Language of document : ECLI:EU:C:2017:398

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 18 mai 2017 (1)

Affaire C225/16

Mossa Ouhrami

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115/CE – Article 11, paragraphe 2 – Interdiction d’entrée “historique” – Point de départ – Dérogation pour un motif d’ordre public à la durée maximale de cinq ans de l’interdiction d’entrée »






1.        Dans la présente demande de décision préjudicielle présentée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), la juridiction de renvoi demande des éclaircissements sur l’interprétation de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (2), et en particulier sur l’article 11 de celle-ci.

2.        La demande a été présentée dans le contexte d’un pourvoi formé par un ressortissant d’un pays tiers contre l’arrêt prononçant sa condamnation et son emprisonnement en raison du délit de présence sur le territoire de l’État membre concerné (le Royaume des Pays-Bas), sachant que ledit ressortissant avait été déclaré être un ressortissant indésirable d’un pays tiers et qu’avait été adoptée à son encontre une décision lui enjoignant de quitter le territoire national et lui interdisant d’entrer (à nouveau) pendant une durée de dix ans. Le sort de la condamnation dépend de la question de savoir si cette interdiction d’entrée « historique » (c’est-à-dire imposée avant l’entrée en vigueur de la directive « retour ») (3) était encore en vigueur lorsque le ressortissant du pays tiers a fait l’objet de poursuites. La réponse à cette question dépend quant à elle de la date à laquelle l’interdiction d’entrée est considérée commencer à courir et de l’effet (s’il existe), dans les circonstances particulières de l’affaire, de la directive « retour » sur la durée d’une interdiction d’entrée « historique ».

 Le droit de l’Union

 L’acquis de Schengen

3.        L’espace Schengen (4) repose sur l’accord de Schengen (5), par lequel les États signataires ont accepté de supprimer toutes les frontières intérieures et d’établir une frontière extérieure unique. Des règles et des procédures communes sont appliquées au sein de l’espace Schengen en matière, notamment, de contrôles aux frontières.

4.        Le système d’information Schengen (SIS) a été établi au titre de l’article 92 de la convention d’application de l’accord de Schengen (6). Il a été remplacé par le SIS II (7), qui permet aux États membres d’obtenir des informations relatives à des signalements aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour des ressortissants de pays tiers.

5.        L’article 24 du règlement no 1987/2006 concerne les conditions auxquelles sont soumis les signalements introduits aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour. Il est ainsi libellé :

« 1.      Les données relatives aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour sont introduites sur la base d’un signalement national résultant d’une décision prise par les autorités administratives ou juridictions compétentes […]

2.      Un signalement est introduit lorsque la décision visée au paragraphe 1 est fondée sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale que peut constituer la présence d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre […]

[…]

3.      Un signalement peut également être introduit lorsque la décision visée au paragraphe 1 est fondée sur le fait que le ressortissant d’un pays tiers a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, de renvoi ou d’expulsion qui n’a pas été abrogée ni suspendue, et qui comporte ou est assortie d’une interdiction d’entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l’entrée ou au séjour des ressortissants de pays tiers. »

6.        La directive 2001/40/CE du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers développe l’acquis de Schengen et vise à assurer une plus grande efficacité dans l’exécution des décisions d’éloignement (8). Le considérant 5 relève qu’une coopération entre États membres en matière d’éloignement des ressortissants de pays tiers ne peut pas être réalisée de manière suffisante au niveau des États membres. L’objectif de la directive est ainsi de permettre la reconnaissance d’une décision d’éloignement prise par un État membre à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur le territoire d’un autre État membre (9).

 La directive « retour »

7.        La directive « retour » trouve son origine dans deux Conseils européens. Le premier, tenu à Tampere les 15 et 16 octobre 1999, a défini une approche cohérente en matière d’immigration et d’asile (10). Le second, le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004, a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité (11). La directive « retour », adoptée dans le cadre de ces politiques, arrête un ensemble horizontal de règles applicables à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre (12). Les normes et procédures communes introduites par la directive « retour » doivent être appliquées conformément, notamment, aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union (13).

8.        Un objectif fondamental de la directive « retour » est de « fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée ». L’expulsion du territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier devrait respecter une procédure équitable et transparente (14). Conformément aux principes généraux du droit de l’Union, les décisions prises en vertu de la directive « retour » devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier (15). Toutefois, la légitimité de la pratique du retour par les États membres des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est reconnue, à condition que soient en place des régimes d’asile justes et efficaces qui respectent pleinement le principe de non-refoulement (16).

9.        Le considérant 14 revêt une importance particulière. Il énonce ce qui suit :

« Il y a lieu de conférer une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour par l’instauration d’une interdiction d’entrée excluant toute entrée et tout séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres. La durée de l’interdiction d’entrée devrait être fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne devrait normalement pas dépasser cinq ans. Dans ce contexte, il convient de tenir particulièrement compte du fait que le ressortissant concerné d’un pays tiers a déjà fait l’objet de plus d’une décision de retour ou d’éloignement ou qu’il a déjà pénétré sur le territoire d’un État membre alors qu’il faisait l’objet d’une interdiction d’entrée. »

10.      Les définitions suivantes, qui figurent à l’article 3, sont pertinentes en l’espèce :

« […]

1)      “ressortissant d’un pays tiers” : toute personne qui n’est ni un citoyen de l’Union au sens de l’article 17, paragraphe 1, du traité ni une personne jouissant du droit [de l’Union] à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5), du code frontières Schengen ;

2)      “séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

3)      “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

–        son pays d’origine, ou

–        un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission [de l’Union] ou bilatéraux, ou

–        un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

4)      “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;

5)      “éloignement” : l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre ;

6)      “interdiction d’entrée” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ;[…]. »

11.      Les États membres conservent le droit d’adopter des dispositions plus favorables, à condition que celles-ci soient compatibles avec la directive « retour » (17).

12.      L’article 6, paragraphe 1, impose aux États membres de prendre une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers qui se trouve en séjour irrégulier sur leur territoire (18). L’article 6, paragraphe 6, donne aux États membres la possibilité d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale (19).

13.      L’article 11 se lit ainsi :

« 1.      Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :

a)      si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b)      si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.

2.      La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

3.      Les États membres examinent la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une telle interdiction décidée conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, peut démontrer qu’il a quitté le territoire d’un État membre en totale conformité avec une décision de retour. […] »

 Le droit néerlandais

14.      En vertu de l’article 67, paragraphe 1, de la Vreemdelingenwet 2000 (loi sur les étrangers de 2000, ci-après la « Vw »), un ressortissant d’un pays tiers (20) peut être déclaré indésirable (pour ce qui nous concerne en l’espèce) : i) s’il ne séjourne pas de manière régulière aux Pays-Bas et qu’il a de manière répétée commis des faits punissables en vertu de la présente loi ; ii) s’il a été condamné par un jugement, devenu définitif, en raison d’une infraction pour laquelle il risque une peine d’emprisonnement de trois ans ou plus ; ou iii) s’il constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale. Ces conditions sont alternatives.

15.      L’article 68 de la Vw prévoit que la décision qui déclare un étranger indésirable est levée à la demande de celui-ci s’il a, pendant une période ininterrompue de dix ans, séjourné en dehors des Pays-Bas et que, pendant cette période, aucun des motifs invoqués à l’article 67, paragraphe 1, de la Vw n’a été soulevé.

16.      La Vw a été modifiée afin de transposer la directive « retour » dans l’ordre juridique national. Aux termes de l’article 61, paragraphe 1, de la Vw, l’étranger qui n’est pas, ou qui n’est plus, en situation de séjour régulier doit quitter les Pays-Bas de sa propre initiative dans le délai fixé à l’article 62 ou à l’article 62c de cette loi. L’article 62, paragraphe 1, de la Vw prévoit en outre que l’étranger doit, après qu’une décision de retour a été adoptée à son encontre, quitter les Pays-Bas de sa propre initiative dans les quatre semaines.

17.      L’article 66a, paragraphe 1, de la Vw et l’article 6.5a, paragraphe 5, du Vreemdelingenbesluit 2000 (arrêté sur les étrangers de 2000, ci-après le « Vb ») ont été adoptés précisément avec l’objectif de transposer l’article 11 de la directive « retour » en droit national.

18.      En vertu de l’article 66a, paragraphe 1, de la Vw, une décision de non-admission sera adoptée à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui n’a pas quitté les Pays-Bas de manière volontaire dans le délai applicable. En vertu de l’article 66a, paragraphe 4, de la Vw, l’interdiction d’entrée est imposée pour une durée déterminée maximale de cinq ans, sauf si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Cette durée est calculée à partir de la date à laquelle l’étranger a effectivement quitté les Pays-Bas.

19.      En vertu de l’article 66a, paragraphe 7, de la Vw, l’étranger qui a fait l’objet d’une interdiction d’entrée ne peut pas séjourner régulièrement si, entre autres : i) il a été condamné par un jugement, devenu définitif, en raison d’une infraction pour laquelle il risque une peine d’emprisonnement de trois ans ou plus ; ii) il constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ; ou iii) il constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

20.      En vertu de l’article 197 du Wetboek van Strafrecht (code pénal), dans sa version applicable à la date des faits, un étranger qui séjourne aux Pays-Bas alors qu’il sait ou qu’il a des raisons sérieuses de croire qu’il a, sur le fondement d’une disposition légale, été déclaré indésirable, est passible, notamment, d’un emprisonnement d’une durée maximale de six mois. Conformément à ce même article dans sa version actuellement en vigueur, un étranger qui séjourne aux Pays-Bas alors qu’il sait ou qu’il a des raisons sérieuses de croire qu’il a, sur le fondement d’une disposition légale, été déclaré indésirable, ou qu’il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en application de l’article 66a, paragraphe 7, de la Vw, est passible, notamment, d’un emprisonnement d’une durée maximale de six mois.

21.      En vertu de l’article 6.6, paragraphe 1, du Vb, dans sa version applicable à la date des faits, il est fait droit à la demande de levée de la décision déclarant une personne indésirable si le ressortissant d’un pays tiers ne fait pas l’objet de poursuites pénales et n’a pas été déclaré indésirable, notamment du chef de délits de violence ou en matière de stupéfiants, et s’il a, depuis qu’il a été déclaré indésirable, séjourné en dehors des Pays-Bas pendant une période ininterrompue de dix ans.

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

22.      M. Mossa Ouhrami est probablement un ressortissant algérien. Il est entré aux Pays-Bas en 1999, mais n’a jamais détenu d’autorisation de séjour. Au cours de la période comprise entre les années 2000 et 2002, il a été condamné à cinq reprises du chef de vol aggravé, recel et détention de drogues dures et a été condamné à un total d’environ treize mois d’emprisonnement.

23.      Par décision du 22 octobre 2002 (ci-après la « décision du ministre »), le Minister van Vreemdelingenzaken en Immigratie (ministre des Étrangers et de l’Immigration) a considéré par ces motifs que M. Ouhrami représentait un danger pour l’ordre public et a déclaré qu’il était un ressortissant indésirable d’un pays tiers. La décision du ministre est libellée comme suit :

« L’intéressé a au total été condamné à plus de six mois d’emprisonnement ferme. Compte tenu de ces éléments, il est considéré que l’intéressé constitue un danger pour l’ordre public alors qu’il n’a pas le droit de séjourner de manière régulière aux Pays-Bas au sens des articles 8, sous a) à e), ou 1er, de la Vw.

[…]

Effets juridiques de la présente décision

[…]

Compte tenu de l’article 6.6, paragraphe 1, du Vb, l’intéressé doit, parce qu’il a été déclaré indésirable sur le fondement de l’article 67 de la [Vw] notamment du chef d’un délit en matière de stupéfiants, séjourner en dehors des Pays-Bas pendant dix années consécutives à partir du moment où il a été déclaré indésirable et de son départ des Pays-Bas. »

24.      La décision du ministre a été notifiée à M. Ouhrami le 17 avril 2003. Ce dernier ne l’a pas contestée. Elle est devenue définitive le 15 mai 2003.

25.      Bien qu’il ait su qu’il avait été déclaré être un ressortissant indésirable d’un pays tiers, M. Ouhrami est resté à Amsterdam (Pays-Bas) entre les années 2011 et 2012, en violation de la décision du ministre (21). Cela constitue un délit au titre de l’article 197 du code pénal néerlandais et M. Ouhrami a été condamné à huit mois d’emprisonnement.

26.      Dans le cadre de l’appel, M. Ouhrami a soutenu, devant le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas), que la procédure de retour prévue dans la directive « retour » n’avait pas été épuisée.

27.      Le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) a examiné la procédure de retour appliquée dans le cas de M. Ouhrami. Elle a relevé ce qui suit : i) le Dienst Terugkeer et Vertrek (service du retour et du départ) a eu avec celui-ci 26 entretiens portant sur son retour ; ii) l’intéressé a été présenté plusieurs fois aux autorités d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, sans qu’aucun de ces pays ait réagi favorablement ; iii) plusieurs enquêtes, en particulier relatives aux empreintes digitales, ont été diligentées par Interpol ; iv) une analyse linguistique a été tentée auprès de l’intéressé ; v) l’ensemble des procédures du service du retour et du départ relatives à l’éloignement ont été suivies ; mais vi) tous ces éléments n’ont pas conduit à l’éloignement de M. Ouhrami parce que celui-ci n’avait nullement coopéré. Sur ce fondement, le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), dans son arrêt du 22 novembre 2013, a considéré que la procédure de retour pouvait être considérée comme épuisée, de sorte que la peine d’emprisonnement infligée à M. Ouhrami n’était pas contraire à la directive « retour ». Il a cependant réduit cette peine à deux mois d’emprisonnement.

28.      M. Ouhrami a saisi la juridiction de renvoi d’un pourvoi fondé sur une question de droit. Sans contester la décision selon laquelle la procédure de retour avait été épuisée, il a soutenu que la décision du ministre adoptée en 2002 le déclarant être un ressortissant indésirable d’un pays tiers devrait être considérée comme une interdiction d’entrée qui est entrée en vigueur lorsqu’elle a été adoptée, ou, au plus tard, lorsqu’il en a eu connaissance. Dès lors que l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » prévoit que la durée d’une interdiction d’entrée ne dépasse en principe pas cinq ans, l’interdiction d’entrée n’était plus en vigueur en 2011 et 2012.

29.      La juridiction de renvoi relève que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, une décision déclarant une personne indésirable adoptée avant l’entrée en vigueur de la directive « retour » doit être considérée comme étant l’équivalent d’une interdiction d’entrée au sens de l’article 3, point 6, de ladite directive et que, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de cette même directive, la durée maximale de ladite interdiction ne dépasse en principe pas cinq ans (22). Il se pose alors la question de savoir à quelle date cette période commence à courir. En vertu de l’article 66a, paragraphe 4, de la Vw, la durée de validité d’une interdiction d’entrée est calculée à compter de la date à laquelle l’étranger a effectivement quitté les Pays-Bas.

30.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande si l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » régit non seulement la durée d’une interdiction d’entrée, mais également la date à laquelle ladite interdiction commence à courir. Elle soutient qu’une interdiction d’entrée n’est, par nature, pertinente qu’après que le ressortissant du pays tiers a quitté le pays.

31.      La juridiction de renvoi observe que si le point de départ de l’interdiction d’entrée est différent de la date de départ du territoire national, il se pose la question de savoir si la décision du ministre avait encore des effets juridiques lorsque la peine d’emprisonnement a été infligée à M. Ouhrami.

32.      Dans ces circonstances, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de demander des éclaircissements sur les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter l’article 11, paragraphe 2, de la directive “retour” en ce sens que le délai de cinq ans qu’il prévoit est calculé :

a)      à partir du moment de l’émission de l’interdiction d’entrée (ou, rétroactivement, à partir de la décision y assimilable déclarant une personne indésirable), ou bien

b)      à partir de la date à laquelle l’intéressé a effectivement quitté le territoire des États membres de l’Union, ou encore

c)      à partir d’un quelconque autre moment ?

2)      L’article 11, paragraphe 2, de la directive “retour” doit-il, aux fins de l’application du droit transitoire, être interprété en ce sens qu’il implique que des décisions adoptées avant l’entrée en vigueur de cette directive, qui ont pour effet juridique que leur destinataire doit séjourner en dehors des Pays-Bas pendant dix années consécutives, étant entendu que l’interdiction d’entrée a été décidée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres au cas d’espèce et était susceptible de recours, ne peuvent plus produire d’effets juridiques si, au moment où cette directive devait être transposée ou au moment où il a été constaté que le destinataire de cette décision séjournait aux Pays-Bas, la durée de cette obligation excédait la durée prévue par cette disposition ? »

33.      Des observations écrites ont été présentées pour le compte de M. Ouhrami, du Royaume de Danemark, du Royaume des Pays-Bas, de la Confédération suisse et de la Commission européenne. Ceux-ci, à l’exception de la Confédération suisse, ont présenté des observations orales lors de l’audience du 16 mars 2017.

 Analyse

 Remarques préliminaires

34.      La directive « retour » constitue un développement de l’acquis de Schengen à l’égard des ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’entrée prévues dans le code frontières Schengen (23). Cette directive remplace les dispositions des articles 23 et 24 de la CAAS qui concernent le retour des ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’un séjour bref applicables au sein du territoire des parties à l’accord Schengen (24).

35.      Dans ce contexte, la directive « retour » fixe les normes et procédures communes ainsi que les garanties juridiques à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier afin que les personnes soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité (25). L’« européanisation » des conséquences des mesures nationales de retour devrait renforcer la crédibilité d’une politique de retour véritablement européenne (26).

36.      Il découle de la définition de la notion de « séjour irrégulier » donnée à l’article 3, point 2, de la directive « retour » que « tout ressortissant d’un pays tiers qui est présent sur le territoire d’un État membre sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans celui-ci se trouve, de ce seul fait, en séjour irrégulier sans que cette présence soit soumise à une condition de durée minimale ou d’intention de rester sur ce territoire » (27). Il appartient d’abord aux États membres de déterminer, conformément à leur droit national, quelles sont ces conditions et, par conséquent, si le séjour d’une personne donnée sur leur territoire est légal ou non (28). L’interaction entre la directive « retour » et l’acquis de Schengen ainsi que le régime de retour prévu dans ladite directive mettent en évidence la dimension européenne des décisions de retour et des interdictions d’entrée mises en place afin de garantir une politique de retour effective.

37.      Les décisions de retour imposent aux ressortissants de pays tiers qui séjournent illégalement sur le territoire des États membres (29) une obligation de « retour », c’est-à-dire une obligation de rentrer dans leur pays d’origine, dans un pays de transit ou dans un autre pays (30). Il en découle que lesdits ressortissants ne sont pas en droit de rester sur le territoire de l’État membre adoptant une telle décision. Les autres États membres peuvent reconnaître et exécuter les décisions de retour conformément à la directive 2001/40.

38.      Une interdiction d’entrée ne saurait être adoptée indépendamment d’une décision de retour ; elle ne peut en effet qu’accompagner une telle décision (31). Il ressort du libellé du considérant 14 de la directive « retour » et de l’article 3, point 6, de celle-ci qu’une interdiction d’entrée, même si elle a été adoptée par un État membre, vise à interdire à la personne concernée l’entrée et le séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres. Elle confère ainsi une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour (32). La dimension européenne des interdictions d’entrée découle également du fait que lorsqu’un État membre envisage d’adopter un titre de séjour ou une autre autorisation conférant un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une interdiction d’entrée délivrée par un autre État membre, il est tenu de consulter au préalable ledit État membre et de prendre en compte les intérêts de celui-ci (33). Dans ce contexte, il est important que les États membres disposent d’un accès rapide, par l’intermédiaire de SIS II, aux informations relatives aux interdictions d’entrée imposées par les autres États membres (34).

39.      Il résulte de ce qui précède que, depuis la date d’entrée en vigueur de la directive « retour », les interdictions d’entrée adoptées par les autorités nationales ont acquis une dimension européenne et doivent donc respecter les règles établies par ladite directive.

40.      La présente affaire concerne une interdiction d’entrée « historique », c’est-à-dire une mesure nationale équivalente à une interdiction d’entrée, qui a été adoptée par un État membre avant la transposition de la directive « retour ».

41.      La jurisprudence de la Cour a déjà abordé la question des effets dans le temps de la directive « retour ». Dans l’arrêt Filev et Osmani (35), la Cour a pris en compte la jurisprudence constante selon laquelle une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation expresse, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Il en découle que la directive « retour » « s’applique aux effets postérieurs à sa date d’applicabilité dans l’État membre concerné de décisions d’interdiction d’entrée prises en vertu des règles nationales applicables avant cette date » (36). Afin d’apprécier « la conformité du maintien des effets de telles décisions avec l’article 11, paragraphe 2, de la directive “retour” en ce qui concerne, en particulier, la durée maximale en principe de cinq ans prévue à cette disposition pour une interdiction d’entrée, il y a lieu de prendre en compte également la période pendant laquelle cette interdiction était en vigueur avant que la directive “retour” ne soit applicable » (37).

42.      Ainsi, dans l’hypothèse d’une interdiction d’entrée « historique » à durée illimitée telle que celle qui était en cause dans l’affaire Filev et Osmani, la Cour a considéré que la directive « retour » s’oppose au maintien des effets d’une telle interdiction au-delà de la durée maximale de cinq ans prévue à l’article 11, paragraphe 2, de ladite directive sauf si ladite interdiction a été prononcée à l’encontre de ressortissants de pays tiers constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale (38).

43.      Cette jurisprudence constitue à l’évidence le point de départ de l’analyse des questions soulevées par la présente affaire, à savoir celle de la date de la prise d’effet de l’interdiction d’entrée et celle des conditions dans lesquelles une interdiction d’entrée « historique » peut dépasser cinq ans. Néanmoins, elle ne résout pas à elle seule les questions posées par la juridiction de renvoi.

 Sur la première question préjudicielle

44.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, des éclaircissements quant à l’interprétation de l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » s’agissant de la date à laquelle une interdiction d’entrée commence à courir.

45.      Le libellé de cette disposition précise que les interdictions d’entrée ne peuvent en principe pas dépasser cinq ans. Néanmoins, il ne détermine pas précisément quand cette période commence à courir. Le gouvernement danois maintient que, dès lors, cette question est laissée à l’appréciation des États membres aux fins d’une définition par le droit national.

46.      Je ne partage pas cette analyse.

47.      Il découle de la dimension européenne de la politique de retour (39) ainsi que des objectifs de la directive « retour », lesquels consistent à « établir des règles communes applicables au retour, à l’éloignement […] et aux interdictions d’entrée » (40), qu’une approche cohérente à l’échelle de l’Union est nécessaire dans la mise en œuvre de ladite directive.

48.      Cette approche cohérente est particulièrement importante dans le contexte de l’espace Schengen, qui établit une frontière extérieure unique. Il en résulte que, lors de la qualification d’un acte comme relevant d’un domaine de l’acquis de Schengen ou comme constituant un développement de celui-ci, il y a lieu de tenir compte de la nécessaire cohérence de cet acquis et de la nécessité de maintenir cette cohérence dans sa possible évolution (41). L’échange d’informations entre États membres s’agissant des décisions de retour et des interdictions d’entrée apparaît actuellement imparfait (42). En effet, lors de l’audience, la Commission a expliqué qu’il existe plusieurs propositions d’amélioration (43), qui consistent notamment à rendre obligatoire pour les États membres l’introduction, dans le SIS II, d’un signalement dans tous les cas dans lesquels une interdiction d’entrée a été adoptée (44). Un tel échange d’informations est crucial pour gérer la frontière extérieure unique et doit être fondé sur des données précises et fiables. Dans le cas des interdictions d’entrée, ces informations devraient logiquement comprendre à la fois la durée de l’interdiction et son point de départ.

49.      Dans ce contexte, il ressort également des termes mêmes de la directive « retour » que celle-ci vise à harmoniser la durée des interdictions d’entrée. Ainsi, une durée maximale de cinq ans est fixée, sauf si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Une incohérence sur cette question mettrait en péril les objectifs établis par la directive « retour », les effets des interdictions d’entrée dans l’ensemble de l’Union et la gestion de l’espace Schengen. Admettre qu’une interdiction d’entrée qui repose sur un ensemble de règles harmonisées au niveau européen commence à produire ses effets à une date différente en fonction des choix effectués par les États membres dans leur législation nationale nuirait au fonctionnement efficace de l’espace Schengen.

50.      Je souligne ici que l’article 3, point 6, et l’article 11 de la directive « retour », qui définissent la notion d’« interdiction d’entrée », n’effectuent aucun renvoi au droit des États membres. Par conséquent, il ne fait pas de doute que la notion d’« interdiction d’entrée » est une notion autonome du droit de l’Union. « [Il] découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de ce droit qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause » (45).

51.      Ce principe s’applique également aux éléments constitutifs d’une interdiction d’entrée, à savoir sa dimension temporelle (constituée par son point de départ et sa durée), sa dimension territoriale (le territoire des États membres) et sa dimension juridique (une interdiction d’entrer et de séjourner sur le territoire des États membres).

52.      Dès lors, je ne considère pas que le silence du législateur de l’Union à ce sujet constitue un choix délibéré et explicite. Il s’agit plutôt d’une lacune qu’il est loisible à la Cour de combler en tenant compte du libellé, de l’économie générale et de l’objectif de la directive « retour ». Le législateur de l’Union conserve évidemment la faculté de modifier la solution de la Cour s’il le considère comme souhaitable, par exemple, afin d’améliorer l’efficacité du SIS II et de renforcer ainsi l’acquis de Schengen.

53.      Différents points de départ ont été débattus devant la Cour. M. Ouhrami considère que le point de départ d’une interdiction d’entrée devrait être la date à laquelle celle-ci est notifiée à la personne qu’elle vise. Le Royaume des Pays-Bas, la Confédération suisse et la Commission font valoir que ledit point de départ devrait être la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte effectivement le territoire de l’État membre. Lors de l’audience, le Royaume de Danemark a expliqué que, en droit danois, une interdiction d’entrée devient effective lorsque le ressortissant d’un pays tiers quitte effectivement le pays, mais que le point de départ retenu pour calculer sa durée est le premier jour du premier mois qui suit le départ du ressortissant du pays tiers. Les permutations pourraient être multipliées presque à l’infini : la date à laquelle la décision a été adoptée ; la date à laquelle celle-ci est devenue définitive ; le jour qui suit le départ effectif du ressortissant du pays tiers ; la date à laquelle il est mis en détention aux fins de l’éloignement ; la date à laquelle il est prouvé qu’il est arrivé dans un pays tiers, etc. Une possibilité supplémentaire pourrait être la date à laquelle un signalement a été introduit dans le SIS II (46).

54.      Il ressort de mes propres recherches informelles que, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience, il existe des disparités significatives entre les solutions qui ont été retenues par les États membres à cet égard. Il semble que trois d’entre elles soient récurrentes dans leur législation, à savoir : i) la date à laquelle l’interdiction d’entrée a été notifiée ; ii) la date à laquelle ladite interdiction est devenue définitive ; et iii) la date à laquelle le ressortissant du pays tiers a effectivement quitté le territoire de l’État membre en cause.

55.      Toutes ces solutions présentent l’avantage de définir un moment précis à partir duquel l’interdiction d’entrée commence à produire ses effets. L’utilisation de la date de notification a me semble-t-il l’inconvénient de rattacher les effets juridiques de l’interdiction d’entrée à une date à laquelle cette mesure n’est pas encore définitive (et pourrait, au moins en théorie, être modifiée, voire annulée). Utiliser la date à laquelle l’interdiction d’entrée est devenue définitive lie les effets juridiques d’une mesure dont la portée s’étend à l’Union et qui concerne le territoire de l’ensemble des États membres à une date qui dépend des règles de procédure nationales. Celles-ci sont susceptibles de varier de manière importante en fonction des différents systèmes juridiques.

56.      En outre, ces deux solutions ne tiennent pas compte du fait que les interdictions d’entrée ne sont pas des mesures autonomes, mais accompagnent toujours une décision de retour, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 3, point 6, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive « retour ». Il en découle que la première étape de la procédure est l’adoption d’une décision du retour, dont la conséquence juridique est d’imposer un « retour » au ressortissant du pays tiers. La seconde étape, l’adoption d’une interdiction d’entrée, est facultative. Une telle décision peut être adoptée lors de la première étape, conformément à l’article 6, paragraphe 6, de la directive « retour ». Elle produit un double effet juridique : i) l’interdiction d’entrée ; et ii) l’interdiction de séjourner après une seconde entrée illégale sur le territoire des États membres. Une interdiction d’entrée ne peut commencer à développer ses effets juridiques que lorsque la décision de retour a été exécutée. Jusqu’à ce moment-là, le séjour illégal du ressortissant étranger est régi par les effets de la décision de retour.

57.      Il en découle que s’il était prévu qu’une interdiction d’entrée commence à courir au moment de sa notification ou lorsqu’elle devient définitive, la logique de la politique de retour de l’Union serait inversée. Cela compromettrait également son efficacité, dès lors qu’un ressortissant d’un pays tiers qui est présent de manière illégale sur le territoire des États membres pourrait se soustraire aux effets juridiques d’une interdiction d’entrée simplement en évitant d’exécuter la décision de retour pendant la durée de ladite interdiction. Cela contribuerait à encourager les ressortissants de pays tiers à ne pas exécuter les décisions de retour, alors que l’un des objectifs affirmés de la directive « retour » est de donner la priorité au départ volontaire (47).

58.      La troisième solution consiste à considérer que le point de départ de l’interdiction d’entrée est la date à laquelle le ressortissant d’un pays tiers quitte effectivement le territoire des États membres. Dans ce qui suivra, je me fonderai sur la présomption selon laquelle la décision de retour et l’interdiction d’entrée qui l’assortit ont été dûment notifiées au ressortissant du pays tiers et sont devenues définitives en droit national.

59.      Cette approche est fondée sur l’objectif, l’économie générale et le libellé de la directive « retour » ainsi que sur la nature juridique des interdictions d’entrée. Ainsi que je l’ai expliqué, celles-ci ne constituent pas des mesures autonomes, mais accompagnent toujours une décision de retour (48). Cela implique, en combinaison avec l’utilisation du terme « entrée », que le ressortissant du pays tiers doit d’abord quitter le territoire des États membres. Ce n’est qu’alors que l’interdiction d’entrée (qui est en réalité une interdiction de nouvelle entrée) entre en vigueur.

60.      Les antécédents législatifs de la directive « retour » viennent corroborer cette position. La proposition de la Commission (49), la proposition du Conseil de l’Union européenne (50) et le rapport du Parlement européen (51) utilisent, dans les versions en langues allemande, anglaise et française notamment, les termes « interdiction de réadmission ». Les termes « interdiction d’entrée » n’apparaissent qu’à une étape ultérieure (52). Ce sont ces derniers qui ont été retenus dans la version finale du texte. Néanmoins, il semble que les termes initiaux (« interdiction de réadmission ») sont toujours reflétés dans la législation de transposition de certains États membres (53).

61.      Les textes de l’Union en matière de politique de retour qui ont été adoptés postérieurement à la directive « retour » confirment que le législateur de l’Union entendait définir le point de départ des interdictions d’entrée comme étant la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte effectivement le territoire des États membres. La recommandation la plus récente confirme que les États membres doivent faire pleinement usage des interdictions d’entrée et veiller à ce qu’elles commencent à courir « le jour où les ressortissants de pays tiers quittent le territoire de l’Union, de sorte que leur durée effective ne soit pas indûment raccourcie » (54). Le manuel de la Commission sur le retour adopte une approche similaire : « [l]e moment auquel commence le compte à rebours […] doit être déterminé à l’avance : normalement, le compte à rebours commence dès le départ ou l’éloignement vers un pays tiers et non à la date de délivrance de l’interdiction d’entrée, puisque l’interdiction d’entrée dans l’[Union] ne peut encore produire ses effets lorsque la personne n’a pas encore quitté le territoire de l’[Union] ». Ce manuel prend également en considération les cas dans lesquels « il n’est pas possible de déterminer à l’avance la date précise du départ ». Dans de tels cas, « les États membres peuvent utiliser une autre date (par exemple, la date de délivrance) » (55). Lors de l’audience, la Commission a indiqué que le manuel sur le retour ne doit pas être interprété comme suggérant que le point de départ d’une interdiction d’entrée doit normalement être différent de la date de départ du ressortissant du pays tiers. Ce n’est que dans des cas exceptionnels, lorsqu’il est impossible d’établir quand le ressortissant du pays tiers a effectivement quitté le territoire des États membres, qu’une autre date doit être utilisée à titre de point de départ d’une interdiction d’entrée (56).

62.      L’objectif de la directive « retour » est d’établir une politique de retour effective fondée sur des règles uniformes, claires et justes ainsi que de donner une dimension européenne aux mesures de retour, en établissant une interdiction d’entrée prohibant l’entrée et le séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres. Cela semble également indiquer que le point de départ d’une interdiction de séjour devrait être la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte le territoire des États membres. Une telle approche utilise une date qui dépend d’un élément factuel objectif (le départ), et non des règles de procédure de chaque État membre (57). Elle est également susceptible d’encourager les ressortissants des pays tiers à exécuter les décisions de retour.

63.      J’en conclus que le point de départ de la durée d’une interdiction d’entrée prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » doit être la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte effectivement le territoire des États membres.

 Sur la seconde question préjudicielle

64.      La seconde question posée par la juridiction de renvoi n’est pertinente que dans le cas dans lequel la Cour considérerait que le point de départ d’une interdiction d’entrée n’est pas la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte le territoire des États membres. Je viens d’indiquer que je ne considère pas que tel est le cas. J’examinerai néanmoins la seconde question dans un souci d’exhaustivité.

65.      Par la seconde question, il est demandé, en substance, si une interdiction d’entrée « historique » peut dépasser la durée maximale de cinq ans prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » lorsque ladite interdiction a une durée déterminée, qu’elle est devenue définitive et qu’elle a été adoptée au motif que le ressortissant du pays tiers représentait un danger pour l’ordre public.

66.      En vertu de l’article 11, paragraphe 2, dernière phrase, de la directive « retour », une interdiction d’entrée peut dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue « une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ».

67.      Dans l’arrêt Filev et Osmani, la Cour a étendu cette règle aux interdictions d’entrée « historiques ». Elle a considéré que l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » s’oppose au maintien des effets d’interdictions d’entrée « historiques » au-delà de la durée maximale d’interdiction prévue à cette disposition, sauf si ces interdictions d’entrée ont été prononcées à l’encontre de ressortissants de pays tiers constituant « une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale » (58).

68.      Il découle donc à la fois des termes mêmes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » et de la jurisprudence qu’une interdiction d’entrée « historique » peut dépasser la durée maximale d’en principe cinq ans prévue dans cette disposition. Il est néanmoins nécessaire d’examiner les conditions dans lesquelles cette possibilité existe.

69.      Un État membre a la faculté de se prévaloir de cette possibilité lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers « constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ». En l’espèce, c’est la notion d’« ordre public » qui est pertinente (59). Cette notion doit être interprétée dans le contexte spécifique de la directive « retour » par référence à son libellé, ses objectifs, son économie et son contexte (60).

70.      Les États membres restent pour l’essentiel libres de déterminer les exigences de l’ordre public, conformément à leurs besoins nationaux, lesquels peuvent varier d’un État membre à l’autre et d’une époque à l’autre (61). Néanmoins, je considère qu’une dérogation telle que celle prévue à l’article 11, paragraphe 2, dernière phrase, de la directive retour ne saurait être interprétée de manière large simplement en raison du fait qu’elle concerne des personnes qui n’ont pas de droit de séjour au sein de l’Union. En outre, les ressortissants de pays tiers (y compris ceux dont la présence sur le territoire des États membres est illégale) auxquels le droit de l’Union s’applique relèvent à ce titre du champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Les droits fondamentaux que celle-ci garantit doivent être respectés de la même manière pour tous ceux qui relèvent de son champ d’application. Dès lors, le contenu des exigences de l’ordre public ne saurait être déterminé de manière unilatérale par chaque État membre en dehors de tout contrôle par les institutions de l’Union (62).

71.      Les règles de droit pénal sont toutes d’ordre public au sens où il s’agit de règles impératives. Une infraction à ces règles entraîne donc un trouble à l’ordre public des États membres. L’ampleur de ce trouble sera plus ou moins grande en fonction de la nature de l’acte commis. La sévérité de la peine prévue par le législateur national pour sanctionner le comportement interdit reflétera normalement l’effet supposé du trouble à l’ordre public. Une violation du droit pénal d’un État membre équivaut, par conséquent, à un acte contraire à l’ordre public (63).

72.      Néanmoins, le simple fait qu’un tel acte est, par définition, contraire à l’ordre public ne suffit pas à justifier que soit imposée une interdiction d’entrée qui dépasse cinq ans. Deux éléments supplémentaires sont nécessaires. Premièrement, il doit exister une « menace grave » pour l’ordre public. Secondement, ainsi qu’il ressort du considérant 14 de la directive « retour », la durée de l’interdiction d’entrée devrait être fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas.

73.      J’interprète les termes « menace pour l’ordre public » comme connotant le fait que l’ordre public est susceptible d’être mis en danger par un acte futur du ressortissant du pays tiers (64). En utilisant l’adjectif « grave », le législateur a indiqué implicitement que le seuil justifiant une interdiction d’entrée dépassant cinq ans est supérieur à celui permettant de réduire le délai de départ volontaire au titre de l’article 7, paragraphe 4, de la directive « départ » (65). Toute violation (passée) du droit pénal ne constitue pas une menace (future) « grave pour l’ordre public » au sens de l’article 11, paragraphe 2, de cette même directive (66). Les autorités nationales doivent évaluer le risque supposé, pour l’avenir, que représente l’individu en cause. Il appartient à l’État membre qui se prévaut de la dérogation d’établir pourquoi des intérêts d’ordre public sont susceptibles d’être sérieusement menacés si une interdiction d’entrée plus longue n’est pas imposée. La procédure doit être conduite « conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit [de l’Union] ainsi qu’au droit international » (67).

74.      L’appréciation doit être effectuée in concreto, « en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas », « au cas par cas et [en tenant] compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier » (68). Dès lors, un État membre ne saurait se fonder sur sa pratique générale ou sur de simples suppositions afin de déterminer s’il existe « une menace grave pour l’ordre public ». L’exigence de procéder à un examen individuel et le principe de proportionnalité obligent l’État membre à prendre dûment en considération le comportement personnel du ressortissant du pays tiers et le risque futur supposé que ce comportement représente pour l’ordre public. Il en résulte que le fait qu’un ressortissant d’un pays tiers est soupçonné d’avoir commis un acte punissable qualifié de délit ou de crime en droit national ou a fait l’objet d’une condamnation pénale pour un tel acte ne saurait, à lui seul, justifier que ce ressortissant soit considéré comme constituant un danger pour l’ordre public au sens de l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » (69). Néanmoins, l’existence de plusieurs condamnations antérieures pour des infractions pénales peut suffire pour que soit invoquée la dérogation prévue dans cette disposition, dans la mesure où celles-ci démontrent un type de comportement établi chez la personne concernée.

75.      Un aspect supplémentaire concerne le point de savoir si une interdiction d’entrée dépassant cinq ans qui est imposée au motif d’une « menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale » est soumise à une quelconque limitation de durée.

76.      L’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » ne dit mot sur ce point. La jurisprudence de la Cour semble admettre la possibilité qu’une interdiction d’entrée de durée illimitée soit imposée. Dans l’arrêt Filev et Osmani, la Cour a considéré que « l’article 11, paragraphe 2, de la directive [“retour”] s’oppose au maintien des effets d’interdictions d’entrée ayant une durée illimitée imposées avant la date d’applicabilité de la[dite] directive […] au-delà de la durée maximale d’interdiction prévue à cette disposition, sauf si ces interdictions d’entrée ont été prononcées à l’encontre de ressortissants de pays tiers constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale » (70). A contrario, cela pourrait indiquer que, à tout le moins pour les interdictions d’entrée « historiques », lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers constitue une telle menace, il serait possible de maintenir les effets d’une interdiction d’entrée de durée illimitée.

77.      Je ne partage pas cette analyse. L’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » doit être lu à la lumière de l’article 3, point 6, de celle-ci, qui définit les interdictions d’entrée comme des décisions administratives ou judiciaires adoptées pour une « durée déterminée ». J’estime que cela exclut la possibilité d’adopter des interdictions d’entrée à durée illimitée (71). Dans l’hypothèse d’une interdiction d’entrée « historique » à durée illimitée, il peut être nécessaire que les autorités nationales réexaminent le dossier à la lumière de l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour » et la remplacent par une interdiction d’entrée d’une durée appropriée déterminée. Néanmoins, la Cour n’a pas été saisie d’observations quant aux différentes hypothèses possibles s’agissant de la durée des interdictions d’entrée et, dès lors, je ne me prononcerai pas sur cette question.

78.      J’en conclus qu’il appartient au juge national de déterminer conformément aux règles de procédure nationales si, lorsque l’interdiction d’entrée « historique » a été adoptée, les autorités nationales ont examiné le comportement personnel du ressortissant du pays tiers en cause et ont conclu sur cette base qu’il représentait une menace grave pour l’ordre public. Dans ce contexte, l’existence de plusieurs condamnations antérieures pour des infractions pénales peut suffire pour que soit invoquée la dérogation prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive « retour », dans la mesure où celles-ci démontrent un type de comportement établi chez la personne concernée. Il appartient au juge national de déterminer si la procédure visant à imposer l’interdiction d’entrée a été conduite dans le respect des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union.

 Conclusion

79.      À la lumière de l’exposé qui précède, je propose que la Cour réponde aux questions préjudicielles dont elle est saisie par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) de la manière suivante :

1)      Le point de départ de la durée d’une interdiction d’entrée prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier doit être la date à laquelle le ressortissant du pays tiers quitte effectivement le territoire des États membres.

2)      La disposition prévue à l’article 11, paragraphe 2, dernière phrase, de la directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle signifie qu’une interdiction d’entrée « historique » peut dépasser la limite de cinq ans si les conditions prévues dans ladite disposition sont remplies. Il appartient au juge national de déterminer conformément aux règles de procédure nationales si, lorsque l’interdiction d’entrée « historique » a été adoptée, les autorités nationales ont examiné le comportement personnel du ressortissant du pays tiers en cause et ont conclu qu’il représentait une menace grave pour l’ordre public. Dans ce contexte, plusieurs condamnations antérieures pour des infractions pénales peuvent suffire pour que soit invoquée la dérogation prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115, dans la mesure où celles-ci démontrent un type de comportement établi chez la personne concernée. Il appartient au juge national de déterminer si la procédure a été conduite dans le respect des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union.


1      Langue originale : l’anglais.


2      JO 2008, L 348, p. 98, ci-après la directive « retour ».


3      C’est le terme utilisé dans la recommandation de la Commission, du 1er octobre 2015, établissant un « manuel sur le retour » commun devant être utilisé par les autorités compétentes des États membres lorsqu’elles exécutent des tâches liées au retour [C(2015) 6250 final, annexe, p. 64], et dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la politique de l’Union européenne en matière de retour, du 28 mars 2014 [COM(2014) 199 final, p. 27].


4      L’« acquis » de Schengen, tel que visé à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 1999/435/CE du Conseil, du 20 mai 1999, relative à la définition de l’acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis (JO 2000, L 239, p. 1). L’« espace Schengen » comprend la plupart des États membres de l’Union européenne, excepté la République de Bulgarie, l’Irlande, la République de Croatie, la République de Chypre, la Roumanie et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. La République d’Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse ont également rejoint l’espace Schengen.


5      Accord entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13).


6      Convention d’application de l’accord de Schengen entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « CAAS »).


7      Considérant 10 du règlement (CE) no 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2006, L 381, p. 4). Le SIS II fonctionne dans l’ensemble des États membres et des pays associés qui font partie de l’espace Schengen. La République de Bulgarie, l’Irlande, la Roumanie et le Royaume-Uni n’utilisent le SIS II que dans le contexte de la coopération des services répressifs.


8      JO 2001, L 149, p. 34, voir considérant 3. Cette directive a été suivie par la décision 2004/191/CE du Conseil, du 23 février 2004, définissant les critères et modalités pratiques de la compensation des déséquilibres financiers résultant de l’application de la directive 2001/40/CE relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers (JO 2004, L 60, p. 55).


9      Article 1er.


10      Considérant 1 de la directive « retour ».


11      Considérant 2 de la directive « retour ».


12      Considérant 5 de la directive « retour ».


13      Considérant 24 et article 1er de la directive « retour ».


14      Considérant 4 de la directive « retour ».


15      Considérant 6 de la directive « retour ».


16      Considérant 8 de la directive « retour ».


17      Article 4 de la directive « retour ».


18      Cette obligation existe sous réserve des exceptions limitées énumérées à l’article 6, paragraphes 2 à 5. Aucune de celles-ci ne semble être pertinente dans la procédure nationale qui donne lieu à la présente demande de décision préjudicielle.


19      Sous réserve des garanties procédurales qui figurent dans le chapitre III ainsi que dans les autres dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit national.


20      La législation néerlandaise utilise le terme « ressortissant étranger ». Dans l’analyse effectuée dans les présentes conclusions, je qualifierai une telle personne de « ressortissant d’un pays tiers » (qui est le terme utilisé dans la directive « retour »).


21      La décision de renvoi ne fournit pas d’informations concernant le lieu de séjour de M. Ouhrami entre les années 2003 et 2011. Lors de l’audience, le représentant de M. Ouhrami a indiqué que, à sa connaissance, celui-ci n’avait jamais quitté les Pays-Bas.


22      Voir arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-297/12, EU:C:2013:569, points 26 et suiv.).


23      Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1, ci-après le « code frontières Schengen »). Ce règlement a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1), qui lui-même a abrogé les articles 2 à 8 de la CAAS, avec effet au 13 octobre 2006. Voir, en outre, considérants 25 à 30 de la directive « retour ».


24      Article 21.


25      Voir, en ce sens, considérants 2 et 11, ainsi qu’article 1er. Voir, également, arrêt du 5 juin 2014, Mahdi (C-146/14 PPU, EU:C:2014:1320, point 38).


26      Voir, en ce sens, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er septembre 2005, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier [COM(2005) 391 final,, p 7, ci-après la « proposition de la Commission »].


27      Voir arrêt du 7 juin 2016, Affum (C-47/15, EU:C:2016:408, point 48).


28      Il convient de garder à l’esprit les conditions d’entrée qui sont prévues à l’article 5 du code frontières Schengen. La définition large qui figure à l’article 3, point 2, de la directive « retour » vise tout ressortissant d’un pays tiers qui ne dispose pas d’un droit de séjour dans un État membre. Le droit national des États membres en la matière doit respecter les droits que le droit de l’Union confère (par exemple) aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille, aux personnes concernées par le rapprochement familial et aux ressortissants des pays tiers qui sont résidents de longue durée. Voir, respectivement, directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77) ; directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), et directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44).


29      L’expression « territoire des États membres » utilisée dans la directive « retour » pour définir le champ d’application territorial de celle-ci est inexacte. Ladite directive ne s’applique pas à l’Irlande ni au Royaume-Uni. Inversement, elle s’applique au Royaume de Danemark (nonobstant le statut particulier de cet État membre dans ce domaine du droit de l’Union) et aux États associés à l’espace Schengen (la République d’Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse). Voir, en ce sens, considérants 25 à 30 et article 23 de la directive « retour ». Les références au « territoire des États membres » doivent être interprétées en ce sens.


30      Article 3, points 3 et 4, de la directive « retour ».


31      Article 11, paragraphe 1, de la directive « retour ».


32      Considérant 14 de la directive « retour ». Voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, Celaj (C-290/14, EU:C:2015:640, point 24).


33      Conformément à l’article 25 de la CAAS. Voir, également, article 11, paragraphe 4, de la directive « retour ».


34      Considérant 18 de la directive « retour ».


35      Arrêt du 19 septembre 2013, C‑297/12, EU:C:2013:569, point 40 et jurisprudence citée.


36      Arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-97/12, EU:C:2013:569, point 41).


37      Arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-297/12, EU:C:2013:569, point 42).


38      Arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-297/12, EU:C:2013:569, point 44).


39      Voir points 35 à 39 des présentes conclusions.


40      Considérants 5 et 20. Voir, également, proposition de la Commission, p. 5.


41      Arrêt du 26 octobre 2010, Royaume-Uni/Conseil (C-482/08, EU:C:2010:631, point 48).


42      Ainsi, si la directive 2001/40 traite de la reconnaissance mutuelle des décisions d’expulsion, y compris des décisions de retour, il n’existe actuellement aucune obligation pour un État membre d’informer les autres États membres de l’existence d’une telle décision en introduisant une alerte concernant celle-ci dans le SIS II.


43      Voir, notamment, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 21 décembre 2016 [COM(2016) 881 final] ; proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale, modifiant le règlement (UE) no 515/2014 et abrogeant le règlement (CE) no 1986/2006, la décision 2007/533/JAI du Conseil et la décision 2010/261/UE de la Commission, 21 décembre 2016 [COM(2016) 883 final] ; proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un système d’entrée/sortie pour enregistrer les données relatives aux entrées et aux sorties des ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres de l’Union européenne ainsi que les données relatives aux refus d’entrée les concernant, portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives et portant modification du règlement (CE) no 767/2008 et du règlement (UE) no 1077/2011, du 6 avril 2016 [COM(2016) 194 final], et communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à une politique plus efficace de l’Union européenne en matière de retour – plan d’action renouvelé, du 2 mars 2017 [COM(2017) 200 final].


44      Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant le règlement (UE) no 515/2014 et abrogeant le règlement (CE) no 1987/2006, du 21 décembre 2016 [COM(2016) 882 final, p. 4].


45      Voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 2008, Kozłowski (C-66/08, EU:C:2008:437, point 42 et jurisprudence citée).


46      Bien que cela puisse être conforme à la logique européenne du SIS II, il n’existe actuellement aucune obligation pour un État membre d’introduire dans ce système une alerte concertant une interdiction d’entrée. Voir article 24, paragraphe 3, du règlement no 1987/2006.


47      Considérant 10 de la directive « retour ».


48      Voir point 56 des présentes conclusions.


49      Article 3, sous g), et article 9.


50      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 6 octobre 2006, 13451/06, article 2, sous g), et article 9 de la proposition de directive.


51      Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, A 6-0339/2007 final, article 9 de la proposition de directive.


52      Voir, notamment, proposition du Conseil telle que modifiée à la suite des discussions du 7 février 2008, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 15 février 2008, 6541/08, article 3, sous g), et article 9 de la proposition de directive telle que modifiée.


53      Notamment, en France, l’article L. 511-1 du code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile utilise les termes « interdiction de retour » et, en Pologne, les articles 318 à 320 du Ustawa o Cudzoziemcach (loi sur les ressortissants étrangers) utilisent les termes « interdiction de nouvelle entrée ».


54      Recommandation de la Commission, du 7 mars 2017, visant à rendre les retours plus effectifs dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil [C(2017) 1600, point 24].


55      Recommandation de la Commission, du 1er octobre 2015, établissant un « manuel sur le retour » commun devant être utilisé par les autorités compétentes des États membres lorsqu’elles exécutent des tâches liées au retour [C(2015) 6250 final, annexe p. 60]. Selon la jurisprudence de la Cour, même si les recommandations ne visent pas à produire d’effets contraignants, elles produisent certains effets juridiques. Par exemple, les juges nationaux sont tenus de les prendre en considération en vue de la solution des litiges qui leur sont soumis, notamment lorsqu’elles éclairent l’interprétation de dispositions nationales prises dans le but d’assurer leur mise en œuvre ou lorsqu’elles ont pour objet de compléter des dispositions de l’Union ayant un caractère contraignant. Voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a. (C-28/15, EU:C:2016:692, point 41).


56      Je relève que, au sein de l’espace Schengen, le document de voyage d’un ressortissant d’un pays tiers se verra apposer un cachet à la sortie, conformément à l’article 8 du code frontières Schengen. Dans les États membres qui ne font pas partie de l’espace Schengen, le droit national peut tout à fait contenir une disposition similaire. Ainsi, si le ressortissant d’un pays tiers ne quitte pas le territoire de manière clandestine, il devrait être en mesure d’établir quand l’interdiction d’entrée doit être présumée avoir commencé à courir.


57      Le fonctionnement efficace du SIS II exige que les États membres, conformément à l’article 24 du règlement 1987/2006, créent des signalements s’agissant des interdictions d’entrée, même s’ils ne connaissent pas encore la date de départ effective du ressortissant du pays tiers. C’est ce qui est fait actuellement aux Pays-Bas, ainsi que cela a été expliqué lors de l’audience.


58      Arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-297/12, EU:C:2013:569, point 44).


59      La version en langue anglaise de la directive « retour » utilise les termes « public policy », tandis que la version en langue française et les autres versions linguistiques utilisent les termes « ordre public ». J’ai déjà abordé cette différence de formulation dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:94, points 28 à 33). Ainsi que je l’ai expliqué au point 33 desdites conclusions, « [i]l est évident, lorsqu’on considère tant la législation de l’Union que la jurisprudence de la Cour, que le terme “public policy” est utilisé ici comme équivalent du terme français “ordre public” ». Néanmoins, par souci de simplicité, je me référerai ici au terme public policy, qui est celui utilisé dans la version en langue anglaise de la directive « retour ».


60      Voir conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:94, point 57).


61      Arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:377, point 48).


62      Voir conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:94, points 46 et 59).


63      Voir conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:94, points 61 et 62).


64      Voir conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:94, point 39).


65      L’adjectif « grave » ne figurait pas dans la proposition initiale de la Commission. Il a été ajouté au texte de la directive « retour » au cours de la procédure législative, à la suite d’une suggestion faite par le Royaume de Belgique en 2008. Voir, en ce sens, proposition du Conseil telle que modifiée à la suite des discussions du 7 février 2008, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 15 février 2008, 6541/08, article 9, paragraphe 2, du texte la directive tel qu’il figure dans ladite proposition, et note en bas de page 52.


66      Voir conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:94, point 62), et, par analogie, arrêt du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, EU:C:1977:172, point 27).


67      Article 1er de la directive « retour ».


68      Considérants 14 et 6 de la directive « retour ».


69      Arrêt du 11 juin 2015, Zh. et O. (C-554/13, EU:C:2015:377, point 50).


70      Arrêt du 19 septembre 2013, Filev et Osmani (C-297/12, EU:C:2013:569, point 44).


71      Une interdiction d’entrée ne constitue jamais une mesure autonome, mais accompagne toujours une décision de retour. Même si elle n’est pas exécutée, cette dernière pourrait devenir prescrite en vertu des règles nationales sur la prescription. Pour cette raison, je doute qu’une interdiction d’entrée appliquée à un ressortissant d’un pays tiers qui ne quitte jamais le territoire des États membres puisse être une « interdiction d’entrée perpétuelle », ainsi que M. Ouhrami l’a fait valoir.