Language of document : ECLI:EU:T:2019:137

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 mars 2019 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services pour la mise en œuvre d’une étude sur la mutilation génitale féminine – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Obligation de motivation – Cohérence entre les commentaires et la note chiffrée –Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑450/17,

Eurosupport –Fineurop support Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), représenté par Mes V. Ost et M. Vanderstraeten, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet premièrement, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EIGE, du 8 mai 2017, rejetant l’offre que la requérante avait soumise dans le cadre de la procédure de passation de marché EIGE/2017/OPER/04, ainsi que les décisions ayant retenu l’offre soumise par la société Y et lui ayant attribué ce marché, deuxièmement, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice subi en raison de ces décisions et, troisièmement, à titre subsidiaire, une demande de compensation, en raison des irrégularités commises lors de l’attribution de ce marché,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) a été créé par le règlement (CE) no 1922/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006 (JO 2006, L 403, p. 9). Sa mission est d’aider l’Union européenne et ses États membres dans leurs efforts visant à promouvoir l’égalité de genre, à combattre la discrimination fondée sur le sexe et à sensibiliser les citoyens européens à l’égalité entre les hommes et les femmes. Ses tâches sont notamment de recueillir et d’analyser des données concernant les questions d’égalité entre les hommes et les femmes, de développer des outils méthodologiques, particulièrement pour l’intégration de la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines politiques, de faciliter l’échange des meilleures pratiques, de mettre en place un dialogue et une coopération dans le domaine de l’égalité à l’échelle nationale et européenne avec des organisations, des universités, des experts, des centres de recherche et les partenaires sociaux et enfin de mettre de la documentation à la disposition du public.

2        Dans ce cadre, l’EIGE a publié deux études, l’une en 2012, l’autre en 2014, sur la mutilation génitale féminine et sur une approche méthodologique d’estimation de ce risque.

A.      Le premier appel d’offres

3        Le 16 novembre 2016, l’EIGE a publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne un appel d’offres référencé EIGE/2017/OPER/01 (ci-après le « premier appel d’offre »). Ce marché public avait pour objet la réalisation d’une nouvelle étude sur la mutilation génitale féminine dans six États membres, à savoir en Belgique, en Grèce, en France, en Italie, à Chypre et à Malte (ci-après l’« étude MGF »). Plus précisément, il s’agissait de tester et de renforcer la méthodologie de l’EIGE pour approfondir le soutien apporté aux États membres et aider l’Union à atteindre l’objectif d’élimination de la mutilation génitale féminine. L’étude devait, en outre, aider les institutions européennes et les États membres à estimer le nombre de femmes et de jeunes filles exposées à ce risque. Elle devait également contribuer à améliorer l’efficacité de la prévention et de la collecte des informations. Enfin, elle devait accroître la sensibilisation et faciliter la prise en compte de la lutte contre la mutilation génitale féminine dans les politiques en élaborant des recommandations ou des propositions.

4        La requérante, Eurosupport –Fineurop support Srl, a déposé une offre (ci-après la « première soumission ») en réponse au premier appel d’offres. Yellow Window et la société X ont également soumissionné en réponse à cet appel d’offres.

5        L’ouverture des plis dans le cadre de la procédure de passation de marché relative au premier appel d’offres a eu lieu les 23 et 24 janvier 2017. La commission d’ouverture des plis a estimé que les trois offres étaient conformes aux conditions d’ouverture des plis, à savoir qu’elles avaient été reçues dans le délai prescrit et sous enveloppe fermée garantissant leur intégrité et leur confidentialité. Les plis ont ensuite été ouverts. Le procès-verbal relatif à cette ouverture stipule que « [l]’intégrité des offres originales [est] garantie de la manière suivante. Les trois offres sont correctement mises sous clé dans le bureau des marchés publics jusqu’à la phase d’évaluation et aucun membre du personnel n’y a accès » et que, « [a]près que les membres de la commission d’évaluation auront été officiellement nommés et à la date de commencement de ses délibérations, le responsable des marchés publics remettra les offres à la commission susmentionnée ».

6        Le 1er février 2017, l’EIGE a décidé d’annuler la procédure de passation du marché relative au premier appel d’offres. Les soumissionnaires ayant participé à cet appel d’offres en ont été informés le lendemain. Cette décision était motivée par les raisons suivantes :

–        premièrement, « [l]’étude [était] essentielle pour la planification stratégique et la mise en œuvre des objectifs du programme de travail annuel [...] » ;

–        deuxièmement, « [m]algré toutes les précautions prises pour le lancement de la procédure, le délai de transmission des informations pourrait avoir été trop court pour permettre aux soumissionnaires potentiels de soumettre une offre crédible ; la période des fêtes de fin d’année pourrait avoir nui à la publicité de l’appel d’offres, puisque l’avis de marché a été publié le 16 [novembre] 2016 et la date limite de remise des offres était fixée au 9 [janvier] 2017 » ;

–        troisièmement, « [s]eulement trois candidats ont soumis des offres » et « [l]a nature et les tâches spécifiques de la procédure nécessitent une réelle et forte mise en concurrence, par conséquent le nombre de soumissionnaires est insuffisant pour garantir l’obtention du meilleur rapport qualité-prix et ne répond pas aux besoins de l’[EIGE] ».

7        Le 27 février 2017, l’EIGE a renvoyé sa première soumission à la requérante.

B.      Le second appel d’offres

8        Par un avis publié au Supplément du Journal officiel du 21 février 2017, l’EIGE a relancé une procédure de passation du marché par un appel d’offres référencé EIGE/2017/OPER/04 (ci-après le « second appel d’offres »).

9        Le cahier des charges du second appel d’offres (ci-après le « second cahier des charges ») prévoyait, pour chaque critère et sous-critère entrant en ligne de compte lors de l’évaluation technique, un nombre de points maximal et un nombre de points minimal. Il stipulait également que les soumissions obtenant une note inférieure au minimum requis par critère ou inférieure à 60 points sur 100 seraient rejetées et ne seraient donc pas prises en compte pour l’étape suivante de l’évaluation.

10      La requérante a déposé une soumission en réponse au second appel d’offres. L’EIGE a également reçu trois autres soumissions en réponse à cet appel d’offres émanant de Yellow Window, de la société X et de la société Y.

11      Lors de l’évaluation des offres soumises en réponse au second appel d’offres, la soumission de la requérante n’a obtenu que 10 points sur 20 pour le sous-critère 1.2, alors que le minimum requis était de 12 points sur 20. En conséquence, la commission d’évaluation des offres (ci-après la « commission d’évaluation ») n’a pas examiné davantage cette soumission. La commission d’évaluation n’a, de même, pas examiné l’ensemble de la soumission de la société X, parce que cette dernière soumission n’avait pas obtenu la note minimale requise pour le sous-critère 1.1.

12      L’évaluation globale des offres dans le cadre de la procédure de passation de marché relative au second appel d’offres a conduit au classement suivant :

Soumissionnaire

Note totale pour la qualité

Prix

Note finale

Classement

Société Y

77,7

327 190 euros

23,7

1

Yellow Window

81,4

389 990 euros

20,9

2


13      Le 8 mai 2017, l’EIGE a approuvé l’évaluation mentionnée au point 14 ci-dessus et a attribué le marché à la société Y. 

14      Le 8 mai 2017 également, la requérante a été informée que sa soumission en réponse au second appel d’offres n’avait pas été retenue. Elle a reçu, à cette occasion, les motifs du rejet de son offre.

15      Par lettre du même jour, la requérante a demandé à obtenir les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, ainsi que le nom de l’attributaire. L’EIGE a répondu à cette demande par lettre du 11 mai 2017.

II.    Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2017, la requérante a introduit le présent recours.

17      Le 23 octobre 2017, l’EIGE a déposé le mémoire en défense.

18      Le 31 janvier 2018, la requérante a déposé la réplique.

19      Le 8 mars 2018, l’EIGE a déposé la duplique.

20      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

21      Par courrier du 29 mai 2018, le Tribunal a signifié à l’EIGE une mesure d’organisation de la procédure à laquelle celle-ci a répondu le 13 juin 2018.

22      La requérante et l’EIGE ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 13 juillet 2018. Lors de cette audience, la requérante a produit comme preuve nouvelle un échange de correspondances avec le Médiateur européen. L’EIGE a pris position sur celle-ci et elle a été versée au dossier de l’affaire dans l’attente d’une décision sur sa recevabilité.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, d’une part, la décision du 8 mai 2017 n’ayant pas retenu son offre dans le cadre du second appel d’offres, ainsi que, d’autre part, les décisions ultérieures ayant retenu l’offre soumise par la société Y et lui ayant attribué le marché ;

–        condamner l’EIGE à réparer le préjudice qu’elle a subi ;

–        à titre subsidiaire, condamner l’EIGE à lui verser une compensation ;

–        condamner l’EIGE aux dépens.

24      L’EIGE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité de la nouvelle preuve

25      L’échange de correspondances déposé lors de l’audience consiste, d’une part, en une lettre du 16 avril 2018 du conseil de la requérante demandant au Médiateur de rouvrir l’examen d’une plainte précédemment déposée et qui avait été rejetée en raison d’un recours pendant devant le Tribunal sur le même objet, ainsi que, d’autre part, en la réponse des services de ce Médiateur, du 18 juin 2018, demandant davantage d’informations. Le dépôt de ces correspondances est recevable. Celles-ci sont postérieures au dernier échange de mémoires et l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal permet à titre exceptionnel aux parties d’encore produire des preuves avant la clôture de la phase orale de la procédure.

B.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur l’objet des conclusions en annulation

26      Par arrêt de ce jour, Yellow Window/EIGE (T‑439/17, non publié), le Tribunal a notamment annulé les décisions de l’EIGE du 8 mai 2017 retenant l’offre de la société Y dans le cadre de la procédure de passation de marché EIGE/2017/OPER/04 et lui attribuant ce marché. Cette annulation a déployé ses effets ex tunc et erga omnes à l’égard de tous les justiciables et a ainsi l’autorité absolue de la chose jugée [voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, P&O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, point 43 et jurisprudence citée]. Par suite, l’objet même des conclusions aux fins d’annulation visées au point 23 ci-dessus est censé n’avoir jamais existé, en ce que ces conclusions visent les décisions susmentionnées. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur ces conclusions ni, partant, sur les moyens et arguments avancés par les parties à leur sujet.

27      En revanche, le recours de la requérante conserve un objet en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’EIGE du 8 mai 2017 d’écarter la soumission de celle-ci (ci-après la « décision attaquée »).

2.      Sur les moyens

28      À l’appui des conclusions en annulation la requérante invoque trois moyens :

–        le premier moyen est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence, de l’obligation de respecter la confidentialité des soumissions, du devoir de prudence et d’une erreur manifeste d’appréciation ;

–        le deuxième moyen est tiré d’une incohérence dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité ;

–        le troisième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence, de l’obligation de respecter la confidentialité des soumissions, du devoir de prudence et d’une erreur manifeste d’appréciation

29      Dans sa requête, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 85, paragraphe 1, du règlement financier adopté par l’EIGE le 16 janvier 2014 et de l’article 102, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier ») tous les marchés de l’EIGE doivent respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement. En outre, selon l’article 111, paragraphe 1, du règlement financier, les modalités de présentation des offres devraient assurer qu’il existe une concurrence réelle et que le contenu des offres demeure confidentiel jusqu’à ce qu’elles soient ouvertes simultanément. La décision attaquée méconnaîtrait ces principes et disposition. De surcroît, estime la requérante, leur violation a conduit l’EIGE à commettre une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de son offre.

30      L’EIGE répond que le moyen est obscur et irrecevable, parce que les principes énoncés dans son intitulé ne correspondent pas aux allégations qui suivent et parce que la requérante n’explique pas dans quelle mesure ces principes auraient été violés.

31      Dans sa réplique, la requérante prétend au contraire avoir décrit en détail dans sa requête les faits desquels découlerait la violation des principes invoqués dans le moyen et le développe.

32      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 93 et jurisprudence citée).

33      En l’occurrence, la requérante n’a pas explicité dans sa requête les griefs qu’elle tire de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, de l’obligation de respecter la confidentialité des soumissions, du devoir de prudence et d’une erreur manifeste d’appréciation.

34      La circonstance que, dans une partie distincte de sa requête, la requérante ait exposé les faits ne suffit pas à rendre son moyen recevable. En effet, la requérante ne précise pas quel fait devrait être pris en considération au regard de tel ou tel principe, obligation, devoir ou erreur manifeste allégués. Elle n’expose pas non plus en quoi ceux-ci auraient été méconnus.

35      Enfin, dans l’examen de la conformité de la requête avec les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, le contenu de la réplique est dépourvu de pertinence. En particulier, la recevabilité, admise par la jurisprudence, des moyens et des arguments avancés dans la réplique à titre d’ampliation de moyens contenus dans la requête ne saurait être invoquée dans le but de pallier un manquement, intervenu lors de l’introduction du recours, aux exigences de cette disposition, sauf à vider cette dernière de toute portée (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2012, Arbos/Commission, T‑161/06, non publié, EU:T:2012:573, point 59).

36      Le premier moyen est par conséquent irrecevable.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une incohérence dans les motifs et d’une violation du principe de proportionnalité

37      La requérante fait valoir que l’obligation de motivation découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE impose aux institutions et aux agences de faire preuve de cohérence dans l’évaluation des offres et, en particulier, que la note attribuée à une soumission doit correspondre aux commentaires des évaluateurs.

38      En outre, le principe de proportionnalité s’opposerait à ce que, lorsqu’une soumission souffre d’une lacune ou d’un défaut au regard d’un critère d’évaluation, la même lacune ou le même défaut puisse justifier que la soumission soit également pénalisée au titre d’un autre critère.

39      Enfin, la requérante conteste l’exactitude de certains griefs formulés à l’encontre de sa soumission en réponse au second appel d’offres.

40      Il y a lieu de constater que la requérante conteste tout à la fois la motivation de la décision attaquée, qui manquerait de cohérence, l’exactitude de ses motifs et le caractère disproportionné des pénalités appliquées à sa soumission en réponse au second appel d’offres.

41      Or, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑474/10, non publié, EU:T:2013:528, point 75 et jurisprudence citée).

42      Il convient par conséquent de distinguer trois branches dans le deuxième moyen, tirées, la première, d’une motivation incohérente, la deuxième, d’erreurs dans les motifs et, la troisième, d’une violation du principe de proportionnalité.

1)      Sur la première branche, tirée d’une motivation incohérente

43      La requérante prétend que les motifs de la décision attaquée manquent de cohérence.

44      La requérante fait valoir, concernant l’évaluation de son offre au regard du sous-critère 1.2, intitulé « Approche méthodologique pour la récolte, l’analyse et l’évaluation des données quantitatives et qualitatives », que la commission d’évaluation a réitéré, au regard de ce sous-critère une critique déjà formulée au titre du sous-critère 1.1, intitulé « Compréhension de l’approche globale de l’étude », à savoir que sa soumission ne préciserait pas comment la méthodologie proposée permettrait de fournir les éléments livrables. La requérante estime qu’elle a ainsi été pénalisée deux fois pour le même grief.

45      L’EIGE admet avoir mentionné un grief similaire dans ses observations littérales relatives aux sous-critères 1.1. et 1.2.

46      L’EIGE fait cependant observer que le sous-critère 1.1, intitulé « Compréhension de l’approche globale de l’étude », évaluait si le soumissionnaire avait compris l’approche générale de l’étude, dont la méthodologie n’est qu’une partie, tandis que le sous-critère 1.2, intitulé « Approche méthodologique pour la récolte, l’analyse et l’évaluation des données quantitatives et qualitatives », servait à apprécier l’approche méthodologique spécifique de la collecte, de l’analyse et de l’évaluation des données. Ainsi, le caractère inadéquat de l’approche méthodologique aurait conduit à l’attribution d’une note faible pour le sous-critère 1.2. et il serait normal que ce caractère inadéquat ait également une incidence négative sur l’évaluation de l’approche générale de l’étude MGF et donc sur la note attribuée au regard du sous-critère 1.1.

47      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 21 ci-dessus et en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, l’EIGE a néanmoins précisé que, si la commission d’évaluation avait relevé l’existence d’un même défaut eu égard aux sous-critères 1.1 et 1.2, afin de faciliter la compréhension de son évaluation, cette répétition ne signifiait pas que des points avaient été déduits deux fois, même si cela aurait été admissible en l’espèce.

48      La requérante estime cependant que ces explications, fournies par l’EIGE en cours de procédure, ne transparaissent pas de l’évaluation effectuée par la commission d’évaluation et que celle-ci manque de transparence en toute hypothèse.

49      Il y a lieu, dans ce contexte, de rappeler que l’obligation de motivation consacrée à l’article 296 TFUE suppose que la mention des points forts et des points faibles d’une soumission permette au soumissionnaire concerné de comprendre les notes attribuées au regard des critères et des sous-critères du cahier des charges (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑340/09, non publié, EU:T:2014:208, point 135 ; voir également, par analogie, arrêt du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, point 80). Une corrélation doit donc exister entre les commentaires recensant les points forts et les points faibles, d’une part, et les notes attribuées au regard de ces critères et sous-critères, d’autre part. De plus, la motivation doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 79). Plus précisément, l’article 113, paragraphe 2, du règlement financier exige du pouvoir adjudicateur qu’il fournisse au soumissionnaire les véritables raisons du rejet de son offre. Une motivation n’identifiant pas le véritable fondement de la décision de rejet d’une offre et ne reflétant pas fidèlement la manière dont l’offre rejetée a été évaluée n’est pas transparente et ne satisfait pas à l’obligation de motivation prévue par cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 39).

50      Il découle de ce qui précède que, sous peine d’aboutir à une motivation qui ne serait ni cohérente ni non équivoque ni transparente, la note affectée à une soumission sur la base de laquelle celle-ci sera classée doit, par principe, être le reflet des points forts et des points faibles relevés par les évaluateurs dans leurs commentaires.

51      Or, en l’espèce, les commentaires de la commission d’évaluation empêchent de vérifier si, comme le soutient l’EIGE, le grief tiré de ce que la soumission de la requérante ne précise pas comment la méthodologie proposée permet de fournir les éléments livrables n’a effectivement conduit à la soustraction de points qu’au regard d’un seul des sous-critères 1.1 et 1.2 et non des deux. A fortiori, ces commentaires ne permettent pas de déterminer, par hypothèse, au regard desquels sous-critères cette soustraction aurait été effectuée.

52      Compte tenu des explications fournies par l’EIGE en cours de procédure, la motivation de la décision attaquée apparaît ainsi incohérente, équivoque et non transparente.

53      À cet égard, l’EIGE ne peut se retrancher derrière son large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché par appel d’offres pour justifier l’absence de concordance entre les commentaires relatifs à l’offre de la requérante et les points qui lui ont été attribués. En effet, il convient de rappeler que, lorsque le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver ses décisions de manière claire et non équivoque. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑474/10, non publié, EU:T:2013:528, point 73 et jurisprudence citée). Comme l’a plaidé la requérante durant l’audience, l’exercice du contrôle juridictionnel dépend précisément de la cohérence de la motivation.

54      De même, l’EIGE ne peut valablement prétendre que la requérante n’a pas intérêt à soulever l’incohérence ou le caractère équivoque des motifs de la décision attaquée. L’obligation de motivation est une formalité substantielle d’ordre public. En raison de son importance, cette obligation n’est donc pas à la disposition des parties et peut être soulevée d’office par le juge. Partant, le requérant n’a pas à prouver son intérêt à en invoquer la violation.

55      Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen est fondée.

56      Dans la mesure où la requête comporte des conclusions en indemnité, il y a lieu, en l’espèce, de poursuivre l’examen des conclusions en annulation pour autant que le défaut dans la motivation de la décision attaquée n’empêche pas le Tribunal d’exercer son contrôle au regard des autres branches et moyen soulevés par la requérante.

2)      Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs dans les motifs

57      La requérante prétend, en premier lieu, que l’évaluation de sa soumission au regard du sous-critère 1.1, intitulé « Compréhension de l’approche globale de l’étude », repose sur des motifs inexacts.

58      Interrogée sur la pertinence de ces griefs lors de l’audience, la requérante s’est limitée à faire valoir que l’appréciation par la commission d’évaluation de sa soumission en réponse au second appel d’offres serait en toute hypothèse entachée d’une incohérence et d’un manque de transparence.

59      Le manque de cohérence et de transparence de la décision attaquée a été examiné dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. S’agissant des griefs soulevés dans la présente branche, il convient de rappeler que la soumission de la requérante en réponse au second appel d’offres a été rejetée au motif qu’elle n’avait obtenu que 10 points sur 20 pour le sous-critère 1.2, intitulé « Approche méthodologique pour la récolte, l’analyse et l’évaluation des données quantitatives et qualitatives », alors que le minimum requis était de 12 points.

60      Par conséquent, les griefs tirés par la requérante d’erreurs dans les appréciations de la commission d’évaluation eu égard au sous-critère 1.1. sont inopérants.

61      S’agissant, en second lieu, de l’appréciation de la soumission de la requérante en réponse au second appel d’offres au regard du sous-critère 1.2, intitulé « Approche méthodologique pour la récolte, l’analyse et l’évaluation des données quantitatives et qualitatives », la requérante conteste l’affirmation de la commission d’évaluation selon laquelle les données relatives aux femmes placées en détention ne seraient pas pertinentes, car elles ne pourraient pas être directement reliées aux données sur les migrants en situation irrégulière. Dans sa requête, elle prétend que ce grief ne concernait pas sa soumission et qu’il était ainsi dépourvu de pertinence. Dans sa réplique, elle admet avoir indiqué que les détenues pouvaient être une source d’informations, mais considère que l’EIGE a méconnu le fait qu’elle avait fourni une explication claire sur la pertinence des données recueillies par les prisons .

62      Dans le point 2.2 de sa soumission, intitulé « Tâches à accomplir pour réaliser les objectifs du contrat : activités du projet, entrants et extrants », la requérante avait effectivement indiqué que « des événements sociodémographiques générés par [la] présence [des migrants], comme la présence en prison [pouvaient] être connus » et que « [t]ous ces établissements [étaient] susceptibles d’avoir des données administratives générées par la fourniture de leurs services, qui [pouvaient] être analysées ».

63      Toutefois, contrairement à ce que la requérante prétend, il n’apparaît pas qu’elle ait ainsi expliqué dans quelle mesure les prisons dont la population comporte des migrantes en situation irrégulière pourraient être une source de données concernant les mutilations génitales féminines. En conséquence, la commission d’évaluation a pu considérer que les données dont ces établissements disposaient sur les migrantes qu’ils détenaient n’étaient pas en rapport direct avec la question des mutilations et n’étaient dès lors pas pertinentes.

64      Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen est pour partie inopérante et pour partie non fondée.

3)      Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

65      La requérante fait valoir que le principe de proportionnalité implique que, lorsqu’une soumission est pénalisée pour une lacune ou un défaut au regard d’un critère d’évaluation, la même lacune ou le même défaut ne peut conduire à sanctionner la soumission au titre d’un autre critère. Telle serait d’ailleurs la pratique suivie par la Commission européenne.

66      En l’espèce, la requérante soutient que, en reprochant à sa soumission en réponse au second appel d’offres, un même grief, au regard des sous-critères 1.1 et 1.2, l’EIGE l’a sanctionnée de manière disproportionnée.

67      Outre que l’EIGE prétend ne pas avoir déduit deux fois des points pour le même défaut (voir point 47 ci-dessus) et qu’il n’a donc pas pénalisé démesurément la soumission de la requérante en réponse au second appel d’offres, il fait valoir que le principe de proportionnalité ne s’oppose pas à ce qu’un défaut ou une lacune concernant une soumission au vu d’un critère puisse être invoqué dans le cadre d’un autre critère ou sous-critère.

68      Il résulte toutefois du caractère équivoque de la motivation de la décision attaquée (voir points 49 à 55 ci-dessus) et de l’impossibilité qui en découle pour le Tribunal de déterminer si le même défaut a conduit à un retrait de points au regard des sous-critères 1.1 et 1.2, que, dans les circonstances de l’espèce, il ne saurait être vérifié si l’EIGE a méconnu le principe de proportionnalité, dès lors que ce contrôle, par nature, ne peut être exercé qu’en présence d’une motivation permettant d’évaluer si l’administration a, ou non, excédé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 226, et du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, EU:T:2009:313, point 181).

4)      Conclusions sur le deuxième moyen

69      Il résulte de l’examen qui précède que la première branche du deuxième moyen est fondée, dans la mesure où la motivation de la décision attaquée manque de cohérence et de transparence (voir points 49 à 55 ci-dessus).

c)      Sur le troisième moyen tiré de la violation du principe de bonne administration

70      Dans sa requête, la requérante expose que la décision attaquée est le résultat d’une procédure partiale. Elle fait valoir à ce propos que sa soumission en réponse au second appel d’offres était similaire à celle qu’elle avait déposée en réponse au premier appel d’offres et que les enveloppes dans lesquelles elle avait inséré la première soumission contenant son offre technique et son offre financière ont été ouvertes par l’EIGE, alors que les informations figurant dans une offre sont confidentielles en vertu de l’article 111 du règlement financier et ont une valeur commerciale élevée. La requérante précise, à cet égard, que ni le contrôle de la question de savoir si les soumissions avaient été remises avant la date et l’heure limites et si elles avaient été reçues fermées, ni l’annulation de la procédure de passation de marché relative au premier appel d’offres parce qu’un nombre insuffisant de soumissions avait été déposé ne justifiaient l’ouverture de sa première soumission.

71      Il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon la jurisprudence, après l’annulation d’une procédure d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur est totalement libre de décider de la suite à donner au marché (arrêts du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, EU:T:2008:419, point 136, et du 29 octobre 2015, Direct Way et Direct Way Worldwide/Parlement, T‑126/13, EU:T:2015:819, point 68). Il peut ainsi relancer une nouvelle procédure en apportant au besoin toute modification au cahier des charges qu’il estime opportune.

72      Il ressort, en second lieu, du procès-verbal relatif à l’ouverture des offres déposées dans le cadre du premier appel d’offres et des explications de l’EIGE que, lors de cette ouverture, la commission d’ouverture des plis a tout d’abord vérifié la régularité des soumissions, c’est-à-dire si les plis avaient été remis avant la date et l’heure limites et s’ils avaient été reçus correctement fermés. Ensuite, les offres ont été authentifiées sur chaque page par les initiales d’au moins un membre de cette commission. Enfin, après l’ouverture des soumissions, les trois offres reçues ont été mises sous clé jusqu’à la phase d’évaluation, laquelle n’a pas eu lieu, l’EIGE ayant entre-temps annulé la procédure de passation de marché.

73      Cette manière de procéder est compatible avec l’article 157, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier (JO 2012, L 362, p. 1) en vertu duquel, lors de l’ouverture des offres, le pouvoir adjudicateur doit vérifier la preuve de la date et de l’heure de réception des offres initiales et garantir leur intégrité.

74      Dans ce contexte, la requérante n’explique pas dans quelle mesure le fait que sa soumission en réponse au second appel d’offres était très similaire à la première soumission, qui avait été ouverte, a rendu la procédure partiale et, en particulier, en quoi la valeur commerciale de ses propositions aurait été affectée. Cette explication fait d’autant plus défaut que, dans le cadre de la procédure de passation de marché relative au premier appel d’offres, seule la commission d’ouverture des plis a ouvert les soumissions et que, dans le cadre de la procédure de passation de marché relative au second appel d’offres, la commission d’évaluation, qui est composée de six membres, ne comportait que deux personnes ayant fait partie de la commission d’ouverture des plis susmentionnée, l’une d’entre elles n’ayant, de surcroît, pas participé à l’évaluation.

75      La requérante soutient, il est vrai, que les vérifications de la commission d’ouverture des plis ne nécessitaient pas l’ouverture des enveloppes contenant l’offre technique et l’offre financière.

76      Toutefois, l’ouverture des offres aux fins d’authentification peut se fonder sur la nécessité de garantir l’égalité des soumissionnaires et la loyauté de la procédure, dans la mesure où elle empêche toute manipulation des offres après leur ouverture.

77      Dans sa réplique, la requérante prétend que le second appel d’offres a méconnu les principes de transparence et d’égalité de traitement, ainsi que l’obligation de respecter la confidentialité des offres, principes et obligations qui auraient non seulement une existence autonome, mais feraient également partie du principe de bonne administration. La requérante allègue à ce sujet que le second cahier des charges a repris des propositions formulées en réponse au premier appel d’offres qui auraient dû demeurer confidentielles. Elle ajoute que le premier cahier des charges ne mentionnait pas qu’une large participation de soumissionnaires conditionnait la procédure et que le second cahier des charges n’a pas spécifié qu’une participation restreinte était désormais suffisante.

78      Dans la mesure où les arguments mentionnés au point 77 ci-dessus devraient être regardés comme étant invoqués à l’appui du premier moyen tiré directement des principes de transparence et d’égalité de traitement, ainsi que de l’obligation de respecter la confidentialité des offres, force est de rappeler que, présentés pour la première fois dans la réplique, ils ne peuvent contribuer à établir la recevabilité de ce premier moyen (point 35 ci-dessus).

79      Dans la mesure où la requérante invoque les arguments mentionnés au point 77 ci-dessus à l’appui du présent moyen tiré du principe de bonne administration, il y a lieu de relever que ce principe a un caractère polysémique qui demande à être précisé, comme en témoigne l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aussi, l’article 84 du règlement de procédure s’oppose à ce que des arguments pris de droits inclus dans le principe de bonne administration, mais non invoqués dans la requête, puissent être soulevés pour la première fois en cours d’instance sous le couvert du moyen pris d’une violation du principe de bonne administration, dès lors que les nouveaux arguments ainsi soulevés ne se fondent pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

80      Par conséquent, les arguments mentionnés au point 77 ci-dessus sont irrecevables dans la mesure où la requérante les invoque, non pas pour établir la partialité de la procédure, mais les soulève pour la première fois dans la réplique à l’appui d’une prétendue violation des principes de transparence et d’égalité de traitement ainsi que de l’obligation de respecter la confidentialité des offres et dans la mesure où ces arguments ne se fondent pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

81      Au demeurant, il y a lieu de constater que la requérante ne fournit aucune précision quant aux propositions formulées en réponse au premier appel d’offres qui auraient été reprises dans le second cahier des charges. Le Tribunal se trouve ainsi dans l’impossibilité d’examiner dans quelle mesure cette prétendue reprise aurait vicié la procédure de passation de marché. Partant, ce grief doit, en toute hypothèse, être écarté comme étant irrecevable.

82      En tout état de cause, le grief tiré de la violation du principe de transparence ne saurait prospérer, en ce que le premier cahier des charges ne mentionnait pas qu’une large participation de soumissionnaires était nécessaire et de ce que le second cahier des charges n’a pas précisé qu’une participation restreinte était désormais suffisante.

83      En effet, le principe de transparence a essentiellement pour but de prévenir tout risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur, premièrement, en permettant à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de comprendre la portée exacte du cahier des charges et de l’interpréter de la même manière et, deuxièmement, en mettant le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2015, Brouillard/Cour de justice, T‑420/13, non publié, EU:T:2015:633, point 110 et jurisprudence citée). À défaut d’explication de la requérante, les formalités qu’elle prétend mettre à charge des pouvoirs adjudicateurs n’apparaissent pas nécessaires pour rencontrer cet objectif.

84      De plus, l’article 114 du règlement financier dispose que le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du marché, annuler la procédure de passation de marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation et que cette décision est motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires dans les meilleurs délais. L’article 114 du règlement financier ne subordonne donc pas le droit des pouvoirs adjudicateurs d’annuler une procédure de passation de marché à l’indication, dans les appels d’offres eux-mêmes, des raisons susceptibles de justifier une telle annulation. De même, aucune disposition n’impose de mentionner dans les documents de l’appel d’offres le nombre minimal de soumissions requis pour mener une procédure de passation de marché à son terme.

85      Le troisième moyen est, par conséquent, partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

86      Partant, les conclusions en annulation de la requérante doivent être rejetées.

87      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée sur la base du deuxième moyen en ce que la motivation de cette décision manque de cohérence et de transparence.

C.      Sur les conclusions en indemnité

88      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante soutient que, même si le Tribunal venait à annuler la décision attaquée, le marché en cause ne lui serait pas attribué étant donné que sa durée n’était que de neuf mois. Elle estime dès lors avoir droit à la réparation de son préjudice. Elle renvoie à ses conclusions en annulation pour démontrer le comportement illégal de l’EIGE. Elle ajoute que, si l’EIGE n’avait pas eu un tel comportement, elle aurait eu une chance sérieuse de se voir attribuer le marché et évalue à 50 % ses chances d’obtenir ce marché en l’absence d’illégalité. Elle estime dès lors son préjudice à 50 % de 384 000 euros, correspondant au montant de sa soumission, soit 192 000 euros.

89      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose que la partie requérante prouve l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de cette responsabilité (voir arrêts du 15 mars 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑236/09, non publié, EU:T:2012:127, point 125 et jurisprudence citée, et du 24 avril 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑32/08, non publié, EU:T:2013:213, point 93 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, les conclusions en indemnité sont fondées sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui des conclusions en annulation de la décision attaquée. Or, celle-ci est entachée d’un défaut de motivation (voir point 69 ci-dessus).

91      Toutefois, s’agissant de l’existence d’un lien de causalité entre les illégalités de forme et de fond et le préjudice prétendument subi, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une insuffisance de motivation n’est pas susceptible en tant que tel d’engager la responsabilité de l’Union, en particulier parce qu’elle n’est pas de nature à démontrer que, en son absence, le marché en cause aurait pu, voire dû, être attribué à la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, Alfastar Benelux/Conseil, T‑57/09, non publié, EU:T:2011:609, point 49 ; du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 123, et du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, non publié, EU:T:2015:5, point 72).

92      Dès lors, en l’espèce, il n’est pas possible de reconnaître l’existence d’un lien de causalité entre le manque de cohérence et de transparence de la motivation de la décision attaquée qui a été constaté et le préjudice invoqué par la requérante.

93      Il en découle que l’une des conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’étant pas remplie, les conclusions en indemnité de la requérante ne peuvent être accueillies.

D.      Sur les conclusions tendant à titre subsidiaire à obtenir une compensation

94      Par son troisième chef de conclusions, la requérante fait valoir que si le Tribunal venait à considérer que les différentes irrégularités qu’elle a soulevées ne justifient ni l’annulation de la décision attaquée ni l’octroi de dommages et intérêts, elle devrait néanmoins obtenir une compensation qu’elle estime à 20 000 euros.

95      Dans la mesure où il résulte du point 87 ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée, il n’y a pas lieu d’examiner le présent chef de conclusions qui a été formulé à titre subsidiaire. En tout état de cause, dans la mesure où il résulte de l’examen du deuxième chef de conclusions que les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union ne sont pas réunies et où la requérante elle-même ne fournit aucune indication quant au fondement juridique de sa demande de compensation, celle-ci doit être rejetée.

IV.    Sur les dépens

96      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou sur plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie. En outre, selon l’article 137 du même règlement, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

97      En l’espèce, il y a lieu de relever que la disparition de l’objet du litige en tant qu’il concerne les décisions de l’EIGE retenant l’offre soumise par la société Y dans le cadre de la procédure de passation de marché EIGE/2017/OPER/04 et lui attribuant ce marché résulte de l’annulation de ces décisions par l’arrêt de ce jour, Yellow Window/EIGE (T‑439/17, non publié).

98      Par ailleurs, le recours étant rejeté en tant qu’il tend à l’octroi de dommages et intérêts ou d’une compensation, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera 25 % de ses propres dépens et que l’EIGE supportera, outre ses propres dépens, 75 % des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les décisions de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), du 8 mai 2017, retenant l’offre soumise par la société Y dans le cadre de la procédure de passation de marché EIGE/2017/OPER/04 et lui attribuant ce marché.

2)      La décision de l’EIGE du 8 mai 2017 rejetant l’offre que Eurosupport –Fineurop support Srl avait soumise dans le cadre de cette procédure est annulée.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Eurosupport –Fineurop support supportera 25 % de ses propres dépens et l’EIGE supportera ses propres dépens et 75 % des dépens exposés par Eurosupport –Fineurop support.

Kanninen

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 mars 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.