Language of document : ECLI:EU:C:2003:147

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 11 mars 2003 (1)

Affaire C-322/01

Deutscher Apothekerverband eV

contre

1. 0800 DocMorris NV

2. Jacques Waterval

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Frankfurt am Main (Allemagne)]

«Interprétation des articles 28 CE et 30 CE, de la directive 92/28/CEE du Conseil, du 31 mars 1992, concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain, et de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (‘directive sur le commerce électronique’) - Législation nationale restreignant les livraisons de médicaments à usage humain par les pharmacies établies dans un autre État membre à la suite de commandes individuelles de consommateurs via Internet - Exigence d'une prescription médicale - Interdiction de la publicité pour la vente par correspondance de médicaments - ‘Pharmacie Internet’»

Table des matières

    I - Introduction

I - 3

    II - Le cadre juridique

I - 4

        A - Le droit communautaire

I - 4

            1. L'autorisation des médicaments

I - 4

                a) Ancienne situation juridique: la directive 65/65/CEE dans la version résultant de la directive 93/39/CEE

I - 4

                b) Nouvelle situation juridique: la directive 2001/83/CE

I - 4

            2. La publicité à l'égard des médicaments

I - 5

                a) Ancienne situation juridique: la directive 92/28/CEE

I - 5

                b) Nouvelle situation juridique: le code communautaire

I - 7

            3. La vente à distance

I - 7

            4. Le commerce électronique

I - 8

        B - Le droit national

I - 9

            1. Le commerce des médicaments

I - 9

            2. La publicité à l'égard des médicaments

I - 11

    III - Les faits et le litige au principal

I - 12

    IV - Les questions préjudicielles

I - 14

    V - Sur la première question préjudicielle

I - 16

        A - Les médicaments non autorisés: première question préjudicielle, et première question, sous a) et b)

I - 16

            1. Applicabilité de principe de la directive 97/7 à l'interdiction de la vente par correspondance en cause

I - 17

                a) Arguments des parties

I - 17

                b) Appréciation

I - 17

            2. Le pouvoir réglementaire des États membres: limites découlant de la libre circulation des marchandises

I - 18

                a) Applicabilité de la libre circulation des marchandises: l'interdiction de la vente par correspondance, une modalité de vente?

I - 19

                    i) Arguments des parties

I - 19

                    ii) Appréciation

I - 19

                    - Exemples de modalités de vente dans la jurisprudence antérieure

I - 20

                    - Application à tous les opérateurs exerçant leur activité sur le territoire national

I - 22

                    - Effet sur la commercialisation des produits

I - 22

                    - L'élément déterminant: l'effet sur l'accès au marché

I - 23

                    - Solutions de rechange pour l'accès au marché: existence d'autres formes de vente

I - 26

                    - Charge de la preuve quant à l'existence d'une restriction

I - 28

                    iii) Conclusion intermédiaire concernant la première question préjudicielle et son point a)

I - 28

                b) Justification éventuelle de l'interdiction de la vente par correspondance [première question préjudicielle, sous b)]

I - 29

                    i) Arguments des parties

I - 29

                    ii) Appréciation

I - 30

                    - Motif de justification de la mesure

I - 30

                    - Proportionnalité de la mesure

I - 30

                    - Caractère approprié de la mesure nationale

I - 31

                    - Nécessité de la mesure nationale

I - 31

                    - Adéquation de la mesure nationale

I - 31

                    iii) Conclusion intermédiaire sur la première question préjudicielle, sous b)

I - 33

        B - Les médicaments autorisés: première question préjudicielle, sous c)

I - 33

            1. Arguments des parties

I - 33

            2. Appréciation

I - 33

                a) Le risque que les dispositions nationales soient tournées

I - 34

                b) Proportionnalité de l'interdiction de la vente par correspondance

I - 35

                    i) Appréciation au regard des objectifs poursuivis par l'interdiction de la vente par correspondance

I - 35

                    - Absence de conseil qualifié?

I - 35

                    - Nécessité d'assurer la protection du patient lors de la délivrance des médicaments

I - 37

                    - Nécessité de garantir un approvisionnement étendu et adapté aux besoins

I - 37

                    ii) Charge de la preuve incombant à l'État membre concerné

I - 38

                    iii) Conclusion intermédiaire sur la première question préjudicielle, sous c)

I - 39

    VI - Sur la deuxième question préjudicielle

I - 39

        A - La deuxième question préjudicielle et son point a)

I - 40

            1. Deuxième question préjudicielle: interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance ainsi que pour certains médicaments

I - 40

                a) Arguments des parties

I - 40

                b) Appréciation

I - 41

                    i) Interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance

I - 41

                    ii) Interdiction de la publicité pour les médicaments non autorisés dans l'État d'importation

I - 43

                    iii) Interdiction de la publicité pour des médicaments soumis à prescription médicale

I - 44

            2. Deuxième question préjudicielle, sous a): la présentation sur Internet, une publicité auprès du public?

I - 45

                a) Arguments des parties

I - 45

                b) Appréciation

I - 46

            3. Conclusion intermédiaire

I - 49

        B - La deuxième question préjudicielle, sous b): éléments du site Internet en tant que catalogue de vente et/ou liste de prix?

I - 50

            1. Arguments des parties

I - 50

            2. Appréciation

I - 50

            3. Conclusion intermédiaire

I - 52

        C - La libre prestation des services

I - 52

            1. Arguments des parties

I - 52

            2. Appréciation

I - 52

    VII - Sur la troisième question préjudicielle

I - 54

        1. Arguments des parties

I - 54

        2. Appréciation

I - 55

     VIII - Conclusion

I - 55

I - Introduction

1.
    La présente demande de décision préjudicielle porte sur ce qu'il est convenu d'appeler les pharmacies Internet et, plus précisément, sur le point de savoir si les États membres peuvent restreindre les livraisons de médicaments effectuées par des pharmacies établies dans un autre État membre à la suite de commandes individuelles passées via Internet par les consommateurs. En l'occurrence, il s'agit notamment de l'interprétation de la libre circulation des marchandises et d'une série de dispositions du droit dérivé.

II - Le cadre juridique

A - Le droit communautaire

1. L'autorisation des médicaments

a) Ancienne situation juridique: la directive 65/65/CEE dans la version résultant de la directive 93/39/CEE

2.
    Les principales dispositions relatives à l'autorisation des médicaments figurent dans la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments (2), telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil (ci-après la «directive 65/65») (3). Son article 3 dispose:

«Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation de mise sur le marché n'ait été délivrée par l'autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu'une autorisation n'ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments.

Les dispositions de la présente directive n'affectent pas les compétences des autorités des États membres, ni en matière de fixation des prix des médicaments ni en ce qui concerne leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, sur la base de conditions sanitaires, économiques et sociales.»

b) Nouvelle situation juridique: la directive 2001/83/CE

3.
    À partir du 18 décembre 2001, la directive 65/65 a été remplacée par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (4) (ci-après le «code communautaire»). L'article 6, paragraphe 1, du code communautaire dispose:

«Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation de mise sur le marché n'ait été délivrée par l'autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu'une autorisation n'ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n° 2309/93.»

2. La publicité à l'égard des médicaments

a) Ancienne situation juridique: la directive 92/28/CEE

4.
    À cet égard, c'est la directive 92/28/CEE du Conseil, du 31 mars 1992, concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain (5), qui est pertinente.

5.
    Son article 1er, paragraphes 3 et 4, dispose:

«3. Aux fins de la présente directive, on entend par ‘publicité pour des médicaments’ toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments; elle comprend en particulier:

-    la publicité pour les médicaments auprès du public,

-    la publicité pour les médicaments auprès des personnes habilitées à les prescrire ou à les délivrer,

-    la visite des délégués médicaux auprès de personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments,

-    la fourniture d'échantillons,

-    les incitations à prescrire ou à délivrer des médicaments par l'octroi, l'offre ou la promesse d'avantages, pécuniaires ou en nature, sauf lorsque leur valeur intrinsèque est minime,

-    le parrainage de réunions promotionnelles auxquelles assistent des personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments,

-    le parrainage des congrès scientifiques auxquels participent des personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments, et notamment la prise en charge de leurs frais de déplacement et de séjour à cette occasion.

4. Ne sont pas couverts par la présente directive:

-    l'étiquetage et la notice des médicaments, qui sont soumis aux dispositions de la directive 92/27/CEE,

-    la correspondance, accompagnée le cas échéant de tout document non publicitaire, nécessaire pour répondre à une question précise sur un médicament particulier,

-    les informations concrètes et les documents de référence relatifs, par exemple, aux changements d'emballages, aux mises en garde concernant les effets indésirables dans le cadre de la pharmacovigilance, ainsi qu'aux catalogues de vente et aux listes de prix pour autant que n'y figure aucune information sur le médicament,

-    les informations relatives à la santé humaine ou à des maladies humaines, pour autant qu'il n'y ait pas de référence, même indirecte, à un médicament.»

6.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1:

«Les États membres interdisent toute publicité faite à l'égard d'un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché conforme au droit communautaire n'a pas été délivrée.»

7.
    L'article 3 prévoit notamment:

«1. Les États membres interdisent la publicité auprès du public faite à l'égard des médicaments

-    qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, conformément à la directive 92/26/CEE,

-    qui contiennent des psychotropes ou des stupéfiants, au sens des conventions internationales,

-    qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une publicité auprès du public conformément au paragraphe 2.

2. Sont susceptibles de faire l'objet d'une publicité auprès du public les médicaments qui, par leur composition et leur objectif, sont prévus et conçus pour être utilisés sans intervention d'un médecin pour le diagnostic, la prescription ou la surveillance du traitement, au besoin avec le conseil du pharmacien.»

b) Nouvelle situation juridique: le code communautaire

8.
    À partir du 18 décembre 2001, la directive 92/28 a été remplacée par le code communautaire.

9.
    L'article 86 du code communautaire a en substance le même libellé que l'article 1er, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/28.

10.
    L'article 87 du code, qui remplace l'article 2 de la directive 92/28, dispose:

«1. Les États membres interdisent toute publicité faite à l'égard d'un médicament pour lequel une autorisation de mise sur le marché conforme au droit communautaire n'a pas été délivrée.

2. Tous les éléments de la publicité d'un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit.

3. La publicité faite à l'égard d'un médicament:

-    doit favoriser l'usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés,

-    ne peut être trompeuse.»

11.
    L'article 88 contient une disposition analogue à celle de l'article 3 de la directive 92/28.

3. La vente à distance

12.
    S'agissant de la vente à distance, c'est la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (6), qui est pertinente.

13.
    L'article 14 de la directive 97/7 dispose:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Ces dispositions comprennent, le cas échéant, l'interdiction, pour des raisons d'intérêt général, de la commercialisation sur leur territoire par voie de contrats à distance de certains biens ou services, notamment des médicaments, dans le respect du traité.»

4. Le commerce électronique

14.
    En ce qui concerne le commerce électronique, le texte pertinent est la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (7).

15.
    Aux termes du onzième considérant de la directive sur le commerce électronique:

«La présente directive est sans préjudice du niveau de protection existant notamment en matière de protection de la santé publique et des intérêts des consommateurs, établi par les instruments communautaires. [...] Ce même acquis communautaire, qui est pleinement applicable aux services de la société de l'information, englobe aussi notamment [...] la directive 92/28/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments.»

16.
    L'article 1er de la directive sur le commerce électronique prévoit entre autres:

«1. La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l'information entre les États membres.

2. La présente directive rapproche, dans la mesure nécessaire à la réalisation de l'objectif visé au paragraphe 1, certaines dispositions nationales applicables aux services de la société de l'information et qui concernent le marché intérieur, l'établissement des prestataires, les communications commerciales, les contrats par voie électronique, la responsabilité des intermédiaires, les codes de conduite, le règlement extrajudiciaire des litiges, les recours juridictionnels et la coopération entre États membres.

3. La présente directive complète le droit communautaire applicable aux services de la société de l'information sans préjudice du niveau de protection, notamment en matière de santé publique et des intérêts des consommateurs, établi par les instruments communautaires et la législation nationale les mettant en oeuvre dans la mesure où cela ne restreint pas la libre prestation de services de la société de l'information.

[...]»

17.
    L'article 3 dispose notamment:

«2. Les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre État membre.

[...]

4. Les États membres peuvent prendre, à l'égard d'un service donné de la société de l'information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies:

a)    les mesures doivent être:

    i)    nécessaires pour une des raisons suivantes:

        -    [...],

        -    la protection de la santé publique,

        -    [...],

        -    la protection des consommateurs, y compris des investisseurs;

    ii)    prises à l'encontre d'un service de la société de l'information qui porte atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d'atteinte à ces objectifs;

    iii)    proportionnelles à ces objectifs.»

18.
    En vertu des articles 5 et 6, le prestataire de services électroniques est tenu de fournir une série d'informations. L'article 10 prévoit l'obligation de rendre certaines données accessibles aux consommateurs.

B - Le droit national

1. Le commerce des médicaments

19.
    Les principales dispositions régissant le commerce des médicaments figurent dans l'Arzneimittelgesetz (8) (loi allemande sur les médicaments, ci-après l'«AMG»).

20.
    L'article 43, paragraphe 1, de l'AMG édicte en substance une interdiction de la vente par correspondance de médicaments en vente exclusivement en pharmacie. Il est ainsi libellé:

«Les médicaments au sens de l'article 2, paragraphe 1 ou paragraphe 2, point 1, qui ne sont pas en vente libre en dehors des pharmacies conformément aux dispositions de l'article 44 ou des dispositions juridiques adoptées sur la base de l'article 45, paragraphe 1, ne peuvent, hormis les cas prévus par l'article 47, être mis en circulation de manière professionnelle ou commerciale, pour la consommation finale, que dans des pharmacies et non par la voie de la vente par correspondance. Hormis les cas visés au paragraphe 4 et à l'article 47, paragraphe 1, il ne peut y avoir, en dehors des pharmacies, aucun commerce de médicaments qui sont réservés à ces dernières conformément à la première phrase de la présente disposition.»

21.
    L'AMG prévoit une série d'exceptions qui n'ont cependant pas trouvé application dans le litige au principal. L'article 44 de l'AMG établit pour divers médicaments des exceptions les dispensant de la vente en pharmacie. L'article 45, paragraphe 1, de l'AMG habilite le ministère fédéral compétent à autoriser la mise en circulation en dehors des pharmacies. L'article 47 de l'AMG prévoit la délivrance de médicaments en dehors des pharmacies, notamment à des hôpitaux et à des médecins.

22.
    L'AMG prévoit en outre une interdiction d'importation. Celle-ci est édictée au chapitre intitulé «Importation et exportation», et plus précisément à l'article 73. Le paragraphe 1 de cet article dispose notamment:

«1) Les médicaments soumis à agrément ou à enregistrement ne peuvent être introduits sur le territoire sur lequel la présente loi est applicable - excepté les zones franches autres que l'île d'Helgoland - que s'ils sont agréés ou enregistrés pour la circulation sur ce territoire ou s'ils sont dispensés de l'agrément ou de l'enregistrement et aux conditions suivantes:

1. si le produit est importé d'un État membre des Communautés européennes ou d'un autre État partie à l'Accord sur l'Espace économique européen, le destinataire doit être entrepreneur pharmaceutique, grossiste, vétérinaire ou exploitant d'une pharmacie ou

2. [...]»

23.
    L'article 73, paragraphe 2, point 6 bis, de l'AMG prévoit une dérogation à cette interdiction pour les médicaments qui «peuvent être mis en circulation dans le pays de provenance et qui ont été achetés sans intermédiaire professionnel ou commercial, en des quantités ne dépassant pas les besoins personnels normaux, dans un État membre des Communautés européennes ou dans un autre État partie à l'Accord sur l'Espace économique européen».

24.
    La juridiction de renvoi interprète les dispositions nationales en ce sens que, en l'espèce, l'exception de l'article 73, paragraphe 2, point 6 bis, de l'AMG ne joue pas en faveur des parties défenderesses. À son avis, tant l'interprétation systématique de cette exception que la finalité de ladite loi, telle qu'elle résulte des travaux préparatoires, militent en faveur d'une interprétation restrictive de cette disposition qui, précisément, n'est pas destinée à couvrir le commerce professionnel transfrontalier de masse via Internet des médicaments à usage humain.

25.
    Selon le gouvernement allemand, l'insertion de l'expression «sans intermédiaire commercial ou professionnel» vise à empêcher que l'importation individuelle de médicaments non autorisés ne soit développée de sorte que l'obligation d'autorisation soit éludée.

2. La publicité à l'égard des médicaments

26.
    L'article 3 bis du Gesetz über die Werbung auf dem Gebiete des Heilwesens (9) (loi allemande relative à la publicité dans le secteur de la santé, ci-après le «HWG»), interdit la «publicité pour des médicaments qui sont soumis à autorisation et qui ne sont pas autorisés ou réputés autorisés conformément à la législation sur les médicaments».

27.
    L'article 8 du HWG dispose:

«1) Est interdite toute publicité incitant à l'achat par correspondance de médicaments dont la délivrance est réservée aux pharmacies. Cette interdiction ne s'applique pas à une publicité qui concerne la délivrance de médicaments dans les cas prévus à l'article 47 de l'Arzneimittelgesetz.

2) Est en outre interdite la publicité qui propose de procurer des médicaments par la voie du téléachat ou certains médicaments par la voie de l'importation individuelle au sens de l'article 73, paragraphe 2, point 6 bis, ou de l'article 73, paragraphe 3, de l'Arzneimittelgesetz.»

28.
    Selon le gouvernement allemand, ces dispositions visent à empêcher que l'importation individuelle de médicaments non autorisés ne soit développée par des mesures publicitaires à une échelle qui s'analyse comme une atteinte au régime d'autorisation.

L'article 10 du HWG prévoit:

«1) La publicité pour des médicaments soumis à prescription médicale ne peut être faite qu'auprès des médecins, des dentistes, des vétérinaires, des pharmaciens et des personnes qui sont habilitées à faire le commerce de ces médicaments.

2) S'agissant de médicaments qui sont destinés à remédier, chez l'homme, à l'insomnie ou à des troubles psychiques, ou à influencer l'humeur, aucune publicité n'est autorisée en dehors des milieux professionnels.»

III - Les faits et le litige au principal

29.
    Au nombre des missions statutaires du Deutscher Apothekerverband eV (partie demanderesse au principal, ci-après l'«Apothekerverband») figurent la défense et la promotion des intérêts économiques et sociaux de la profession de pharmacien. Les membres de l'Apothekerverband sont les fédérations et associations de pharmaciens des Länder, qui représentent quant à elles plus de 19 000 gérants de pharmacies.

30.
    Le premier défendeur au principal, 0800 DocMorris NV (ci-après «DocMorris») est une pharmacie néerlandaise établie à Kerkrade (Pays-Bas). Le deuxième défendeur, M. Jacques Waterval, est pharmacien et l'un des représentants légaux de DocMorris. Il est en outre l'un des initiateurs de ce qu'il est convenu d'appeler la «Pharmacie Internet», l'un des directeurs de la rédaction ainsi que le président du comité d'experts de la «Pharmacie Internet».

31.
    Depuis le 8 juin 2000, DocMorris et M. Waterval offrent à la vente, sous l'adresse Internet «www.0800DocMorris.com», notamment en langue allemande pour le consommateur final en Allemagne, des médicaments à usage humain, soumis ou non soumis à prescription médicale. Il s'agit de médicaments qui sont, en partie, autorisés en Allemagne et, pour la plupart, autorisés dans un autre État membre. À titre liminaire, le portail Internet de DocMorris renvoie à un jugement du Landgericht Frankfurt am Main (Allemagne) du 9 novembre 2000, qui, dans le cadre d'un référé, a interdit à titre provisoire la vente professionnelle par correspondance de médicaments destinés à être vendus exclusivement en pharmacie à des consommateurs finals en Allemagne, ainsi que la publicité y afférente. Dans son arrêt du 31 mai 2001, statuant sur l'appel interjeté par DocMorris et M. Waterval, l'Oberlandesgericht Frankfurt am Main a en substance confirmé ce jugement.

Le site Internet des défenderesses au principal se subdivise ensuite en rubriques intitulées «Pharmacie», «Forum de santé», «Qui sommes-nous?», «Contact» et «Aide». Dans ce qu'il est convenu d'appeler le «Forum des patients», le consommateur final peut dialoguer avec d'autres consommateurs via Internet. La langue allemande, anglaise ou néerlandaise peut être choisie à cet effet. Le consommateur a en outre la possibilité de consulter le comité d'experts sur des questions de santé. De manière générale, le consommateur peut contacter DocMorris et M. Waterval non seulement par une communication via Internet, mais également grâce à un numéro vert ou par lettre.

Les différents médicaments sont répartis par catégories de produits. On trouve ainsi les rubriques «Analgésiques», «Hypotenseurs», «Médications contre le cancer», «Immunostimulants», «Médicaments contre le cholestérol», «Médicaments pour la prostate/pour la virilité», «Désintoxication» et autres. Chaque rubrique comprend d'abord une introduction composée de quelques phrases. Les médicaments sont ensuite énumérés par ordre alphabétique selon leur dénomination, le contenu du conditionnement est décrit et le prix est indiqué en euros. À côté de l'avertissement, le cas échéant, qu'un médicament donné est soumis à prescription médicale se trouve une case. Le médicament correspondant est commandé en cliquant sur cette case. De plus amples informations sur le produit lui-même peuvent être obtenues en cliquant sur la dénomination du produit. Le consommateur a en outre la possibilité, en cliquant sur l'icone approprié, de rechercher un produit déterminé dans la gamme. Des prestations de services par Internet (recherche d'un médecin, influence des conditions météorologiques sur l'état de santé, recommandation de livres et autres) sont également proposées. DocMorris et M. Waterval classent un médicament déterminé comme étant soumis à prescription médicale lorsque ce médicament est considéré comme tel aux Pays-Bas ou dans l'État sur le territoire duquel le consommateur a son domicile. La délivrance de ce type de médicament n'a lieu que sur présentation de l'ordonnance médicale originale.

32.
    La livraison proprement dite peut s'effectuer de différentes manières. D'une part, le consommateur peut aller retirer personnellement sa commande chez DocMorris. D'autre part, sans frais supplémentaires, il peut charger un service de messagerie recommandé par DocMorris de récupérer la commande et de la remettre à l'adresse indiquée du destinataire. Le consommateur peut enfin faire appel, à ses propres frais, à un autre service de messagerie.

33.
    L'Apothekerverband conteste, devant le Landgericht Frankfurt am Main, l'offre de médicaments sous la forme susmentionnée et la délivrance par la voie de la vente par correspondance transfrontalière. À son avis, les dispositions de l'AMG et du HWG ne permettent pas l'exercice d'une telle activité. Une interdiction de cette nature ne saurait non plus être mise en cause sur le fondement des articles 28 CE et 30 CE.

34.
    DocMorris et M. Waterval estiment que le seul droit national permet déjà leur activité et que, en toute hypothèse, une interdiction nationale est inadmissible à la lumière des dispositions du droit communautaire.

35.
    Le Landgericht s'est demandé si les principes énoncés dans l'arrêt Ortscheit (10) étaient encore applicables en l'espèce, eu égard au temps qui s'est écoulé depuis et à la modification des conditions d'autorisation des médicaments à usage humain dans les États membres.

36.
    Se référant au HWG, le Landgericht indique qu'il y a lieu de qualifier de publicité, au sens des dispositions précitées, le site Internet de DocMorris qui mentionne les différents médicaments en précisant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et qui prévoit en même temps la possibilité de passer commande. Une telle interdiction de la publicité pourrait avoir pour effet de rendre sensiblement plus difficile la présentation d'une pharmacie Internet offrant en même temps la possibilité de commander un médicament déterminé, puisque les données minimales nécessaires pour une commande ne pourraient plus être indiquées sur les formulaires de commande en ligne. La question se poserait dès lors de savoir si une telle interdiction de publicité est compatible avec les principes de la libre circulation des marchandises et de la libre circulation des services de la société de l'information au sens de la directive sur le commerce électronique.

37.
    Le Landgericht ne s'est pas estimé lié par l'arrêt Ortscheit, précité, car, d'une part, cet arrêt ne concernait que l'interdiction édictée à l'article 8, paragraphe 2, du HWG qui ne s'applique pas en l'espèce et, d'autre part, eu égard aux considérations qui précèdent, la notion de publicité dans le cas d'un site Internet d'une pharmacie requiert peut-être un examen particulier. Dans ce contexte, la question se poserait également de savoir si l'harmonisation considérable des procédures pour l'autorisation des médicaments à usage humain, qui a été entre-temps réalisée, ainsi que l'autorisation communautaire de la publicité pour les médicaments non soumis à prescription médicale, qui est envisagée, n'appellent pas, conformément au droit communautaire, une autre définition, plus restrictive, de la notion de publicité. La mise en oeuvre efficace du principe de la libre circulation (transfrontalière) des marchandises pourrait se voir contrariée si le site Internet de DocMorris était rendu totalement ou en grande partie impossible, au motif que DocMorris fait de la publicité interdite pour des médicaments à usage humain.

IV - Les questions préjudicielles

38.
    Par ordonnance rendue le 10 août 2001 et parvenue au greffe de la Cour le 21 août 2001, le Landgericht Frankfurt am Main a par conséquent saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)    Une législation nationale qui interdit l'importation commerciale de médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d'autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final, viole-t-elle les principes de la libre circulation des marchandises au sens des articles 28 CE et suivants?

    a)    Une telle interdiction nationale constitue-t-elle une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 CE?

    b)    En cas de réponse affirmative à la question sous a): l'article 30 CE doit-il être interprété en ce sens qu'une interdiction nationale pour des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes est justifiée lorsque la délivrance de médicaments soumis à prescription médicale est subordonnée à la réception préalable, par la pharmacie expéditrice, d'une ordonnance médicale originale? Quelles exigences doivent, le cas échéant, être imposées à une telle pharmacie en ce qui concerne le contrôle de la commande, du colis et de la réception?

    c)    Les questions 1, 1 a) et 1 b) ci-dessus appellent-elles une appréciation différente à la lumière des articles 28 CE et 30 CE s'il s'agit de l'importation de médicaments autorisés dans l'État d'importation qu'une pharmacie établie dans un État membre de l'Union européenne a auparavant achetés auprès de grossistes de l'État d'importation?

2)    Est-il compatible avec les articles 28 CE et 30 CE qu'une interdiction nationale de publicité pour la vente de médicaments par correspondance, ainsi que pour les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale et pour les médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, qui sont autorisés dans l'État d'origine, mais pas dans l'État d'importation, reçoive une interprétation large au point que l'on qualifie de publicité interdite le portail Internet d'une pharmacie d'un État membre de l'Union européenne qui, outre la simple présentation de l'entreprise, décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne, de sorte que les commandes transfrontalières de médicaments via Internet, y compris la livraison transfrontalière de ces médicaments, sont en tout cas rendues sensiblement plus difficiles?

    a)    Eu égard à l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000 (directive sur le commerce électronique), les articles 28 CE et 30 CE commandent-ils d'exclure ladite présentation sur Internet d'une pharmacie d'un État membre de l'Union européenne, ou certains éléments de cette présentation, de la notion de publicité auprès du public au sens de l'article 1er, paragraphe 3, et de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28/CEE du Conseil, du 31 mars 1992 (directive concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain), afin d'assurer également en pratique l'offre de certains services de la société de l'information?

    b)    Une restriction éventuelle de la notion de publicité, imposée au titre des articles 28 CE et 30 CE, peut-elle être justifiée en ce qu'il y a lieu d'assimiler les bulletins de commande en ligne, qui ne contiennent que le minimum d'informations nécessaires pour passer commande, et/ou d'autres éléments du site Internet d'une pharmacie d'un État membre de l'Union européenne à des catalogues de vente et/ou à des listes de prix, au sens de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28/CEE?

3)    Dans l'hypothèse où certains aspects partiels de la présentation sur Internet d'une pharmacie d'un État membre de l'Union européenne violent des dispositions concernant la publicité pharmaceutique, faut-il inférer des articles 28 CE et 30 CE que le commerce transfrontalier de médicaments qui a lieu grâce à cette présentation doit être considéré comme légalement admissible, malgré la publicité prohibée, pour assurer une mise en oeuvre plus efficace du principe de la libre circulation des marchandises?»

V - Sur la première question préjudicielle

39.
    Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi soulève expressément le point de savoir si l'interdiction nationale de «l'importation commerciale de médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance» (11) (ci-après l'«interdiction de la vente par correspondance»), viole la libre circulation des marchandises. À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre d'une procédure préjudicielle en application de l'article 234 CE, la Cour n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité du droit national avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (12).

40.
    Ainsi qu'il résulte de la première question préjudicielle, sous c), la première question préjudicielle et la première question, sous a) et b), concernent les médicaments non autorisés en Allemagne. En revanche, la première question préjudicielle, sous c), a pour objet les médicaments autorisés en Allemagne. L'articulation suivante repose sur cette distinction.

A - Les médicaments non autorisés: première question préjudicielle, et première question, sous a) et b)

1. Applicabilité de principe de la directive 97/7 à l'interdiction de la vente par correspondance en cause

a) Arguments des parties

41.
    De l'avis de DocMorris, l'article 14 de la directive 97/7 ne saurait justifier une interdiction générale de la vente de médicaments par correspondance parce que cette disposition prévoit expressément qu'il y a lieu de respecter les dispositions du droit primaire de rang supérieur.

42.
    L'Apothekerverband fait valoir que les modalités de vente et de délivrance des médicaments n'ont pas encore été harmonisées sous l'angle de la soumission à prescription médicale et de la vente par correspondance via Internet.

43.
    Dans ses observations relatives au droit dérivé, le gouvernement allemand se réfère à la directive 65/65 ou au code communautaire et à l'interdiction qui y est édictée de la mise sur le marché de médicaments non autorisés. La prohibition de la vente par correspondance viserait à empêcher que cette interdiction ne soit éludée.

44.
    Le gouvernement grec, s'appuyant sur les dispositions de la directive 89/552/CEE (13), se prononce en faveur de la licéité de l'interdiction de la vente par correspondance.

45.
    Le gouvernement français note que la vente de médicaments ne fait pas l'objet d'une harmonisation.

46.
    Le gouvernement autrichien rappelle que, en vertu de l'article 14 de la directive 97/7, les États membres ont la possibilité d'interdire la commercialisation. Puisque la commercialisation des médicaments ne fait pas encore l'objet d'une harmonisation complète, les États membres resteraient compétents pour édicter des réglementations nationales.

47.
    Selon la Commission, l'interdiction de la vente de médicaments par correspondance est couverte par l'article 3 de la directive 65/65 ou par l'article 6 du code communautaire.

b) Appréciation

48.
    À titre liminaire, il convient de rappeler le principe général selon lequel les dispositions du droit dérivé peuvent l'emporter sur celles du droit primaire. Il s'ensuit que toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l'objet d'une harmonisation exhaustive au niveau communautaire doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d'harmonisation et non pas de celles des articles 28 CE et 30 CE (14).

49.
    Par conséquent, à supposer qu'en l'espèce la directive 97/7 vise à réaliser une harmonisation complète, ce sont ces dispositions du droit dérivé et non pas le droit primaire, à savoir en l'occurrence la libre circulation des marchandises, qui s'appliqueraient. Toutefois, même en pareille hypothèse, le droit primaire continue à jouer un rôle malgré la primauté du droit dérivé: d'une part, les dispositions du droit dérivé doivent être interprétées à la lumière du droit primaire et, d'autre part, les dispositions du droit dérivé peuvent elles-mêmes renvoyer au droit primaire.

50.
    Tel est précisément le cas de l'article 14 de la directive 97/7 auquel plusieurs parties à la présente procédure ont expressément fait référence. En effet, s'il est vrai que l'article 14 dispose expressément que les États membres peuvent prévoir «l'interdiction [...] de la commercialisation sur leur territoire par voie de contrats à distance de certains biens ou services, notamment des médicaments», il n'en demeure pas moins qu'il limite en même temps cette habilitation en précisant qu'elle ne peut être utilisée que «dans le respect du traité».

51.
    Au nombre des dispositions du «traité» qui est ainsi expressément visé dans la directive 97/7 figurent également les libertés fondamentales, et notamment la libre circulation des marchandises qui est pertinente en l'espèce. Cette liberté reste par conséquent applicable également dans le champ d'application de la directive 97/7.

52.
    En ce qui concerne la directive sur le commerce électronique, on observera que sa transposition en droit interne ne devait être assurée qu'au 17 janvier 2002 et qu'elle n'est donc pas applicable aux faits du litige au principal.

2. Le pouvoir réglementaire des États membres: limites découlant de la libre circulation des marchandises

53.
    Étant donné que le droit dérivé contient certes des dispositions pertinentes en matière d'échanges de médicaments, mais que la libre circulation des marchandises conserve néanmoins un champ d'application, il convient d'aborder dans les développements qui suivent la libre circulation des marchandises. À cet égard, la question se pose tout d'abord de savoir si la législation allemande en cause relève du champ d'application de cette liberté. Il conviendra ensuite d'examiner si une entrave existe et, dans l'affirmative, si cette entrave peut être justifiée.

a) Applicabilité de la libre circulation des marchandises: l'interdiction de la vente par correspondance, une modalité de vente?

54.
    Dans ce contexte, il convient d'examiner si l'interdiction de la vente par correspondance remplit les conditions posées par ce qu'il est convenu d'appeler la formule Keck (15), c'est-à-dire s'il y a lieu de la qualifier de modalité de vente, et si de ce fait l'article 28 CE n'est pas du tout applicable.

i) Arguments des parties

55.
    Selon DocMorris, il n'y a pas lieu de considérer l'interdiction de la vente par correspondance comme une modalité de vente parce qu'elle ne remplit pas les conditions de la formule Keck. En effet, l'interdiction n'affecte pas de la même manière la commercialisation des médicaments nationaux et des médicaments étrangers. En raison des règles strictes du droit allemand des pharmacies, la vente directe revêt une importance considérable et l'interdiction de la vente par correspondance constitue une mesure d'effet équivalent.

56.
    L'Apothekerverband, les gouvernements français et autrichien ainsi que la Commission qualifient l'interdiction de la vente par correspondance de simple modalité de vente.

57.
    Selon le gouvernement allemand, l'interdiction de la vente par correspondance constitue une modalité de vente et l'exigence d'une autorisation de mise sur le marché qui découle du droit dérivé n'est pas de nature à contrarier la libre circulation des marchandises.

ii) Appréciation

58.
    Afin de déterminer s'il y a lieu de considérer l'interdiction de la vente par correspondance comme une modalité de vente, il convient d'examiner dans les développements qui suivent chacune des conditions qui ont été énoncées dans la jurisprudence de la Cour par ce qu'il est convenu d'appeler la formule Keck.

59.
    Pour relever de l'exception établie par la formule Keck, il faut que les mesures nationales satisfassent aux conditions suivantes: d'une part, elles doivent s'appliquer à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national (universalité) (16); d'autre part, elles doivent affecter de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres (neutralité) (17).

60.
    Il résulte certes de ces critères que la formule Keck ne vise que certaines modalités de vente, mais la jurisprudence ne doit pas être mal interprétée en ce sens qu'il existerait une prétendue troisième catégorie (18). Par définition, il n'y a que deux catégories de situations: les cas couverts par la formule Keck, d'une part, et ceux qu'elle ne couvre pas, d'autre part.

- Exemples de modalités de vente dans la jurisprudence antérieure

61.
    Jusqu'à présent, la Cour a rangé les mesures nationales suivantes au nombre de celles relevant de la formule Keck: des limitations de temps telle l'interdiction d'ouverture dominicale des commerces (19); des restrictions relatives à la personne qui peut vendre des marchandises ou auprès de laquelle celles-ci doivent être achetées, telles l'interdiction de la commercialisation de laits transformés du premier âge en dehors des pharmacies (20), l'interdiction de la vente de tabacs manufacturés par des personnes autres que les détaillants dûment autorisés (21) ainsi que l'interdiction d'acheter des boissons auprès de personnes autres que les titulaires d'une autorisation de fabrication ou de commerce de gros (22). La Cour a en outre admis en tant que modalité de vente au sens de la formule Keck une interdiction imposée aux pharmaciens de faire de la publicité, en dehors de l'officine, pour les produits parapharmaceutiques vendus en pharmacie (23) ainsi qu'une interdiction de la publicité télévisée dans le secteur de la distribution (24). À cela s'ajoutent des réglementations relatives à la publicité sans lien matériel avec le produit (25) et aux ventes avec une marge bénéficiaire réduite (26).

62.
    Selon la jurisprudence de la Cour, ne relèvent pas de la formule Keck en premier lieu les mesures nationales qui ont pour objet de régir les échanges de marchandises entre les États membres (27).

63.
    En deuxième lieu, la Cour n'a pas classé - explicitement ou implicitement - parmi les mesures nationales relevant de la formule Keck celles qui exposent les marchandises importées à des coûts supplémentaires (28). Sont principalement concernées les mesures qui exigent une adaptation des caractéristiques intrinsèques, telle la composition, ou extrinsèques, tel la dénomination ou le conditionnement, des produits importés (29). La question des coûts sert par conséquent à apprécier les effets sur les échanges (30), ainsi que DocMorris le relève à juste titre.

64.
    C'est ce qui ressort particulièrement dans l'arrêt TK-Heimdienst concernant une réglementation qui «impose [à certaines entreprises] ayant déjà un établissement fixe dans un autre État membre, qui souhaitent commercialiser leurs marchandises par la vente ambulante dans une circonscription administrative donnée [...] d'ouvrir ou d'acquérir un autre établissement fixe dans cette circonscription administrative ou dans une commune limitrophe, alors que les opérateurs économiques locaux, eux, répondent déjà au critère de l'établissement fixe. Par conséquent, pour que les produits en provenance d'autres États membres puissent avoir le même accès au marché de l'État membre d'importation que les produits nationaux, ils doivent supporter des coûts supplémentaires» (31).

65.
    Dans les développements qui suivent, il conviendra dès lors d'examiner si les conditions posées par la formule Keck sont remplies.

- Application à tous les opérateurs exerçant leur activité sur le territoire national

66.
    Il résulte déjà des termes mêmes de la législation nationale pertinente, à savoir l'AMG, que la mesure d'interdiction de la vente par correspondance s'applique tant aux pharmaciens nationaux qu'aux pharmaciens étrangers. L'interdiction en cause remplit par conséquent la première condition posée par la formule Keck, selon laquelle la mesure doit s'appliquer à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national (32).

- Effet sur la commercialisation des produits

67.
    La formule Keck ne couvre que les mesures qui affectent de la même manière, en droit comme en fait, les produits nationaux et ceux en provenance d'autres États membres (33).

68.
    À cet égard, il convient d'aborder en premier lieu le point de savoir si les répercussions d'une mesure sur le volume des ventes constituent un critère déterminant pour en apprécier l'effet sur la commercialisation. S'il est vrai que l'arrêt Ortscheit le laisse supposer, il ne faut cependant pas surestimer la portée de la constatation que la Cour a faite dans cet arrêt. En effet, d'une part, dans l'affaire Ortscheit, la restriction potentielle de la circulation des marchandises est au premier plan (34) et, d'autre part, la Cour a déjà relativisé l'importance de ce critère auparavant dans l'arrêt Keck et Mithouard (35) lui-même et dans l'arrêt Hünermund e.a. (36) ainsi que, par la suite, dans l'arrêt Leclerc-Siplec (37) (38).

69.
    En ce qui concerne la condition selon laquelle les produits nationaux et les produits étrangers doivent être affectés de la même manière, en droit comme en fait, il y a lieu de constater, pour ce qui a trait à la législation en cause, que celle-ci s'applique de la même manière aux médicaments tant nationaux qu'étrangers, c'est-à-dire sans distinguer selon l'origine des marchandises.

70.
    Si l'on applique à la législation en question l'arrêt TK-Heimdienst auquel certaines parties ont fait référence, et à supposer que l'ouverture d'une pharmacie en Allemagne, c'est-à-dire d'un établissement sur le territoire national, constitue la seule possibilité de vendre des médicaments, les pharmacies nationales, à savoir allemandes, seraient favorisées, puisqu'elles disposent déjà d'un tel établissement (39).

71.
    La circonstance que le présent cas d'espèce se différencie de la situation en cause dans l'affaire TK-Heimdienst en ce que l'interdiction de la vente par correspondance s'applique à toutes les pharmacies et qu'il n'existe pas non plus d'exceptions pour les pharmacies établies sur le territoire national milite finalement en ce sens que la formule Keck est satisfaite. En effet, le droit allemand prévoit une prohibition générale de la forme de vente via Internet.

72.
    Par conséquent, si l'on s'en tenait uniquement au fait que la législation allemande ne distingue pas formellement selon l'origine de la marchandise, on pourrait arrêter là l'examen au regard de la formule Keck et constater que l'interdiction de la vente par correspondance remplit les conditions de la formule Keck et constitue dès lors une modalité de vente.

73.
    Or, comme nous le verrons ci-après, l'interprétation d'une disposition du droit communautaire aussi cruciale que celle de la libre circulation des marchandises, et notamment de l'article 28 CE, ne saurait se réduire à une application mécanique des deux conditions traditionnelles de la formule Keck.

- L'élément déterminant: l'effet sur l'accès au marché

74.
    En définitive, les deux conditions - traditionnelles - de la formule Keck ne sont que l'expression de la condition générale, selon laquelle il importe que la mesure, s'agissant des produits en provenance d'un autre État membre, ne soit «pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu'elle ne gêne celui des produits nationaux» (40). En l'occurrence, il ne s'agit donc ni de la conséquence ni de la troisième condition, mais en quelque sorte du critère général suprême (41).

75.
    Le caractère peu satisfaisant d'une vision étroite de la formule Keck qui n'embrasserait que les deux conditions, avec la restriction du contrôle que cela implique, est manifeste si l'on considère simplement que les dispositions de l'AMG, à savoir l'interdiction de la vente par correspondance, s'appliquent certes formellement de la même manière aux marchandises et aux pharmacies tant nationales qu'étrangères, mais que les pharmacies étrangères subissent un désavantage en ce que, à la différence des pharmacies allemandes, elles sont davantage tributaires de la forme de vente prohibée. C'est ce que démontre, par exemple, le fait que les clients allemands devraient avoir plus de difficulté à se rendre personnellement dans une pharmacie à l'étranger que dans l'officine de leurs pharmacies locales.

76.
    Le présent cas d'espèce met en évidence que, dans une conception étroite, les deux conditions posées par la formule Keck, et notamment le critère tiré de la même affectation des marchandises nationales et étrangères, ne fonctionnent pas en présence de mesures nationales rigoureuses, c'est-à-dire très restrictives, même si ces mesures nationales constituent des modalités de vente (42). Les réglementations concernant les modes de distribution peuvent ainsi restreindre l'accès au marché, à l'instar des réglementations relatives aux produits (43).

77.
    Il y a lieu en principe de constater que la formule Keck n'a vocation à s'appliquer que dans les cas où il s'agit de modalités qui doivent être respectées postérieurement à l'accès, déjà réalisé, au marché, et non pas pour des restrictions à l'accès même au marché (44).

78.
    Le critère déterminant devrait par conséquent porter sur le point de savoir si une mesure nationale rend l'accès au marché sensiblement plus difficile. Non seulement des voix importantes de la doctrine (45), mais également la Cour elle-même - au moins d'une façon sommaire - se sont prononcées en faveur de cette approche.

79.
    En effet, s'agissant de la libre circulation des marchandises, la Cour a constaté «qu'une interdiction de publicité [...] rendrait la commercialisation et, par conséquent, l'accès au marché de ces produits sensiblement plus difficiles» (46). En ce qui concerne la libre prestation des services, la Cour a indiqué qu'une interdiction qui conditionne directement l'accès au marché des services est apte à entraver le commerce intracommunautaire des services (47). Uniquement à titre surabondant, mentionnons ici qu'une mesure nationale qui restreint, indistinctement, l'exercice d'une activité économique relève du domaine de la libre prestation des services (48).

80.
    Qui plus est, en l'espèce, la réglementation en cause ne concerne pas la commercialisation ultérieure des marchandises, mais entrave déjà le franchissement de la frontière sous une certaine forme et, partant, l'accès au marché de l'État membre concerné. Lorsqu'une interdiction a, par exemple, pour conséquence qu'un produit est pratiquement évincé du marché, on pourrait même qualifier une telle réglementation de prescription relative au produit (49).

81.
    La voie qui est par conséquent indiquée ici, à savoir celle consistant à se fonder sur l'accès au marché, ne saurait toutefois être comprise en ce sens que le caractère sensible de la mesure nationale serait l'aspect qui importe (50). À la différence d'une règle de minimis, comme dans le droit de la concurrence, une évaluation de données économiques n'est du reste pas non plus nécessaire en l'espèce (51).

82.
    La circonstance que d'autres formes de vente autorisées et prometteuses existent constitue en revanche un élément essentiel en ce qui concerne le point de savoir si l'accès au marché est rendu sensiblement plus difficile (52).

- Solutions de rechange pour l'accès au marché: existence d'autres formes de vente

83.
    Les mesures nationales qui canalisent des produits vers certains points de vente, c'est-à-dire qui réservent par exemple la vente de médicaments - comme en l'espèce - en principe à des pharmacies, constituent un cas extrême de règles de commercialisation. En l'occurrence, il n'est pas nécessaire d'examiner la pertinence du point de savoir si les mesures ont la canalisation pour objet (53) ou peuvent simplement l'avoir pour effet (54).

84.
    Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour relatif aux pharmacies grecques (55), même les réglementations de ce type concernant la commercialisation par certains opérateurs économiques échappent au domaine d'application de l'article 28 CE.

85.
    Or, en l'espèce, non seulement la vente est réservée à une certaine catégorie d'opérateurs économiques, mais une forme de vente est entièrement prohibée. La réglementation allemande en cause va donc au-delà des dispositions litigieuses dans l'affaire relative aux pharmacies grecques.

86.
    Selon l'arrêt Hünermund e.a. (56), il est déterminant de savoir si les marchandises peuvent être vendues ou non par des opérateurs économiques autres que des pharmaciens. En l'espèce, à l'interdiction d'une certaine forme de vente vient par conséquent s'ajouter la restriction en vertu de laquelle les médicaments ne peuvent en principe pas non plus être vendus par des opérateurs économiques autres que les pharmaciens.

87.
    S'agissant de la canalisation vers certains points de vente, on peut cependant déduire de la jurisprudence de la Cour qu'il doit exister aussi bien dans la relation entre grossistes et détaillants que dans celle entre détaillants et consommateurs une liberté de choix suffisante quant aux sources d'approvisionnement et, partant, des solutions de rechange correspondantes.

88.
    S'il est vrai que l'interdiction en cause ne concerne qu'une forme de la vente (57), on ne saurait pour autant exclure qu'une telle mesure puisse également en principe constituer une restriction au sens de l'article 28 CE. Il est déterminant, à cet égard, de savoir si la forme de vente concernée par l'interdiction est importante aux fins de la pénétration du marché (58). Dans ce contexte, le fait que l'accès des pharmacies «traditionnelles» allemandes au marché allemand du commerce de détail est également limité en ce qu'elles ne disposent que d'une zone d'achalandage restreinte ne joue aucun rôle.

89.
    Selon l'arrêt Leclerc-Siplec, il importe de savoir si une mesure nationale «n'affecte pas la possibilité pour les distributeurs d'utiliser d'autres formes de publicité» (59).

90.
    Le point décisif est donc de savoir si d'autres formes - efficaces - de vente et de promotion des ventes (60) sont disponibles ou si la mesure nationale rend l'accès au marché pratiquement impossible.

91.
    Au cas où la mesure nationale en cause rendrait l'accès au marché pratiquement impossible, comme DocMorris le prétend sans avoir été en substance contredite par les autres parties, cela constituerait une restriction aux échanges de marchandises au sens de l'article 28 CE. Cette constatation resterait valable quand bien même on considérerait, comme la Cour l'a fait dans l'arrêt De Agostini et TV-Shop, que l'«interdiction n'affecte pas de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres» (61). En effet, en excluant de manière obligatoire un mode de distribution important - voire le seul mode efficace -, la réglementation en cause peut avoir des effets négatifs sur les importations de médicaments en provenance d'autres États membres (62).

- Charge de la preuve quant à l'existence d'une restriction

92.
    Selon l'arrêt De Agostini et TV-Shop (63), l'appréciation de l'efficacité des différents modes de promotion incombe, en principe, à la juridiction de renvoi. Devant cette juridiction il conviendrait dès lors de démontrer en particulier que l'«interdiction n'affecte pas de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres» (64).

93.
    À supposer que la réglementation allemande en cause soit qualifiée de modalité de vente, la présomption que la réglementation ne relève pas de l'article 28 CE, telle qu'établie dans l'arrêt De Agostini et TV-Shop, s'appliquerait. Cette présomption pourrait cependant être combattue par la preuve contraire devant la juridiction nationale.

94.
    Toutefois, si l'on part du principe, comme nous le proposons en l'espèce, que le fait que l'accès au marché soit rendu sensiblement plus difficile aboutit également à l'exclusion de l'exception au sens de la jurisprudence Keck, et que l'on ne se trouve donc pas en présence d'une modalité de vente, la preuve à rapporter porterait sur l'existence d'une entrave sensible (65).

iii) Conclusion intermédiaire concernant la première question préjudicielle et son point a)

95.
    La réglementation visée en l'espèce présente en liaison avec la situation sur le marché en cause certaines particularités qui revêtent de l'importance aux fins de l'appréciation. Au nombre de ces particularités figure, d'une part, la circonstance que les pharmacies nationales déjà établies ne sont pas tributaires de la forme de vente interdite et sont de ce fait favorisées. En outre, il y a lieu de tenir compte du fait que la mesure nationale ne régit pas la vente des marchandises seulement après que celles-ci ont franchi la frontière, mais empêche le franchissement même de la frontière sous une certaine forme.

96.
    Compte tenu de ces particularités, force est de constater à titre de conclusion intermédiaire que l'interdiction en cause de la vente par correspondance ne saurait relever de l'exception visée par l'arrêt Keck et Mithouard et doit être qualifiée de mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 CE.

b) Justification éventuelle de l'interdiction de la vente par correspondance [première question préjudicielle, sous b)]

i) Arguments des parties

97.
    DocMorris est la seule parmi les parties à la procédure écrite à écarter l'éventualité que l'interdiction de la vente par correspondance puisse être justifiée. Ainsi, l'interdiction édictée par les articles 43 et 73 de l'AMG ne serait, d'une part, pas nécessaire pour garantir une protection efficace de la santé et, d'autre part, une autorisation réglementée de l'expédition offrirait la possibilité d'améliorer la protection de la santé.

98.
    Afin de procurer un niveau élevé de protection de la santé, les pharmacies seraient tenues de garantir un contrôle effectif de la commande, du colis et de la réception et de prévoir, notamment, un contrôle répété des ordonnances par des pharmaciens agréés en vertu du droit d'un État membre, un emballage des médicaments dans des conteneurs spécifiquement prévus à cet effet ainsi qu'une preuve de la réception.

99.
    Selon DocMorris, l'article 30 CE doit être interprété en ce sens qu'il ne permet à un État membre d'importation d'interdire l'expédition transfrontalière de médicaments organisée de manière professionnelle que lorsque cet État est en mesure de démontrer de manière circonstanciée et de prouver que le commerce par correspondance effectué par des pharmacies exploitées, agréées et contrôlées dans l'État membre de provenance entraîne, en raison de conditions de sécurité défaillantes, un risque réel pour la santé.

100.
    L'Apothekerverband ainsi que les gouvernements allemand, français, grec, irlandais et autrichien considèrent que la réglementation allemande est justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes.

101.
    L'Apothekerverband souligne tout d'abord que l'expédition de médicaments dans un cas particulier par une pharmacie étrangère est autorisée. L'interdiction de la vente par correspondance vise à améliorer la sécurité en matière de médicaments en garantissant le conseil par le pharmacien. L'Apothekerverband se fonde également sur la jurisprudence nationale relative au système de l'approvisionnement en médicaments, dont le régime de prix imposé des médicaments fait partie. En outre, les pharmacies traditionnelles seraient menacées dans leur subsistance. De l'avis de l'Apothekerverband, l'interdiction de la vente par correspondance est également proportionnée.

102.
    Le gouvernement allemand, considérant que l'on ne se trouve pas en présence d'une entrave à la libre circulation des marchandises, ne fait valoir qu'à titre subsidiaire que la réglementation en cause est justifiée par des raisons de protection de la santé et également proportionnée, de sorte qu'elle ne viole pas l'article 28 CE. Et quand bien même il y aurait une violation de cet article, elle pourrait être justifiée au titre de l'article 30 CE.

ii) Appréciation

103.
    En ce qui concerne la justification éventuelle de l'interdiction de la vente par correspondance, notons tout d'abord que les considérations suivantes sont développées pour le cas où la Cour parviendrait à la conclusion que ladite interdiction relève de l'article 28 CE et constitue une entrave à la libre circulation des marchandises.

104.
    Compte tenu des observations parfois confuses des parties à la présente procédure, il convient de rappeler ici que, préalablement à l'examen d'une justification au titre de l'article 30 CE, il y a lieu de vérifier si la mesure nationale en question est indistinctement applicable, car, en pareil cas, la justification doit être cherchée dans l'article 28 CE, c'est-à-dire dans la jurisprudence Cassis de Dijon y afférente. En effet, un recours à l'article 30 CE n'est alors plus du tout nécessaire, contrairement à l'avis qui est parfois exprimé dans la doctrine allemande (66).

- Motif de justification de la mesure

105.
    Il n'est nullement contesté que la jurisprudence de la Cour a admis la protection de la santé non seulement dans le cadre de l'article 30 CE, mais également comme une exigence impérative dans le cadre de l'article 28 CE (67).

106.
    On ne saurait méconnaître que les dispositions en cause de l'AMG visent la protection de la santé.

- Proportionnalité de la mesure

107.
    Pour qu'une mesure nationale soit compatible avec l'article 28 CE, elle doit cependant non seulement poursuivre un objectif reconnu par le droit communautaire, mais également satisfaire au principe de la proportionnalité.

108.
    Le contrôle de la proportionnalité doit être réalisé non pas sur la base de cas particuliers concrets, mais de manière générale. En effet, le principe de la proportionnalité est d'ores et déjà violé lorsque la violation n'apparaît que de manière caractéristique. À cet égard, il importe de vérifier le caractère approprié, nécessaire et adéquat de la mesure nationale:

- Caractère approprié de la mesure nationale

109.
    En premier lieu, il convient d'examiner si les dispositions de l'AMG sont de nature à contribuer à la protection de la santé.

110.
    Ainsi que le gouvernement allemand le soutient à juste titre, les mesures ainsi prévues sont en principe de nature à permettre la poursuite de cet objectif. La circonstance qu'une autre réglementation, autorisant l'utilisation d'Internet, pourrait également tendre à la réalisation de l'objectif de protection de la santé ne modifie en rien cette constatation.

- Nécessité de la mesure nationale

111.
    En deuxième lieu, il faut également vérifier dans le domaine de la protection de la santé la nécessité de la mesure nationale (68).

112.
    À cet égard, il convient d'abord de partir du principe que les États membres ne sont pas tenus de choisir le niveau de protection le moins élevé (69).

113.
    Toutefois, la circonstance qu'une telle interdiction n'est pas jugée indispensable par tous les États membres et n'existe du reste pas dans l'ensemble de ces États milite contre la nécessité de la réglementation en cause.

- Adéquation de la mesure nationale

114.
    S'agissant de la conformité au droit communautaire des dispositions en cause de l'AMG, il convient, en troisième lieu, de procéder à un examen sous l'angle de la proportionnalité stricto sensu ou de l'adéquation. À cet égard, le point déterminant consiste à savoir si la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.

115.
    Dans le cadre de la première question préjudicielle, sous b), il est opportun de se limiter au motif de justification que plusieurs parties ont abordé et qui est tiré de la préoccupation d'éviter que le régime national d'autorisation ne soit éludé.

116.
    Il existe en pratique des mesures valables, c'est-à-dire efficaces mais moins restrictives de la libre circulation des marchandises, même si cela ne constitue pas en soi un argument - à en juger du moins par une certaine ligne jurisprudentielle (70) - pour établir le caractère disproportionné d'une réglementation nationale.

117.
    Pour ce qui est du risque que les pharmacies Internet puissent éluder le régime national d'autorisation du fait que des médicaments non autorisés dans l'État membre d'importation sont commandés via Internet puis importés dans cet État, plusieurs parties à la présente procédure ont examiné l'état de l'harmonisation des réglementations en matière d'autorisation des médicaments ainsi que l'importance que l'arrêt Ortscheit revêt pour la question de l'autorisation.

118.
    En l'espèce, toutefois, il n'est pas nécessaire de traiter de l'importance des différentes possibilités d'autorisation ainsi que de la possibilité d'une reconnaissance, puisque les différences que présentent les possibilités mentionnées par les parties importent peu aux fins de la réponse à la première question préjudicielle, sous b).

119.
    La solution se trouve plutôt dans la disposition pertinente de l'article 3 de la directive 65/65. Aux termes de cet article, «[a]ucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation de mise sur le marché n'ait été délivrée par l'autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu'une autorisation n'ait été délivrée conformément au règlement CEE n° 2309/93[...]».

120.
    Par conséquent, lorsqu'il s'agit de médicaments ne bénéficiant ni d'une autorisation ni d'une reconnaissance d'autorisation dans l'État membre d'importation, cet État peut en prohiber la mise sur le marché. Cela implique également qu'une interdiction de la vente par correspondance, destinée à empêcher la mise sur le marché de ces médicaments, est proportionnée.

121.
    Ce n'est que par rapport aux médicaments autorisés, c'est-à-dire dans le cadre de l'examen de la première question préjudicielle, sous c), qu'il conviendra d'aborder les autres justifications qui ont été avancées.

iii) Conclusion intermédiaire sur la première question préjudicielle, sous b)

122.
    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'une législation nationale qui interdit l'importation commerciale de médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d'autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final est justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, lorsqu'il s'agit de médicaments soumis à autorisation dans l'État membre dans lequel ils sont importés, mais n'ayant fait l'objet ni d'une autorisation ou reconnaissance d'autorisation nationale ni d'une autorisation communautaire délivrée selon la procédure centralisée.

B - Les médicaments autorisés: première question préjudicielle, sous c)

1. Arguments des parties

123.
    DocMorris fait observer que la réimportation de médicaments autorisés, qui a été admise par la Cour, contribue à la réalisation du marché intérieur et qu'aucun abus n'existe dans le présent contexte.

124.
    De l'avis de l'Apothekerverband, l'interdiction de la vente par correspondance est justifiée également à l'égard des médicaments autorisés dans l'État d'importation.

125.
    Les gouvernements grec et autrichien considèrent aussi, formellement, que l'interdiction de la vente par correspondance est justifiée même pour les médicaments autorisés.

126.
    Le gouvernement allemand part également du principe, en ce qui concerne les médicaments autorisés, que l'interdiction de la vente par correspondance ne constitue qu'une modalité de vente.

127.
    La Commission, pour ce qui est des médicaments autorisés, soutient également que le droit communautaire dérivé permet une interdiction de la vente à distance. À cet égard, elle se réfère à l'article 14 de la directive 97/7 et à l'article 1er, paragraphe 3, ainsi qu'à l'article 3, paragraphe 4, de la directive sur le commerce électronique.

128.
    En outre, la Commission estime aussi que, dans le cas des médicaments autorisés, l'interdiction de la vente par correspondance remplit les conditions posées par la formule Keck.

2. Appréciation

129.
    La première question préjudicielle, sous c), concerne la mise sur le marché ou l'importation de médicaments qui sont autorisés dans l'État d'importation, donc la réimportation. Dans le présent cas d'espèce, il ne s'agit cependant pas des problèmes habituels relatifs à la propriété industrielle ou à l'exigence d'une nouvelle autorisation. En l'occurrence, il s'agit du point essentiel de savoir si la libre circulation des marchandises trouve application, et du moyen de justification tiré de la protection de la santé.

a) Le risque que les dispositions nationales soient tournées

130.
    En l'espèce, il a été excipé à l'encontre de l'applicabilité de la libre circulation des marchandises que le présent cas de figure, c'est-à-dire la réimportation via la pharmacie Internet, s'analyse comme une transaction commerciale artificielle qui ne serait par conséquent pas couverte par cette liberté fondamentale. À cet égard, on observera que le système en cause du commerce de médicaments par Internet est caractérisé par le fait que la pharmacie Internet n'exporte pas elle-même les médicaments d'Allemagne en vue de les réimporter dans cet État (71).

131.
    On peut au contraire distinguer deux opérations qui sont indépendantes du point de vue juridique et économique: l'achat des médicaments par la pharmacie Internet auprès d'un grossiste, l'exportation d'Allemagne pouvant être effectuée par le grossiste, et la vente du médicament par la pharmacie Internet à des consommateurs, par exemple en Allemagne.

132.
    Premièrement, nous sommes donc en présence de deux transactions se situant à des stades différents de la chaîne commerciale (entre le grossiste et la pharmacie Internet ainsi qu'entre cette pharmacie et le consommateur) et, deuxièmement, le commerce transfrontalier peut être attribué à chacun des deux stades. Ainsi que DocMorris le souligne à juste titre, la libre circulation des marchandises protège chaque stade de la chaîne commerciale en tant que tel.

133.
    La réimportation a par conséquent lieu à un autre niveau que celui de l'exportation, à savoir dans la relation entre le détaillant (DocMorris) et le consommateur, lesquels se situent chacun dans un autre État membre.

134.
    La circonstance que les pharmacies Internet souhaitent également exercer leur activité professionnelle dans les États membres dans lesquels ils achètent des médicaments plaide en ce sens que ce système, présentement en cause, de la commercialisation des médicaments ne constitue pas non plus un usage abusif de la libre circulation des marchandises. L'exercice d'une activité dans d'autres États membres et, notamment, le commerce transfrontalier sont cependant inhérents au marché intérieur et principalement aux libertés fondamentales (72).

135.
    Cette constatation est confirmée par la jurisprudence de la Cour selon laquelle l'importation de marchandises qui sont autorisées dans l'État membre, donc la réimportation, relève également de la libre circulation des marchandises, même lorsqu'il s'agit de médicaments (73).

b) Proportionnalité de l'interdiction de la vente par correspondance

136.
    Dans les développements qui suivent, il n'y a lieu d'aborder que les aspects qui ont été invoqués par les parties à titre de justification de l'interdiction de la vente par correspondance et qui revêtent de l'intérêt pour la question de la nécessité et de l'adéquation de la réglementation en cause.

137.
    À cet égard, il convient de partir du principe suivant lequel «la circonstance que le médecin qui a prescrit le médicament ou que le pharmacien qui l'a vendu soient établis dans un État membre autre que celui où le médicament est utilisé ne fait pas obstacle [...] à ce que ces praticiens assurent, le cas échéant grâce au concours d'un confrère établi dans l'État membre d'importation, un contrôle de l'utilisation du médicament importé» (74).

138.
    On observera en outre que les pharmacies Internet sont soumises à la législation de l'État du siège, auquel il incombe également d'assurer la surveillance correspondante.

i) Appréciation au regard des objectifs poursuivis par l'interdiction de la vente par correspondance

- Absence de conseil qualifié?

139.
    Certaines parties à la présente procédure ont rappelé plusieurs avantages que présente, à leur avis, le conseil prodigué sur place dans une pharmacie traditionnelle ouverte au public, mais qui feraient défaut dans le cas des pharmacies Internet. Ainsi, ces dernières n'offriraient-elles pas, par exemple, la possibilité que le pharmacien prenne lui-même l'initiative de donner un conseil. À cet égard, on observera que cette faculté subsiste en principe également en ce qui concerne les pharmacies Internet. Du reste, s'agissant des pharmacies traditionnelles, il n'a pas pu être indiqué ni démontré suivant quelle fréquence et dans quels cas une information par le pharmacien a effectivement lieu, que ce soit à l'initiative du patient ou à celle du pharmacien.

140.
    L'Apothekerverband a en outre signalé le risque que comporte, en l'absence de conseil, l'importation de médicaments contrefaits, non testés, peu sûrs ou inefficaces. Des indications chiffrées précises pour la République fédérale d'Allemagne n'ont cependant pas été fournies à cet égard.

141.
    L'attention a été ensuite attirée sur le fait que, lors d'un achat auprès d'une pharmacie Internet, la délivrance des médicaments effectuée par un service de messagerie n'est pas personnalisée. À cet égard, il suffit de rappeler la pratique tout à fait courante suivant laquelle, même dans le cas des pharmacies traditionnelles ouvertes au public, ce ne sont pas toujours les patients eux-mêmes qui viennent chercher les médicaments.

142.
    Sur le conseil prodigué à l'initiative du pharmacien et sur la délivrance personnalisée, il convient d'observer que le législateur fédéral allemand ne prévoit pas de contrôles particuliers en la matière. L'absence de contrôles constitue cependant, selon la jurisprudence de la Cour (75), un aspect essentiel aux fins d'apprécier le caractère nécessaire d'une mesure nationale.

143.
    Rappelons en outre la jurisprudence de la Cour selon laquelle il y a lieu de considérer comme équivalent le conseil prodigué par une pharmacie d'un autre État membre (76).

144.
    Il convient enfin de mentionner les différences, qui ont été évoquées par plusieurs parties, entre le conseil personnalisé et le conseil à distance, c'est-à-dire la perception personnelle du pharmacien, ses connaissances locales ainsi que la possibilité qui lui est offerte de collaborer avec d'autres professionnels du secteur sanitaire et médical. Les pharmacies traditionnelles ouvertes au public peuvent tout à fait conserver ces particularités qui ne seront pas modifiées - en droit - par l'autorisation des pharmacies Internet.

145.
    En vue de garantir le niveau de conseil requis, les pharmacies Internet doivent cependant elles aussi satisfaire à certaines exigences relatives au conseil et à la commande.

146.
    Elles doivent ainsi contrôler la commande, répondre en particulier aux questions éventuelles et tenir un registre des recommandations. Dans certains cas, il leur incombe de fournir spontanément des informations, notamment en cas de doutes sur le contenu du médicament. Pour prévenir d'éventuels abus, la quantité maximale du médicament à délivrer pourrait aussi être prescrite. L'étiquetage et la notice doivent être rédigés dans la langue du patient ou les indications correspondantes jointes au médicament. Enfin, les pharmacies Internet doivent être joignables à tout moment.

147.
    Pour ce qui est des médicaments soumis à prescription médicale, les pharmacies doivent prendre des mesures supplémentaires. Elles sont ainsi en tout cas soumises aux règles de l'État d'importation applicables en matière de prescription médicale. En outre, l'expédition ne peut avoir lieu que sur présentation d'une ordonnance originale qui devra, le cas échéant, être archivée.

148.
    Enfin, on ne saurait non plus ignorer que la commande via Internet peut en partie offrir de meilleures possibilités techniques lors du conseil. Les pharmacies Internet, qui disposent d'un historique automatique de la médication, sont ainsi en mesure de contacter plus facilement le patient de leur propre initiative.

- Nécessité d'assurer la protection du patient lors de la délivrance des médicaments

149.
    Les parties à la présente procédure ont souligné la nécessité d'assurer la protection du patient lors de la délivrance des médicaments. Cette protection peut être procurée grâce à des mesures appropriées de contrôle du colis et de la réception. Il conviendrait ainsi de vérifier que les médicaments expédiés correspondent, du point de vue du contenu et de la quantité, à ceux qui ont été commandés. En outre, il faut veiller au bon transport, notamment dans le cas de médicaments sensibles à la chaleur ou à la lumière. Il faut enfin que soit assuré un contrôle suffisant de la réception. Cela implique pour l'essentiel un suivi documentaire du déroulement de la livraison, éventuellement par le service de messagerie, ainsi que, le cas échéant, une remise effectuée exclusivement en mains propres du titulaire, et confirmée, au besoin, par une signature.

150.
    Quant à la prévention de l'apparition de fournisseurs peu fiables, DocMorris a par ailleurs renvoyé à juste titre en l'espèce aux diverses obligations en matière d'information que prévoit la directive sur le commerce électronique, et notamment ses articles 5, 6 et 10.

- Nécessité de garantir un approvisionnement étendu et adapté aux besoins

151.
    Plusieurs parties ont allégué que l'autorisation des pharmacies Internet se traduirait par des répercussions économiques négatives sur les pharmacies traditionnelles ouvertes au public, allant jusqu'à mettre en péril la subsistance de celles-ci. Dans ce contexte, certaines parties ont évoqué le risque qu'une telle situation comporte pour la sécurité de l'approvisionnement.

152.
    À cet égard, il convient d'observer que la jurisprudence de la Cour a admis que la sécurité de l'approvisionnement constitue une raison susceptible de justifier certaines mesures nationales. Cela suppose toutefois aussi dans ce cas que la mesure soit nécessaire en vue de maintenir un certain niveau d'approvisionnement (77).

153.
    De ce point de vue, il importe donc également que l'État membre concerné démontre que l'approvisionnement correspondant ne peut être assuré qu'au moyen de la mesure qui a été prise. Le gouvernement allemand n'a cependant pas établi - abstraction faite d'estimations et de craintes - que la réglementation en cause est absolument nécessaire aux fins de la sécurité de l'approvisionnement.

154.
    Admettre la vente par correspondance ne revient d'ailleurs pas nécessairement à sonner le glas des pharmacies traditionnelles ouvertes au public. La coexistence de différentes formes de commercialisation est tout à fait possible en droit. Il n'est ainsi pas exclu que les pharmacies traditionnelles puissent continuer à tirer parti, du point de vue économique, de leurs avantages tels que l'approvisionnement plus rapide du fait de l'absence de délai de livraison et l'approvisionnement d'urgence assuré aussi bien la nuit qu'en fin de semaine.

ii) Charge de la preuve incombant à l'État membre concerné

155.
    Pour conclure, il convient de rappeler l'obligation incombant à l'État membre qui tient une mesure restrictive des échanges pour justifiée et proportionnée d'en apporter la preuve, ainsi que la jurisprudence de la Cour l'a admis également dans le cadre de procédures préjudicielles (78). Cet État doit ainsi démontrer «que la mesure litigieuse était le moyen le plus apte [...] tout en étant le moins restrictif pour les échanges intracommunautaires» (79).

156.
    En l'espèce, la charge de la preuve porte notamment sur le point de savoir si la fiabilité de la pharmacie Internet est garantie dans l'État membre d'origine (80), donc en l'occurrence dans l'État à partir duquel la pharmacie Internet exerce ses activités. La Cour de justice a en outre expressément exigé qu'il soit établi «que la réglementation litigieuse était nécessaire en vue d'assurer un service [...] équilibré et accessible à tous» (81).

157.
    La République fédérale d'Allemagne n'a pas démontré que l'interdiction de la vente par correspondance est nécessaire et adéquate, c'est-à-dire que les objectifs qu'elle poursuit ne pourraient pas être protégés de manière tout aussi efficace dans le cadre d'une réglementation moins contraignante qui définirait une série d'obligations pour l'exploitation de pharmacies Internet.

158.
    Les objectifs que constituent le conseil qualifié, la protection du patient et la garantie de l'approvisionnement pourraient également être atteints par des mesures moins incisives que la réglementation en cause, qui prévoit une interdiction pure et simple.

159.
    Au nombre des mesures appropriées figurent sans doute en premier lieu les différentes exigences en matière de contrôle des commandes, de l'expédition et du transport des colis, ainsi que de la réception, qui ont été évoquées par rapport à ces objectifs.

160.
    La question de savoir si DocMorris satisfait à ces exigences fait l'objet d'un litige déterminé. Il appartient cependant à la juridiction nationale de trancher ce litige.

iii) Conclusion intermédiaire sur la première question préjudicielle, sous c)

161.
    Il y a lieu dès lors de répondre à la première question préjudicielle, sous c), que les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'une interdiction nationale de l'importation de médicaments autorisés dans l'État d'importation qu'une pharmacie établie dans un autre État membre de l'Union européenne a auparavant achetés auprès de grossistes de l'État d'importation n'est pas justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, en tant que cette mesure n'est pas proportionnée.

VI - Sur la deuxième question préjudicielle

162.
    La deuxième question préjudicielle doit également être reformulée en ce sens qu'elle ne vise pas expressément la compatibilité d'une mesure nationale déterminée:

Les articles 28 CE et 30 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interdiction nationale de publicité pour la vente de médicaments par correspondance, ainsi que pour les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale et pour des médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie qui sont autorisés dans l'État d'origine, mais pas dans l'État d'importation, en vertu de laquelle on qualifie de publicité interdite le portail Internet d'une pharmacie d'un État membre de l'Union européenne qui, outre la simple présentation de l'entreprise, décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement, ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne, de sorte que les commandes transfrontalières de médicaments via Internet, y compris la livraison transfrontalière de ces médicaments, sont en tout cas rendues sensiblement difficiles?

A - La deuxième question préjudicielle et son point a)

1. Deuxième question préjudicielle: interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance ainsi que pour certains médicaments

a) Arguments des parties

163.
    De l'avis de DocMorris, la possibilité de passer des commandes via Internet est indispensable à la vente par correspondance transfrontalière de médicaments au niveau des clients finals. Une interprétation large de la notion de publicité auprès du public aboutirait à ce que les interdictions nationales fondées sur l'interdiction édictée par la directive 92/28 restreignent la libre circulation des marchandises. De telles mesures ne seraient du reste pas justifiées pour éviter l'automédication ou aux fins de la protection des systèmes nationaux d'autorisation.

164.
    L'Apothekerverband estime, en revanche, que les interdictions de publicité, y compris celle à l'égard de médicaments autorisés, ne violent pas les articles 28 CE et 30 CE. Cela résulterait du fait que l'interdiction de la vente par correspondance est compatible avec le droit communautaire.

165.
    Le gouvernement allemand se concentre, dans ses observations, sur l'interdiction édictée à l'article 8, paragraphe 2, du HWG et qualifie cette interdiction de modalité de vente. Pour le cas où la Cour ne partagerait pas ce point de vue, l'interdiction en question serait néanmoins justifiée au titre de l'article 30 CE.

166.
    Partant du principe que l'interdiction de la vente par correspondance est licite, le gouvernement français parvient à la conclusion que l'interdiction de publicité est elle aussi admissible. De même, l'interdiction qui frappe les pharmaciens de faire de la publicité pour leur officine ne serait pas contraire à l'article 28 CE.

167.
    Les gouvernements grec et irlandais tiennent pour compatible avec les articles 28 CE et 30 CE l'interdiction de publicité pour la vente de médicaments par correspondance ainsi que pour les médicaments soumis à prescription médicale, mais non autorisés dans l'État d'importation. Le gouvernement autrichien, qui se réfère au code communautaire, considère qu'une interdiction de la publicité se justifie également pour les médicaments non soumis à prescription médicale, mais en vente exclusivement en pharmacie.

168.
    La Commission estime également en ce qui concerne les interdictions de la publicité pour les médicaments soumis à prescription médicale et pour les médicaments non autorisés qu'il s'agit en principe de modalités de vente au sens de la jurisprudence Keck et Mithouard. En revanche, l'interdiction édictée à l'article 8, paragraphe 2, du HWG s'analyserait comme une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 CE.

b) Appréciation

169.
    Rappelons tout d'abord que le droit allemand de la publicité à l'égard des médicaments distingue pour l'essentiel quatre interdictions de publicité: une interdiction à l'égard des médicaments non autorisés (article 3 bis du HWG), une interdiction frappant les médicaments soumis à prescription médicale (article 10 du HWG) et deux interdictions concernant la vente de médicaments par correspondance. Ces dernières découlent de l'article 8, paragraphe 1, première phrase, du HWG, qui prohibe de manière générale la publicité pour l'achat de médicaments vendus exclusivement en pharmacie, et de l'article 8, paragraphe 2, du HWG qui interdit la publicité pour l'importation individuelle.

170.
    Dans la deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi ne vise expressément aucune de ces dispositions du droit allemand, mais mentionne trois types d'interdiction de la publicité: pour la «vente de médicaments par correspondance», pour les médicaments «soumis à prescription médicale» et pour les médicaments «[non autorisés] dans l'État d'importation». Dans les développements qui suivent, nous examinerons chacune de ces trois interdictions.

i) Interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance

171.
    La deuxième question préjudicielle porte en premier lieu sur l'interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance. Il ressort du dossier de la juridiction de renvoi transmis à la Cour que cette juridiction considère que seule l'interdiction édictée à l'article 8, paragraphe 1, du HWG, et non pas également celle prévue à l'article 8, paragraphe 2, du HWG, s'applique en ce qui concerne la vente de médicaments par correspondance. Les dispositions de l'article 8, paragraphe 2, du HWG ne font donc pas partie du cadre juridique et factuel du litige au principal.

172.
    L'interdiction de la publicité pour la vente de médicaments par correspondance qui est édictée à l'article 8, paragraphe 1, première phrase, du HWG ne concerne que les médicaments en vente exclusivement en pharmacie, sans toutefois se fonder sur la soumission à autorisation ou à prescription médicale.

173.
    Afin d'apprécier cette disposition à la lumière du droit communautaire, il convient d'examiner tout d'abord si le domaine concerné en l'espèce de la publicité pour les médicaments fait l'objet d'une harmonisation exhaustive. Dans l'affirmative, ce sont en priorité les dispositions correspondantes du droit dérivé qui sont d'application. Sinon, les dispositions du droit primaire, c'est-à-dire en l'occurrence la libre circulation des marchandises, s'appliquent.

174.
    Parmi les dispositions du droit dérivé, la directive 92/28 est la première à entrer en ligne de compte. Elle prévoit en effet à l'article 2, paragraphe 1, une interdiction de publicité. Or, étant donné que cette interdiction se fonde non pas sur la forme de vente, mais sur la nature du médicament, son champ d'application ne correspond pas à celui de l'interdiction allemande de publicité. Alors que l'interdiction édictée par la directive ne vise que des médicaments pour lesquels une autorisation de mise sur le marché conforme au droit communautaire n'a pas été délivrée, l'article 8, paragraphe 1, première phrase, du HWG prohibe la publicité pour l'achat par correspondance de médicaments en vente exclusivement en pharmacie.

175.
    La libre circulation des marchandises reste donc le critère de droit communautaire à l'aune duquel il y a lieu d'apprécier une interdiction de publicité telle que celle édictée à l'article 8, paragraphe 1, du HWG. Or, à cet égard, il est déterminant que l'article 8, paragraphe 1, d'une part, ne distingue pas selon l'origine des produits et, d'autre part, s'applique à tous les opérateurs concernés, c'est-à-dire qu'il remplit à première vue les deux critères traditionnels posés par la formule Keck. Sur le fondement de cette formule, la qualification de l'interdiction de publicité prévue à l'article 8, paragraphe 1, du HWG comme modalité de vente est par conséquent concevable de prime abord.

176.
    Toutefois, ainsi que nous l'avons déjà exposé à propos de l'interdiction de la vente par correspondance, le point qui importe n'est pas seulement de savoir si la commercialisation de produits étrangers est affectée de la même manière, mais de vérifier si l'interdiction de la publicité restreint l'accès au marché de sorte qu'il ne peut plus être question d'une simple modalité de vente. Dans ce cas il s'agit en effet d'une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 CE (82).

177.
    DocMorris fait observer que les interdictions de publicité rendent impossible toute commande de médicaments via Internet. Elle indique à juste titre que les pharmacies Internet, à la différence des pharmacies traditionnelles ouvertes au public, ne disposent que de ce moyen d'information.

178.
    L'interdiction de publicité telle qu'édictée à l'article 8, paragraphe 1, du HWG limite par conséquent l'accès au client final des pharmacies Internet, qui sont tributaires de ce moyen publicitaire, de sorte que l'on ne saurait la qualifier de modalité de vente. En effet, une telle qualification s'applique précisément aux mesures nationales qui interdisent toute forme de publicité.

179.
    L'interdiction de la publicité ne viole cependant pas l'article 28 CE pour autant qu'elle réponde à une exigence impérative et pour autant qu'elle soit proportionnée.

180.
    Dans ce contexte, il convient de rappeler un arrêt de la Cour relatif à une interdiction de publicité prévue par le HWG. Dans l'affaire Ortscheit, la Cour fut ainsi amenée à examiner l'interdiction de publicité édictée à l'article 8, paragraphe 2, du HWG. S'il est vrai qu'il ne s'agissait, dans ce cas d'espèce, que de médicaments soumis à autorisation, mais non autorisés en Allemagne, il n'en demeure pas moins que le raisonnement de la Cour est formulé en termes suffisamment généraux pour être transposable à l'interdiction de la publicité qui nous occupe en l'espèce. Dans cet arrêt, la Cour a admis que l'interdiction de la publicité figurant à l'article 8, paragraphe 2, du HWG est nécessaire afin d'éviter que le régime national d'autorisation ne soit éludé (83). Ce principe vaut également pour d'autres interdictions de la publicité faite à l'égard des médicaments.

181.
    Par conséquent, alors que pour les médicaments soumis à autorisation, mais non autorisés ou réputés non agréés, les États membres peuvent interdire la publicité, s'agissant des médicaments non soumis à autorisation ou autorisés, le caractère proportionné de l'interdiction nationale fait défaut, comme dans le cas de l'interdiction de la vente par correspondance.

ii) Interdiction de la publicité pour les médicaments non autorisés dans l'État d'importation

182.
    La deuxième question préjudicielle porte en deuxième lieu sur l'interdiction de la publicité pour les médicaments soumis à autorisation dans l'État d'importation, c'est-à-dire en Allemagne, mais qui ne sont pas autorisés. À cet égard, les dispositions pertinentes du droit allemand qui entrent en ligne de compte sont celles de l'article 3 bis du HWG. S'il est vrai que les dispositions de l'article 8, paragraphe 2, du HWG l'emportent en principe sur celles de l'article 3 bis (84), elles ne jouent cependant aucun rôle dans le litige au principal, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de renvoi.

183.
    L'interprétation des articles 28 CE et 30 CE revêt également de l'importance en ce qui concerne l'interdiction de la publicité pour des médicaments non autorisés. Ces dispositions ne constituent cependant le cadre juridique communautaire déterminant en vue de la solution du litige au principal que si et dans la mesure où il n'existe pas de dispositions du droit dérivé auxquelles il y aurait lieu de se référer en priorité.

184.
    Or, en ce qui concerne les médicaments non autorisés, la directive 92/28 prévoit expressément à l'article 2, paragraphe 1, une interdiction de la publicité.

185.
    L'interdiction de publicité édictée à l'article 3 bis du HWG frappe les médicaments qui ne sont autorisés ou réputés autorisés ni selon la procédure communautaire ni en vertu de la législation allemande. Cette disposition du droit allemand ne constitue donc qu'une mesure nationale destinée à mettre en oeuvre l'interdiction prévue à l'article 2, paragraphe 1, de la directive 92/28.

186.
    Étant donné que l'application prioritaire de la directive 92/28 est par conséquent fondée, une appréciation de l'article 3 bis du HWG au regard du droit primaire n'entre pas en ligne de compte en l'espèce. Il n'est donc pas nécessaire non plus d'examiner la mesure nationale en tant que modalité de vente au sens de la formule Keck.

iii) Interdiction de la publicité pour des médicaments soumis à prescription médicale

187.
    Par la deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi soulève également le problème de la compatibilité d'une interdiction nationale de la publicité pour des médicaments soumis à prescription médicale. Cette branche de la question préjudicielle vise par conséquent l'interdiction de la publicité au titre de l'article 10 du HWG.

188.
    En ce qui concerne cette disposition du droit national, il faut également déterminer d'abord si cet aspect a fait l'objet d'une harmonisation exhaustive par des dispositions du droit dérivé.

189.
    Ainsi que la Commission le relève à juste titre, la directive 92/28 contient également en ce qui concerne les médicaments soumis à prescription médicale des dispositions régissant la publicité. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 92/28, les États membres sont ainsi expressément tenus d'interdire la publicité auprès du public faite à l'égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.

190.
    L'article 10 du HWG peut par conséquent s'analyser comme une mesure de transposition de cette interdiction. Étant donné que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28 ne concerne cependant que la publicité auprès du public, la question se pose de savoir si l'interdiction nationale de publicité qui est édictée à l'article 10 du HWG reste dans les limites du cadre défini par la directive 92/28 ou va au-delà de l'obligation découlant de cette directive. Pour la partie de la réglementation nationale qui déborderait éventuellement ce cadre, c'est le droit primaire, à savoir les dispositions des articles 28 CE et 30 CE, qui s'appliquerait, en l'absence d'une harmonisation de droit dérivé. Ce problème juridique relatif à la conformité de cette interdiction allemande de la publicité avec le droit primaire ne fait cependant pas l'objet de la présente procédure.

2. Deuxième question préjudicielle, sous a): la présentation sur Internet, une publicité auprès du public?

191.
    La deuxième question préjudicielle, sous a), porte sur l'importance que revêt la libre circulation des marchandises pour la notion de publicité auprès du public au sens de l'article 1er, paragraphe 3, et de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28.

a) Arguments des parties

192.
    Selon DocMorris, la notion de publicité auprès du public au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/28 ne doit pas recevoir une interprétation large, car cela entraverait considérablement l'accès au marché des clients finals. Cette notion appellerait plutôt une interprétation conforme au droit primaire en ce sens que des formulaires de commande en ligne, qui contiennent des informations indispensables au commerce pharmaceutique via Internet, ne sont pas couverts par la notion de publicité auprès du public.

193.
    DocMorris estime par conséquent que les interdictions de publicité édictées à l'article 3 bis, à l'article 8, paragraphes 1 et 2, et à l'article 10 du HWG violent l'article 28 CE.

194.
    De l'avis de DocMorris, on peut inférer de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive sur le commerce électronique que des services de la société de l'information ne peuvent pas être restreints de manière disproportionnée par des interdictions de publicité prévues par le droit communautaire de sorte que les indications minimales indispensables qui figurent sur des formulaires numériques de commande en ligne ne doivent pas être qualifiées de publicité interdite.

195.
    Selon l'Apothekerverband, la deuxième question préjudicielle, sous a), appelle une réponse négative, sinon le système et le jeu d'ensemble des dispositions du droit communautaire ne seraient pas respectés. L'Apothekerverband estime que la directive sur le commerce électronique ne réalise pas une harmonisation complète en matière de services de la société de l'information et, surtout, ne traite pas des conditions de livraison des marchandises. Cette directive ne serait même pas applicable à la vente par correspondance de médicaments en vente exclusivement en pharmacie.

196.
    Le gouvernement allemand part du principe que la publicité faite à l'égard des médicaments est exclue du champ d'application de la directive sur le commerce électronique. Il serait de même hors de question de donner du droit national une interprétation conforme à la directive avant que le délai de transposition de cette directive ne soit écoulé.

197.
    Ce gouvernement observe que l'article 1er, paragraphe 3, et le onzième considérant de la directive sur le commerce électronique sont sans préjudice du niveau de protection en matière de santé publique.

198.
    L'interdiction de publicité édictée à l'article 8, paragraphe 2, du HWG serait couverte par la directive 92/28 et s'appliquerait indépendamment de la directive sur le commerce électronique. Le gouvernement allemand signale enfin que, en vertu de l'article 3, paragraphe 4, de la directive sur le commerce électronique, les juridictions civiles peuvent interdire certaines mesures publicitaires qui portent atteinte à la protection de la santé.

199.
    Selon le gouvernement grec, la directive sur le commerce électronique ne porte pas préjudice aux dispositions de la directive 92/28.

200.
    Le gouvernement irlandais interprète les articles 28 CE et 30 CE en ce sens qu'ils n'excluent pas la présentation sur Internet visée en l'espèce de la notion de publicité auprès du public.

201.
    Le gouvernement autrichien fonde ses observations sur le code communautaire. Selon ce gouvernement, en vertu de l'article 86 dudit code, il y a lieu de considérer comme une publicité les listes pour la commande de médicaments. Il résulte de l'article 88, paragraphe 1, du code communautaire que les États membres sont tenus d'interdire la publicité faite à l'égard de médicaments soumis à prescription médicale. Pour certains médicaments, l'article 88, paragraphe 2, prévoit une exception à cette disposition. La directive sur le commerce électronique ne s'oppose pas non plus à une interdiction de la publicité. Le gouvernement autrichien en déduit que les États membres peuvent interdire non seulement la vente de médicaments par correspondance, mais également la publicité y afférente.

202.
    La Commission préconise également une interprétation large de la notion de publicité, laquelle comprendrait aussi la publicité auprès du public. La notion de publicité serait cependant axée sur des marchandises et non sur des entreprises, à savoir les pharmacies. Selon la Commission, ni les articles 28 CE et 30 CE ni la directive sur le commerce électronique n'imposent une autre interprétation de la notion de publicité. En définitive, il y aurait lieu de répondre par la négative à la deuxième question préjudicielle, sous a).

b) Appréciation

203.
    À la différence de la deuxième question préjudicielle, la deuxième question, sous a), porte sur l'interdiction de la publicité pour certains médicaments auprès du public au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28. Cette interdiction est fondée sur la notion de publicité auprès du public qui, en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/28, est comprise dans la notion de publicité.

204.
    Selon la définition énoncée à l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/28, on entend par «publicité pour des médicaments» «toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments».

205.
    La directive 92/28 ne donne en revanche aucune définition légale de la notion de «publicité pour les médicaments auprès du public». Le point de départ de l'interprétation de cette notion reste donc la notion de publicité en tant que terme générique, lequel comprend du reste, conformément à l'article 1er, paragraphe 3, premier tiret, la «publicité pour les médicaments auprès du public».

206.
    La question qui se pose est celle de savoir si le portail Internet d'une pharmacie d'un État membre qui, outre la simple présentation de l'entreprise, décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne relève ou non de la notion de publicité auprès du public.

207.
    Compte tenu de la définition large de la notion de publicité (85) qui a été sciemment retenue dans la directive 92/28, il conviendra également de donner une interprétation large de la notion de publicité auprès du public. Cette constatation est confortée par le fait que dans la pratique, en matière de publicité pour des médicaments, une distinction est en principe faite à l'échelle des États membres entre la publicité destinée au public et celle destinée aux milieux spécialisés. Cette différence quant aux destinataires ne justifie cependant pas à elle seule une réduction de la notion. En effet, compte tenu de la protection renforcée que mérite le public, c'est-à-dire les profanes, l'interdiction de la publicité revêt une importance particulière.

208.
    Les quatrième et sixième considérants de la directive 92/28, dans lesquels s'exprime un rapport entre la règle et l'exception, plaident également en faveur d'une interprétation large de la notion de publicité auprès du public: en principe la publicité est interdite, à titre exceptionnel elle peut être autorisée.

209.
    La notion large de «publicité auprès du public» doit cependant en tout cas être limitée dans la mesure où elle ne comprend pas les informations d'ordre général sur une pharmacie Internet, c'est-à-dire la publicité relative à l'image ou à l'entreprise. La publicité à l'égard du produit constitue le coeur d'une publicité auprès du public.

210.
    Les informations jugées indispensables par DocMorris, comme le nom du produit, ses composants, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, indiquent qu'il s'agit en l'espèce d'une publicité faite à l'égard du produit.

211.
    L'appréciation à cet égard doit être fondée pour l'essentiel sur l'impression objective que le consommateur a en raison de la configuration d'ensemble de la page d'accueil (86). Un indice déterminant réside de ce point de vue en la circonstance que DocMorris répartit sa gamme en plusieurs rubriques dans lesquelles les différents médicaments sont à chaque fois énumérés. Ces médicaments peuvent être commandés en cliquant sur une case. La gamme peut par conséquent être concrétisée en fonction des produits par des opérations de l'internaute. Selon une autre thèse, la simple mention de médicaments suffit déjà pour supposer qu'une présentation sur Internet a un effet publicitaire (87).

212.
    Par conséquent, alors que la simple présentation de l'entreprise DocMorris ne saurait être qualifiée de publicité au sens de la directive 92/28, la description des médicaments indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, assortie de la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne, peut assurément être qualifiée comme telle.

213.
    À cet égard, nous nous trouvons dès lors en présence d'une promotion des ventes axée sur le produit, qui relève de la notion de «publicité auprès du public» au sens de la directive 92/28.

214.
    Sur ce point, une interprétation au regard du droit primaire de rang supérieur ne conduit d'ailleurs pas à une autre conclusion. La libre circulation des marchandises n'a pas un contenu suffisamment concret pour que l'on puisse en déduire une réduction de la notion large de «publicité auprès du public».

215.
    La considération selon laquelle la présentation de formulaires de commande en ligne est indispensable à la vente de médicaments par correspondance pratiquée par une pharmacie Internet est certes pertinente du point de vue économique, mais elle ne change rien au résultat. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre, l'importation d'un produit et l'offre publicitaire d'un produit doivent en effet être appréciées séparément.

216.
    En ce qui concerne la directive sur le commerce électronique, qui est expressément mentionnée dans la deuxième question préjudicielle, sous a), il convient de rappeler que cette directive ne devait être transposée qu'au 17 janvier 2002. Selon une jurisprudence constante de la Cour (88), les directives, dont le délai de transposition n'a pas encore expiré au moment où se sont déroulés les faits qui sont à l'origine du litige au principal, sont toutefois inapplicables à ce litige.

217.
    Il n'y a pas lieu dès lors d'aborder ici la question de principe relative au rapport existant entre la directive sur le commerce électronique et la directive 92/28. Puisque la directive sur le commerce électronique est inapplicable, il n'y a pas lieu non plus d'examiner ici l'importance que revêt le principe du pays de provenance qui y est énoncé, la faculté prévue à l'article 3, paragraphe 4, de la directive sur le commerce électronique de déroger à ce principe pour des raisons de protection de la santé publique, et la portée de l'exception aux fins de la protection de la santé publique visée à l'article 1er, paragraphe 3, de cette même directive.

3. Conclusion intermédiaire

218.
    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interdiction nationale de publicité pour la vente de médicaments par correspondance - abstraction faite de la publicité pour les médicaments à usage humain -, à moins que ladite interdiction ne vise à protéger le régime national d'autorisation et ne soit proportionnée.

219.
    L'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une interdiction nationale de la publicité pour les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale.

220.
    L'article 2, paragraphe 1, de la directive 92/28 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une interdiction nationale de la publicité pour les médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie et qui sont autorisés dans l'État d'origine, mais pas dans l'État d'importation.

221.
    La notion de «publicité auprès du public» visée à l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/28 doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre également le portail Internet d'une pharmacie d'un État membre qui décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne.

B - La deuxième question préjudicielle, sous b): éléments du site Internet en tant que catalogue de vente et/ou liste de prix?

222.
    La deuxième question, sous b), porte sur la qualification éventuelle de bulletins de commande en ligne, qui ne contiennent que le minimum d'informations nécessaires pour passer commande, et/ou d'autres éléments du site Internet, en tant que catalogues de vente et/ou listes de prix au sens de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28. Cette disposition exclut en effet les catalogues de vente et les listes de prix du champ d'application de la directive 92/28 et, partant, de l'interdiction de publicité.

1. Arguments des parties

223.
    DocMorris interprète l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28 en partant de l'objectif de cette disposition et parvient ainsi à la conclusion que des formulaires numériques de commande qui, compte tenu de leur teneur informative et de leur caractère incitatif, se situent entre les catalogues de vente et les listes de prix sont également exclus de l'interdiction de publicité. Des informations qui sont nécessaires au commerce des médicaments ne sauraient être qualifiées de publicité.

224.
    L'Apothekerverband, pour les mêmes raisons que celles qu'il a avancées en ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, sous a), propose de donner une réponse négative à la deuxième question, sous b). Il estime qu'à cet égard, il n'y a pas lieu non plus d'attribuer une importance prépondérante à la directive sur le commerce électronique en vue de l'interprétation de la directive 92/28.

225.
    Le gouvernement allemand se prononce contre une restriction de la notion de publicité et relève que, en vertu de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28, les catalogues de vente et les listes de prix ne sont exclus que pour autant que n'y figure aucune information sur les médicaments.

226.
    Les gouvernements grec, irlandais et autrichien qualifient également les informations sur la pharmacie Internet qui sont visées dans la question préjudicielle de publicité au sens de la directive 92/28.

Certains gouvernements soulignent également que les catalogues de vente et les listes de prix où figurent des informations sur des médicaments ne sont expressément pas couverts par l'exception.

227.
    La Commission interprète l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28 en ce sens que des bulletins de commande en ligne et/ou d'autres éléments du site Internet d'une pharmacie ne relèvent pas des notions «catalogues de vente» et/ou «listes de prix».

2. Appréciation

228.
    Il convient tout d'abord de partir de la constatation que la disposition de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28 prévoit une exception au champ d'application de la directive et, partant, à l'interdiction de publicité, de sorte qu'elle appelle, ne serait-ce que pour cette raison, une interprétation stricte.

229.
    Relevons, en outre, que l'exception de l'article 1er, paragraphe 4, troisième tiret, de la directive 92/28 qui entre en ligne de compte en l'espèce ne contient pas une énumération à titre d'illustration, mais vise seulement les catalogues de vente et les listes de prix. Il n'y est nullement question de formulaires de commande quels qu'ils soient et encore moins de formulaires en ligne.

230.
    On peut souscrire à la qualification des formulaires de commande en ligne retenue par DocMorris dans la mesure où ces formulaires contiennent effectivement plus d'informations qu'une liste de prix. En revanche, il n'est pas nécessairement exact que les formulaires de commande en ligne recèlent en général moins d'informations que des catalogues de vente. Mais, même en pareille hypothèse, il n'en demeure pas moins déterminant que les formulaires de commande en ligne contiennent en tout cas davantage d'informations qu'un simple catalogue de vente, dans la mesure où les catalogues de vente ne comportent pas nécessairement un formulaire de commande.

231.
    En outre, il convient de relever, ainsi que la Commission l'a fait, que le site Internet d'une pharmacie vise à amorcer une relation commerciale.

232.
    À l'argument avancé par DocMorris, selon lequel un formulaire de commande en ligne est nécessaire pour la vente de médicaments par correspondance, il convient d'objecter que l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28 ne fait nullement référence à une nécessité.

233.
    On peut cependant se dispenser d'une qualification définitive des formulaires de commande en ligne en tant que catalogues ou listes de prix. En effet, même s'il y avait lieu de qualifier lesdits formulaires de catalogue ou de liste de prix, la directive n'en deviendrait pas encore inapplicable pour autant.

234.
    Effectivement, l'article 1er, paragraphe 4, troisième tiret, de la directive 92/28 n'exclut que les catalogues de vente et les listes de prix qui répondent à une condition supplémentaire, à savoir «pour autant que n'y figure aucune information sur le médicament».

235.
    On peut certes discuter le point de savoir comment il y a lieu d'interpréter la notion d'«information», mais il n'en demeure pas moins que le site Internet de DocMorris contient en tout cas des informations qui, au regard des objectifs de la directive 92/28, ne devraient pas figurer dans des catalogues de vente ou dans des listes de prix. En effet, dans ses observations écrites, DocMorris indique même de manière explicite que le formulaire de commande contient également des informations relatives aux «principes actifs et aux composants». La deuxième question préjudicielle, sous b), mentionne en revanche simplement plusieurs autres informations.

236.
    Il appartient cependant à la juridiction nationale, et non à la Cour, d'établir quelles sont les informations que comprend effectivement le site Internet de DocMorris et, notamment, si des informations sur des médicaments y figurent donc également.

3. Conclusion intermédiaire

237.
    Il convient dès lors de répondre à la deuxième question préjudicielle, sous b), qu'il n'y a pas lieu de considérer les bulletins de commande en ligne qui contiennent des informations sur des médicaments comme des catalogues de vente ou des listes de prix au sens de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28.

C - La libre prestation des services

238.
    S'agissant des interdictions de publicité qui sont en vigueur en Allemagne, on pourrait également se poser la question de leur compatibilité avec la libre prestation des services ou - comme cela s'impose dans le cadre d'une procédure préjudicielle - la question de savoir si la libre prestation des services doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose aux interdictions de publicité en cause.

1. Arguments des parties

239.
    À propos de la libre prestation des services, l'Apothekerverband et le gouvernement allemand ont allégué, lors de l'audience, que cette liberté fondamentale ne s'applique pas en l'espèce.

240.
    Le gouvernement grec assimile la vente de médicaments via Internet au téléachat qui est interdit en vertu de l'article 14 de la directive sur la radiodiffusion télévisuelle (89).

241.
    La Commission a déjà indiqué dans ses observations écrites que, avec la présentation sur Internet, DocMorris visait également des clients dans des États membres germanophones. Les interdictions allemandes de publicité constituent, à son avis, des restrictions à la libre prestation des services. Ces restrictions seraient toutefois susceptibles d'être justifiées par des raisons de protection de la santé publique.

2. Appréciation

242.
    Avant d'aborder le problème juridique d'une éventuelle restriction à la libre prestation des services, encore faut-il déterminer si c'est bien la libre prestation des services qui est applicable et non la libre circulation des marchandises.

243.
    À titre liminaire, il conviendrait de se demander s'il s'agit d'une prestation de publicité en tant que telle, c'est-à-dire du service de la publicité, ou bien de la publicité pour autre chose. À l'intérieur du premier cas de figure, c'est-à-dire celui de la publicité en tant que prestation de services, il faut de nouveau distinguer entre l'activité d'une entreprise de publicité et celle d'entreprises qui exploitent un support publicitaire, donc à l'instar d'une chaîne de télévision. À l'intérieur du deuxième cas de figure, une distinction peut être faite selon que la publicité est faite pour une marchandise, par exemple un médicament, ou pour une prestation de services.

244.
    Les interdictions de publicité du HWG dont il s'agit en l'espèce peuvent être différenciées dans la mesure où l'article 8 concerne la vente de médicaments par correspondance alors que les interdictions de vente édictées aux articles 3 bis et 10 frappent certaines catégories de médicaments.

245.
    La structure économique de la vente de médicaments par correspondance qui fait l'objet du litige au principal est caractérisée par le fait qu'il s'agit non pas de l'activité économique d'une entreprise de publicité ou d'un média, mais du fait qu'un commerçant, à savoir une pharmacie Internet, fait lui-même la publicité à l'égard de certaines marchandises et d'une certaine forme d'achat.

246.
    Un cas de figure distinct serait celui dans lequel une pharmacie charge un média de la presse écrite ou une chaîne de télévision de faire de la publicité pour son activité économique, à savoir la vente de médicaments par correspondance. La comparaison faite par la Commission entre le site Internet de DocMorris et une publicité diffusée par un organisme de radiodiffusion télévisuelle pour des téléspectateurs établis dans un autre État membre n'est donc valable que jusqu'à un certain point.

247.
    Encore un autre cas de figure serait celui dans lequel un fabricant de médicaments organise lui-même - dans les limites du droit communautaire - la publicité pour ses produits.

248.
    La vente de médicaments par correspondance ne saurait s'analyser en l'espèce comme une activité économique qu'il y aurait lieu d'apprécier séparément. Il s'agit plutôt simplement d'une forme déterminée d'achat, c'est-à-dire de la livraison de marchandises. Celle-ci ne constitue donc pas une prestation de services autonome. Par conséquent, s'il est vrai que le marché publicitaire peut se distinguer du marché des marchandises du point de vue tant économique que juridique, il serait cependant on ne peut plus artificiel d'apprécier séparément les faits économiques du litige au principal (90).

249.
    Le présent cas d'espèce diffère donc sensiblement de ceux dont la Cour a eu à connaître dans les affaires relatives à la publicité télévisée ou à la publicité diffusée par télédistribution (91). En particulier l'arrêt De Agostini et TV-Shop, auquel la Commission s'est référée, se révèle dénué de pertinence en ce qui concerne des restrictions à l'activité économique du commerçant qui vend le produit faisant l'objet de la publicité (92), par exemple celle d'un pharmacien. En effet, dans l'affaire De Agostini et TV-Shop, s'agissant de la libre circulation des marchandises, la Cour s'était concentrée sur la prestation de services de l'entreprise qui voulait fournir les activités publicitaires et sur la restriction nationale y afférente, et non sur l'entreprise dont les marchandises ou prestations de services devaient faire l'objet d'une publicité.

250.
    Étant donné que la juridiction de renvoi n'a évoqué dans aucune de ses questions préjudicielles la libre prestation des services, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle n'ait pas non plus communiqué à la Cour des éléments d'informations sur ce point. Il n'est du reste pas possible non plus de tirer des autres pièces de procédure des indications suffisantes pour pouvoir apprécier les interdictions de publicité en cause au regard de la libre prestation des services.

251.
    Dans ces conditions, nous estimons que la Cour n'est pas en mesure de se prononcer en l'espèce sur l'interprétation de la libre prestation des services.

252.
    Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi, si elle envisage d'appliquer également la libre prestation des services au litige dont elle est saisie, de procéder au contrôle approprié en fonction des circonstances propres à l'espèce. À cet égard, il conviendrait d'examiner si les interdictions de publicité en cause poursuivent un objectif d'intérêt général, tel que la protection de la santé publique. La juridiction nationale devra en outre vérifier si lesdites interdictions sont également proportionnées, c'est-à-dire si elles sont adaptées, nécessaires et adéquates en vue d'atteindre l'objectif visé.

VII - Sur la troisième question préjudicielle

1. Arguments des parties

253.
    DocMorris part du principe que le commerce par correspondance transfrontalier de médicaments doit être garanti. Elle considère que ce principe reste valable même dans l'hypothèse où certains aspects partiels d'une présentation sur Internet violeraient les dispositions du droit sur la publicité pharmaceutique.

254.
    Selon l'Apothekerverband, il ne saurait être question d'imposer «à tout prix» la libre circulation transfrontalière des marchandises, à savoir la vente de médicaments par correspondance. Une modification ne pourrait tout au plus avoir lieu que sur la base d'une législation nouvelle au niveau communautaire.

255.
    Le gouvernement allemand considère également que la troisième question préjudicielle appelle une réponse négative. Selon ce gouvernement, la mise en oeuvre efficace de l'interdiction de mettre sur le marché des médicaments non autorisés implique au contraire également une limitation de toute forme de publicité qui tend à éluder cette interdiction.

256.
    Selon les gouvernements français, grec et irlandais ainsi que la Commission, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

2. Appréciation

257.
    La troisième question préjudicielle porte également sur l'interprétation des articles 28 CE et 30 CE, et ce - de même que la première question préjudicielle - par rapport au commerce de médicaments. Elle vise en substance à savoir si une interdiction de publicité a une incidence sur l'appréciation de la licéité du commerce de médicaments.

258.
    Dans ce contexte, il convient de rappeler que, si le commerce et la publicité sont économiquement liés, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent être traités séparément en droit.

259.
    En l'espèce, c'est ce que laissent déjà présager les questions préjudicielles dont la première porte sur le commerce pharmaceutique tandis que la deuxième porte sur la publicité pour la vente par correspondance, c'est-à-dire pour le commerce, et sur celle pour certains médicaments.

260.
    S'agissant de l'interprétation des articles 28 CE et 30 CE par rapport au commerce pharmaceutique nous pouvons donc nous borner ici à renvoyer à la réponse apportée à la première question préjudicielle.

VIII - Conclusion

261.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles:

«1)    L'article 28 CE doit être interprété en ce sens qu'une législation nationale qui interdit l'importation commerciale de médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie, réalisée par la voie de vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d'autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final, constitue une mesure d'effet équivalent.

    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'une législation nationale qui interdit l'importation commerciale de médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d'autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final, et ce même quand la délivrance de médicaments soumis à prescription médicale est subordonnée à la réception préalable, par la pharmacie expéditrice, d'une ordonnance médicale originale, est justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, lorsqu'il s'agit de médicaments soumis à autorisation dans l'État membre dans lequel ils sont importés, mais n'ayant fait l'objet ni d'une autorisation ou reconnaissance d'autorisation nationale ni d'une autorisation communautaire délivrée selon la procédure centralisée.

    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'une interdiction nationale de l'importation de médicaments autorisés dans l'État d'importation qu'une pharmacie établie dans un autre État membre de l'Union européenne a auparavant achetés auprès de grossistes de l'État d'importation n'est pas justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, dans la mesure où la réalisation des objectifs poursuivis par l'État membre d'importation est assurée d'une autre manière.

2)    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interdiction nationale de publicité pour la vente de médicaments par correspondance - abstraction faite de la publicité pour les médicaments à usage humain -, à moins que ladite interdiction ne vise à protéger le régime national d'autorisation et ne soit proportionnée.

    L'article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28/CEE du Conseil, du 31 mars 1992, concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une interdiction nationale de la publicité pour les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale.

    L'article 2, paragraphe 1, de la directive 92/28 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une interdiction nationale de la publicité pour les médicaments à usage humain en vente exclusivement en pharmacie et qui sont autorisés dans l'État d'origine, mais pas dans l'État d'importation.

    La notion de ‘publicité auprès du public’ visée à l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/28 doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre également le portail Internet d'une pharmacie d'un État membre qui décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne.

    Il n'y a pas lieu de considérer les bulletins de commande en ligne qui contiennent des informations sur des médicaments comme des catalogues de vente ou des listes de prix au sens de l'article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28.

3)    Les articles 28 CE et 30 CE doivent être interprétés en ce sens que le commerce transfrontalier de médicaments qui a lieu grâce à une présentation sur Internet doit être apprécié indépendamment de la licéité d'une interdiction de publicité.»


1: -     Langue originale: l'allemand.


2: -    JO 1965, 22, p. 369.


3: -    JO L 214, p. 22.


4: -    JO L 311, p. 67.


5: -    JO L 113, p. 13.


6: -    JO L 144, p. 19.


7: -    JO L 178, p. 1.


8: -    Dans la version du BGBl. 1998 I, p. 2649.


9: -    BGBl. 1994 I, p. 3068.


10: -    Arrêt du 10 novembre 1994 (C-320/93, Rec. p. I-5243).


11: -    Selon les termes mêmes utilisés par la juridiction de renvoi qui ne se réfère donc expressément ni à l'article 43 ni à l'article 73 de l'AMG.


12: -    Arrêts du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a. (C-399/98, Rec. p. I-5409, point 48), et du 30 avril 1998, Sodiprem e.a. (C-37/96 et C-38/96, Rec. p. I-2039, point 22).


13: -    Directive du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23).


14: -    Voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 1989, Parfümerie-Fabrik 4711 (C-150/88, Rec. p. 3891, point 28); du 12 octobre 1993, Vanacker et Lesage (C-37/92, Rec. p. I-4947, point 9); du 13 décembre 2001, Daimler Chrysler (C-324/99, Rec. p. I-9897, point 32), et du 24 octobre 2002, Linhart et Biffl (C-99/01, Rec. p. I-9375, point 18).


15: -    Arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097, points 16 et 17).


16: -    Selon la terminologie retenue par González Vaqué, «La sentencia ‘Laura’», Gaceta Jurídica de la C.E. y de la Competencia - Boletín 1998, n° 135, p. 15 (spécialement p. 19).


17: -    Ce critère est parfois qualifié à tort de condition de discrimination. En ce sens, voir par exemple Picod, «La nouvelle approche de la Cour de justice en matière d'entraves aux échanges», Revue trimestrielle de droit européen, 1998, p. 169 (spécialement p. 178).


18: -    Sur ce point, voir également Hénin, «Libre circulation, conditionnement des médicaments et marques», dans Droit communautaire et médicament, 1996, p. 65 (spécialement p. 87).


19: -    Arrêts du 20 juin 1996, Semeraro Casa Uno e.a. (C-418/93 à C-421/93, C-460/93 à C-462/93, C-464/93, C-9/94 à C-11/94, C-14/94, C-15/94, C-23/94, C-24/94 et C-332/94, Rec. p. I-2975), et du 2 juin 1994, Tankstation 't Heukske et Boermans (C-401/92 et C-402/92, Rec. p. I-2199).


20: -    Arrêt du 29 juin 1995, Commission/Grèce (C-391/92, Rec. p. I-1621).


21: -    Arrêt du 14 décembre 1995, Banchero (C-387/93, Rec. p. I-4663).


22: -    Arrêt du 23 octobre 1997, Franzén (C-189/95, Rec. p. I-5909).


23: -    Arrêt du 15 décembre 1993, Hünermund e.a. (C-292/92, Rec. p. I-6787).


24: -    Arrêt du 9 février 1995, Leclerc-Siplec (C-412/93, Rec. p. I-179).


25: -    Cela résulte a contrario des arrêts du 6 juillet 1995, Mars (C-470/93, Rec. p. I-1923), et du 26 juin 1997, Familiapress (C-368/95, Rec. p. I-3689).


26: -    Arrêt du 11 août 1995, Belgapom (C-63/94, Rec. p. I-2467).


27: -    Arrêts Keck et Mithouard (précité à la note 15, point 12) et Leclerc-Siplec (précité à la note 24, point 19).


28: -    Arrêts du 5 octobre 1994, Centre d'insémination de la Crespelle (C-323/93, Rec. p. I-5077, point 29); Franzén (précité à la note 22, point 71), et Familiapress (précité à la note 25, point 12).


29: -    Voir les conclusions de l'avocat général Van Gerven dans l'affaire Tankstation 't Heukske et Boermans (précitée à la note 19); Hénin (précité à la note 18, p. 71 et suiv.); voir aussi Gormley, «Two years after Keck», Fordham international law journal, 1996, p. 866 (spécialement p. 880); Greaves, «Advertising restrictions and the free movement of goods and services», European law review, 1998, p. 305 (spécialement p. 310 et 318); Heermann, «Artikel 30 EGV im Lichte der ‘Keck’-Rechtsprechung», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht: Internationaler Teil, 1999, p. 579 (spécialement p. 585).

    Voir, en revanche, Mattera, «De l'arrêt ‘Dassonville’ à l'arrêt ‘Keck’: l'obscure clarté d'une jurisprudence riche en principes novateurs et en contradictions», Revue du marché unique européen, 1994, p. 117 (spécialement p. 149), qui se prononce contre le fait que toute adaptation à une réglementation de l'État d'importation constitue déjà un obstacle. Dans un sens critique à l'égard des coûts érigés en critère général, Sack, R., «Staatliche Werbebeschränkungen und die Art. 30 und 59 EG-Vertrag», Wettbewerb in Recht und Praxis, 1998, p. 103 (spécialement p. 107).


30: -    Picod (précité à la note 17), p. 188 et suiv.


31: -    Arrêt du 13 janvier 2000, TK-Heimdienst (C-254/98, Rec. p. I-151, point 26).


32: -    Arrêts Hünermund e.a. (précité à la note 23, point 23), Tankstation 't Heukske et Boermans (précité à la note 19, point 14) et Leclerc-Siplec (précité à la note 24, point 23).


33: -    Ibidem.


34: -    Arrêt Ortscheit (précité à la note 10, point 10).


35: -    Précité à la note 15, point 13.


36: -    Précité à la note 23, point 20.


37: -    Précité à la note 24, point 20.


38: -    L'avocat général Lenz a également écarté ce critère dans ses conclusions dans l'affaire Commission/Grèce (précitée à la note 20), point 20.


39: -    Voir Clarke, «E-commerce and pharmacy law», The Bar review 2001, p. 357 (spécialement p. 362), et Thurnher/Hohensinner, «Fragen Sie Ihren Internetapotheker», Ecolex 2001, p. 493 (spécialement p. 496).


40: -    Arrêt Keck et Mithouard, précité à la note 15, point 17.


41: -    Voir, par contre, R. Sack (précité à la note 29), p. 105.


42: -    Le problème est soulevé notamment par Gormley (précité à la note 29, p. 884 et suiv.) et Oliver, «Some further reflections on the scope of articles 28-30 (ex 30-36) EC», Common market law review, 1999, p. 783 (spécialement p. 795).


43: -    Schwintowski, «Freier Warenverkehr im europäischen Binnenmarkt: eine Fundamentalkritik des EuGH zu Art. 28 EGV», dans Systembildung und Systemlücken in Kerngebieten des europäischen Privatrechts, 2000, p. 457 (spécialement p. 468).


44: -    Voir conclusions de l'avocat général Elmer dans l'affaire Franzen (précitée à la note 22).


45: -    Voir, par exemple, les conclusions de l'avocat général Jacobs dans l'affaire Leclerc-Siplec (précitée à la note 24).

    Voir également Dauses, «Die Rechtsprechung des EuGH zum Verbraucherschutz und zur Werbefreiheit im Binnenmarkt», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 1995, p. 425 (spécialement p. 428); R. Sack, (précité à la note 29, p. 109); les contributions dans Schwarze (éditeur), Werbung und Werbeverbote im Lichte des europäischen Gemeinschaftsrechts, 1999; Weatherill, «After Keck: some thoughts on how to clarify the clarification», Common market law review, 1996, p. 885 (spécialement p. 897).


46: -    Arrêt du 4 novembre 1997, Parfums Christian Dior (C-337/95, Rec. p. I-6013, point 51).


47: -    Arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments (C-384/93, Rec. p. I-1141, points 35 et 38).


48: -    Arrêt du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12).


49: -    Kröck, Der Einfluß der europäischen Grundfreiheiten am Beispiel der Ärzte und Arzneimittel, 1998, p. 200.


50: -    Pour une telle solution alternative, R. Sack, «Staatliche Regelung so genannter ‘Verkaufsmodalitäten’ und Art. 30 EG-Vertrag», Europäisches Wirtschafts- & Steuerrecht, 1994, p. 37 (spécialement p. 45).


51: -    Sur la différence voir, pour plus de détails, Oliver (précité à la note 42, p. 799).


52: -    Voir les conclusions de l'avocat général Jacobs dans l'affaire De Agostini et TV-Shop (arrêt du 9 juillet 1997, C-34/95 à C-36/95, Rec. p. I-3843).


53: -    Au sujet d'une telle réglementation, voir les conclusions de l'avocat général Van Gerven dans l'affaire Tankstation 't Heukske et Boermans (précitée à la note 19), point 22; voir également Thurnher/Hohensinner (précité à la note 39), p. 496.


54: -    Arrêt Banchero (précité à la note 21, point 43); conclusions de l'avocat général Lenz dans l'affaire Commission/Grèce (précitée à la note 20), point 19.


55: -    Arrêt Commission/Grèce (précité à la note 20).


56: -    Précité à la note 23, point 19.


57: -    Voir à ce sujet, d'une manière générale, Ernst, «Arzneimittelverkauf im Internet», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2001, p. 893 (spécialement p. 896 avec des références supplémentaires).


58: -    Par exemple, Clarke (précité à la note 39), p. 362.


59: -    Arrêt précité à la note 24, point 19.


60: -    En ce sens, à propos d'une interdiction de publicité, voir les conclusions de l'avocat général Jacobs dans l'affaire De Agostini et TV-Shop (précitée à la note 52), points 97 et 99.


61: -    Arrêt précité à la note 52, point 44.


62: -    Ainsi, au sujet du monopole de vente des pharmaciens, les conclusions de l'avocat général Lenz dans l'affaire Commission/Grèce (précitée à la note 20), point 19.


63: -    Précité à la note 52, point 43.


64: -    Ibidem, point 44.


65: -    À ce propos, voir également les contributions dans Schwarze (précité à la note 45).


66: -    Voir, par exemple, Heermann, «Artikel 30 EGV im Lichte der ‘Keck’-Rechtsprechung: Anerkennung sonstiger Verkaufsmodalitäten und Einführung eines einheitlichen Rechtfertigungstatbestands?», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, 1999, p. 579 (spécialement p. 594), qui, dès lors que les conditions de l'article 30 CE sont réunies, parvient à la conclusion que l'article 28 CE n'est pas applicable. On objectera toutefois que l'article 30 CE ne peut trouver application que si l'article 28 CE est applicable et que l'interdiction qui y est édictée est également enfreinte. En revanche, l'application de la jurisprudence Cassis de Dijon aboutit à ce qu'il n'y ait même pas une infraction à l'article 28 CE.


67: -    Arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon» (120/78, Rec. p. 649), et du 1er juin 1994, Commission/Allemagne (C-317/92, Rec. p. I-2039).


68: -    Arrêts du 16 avril 1991, Eurim-Pharm (C-347/89, Rec. p. I-1747, point 27); du 8 avril 1992, Commission/Allemagne (C-62/90, Rec. p. I-2575, point 12); du 14 décembre 2000, Commission/France (C-55/99, Rec. p. I-11499, point 42), et du 10 septembre 2002, Ferring (C-172/00, Rec. p. I-6891, point 34).


69: -    Voir arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía (C-1/90 et C-176/90, Rec. p. I-4151, point 16).


70: -    Arrêt du 21 septembre 1999, Läära e.a. (C-124/97, Rec. p. I-6067, point 36).


71: -    À propos d'un tel cas de figure, voir l'arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc e.a. (229/83, Rec. p. 1).


72: -    À propos de la liberté d'établissement, arrêt du 9 mars 1999, Centros (C-212/97, Rec. p. I-1459, points 26 et suiv.).


73: -    Voir arrêts du 12 novembre 1996, Smith & Nephew et Primecrown (C-201/94, Rec. p. I-5819), concernant la directive 65/65, et du 12 octobre 1999, Upjohn (C-379/97, Rec. p. I-6927), concernant des droits de marque dans le domaine des médicaments.


74: -    Arrêt du 8 avril 1992, Commission/Allemagne (précité à la note 68, point 19).


75: -    Arrêt du 7 mars 1989, Schumacher (215/87, Rec. p. 617, point 21), concernant l'absence de contrôles lors de l'importation par certaines voies.


76: -    Arrêt Schumacher, précité à la note 75, point 20.


77: -    Voir arrêts du 28 avril 1998, Kohll (C-158/96, Rec. p. I-1931, points 48 et suiv.), et du 12 juillet 2001, Vanbraekel e.a. (C-368/98, Rec. p. I-5363, point 48), ainsi que Smits et Peerbooms (C-157/99, Rec. p. I-5473, point 73).


78: -    Arrêts du 12 mars 1987, Commission/Allemagne (178/84, Rec. p. 1227, point 46), et Kohll (précité à la note 77, point 52).


79: -    Arrêt du 1er juin 1994, Commission/Allemagne, précité à la note 67, point 20.


80: -    Arrêt du 1er juin 1994, Commission/Allemagne, précité à la note 67, point 18.


81: -    Arrêt Kohll, précité à la note 77, point 52.


82: -    À propos d'une interdiction de publicité, voir également arrêt du 8 mars 2001, Gourmet International Products (C-405/98, Rec. p. I-1795, point 19).


83: -    Arrêt Ortscheit, précité à la note 10, points 19 et suiv.


84: -    Voir, par exemple, Ernst (cité à la note 57 ci-dessus), p. 897, et Koenig/Müller, «Der werbliche Auftritt von Online-Apotheken im Europäischen Binnenmarkt», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2000, p. 1366 (spécialement p. 1367 et suiv.), selon lesquels l'article 3 bis s'applique lorsque l'offre sur Internet en Allemagne comprend des médicaments non autorisés et contient des informations qu'il y a lieu de qualifier de publicité pour des médicaments non autorisés (p. 1372).


85: -    Sur l'interprétation large de la notion de publicité, voir l'arrêt du 25 octobre 2001, Toshiba Europe (C-112/98, Rec. p. I-7945, point 28) concernant la publicité trompeuse.


86: -    Koenig/Müller (précité à la note 84), p. 1368.


87: -    Ernst (précité à la note 57), p. 897.


88: -    Voir à cet égard, dans le domaine du droit des médicaments, l'arrêt Ortscheit, précité à la note 10, point 15.


89: -    Directive 89/552.


90: -    Sur les difficultés que soulève la séparation, voir, par exemple, Todino/Lüder, «La jurisprudence ‘Keck’ en matière de publicité: vers un marché unique», Revue du marché unique européen, 1995, p. 181 et suiv.


91: -    Arrêts du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a. (352/85, Rec. p. 2085); De Agostini et TV-Shop (précité à la note 52), et du 28 octobre 1999, ARD (C-6/98, Rec. p. I-7599).


92: -    En ce sens Stuyck, Common market law review, 1997, p. 1445 (spécialement p. 1467).