Language of document : ECLI:EU:T:2018:219

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

24 avril 2018 (*)

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Article 4, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 3, du règlement (UE) no 1024/2013 – Personne dirigeant effectivement les activités d’un établissement de crédit – Article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36/UE et article L. 511‑13, second alinéa, du code monétaire et financier français – Principe de non-cumul de la présidence de l’organe de direction d’un établissement de crédit dans sa fonction de surveillance avec la fonction de directeur général dans le même établissement – Article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 et article L. 511‑58 du code monétaire et financier français »

Dans les affaires jointes T‑133/16 à T‑136/16,

Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, établie à Aix-en-Provence (France), représentée par Mes P. Mele et H. Savoie, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑133/16,

Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées, établie à Albi (France), représentée par Mes Mele et Savoie,

partie requérante dans l’affaire T‑134/16,

Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres, établie à Saintes (France), représentée par Mes Mele et Savoie,

partie requérante dans l’affaire T‑135/16,

Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie, établie à Amiens (France), représentée par Mes Mele et Savoie,

partie requérante dans l’affaire T‑136/16,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. A. Karpf et Mme C. Hernández Saseta, en qualité d’agents, assistés de Me A. Heinzmann, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, K.‑P. Wojcik et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante dans les affaires T‑133/16 à T‑136/16,

ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions de la BCE, respectivement, ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/98, ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/100, ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/101 et ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/99, du 29 janvier 2016, prises en application de l’article 4, paragraphe 1, sous e), du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), de l’article 93 du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), et des articles L. 511‑13, L. 511‑52, L. 511‑58, L. 612‑23‑1 et R. 612‑29‑3 du code monétaire et financier français,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, E. Buttigieg, F. Schalin, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le Crédit agricole est un groupe bancaire non centralisé régi par les articles L. 512‑20 à L. 512‑54 du code monétaire et financier français (ci-après le « CMF »). Il est organisé sur trois niveaux : des caisses locales de crédit agricole mutuel, des caisses régionales de crédit agricole mutuel et, à l’échelle nationale, un organe central, le Crédit agricole SA.

2        Le Crédit agricole a été qualifié de groupe important soumis à la surveillance prudentielle au sens de l’article 6 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63) et relève, dès lors, pour les missions énumérées à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, de la surveillance prudentielle de la seule Banque centrale européenne (BCE).

3        Les 8, 10, 14 et 24 avril 2015, l’organe central du Crédit agricole, à la demande des requérantes, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (requérante dans l’affaire T‑133/16), la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées (requérante dans l’affaire T‑134/16), la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres (requérante dans l’affaire T‑135/16) et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie (requérante dans l’affaire T‑136/16), a sollicité de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) l’approbation de la désignation de M. B., de M. C., de M. T. et de M. W. en tant que présidents des conseils d’administration et « dirigeants effectifs » des requérantes.

4        En application de l’article 93 du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), ces demandes ont été notifiées par l’ACPR à la BCE. L’ensemble des pièces requises a été reçu par la BCE le 8 juin 2015.

5        Le 31 août 2015, la BCE a informé chacune des requérantes et l’organe central du Crédit agricole de son intention de ne pas approuver la désignation de M. B., de M. C., de M. T. et de M. W. en tant que « dirigeants effectifs » des requérantes et leur a donné la possibilité de présenter leurs observations en application de l’article 31 du règlement-cadre MSU.

6        Le 30 septembre 2015, l’organe central du Crédit agricole a demandé à la BCE la suspension de la procédure au motif que l’intention de la BCE de ne pas approuver la désignation de M. B., de M. C., de M. T. et de M. W. se fonderait sur la position 2014‑P‑07 de l’ACPR « relative à la désignation des “dirigeants effectifs” au sens de l’article L. 511‑13 et du 4 de l’article L. 532‑2 du [CMF] » (ci-après la « position 2014‑P‑07 de l’ACPR ») dont la légalité était contestée devant le Conseil d’État (France).

7        Par quatre décisions du 7 octobre 2015, en premier lieu, la BCE a, pour chacune des requérantes, refusé de faire droit à la demande de suspension, au motif que les décisions qu’elle était amenée à prendre n’avaient pas pour base juridique la position 2014‑P‑07 de l’ACPR. En deuxième lieu, elle a approuvé la désignation de M. B., de M. C., de M. T. et de M. W. en tant que présidents du conseil d’administration de chacune des requérantes. En troisième lieu, elle s’est opposée à ce que M. B., M. C., M. T. et M. W. remplissent simultanément la fonction de « dirigeant effectif » de chacune des requérantes.

8        Aux fins de justifier ces refus, la BCE a relevé que la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338) contenait des dispositions relatives à la bonne gouvernance des établissements de crédit, au nombre desquelles figure son article 88, paragraphe 1, sous e), lequel interdit, en principe, au président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance d’un établissement de crédit d’exercer simultanément la fonction de directeur général dans le même établissement. Elle a souligné que la finalité de cette interdiction, décrite au considérant 57 de la directive 2013/36, visait à assurer une critique constructive de la stratégie de l’établissement par les membres non exécutifs de l’organe de direction. Elle a, en outre, souligné être tenue, en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, de faire application de l’article L. 511‑58 du CMF, lequel transpose l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36. Elle a rappelé que celui-ci empêchait, en principe, que la présidence du conseil d’administration ou de tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes d’un établissement de crédit ou d’une société de financement ne soit exercée par le directeur général ou par une personne exerçant des fonctions de direction équivalentes. Elle a également relevé que le considérant 54 de cette directive permettait aux États membres d’introduire des principes et des normes de gouvernance en plus de ceux requis par ladite directive.

9        La BCE a noté qu’il découlait de l’article L. 511‑52‑IV du CMF que les fonctions permettant à une personne d’obtenir l’approbation en tant que « dirigeant effectif » au sens de l’article L. 511‑13 du CMF étaient celles de directeur général, de directeur général délégué, de membre du directoire ou de directeur général unique. Elle s’est également référée à la position 2014‑P‑07 de l’ACPR, de laquelle il découle que sont confiées au président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance, chargé de piloter les travaux de cet organe, des fonctions et des missions de surveillance non exécutives qui sont différentes de celles des fonctions exécutives du directeur général, conformément au droit des sociétés français.

10      La BCE en a déduit qu’il devait, en principe, exister une séparation entre l’exercice des fonctions exécutives et non exécutives au sein d’un organe de direction. Elle en a conclu que, du fait de leur désignation en tant que présidents des conseils d’administration et en l’absence de demandes de dérogation, M. B., M. C., M. T et M. W ne pouvaient être approuvés en tant que « dirigeants effectifs » des requérantes.

11      Le 6 novembre 2015, les requérantes ont demandé le réexamen de chacune de ces décisions au titre de l’article 24 du règlement no 1024/2013, lu conjointement avec l’article 7 de la décision 2014/360/UE de la BCE, du 14 avril 2014, concernant la mise en place d’une commission administrative de réexamen et ses règles de fonctionnement (JO 2014, L 175, p. 47). Une audition s’est déroulée le 10 décembre 2015 devant la commission administrative de réexamen (ci-après la « commission de réexamen »).

12      Le 17 décembre 2015, la commission de réexamen a rendu un avis commun aux affaires T‑133/16 à T‑136/16 concluant à la légalité des décisions de la BCE. Elle a souligné que les requérantes, par quatre griefs, contestaient l’assimilation par la BCE de la notion de « dirigeant effectif » à celle de dirigeant exécutif. La BCE a également observé que les requérantes soutenaient que la désignation du président du conseil d’administration comme « dirigeant effectif », loin d’être en contradiction avec l’interdiction du cumul des fonctions de surveillance et exécutives, permettait un équilibre dans la gouvernance des établissements de crédit par la désignation d’un « dirigeant effectif » non subordonné au directeur général.

13      En premier lieu, la commission de réexamen a considéré qu’il découlait d’une lecture combinée des articles L. 511‑13 et L. 511‑52 du CMF que, même si les missions d’un « dirigeant effectif » n’étaient pas définies, cette fonction était envisagée comme un mandat exécutif, similaire à celui de directeur général ou de directeur général délégué, alors que le président du conseil d’administration était classé parmi les dirigeants non exécutifs.

14      En deuxième lieu, la commission de réexamen s’est référée au principe de non-cumul des fonctions entre le président de l’organe de direction et le directeur général, figurant à l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 et transposé à l’article L. 511‑58 du CMF. Elle en a déduit que cette règle empêchait le président du conseil d’administration d’exercer des fonctions exécutives équivalentes à celle de directeur général.

15      En troisième lieu, la commission de réexamen a examiné les prérogatives du président du conseil d’administration des requérantes. En réponse à leur argumentation tirée du fait que la loi no 47‑1175 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération (JORF du 11 septembre 1947, p. 9088, ci-après la « loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ») ne prévoyait pas de répartition entre les différentes fonctions au sein du conseil d’administration, elle a estimé qu’une différenciation entre les fonctions de surveillance et exécutives au sein du conseil d’administration devait exister, afin de garantir le respect de la règle énoncée à l’article L. 511‑58 du CMF.

16      En quatrième lieu, la commission de réexamen a examiné l’argumentation des requérantes tirée du fait que la désignation du président du conseil d’administration en tant que « dirigeant effectif » permettrait une application du principe du « double regard », envisagé à l’article L. 511‑13 du CMF, plus conforme à la recherche d’un équilibre des pouvoirs que la désignation d’un « dirigeant effectif » rattaché hiérarchiquement au directeur général. Elle a relevé qu’il était nécessaire de prendre en considération le principe de la séparation des fonctions de surveillance et exécutives introduit par la directive 2013/36 et transposé à l’article L. 511‑58 du CMF et a mis en exergue le rôle primordial de la fonction de surveillance dans la bonne gouvernance d’un établissement de crédit.

17      Elle en a déduit qu’il ressortait d’une lecture combinée des articles L. 511‑13, L. 511‑52 et L. 511‑58 du CMF qu’un « dirigeant effectif » exerce les fonctions exécutives dévolues au directeur général ou à une personne exerçant des fonctions équivalentes et que, dans la mesure où le président du conseil d’administration ne peut exercer de telles fonctions, il ne peut être nommé « dirigeant effectif ». La commission de réexamen a, dès lors, conclu au remplacement des décisions du 7 octobre 2015 par des décisions au contenu identique.

18      C’est ainsi que, le 29 janvier 2016, la BCE a adopté les décisions ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/98, ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/100, ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/101 et ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/99, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1024/2013, de l’article 93 du règlement no 468/2014 et des articles L. 511‑13, L. 511‑52, L. 511‑58, L. 612‑23‑1 et R. 612‑29‑3 du CMF (ci-après dénommées ensemble les « décisions attaquées »), lesquelles ont, en application de l’article 24, paragraphe 7, du règlement 1024/2013, abrogé et remplacé les décisions du 7 octobre 2015, tout en conservant un contenu identique.

19      Le 30 juin 2016, le Conseil d’État a rendu un arrêt dans lequel il a conclu à la légalité de la position 2014‑P‑07 de l’ACPR et a fourni, à cette occasion, une interprétation de l’article L. 511‑13, second alinéa, et de l’article L. 511‑58 du CMF.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 mars 2016, les requérantes ont introduit les présents recours.

21      Par actes déposés au greffe du Tribunal, le 4 juillet 2016, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

22      Par décision du 1er août 2016, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires T‑133/16 à T‑136/16, aux fins de la phase écrite de la procédure, de l’éventuelle phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance. Par décision du même jour, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis la Commission à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure du Tribunal, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 octobre 2017.

27      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler les décisions attaquées.

28      La BCE et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

29      Au soutien du recours, les requérantes avancent une argumentation qui peut être regardée comme s’articulant en quatre moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 13 de la directive 2013/36 et de l’article L. 511‑13 du CMF, le deuxième, d’une violation de l’article L. 511‑52‑IV du CMF, le troisième, d’une violation de l’article L. 511‑13 et des articles 13 et 88 de la directive 2013/36, le quatrième et à titre subsidiaire, d’une violation de l’article L. 511‑58 du CMF.

30      La BCE fait valoir que les quatre moyens doivent être écartés comme non fondés. La Commission estime que les trois premiers moyens doivent être écartés comme inopérants et que le quatrième doit être écarté comme non fondé. À titre subsidiaire, elle fait valoir que les trois premiers moyens doivent être écartés comme non fondés.

31      Il convient de relever que, dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir que, en assimilant la notion de direction effective à celle de direction générale, la BCE a modifié le sens de l’article L. 511‑13 du CMF et de l’article 13 de la directive 2013/36. Par le deuxième moyen, elles reprochent à la BCE d’avoir commis une erreur de droit en déduisant de l’article L. 511‑52‑IV du CMF que seules les fonctions de directeur général, de directeur général délégué, de membre du directoire ou de directeur général unique permettaient d’obtenir l’approbation en tant que « dirigeant effectif ». Par le troisième moyen, elles soutiennent que la règle de non-cumul entre les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général n’implique pas de réduire la notion de « direction effective » à l’exercice des seules fonctions exécutives. Quant au quatrième moyen, il est soulevé à titre subsidiaire, dans l’éventualité où le Tribunal retiendrait que seuls les membres de l’organe de direction disposant de fonctions exécutives pourraient être qualifiés de « dirigeants effectifs ». Les requérantes y soutiennent que la BCE a commis une erreur dans l’interprétation de l’article L. 511‑58 du CMF, dès lors que cette disposition n’empêcherait pas le président du conseil d’administration d’exercer toute fonction exécutive, mais seulement la fonction de directeur général.

32      Il y a lieu de relever que les trois premiers moyens ont en commun de concerner l’interprétation privilégiée par la BCE dans les décisions attaquées de la notion de « dirigeant effectif ». Il convient, partant, de les examiner conjointement.

 Sur les trois premiers moyens, tirés d’une interprétation erronée par la BCE de la notion de « dirigeant effectif »

33      Ainsi qu’il ressort des points 9 et 18 ci-dessus, dans les décisions attaquées, la BCE a conclu que la notion de « dirigeant effectif » d’un établissement de crédit devait être comprise comme désignant les dirigeants disposant de fonctions exécutives, tels le directeur général, le directeur général délégué, les membres du directoire ou le directeur général unique. En outre, il convient de relever que la BCE, en se référant à la notion de « dirigeant effectif » d’un établissement de crédit, entendait renvoyer « aux personnes [dirigeant] effectivement les activités de l’établissement de crédit » au sens de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 et aux personnes assurant la « direction effective de l’établissement de crédit » au sens de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

34      En effet, en application de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, « [l]es autorités compétentes n’accordent l’agrément pour démarrer l’activité d’établissement de crédit qu’à la condition qu’au moins deux personnes dirigent effectivement les activités de l’établissement de crédit requérant ». Selon l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF, « [l]a direction effective de l’activité des établissements de crédit, y compris des succursales d’établissements de crédit mentionnées au I de l’article L. 511‑10, ou des sociétés de financement est assurée par deux personnes au moins ».

35      De manière liminaire, il convient d’examiner l’argumentation avancée par la Commission tirée du caractère prétendument inopérant de ces trois moyens. Il est soutenu que les règles dont les requérantes invoquent une violation ne constituent pas le fondement juridique du refus de la BCE d’approuver la désignation en tant que « dirigeants effectifs » des présidents des conseils d’administration des requérantes, celui-ci résidant seulement dans l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 et dans l’article L. 511‑58 du CMF dont ce dernier constitue la transposition en droit français.

36      Dans les décisions attaquées, la BCE a refusé que les présidents des conseils d’administration des requérantes remplissent simultanément la fonction de « dirigeant effectif ». Elle a estimé que la désignation des présidents du conseil d’administration de chacune des requérantes en tant que « dirigeants effectifs » méconnaîtrait le principe de non-cumul de la présidence de l’organe de direction d’un établissement de crédit dans sa fonction de surveillance et de la fonction de directeur général dans le même établissement, figurant à l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 et transposé à l’article L. 511‑58, premier alinéa, du CMF, lequel précise que « la présidence du conseil d’administration ou de tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes d’un établissement de crédit ou d’une société de financement ne peut être exercée par le directeur général ou par une personne exerçant des fonctions de direction équivalentes ».

37      Force est de constater qu’un tel raisonnement repose nécessairement sur le postulat de la BCE consistant à assimiler la direction effective des activités d’un établissement de crédit, prévue à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 et à l’article L. 511‑13 du CMF, à l’exercice des fonctions exécutives au sein de l’établissement.

38      Cette assimilation figure, en outre, explicitement dans les décisions attaquées lorsque la BCE y souligne que « la section IV de l’article L. 511‑52 [du CMF] décrit les fonctions permettant à la personne nommée d’obtenir l’approbation en tant que dirigeant effectif comme suit : […] les fonctions de directeur général, de directeur général délégué, de membre du directoire, de directeur général unique ». De même, elle découle du renvoi effectué par la BCE, dans les décisions attaquées, à la position 2014‑P‑07 de l’ACPR aux fins de souligner que « sont confiées au président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance, chargé de piloter les travaux de cet organe, des fonctions et des missions de surveillance non exécutives qui sont différentes de celles des fonctions exécutives du directeur général, conformément au droit français des sociétés ».

39      Partant, dans la mesure où les décisions attaquées reposent sur le postulat de la BCE consistant à assimiler la direction effective des activités d’un établissement de crédit à l’exercice des fonctions exécutives au sein dudit établissement et où, par les trois premiers moyens, les requérantes contestent le bien-fondé de ce postulat, ces trois moyens ne sauraient revêtir le caractère inopérant avancé par la Commission. En effet, dans l’hypothèse où ces moyens se révéleraient fondés, il ne saurait être exclu qu’ils aient une incidence sur la légalité des décisions attaquées.

40      L’argumentation de la Commission tirée du caractère inopérant des trois premiers moyens doit, partant, être écartée.

41      Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation de l’article 13 de la directive 2013/36 et de l’article L. 511‑13 du CMF, les requérantes font valoir que, en assimilant la notion de « direction effective » à celle de « direction générale », la BCE a modifié le sens de ces deux dispositions. À cet égard, elles font, notamment, observer que l’utilisation de l’expression « personnes qui dirigent effectivement l’activité » à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 n’opère pas de renvoi à la définition de « direction générale » figurant à l’article 3, paragraphe 1, point 9, de cette même directive et en déduisent qu’un « dirigeant effectif » n’est pas nécessairement un membre de la direction générale. Le terme « effectif » devrait être compris dans son sens littéral, à savoir comme désignant ce qui est « réel » ou ce qui « existe effectivement, réellement ». En outre, l’article 3, paragraphe 1, point 9, de la directive 2013/36 n’empêcherait pas le droit national de prévoir que des personnes exerçant une fonction de surveillance disposent également de fonctions exécutives et n’impliquerait pas que seuls les membres de la direction générale puissent être qualifiés de « dirigeants effectifs » ou que ceux-ci doivent être chargés de la gestion quotidienne de l’établissement de crédit. De plus, la notion de « dirigeant effectif » renverrait à la direction d’un établissement de crédit, laquelle revêtirait une double dimension, à savoir une fonction de surveillance et une fonction exécutive. Elles estiment, également, que c’est à tort que la BCE déduit d’autres dispositions du CMF que seuls les dirigeants disposant de pouvoirs exécutifs peuvent être qualifiés d’effectifs. Enfin, les requérantes soutiennent que l’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016 ne peut utilement être invoqué aux fins de justifier le refus de désigner leurs présidents du conseil d’administration comme « dirigeants effectifs », dès lors que ledit arrêt reposerait sur une lecture erronée de leur statut de banque coopérative.

42      Dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article L. 511‑52‑IV du CMF, les requérantes reprochent à la BCE d’avoir commis une erreur de droit en déduisant de cette disposition que seules les fonctions de directeur général, de directeur général délégué, de membre du directoire ou de directeur général unique permettaient d’obtenir l’approbation en tant que « dirigeant effectif ». Elles rappellent que l’objet de l’article L. 511‑52‑IV du CMF n’est pas de décrire les fonctions permettant d’être désigné « dirigeant effectif », mais seulement de mettre en place des règles limitant le cumul des mandats aux fins de s’assurer que les dirigeants consacrent suffisamment de temps à leurs fonctions. La soumission des « dirigeants effectifs » au même régime que les dirigeants exécutifs n’impliquerait pas leur assimilation, dès lors qu’une notion ne se définit pas par son régime juridique. Elles ajoutent que les tâches spécifiques confiées par le CMF aux « dirigeants effectifs » justifient qu’ils soient soumis à des règles de non-cumul plus contraignantes que celles applicables à d’autres membres de l’organe de direction exerçant des fonctions non-exécutives. Enfin, les requérantes estiment que c’est à tort que la BCE s’est référée à l’article L. 511‑52‑IV du CMF aux fins de déterminer les fonctions couvertes par l’interdiction de cumul figurant à l’article L. 511‑58 du CMF, dès lors que les régimes d’incompatibilité visés à ces dispositions poursuivent des finalités différentes.

43      Dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une violation de l’article L. 511‑13 du CMF et des articles 13 et 88 de la directive 2013/36, les requérantes soutiennent, en substance, que la règle de non-cumul entre les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général n’implique pas de réduire la notion de direction effective à l’exercice des seules fonctions exécutives. Ainsi, dès lors que l’organe de direction est chargé à la fois des fonctions de surveillance et exécutives, il serait logique que ces deux catégories de fonctions soient représentées par deux « dirigeants effectifs ». Elles font valoir que l’approche de la BCE, en ce qu’elle conduit à désigner comme « dirigeants effectifs », outre le directeur général, un directeur général adjoint ou délégué, revient à remettre en cause le « principe du double regard » ou la « règle des quatre yeux » que l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 met en œuvre, dès lors que le « dirigeant effectif » serait dans une situation de subordination par rapport au directeur général. Elles réitérèrent que le constat d’une incompatibilité entre les fonctions de président du conseil d’administration et de « dirigeant effectif » est fondé sur le postulat incorrect d’une assimilation du « dirigeant effectif » au directeur général. Enfin, la référence effectuée par la BCE à l’article L. 511‑58, deuxième alinéa, du CMF serait dépourvue de pertinence, dès lors que cette disposition concernerait exclusivement les succursales d’établissements de crédit dont le siège social est hors de l’Union européenne et constituerait, partant, un « régime d’incompatibilité spécifique ».

44      La BCE, soutenue par la Commission, conteste les arguments des requérantes.

45      En substance, par les trois premiers moyens, les requérantes soutiennent que la BCE a commis des erreurs de droit à l’occasion de l’interprétation de la notion de « dirigeant effectif » en la limitant aux membres de la direction disposant de fonctions exécutives. Elles contestent, ainsi, l’interprétation privilégiée par la BCE de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 et de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF. À cet égard, si les requérantes, notamment dans le cadre des deuxième et troisième moyens, se réfèrent à d’autres dispositions de la directive 2013/36, du CMF et à la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, c’est aux fins de contester l’interprétation retenue par la BCE de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ou de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

46      Il convient de rappeler que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 4, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1024/2013, selon lequel « la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants : […] veiller au respect des actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, qui imposent aux établissements de crédit des exigences en vertu desquelles ceux-ci devront disposer de dispositifs solides en matière de gouvernance, y compris les exigences d’honorabilité, de connaissances, de compétences et d’expérience nécessaires à l’exercice des fonctions des personnes chargées de la gestion des établissements de crédit, de processus de gestion des risques, de mécanismes de contrôle interne, de politiques et de pratiques de rémunération ainsi que de procédures efficaces d’évaluation de l’adéquation du capital interne, y compris des modèles fondés sur les notations internes ».

47      En application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, « aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives ».

48      Partant, en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, la BCE était tenue de faire application non seulement de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, mais également de la disposition de droit national en constituant la transposition, à savoir l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

49      Ainsi, l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 implique nécessairement que le Tribunal apprécie la légalité des décisions attaquées au regard tant de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 que de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

50      Dès lors, aux fins de vérifier si la BCE a commis les erreurs de droit alléguées par les requérantes, il convient de déterminer le sens non seulement de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, mais également celui de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

 Sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36

51      Il convient de relever que l’expression « personnes [qui] dirigent effectivement les activités de l’établissement » est utilisée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 et à l’article 3, paragraphe 1, point 7, de cette même directive, lequel définit un organe de direction comme « l’organe ou les organes d’un établissement, qui sont désignés conformément au droit national, qui sont compétents pour définir la stratégie, les objectifs et la direction globale de l’établissement et qui assurent la supervision et le suivi des décisions prises en matière de gestion et, en ce compris, les personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement ».

52      Il s’agit là des deux seules mentions de cette expression dans la directive 2013/36. Ainsi, il n’est fait mention des « personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement » ni dans la définition de l’« organe de direction dans sa fonction de surveillance » figurant à l’article 3, paragraphe 1, point 8, de la directive 2013/36, ni dans la définition de la « direction générale » figurant à l’article 3, paragraphe 1, point 9, de cette même directive.

53      L’expression « personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement » utilisée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 n’étant pas définie dans cette directive, il est nécessaire de procéder à son interprétation.

54      En application d’une jurisprudence constante, aux fins d’interpréter une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

55      Plus particulièrement, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 168, et du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 148).

–       Sur les interprétations littérale et historique de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36

56      En ce qui concerne, en premier lieu, l’interprétation littérale de l’expression « deux personnes [qui] dirigent effectivement les activités de l’établissement » figurant à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, il convient de relever qu’elle est constituée de trois éléments : tout d’abord, une référence à la notion de direction, « au moins deux personnes dirigent », ensuite, un adverbe qualifiant cette direction, « effectivement », et, enfin, la mention de l’objet de cette direction, « les activités de l’établissement ».

57      En ce qui concerne, premièrement, la référence à la notion de direction, il en découle seulement que les personnes concernées doivent être des « dirigeants » et donc des membres de l’organe de direction tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, point 7, de la directive 2013/36, ce qui est confirmé par le libellé de cette dernière disposition, laquelle mentionne explicitement la présence au sein de l’organe de direction des personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement.

58      Dans la mesure où il découle tant du considérant 56 de la directive 2013/36, selon lequel « [u]n organe de direction devrait s’entendre comme ayant des fonctions exécutives et de surveillance », que du libellé de son article 3, paragraphe 1, point 7, que l’organe de direction inclut l’ensemble des dirigeants, que ceux-ci disposent de missions de surveillance ou exécutives, la participation des personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement à l’organe de direction ne permet pas, en elle-même, de définir l’étendue précise de cette expression.

59      En ce qui concerne, deuxièmement, l’adverbe « effectivement », ainsi qu’il ressort de l’argumentation des parties, il peut être compris d’au moins deux manières. D’une part, il peut être compris comme impliquant une permanence et une réalité dans l’activité des dirigeants de l’établissement de crédit, ainsi que le soutiennent les requérantes, auquel cas il est susceptible de recouvrir l’activité des dirigeants non exécutifs, chargés d’une fonction de surveillance. D’autre part, il peut être compris comme visant la direction exécutive de l’établissement de crédit, ainsi que le fait valoir la BCE, ce qui tendrait à impliquer qu’il ne peut concerner que les seuls membres de l’organe de direction qui participent à la direction générale, telle que définie à l’article 3, paragraphe 1, point 9, de la directive 2013/36.

60      En ce qui concerne, troisièmement, la référence à l’objet de cette direction effective, à savoir les « activités de l’établissement », force est de constater qu’elle semble plutôt impliquer que seuls les membres de l’organe de direction qui sont également membres de la direction générale peuvent être considérés comme dirigeant effectivement un établissement de crédit.

61      En effet, la référence à la « [direction effective des] activités de l’établissement » paraît conceptuellement plus proche « des fonctions exécutives » et de la responsabilité de la « gestion quotidienne » de l’établissement de crédit mentionnées à l’article 3, paragraphe 1, point 9, de la directive 2013/36, en lien avec la direction générale, que de la « supervision et [du] suivi des décisions en matière de gestion », dont l’article 3, paragraphe 1, point 8, charge l’organe de direction dans sa fonction de surveillance.

62      En ce qui concerne, en second lieu, l’interprétation historique de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, il convient de relever que, si une condition d’agrément d’un établissement de crédit se rapprochant de celle figurant à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 a été posée dès l’article 3, paragraphe 2, de la première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 1977, L 322, p. 30), le libellé de cette condition a été modifié dans la directive 2013/36.

63      En effet, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/780 imposait « la présence d’au moins deux personnes pour déterminer effectivement l’orientation de l’activité de l’établissement de crédit ». De manière analogue, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2000, L 126, p. 1) et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (refonte) (JO 2006, L 177, p. 1) imposaient « qu’au moins deux personnes déterminent effectivement l’orientation de l’activité de l’établissement de crédit ».

64      Force est de constater que la référence à la « [détermination] effective de l’orientation de l’activité de l’établissement » pouvait éventuellement être comprise comme visant une fonction propre à l’organe de direction dans son ensemble, lequel est compétent « pour définir la stratégie, les objectifs et la direction globale de l’établissement », selon l’article 3, paragraphe 1, point 7, de la directive 2013/36.

65      En ce qui concerne l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, pour les raisons exposées aux points 60 et 61 ci-dessus, la référence à la « [direction effective des] activités d’un établissement » paraît conceptuellement plus proche des « fonctions exécutives » et de la responsabilité de la « gestion quotidienne » de l’établissement mentionnées à l’article 3, paragraphe 1, point 9, de la directive 2013/36 en lien avec la direction générale.

66      Ainsi, l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 se caractérise par l’évolution d’un libellé, passant d’un renvoi susceptible de s’appliquer à l’ensemble des membres de l’organe de direction à un renvoi tendant à désigner leurs seuls membres participant à la direction générale de l’établissement.

67      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que les interprétations littérale et historique de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 tendent plutôt à impliquer que l’expression « deux personnes [qui dirigent] effectivement les activités de l’établissement » doit être comprise comme faisant référence aux membres de l’organe de direction qui relèvent également de la direction générale de l’établissement de crédit.

68      Toutefois, ces interprétations ne permettent pas, à elles seules, de déterminer de manière certaine le sens de l’expression utilisée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, dès lors que ladite directive ne crée aucun lien explicite entre l’appartenance à la direction générale de l’établissement de crédit et la « [direction effective des] activités de l’établissement ». Il convient, partant, en application de la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus, de vérifier si cette conclusion est confortée par les interprétations téléologique et contextuelle de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36.

–       Sur les interprétations téléologique et contextuelle de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36

69      Il convient de relever que la directive 2013/36 est silencieuse sur la finalité de son article 13, paragraphe 1, dès lors qu’aucun considérant n’est consacré à ce dernier. Cette finalité ne peut, en outre, être déduite de la législation antérieure.

70      En effet, ni la directive 77/780, ni la directive 2000/12, ni la directive 2006/48 ne contenaient de considérant explicitant la finalité de la condition d’agrément d’un établissement de crédit visée au point 62 ci-dessus.

71      À cet égard, les requérantes soutiennent que l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36, à l’instar des dispositions pertinentes des directives 77/780, 2000/12 et 2006/48, poursuit une finalité tenant à la bonne gouvernance des établissements de crédit, consistant dans la création d’un principe du « double regard » ou d’une « règle des quatre yeux », évitant la concentration des pouvoirs dans les mains d’une seule personne, et que la préservation de l’effectivité de ce principe ou de cette règle implique que, en plus du directeur général, il existe un autre « dirigeant effectif » qui ne lui soit pas subordonné, ce qui est le cas du président du conseil d’administration.

72      Certes, le caractère obligatoire de la présence d’au moins deux personnes dirigeant effectivement l’activité d’un établissement de crédit pourrait être compris comme visant non seulement à permettre une continuité dans la direction effective d’un établissement de crédit en évitant que celle-ci puisse être compromise en cas d’empêchement affectant un unique dirigeant, mais également à instaurer un contrôle mutuel entre les personnes dirigeant effectivement l’établissement de crédit.

73      Toutefois, il convient de relever que, s’agissant de la gouvernance des établissements de crédit, les finalités de la directive 2013/36 ressortent clairement de l’exposé de ses motifs et, notamment, des considérants 53, 54 et 57.

74      Ainsi, au considérant 53 de la directive 2013/36, il est souligné que « [l]es lacunes de la gouvernance d’entreprise dans un certain nombre d’établissements ont conduit à des prises de risques excessives et imprudentes dans le secteur bancaire, ce qui a entraîné la défaillance de certains établissements et des problèmes systémiques dans les États membres et dans le monde [; l]e caractère très général des dispositions relatives à la gouvernance des établissements et le caractère non contraignant d’une partie importante du cadre régissant la gouvernance d’entreprise, qui repose essentiellement sur des codes de conduite volontaires, n’ont pas suffisamment encouragé la mise en œuvre effective, par les établissements, de saines pratiques de gouvernance d’entreprise ». À cet égard, le législateur a mis en exergue, dans ce même considérant, que « [d]ans certains cas, l’absence de véritable équilibre des pouvoirs au sein des établissements s’est traduite par un manque de supervision efficace de la prise de décisions en matière de gestion, encourageant ainsi des stratégies de gestion axées sur le court terme et excessivement risquées ».

75      De même, au considérant 54 de la directive 2013/36, il est mentionné que, « [a]fin de prévenir les répercussions négatives que des systèmes de gouvernance d’entreprise mal conçus pourraient avoir sur la saine gestion des risques, les États membres devraient introduire des principes et des normes visant à assurer une supervision efficace par l’organe de direction. »

76      Enfin, au considérant 57 de la directive 2013/36, il est précisé que « [l]e rôle des membres non exécutifs de l’organe de direction au sein d’un établissement devrait consister à critiquer de manière constructive la stratégie de l’établissement et contribuer ainsi à son élaboration, à contrôler l’action de la direction dans la réalisation des objectifs convenus, à vérifier l’exactitude de l’information financière et s’assurer que les contrôles financiers et les systèmes de gestion des risques sont solides et justifiables, à contrôler la conception et la mise en œuvre de la politique de rémunération de l’établissement et à émettre des avis objectifs sur les ressources, les nominations et les règles de conduite ».

77      Partant, il ressort de l’examen des motifs de la directive 2013/36 que, alors que celle-ci est silencieuse s’agissant des finalités de la règle figurant à son article 13, paragraphe 1, elle comprend une explicitation claire de l’objectif poursuivi par le législateur s’agissant des règles relatives à la bonne gouvernance des établissements de crédit. Cette finalité consiste en une supervision efficace de la direction générale par les membres non exécutifs de l’organe de direction, laquelle implique un équilibre des pouvoirs au sein de l’organe de direction.

78      Cela se matérialise à l’article 88 de la directive 2013/36, intitulé « Dispositifs de gouvernance », lequel précise, notamment, à son paragraphe 1, sous d) et e), respectivement, que « l’organe de direction doit être responsable de l’exercice d’une supervision effective de la direction générale » et que « le président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance d’un établissement ne peut pas exercer simultanément la fonction de directeur général dans le même établissement, sauf lorsqu’une telle situation est justifiée par l’établissement et approuvée par les autorités compétentes ».

79      Il en découle nécessairement que, dans l’économie de la directive 2013/36, la finalité relative à la bonne gouvernance des établissements de crédit – à laquelle les requérantes essaient de rattacher leur interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive – passe par la recherche d’une supervision efficace de la direction générale par les membres non exécutifs de l’organe de direction, laquelle implique un équilibre des pouvoirs au sein de l’organe de direction. Or, force est de constater que l’efficacité d’une telle supervision pourrait être compromise dans l’éventualité où le président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance, tout en n’occupant pas formellement la fonction de directeur général, serait conjointement chargé de la direction effective de l’activité de l’établissement de crédit.

80      Partant, si tant l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/780 que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/12 et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/48 pouvaient éventuellement être compris comme autorisant la désignation conjointe comme « dirigeants effectifs » du directeur général et du président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance, aux fins de permettre un « double regard » dans la direction de l’établissement de crédit, une telle interprétation ne peut être suivie à l’égard de la directive 2013/36, dans la mesure où celle-ci dispose de règles précises relatives à la bonne gouvernance des établissements de crédit, lesquelles excluent, en principe, que le président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance puisse être conjointement chargé de la direction effective de l’activité de l’établissement de crédit.

81      Cette conclusion n’est pas infirmée par le rappel figurant au considérant 55 de la directive 2013/36 selon lequel :

« Différentes structures de gouvernance sont utilisées au sein des États membres. Dans la plupart des cas, une structure unitaire ou duale est utilisée. Les définitions utilisées dans la présente directive visent à prendre en compte l’ensemble des structures existantes sans privilégier l’une d’entre elles en particulier. Elles sont purement fonctionnelles et ont pour objet de fixer les règles en vue de parvenir à un certain résultat indépendamment du droit national des sociétés applicable à un établissement dans chaque État membre. Par conséquent, les définitions n’influent pas sur la répartition globale des compétences conformément au droit national des sociétés. »

82      En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, une telle interprétation ne s’oppose pas à l’existence d’une structure unitaire de gouvernance d’un établissement de crédit, dans laquelle l’organe de direction dispose à la fois des fonctions exécutives et de surveillance, mais concerne seulement l’organisation des pouvoirs au sein dudit organe de direction.

83      Au vu de ce qui précède, il ressort des interprétations littérale, historique, téléologique et contextuelle de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 que l’expression « deux personnes [qui] dirigent effectivement les activités de l’établissement » vise les membres de l’organe de direction qui relèvent également de la direction générale de l’établissement de crédit.

 Sur l’interprétation de l’article L. 51113, second alinéa, du CMF

84      Dans la mesure où est en cause l’interprétation d’une disposition de droit national, il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (voir arrêts du 27 juin 1996, Schmit, C‑240/95, EU:C:1996:259, point 14 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie, C‑433/13, EU:C:2015:602, point 81 et jurisprudence citée).

85      À cet égard, il y a lieu de relever que la BCE et la Commission se réfèrent, notamment, à l’interprétation de l’article L. 511‑13 du CMF contenue dans l’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016, mentionné au point 19 ci-dessus. Les requérantes ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur cet arrêt dans leurs observations sur le mémoire en intervention de la Commission et lors de l’audience.

86      Il convient, en outre, de relever que cet arrêt a été rendu à la suite d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la position 2014‑P‑07 de l’ACPR, par laquelle celle-ci explicite son interprétation de la notion de « dirigeant effectif » dans un sens identique à celui retenu par la BCE, laquelle s’est référée à la position 2014‑P‑07 de l’ACPR dans les décisions attaquées. L’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016 est donc particulièrement pertinent en l’espèce.

87      Il convient, par ailleurs, de relever que la circonstance que l’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016 soit postérieur aux décisions attaquées n’empêche pas sa prise en compte aux fins d’interpréter l’article L. 511‑13 du CMF, dès lors que les requérantes ont eu, devant le Tribunal, la possibilité de présenter leurs observations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, points 44 à 46).

88      Au considérant 7 de l’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016, il est précisé ce qui suit :

« [A]ux termes de l’article L. 225‑51 du code de commerce [français,] “[l]e président du conseil d’administration organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l’assemblée générale. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure, en particulier, que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission”. [… I]l résulte de ces dispositions que le président du conseil d’administration d’un établissement de crédit sous forme de société anonyme, hormis le cas où il assume, comme le permet l’article L. 225‑51‑1 du même code et à condition d’y avoir été autorisé dans les conditions prévues par l’article L. 511‑58 du [CMF], la direction générale de l’établissement, ne peut pas être regardé comme assurant la direction effective de l’établissement de crédit au sens de l’article L. 511‑13 de ce code[. P]ar suite, l’ACPR n’a pas méconnu ces dispositions en énonçant qu’en dehors de cette hypothèse, le président du conseil d’administration d’un établissement de crédit, constitué sous la forme d’une société anonyme à conseil d’administration, ne peut être désigné comme “dirigeant effectif” de cet établissement[. L]es requérantes ne sauraient à cet égard utilement invoquer les spécificités des établissements de crédit soumis à la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, dès lors que les dispositions précitées du code de commerce leur sont applicables indépendamment de la liberté d’organisation que leur confèreraient les dispositions de cette loi ou de l’article L. 512‑31 du [CMF]. »

89      Ainsi, par son arrêt du 30 juin 2016, le Conseil d’État a estimé que c’était seulement dans l’éventualité où le président du conseil d’administration d’un établissement de crédit avait été explicitement autorisé à en assumer la direction générale qu’il pouvait être désigné comme « dirigeant effectif » dudit établissement, au sens de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

90      Il en découle que la BCE n’a pas commis les erreurs de droit alléguées par les requérantes en considérant que la notion de « dirigeant effectif » d’un établissement de crédit devait être comprise comme désignant les dirigeants disposant de fonctions exécutives, tels le directeur général, le directeur général délégué, les membres du directoire ou le directeur général unique.

91      En effet, tant l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 que l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF impliquent que seuls les membres de l’organe de direction qui relèvent également de la direction générale de l’établissement de crédit peuvent être désignés comme des « personnes qui dirigent effectivement les activités de l’établissement » au sens de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ou des personnes assurant la « direction effective de l’établissement de crédit » au sens de l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF.

92      L’arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2016 suffisant à établir la portée des règles de droit national que la BCE devait appliquer du fait du renvoi opéré à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, à savoir l’article L. 511‑13, second alinéa, du CMF, l’argumentation présentée par les requérantes tendant à remettre en cause le bien-fondé de cette interprétation, y compris par référence à d’autres règles de droit national, doit d’emblée être écartée. Il en va ainsi, notamment, de la liberté d’organisation dont bénéficieraient les requérantes en application de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, le Conseil d’État s’étant, en outre, explicitement prononcé sur cette question au considérant 7 de son arrêt du 30 juin 2016.

93      Les trois premiers moyens des requérantes doivent, partant, être écartés.

 Sur le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire et tiré d’une violation de l’article L. 51158 du CMF

94      Ainsi qu’il a été explicité aux points 8 et 18 ci-dessus, dans les décisions attaquées, la BCE a notamment fondé son refus d’approbation des présidents des conseils d’administration des requérantes comme leurs « dirigeants effectifs » sur les termes de l’article L. 511‑58 du CMF qui transpose l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36. Elle s’est également référée à la circonstance que le considérant 54 de cette directive permettait aux États membres d’introduire des principes et des normes de gouvernance en plus de ceux requis par la directive.

95      Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes font valoir que la BCE a commis une erreur dans l’interprétation de l’article L. 511‑58 du CMF, dès lors que cette disposition n’empêcherait pas le président du conseil d’administration d’exercer toute fonction exécutive, mais seulement la fonction de directeur général. Elles soulignent que, en droit français, le président du conseil d’administration dispose de fonctions exécutives réelles et différentes de celles d’un directeur général. Elles rappellent que leur organisation est régie par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, laquelle est marquée par une grande souplesse en matière d’organisation, ce qui leur a permis de définir très largement, dans leurs statuts, les pouvoirs dévolus au conseil d’administration et à son président. En outre, l’étendue des prérogatives du président du conseil d’administration autonomes ou déléguées par le conseil d’administration suffiraient à justifier sa qualification de « dirigeant effectif » sans pour autant l’assimiler à un directeur général. Par ailleurs, en limitant le rôle du conseil d’administration et de son président aux seules fonctions de surveillance, la BCE aurait supprimé la spécificité des modèles de gouvernance « monistes » dans lesquels le conseil d’administration participe tant aux fonctions de surveillance qu’aux fonctions exécutives, contrairement à l’intention du législateur telle qu’elle figure au considérant 55 de la directive 2013/36. Enfin, elles rappellent ne pas avoir demandé la désignation de leur président du conseil d’administration comme directeur général, mais comme « dirigeant effectif ».

96      La BCE, soutenue par la Commission, conteste les arguments des requérantes.

97      En ce qui concerne, en premier lieu, l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36, il convient de relever que celui-ci dispose d’un libellé clair en ce qu’il empêche que « le président de l’organe de direction dans sa fonction de surveillance d’un établissement [exerce] simultanément la fonction de directeur général dans le même établissement, sauf lorsqu’une telle situation est justifiée par l’établissement et approuvée par les autorités compétentes ».

98      En ce qui concerne, en second lieu, l’article L. 511‑58 du CMF, lequel assure la transposition de l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36, il y est précisé que « [l]a présidence du conseil d’administration ou de tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes d’un établissement de crédit ou d’une société de financement ne peut être exercée par le directeur général ou par une personne exerçant des fonctions de direction équivalentes ».

99      À cet égard, il convient de relever que, si l’article L. 511‑58 du CMF dispose d’une portée plus large que celle de l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36, en ce qu’il s’oppose à ce que non seulement le « directeur général », mais également « une personne exerçant des fonctions de direction équivalentes », exercent la présidence du conseil d’administration, alors que l’article 88, paragraphe 1, sous e) de la directive 2013/36 ne fait référence qu’au seul directeur général, ce champ d’application plus large ne remet pas en cause sa compatibilité avec ledit article. En effet, ainsi que l’a souligné à juste titre la BCE dans les décisions attaquées, le considérant 54 de la directive 2013/36, dont le contenu est rappelé au point 75 ci-dessus, permet aux États membres d’introduire des principes et des normes visant à assurer une supervision efficace par l’organe de direction. En outre, l’extension de l’interdiction de principe de cumul des fonctions de président du conseil d’administration à une « personne exerçant des fonctions de direction équivalentes » à celle de directeur général est conforme aux finalités de la directive 2013/36, telles qu’explicitées aux points 73 à 79 ci-dessus, à savoir la recherche d’une supervision efficace de la direction générale par les membres non exécutifs de l’organe de direction, laquelle implique un équilibre des pouvoirs au sein de l’organe de direction.

100    S’agissant de l’interprétation de l’article L. 511‑58 du CMF, il découle du considérant 7 de l’arrêt du 30 juin 2016, rappelé au point 88 ci-dessus, que le Conseil d’État a estimé que cette disposition s’opposait à ce que le président du conseil d’administration d’un établissement de crédit soit désigné comme « dirigeant effectif » de cet établissement, sauf dans le cas où il a été autorisé à en assumer la direction générale.

101    Or, il résulte de l’interprétation de l’article 88, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36 effectuée au point 97 ci-dessus que, en appliquant l’article L. 511‑58 du CMF, la BCE a adopté une décision conforme audit article 88, paragraphe 1, sous e). Il n’y a donc pas lieu d’examiner l’argumentation présentée par les requérantes tendant à remettre en cause le bien-fondé de l’interprétation de l’article L. 511‑58 du CMF.

102    Il en découle que la BCE n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que l’article L. 511‑58 du CMF s’opposait à la désignation des présidents des conseils d’administration des requérantes comme leur « dirigeants effectifs ».

103    Le quatrième moyen doit, partant, être écarté et, par voie de conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

104    Selon l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BCE, conformément aux conclusions de celle-ci.

105    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :


1)      Les recours sont rejetés.

2)      La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Buttigieg

Schalin

Berke

 

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.