Language of document : ECLI:EU:F:2012:136

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

25 septembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de vacance – Acte faisant grief – Intérêt à agir – Exigences linguistiques – Autorité compétente pour adopter un avis de vacance – Bureau du CESE »

Dans l’affaire F‑51/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Moises Bermejo Garde, fonctionnaire du Comité économique et social européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Levi, avocat,

partie requérante,

contre

Comité économique et social européen (CESE), représenté par Mme M. Lernhart, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 1er juillet 2010, M. Bermejo Garde demande l’annulation d’un avis de vacance publié par le Comité économique et social européen (CESE).

 Cadre juridique

2        Selon l’article 260, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne applicable au moment des faits :

« [Le CESE] établit son règlement intérieur. »

3        Aux termes de l’article 29 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« 1.      En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné :

a)      les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :

i)      mutation ou

ii)      nomination conformément à l’article 45 bis ou

iii)      promotion

au sein de l’institution ;

b)      les demandes de transfert de fonctionnaires du même grade d’autres institutions et/ou les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne] ;

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.

2.      Une procédure de recrutement autre que celle du concours peut être adoptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination pour le recrutement du personnel d’encadrement supérieur (les directeurs généraux ou leurs équivalents aux grades AD 16 ou 15 et les directeurs ou leurs équivalents aux grades AD 15 ou 14), ainsi que, dans des cas exceptionnels, pour des emplois nécessitant des qualifications spéciales.

[…] »

4        L’article 2, paragraphe 1, du règlement intérieur du CESE (ci-après le « règlement intérieur ») dispose :

« Le [CESE] est composé des organes suivants : l’[a]ssemblée, le [b]ureau, le [p]résident et les sections spécialisées. »

5        Selon l’article 72, paragraphe 1, du règlement intérieur :

« Les pouvoirs dévolus par le [s]tatut […] à l’autorité investie du pouvoir de nomination sont exercés :

–        […]

–        en ce qui concerne les fonctionnaires du groupe de fonctions AD 16, AD 15 et AD 14, sur proposition du [s]ecrétaire général, par le [b]ureau quant à l’application des articles 13, 29, 30, 31, 32, 40, 41, 49, 50, 51, 78 et 90, paragraphe 1, du [s]tatut […] ; ils le sont, pour les autres dispositions du [s]tatut y inclus l’article 90, paragraphe 2, sur proposition du [s]ecrétaire général, par le [p]résident ;

–        en ce qui concerne les fonctionnaires du groupe de fonctions AD 13, AD 12 et AD 11, par le [p]résident, sur proposition du [s]ecrétaire général ;

[…] »

 Faits à l’origine du litige

6        Le 6 juillet 2009, a été publié sur l’intranet du CESE, selon la procédure prévue à l’article 29, paragraphe 1, du statut, l’avis de vacance no 26/09 en vue de pourvoir le poste de directeur de la direction des affaires générales du CESE (ci-après la « DAG ») au grade AD 14 (ci-après le « premier avis de vacance »). Aux termes du premier avis de vacance, destiné aux fonctionnaires du CESE ainsi qu’aux fonctionnaires des autres institutions de l’Union européenne, la date limite pour l’introduction des candidatures était fixée au 27 juillet 2009.

7        Parmi les qualifications requises par le premier avis de vacance figuraient les suivantes :

« […]

–        Une formation universitaire dans les domaines du droit ou des sciences politiques serait un atout.

–        Grande expérience dans la direction d’une ou plusieurs entités administratives importantes.

[…]

–        Connaissance approfondie de deux langues officielles de l’Union européenne et connaissance d’au moins une autre langue officielle de l’Union européenne. Pour des raisons de service, une bonne connaissance [de l’anglais et du français] est fortement souhaitée.

[…] »

8        Le premier avis de vacance était signé « [p]our le [b]ureau [du CESE] » par le président du CESE (ci-après le « président »).

9        Le 27 juillet 2009, le requérant, fonctionnaire de grade AD 13 et exerçant les fonctions de chef de l’unité « Service juridique » de la DAG (ci-après le « service juridique ») depuis le 1er juin 1997, a soumis sa candidature pour l’emploi visé par le premier avis de vacance. Trois autres personnes ont également soumis leur candidature.

10      Au cours d’une réunion tenue le 29 septembre 2009, le bureau du CESE (ci-après le « bureau ») a décidé de retirer le premier avis de vacance et de « republier [la vacance d’emploi] selon l’article 29[, paragraphes 1 et 2,] du [s]tatut » (ci-après la « décision du 29 septembre 2009 »).

11      Par courrier du 30 septembre 2009, le requérant, faisant référence à la décision du 29 septembre 2009, a informé l’administration de son « souhait actuel » de retirer sa candidature pour le poste visé par le premier avis de vacance.

12      Le 15 octobre 2009, l’avis de vacance no 43/09 (ci-après le « nouvel avis de vacance ») et visant à pourvoir, « selon l’article 29, paragraphes 1 et 2, du [s]tatut », le même poste de directeur de la DAG a été publié tant sur l’intranet du CESE qu’au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 247 A, p. 1). La date limite pour l’introduction des candidatures était fixée au 29 octobre 2009.

13      Le nouvel avis de vacance était signé par le président « [p]our le [b]ureau ».

14      Parmi les conditions particulières requises par le nouvel avis de vacance figuraient les suivantes :

« —      Niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme – acquis de préférence dans les domaines du droit ou des sciences politiques – lorsque la durée normale desdites études est de quatre années ou plus, ou niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme et une expérience professionnelle appropriée d’une année au moins lorsque la durée normale desdites études est de trois années au moins.

–        Expérience professionnelle postuniversitaire d’au moins quinze ans au niveau correspondant aux qualifications précitées, dont au moins cinq ans doivent avoir été acquis à un poste d’encadrement.

[…]

–        Connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union européenne et très bonne connaissance d’au moins deux autres langues officielles de l’Union européenne. Pour des raisons de service, une bonne connaissance de l’anglais et du français est fortement souhaitée.

[…] »

15      Par courrier du 5 octobre 2009, le requérant avait été informé que les candidats qui, comme lui, avaient postulé pour le premier avis de vacance seraient regardés, sauf avis contraire de leur part, comme également candidats pour le nouvel avis de vacance.

16      Par courrier du 19 octobre 2009, le requérant a confirmé sa candidature pour le poste visé par le nouvel avis de vacance.

17      Par courrier du 3 décembre 2009 adressé au secrétariat général du CESE, le requérant a finalement demandé que sa candidature dans le cadre du nouvel avis de vacance soit retirée « en raison de l’illégalité » qui entacherait cet avis et « des dernières modifications qui y [avaient] été apportées ».

18      Par note du 4 décembre 2009, le requérant a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre du nouvel avis de vacance.

19      Par note du 7 décembre 2009, le requérant a informé le bureau de l’existence de graves et nombreuses irrégularités qu’auraient commises, dans l’exercice de leurs fonctions, le secrétaire général du CESE (ci-après le « secrétaire général ») et, dans une moindre mesure, le chef de l’unité « Recrutement, carrières, formation » de la direction « Ressources humaines et des services intérieurs » du CESE. L’intéressé sollicitait également, conformément à l’article 24 du statut, l’assistance du bureau afin que celui-ci prenne « les mesures nécessaires pour la cessation du harcèlement pratiqué à [son] encontre » par le secrétaire général.

20      Au cours d’un entretien ayant eu lieu ce même 7 décembre 2009, le secrétaire général adjoint a demandé au requérant de maintenir sa candidature dans la procédure de recrutement ouverte par le nouvel avis de vacance.

21      Par décision du 3 mars 2010, le président a informé le requérant de sa décision de rejeter la demande d’assistance. Il a également indiqué à l’intéressé que « les faits invoqués ne p[ouvaien]t être qualifiés d’infraction pénale ni de violation des dispositions statutaires en matière disciplinaire ». Il a également fait part au requérant de son intention de procéder à sa réaffectation.

22      Par des décisions des 24 mars 2010 et 13 avril 2010, le président a mis fin aux fonctions de chef du service juridique exercées par le requérant et a affecté celui-ci à la direction de la logistique « en qualité de [c]hef d’unité et avec son poste […] afin notamment de s’occuper des affaires juridiques concernant les contrats et les appels d’offre[s] ».

23      Les décisions du président des 3 mars, 24 mars et 13 avril 2010 ont fait l’objet d’un recours devant le Tribunal enregistré sous la référence F‑41/10. Le requérant a également introduit une demande en référé devant le Tribunal tendant à ce que celui-ci ordonne le sursis à exécution de ces trois décisions. Par ordonnance du 14 juillet 2010, le président du Tribunal a rejeté cette demande.

24      Le 29 mars 2010, la réclamation introduite par le requérant contre le nouvel avis de vacance a été rejetée.

25      Le 27 avril 2010, Mme E. a été nommée au poste de directeur de la DAG.

 Procédure et conclusions des parties

26      Le présent recours a été introduit le 1er juillet 2010.

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le nouvel avis de vacance ;

–        annuler toutes les décisions prises sur la base du nouvel avis de vacance ;

–        condamner le CESE à lui verser des dommages-intérêts ;

–        condamner le CESE à l’ensemble des dépens.

28      Le CESE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à l’annulation du nouvel avis de vacance

 Sur la recevabilité

–       Arguments des parties

29      Le CESE soulève deux fins de non-recevoir à l’encontre des conclusions tendant à l’annulation du nouvel avis de vacance.

30      En premier lieu, le CESE soutient que le nouvel avis de vacance ne constituerait pas un acte faisant grief, puisqu’il n’aurait pas eu pour effet d’exclure la candidature du requérant.

31      Le CESE ajoute que le requérant aurait retiré sa candidature au poste de directeur de la DAG non parce que le nouvel avis de vacance l’aurait prétendument « exclu », mais en raison de la plainte contre le secrétaire général que l’intéressé s’apprêtait à introduire, et qu’il a effectivement introduite le 7 décembre 2009, soit deux jours ouvrables après avoir retiré sa candidature.

32      En second lieu, le CESE souligne qu’en tout état de cause le requérant serait dépourvu d’intérêt à demander l’annulation du nouvel avis de vacance, puisqu’une hypothétique annulation de celui-ci n’aurait aucune incidence sur la situation personnelle de l’intéressé. En effet, le requérant se serait abstenu de contester par le biais d’une réclamation la décision de nomination de Mme E. au poste de directeur de la DAG.

33      Le requérant conclut au rejet des deux fins de non-recevoir.

34      Le requérant fait observer, en particulier, que le nouvel avis de vacance constituerait un acte lui faisant grief, puisque celui-ci comporterait, contrairement au premier avis de vacance, des conditions ayant exclu une « candidature utile et recevable » de sa part. Le requérant explique que, possédant une connaissance approfondie de deux langues officielles de l’Union (l’espagnol et le français), mais seulement une bonne connaissance d’une troisième langue officielle (l’anglais), il n’aurait pu satisfaire les exigences linguistiques fixées dans le nouvel avis de vacance, à savoir justifier d’une « connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union européenne et [d’une] très bonne connaissance d’au moins deux autres langues officielles de l’Union européenne ».

35      En réponse, le CESE fait observer à cet égard que, dans le curriculum vitæ que l’intéressé avait joint à l’acte de candidature adressé suite à la publication du premier avis de vacance, le requérant avait mentionné, à la rubrique « Langues », et dans cet ordre, les langues espagnole, française et anglaise.

–       Appréciation du Tribunal

36      Il a été jugé que, lorsqu’un fonctionnaire a vocation à occuper, par mutation ou promotion, un emploi visé par un avis de vacance, cet avis constitue un acte faisant grief à ce fonctionnaire dans la mesure où les conditions qu’il définit ont pour effet d’exclure la candidature de celui-ci (arrêts de la Cour du 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, point 6, et du 11 mai 1978, De Roubaix/Commission, 25/77, point 8 ; ordonnance du Tribunal du 18 mai 2006, Corvoisier e.a./BCE, F‑13/05, point 42 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Torijano Montero/Conseil, F‑91/07, point 27).

37      En particulier, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Küster/Parlement, précité, la Cour a considéré qu’un avis de vacance qui prévoyait, parmi les qualifications requises, une connaissance approfondie de la langue anglaise avait pour effet d’exclure la candidature du requérant et de porter atteinte à sa vocation à la promotion. Pareille position a également été retenue par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt De Roubaix/Parlement, précité, dans laquelle l’avis de vacance exigeait une « connaissance approfondie du secteur industriel des combustibles nucléaires ».

38      En l’espèce, il est constant que le nouvel avis de vacance exigeait des candidats une « connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union européenne et [une] très bonne connaissance d’au moins deux autres langues officielles de l’Union européenne ».

39      Or, si le requérant justifiait d’une connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union (l’espagnol) ainsi que d’une connaissance au moins très bonne d’une deuxième langue officielle (le français), il ne ressort pas des pièces du dossier – et il n’est pas davantage soutenu par le CESE – que l’intéressé aurait disposé d’une très bonne connaissance d’une troisième langue officielle. Certes, dans le curriculum vitæ qu’il avait joint à sa candidature dans le cadre du premier avis de vacance, le requérant avait mentionné, à la rubrique « Langues », et dans cet ordre, les langues espagnole, française et anglaise. Toutefois, outre qu’une telle mention était dépourvue de toute précision quant au niveau de connaissance de ces trois langues, il importe de relever que, dans son rapport de notation pour l’exercice 2009, l’intéressé a évalué sa connaissance de l’anglais à « passable » pour la compréhension orale, l’expression orale et l’expression écrite, et à « bien » pour la compréhension écrite.

40      Ainsi, puisque aucun élément du dossier ne met en évidence que le requérant disposait d’une « très bonne connaissance » d’une troisième langue officielle de l’Union, et alors que le CESE a lui-même indiqué, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure diligentées dans la présente affaire, que le poste visé par le nouvel avis de vacance devait être pourvu par un candidat « pleinement opérationnel » en trois langues officielles de l’Union, il convient de considérer que les conditions définies par ledit avis ont eu pour effet d’exclure la candidature du requérant.

41      Aucun des arguments avancés par le CESE n’est de nature à contredire cette conclusion.

42      En premier lieu, le CESE souligne que le nouvel avis de vacance précisait, en complément de la condition linguistique évoquée ci-dessus, que « [p]our des raisons de service, une bonne connaissance de l’anglais et du français [était] fortement souhaitée » et en déduit que le requérant, qui avait indiqué lui-même avoir une bonne connaissance de l’anglais, satisfaisait à cette recommandation.

43      Toutefois, le nouvel avis de vacance exigeait la connaissance approfondie d’une langue officielle de l’Union ainsi que la très bonne connaissance de deux autres langues officielles. Or, ainsi qu’il a été dit, l’intéressé ne remplissait pas cette condition.

44      En deuxième lieu, le CESE fait observer que le requérant avait été informé, par courrier du 5 octobre 2009, que les candidats qui, comme lui, avaient postulé pour le premier avis de vacance, seraient regardés, sauf avis contraire de leur part, comme également candidats pour le nouvel avis de vacance, et que, par courrier du 19 octobre suivant, l’intéressé avait même confirmé sa candidature pour le poste visé par le nouvel avis de vacance. Le CESE en déduit que le requérant aurait lui-même décidé, pour des motifs qui lui sont propres et qui ne relèvent pas de la nature des conditions figurant dans le nouvel avis de vacance, de ne pas participer à la procédure de sélection.

45      Ces faits ne sont néanmoins pas de nature à mettre en cause le constat selon lequel, dans l’hypothèse où l’intéressé n’aurait pas retiré sa candidature, celle-ci aurait été exclue du fait des exigences linguistiques figurant dans le nouvel avis de vacance.

46      En troisième lieu, il est vrai que le retrait de la candidature du requérant est intervenu deux jours ouvrables avant l’envoi, le 7 décembre 2009, de sa demande d’assistance sur la base de l’article 24 du statut. Toutefois, l’existence avérée d’un contexte relationnel conflictuel entre le requérant et le secrétaire général est dépourvue de pertinence sur le fait que, de manière objective, le nouvel avis de vacance contenait des exigences linguistiques qui excluaient toute candidature utile du requérant.

47      Il s’ensuit que le nouvel avis de vacance constitue un acte faisant grief au requérant.

48      Quant à la fin de non-recevoir tirée de ce que le requérant serait dépourvu d’intérêt à obtenir l’annulation du nouvel avis de vacance, elle ne saurait être accueillie.

49      Certes, le requérant s’est abstenu de contester la décision de nomination de Mme E. au poste de directeur de la DAG, de telle sorte que, dans l’hypothèse où le nouvel avis de vacance devrait être annulé en raison d’une illégalité l’entachant, une telle annulation serait dépourvue de toute incidence directe sur le déroulement de la carrière du requérant.

50      Toutefois, il résulte de la jurisprudence qu’un requérant peut justifier d’un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, points 50 et suivants).

51      En l’espèce, parmi les moyens soulevés par le requérant figure celui tiré de ce que le nouvel avis de vacance aurait été adopté par le président et non par le bureau, en méconnaissance de l’article 72, paragraphe 1, premier tiret, du règlement intérieur.

52      Or, une telle illégalité, à la supposer établie, serait susceptible d’être reprise à l’avenir dans le cadre de procédures analogues.

53      Par suite, le requérant justifie d’un intérêt à solliciter l’annulation du nouvel avis de vacance.

54      Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation du nouvel avis de vacance sont recevables.

 Sur le fond

55      À l’appui des conclusions en annulation du nouvel avis de vacance, le requérant soulève quatre moyens, tirés respectivement :

–        de l’incompétence de l’auteur de l’acte, de la violation de l’article 72 du règlement intérieur et de la violation de la décision du 29 septembre 2009 ;

–        de la violation des articles 27 et 29 du statut et du droit à faire carrière, de la violation de l’obligation de motivation et de la violation de l’intérêt du service ;

–        de l’absence de consultation du comité paritaire du CESE ;

–        de l’existence d’un détournement de pouvoir.

56      Il convient d’examiner en premier le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte, de la violation de l’article 72 du règlement intérieur et de la violation de la décision du 29 septembre 2009.

–       Arguments des parties

57      Le requérant prétend que le nouvel avis de vacance, dès lors qu’il comportait des différences substantielles avec le premier avis de vacance, aurait dû être adopté par une décision du bureau, en application de l’article 72, paragraphe 1, premier tiret, du règlement intérieur, et non, comme cela a été le cas, par une décision du président.

58      Le requérant fait également valoir que l’avis de vacance méconnaîtrait la décision du 29 septembre 2009, puisque, dans cette décision, le bureau se serait borné à décider une publication élargie du premier avis de vacance et non la publication d’un nouvel avis s’écartant substantiellement de celui-ci.

59      En défense, le CESE rétorque que le nouvel avis de vacance aurait bien été adopté en vertu de la décision du 29 septembre 2009.

–       Appréciation du Tribunal

60      Selon l’article 72, paragraphe 1, deuxième tiret, du règlement intérieur, les pouvoirs dévolus par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination sont exercés, en ce qui concerne les fonctionnaires des grades AD 16, AD 15 et AD 14, par le bureau quant à l’application, notamment, de l’article 29 du statut.

61      Il résulte de cette disposition que le nouvel avis de vacance dont l’objet était de pourvoir, selon la procédure de l’article 29, paragraphes 1 et 2 du statut, le poste de directeur de la DAG au grade AD 14 devait être adopté par une décision du bureau.

62      En l’espèce, le CESE prétend que tel aurait été le cas et se prévaut à cet effet de la décision du 29 septembre 2009.

63      À cet égard, il est constant que, par la décision du 29 septembre 2009, le bureau a décidé de retirer le premier avis de vacance, qui n’avait fait l’objet que d’une diffusion sur l’intranet du CESE, et de « republier [la vacance d’emploi] selon l’article 29[, paragraphes 1 et 2,] du statut ».

64      Le président, chargé d’exécuter les décisions du bureau, devait donc se borner à exécuter la décision du 29 septembre 2009 et, par conséquent, publier un nouvel avis de vacance substantiellement identique au premier avis de vacance, ouvert non seulement aux fonctionnaires du CESE et des autres institutions de l’Union, mais également à des candidats n’ayant pas la qualité de fonctionnaire de l’Union.

65      Or, il ressort des pièces du dossier que le nouvel avis de vacance, signé par le président « [p]our le [b]ureau », comportait des différences substantielles avec le premier avis de vacance en ce qui concerne les qualifications exigées.

66      En effet, alors que, dans le premier avis de vacance, il était seulement indiqué, s’agissant du niveau de diplôme, qu’« [u]ne formation universitaire dans les domaines du droit ou des sciences politiques serait un atout », le nouvel avis de vacance imposait aux candidats potentiels de posséder un « [n]iveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme – acquis de préférence dans les domaines du droit ou des sciences politiques – lorsque la durée normale desdites études est de quatre années ou plus » ou un « niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires sanctionné par un diplôme et une expérience professionnelle appropriée d’une année au moins lorsque la durée normale desdites études est de trois années au moins ».

67      Par ailleurs, tandis que, dans le premier avis de vacance, seule était requise une « [g]rande expérience dans la direction d’une ou plusieurs entités administratives importantes », le nouvel avis de vacance exigeait une « [e]xpérience professionnelle postuniversitaire d’au moins quinze ans au niveau correspondant aux qualifications précitées dont au moins cinq ans doivent avoir été acquis à un poste d’encadrement ».

68      Certes, le CESE disposait de la faculté d’adopter et de publier un avis de vacance substantiellement différent du premier avis de vacance. Mais, dans ce cas, le nouvel avis aurait dû procéder d’une nouvelle décision du bureau, en application de l’article 72, paragraphe 1, deuxième tiret, du règlement intérieur.

69      Enfin, il n’est pas établi ni même allégué que le président, signataire du nouvel avis de vacance, aurait reçu délégation du bureau pour adopter les avis de vacance visant au recrutement des fonctionnaires des grades AD 16, AD 15 et AD 14.

70      Dans ces conditions, en signant le nouvel avis de vacance sans qu’une nouvelle décision du bureau n’ait préalablement été adoptée à cette fin, le président a excédé sa compétence.

71      Par suite, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, en particulier celui tiré de ce que les conditions requises pour participer à la procédure de sélection ouverte par la publication du nouvel avis de vacance auraient été intentionnellement rédigées afin d’exclure la candidature du requérant, il y a lieu d’annuler le nouvel avis de vacance.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de toutes les décisions prises sur la base du nouvel avis de vacance

72      Il résulte de l’article 90, paragraphe 2, du statut qu’un recours n’est recevable que si l’autorité investie du pouvoir de nomination a été saisie d’une réclamation et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

73      En l’espèce, à supposer que, par les conclusions tendant à l’annulation de toutes les décisions prises sur la base du nouvel avis de vacance, le requérant entendrait contester la décision de nomination de Mme E. au poste de directeur de la DAG, il importe de relever que le requérant n’a introduit aucune réclamation à l’encontre de cette décision.

74      En tout état de cause, s’il est vrai que le CESE a été saisi d’une réclamation par une note du 4 décembre 2009, cette réclamation, dirigée contre le nouvel avis de vacance, a précédé l’adoption de la décision de nomination de Mme E. au poste de directeur de la DAG.

75      Par suite, les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

77      Il résulte des motifs du présent arrêt que le CESE est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce que le CESE soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le CESE doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de vacance no 43/09 publié en vue de pourvoir le poste de directeur de la direction des affaires générales du Comité économique et social européen est annulé.

2)      Le surplus du recours est rejeté.

3)      Le Comité économique et social européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par M. Bermejo Garde.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 septembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.