par l’une des parties, la juridiction ou l’autorité centrale qui reçoit l’information visée au paragraphe 6 doit la notifier aux parties et les inviter à présenter des observations à la juridiction, conformément aux dispositions du droit national, dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification, afin que la juridiction examine la question de la garde de l’enfant.

Sans préjudice des règles en matière de compétence prévues dans le présent règlement, la juridiction clôt l’affaire si elle n’a reçu dans le délai prévu aucune observation.

8.      Nonobstant une décision de non-retour rendue en application de l’article 13 de la [convention], toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant.»

14.      L’article 15 du règlement concerne la possibilité de renvoi à une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire. Il prévoit:

«1.      À titre d’exception, les juridictions d’un État membre compétentes pour connaître du fond peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier est mieux placée pour connaître de l’affaire, ou une partie spécifique de l’affaire, et lorsque cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant:

a)      surseoir à statuer sur l’affaire ou sur la partie en question et inviter les parties à saisir d’une demande la juridiction de cet autre État membre conformément au paragraphe 4, ou

b)      demander à la juridiction d’un autre État membre d’exercer sa compétence conformément au paragraphe 5.

2.      Le paragraphe 1 est applicable

a)      sur requête de l’une des parties ou

b)      à l’initiative de la juridiction ou

c)      à la demande de la juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier, conformément au paragraphe 3.

Le renvoi ne peut cependant être effectué à l’initiative de la juridiction ou à la demande de la juridiction d’un autre État membre que s’il est accepté par l’une des parties au moins.

3.      Il est considéré que l’enfant a un lien particulier avec un État membre, au sens du paragraphe 1, si

a)      après la saisine de la juridiction visée au paragraphe 1, l’enfant a acquis sa résidence habituelle dans cet État membre, ou

b)      l’enfant a résidé de manière habituelle dans cet État membre, ou

c)      l’enfant est ressortissant de cet État membre, ou

d)      l’un des titulaires de la responsabilité parentale a sa résidence habituelle dans cet État membre, ou

e)      le litige porte sur les mesures de protection de l’enfant liées à l’administration, à la conservation ou à la disposition de biens détenus par l’enfant et qui se trouvent sur le territoire de cet État membre.

4.      La juridiction de l’État membre compétente pour connaître du fond impartit un délai durant lequel les juridictions de l’autre État membre doivent être saisies conformément au paragraphe 1.

Si les juridictions ne sont pas saisies durant ce délai, la juridiction saisie continue d’exercer sa compétence conformément aux articles 8 à 14.

5.      Les juridictions de cet autre État membre peuvent, lorsque, en raison des circonstances spécifiques de l’affaire, cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant, se déclarer compétentes dans un délai de six semaines à compter de la date à laquelle elles ont été saisies sur base du paragraphe 1, point a) ou b). Dans ce cas, la juridiction première saisie décline sa compétence. Dans le cas contraire, la juridiction première saisie continue d’exercer sa compétence conformément aux articles 8 à 14.

6.      Les juridictions coopèrent aux fins du présent article, par voie directe ou par l’intermédiaire des autorités centrales désignées conformément à l’article 53 (5).»

15.      Le chapitre III du règlement porte le titre «Reconnaissance et exécution». Sa section 1 concerne la reconnaissance. Dans cette section, notamment, l’article 23 énumère les motifs de non-reconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale. Il prévoit:

«Une décision rendue en matière de responsabilité parentale n’est pas reconnue:

a)      si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis eu égard aux intérêts supérieurs de l’enfant;

b)      si, sauf en cas d’urgence, elle a été rendue sans que l’enfant, en violation des règles fondamentales de procédure de l’État membre requis, ait eu la possibilité d’être entendu;

c)      si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié à la personne défaillante en temps utile et de telle manière que celle-ci puisse pourvoir à sa défense, à moins qu’il ne soit établi que cette personne a accepté la décision de manière non équivoque;

d)      à la demande de toute personne faisant valoir que la décision fait obstacle à l’exercice de sa responsabilité parentale, si la décision a été rendue sans que cette personne ait eu la possibilité d’être entendue;

e)      si elle est inconciliable avec une décision rendue ultérieurement en matière de responsabilité parentale dans l’État membre requis;

f)      si elle est inconciliable avec une décision rendue ultérieurement en matière de responsabilité parentale dans un autre État membre ou dans l’État tiers où l’enfant réside habituellement, dès lors que la décision ultérieure réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État requis;

ou

g)      si la procédure prévue à l’article 56 n’a pas été respectée (6).»

16.      L’article 24 de cette même section 1 dispose:

«Il ne peut être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction de l’État membre d’origine. Le critère de l’ordre public visé à […] l’article 23, point a), ne peut être appliqué aux règles de compétence visées aux articles [8] à 14 (7).»

17.      La section 4 du chapitre III, intitulée «Force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l’enfant», comprend les articles 40 à 45. L’article 40, sous l’intitulé «Champ d’application», prévoit:

«1.      La présente section s’applique:

[…]

b)      au retour d’un enfant consécutif à une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8.

2.      Les dispositions de la présente section n’empêchent pas un titulaire de la responsabilité parentale d’invoquer la reconnaissance et l’exécution d’une décision, conformément aux dispositions contenues dans les sections 1 et 2 du présent chapitre.»

18.      Aux termes de l’article 42, intitulé «Retour de l’enfant»:

«1.      Le retour de l’enfant visé à l’article 40, paragraphe 1, point b), résultant d’une décision exécutoire rendue dans un État membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il ne soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’État membre d’origine conformément au paragraphe 2.

Même si le droit national ne prévoit pas la force exécutoire de plein droit, nonobstant un éventuel recours, d’une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8, la juridiction d’origine peut déclarer la décision exécutoire.

2.      Le juge d’origine qui a rendu la décision visée à l’article 40, paragraphe 1, point b), ne délivre le certificat visé au paragraphe 1 que si:

a)      l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité,

b)      les parties ont eu la possibilité d’être entendues, et que

c)      la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la [convention].

Au cas où la juridiction ou toute autre autorité prend des mesures en vue d’assurer la protection de l’enfant après son retour dans l’État de sa résidence habituelle, le certificat précise les modalités de ces mesures.

Le juge d’origine délivre de sa propre initiative ledit certificat, en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV (certificat concernant le retour de l’enfant).

Le certificat est rempli dans la langue de la décision.»

19.      Parmi les éléments qui doivent être certifiés à cet égard figure, au point 13 de ladite annexe IV, l’attestation suivante:

«La décision prévoit le retour de l’enfant et la juridiction a pris en compte dans sa décision, les motifs et éléments de preuve sur lesquels repose la décision prise conformément à l’article 13 de la [convention].»

20.      Aux termes de l’article 43 du règlement:

«1.      Le droit de l’État membre d'origine est applicable à toute rectification du certificat.

2.      La délivrance d’un certificat au titre de l’article 41, paragraphe 1, ou de l’article 42, paragraphe 1, n’est par ailleurs susceptible d’aucun recours.»

21.      L’article 47 du règlement, intitulé «Procédure d’exécution», prévoit:

«1.      La procédure d’exécution est déterminée par le droit de l’État membre d’exécution.

2.      Toute décision rendue par la juridiction d’un autre État membre et déclarée exécutoire conformément à la section 2 ou certifiée conformément à l’article 41, paragraphe 1, ou à l’article 42, paragraphe 1, est exécutée dans l’État membre d’exécution dans les mêmes conditions que si elle avait été rendue dans cet État membre.

En particulier, une décision certifiée conformément à l’article 41, paragraphe 1, ou à l’article 42, paragraphe 1, ne peut être exécutée si elle est inconciliable avec une décision exécutoire rendue ultérieurement.»

22.      L’article 53 du règlement prévoit que chaque État membre désigne une ou plusieurs autorités centrales chargées de l’assister dans l’application du règlement. Selon l’article 55, sous c), du règlement, l’une des fonctions de ces autorités, dans le cadre d’affaires spécifiques à la responsabilité parentale, est de «faciliter les communications entre les juridictions notamment pour l’application de l’article 11, paragraphes 6 et 7, et de l’article 15».

 Cadre factuel et procédural

23.      Je procéderai ici de la même manière que pour ma prise de position dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Rinau (8), en résumant les principaux éléments du cadre factuel et procédural du litige, tel qu’il ressort de la décision de renvoi et des pièces y annexées, sous la forme d’un tableau synoptique.

Date

Italie

Autriche

6. 12. 2006

Naissance de l’enfant; selon le droit italien, les parents ont la garde commune.

 

31. 1. 2008

La mère quitte le domicile commun avec l’enfant.

 

4. 2. 2008

Le père demande au Tribunale per i Minorenni di Venezia (tribunal des mineurs de Venise) la garde exclusive de l’enfant et l’interdiction à la mère de quitter le territoire italien avec l’enfant.

 

8. 2. 2008

Le Tribunale per i Minorenni di Venezia interdit provisoirement à la mère de quitter l’Italie avec l’enfant.

 
 

La mère demande la garde exclusive de l’enfant.

Malgré l’interdiction, la mère se déplace en Autriche avec l’enfant.

16. 4. 2008

 

Le père demande le retour de l’enfant en vertu de la convention.

23. 5. 2008

Avant de prendre une décision de garde définitive, le Tribunale per i Minorenni di Venezia ordonne une expertise psychologique et des contacts réguliers entre l’enfant et le père, pour partie en Italie et pour partie en Autriche, auprès des services sociaux respectifs; afin que la mère puisse se déplacer entre les deux pays avec l’enfant pour permettre les contacts avec le père, il retire l’interdiction de sortie du territoire; provisoirement, il accorde le droit de garde aux deux parents conjointement et permet à la mère de garder l’enfant avec elle en Autriche, avec seul pouvoir de décision pour sa vie quotidienne.

Initialement, les juridictions autrichiennes ignorent l’existence et le contenu de cette décision.

6. 6. 2008

 

Sur demande de la mère, le Bezirksgericht Judenburg (tribunal cantonal de Judenburg, canton de résidence de la mère et de l’enfant) interdit au père de prendre contact avec la mère et l’enfant, au motif qu’il avait harcelé la mère.

3. 7. 2008

 

Sur la base de l’article 13, sous b), de la convention (risque grave de danger psychique en cas de séparation de la mère), le Bezirksgericht Leoben (tribunal cantonal de Leoben, canton contigu à celui de Judenburg) (9) rejette la demande du père (du 16 avril 2008) visant à faire ordonner le retour de l’enfant en Italie.

1. 9. 2008

 

Sur appel du père, le Landesgericht Leoben (tribunal régional de Leoben) annule l’ordonnance du 3 juillet 2008 sur la base de l’article 11, paragraphe 5, du règlement, le père n’ayant pas été entendu par le Bezirksgericht.

6. 9. 2008

 

L’ordonnance du Bezirksgericht Judenburg du 6 juin 2008 expire, ayant atteint son délai de validité.

21. 11. 2008

 

Le Bezirksgericht Leoben entend le père et rejette à nouveau sa demande, en citant cette fois-ci l’ordonnance du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 23 mai 2008 (dont il avait, à ce moment-là, eu connaissance), prévoyant le maintien de l’enfant auprès de sa mère en Autriche.

7. 1. 2009

 

Le Landesgericht Leoben confirme le rejet de la demande du père, revenant à la motivation de l’article 13, sous b), de la convention.

9. 4. 2009

Le père demande au Tribunale per i Minorenni di Venezia d’ordonner le retour de l’enfant en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement.

 

15. 5. 2009

La mère invoque l’incompétence du Tribunale per i Minorenni di Venezia, sur la base de l’article 10 du règlement; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi devant le Bezirksgericht Judenburg, sur la base de l’article «15(b)(5)» (10) du règlement.

 

30. 4. 2009 et

19. 5. 2009

Le Tribunale per i Minorenni di Venezia entend les représentants des parties, la mère ne comparaissant pas personnellement; les représentants se déclarent prêts à discuter d’un plan de contacts entre père et enfant, à préparer par l’experte nommée par ce tribunal.

 

26. 5. 2009

 

Sur demande de la mère (non notifiée au Tribunale per i Minorenni di Venezia), le Bezirksgericht Judenburg se déclare (sans avoir entendu le père) compétent pour connaître de la demande de garde formulée par la mère, «en vertu de l’article 15, paragraphe 5,» du règlement; il demande au Tribunale per i Minorenni di Venezia de décliner sa compétence et de lui transmettre la procédure.

26. 6. 2009

Le père se déclare prêt à se conformer au plan de visites à établir.

 

27. 6. 2009

La mère déclare ne pas vouloir accepter le plan de visites à établir, invoquant des difficultés personnelles et des craintes pour le bien-être de l’enfant.

 

8. 7. 2009

L’experte dépose sa proposition de plan de contacts auprès du Tribunale per i Minorenni di Venezia, qui reçoit, le même jour, la demande de transfert de la procédure du Bezirksgericht Judenburg.

 

10. 7. 2009

Le Tribunale per i Minorenni di Venezia rejette l’exception d’incompétence soulevée par la mère, et refuse de transmettre la compétence au Bezirksgericht Judenburg, au motif que les conditions de l’article 15 du règlement ne sont pas remplies (la situation n’est pas exceptionnelle au sens du paragraphe 1, et le lien particulier avec l’Autriche au sens du paragraphe 3 n’est pas établi); il constate que l’expertise psychologique n’a pu être achevée à cause de la non-coopération de la mère; il ordonne le retour immédiat de l’enfant en Italie, soit accompagné par la mère (auquel cas un logement social serait mis à disposition et un calendrier de visites établi), soit auprès du père, afin de rétablir la relation entre le père et l’enfant; et il certifie sa décision conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement.

 

25. 8. 2009

 

Le Bezirksgericht Judenburg confie la garde provisoirement à la mère, au motif qu’un retour en Italie serait dangereux pour l’intérêt supérieur de l’enfant. Sa décision est notifiée au père, sans traduction et sans information relative au droit de refus de réception.

22. 9. 2009

 

Le père demande au Bezirksgericht Leoben l’exécution de la décision de retour du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009, en invoquant l’article 47 du règlement.

23. 9. 2009

 

Le Bezirksgericht Judenburg certifie que son ordonnance du 25 août 2009 a acquis force de chose jugée et est exécutoire.

12. 11. 2009

 

Le Bezirksgericht Leoben rejette la demande d’exécution de décision de retour du Tribunale per i Minorenni di Venezia, au motif que le retour de l’enfant auprès du père l’exposerait à un danger psychique.

30. 11. 2009

 

Le père interjette appel contre la décision du Bezirksgericht Leoben du 12 novembre 2009.

20. 1. 2010

 

Le Landesgericht Leoben accueille l’appel du père, en invoquant une application stricte des dispositions du règlement.

16. 2. 2010

 

La mère introduit un recours en «Revision» devant l’Oberster Gerichtshof contre la décision du Landesgericht Leoben du 20 janvier 2010.

20. 4. 2010

 

L’Oberster Gerichtshof adresse cinq questions préjudicielles à la Cour, en demandant qu’elles soient traitées par une procédure d’urgence.

3. 5. 2010

 

La demande de décision préjudicielle arrive à la Cour.


 Les questions déférées à la Cour

24.      La juridiction de renvoi admet que, selon l’arrêt Rinau (11), lorsqu’un certificat a été délivré en vertu de l’article 42 du règlement, la juridiction d’exécution ne peut que constater la force exécutoire d’une décision rendue en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement et faire droit au retour immédiat de l’enfant. L’examen au fond de la décision de la juridiction italienne est donc exclu par principe. De même, en vertu des règles de procédure nationales, l’incompétence territoriale de cette juridiction ne peut pas être invoquée dans le cadre d’un recours en «Revision». Toutefois, certains points requièrent à son avis un examen plus approfondi.

25.      Par conséquent, l’Oberster Gerichtshof a décidé de poser à la Cour les cinq questions suivantes:

«1)      Par ‘décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant’ au sens de l’article 10, sous b), iv), du règlement […] faut-il entendre également une mesure provisoire, par laquelle le ‘pouvoir de décision parental’ et notamment le droit de déterminer le lieu de résidence est attribué au parent ayant enlevé l’enfant, dans l’attente de la décision définitive concernant le droit de garde?

2)      Une ordonnance de retour ne relève-t-elle du champ d’application de l’article 11, paragraphe 8, du règlement que lorsque la juridiction la rend sur le fondement d’une décision concernant le droit de garde qu’elle a elle-même rendue?

3)      En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question:

a)      L’incompétence de la juridiction d’origine (première question) ou l’inapplicabilité de l’article 11, paragraphe 8, du règlement (deuxième question) peuvent-elles être invoquées dans le second État à l’encontre de l’exécution d’une décision certifiée par la juridiction d’origine conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement,

b)      ou faut-il, dans un tel cas, que la partie opposante demande dans l’État d’origine le retrait du certificat, ce qui permettrait de surseoir à l’exécution dans le second État en attendant que, dans l’État d’origine, la décision soit rendue?

4)      En cas de réponse négative aux première et deuxième questions, ou à la troisième question, sous a):

Une décision rendue par une juridiction du second État qui est à considérer comme exécutoire selon le droit de cet État et par laquelle la garde provisoire a été confiée au parent ayant enlevé l’enfant s’oppose-t-elle, conformément à l’article 47, paragraphe 2, du règlement, à l’exécution d’une décision de retour ayant été rendue antérieurement dans l’État d’origine sur la base de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, même lorsqu’elle n’empêcherait pas l’exécution d’une décision de retour qui serait adoptée dans le second État conformément à la convention de La Haye?

5)      En cas de réponse négative également à la quatrième question:

a)      L’exécution d’une décision certifiée, au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement, par la juridiction de l’État d’origine peut-elle être refusée dans le second État si, après son adoption, les circonstances ont changé de telle manière que l’exécution pourrait porter gravement atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)      ou faut-il que la partie opposante invoque la modification de ces circonstances dans l’État d’origine, ce qui signifierait que, dans le second État, il pourrait y avoir sursis à exécution dans l’attente que la décision dans l’État d’origine soit rendue?»

 La procédure devant la Cour

26.      L’affaire étant soumise à une procédure d’urgence régie par l’article 104 ter du règlement de procédure de la Cour, des observations écrites ont été déposées par le gouvernement autrichien et la Commission européenne, seuls, à l’exception des parties au litige au principal, habilités à intervenir à ce stade. Les mêmes parties, ainsi que les gouvernements tchèque, allemand, français, italien, letton, slovène et du Royaume-Uni, étaient représentées à l’audience du 14 juin 2010. Les parents, bien qu’habilités à déposer des observations écrites et à être représentés à l’audience, n’ont pas, en l’occurrence, fait usage de leur droit.

 Analyse

 Remarques liminaires

27.      Les interrogations de l’Oberster Gerichtshof sont suscitées, dans une mesure non négligeable, par la perception d’un conflit entre l’interprétation littérale et l’interprétation téléologique de certaines dispositions du règlement. Il semble donc important d’avoir à l’esprit les trois principes fondamentaux qui sous-tendent les dispositions pertinentes du règlement et qui doivent guider toute interprétation téléologique (12).

28.      Premièrement, le règlement est basé sur la primauté de l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits. Outre le souci de tenir compte, dans chaque cas, de l’intérêt supérieur de l’enfant lui-même, cette idée s’exprime, notamment, dans la règle générale selon laquelle ce sont les juridictions du lieu de sa résidence habituelle qui sont les mieux placées pour régler toute question concernant la garde ou la responsabilité parentale et qui doivent donc jouir en principe de la compétence en la matière. Toutefois, il me semble que, si la juridiction appelée à prendre une décision dans un cas concret doit tenir compte de l’intérêt particulier de chaque enfant concerné, l’interprétation du règlement doit se baser sur une notion plus globale de l’intérêt supérieur de l’enfant, applicable de manière générale.

29.      Deuxièmement, le règlement cherche à garantir que tout déplacement illicite de l’enfant reste sans effet juridique, à moins d’être accepté par la suite par les autres parties intéressées. Dans cette optique, il prévoit, d’une part, un mécanisme quasi automatique pour obtenir le retour de l’enfant sans délai et, d’autre part, limite de manière très stricte les possibilités de transfert de compétence vers les juridictions de l’État membre du déplacement illicite, permettant à celles de l’État membre de la résidence habituelle antérieure de passer outre à une éventuelle décision de non-retour prise sur la base de l’article 13 de la convention.

30.      Ainsi, même dans le domaine circonscrit de la responsabilité parentale et du déplacement illicite des enfants, le règlement poursuit au moins deux objectifs – la compétence des juridictions de l’État de la résidence habituelle de l’enfant et le retour de celui-ci, après un déplacement illicite, à l’État de sa résidence habituelle antérieure – qui peuvent s’avérer partiellement incompatibles, du moins si un déplacement s’est prolongé dans le temps, de sorte que l’enfant a acquis une nouvelle résidence habituelle dans l’État membre du déplacement.

31.      Troisièmement, le règlement requiert des juridictions nationales un degré élevé de confiance mutuelle, qui limite au minimum nécessaire les motifs de non-reconnaissance des décisions d’une juridiction d’un autre État membre et rend la reconnaissance et l’exécution de ces décisions quasi automatiques. Par ailleurs, et dans le même esprit, il prévoit un mécanisme de coopération et incite les juridictions nationales à l’utiliser.

32.      Deux autres aspects du règlement méritent aussi, à mon avis, d’être soulignés.

33.      D’une part, le règlement ne prévoit que des règles concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution. Il ne concerne en aucune manière les questions de fond. Contrairement à ce que semblait avancer le gouvernement autrichien lors de l’audience, l’application du règlement ne relève pas d’une «intégration européenne aux dépens de l’enfant», mais vise à déterminer clairement, dans les situations transfrontalières, la juridiction compétente et à assurer que les autres juridictions fassent confiance à ses décisions, puisque toutes les juridictions des États membres doivent prendre leurs décisions en faisant primer l’intérêt supérieur de l’enfant concerné.

34.      D’autre part, il présuppose – et même, dans certains cas, exige – que les juridictions et les parties agissent rapidement en matière de déplacement ou non-retour illicites (13) d’un enfant. Si cette rapidité d’action n’est pas assurée dans la réalité, l’application du règlement en souffre, ainsi que l’illustre la présente affaire. En particulier, le règlement vise à éviter que la situation ne se complique en raison de nouveaux liens que l’enfant pourrait acquérir avec l’État membre du déplacement illicite.

35.      Finalement, il convient d’avoir à l’esprit les étapes successives de la procédure prévue par la convention et le règlement en cas de déplacement illicite (et contesté). Tout d’abord, le parent délaissé doit s’adresser, sur la base de l’article 12 de la convention, aux juridictions de l’État membre du déplacement, afin d’obtenir une ordonnance de retour. Cette demande doit recevoir une suite favorable, sauf s’il existe un motif exceptionnel de refus, parmi ceux énumérés à l’article 13 de la convention, et si, dans le cas d’un refus basé sur le point b) de cet article, il n’est pas établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour (voir article 11, paragraphe 4, du règlement). Dans tous les cas, la décision doit être prise, sauf circonstances exceptionnelles, dans un délai de six semaines (article 11, paragraphe 3, du règlement). Dans le cas d’une décision de non-retour, celle-ci doit être communiquée aux autorités de l’État membre de la résidence habituelle antérieure, et les parties (en principe les parents) doivent avoir la possibilité de s’exprimer devant la juridiction compétente de cet État. Le cas échéant, cette dernière juridiction peut ordonner néanmoins le retour de l’enfant (article 11, paragraphe 8, du règlement) et sa décision sera directement exécutoire dans l’État membre du déplacement si elle est certifiée conformément à l’article 42 du règlement. Une telle certification n’est possible, toutefois, que si la juridiction a tenu compte des motifs et éléments de preuve sous-tendant la décision de non-retour. Une juridiction qui ordonne le retour dans ces circonstances doit, en outre, informer les autorités de l’État membre du déplacement des modalités de toute mesure prise en vue d’assurer la protection de l’enfant après son retour.

 Sur la première question

36.      L’Oberster Gerichtshof nous demande si une mesure provisoire attribuant «le ‘pouvoir de décision parental’, notamment le droit de déterminer le lieu de résidence», au parent qui a enlevé l’enfant, jusqu’à ce que soit rendue la décision de garde définitive, doit être considérée comme une «décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant» au sens de l’article 10, sous b), iv), du règlement (14).

37.      Il s’agit, dans le contexte de ladite procédure, de déterminer si, du fait de sa décision du 23 mai 2008, le Tribunale per i Minorenni di Venezia avait perdu la compétence qu’il aurait sinon conservée en vertu de la règle générale de l’article 10 du règlement, en tant que juridiction de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement illicite. En effet, l’Oberster Gerichtshof estime que l’enfant a maintenant acquis une nouvelle résidence habituelle en Autriche et que, si la condition sous a) de cet article (en l’espèce, l’acquiescement du père) n’est pas satisfaite, en revanche, les deux premières conditions imposées dans l’alternative, sous b), sont remplies (à savoir que l’enfant a résidé en Autriche pendant une période d’au moins un an après que le père a eu connaissance du lieu où se trouvait l’enfant et que l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement). Si l’une au moins des conditions supplémentaires, numérotées de i) à iv), est également remplie, la compétence générale passe aux juridictions de l’Autriche, État membre de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant. L’Oberster Gerichtshof écarte les conditions i) à iii), mais considère que, si – comme le fait valoir la mère – la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 23 mai 2008 est une «décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant», la condition iv) sera satisfaite.

38.      L’Oberster Gerichtshof est toutefois d’avis que, selon une interprétation téléologique, cette condition ne devrait pas être considérée comme satisfaite – même si, selon une interprétation littérale, la décision en question serait bien une «décision de garde», car elle règlerait la garde de l’enfant, ne serait-ce que provisoirement, et n’impliquerait pas son retour, du moins dans l’immédiat.

39.      Son raisonnement est, essentiellement, le suivant. Lorsqu’une décision de garde définitive n’implique pas le retour de l’enfant, il n’y a aucune raison de maintenir la compétence des juridictions de l’État de la résidence habituelle antérieure. Celles du nouvel État de résidence habituelle seront toujours plus aptes à rendre les décisions ultérieures concernant l’enfant, et les conditions de l’article 10, sous b), iv), du règlement sont compréhensibles et raisonnables. En revanche, si une autorisation provisoire de laisser l’enfant chez le «parent enleveur» vise seulement à éviter des déplacements de l’enfant en attendant la décision définitive, l’interprétation littérale, en faisant perdre sa compétence à la juridiction de la résidence habituelle antérieure, empêcherait celle-ci de rendre sa décision définitive. Cependant, en tenant compte de l’objectif du règlement, cette juridiction ne devrait perdre sa compétence que si la procédure concernant la garde s’est achevée sans ordonnance de retour. Le gouvernement autrichien approuve entièrement ce raisonnement.

40.      Dans ce même esprit, la Commission souligne le risque qu’une juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure soit dissuadée d’adopter une décision de garde provisoire qui laisserait l’enfant dans l’État membre de sa nouvelle résidence habituelle, et qui serait dans l’intérêt de l’enfant, de peur d’être privée de sa compétence pour rendre une décision définitive par la suite. La Commission considère également que, en tant qu’exceptions à la règle générale du maintien de la compétence des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure, les conditions de transfert de compétence énumérées à l’article 10 du règlement devraient recevoir une interprétation étroite plutôt que large.

41.      Les États membres représentés à l’audience ont tous, à l’exception de la République de Slovénie, défendu essentiellement le même point de vue.

42.      Je peux me rallier, globalement, à ce point de vue, même si j’estime qu’il convient d’en nuancer certains détails et d’examiner certaines autres considérations, qui vont dans le sens contraire et ne peuvent être écartées d’emblée.

43.      D’abord, j’observe que les réflexions de l’Oberster Gerichtshof reposent dans une certaine mesure sur les raisons qui ont incité le Tribunale per i Minorenni di Venezia à accorder la garde provisoirement à la mère. Or, j’hésiterais à suivre une telle approche. Par principe, il ne me semble pas souhaitable d’interpréter le règlement en fonction de la motivation spécifique d’une décision de garde individuelle. Il convient plutôt de déterminer si une différenciation objective peut être déduite du fait que la décision soit provisoire ou non. Par ailleurs, il existe toujours un danger que la juridiction d’un État membre interprétera de manière erronée la motivation de la juridiction d’un autre État membre (15). Je tâcherai donc d’analyser la question en suivant une approche plus générale.

44.      Ensuite, j’hésiterais, dans un contexte comme celui-ci, à appliquer sans autre aménagement le principe selon lequel les exceptions ou dérogations à une règle doivent recevoir une interprétation stricte. En effet, dans le cas de l’article 10, si la règle du maintien de la compétence de la juridiction de la résidence habituelle antérieure correspond à l’un des principes fondamentaux du règlement – à savoir, celui de priver l’acte illicite du parent enleveur de tout effet juridique – l’exception correspond à un autre principe fondamental, puisqu’il s’agit d’une règle de compétence «conçue en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité» (16).

45.      Finalement, il convient de reconnaître que – aussi séduisant que puisse paraître le résultat préconisé par la juridiction de renvoi, la Commission et la quasi-totalité des États membres représentés à l’audience – certains arguments peuvent plaider à son encontre. Ils peuvent se résumer comme suit.

46.      L’article 10, sous b), iv), du règlement traite d’une situation dans laquelle l’enfant a résidé au moins un an dans l’État membre du déplacement illicite, où il a acquis une nouvelle résidence habituelle et s’est intégré dans son nouvel environnement, et dans laquelle non seulement les juridictions de l’État membre de sa résidence habituelle antérieure ne sont pas parvenues, pendant cette période, à une décision définitive quant à la garde de l’enfant, mais encore ont estimé que – certes temporairement, mais en tout cas pendant la période d’au moins un an concernée – son intérêt supérieur voulait qu’il reste dans l’État membre du déplacement. Eu égard à l’écoulement du temps, il est fort probable que ces juridictions auront des difficultés croissantes pour se renseigner sur la situation et l’entourage actuel de l’enfant (au moyen, par exemple, d’expertises psychologiques, de rapports des services sociaux et/ou, selon l’âge de l’enfant, d’interrogation directe). En outre, elles se situent dans un État membre avec lequel celui-ci est sans doute en train de perdre progressivement le contact. Dans de telles conditions, le principe de la compétence de la juridiction la plus proche de l’enfant ne devrait-il pas prendre le pas sur le maintien de la compétence de la juridiction de la résidence habituelle antérieure?

47.      Je ne pense pas que la réponse à cette question doit être affirmative.

48.      Lorsqu’un enfant a été déplacé illégalement dans un autre État membre, l’objectif immédiat du règlement et de la convention est d’assurer son retour rapide, afin de priver le «parent enleveur» de tout avantage pratique ou juridique qu’il aurait pu espérer tirer de la situation (17). Si cet objectif est réalisé efficacement, cela produit également un effet dissuasif non négligeable. Cependant, comme l’explique l’exposé des motifs de la proposition de la Commission précédant l’adoption du règlement (18), «il peut s’avérer légitime dans certains cas que la situation de fait créée par l’enlèvement d’un enfant produise comme effet juridique le transfert de compétence. Il convient à cet effet de trouver un équilibre entre l’opportunité de permettre à la juridiction qui est désormais la plus proche de l’enfant de se déclarer compétente et la nécessité d’empêcher l’auteur de l’enlèvement de retirer les avantages de son acte illicite».

49.      C’est cet équilibre – entre deux des principes que j’ai identifiés plus haut (19) – que l’article 10 du règlement vise à établir en ce qui concerne, en premier lieu, la compétence générale en matière de responsabilité parentale et, à titre secondaire, par le biais de l’article 11, paragraphe 8, du même règlement, la compétence spéciale pour ordonner le retour de l’enfant.

50.      À l’égard des déplacements illicites, le principe de base, visant à priver le «parent enleveur» de tout avantage tiré de son acte illicite, exige le maintien de la compétence des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure. Ce principe vaut non seulement pour la compétence générale mais également, et a fortiori, pour la compétence pour ordonner le retour.

51.      Il semble néanmoins tout à fait raisonnable – et conforme à la recherche d’équilibre décrite ci-dessus – de prévoir, comme le fait l’article 10, sous a), du règlement que l’acquisition d’une nouvelle résidence habituelle, accompagnée de l’acquiescement de toute partie ayant le droit de garde, puisse faire transférer cette compétence aux juridictions de l’État membre de la nouvelle résidence habituelle. Dans ce cas, la compétence pour ordonner le retour de l’enfant n’a plus de raison d’être.

52.      Il pourrait sembler tout aussi raisonnable de prévoir le même transfert de compétence chaque fois que l’enfant a non seulement acquis une nouvelle résidence habituelle, mais a également résidé dans le nouvel État membre depuis plus d’un an et s’est intégré dans son nouvel environnement, même en l’absence d’acquiescement explicite de toutes les parties ayant le droit de garde. C’est, en effet, la solution retenue à l’article 7 de la convention de La Haye de 1996 (20), qui semble conforme au principe de la compétence des juridictions de la résidence habituelle, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Cependant, s’il ressort des travaux préparatoires précédant l’adoption du règlement que plusieurs délégations étaient favorables à cette solution (21), c’est finalement une approche plus exigeante qui a été consciemment choisie, limitant le transfert de compétence strictement aux quatre cas de figure limitativement énumérés dans le texte final de l’article 10, sous b), du règlement.

53.      Les trois premiers de ces cas de figure impliquent, de fait, l’acquiescement tacite des titulaires d’un droit de garde (à savoir, normalement, le parent délaissé), dans la mesure où aucune demande de retour de l’enfant n’a été formulée dans l’État membre du déplacement illicite, ou bien une telle demande a été soit retirée, soit refusée sans que le demandeur ne poursuive la procédure en application de l’article 11, paragraphes 7 et 8, du règlement, dans l’État membre de la résidence habituelle antérieure.

54.      Le quatrième cas de figure, qui nous intéresse ici, est celui d’une décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant, rendue par une juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure. Il s’agit là non pas d’un acquiescement tacite, de la part de cette juridiction, au transfert de compétence, mais plutôt d’une décision qui approuve l’acquisition par l’enfant d’une nouvelle résidence habituelle dans un autre État membre, qui entraînera le transfert de compétence. Ainsi, alors que, lorsqu’un enfant change de résidence habituelle en déménageant légalement d’un État membre à un autre, le transfert de compétence a lieu automatiquement en vertu des articles 8 et 9 du règlement, en cas de déplacement illicite, la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure doit légaliser ce déplacement en l’approuvant pour atteindre le même résultat.

55.      Il n’est pas contesté qu’une telle approbation est exprimée par une décision qui vise à régler la question de la garde de manière durable, pourvu que les autres conditions de l’article 10, sous b), du règlement (nouvelle résidence habituelle depuis plus d’un an, intégration dans le nouvel environnement) soient remplies. Selon une interprétation littérale (le gouvernement slovène a souligné la définition très large du terme «décision» à l’article 2, sous 4, du règlement), il en irait de même pour une décision provisoire, destinée à être remplacée par une décision durable ultérieure.

56.      Cependant, je ne pense pas que cela devrait être le cas. La période d’un an qui conditionne le transfert de compétence dans tous les cas de figure prévus à l’article 10, sous b), du règlement implique clairement, dans les trois premiers cas, une date limite pour l’introduction ou la confirmation d’une demande visant au retour de l’enfant. Il serait donc étonnant – et incohérent – si, dans le quatrième cas, elle impliquait une date limite pour la clôture de la procédure. Or, c’est à ce résultat qu’aboutirait l’inclusion des décisions provisoires dans la notion de «décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant». Dans ce cas-là, une juridiction qui n’aurait pris aucune «décision de garde n’impliquant pas [immédiatement] le retour de l’enfant» conserverait sa compétence jusqu’à la fin de la procédure, alors qu’une juridiction ayant pris une telle décision (ce qui peut souvent s’avérer souhaitable dans l’intérêt de l’enfant) s’imposerait, de ce fait, une date limite pour la prise de sa décision plus durable.

57.      Lorsqu’une juridiction est saisie d’un litige portant sur la garde d’un enfant, et surtout lorsque ce litige se situe dans le cadre d’un déplacement illicite, elle doit souvent faire face à une difficulté majeure. L’acharnement qui anime les parents peut amener l’un ou l’autre à utiliser toutes les procédures disponibles dans le but de récupérer l’enfant. Dans certains cas, le parent concerné peut se tromper de voie, dans d’autres, il peut les exploiter consciemment. Par ailleurs, puisque les juridictions de deux États membres sont nécessairement concernées, les procédures dans un État peuvent retarder celles dans l’autre, et une éventuelle défaillance de communication peut prolonger encore les délais. Cependant, dans tous les cas, il y a un réel danger que la durée de la procédure échappe, de fait, au contrôle de la juridiction saisie dans l’État membre de la résidence habituelle antérieure.

58.      Le présent cas d’espèce en fournit une illustration. Tout d’abord, il semble que le Bezirksgericht Leoben n’a rejeté la demande de retour formulée par le père sur la base de la convention que le 3 juillet 2008, quelque onze semaines après l’introduction de cette demande le 16 avril 2008, alors que l’article 11, paragraphe 3, du règlement impose un délai maximal de six semaines, «sauf si cela s’avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles». Ensuite, après ce refus, au lieu de s’adresser directement au Tribunale per i Minorenni di Venezia pour obtenir une ordonnance en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement le père a fait appel du refus en Autriche – deux fois, car le premier refus a été annulé et un nouveau refus décidé. En outre, même après le rejet de son deuxième appel, le 7 janvier 2009, le père a attendu trois mois avant de formuler la demande au titre de l’article 11, paragraphe 8, du règlement (22). Pendant toute cette période, les mesures que le Tribunale per i Minorenni di Venezia avait prévues afin d’être suffisamment informé pour prendre une décision durable sur la garde de l’enfant (contacts avec le père, rapport d’expert psychologue) – mesures qui avaient, précisément, motivé la décision de laisser l’enfant provisoirement auprès de la mère en Autriche – n’ont pas pu être menées à bien, à cause de l’absence totale de coopération de la part de la mère. La période d’un an s’est donc épuisée, sans que cela ne soit attribuable ni à l’acquiescement du père ni à l’inaction du Tribunale per i Minorenni di Venezia (23).

59.      Pourtant, la juridiction saisie en premier lieu d’un tel litige doit très souvent prendre des mesures provisoires immédiates, pour parer au plus pressé, en attendant de disposer de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision durable quant à la garde de l’enfant. C’est précisément ce qui s’est passé en l’espèce. Il ne me semble pas concevable que le législateur ait voulu que la compétence soit transférée automatiquement au bout d’un an dans une telle situation, alors qu’elle serait restée avec la première juridiction si celle-ci n’avait pas dû prendre une mesure provisoire immédiate remettant à une date ultérieure la décision durable quant à la garde. Cela reviendrait à interrompre le cours d’une procédure engagée devant la juridiction compétente, au seul motif que la juridiction avait pris une mesure provisoire qu’elle estimait nécessaire.

60.      Au contraire, c’est seulement si l’écoulement du temps est accompagné par l’acquiescement du parent demandeur – mettant un terme définitif à toute procédure déjà initiée, ou excluant toute procédure ultérieure, qui aurait pu aboutir à une ordonnance de retour exécutoire en vertu des articles 11, paragraphe 8, et 42 du règlement – ou par une décision de la juridiction compétente saisie, mettant fin à l’instance introduite devant elle et n’impliquant pas le retour de l’enfant, que le transfert de la compétence aux juridictions de l’État membre du déplacement illicite peut, à mon avis, se justifier. Ainsi, les quatre cas de figure prévus à l’article 10, sous b), du règlement trouvent tous une base cohérente dans une décision, explicite ou implicite, qui exclut le recours ultérieur au mécanisme des articles 11, paragraphe 8, et 42 du règlement.

61.      Lors de l’audience, la question a été soulevée de savoir comment la juridiction de l’État membre du déplacement illicite peut déterminer avec certitude si la décision de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure revêt un caractère provisoire ou définitif. En effet, les décisions en matière de garde d’enfant sont toujours, par leur nature, sujettes à la possibilité de révision en fonction d’un changement de circonstances et n’ont donc jamais le même degré de finalité que la plupart des autres décisions judiciaires (24). Par ailleurs, les différences de procédure et de terminologie entre les systèmes juridiques des États membres peuvent rendre moins aisée la tâche de distinguer une décision provisoire d’une décision «définitive».

62.      Il me semble que la réponse doit se trouver dans le critère exprimé par le gouvernement français, à savoir qu’une décision de garde doit être considérée comme provisoire aussi longtemps que la juridiction n’a pas «épuisé sa saisine». Il suffit donc d’examiner – avec l’aide, si besoin est, des autorités centrales pertinentes – si, dans la procédure concernée, il reste encore des mesures à prendre, sans qu’une nouvelle saisine de la juridiction soit nécessaire.

63.      Par conséquent, j’arrive à la conclusion que les objectifs du règlement s’opposent à une interprétation littérale de son article 10, sous b), iv), et qu’une mesure provisoire attribuant la garde d’un enfant au parent qui l’a enlevé jusqu’à ce que soit rendue la décision de garde définitive (ou durable) n’est pas une «décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant» au sens de cette disposition.

 Sur la deuxième question

64.      L’Oberster Gerichtshof demande si une ordonnance de retour relève du champ d’application de l’article 11, paragraphe 8, du règlement uniquement lorsque la juridiction la rend sur le fondement d’une décision de garde qu’elle a rendue elle-même.

65.      Il explique que la mère soutient que seule une ordonnance de retour rendue sur le fondement d’une décision de garde relèverait de l’article 11, paragraphe 8, du règlement. La décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009, dont le père cherche à assurer l’exécution, ne serait pas fondée sur une décision de garde et ne relèverait donc pas de cette disposition.

66.      L’Oberster Gerichtshof admet, à juste titre, qu’une telle interprétation n’est étayée ni par le libellé de la disposition – qui parle, sans qualification, de «toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant» – ni par l’arrêt Rinau (25) – qui souligne l’autonomie procédurale de la décision faisant suite à une décision de non-retour –, mais estime qu’elle ne peut être exclue dans le cadre d’une interprétation systématique et téléologique. D’une part, il ressortirait de l’article 11, paragraphe 7, du règlement que le régime des paragraphes 6 à 8, accordant le dernier mot aux juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure, ne se justifie que si l’ordonnance de retour est fondée sur une mesure de garde impliquant le retour de l’enfant. D’autre part, une telle interprétation rendrait plus cohérent le système des articles 10 et 11 dans leur ensemble.

67.      Je précise d’emblée que je ne suis nullement convaincue que les considérations exposées par la juridiction de renvoi doivent conduire au résultat qu’elle préconise. Ainsi que je l’ai expliqué dans le cadre de la première question, le but premier de la convention est d’assurer, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles, le retour immédiat de l’enfant, avant que la question de la garde ou de la responsabilité parentale ne soit examinée. L’article 11 du règlement vise à renforcer ce dispositif, toujours dans l’optique d’un retour sans délai – et non pas après avoir pris une décision sur la question de la garde, au terme d’une procédure qui pourrait s’avérer longue.

68.      L’Oberster Gerichtshof considère toutefois – et ce point de vue a été défendu également par plusieurs États membres au cours de l’audience – qu’une ordonnance de retour fondée sur une mesure de garde impliquant le retour de l’enfant, prise après constatation des faits et obtention de preuves, offrirait une meilleure garantie de bien-fondé qu’une décision rendue dans le cadre d’une simple procédure de référé.

69.      Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi, si une décision de ce dernier type relevait de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, il serait difficile de comprendre l’article dans son ensemble. En effet, au lieu d’exiger que la juridiction de l’État du déplacement illicite mène d’abord une procédure de retour en vertu de la convention, la juridiction de l’État de la résidence habituelle antérieure pourrait rendre une simple ordonnance de retour immédiatement après l’enlèvement, qui pourrait être directement exécutoire dans l’autre État membre, exactement comme la décision rendue en vertu dudit article 11, paragraphe 8. La procédure selon la convention, requise par cet article 11, ferait alors perdre du temps et ne serait en elle-même d’aucune utilité.

70.      Quant à la première partie de ce raisonnement, je reconnais qu’une procédure impliquant un examen plus approfondi des faits offre une garantie accrue de bien-fondé. Cependant, la procédure de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, si elle est menée correctement, offre, à mon avis, une garantie tout à fait suffisante. Il s’agit d’une situation dans laquelle la juridiction de l’État du déplacement illicite a déjà refusé d’ordonner le retour de l’enfant, pour un ou plusieurs des motifs énumérés à l’article 13 de la convention, et a communiqué à la juridiction de l’État de la résidence habituelle antérieure – avec l’aide éventuelle des autorités centrales respectives, prévue à l’article 55, sous c), du règlement – une copie de sa décision ainsi que de tous les documents pertinents. Cette dernière juridiction – qui est mieux placée pour évaluer les circonstances dans lesquelles l’enfant a vécu avant son déplacement et celles dans lesquelles il vivra, le cas échéant, lors de son retour – ne peut certifier, conformément à l’article 42 du règlement, sa décision rendue en vertu de l’article 11, paragraphe 8, de celui-ci que si elle a pris en compte les motifs et éléments de preuve sur lesquels repose la décision de non-retour (26). Elle peut donc être présumée – conformément aussi au principe de la confiance mutuelle qui sous-tend le règlement – avoir écarté lesdits motifs et éléments de preuve sur la base d’autres éléments dont la première juridiction n’avait pas connaissance.

71.      L’approche soutenue par certains États membres lors de l’audience semble, par contre, être basée sur une méfiance, de la part des juridictions de l’État membre du déplacement, à l’égard des décisions prises par celles de l’État membre de la résidence habituelle antérieure. Une telle approche constitue non seulement la négation du principe de la confiance mutuelle, mais ne tient également aucun compte de l’avantage évident qui découle du double examen de la demande de retour par deux juridictions, dont l’une est mieux placée pour tenir compte des circonstances actuelles dans lesquelles vit l’enfant, alors que l’autre est mieux placée pour évaluer les circonstances dans lesquelles il a vécu auparavant et vivra dans le cas de son retour.

72.      Quant à la deuxième partie du raisonnement, il me semble qu’elle se base sur une idée fausse de la relation entre la convention et le règlement. La convention prévoit sans ambiguïté que, en cas d’enlèvement d’enfant, c’est d’abord aux juridictions de l’État où se trouve l’enfant qu’il faut s’adresser pour obtenir son retour immédiat. En effet, ce sont ces juridictions qui sont les mieux placées pour ordonner le retour de la manière la plus efficace. Leurs décisions seront exécutées directement selon la procédure nationale. Ce n’est que si ces juridictions estiment qu’il existe un des motifs de non-retour énumérés à l’article 13 de la convention – donc seulement dans des cas présumés exceptionnels – qu’il est nécessaire de s’adresser, en vertu de l’article 11 du règlement, à la juridiction compétente de l’État de la résidence habituelle antérieure. Cette dernière doit alors être persuadée que le motif invoqué n’empêche pas le retour avant de pouvoir passer outre la décision de non-retour rendue en vertu de la convention.

73.      Si, en revanche, il revenait aux juridictions de l’État de la résidence habituelle antérieure d’ordonner d’emblée le retour de l’enfant, d’une part, la procédure d’exécution serait – toujours, et non seulement dans le cas d’un recours à l’article 11, paragraphe 8, du règlement – compliquée par la nécessité d’une collaboration entre autorités des deux États membres différents, impliquant, dans la plupart des cas, le besoin d’obtenir une traduction des documents pertinents, et, d’autre part, il manquerait une protection essentielle de l’intérêt supérieur de l’enfant, à savoir le double examen obligatoire en cas de doute quant à l’opportunité d’ordonner son retour.

74.      Il me semble donc que le système de l’article 11 du règlement, pris dans son ensemble, est tout à fait cohérent sans qu’il soit besoin d’exiger une décision de garde préalable comme fondement de la décision prise en vertu du paragraphe 8 de cette disposition.

75.      L’Oberster Gerichtshof relève encore qu’une décision prise en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement peut, si elle précède une décision durable quant à la garde, qui pourrait aboutir à un résultat différent, obliger l’enfant à changer deux fois de lieu de résidence. Là encore, c’est une considération qui a été soulignée par plusieurs États membres lors de l’audience.

76.      La possibilité d’un double déplacement ne peut être niée. Toutefois, il s’agit d’un élément accepté, à mon avis, aussi bien par les auteurs de la convention que par ceux du règlement comme un corollaire nécessaire de l’objectif d’assurer, en cas de déplacement ou de non-retour illicites, le retour immédiat ou sans délai de l’enfant. Cette intention me semble très claire dans le système des dispositions pertinentes du règlement. D’abord, l’enfant est retourné à l’État membre de sa résidence habituelle antérieure et, ensuite, sont décidées les questions de garde et de responsabilité parentale. Nécessairement, cela impliquera, dans un certain nombre de cas, un double déplacement – voire un triple déplacement, en comptant le premier déplacement illicite. Si une multiplicité de déplacements n’est certes pas dans l’intérêt de l’enfant concerné, il me semble que l’intérêt plus large, de décourager toute tentative d’enlèvement en la privant de tout effet juridique ou pratique, doit l’emporter, selon l’esprit du règlement (et de la convention).

77.      Par ailleurs, il convient de considérer la procédure à la lumière du but poursuivi, à savoir le retour de l’enfant auprès de la juridiction compétente. Ce retour consiste simplement à «corriger» le premier déplacement illicite. La juridiction compétente doit alors examiner la question de la garde en tenant compte de toutes les circonstances, et au moins certains aspects de cet examen tels que les observations psychologiques, les rapports sociaux ou, le cas échéant, l’interrogation directe requièrent normalement la présence de l’enfant. Il ne peut être dans l’intérêt de celui-ci de compliquer et de prolonger ce processus en le maintenant dans l’État membre du déplacement illicite. Finalement, la juridiction prend sa décision, qui aura ou non comme résultat un dernier déplacement, mais qui aura été prise en toute connaissance de cause.

78.      Finalement, l’Oberster Gerichtshof suggère que la possibilité, pour les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure, d’ordonner le retour de l’enfant en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, sans avoir pris au préalable une décision de garde, irait à l’encontre du principe de la confiance mutuelle, car elle supposerait que les juridictions de l’autre État membre pourraient refuser le retour pour des raisons subjectives.

79.      Cet argument ne me convainc point. Ainsi que je l’ai expliqué précédemment, la procédure fournit plutôt la garantie d’un double examen en cas de doute quant à l’opportunité d’ordonner le retour de l’enfant, et exige une motivation réfléchie de toute décision de retour rendue en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement. Cela ne me paraît nullement incompatible avec le principe de la confiance mutuelle qui sous-tend le règlement et qui – au contraire – exige de la juridiction d’un État membre de ne pas imputer une arrière-pensée subjective aux juridictions d’un autre État membre, mais de présumer leurs décisions aussi objectivement motivées que celles des juridictions de son propre État membre.

80.      Je suis donc d’avis que rien dans le libellé ou dans l’économie du règlement ne limite la possibilité d’ordonner le retour de l’enfant en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement au cas où la même juridiction a déjà rendu une décision de garde.

 Sur la troisième question

81.      En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question, l’Oberster Gerichtshof demande s’il est possible d’invoquer, dans l’État d’exécution, l’incompétence de la juridiction d’origine (première question) ou l’inapplicabilité de l’article 11, paragraphe 8, du règlement (deuxième question) à l’encontre de l’exécution d’une décision que la juridiction d’origine a certifiée conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement, ou bien si, dans ce cas, le défendeur doit demander le retrait du certificat dans l’État d’origine, ce qui permettrait de surseoir à l’exécution dans l’État d’exécution jusqu’à ce que, dans l’État d’origine, la décision soit rendue.

82.      Dans la mesure où je propose une réponse négative aux deux premières questions, la troisième question ne se pose plus. Je l’examinerai néanmoins, compte tenu de la possibilité que la Cour apporte une réponse affirmative à la première ou à la deuxième question, et eu égard surtout à l’intérêt plus général qu’il peut y avoir à clarifier les limites des possibilités d’opposition à l’exécution d’une décision certifiée conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement.

83.      L’Oberster Gerichtshof relève que, le Tribunale per i Minorenni di Venezia ayant délivré un certificat conformément à l’article 42 du règlement, les juridictions autrichiennes ne sont pas compétentes pour examiner sa décision au fond. Néanmoins, il ne serait pas exclu que ces juridictions puissent vérifier si ladite décision a bien été rendue sur le fondement de l’article 11, paragraphe 8, du règlement. Puisque, selon l’article 40 de ce dernier, la section 4 du règlement s’applique «au retour d’un enfant consécutif à une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8», l’article 42, paragraphe 1, du règlement ne s’appliquerait, et le certificat n’aurait donc d’effet obligatoire, que s’il existait une telle décision – ce qui ne serait pas le cas si la réponse à l’une ou l’autre des deux premières questions était affirmative.

84.      Toujours selon la juridiction de renvoi, puisque ledit certificat vise à permettre l’exécution immédiate sans autre examen au fond, seule la juridiction d’origine pourrait constater qu’il a été délivré indûment. Or, l’article 43 du règlement prévoit seulement une «rectification» du certificat. En revanche, l’article 10 du règlement n° 805/2004 (27), disposition plus récente traitant d’un problème analogue, prévoit que le certificat de titre exécutoire européen donne lieu, sur demande adressée à la juridiction d’origine, à retrait s’il est clair qu’il a été délivré indûment. Puisque le législateur européen n’aurait certainement pas voulu prévoir une protection juridictionnelle moindre contre le retour d’un enfant que contre le recouvrement d’une créance incontestée, il devrait en aller de même, selon l’Oberster Gerichtshof, du certificat prévu en l’espèce. Dans ce cas, il faudrait aussi appliquer par analogie l’article 23 du règlement n° 805/2004 (28), de manière à permettre un sursis à l’exécution jusqu’à ce que la juridiction d’origine ait statué sur la demande de rectification ou de retrait du certificat.

85.      Le raisonnement de la juridiction de renvoi repose ainsi en grande partie sur une comparaison avec le règlement n° 805/2004, adopté moins de cinq mois après le règlement, les travaux préparatoires précédant les deux règlements s’étant déroulés au sein du Conseil de l’Union européenne dans une large mesure au cours des mêmes périodes. Il serait donc étonnant, à mon avis, qu’une divergence sensible entre les deux textes (rectification seulement en cas d’erreur matérielle dans le cadre du règlement et rectification en cas d’erreur matérielle et retrait si le certificat a été délivré indûment dans le cadre du règlement n° 805/2004) ne traduise pas une volonté de différenciation de la part du législateur. En effet, il ressort desdits travaux préparatoires que différentes options ont été envisagées dans les deux cas, avant d’arriver aux textes divergents actuels (29).

86.      Il me semble donc exclu de chercher à interpréter le premier de ces règlements à la lumière du second, d’autant plus que, s’ils relèvent tous deux du domaine général de la coopération judiciaire dans les matières civiles, les matières précises qu’ils concernent sont fort différentes et n’impliquent pas nécessairement des approches comparables. En effet, il n’y a pas de commune mesure entre l’intérêt d’assurer le retour d’un enfant en cas de déplacement illicite et l’intérêt de recouvrer une créance incontestée. Je relève, en outre, que les situations régies par les dispositions pertinentes diffèrent aussi en ce que, dans le cadre du règlement, il s’agit d’un conflit, et donc d’une contestation, déjà connus et déjà pris en considération par au moins deux juridictions, alors que, dans le cadre du règlement n° 805/2004, la demande de retrait du certificat transforme une créance supposée incontestée en une créance au moins partiellement contestée, ce qui peut justifier un sursis de la part d’une juridiction d’exécution qui n’a pas auparavant été saisie de la créance.

87.      Cela dit, il est évident que la question se pose de savoir quelles possibilités sont ouvertes lorsqu’il apparaît qu’un certificat du type visé à l’article 42 du règlement a été délivré indûment. Si l’intérêt d’obtenir le retour immédiat d’un enfant qui a été déplacé illicitement, et d’assurer l’exécution simple et rapide des décisions ordonnant ce retour au terme de la procédure prévue à l’article 11 du règlement, milite contre la possibilité de contester le certificat prévu audit article 42, il est toujours possible qu’une juridiction délivre un tel certificat en se croyant, erronément, habilitée à le faire alors qu’en réalité les conditions nécessaires pour rendre une décision sur la base de l’article 11, paragraphe 8, du règlement ne sont pas réunies.

88.      Un exemple qui a été évoqué lors de l’audience est celui d’une juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure qui ordonne le retour de l’enfant, sans qu’il y ait eu auparavant une décision de non-retour en application de l’article 13 de la convention dans l’État membre du déplacement illicite, et qui certifie son ordonnance conformément à l’article 42 du règlement. La juridiction concernée serait certes compétente pour prendre une décision ordonnant le retour de l’enfant dans ces circonstances mais, dans ce cas, il ne s’agirait pas d’une décision visée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement. Dès lors, la certification d’une telle décision conformément audit article 42 n’est pas prévue (30), et le certificat serait donc délivré indûment.

89.      Il n’est guère concevable que le législateur ait voulu éliminer tout moyen de remédier à une erreur de ce type, qui ne correspond pas nécessairement à la seule possibilité de rectification énoncée au vingt-quatrième considérant du règlement, à savoir «si le certificat ne reflète pas correctement le contenu de la décision».

90.      C’est là une problématique que j’ai déjà abordée dans ma prise de position dans l’affaire Rinau (31) ainsi que, plus récemment et dans un contexte légèrement différent, dans mes conclusions dans l’affaire Purrucker (32). Je me limiterai ici à résumer le point de vue auquel je suis parvenue à cet égard, tout en me référant aux développements exposés dans les deux affaires citées.

91.      Le règlement interdit clairement tout recours contre la délivrance du certificat. Par contre, il n’interdit pas le recours contre la décision certifiée. Si une partie estime que les conditions nécessaires pour permettre à la juridiction concernée de rendre cette décision ne sont pas réunies, elle doit pouvoir contester la compétence de cette juridiction devant la juridiction elle-même – ce que la mère semble avoir fait en l’espèce – et, éventuellement, en formant un appel devant une juridiction supérieure. Si le droit national ne permet pas de voie de recours dans ces circonstances, la juridiction doit, en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, saisir la Cour. Tout recours ou toute saisine de la Cour dans ces circonstances doit bénéficier du traitement le plus rapide possible.

92.      Une telle conclusion répond à la première partie de la troisième question de la juridiction de renvoi, mais celle-ci demande également, dans la deuxième partie de sa question, si, en présence d’une décision certifiée mais en cas de contestation du bien-fondé du certificat, la juridiction requise peut surseoir à l’exécution de la décision afin de permettre le retrait éventuel du certificat.

93.      Je relève que, en l’espèce, rien dans la décision de renvoi ni dans les autres documents soumis à la Cour n’indique que la mère ait poursuivi sa contestation de la compétence du Tribunale per i Minorenni di Venezia en faisant appel, en Italie, de la décision du 10 juillet 2009, dont l’exécution est demandée en Autriche par le père.

94.      Dans de telles circonstances, il me semble totalement exclu que les juridictions autrichiennes puissent surseoir à l’exécution de cette décision afin de permettre à la mère d’introduire un recours. Ces juridictions ne sont pas elles-mêmes compétentes pour connaître d’un recours et, aucun recours n’ayant été introduit devant une juridiction compétente, rien dans le libellé ou dans les objectifs du règlement ne justifie de retarder l’exécution d’une décision dont le but est, rappelons-le, d’obtenir le retour sans délai de l’enfant.

95.      En irait-il autrement si la mère avait déjà introduit un tel recours avant que le père ne cherche à faire exécuter la décision en Autriche? Un sursis à exécution pourrait paraître plus justifiable dans ces circonstances, puisque la juridiction de l’État membre d’exécution est confrontée à une incertitude réelle, et non plus hypothétique, quant à la force exécutoire de la décision contestée. Elle pourrait ainsi éviter un déplacement injustifié de l’enfant, qui serait suivi soit d’un nouveau déplacement, soit du maintien injustifié de l’enfant dans l’État membre d’origine.

96.      Je ne suis toutefois pas convaincue que le règlement permette un tel sursis. Non seulement ne le prévoit-il pas explicitement, mais, de plus, il peut être déduit, de la présence, ailleurs dans ledit règlement, d’une disposition permettant le sursis à statuer sur une requête en déclaration de la force exécutoire d’une décision portant sur l’exercice de la responsabilité parentale (33), que cette omission est intentionnelle – intention confirmée, par ailleurs, par le fait que les dispositions des actuels articles 43 et 44 ont été fermement contestées au cours de l’élaboration du règlement (34), sans qu’une disposition permettant le sursis à exécution ne soit adoptée.

97.      Néanmoins, à l’instar de la conclusion à laquelle je suis parvenue en ce qui concerne la possibilité de contestation de la décision (35), il me semble évident que le parent contestant cette décision dans l’État membre d’origine doit pouvoir également demander, dans ce même État membre, le sursis à l’exécution de la décision, sursis dont devraient tenir compte les juridictions de l’État membre d’exécution.

98.      Au vu des considérations qui précèdent, j’arrive donc à la conclusion que la Cour devrait répondre à la troisième question de l’Oberster Gerichtshof dans le sens que, lorsqu’une décision certifiée par une juridiction d’un État membre conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement est contestée au motif de l’incompétence de la juridiction d’origine ou de l’inapplicabilité de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, la seule voie de recours possible consiste à faire appel de la décision elle-même (et non pas du certificat) devant les juridictions de cet État membre. Les juridictions de l’État membre d’exécution ne disposent d’aucune compétence pour refuser ou surseoir à l’exécution.

 Sur la quatrième question

99.      En cas de réponse négative à la première ou à la deuxième question préjudicielle ou à la première partie de la troisième question, l’Oberster Gerichtshof demande si une décision, rendue par une juridiction de l’État d’exécution, attribuant provisoirement la garde au parent qui a enlevé l’enfant et devant être considérée comme exécutoire en vertu du droit de cet État, fait obstacle, en vertu de l’article 47, paragraphe 2, du règlement, à l’exécution d’une ordonnance de retour rendue antérieurement dans l’État d’origine en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, même lorsqu’elle n’empêcherait pas l’exécution d’une ordonnance de retour rendue par l’État d’exécution en vertu de la convention.

100. Avant d’aborder cette question, qui, dans le cadre de la procédure au principal, concerne les effets de l’ordonnance du Bezirksgericht Judenburg du 25 août 2009, il me paraît utile d’examiner les conditions dans lesquelles cette juridiction s’est considérée compétente pour rendre ladite ordonnance.

101. Il ressort de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009 que la mère a d’abord demandé à la juridiction italienne de renvoyer le litige aux juridictions autrichiennes, en application de l’article 15 du règlement (36). Cette demande a été rejetée au motif, premièrement, que la situation n’était pas exceptionnelle, mais concernait un litige ordinaire entre parents relatif à la garde de leur enfant (alors que l’article 15 s’applique «[à] titre d’exception»), et, deuxièmement, que l’enfant n’avait pas de «lien particulier» avec l’Autriche, selon la définition figurant audit article 15, paragraphe 3.

102. Cette décision relève de la compétence du Tribunale per i Minorenni di Venezia et n’est pas en cause dans le présent renvoi préjudiciel. Elle suscite, néanmoins, certaines réserves de ma part.

103. Premièrement, il ne me semble pas correct d’exclure l’application de l’article 15 du règlement au motif que la procédure concerne un litige ordinaire entre parents relatif à la garde de leur enfant. Les mots introductifs «[à] titre d’exception» n’exigent pas, à mon avis, que la situation doit être exceptionnelle avant que la disposition ne puisse être appliquée. Ils permettent plutôt à une juridiction compétente de déroger aux règles générales de compétence et de renvoyer l’affaire, ou une partie de l’affaire, à une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier si elle estime que cette dernière juridiction est mieux placée pour connaître de l’affaire et que le renvoi servira l’intérêt supérieur de l’enfant – cas de figure qui sera, en principe, exceptionnel.

104. Deuxièmement, il me semble que, contrairement à ce qu’avance le Tribunale per i Minorenni di Venezia dans sa motivation, plusieurs des critères alternatifs de l’article 15, paragraphe 3, du règlement (dont, par conséquent, la présence d’un seul aurait suffi pour établir un «lien particulier») étaient en fait réunis en l’espèce. Ainsi, il est constant que l’enfant avait la nationalité autrichienne en plus de la nationalité italienne, ce qui satisfait à la condition sous c) de la disposition, qui ne se limite pas au cas d’une nationalité unique. En outre, il paraît clair que, au moment où la demande de renvoi a été refusée, la mère avait établi sa résidence habituelle en Autriche, ce qui correspond au critère sous d) (37).

105. Cela dit, et même si la motivation du Tribunale per i Minorenni di Venezia peut être considérée comme défaillante à certains égards, il est clair que rien dans l’article 15 du règlement ne pouvait obliger cette juridiction à estimer que le Bezirksgericht Judenburg était mieux placé pour connaître de l’affaire et que le renvoi aurait servi l’intérêt supérieur de l’enfant, et donc à se dessaisir en faveur de la juridiction autrichienne. Je relève aussi que la Cour n’a pas été informée d’un éventuel appel de la part de la mère contre ce refus de renvoi, ce qui semblerait être la voie normale à suivre pour elle, si elle contestait la motivation du Tribunale per i Minorenni di Venezia.

106. Ensuite, il ressort de la décision de renvoi que, sans attendre le traitement de sa demande par le Tribunale per i Minorenni di Venezia, la mère a saisi directement le Bezirksgericht Judenburg d’une demande de garde. Celui-ci, le 26 mai 2009, s’est déclaré compétent «en vertu de l’article 15, paragraphe 5, du règlement» et a demandé à la juridiction italienne de lui transmettre la procédure. Il semble que c’est sur la base de cette déclaration de compétence que le Bezirksgericht Judenburg a rendu sa décision du 25 août 2009, accordant la garde provisoirement à la mère, décision à l’égard de laquelle l’Oberster Gerichtshof se demande si elle pourrait faire obstacle à l’exécution de l’ordonnance de retour du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009.

107. Nous ne disposons pas du texte de cette décision du 26 mai 2009, mais le bref résumé qu’en fait l’Oberster Gerichtshof semble indiquer que c’est en méconnaissance de l’article 15 du règlement que le Bezirksgericht Judenburg s’est déclaré compétent. En effet, cet article ne permet nullement à une juridiction de se déclarer compétente de sa propre initiative. Il ressort clairement de l’article 15, paragraphe 5, du règlement qu’une telle déclaration (38) de compétence doit être précédée d’une saisine «sur base du paragraphe 1, points a) ou b)» – donc, à l’initiative directe ou indirecte de la juridiction compétente, qui surseoit à statuer en invitant les parties à saisir la juridiction d’un autre État membre, ou demande elle-même à ladite juridiction d’exercer sa compétence. Une demande de renvoi, formulée par une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier, est certes possible en vertu du paragraphe 2, sous c) (39), mais la suite à donner à cette demande relève de la juridiction compétente pour connaître du fond – et donc de celle de l’État membre de la résidence habituelle (antérieure).

108. Par conséquent, la compétence du Bezirksgericht Judenburg pour rendre sa décision du 25 août 2009 semble contestable. Si, en vertu de l’article 10, sous b), iv), du règlement, le Tribunale per i Minorenni di Venezia avait perdu sa compétence à ce moment-là (question à laquelle je propose de répondre par la négative), il est plausible que le Bezirksgericht Judenburg serait devenu compétent par application de la règle normale de l’article 8 dudit règlement. En revanche, il n’a pas pu acquérir la compétence par le biais de l’article 15 du règlement, car le Tribunale per i Minorenni di Venezia n’a pris aucune initiative dans ce sens (40).

109. Dans sa décision de renvoi, l’Oberster Gerichtshof évoque certaines raisons pour lesquelles le certificat du Bezirksgericht Judenburg, attestant que sa décision du 25 août 2009 avait acquis force de chose jugée et était exécutoire, aurait pu être délivré indûment, notamment à cause d’éventuels vices de notification de la décision. Il précise, toutefois, que le certificat lie toutes les autres juridictions autrichiennes et ne pourrait être retiré, le cas échéant, que par le Bezirksgericht Judenburg lui-même, sur demande ou d’office. L’Oberster Gerichtshof n’envisage pas la possibilité que le Bezirksgericht Judenburg se soit déclaré compétent à tort, et n’indique donc pas si une éventuelle incompétence échappe également à son contrôle. En tout état de cause, il me semble que la déclaration de compétence en vertu de l’article 15 du règlement devrait pouvoir faire l’objet d’un contrôle au sein du système juridictionnel autrichien.

110. Sous réserve de ces dernières considérations, dont l’Oberster Gerichtshof devra, le cas échéant, tenir compte, j’examinerai la quatrième question préjudicielle en considérant, comme le fait l’Oberster Gerichtshof lui-même, que la décision du Bezirksgericht Judenburg du 25 août 2009 confiant provisoirement la garde à la mère est exécutoire.

111. La juridiction de renvoi explique que, si, en matière de droit de garde, une décision exécutoire inconciliable avec une décision rendue antérieurement empêche en principe l’exécution de cette dernière – ce qui est prévu explicitement par l’article 47, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement –, cela ne serait pas nécessairement vrai en droit national. En effet, l’Oberster Gerichtshof lui-même aurait récemment jugé qu’une ordonnance de retour rendue en Autriche en vertu de la convention doit être exécutée même si une mesure provisoire de garde décidée par une autre juridiction autrichienne s’y oppose, car l’article 17 de la convention dispose que le seul fait qu’une décision de garde ait été rendue dans l’État requis ne peut justifier le refus de renvoyer l’enfant. Si, en vertu de l’article 47, paragraphe 2, du règlement, l’ordonnance de retour rendue à l’étranger doit être traitée exactement comme la décision d’une juridiction nationale, une mesure provisoire attribuant la garde ne pourrait pas empêcher son exécution.

112. Dans sa question, l’Oberster Gerichtshof suppose donc que la disposition de l’article 47, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement («une décision certifiée conformément à […] l’article 42, paragraphe 1, ne peut être exécutée si elle est inconciliable avec une décision exécutoire rendue ultérieurement») se réfère à toute décision exécutoire rendue ultérieurement, y compris dans l’État membre d’exécution. La Commission s’oppose à cette interprétation, faisant valoir qu’elle mettrait à néant le mécanisme voulu par le législateur à l’article 11, paragraphe 8, qui accorde aux juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure le dernier mot quant au retour de l’enfant. Le sens de la disposition de l’article 47, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement serait de préciser qu’une décision ultérieure d’une juridiction de l’État membre d’origine peut rendre caduque la décision de retour rendue en vertu de l’article 11, paragraphe 8, qui ne doit alors pas être exécutée.

113. Bien que le libellé de la disposition n’apporte pas la précision proposée par la Commission, je me rallie au point de vue de celle-ci. En plus des arguments qu’elle fait valoir – et il est certain que l’article 11, paragraphe 8, du règlement n’aurait pas de sens si la décision qu’elle concerne pouvait être supplantée par une décision ultérieure de la juridiction ayant déjà rendu la décision de non-retour en application de l’article 13 de la convention –, il est clair que la «décision exécutoire rendue ultérieurement» ne peut être que celle d’une juridiction compétente. Or, par hypothèse, s’il s’agit d’une décision en matière de responsabilité parentale, ce sont les juridictions de l’État membre où a été rendue la décision en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement qui sont compétentes, et non celles de l’État membre où l’enfant se trouve illicitement.

114. La question a été soulevée, lors de l’audience, de savoir pourquoi, si la disposition de l’article 47, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement se limitait au cas de l’annulation d’une décision certifiée dans l’État membre d’origine, le législateur ne l’aurait pas précisé explicitement, plutôt que de choisir le terme «inconciliable», qui pourrait s’appliquer aussi dans le cas d’une décision prise ultérieurement dans l’État membre d’exécution. Toutefois, il me semble qu’une réponse satisfaisante a également été apportée à cette question. Même si est exclue la possibilité qu’une juridiction de l’État membre d’exécution puisse, simplement en adoptant une décision contraire, rendre inopérante la décision qui doit, en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement, constituer le dernier mot sur le retour de l’enfant, il peut exister d’autres types de décisions inconciliables avec l’ordonnance de retour – par exemple, si le retour est ordonné auprès d’un parent qui, entre-temps, a été condamné à une peine de prison. Il faut également noter que l’article 47 du règlement s’applique aussi aux décisions certifiées conformément à son article 41, qui concernent le droit de visite et qui peuvent donc être affectées par des décisions ultérieures d’ordres différents.

115. Il conviendrait, en tout état de cause, d’interpréter le règlement en conformité, dans la mesure du possible, avec la convention, et surtout pas de manière à donner au pouvoir de décision renforcé, accordé aux juridictions de l’État membre de la résidence habituelle antérieure par l’article 11, paragraphe 8, du règlement et par le système de certification prévu à son article 42, une portée qui reviendrait à l’affaiblir par rapport à la disposition de l’article 17 de la convention, qui prévoit notamment que le seul fait qu’une décision relative à la garde ait été rendue dans l’État requis ne peut justifier le refus de renvoyer l’enfant, mais que les autorités de cet État peuvent prendre en considération les motifs d’une telle décision.

 Sur la cinquième question

116. Finalement, en cas de réponse négative à la quatrième question, l’Oberster Gerichtshof demande si l’exécution d’une décision certifiée par la juridiction d’origine conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement peut être refusée dans l’État d’exécution lorsqu’elle mettrait gravement en danger l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison d’un changement de situation depuis que cette décision a été rendue, ou bien si ce changement de situation doit être invoqué dans l’État d’origine, et s’il est possible de surseoir à l’exécution dans l’État d’exécution jusqu’à ce que la juridiction de l’État d’origine ait rendu sa décision.

117. La juridiction de renvoi explique que la mère refusera vraisemblablement d’aller en Italie avec l’enfant et ne peut y être contrainte. L’exécution de l’ordonnance de retour séparerait donc l’enfant de la mère pour le remettre au père. D’après l’article 47, paragraphe 2, du règlement, cette exécution devrait se réaliser dans les mêmes conditions que si la décision avait été rendue en Autriche. Or, selon la jurisprudence autrichienne, une ordonnance de retour rendue en Autriche en vertu de la convention ne pourrait être exécutée si un changement de situation a fait naître un risque grave que l’enfant soit exposé à un danger physique ou psychique, ce qui pourrait être le cas s’il a séjourné longtemps dans l’État d’exécution.

118. En l’espèce, l’enfant aurait vécu un peu plus d’un an en Italie, le Tribunale per i Minorenni di Venezia rendant son ordonnance de retour un an et demi après le déplacement illicite de l’enfant vers l’Autriche. Il n’y aurait eu aucun contact entre père et enfant pendant les neuf mois suivant cette ordonnance et, pendant les dix-huit mois précédents, les contacts se seraient limités à des visites. Ainsi, l’enfant aurait passé plus des deux tiers de sa vie séparé de son père. La juridiction de renvoi estime qu’il ne peut être exclu que retirer l’enfant à sa mère pour le remettre au père mettrait gravement en danger son développement psychique et que, même si l’attitude de la mère est critiquable, cela ne justifierait pas un risque d’exposer l’enfant à un tel danger.

119. Il se pourrait donc qu’une telle ordonnance de retour rendue en Autriche ne soit pas exécutée. Puisque l’article 47 du règlement impose le même traitement que celui des décisions rendues dans l’État d’exécution, il devrait en aller de même de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia.

120. Toutefois, selon l’esprit et la finalité des dispositions pertinentes, il appartiendrait au Tribunale per i Minorenni di Venezia de juger si la situation a changé. Il ne s’agirait pas de l’exécution proprement dite mais de la justification au fond de l’ordonnance de retour. Selon ce point de vue, la mère devrait demander au Tribunale per i Minorenni di Venezia d’annuler sa décision. En attendant, il devrait être permis de surseoir à l’exécution de la décision en Autriche.

121. À cet égard, le gouvernement autrichien relève que, selon l’article 47, paragraphe 1, du règlement, la procédure d’exécution est déterminée par le droit de l’État membre d’exécution. Il conviendrait de tenir compte de tous les obstacles à l’exécution qui résultent de ce droit. En l’espèce, ces obstacles incluraient toutes les circonstances apparues ultérieurement qui pourraient mettre en danger l’intérêt supérieur de l’enfant. S’il revenait à la juridiction de l’État d’origine d’examiner un tel obstacle, cela conduirait à une séparation de l’examen des différents obstacles et à une compétence parallèle des juridictions des deux États, ce qui ne favoriserait ni la confiance mutuelle ni l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit rester le critère suprême. Enfin, la compétence des juridictions de l’État d’exécution correspondrait à l’économie du règlement. En vertu du critère de proximité, les autorités de l’État où se trouve l’enfant seraient plus aptes à apprécier si la situation a changé depuis que la décision a été rendue.

122. La Commission, par contre, considère que l’article 47, paragraphe 2, du règlement doit s’interpréter en tenant compte du principe du retour rapide de l’enfant et de la répartition des compétences qui en découle. La décision finale contraignante quant au retour appartenant à la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle antérieure, celle de l’État d’exécution ne doit déterminer que les modalités de l’exécution. L’article 47, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement signifierait donc que les exigences de forme de l’État d’exécution – par exemple en ce qui concerne les délais, les services compétents et les régimes de sanction – sont applicables à l’exécution même, alors que la juridiction de l’État membre d’origine serait seule compétente pour statuer sur des griefs de fond relatifs à la régularité du titre exécutoire – par exemple pour décider s’il doit être sursis à l’exécution de la décision parce que, en raison d’un changement de situation depuis la délivrance du titre exécutoire, sa mise en œuvre ne serait plus dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

123. Pour ma part, je partage le point de vue de la Commission, par lequel la juridiction de renvoi semble elle-même en partie convaincue (41). Selon l’économie du règlement, la décision finale sur l’opportunité d’ordonner le retour de l’enfant appartient aux seules juridictions de l’État de sa résidence habituelle antérieure. Dès lors qu’une des juridictions de l’État du déplacement illicite a rendu une décision de non-retour en application de l’article 13 de la convention, leur compétence en la matière est épuisée, sauf pour ce qui concerne, le cas échéant, le retrait ou l’annulation de cette décision. Toute décision ultérieure sur le fond – qui doit tenir compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels la décision de non-retour a été rendue – appartient à la juridiction compétente de l’État membre de la résidence habituelle antérieure. Cette décision ultérieure devra, le cas échéant, être exécutée obligatoirement dans l’autre État membre – certes, selon la procédure (c’est-à-dire les formes) déterminée par son propre droit, mais sans qu’il puisse être tenu compte des considérations de fond qui pourraient faire obstacle à l’exécution.

124. Or, il me paraît évident qu’un risque éventuel de danger physique ou psychique relève des considérations de fond, et non de forme. En cas de contestation de la décision finale ordonnant le retour de l’enfant, c’est donc à la juridiction qui l’a rendue, et non pas à celle qui est chargée de son exécution, que la partie concernée doit s’adresser.

125. Quant à la possibilité de surseoir à statuer en attendant le résultat d’une telle contestation, les mêmes considérations que celles que j’ai exposées aux points 93 à 97 de la présente prise de position s’appliquent, et il faut conclure qu’une telle possibilité n’est point ouverte devant la juridiction d’exécution mais que, en cas de contestation devant les juridictions de l’État membre d’origine, celles-ci devraient pouvoir ordonner le sursis à l’exécution en attendant la décision sur la contestation.

126. Finalement, et en tout état de cause, je relève que la juridiction de renvoi se réfère à une possibilité de danger psychique qui découlerait non seulement de la séparation de l’enfant de son père au cours des neuf mois suivant l’adoption de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009, mais également de la séparation au cours des dix-huit mois la précédant. Or, même si l’exécution de cette décision pouvait être mise en cause, d’une quelconque manière, par des développements ultérieurs, elle ne pourrait pas l’être sur la base d’un quelconque aspect de la situation antérieure, dont le Tribunale per i Minorenni di Venezia a nécessairement dû tenir compte. Et, en ce qui concerne de tels développements ultérieurs, il convient de souligner que le simple écoulement du temps ne pourrait pas y figurer si la procédure prévue par le règlement est correctement suivie, une ordonnance prise en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement jouissant de la force exécutoire immédiate, sans possibilité de s’opposer à sa reconnaissance.

 Conclusion

127. Au vu de toutes les considérations qui précèdent, je suis d’avis que la Cour devrait répondre comme suit aux questions posées par l’Oberster Gerichtshof:

«1)      Une mesure provisoire attribuant la garde d’un enfant au parent qui l’a enlevé jusqu’à ce que soit rendue la décision de garde définitive (ou durable) n’est pas une «décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant» au sens de l’article 10, sous b), iv), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.

2)      Une ordonnance de retour relève du champ d’application de l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 2201/2003 indépendamment du fait que la juridiction l’ait rendue ou non sur le fondement d’une décision de garde qu’elle a rendue elle-même.

3)      Lorsqu’une décision certifiée par une juridiction d’un État membre conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 2201/2003 est contestée au motif de l’incompétence de la juridiction d’origine ou de l’inapplicabilité de l’article 11, paragraphe 8, dudit règlement, la seule voie de recours possible consiste à faire appel de la décision elle-même (et non pas du certificat) devant les juridictions de cet État membre. Les juridictions de l’État membre d’exécution ne disposent d’aucune compétence pour refuser ou surseoir à l’exécution.

4)      Une décision rendue par une juridiction de l’État d’exécution, attribuant provisoirement la garde au parent qui a enlevé l’enfant, ne fait pas obstacle à l’exécution d’une ordonnance de retour rendue antérieurement dans l’État d’origine en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 2201/2003.

5)      Lorsqu’une décision certifiée par une juridiction d’un État membre conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 2201/2003 est contestée au motif que son exécution mettrait gravement en danger l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison du changement de la situation depuis que cette décision a été rendue, la seule voie de recours possible consiste à faire appel de la décision elle-même (et non pas du certificat) devant les juridictions de cet État membre. Les juridictions de l’État membre d’exécution ne disposent d’aucune compétence pour refuser ou surseoir à l’exécution.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Règlement du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1, ci-après le «règlement»).


3 – Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue le 25 octobre 1980 et en vigueur depuis le 1er décembre 1983, à laquelle tous les États membres sont parties (ci-après la «convention»). Contrairement au règlement, cette convention ne contient pas de règles de compétence. À cet égard, le règlement s’inspire de la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, conclue à La Haye le 19 octobre 1996 (JO 2008, L 151, p. 39). Il convient de noter que, en vertu de son article 60, le règlement prévaut sur la convention dans la mesure où celle-ci concerne des matières régies par ledit règlement.


4 – Les articles 9 et 12, qui concernent, respectivement, le cas où un enfant a déménagé légalement dans un autre État membre et le cas où la compétence des juridictions d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien étroit est acceptée de manière non équivoque par toutes les parties, ne sont pas pertinents pour la présente affaire.


5 –      L’article 53 du règlement prévoit la désignation, par chaque État membre, d’une ou de plusieurs autorités centrales «chargées de l’assister dans l’application du présent règlement» (voir point 22 de la présente prise de position).


6 –      L’article 56 du règlement concerne le placement de l’enfant dans un établissement ou dans une famille d’accueil dans un autre État membre.


7 –      La citation ne reprend que les références aux dispositions concernant la responsabilité parentale, à l’exclusion de celles concernant le divorce, la séparation de corps ou l’annulation du mariage, qui ne sont pas pertinentes ici.


8 – Arrêt du 11 juillet 2008 (C‑195/08 PPU, Rec. p. I‑5271).


9 – Il ne ressort pas du dossier pour quelle raison les procédures en Autriche ont été poursuivies devant deux tribunaux cantonaux différents.


10 – Voir à la note 36 de la présente prise de position.


11 – Précité à la note 8.


12 – Voir aussi arrêt Rinau, précité à la note 8 (points 47 et suiv.), ainsi que ma prise de position dans la même affaire (points 15 et suiv.).


13 – Le règlement concerne à la fois les cas de déplacement illicite et ceux de non-retour illicite. Dans ce qui suit, je parlerai seulement de «déplacement illicite», car telle est la situation dans la présente affaire. Toutes les considérations exprimées se rapportent, néanmoins, aux deux cas de figure.


14 – Ainsi que le gouvernement italien l’a précisé lors de l’audience, il semble que l’expression «le ‘pouvoir de décision parental’, notamment le droit de déterminer le lieu de résidence», utilisée dans la question préjudicielle, ne reflète pas tout à fait correctement le contenu de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 23 mai 2008. Toutefois, il est constant que cette décision concerne bien la garde de l’enfant et n’implique pas son retour.


15 – Je me demande même si tel n’est pas le cas, dans une certaine mesure, dans la présente affaire. En effet, l’Oberster Gerichtshof semble supposer que le Tribunale per i Minorenni di Venezia a accordé la garde provisoirement à la mère surtout afin d’éviter des déplacements répétés de l’enfant, alors que, selon ma lecture de l’ordonnance du 23 mai 2008, ce tribunal cherchait notamment à faciliter les déplacements de l’enfant, avec la mère, entre l’Autriche et l’Italie, afin de maintenir ses contacts avec le père.


16 – Voir douzième considérant du règlement. Il convient de noter, en outre, que le critère de la proximité est susceptible, par sa nature, de produire des résultats qui varieront avec l’écoulement du temps.


17 – Je marque néanmoins mon accord avec la précision apportée par le gouvernement français à l’audience, à savoir qu’il s’agit là non pas d’une sanction infligée au «parent enleveur», mais plutôt d’une mesure qui vise à rétablir la situation juridique qui aurait prévalu en l’absence du déplacement illicite.


18 – Proposition de règlement du Conseil, du 17 mai 2002, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 et modifiant le règlement (CE) n° 44/2001 en ce qui concerne les questions alimentaires [COM(2002) 222 final/2] à l’égard de l’article 21 de la proposition de règlement, qui est devenu l’article 10 du règlement. La rédaction de la disposition a changé, mais le contenu reste essentiellement le même.


19 – Voir points 28 et 29 de la présente prise de position.


20 – Précitée à la note 3. Cette convention a été signée par tous les États membres de l’Union à l’exception de la République de Malte, mais elle n’a été ratifiée à ce jour que par huit d’entre eux, à l’exclusion de la République d’Autriche et de la République italienne. Tous les autres États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, ont été autorisés à la ratifier ou à y adhérer simultanément, dans l’intérêt de l’Union (voir décision 2008/431/CE du Conseil, du 5 juin 2008, autorisant certains États membres à ratifier la convention de La Haye de 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants ou à y adhérer, dans l’intérêt de la Communauté européenne, et autorisant certains États membres à procéder à une déclaration relative à l’application des règles internes pertinentes du droit communautaire - Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, JO L 151, p. 36).


21 – Voir, notamment, section II, sous a), du document 13940/02 du Conseil, du 8 novembre 2002 (points 11 et suiv.).


22 – Il se peut que ce délai s’explique par une mauvaise compréhension de l’article 11, paragraphe 7, du règlement, qui prévoit un délai de trois mois pour permettre aux parties de présenter des observations sur la décision de non-retour, mais nous ne disposons pas d’informations à cet égard.


23 – Je cite ici l’illustration du cas d’espèce, mais des circonstances comparables ressortent également des affaires Rinau, précitée, et Purrucker (C‑256/09), pendante devant la Cour. Dans le présent cas, je note que certains retards dans la communication de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 23 mai 2008 aux juridictions autrichiennes et de la demande de transfert de compétence du Bezirksgericht Judenburg du 26 mai 2009 au Tribunale per i Minorenni di Venezia auraient pu contribuer également à l’allongement de la procédure.


24 – Voir mes conclusions dans l’affaire Purrucker, précitée à la note 23 (points 118 et suiv.).


25 – Précité à la note 8 (notamment, points 63 et suiv.).


26 – Article 42, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), et annexe IV, point 13, du règlement.


27 – Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15).


28 – «Lorsque le débiteur a […] demandé […] le retrait d’un certificat de titre exécutoire européen conformément à l’article 10, la juridiction ou l’autorité compétente dans l’État membre d’exécution peut, à la demande du débiteur […] c) dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure d’exécution».


29 – Voir, par exemple, dans le cadre du règlement, document 7730/03 de la délégation allemande, du 21 mars 2003, qui plaide ardemment (p. 10) en faveur de la possibilité d’un recours contre la délivrance du certificat – position qui n’a pourtant pas été retenue dans le règlement tel qu’adopté. Dans le cadre du règlement n° 805/2004, par contre, il est à noter que la proposition initiale de la Commission [COM(2002) 159 final] prévoyait simplement, mais avec un raisonnement complet et explicite dans l’exposé des motifs, que la décision statuant sur une demande de certificat «n’est pas susceptible de recours» – position que la Commission a maintenue dans sa proposition modifiée [COM(2003) 341 final] même après une proposition d’amendement du Parlement européen établissant une possibilité de recours, mais qui n’a pas été retenue par le Parlement et le Conseil dans le texte finalement adopté.


30 – Voir arrêt Rinau, précité à la note 8, points 58 et suiv. Une telle ordonnance, si elle ne jouit pas de la force exécutoire immédiate prévue aux articles 42 et 47 du règlement, peut néanmoins bénéficier des procédures de reconnaissance et d’exécution prévues pour d’autres décisions aux articles 28 et suiv.


31 – Précitée à la note 8; voir, en particulier, points 85 à 96 de la prise de position.


32 – Précitée à la note 23; voir, en particulier, points 127, 128 et 148 à 154 des conclusions.


33 – Article 35 du règlement, dans la section 2 du chapitre III, qui ne s’applique pas aux décisions ordonnant le retour de l’enfant, régies par la section 4.


34 – Voir document 7730/03 de la délégation allemande, du 21 mars 2003, précitée à la note 29. Il s’agissait alors de l’article 48 du projet de règlement.


35 – Voir point 91 de la présente prise de position.


36 – En se référant à l’article «15(b)(5)», il n’est pas certain que le Tribunale per i Minorenni di Venezia ait voulu viser le point b) des paragraphes 1, 2 ou 3 de l’article 15 du règlement, chacun pouvant être pertinent le cas échéant. L’explication la plus plausible semble néanmoins que la mère a demandé à cette juridiction, au titre du paragraphe 1, sous b), de demander au Bezirksgericht Judenburg «d’exercer sa compétence conformément au paragraphe 5».


37 – Je relève, en outre, que l’enfant avait résidé de manière habituelle en Autriche pendant plus de la moitié de sa vie (qu’il y ait ou non acquis une nouvelle «résidence habituelle» au sens de règlement), ce qui pourrait éventuellement satisfaire à la condition sous b), selon son libellé en français, mais pas nécessairement dans d’autres versions linguistiques.


38 – Je note que la version anglaise du règlement prévoit, plus explicitement, que la juridiction concernée accepte la compétence, et non pas qu’elle sedéclare compétente.


39 – Il ressort de la décision du Tribunale per i Minorenni di Venezia du 10 juillet 2009 que le Bezirksgericht Judenburg a effectivement formulé une telle demande – mais simultanément avec sa déclaration de sa propre compétence et donc sans attendre la réponse à cette demande.


40 – Je relève, par ailleurs, que l’article 15 n’est d’application que si la juridiction qui transfère l’affaire est elle-même compétente. En se basant sur cet article, le Bezirksgericht Judenburg a donc, implicitement mais nécessairement, reconnu la compétence du Tribunale per i Minorenni di Venezia à la date du 26 mai 2009.


41 – Voir point 120 de la présente prise de position.