Language of document : ECLI:EU:C:2019:221

ORDONNANCE DE LA COUR (quatrième chambre)

19 mars 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ‐ Article 50 TUE – Décision du Conseil de l’Union européenne autorisant l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni en vue de la conclusion d’un accord fixant les modalités de retrait – Perte de la citoyenneté de l’Union – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Affectation directe »

Dans l’affaire C‑755/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 novembre 2018,

Harry Shindler, demeurant à Porto d’Ascoli (Italie),

Christopher David Randolph, demeurant à Ballinlassa Belcarra Castlebar (Irlande),

Douglas Edward Watson, demeurant à Beaumont-du-Perigord (France),

Michael Charles Strawson, demeurant à Serralongue (France),

Malcolm John Carmichael Evans, demeurant à La Haye (Pays-Bas),

Teresa Mary Pöller, demeurant à Prutting (Allemagne),

Nicholas Peter March, demeurant à Saint-Ferme (France),

Jennifer Ann Cording, demeurant à Valdagno (Italie),

Hilary Elizabeth Walker, demeurant à Cadix (Espagne),

Charles Pearson Braagaard, demeurant à Copenhague (Danemark),

Victoria Anne Lemarchand, demeurant à Neuilly-sur-Seine (France),

Nicola James, demeurant à Enkhuizen (Pays-Bas),

Anna Rosemary Carruthers, demeurant à Castiglione Torinese (Italie),

représentés par Me J. Fouchet, avocat,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. D. Šváby, S. Rodin et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, les requérants demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2018, Shindler e.a./Conseil (T‑458/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:838), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision (UE, Euratom) du Conseil, du 22 mai 2017, autorisant l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue de la conclusion d’un accord fixant les modalités du retrait de celui-ci de l’Union européenne (document XT 21016/17), y compris l’annexe de cette décision fixant les directives de négociation dudit accord (document XT 21016/17 ADD 1 REV 2) (ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 8 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3        Le 23 juin 2016, les citoyens du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord se sont prononcés par référendum en faveur du retrait de leur pays de l’Union européenne.

4        Le 29 mars 2017, le Premier ministre du Royaume-Uni, sur la base de l’autorisation du Parlement du Royaume-Uni, qui a adopté, le 13 mars 2017, le European Union (Notification of Withdrawal) Act 2017 [loi de 2017 sur l’Union européenne (Notification de retrait)], a notifié au Conseil européen l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE. Par une déclaration du même jour, le Conseil européen a indiqué avoir reçu l’acte de notification d’intention de retrait.

5        Le 22 mai 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision litigieuse, sur le fondement des dispositions combinées de l’article 50 TUE et de l’article 218, paragraphe 3, TFUE, et sur recommandation de la Commission européenne du 3 mai 2017.

6        L’article 1er de cette décision désigne la Commission en tant que négociateur de l’Union et l’article 2 de celle-ci précise que les négociations seront menées à la lumière des orientations adoptées par le Conseil européen le 29 avril 2017 et conformément aux directives de négociation figurant en annexe de ladite décision.

7        L’annexe de la décision litigieuse contient des directives de négociation, destinées à la première étape des négociations, en ce qui concerne notamment les droits des citoyens, un règlement financier unique, la situation des marchandises mises sur le marché et le résultat des procédures fondées sur le droit de l’Union, les autres questions administratives liées au fonctionnement de l’Union ainsi que la gouvernance de l’accord fixant les modalités de retrait.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2017, les requérants ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2017, le Conseil de l’Union européenne a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

10      Conformément à l’article 130, paragraphe 6, de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure limitée à l’examen de la recevabilité du recours et a entendu les parties en leurs plaidoiries ainsi qu’en leurs réponses aux questions orales posées par cette juridiction lors de l’audience du 5 juillet 2018.

11      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable. Ainsi qu’il ressort du point 78 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que la décision litigieuse ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique et, partant, ne peut faire l’objet d’un recours en annulation. Le Tribunal a ajouté que les requérants ne sont pas directement concernés par cette décision et que, dès lors, ils n’ont pas qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Les conclusions des requérants devant la Cour

12      Les requérants demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et, par voie de conséquence, de faire droit aux conclusions qu’ils ont présentées devant le Tribunal, tendant à l’annulation de la décision litigieuse et à la condamnation du Conseil aux dépens, y compris les frais d’avocat à la hauteur de 5 000 euros.

13      Par acte séparé, déposé le même jour que le pourvoi, les requérants ont demandé que la présente affaire soit soumise à une procédure accélérée, sur le fondement de l’article 133, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable aux pourvois en vertu de l’article 190, paragraphe 1, du même règlement.

 Sur le pourvoi

14      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.

15      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

16      À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent trois moyens tirés, le premier, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a qualifié la décision litigieuse d’ « acte préparatoire », le deuxième, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a, à tort, opéré une distinction entre les institutions et les particuliers quant aux effets de droit de la décision litigieuse et, le troisième, d’une erreur de droit en ce que le Tribunal n’a pas reconnu que la situation des requérants était directement affectée par la décision litigieuse.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des requérants

17      Les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant la décision litigieuse d’« acte préparatoire ». Selon eux, cette décision a valeur d’acte réglementaire normatif, dans l’hypothèse du retrait du Royaume-Uni de l’Union sans la conclusion d’un accord, au sens de l’article 50, paragraphe 2, TUE, fixant les modalités d’un tel retrait.

18      En outre, les requérants relèvent que le Conseil n’a aucunement protégé les droits des citoyens du Royaume-Uni dans l’hypothèse d’un retrait sans la conclusion d’un tel accord. Ils considèrent, dès lors, que la décision litigieuse constitue le seul acte attaquable susceptible d’obvier à la perte de leur citoyenneté de l’Union et aux conséquences qui en découleraient. Selon eux, la décision litigieuse est une décision implicite de réception de la notification, au sens de l’article 50, paragraphe 2, TUE, de l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’Union.

19      En effet, aucun autre acte de l’Union n’aurait pour effet d’accuser réception et de contrôler cette notification. À cet égard, les requérants font valoir que, si l’Union refusait l’ouverture des négociations en vue de la conclusion de l’accord de retrait, cela équivaudrait à un refus de réceptionner la notification en question. Or, selon eux, un tel refus s’impose dans une situation où, comme en l’espèce, les droits fondamentaux dont bénéficiaient des citoyens de l’Union ont été méconnus pour parvenir à la décision du Royaume-Uni de procéder à la notification prévue à l’article 50, paragraphe 2, TUE.

20      Par ailleurs, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir jugé, au point 46 de l’arrêt attaqué, que l’annulation de la décision litigieuse serait sans incidence sur leur situation juridique de citoyens du Royaume-Uni. En effet, il ne ressortirait ni de la décision litigieuse ni des directives de négociation qui lui sont annexées que le Conseil aurait eu pour objectif de veiller à ce que, à défaut d’accord, les droits acquis des citoyens du Royaume-Uni seraient préservés. Or, l’article 50 TUE ne préciserait pas que la suppression de la citoyenneté de l’Union acquise soit possible pour les citoyens d’un État membre qui se retire de l’Union.

21      Il s’ensuit, selon les requérants, que le seul fait que, par la décision litigieuse, le Conseil ait ainsi limité le cadre des négociations tendant à une telle perte suffit à caractériser les effets de droit produits par cette décision. Ils estiment, à cet égard, que le Conseil aurait dû exercer son droit, reconnu par le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, de refuser l’ouverture des négociations en vue de la conclusion de l’accord de retrait. À tout le moins, il aurait dû solliciter l’avis de la Cour, en application de l’article 218, paragraphe 11, TFUE.

 Appréciation de la Cour

22      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, comme la Cour l’a jugé à maintes reprises, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 34 et 35).

23      Or, force est de constater que le premier moyen du pourvoi consiste, dans une grande mesure, en une répétition des arguments, déjà avancés par les requérants devant le Tribunal, selon lesquels, d’une part, la décision litigieuse comporterait une acceptation implicite de la notification, par le Royaume-Uni, de son intention de se retirer de l’Union et, d’autre part, les directives de négociation annexées à la décision litigieuse ne prévoiraient pas, comme objectif, la préservation, pour les citoyens du Royaume-Uni, de leur qualité de citoyens de l’Union, dans l’hypothèse d’un retrait de cet État membre de l’Union qui ne serait pas assorti d’un accord qui en fixerait les modalités.

24      Dans la mesure où les requérants se limitent, par cette argumentation, à répéter leur argumentation avancée devant le Tribunal, sans identifier l’erreur de droit prétendument commise par celui-ci dans l’arrêt attaqué, le premier moyen doit être écarté comme étant manifestement irrecevable.

25      Dès lors que les requérants reprochent au Tribunal une erreur de droit, en ce qu’il a, selon eux, qualifié la décision litigieuse d’« acte préparatoire », il y a lieu de constater que cet argument procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué.

26      Certes, au point 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, « [e]n ce qui concerne les droits des citoyens du Royaume-Uni dans l’Union à 27 [États membres] à compter de la date de retrait [du Royaume-Uni de l’Union], la décision [litigieuse] constitue seulement un acte préparatoire de l’accord final ». Ce point doit être lu en combinaison avec le point 41 de cet arrêt, duquel il ressort que, selon le Tribunal, la décision litigieuse ne produit pas directement des effets sur la situation juridique des requérants, citoyens du Royaume-Uni.

27      En revanche, il résulte du point 40 de cet arrêt que le Tribunal a reconnu que cette décision produit des effets de droit qui, néanmoins, concernent non pas les particuliers, mais les relations entre l’Union et ses États membres, ainsi qu’entre les institutions de l’Union, en particulier à l’égard de la Commission, autorisée par ladite décision à ouvrir les négociations en vue d’un accord avec le Royaume-Uni.

28      Il y a lieu de considérer que, ce faisant, le Tribunal n’a nullement nié que la décision litigieuse est susceptible de produire des effets de droit, mais s’est contenté de déterminer si, conformément à la jurisprudence de la Cour citée au point 30 de l’arrêt attaqué, cette décision produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants, ce qui, selon cette même jurisprudence, permettrait de reconnaître à ces derniers la qualité pour agir contre cette décision.

29      Par ailleurs, contrairement aux allégations des requérants, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 46 de l’arrêt attaqué, que l’éventuelle annulation de la décision litigieuse serait sans incidence sur leur situation juridique et que, dans une telle hypothèse, leurs droits demeureraient inchangés.

30      En effet, ainsi que la Cour l’a jugé au point 50 de son arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999), il découle de l’article 50, paragraphe 1, TUE que tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. L’État membre concerné n’est pas tenu de prendre sa décision en concertation avec les autres États membres non plus qu’avec les institutions de l’Union. La décision de retrait relève de la seule volonté de cet État membre, dans le respect de ses règles constitutionnelles, et dépend donc de son seul choix souverain.

31      Il en ressort que l’annulation d’une décision qui, telle la décision litigieuse, autorise l’ouverture de négociations en vue de la conclusion, avec un État membre qui a notifié, conformément à l’article 50, paragraphe 2, TUE, son intention de se retirer de l’Union, d’un accord fixant les modalités de ce retrait aurait pour conséquence, tout au plus, d’empêcher la conclusion d’un tel accord et non pas d’empêcher ledit retrait, en tant que tel. En effet, il résulte de l’article 50, paragraphe 3, TUE, que l’absence de conclusion d’un accord fixant les modalités du retrait ne fait pas obstacle au retrait lui-même.

32      Quant à l’argument des requérants tiré de ce que le Conseil aurait omis de prendre, dans la décision litigieuse, des dispositions de nature à assurer la préservation des droits acquis des citoyens du Royaume-Uni dans l’hypothèse où aucun accord fixant les modalités de retrait du Royaume-Uni de l’Union ne serait conclu, il suffit de relever, à l’instar du Tribunal au point 65 de l’arrêt attaqué, que cette décision est relative aux négociations en vue de la conclusion d’un tel accord. Elle n’avait, dès lors, pas pour objet de déterminer les droits des citoyens du Royaume-Uni au cas où un tel accord ferait, en définitive, défaut.

33      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des requérants

34      Les requérants font valoir que nier le caractère normatif de la décision litigieuse conduit à une « rupture d’égalité entre les institutions [de l’Union] et les particuliers dans la reconnaissance des effets de droit ». Au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait reconnu que la décision litigieuse produit des effets de droit et peut être contestée par les institutions de l’Union. En revanche, il aurait décidé que les particuliers n’étaient pas recevables à en faire de même. Le Tribunal aurait ainsi créé une discrimination entre ces institutions et les particuliers, laquelle méconnaîtrait le principe de démocratie, qu’il aurait lui-même reconnu, à l’égard des initiatives citoyennes européennes, au point 39 de son arrêt du 10 mai 2017, Efler e.a./Commission (T‑754/14, EU:T:2017:323).

35      Or, selon les requérants, l’application du principe de démocratie ne saurait être restreinte au seul cas de l’initiative citoyenne européenne, mais doit également permettre aux particuliers de contester et d’anticiper la perte automatique de leur citoyenneté de l’Union « dans des conditions illégales de privation [de leur droit] de vote ». À cet égard, les requérants font allusion au fait que, résidant en dehors du Royaume-Uni pendant plus de quinze ans, ils ont été privés du droit de voter tant à l’occasion du référendum mentionné au point 3 de la présente ordonnance que lors des dernières élections législatives au Royaume-Uni. Selon eux, l’article 50 TUE ne peut être compris comme une dérogation au principe de démocratie, en ce sens que « rien ne justifie [...] d’exclure du débat démocratique les recours en annulation visant au retrait d’une décision autorisant l’ouverture de négociations en vue de la conclusion d’un accord international.»

 Appréciation de la Cour

36      Afin de répondre au deuxième moyen des requérants, il convient de rappeler, en premier lieu, que relèvent de la notion d’« actes attaquables », au sens de l’article 263 TFUE, toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir, notamment, arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 42, ainsi que du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 36 et jurisprudence citée). Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée par le Tribunal aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, lorsque le recours en annulation est introduit par une personne physique ou morale, celui-ci n’est recevable  que si les effets juridiques obligatoires de l’acte attaqué sont de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, points 37 et 38).

37      Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu opérer une distinction, quant à l’appréciation des effets juridiques produits par la décision litigieuse, entre les requérants et les institutions de l’Union aux fins d’apprécier la recevabilité du recours en annulation introduit contre cette décision.

38      En second lieu, il importe de rappeler que les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour la reconnaissance, à une personne physique ou morale, de la qualité pour agir contre un acte d’une institution de l’Union, dont celle tenant à l’affectation directe d’une telle personne par l’acte visé par son recours, sont différentes de celles prévues au premier alinéa du même article à l’égard des institutions et des États membres de l’Union.

39      Dans la mesure où le Tribunal a considéré, dans l’arrêt attaqué, que la condition tenant à l’affectation directe des requérants par la décision litigieuse n’était pas remplie, c’est sans commettre d’erreur de droit qu’il a rejeté leur recours contre cette décision comme irrecevable. Il est sans pertinence, à cet égard, qu’une institution de l’Union ou un État membre serait éventuellement recevable à contester la même décision. Les conditions de recevabilité d’un recours formé par ces derniers, prévues à l’article 263, deuxième et troisième alinéas, TFUE, étant différentes, aucun parallèle ne saurait être établi entre leur éventuelle qualité pour agir et celle des requérants. 

40      Les requérants invoquent également un argument tiré de la violation du principe de démocratie, qui figure notamment dans le préambule du traité UE, à l’article 2 TUE ainsi que dans le préambule de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

41      Cet argument a déjà été avancé devant le Tribunal et a été écarté pour le motif exposé au point 70 de l’arrêt attaqué. Dans la mesure où les requérants n’expliquent aucunement quelle est l’erreur de droit dont serait entaché ce point de l’arrêt attaqué, cet argument doit être écarté comme étant manifestement irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 22 de la présente ordonnance.

42      Quant à la référence au même principe dans l’arrêt du 10 mai 2017, Efler e.a./Commission (T‑754/14, EU:T:2017:323), invoqué par les requérants, il suffit de relever que cet arrêt concerne la légalité du refus opposé par la Commission à une demande d’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne européenne, au sens de l’article 11, paragraphe 4, TUE. Or, le fait que les parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt disposaient de la qualité pour agir contre ce refus ne faisait pas de doute. Cet arrêt est, dès lors, dépourvu de pertinence pour ce qui concerne l’appréciation, dans la présente affaire, de la qualité pour agir et, en particulier, de l’affectation directe, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. 

43      Il découle de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des requérants

44      Les requérants relèvent que le Tribunal a constaté, au point 47 de l’arrêt attaqué, que leur situation juridique était « susceptible d’être affectée » par la décision litigieuse. Or, en réalité, cette décision aurait d’ores et déjà affecté de manière directe leur situation. Ils font valoir que, compte tenu de la perte de leur droit de vote au Royaume-Uni, ils sont aisément identifiables. Ils seraient directement affectés par les annexes de la décision litigieuse, lesquelles ne fixeraient aucun objectif de préservation de leur citoyenneté de l’Union en cas de retrait du Royaume-Uni de l’Union sans accord.

45      À l’appui de leur moyen, les requérants soutiennent, premièrement, qu’ils sont directement affectés du fait de la perte de leur droit de vote aux élections municipales dans l’État membre de leur résidence ainsi qu’aux élections du Parlement européen, deuxièmement, que la Commission a informé l’un d’entre eux que le droit de présenter sa candidature aux élections du Parlement européen qui se tiendront au mois de mai 2019 relevait de la compétence des autorités nationales, troisièmement, que la Confédération suisse restreint déjà la délivrance de permis de travail aux seuls citoyens des États membres autres que le Royaume-Uni, quatrièmement, que l’article 127 du projet d’accord de retrait confirme l’inapplicabilité, aux citoyens du Royaume-Uni après le retrait de cet État membre de l’Union, de l’article 24 TFUE et l’impossibilité qui en résulterait de participer à une initiative citoyenne européenne et, enfin, cinquièmement, que certains d’entre eux subissent un préjudice moral en raison de la privation de leur droit de vote ainsi que de l’incertitude concernant l’éventuelle perte de la citoyenneté de l’Union et de la totalité, ou d’une partie, des droits qui en découlent.

 Appréciation de la Cour

46      Dans la mesure où les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au point 47 de l’arrêt attaqué, il convient de constater qu’ils font une lecture incomplète et, partant, erronée de ce point de l’arrêt attaqué.

47      Le Tribunal y a affirmé que, « [s]’il est vrai que la situation juridique des requérants, notamment en ce qui concerne leur qualité de citoyens de l’Union, est susceptible d’être affectée lors du retrait du Royaume-Uni de l’Union, qu’un accord de retrait puisse ou non être conclu, cette affectation éventuelle de leurs droits, dont il n’est au demeurant possible d’évaluer, à ce jour, ni la consistance ni l’étendue, ne résulte pas de la décision [litigieuse] ».

48      Ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 30 et 31 de la présente ordonnance, cette conclusion du Tribunal n’est entachée d’aucune erreur de droit. Elle ne saurait être remise en cause par les arguments des requérants, qui se limitent à énumérer les conséquences préjudiciables pour eux de l’éventuelle perte de leur statut de citoyens de l’Union et demeurent en défaut d’expliquer, d’une part, pourquoi ces conséquences découleraient directement de la décision litigieuse et, d’autre part, en quoi la considération du Tribunal, rappelée au point précédent, serait entachée d’une erreur de droit.

49      Dans ces conditions, cette partie de l’argumentation des requérants est manifestement irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 22 de la présente ordonnance.

50      Quant à l’argument des requérants, selon lequel ils seraient « aisément identifiables », il est dépourvu de pertinence et, partant, manifestement inopérant, dans la mesure où il tend, tout au plus, à démontrer leur affectation individuelle par la décision litigieuse.

51      Or, cette dernière question n’a pas été abordée dans l’arrêt attaqué par le Tribunal, l’absence d’affectation directe des requérants par la décision litigieuse étant déjà suffisante pour justifier le rejet du recours comme irrecevable.

52      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement inopérant.

53      L’ensemble des moyens avancés par les requérants à l’appui du présent pourvoi devant être écarté, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

54      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de procédure accélérée des requérants.

 Sur les dépens

55      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejetécomme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

2)      MM. Harry Shindler, Christopher David Randolph, Douglas Edward Watson, Michael Charles Strawson et Malcolm John Carmichael Evans, Mme Teresa Mary Pöller, M. Nicholas Peter March, Mmes Jennifer Ann Cording et Hilary Elizabeth Walker, M. Charles Pearson Braagaard, Mme Victoria Anne Lemarchand, M. Nicola James et Mme Anna Rosemary Carruthers supportent leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 19 mars 2019.

Le greffier

Le président de la IVème chambre

A. Calot Escobar

 

M. Vilaras


*      Langue de procédure : le français.