Language of document : ECLI:EU:C:2019:651

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 29 juillet 2019 (1)

Affaire C435/18

Otis GmbH e.a.

contre

Land Oberösterreich e.a.

[demande de décision préjudicielle
formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Droit des ententes – Mise en œuvre du droit de la concurrence à l’initiative de la sphère privée – Recours en indemnité formé par un prêteur étatique – Prêts bonifiés pour la subvention de la construction de logements – Entente dans le secteur des ascenseurs – Augmentation des coûts de construction induite par l’entente – Demande en réparation du préjudice subi sous la forme d’une perte d’intérêts »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

III. Les faits et la procédure au principal

A. L’entente dans le secteur des ascenseurs

B. La demande en dommages et intérêts du Land de Haute-Autriche

IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

V. Analyse

A. Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

1. Sur la compétence de la Cour pour se prononcer sur la question préjudicielle pour la période antérieure à l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union

2. Sur le caractère décisif de la question préjudicielle

B. Appréciation de la question préjudicielle sur le fond

1. Le droit des prêteurs étatiques à obtenir réparation des dommages causés par une entente : un problème de droit de l’Union

a) La ligne de séparation entre le droit de l’Union et le droit des États membres en matière de réparation du préjudice causé par une entente

b) Le « lien de causalité » – entre détermination par le droit de l’Union du droit à demander réparation et mise en œuvre de celuici par les États membres

2. Sur le droit à réparation des prêteurs étatiques pour les préjudices causés par une entente

a) Sur l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE

1) L’incompatibilité d’une restriction catégorique du droit à réparation avec l’article 101 TFUE

2) Les caractéristiques propres au Land de Haute-Autriche en tant que prêteur étatique

3) Les dispositions de la directive 2014/104

4) Conclusion intermédiaire

b) Le caractère effectif et réparable du préjudice subi par le Land de Haute-Autriche

1) Le caractère réparable de la perte d’intérêts invoquée par le Land de Haute-Autriche dans la procédure au principal

2) Le préjudice causé à la collectivité par la mise en œuvre insuffisante de l’aide à la construction de logements résultant de l’entente

3) Conclusion intermédiaire

c) Le lien de causalité suffisamment direct entre infraction et préjudice

1) Le lien de causalité concret entre le prix des ascenseurs et le montant des prêts

2) La prévisibilité du préjudice du Land de Haute-Autriche pour les membres de l’entente dans le secteur des ascenseurs

3) Conclusion intermédiaire

VI. Conclusion


I.      Introduction

1.        Le droit de l’Union exige-t-il que, lorsqu’un prêteur étatique a subi un préjudice en octroyant des prêts incitatifs bonifiés dans une plus large mesure qu’il ne l’aurait fait en l’absence d’accord anticoncurrentiel, ce prêteur puisse réclamer des dommages et intérêts aux entreprises qui ont participé à cet accord ?

2.        Par cette question, la présente procédure préjudicielle donne à la Cour l’occasion de préciser davantage les exigences que le droit de l’Union impose à la possibilité de mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union à l’initiative de la sphère privée. Cette question se pose dans le contexte de l’entente dans le secteur des ascenseurs, qui occupe la Cour une nouvelle fois (2).

3.        Le Land Oberösterreich (Land de Haute-Autriche) a été affecté par cette entente en ce qu’il a accordé à des clients des participants à l’entente des prêts à taux avantageux (prêts dits « incitatifs ») pour la réalisation de projets de construction de logements sociaux. En conséquence du renchérissement, causé par l’accord collusoire, des ascenseurs installés dans les bâtiments résidentiels subventionnés, le montant des prêts a été considérablement plus élevé que si les prix avaient été fixés dans le cadre d’une concurrence libre. Dans la procédure au principal, le Land de Haute-Autriche demande des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a subi de ce fait.

4.        Les instances qui se sont prononcées dans l’affaire au principal divergent sur le point de savoir si, pour les préjudices indirects de ce type, le droit autrichien donne la possibilité d’accorder des dommages et intérêts. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), qui est la juridiction de renvoi, considère que tel n’est pas le cas, car des personnes qui n’ont agi sur le marché en cause ni en tant que fournisseur ni en tant qu’acheteur ne seraient pas couvertes par l’objectif de protection que poursuit l’interdiction des ententes.

5.        Il appartient à la Cour d’apprécier si cette définition restrictive de la catégorie des bénéficiaires de dommages et intérêts est compatible avec les principes du droit de la concurrence de l’Union. Avant cela, il conviendra toutefois de préciser si la question du droit du Land de Haute-Autriche d’obtenir des dommages et intérêts doit être résolue en ayant recours au droit autrichien, combiné aux principes d’équivalence et d’effectivité, ou directement sur le fondement du droit de l’Union.

II.    Le cadre juridique

6.        La question de la juridiction de renvoi porte sur l’interprétation des articles 85 du traité CEE, 81 CE et 101 TFUE. Étant donné que le contenu de ces dispositions est en grande partie le même, il ne sera fait référence dans les présentes conclusions qu’à l’article 101 TFUE, qui constitue la disposition actuellement applicable (3).

7.        Les faits litigieux sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive 2014/104/UE (4) relative aux actions en dommages et intérêts en matière d’ententes, et le Land de Haute-Autriche a introduit son recours en première instance également avant l’entrée en vigueur de cette directive (5). Par conséquent, ladite directive n’est pas applicable ratione temporis dans la présente procédure, sans qu’il soit nécessaire de préciser si les dispositions du droit autrichien qui sont susceptibles d’être affectées sont de nature matérielle ou procédurale. En effet, en vertu de l’article 22 de la même directive, les dispositions matérielles adoptées en vue de sa transposition sont soumises à une interdiction générale d’effet rétroactif, tandis que toutes les autres normes nationales de transposition – c’est-à-dire en particulier les normes procédurales – doivent certes être appliquées aux faits survenus avant l’entrée en vigueur de la directive, mais cela uniquement dans le cadre de recours qui ont pour leur part été introduits après l’entrée en vigueur de la directive (6).

8.        Par conséquent, ainsi que le gouvernement italien le fait valoir à juste titre, la directive 2014/104 ne peut être invoquée dans le cadre de la présente procédure que, le cas échéant, dans la mesure où elle reflète les principes développés par la jurisprudence en matière de réparation du préjudice causé par une entente (7).

III. Les faits et la procédure au principal

A.      L’entente dans le secteur des ascenseurs

9.        L’entente dite des fabricants d’ascenseurs a sévi il y a un certain nombre d’années dans plusieurs États membres, où d’importants fabricants d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques de l’Union européenne, à savoir Kone AG, Otis GmbH, Schindler GmbH et Thyssenkrupp GmbH, ont passé des accords contraires aux règles de la concurrence. La Commission européenne a découvert cette entente en 2003 et a infligé des amendes en 2007 aux auteurs des agissements sur les marchés belge, allemand, luxembourgeois et néerlandais (8).

10.      La Bundeswettbewerbsbehörde (Autorité fédérale de la concurrence, Autriche) et le Kartellgericht (tribunal de la concurrence, Autriche) ont agi à l’encontre de l’entente des fabricants d’ascenseurs. Les amendes (9) infligées en 2007 par le Kartellgericht (tribunal de la concurrence) ont été confirmées en 2008 par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) en sa qualité de juridiction d’appel en matière d’ententes (10). Thyssenkrupp a bénéficié de la clémence pour ses dénonciations.

11.      D’après les faits établis dans la procédure d’entente autrichienne, les parties à l’entente ont été liées, depuis les années 80 jusqu’au début de l’année 2004, par un accord régulièrement reconduit portant sur la répartition du marché des ascenseurs et des escaliers mécaniques ; cet accord a été mis en œuvre à grande échelle, même s’il ne l’a pas été systématiquement. Il a été mis un terme à la coordination au plus tôt à la fin de l’année 2005. L’entente visait à garantir à chaque entreprise favorisée un prix plus élevé que celui qu’elle aurait pu obtenir dans des conditions de concurrence. L’entente, qui contrôlait au moins un tiers du volume du marché, a faussé la concurrence et l’évolution des prix qui pouvait être escomptée dans des conditions concurrentielles (11).

B.      La demande en dommages et intérêts du Land de Haute-Autriche

12.      Au cours de la période concernée par l’entente dans le secteur des ascenseurs, le Land de Haute-Autriche a accordé diverses subventions pour la réalisation de projets de construction, sur la base de dispositions légales incitatives en matière de construction de logements qui étaient destinées à soutenir la construction de logements sociaux. Il s’agissait, premièrement, de subventions directes, par lesquelles le bénéficiaire reçoit une partie des coûts de construction sous la forme d’une subvention qu’il n’a pas à rembourser, deuxièmement, de bonifications d’annuités, par lesquelles le Land de Haute-Autriche rembourse au bénéficiaire une partie de ses échéances de prêt et, troisièmement, de prêts incitatifs, c’est-à-dire de prêts accordés à des conditions préférentielles, qui donnent aux bénéficiaires la possibilité de disposer d’un financement externe à des taux d’intérêt plus favorables que ceux en vigueur sur le marché (12).

13.      Ces subventions représentaient chacune un certain pourcentage de l’ensemble des coûts de construction. Ces coûts de construction ayant été, en raison du renchérissement des ascenseurs, plus élevés qu’ils ne l’auraient été en l’absence d’entente dans le secteur des ascenseurs, le Land de Haute-Autriche (13) demande désormais réparation aux fabricants d’ascenseurs participant à cette entente, Otis, Schindler, Kone et Thyssenkrupp.

14.      La présente demande de décision préjudicielle ne concerne que les demandes du Land de Haute-Autriche fondées sur les prêts incitatifs qui, en raison de l’entente, ont été accordés dans une trop large mesure.

15.      Le Land de Haute-Autriche demande la réparation d’un préjudice qui correspond à une perte d’intérêts calculée comme suit : compte tenu du renchérissement, induit par l’entente, des ascenseurs installés dans les biens immobiliers subventionnés, les prêts incitatifs à taux d’intérêt avantageux étaient d’un montant plus important qu’ils ne l’auraient été en l’absence d’entente. Si la différence entre le montant que le Land de Haute-Autriche a versé aux bénéficiaires de l’incitation et le montant inférieur qu’il aurait versé à ces bénéficiaires sans les coûts supplémentaires causés par l’entente avait été investie au taux d’intérêt moyen des obligations fédérales, le Land de Haute-Autriche aurait acquis un montant d’intérêts beaucoup plus élevé que celui qu’il a perçu au titre des intérêts bonifiés remboursés par lesdits bénéficiaires. Le préjudice dont il demande réparation dans la procédure au principal correspond donc à la différence entre le produit des intérêts qui aurait été obtenu si le montant de l’incitation distribué trop largement en raison de l’entente avait été placé au taux moyen des obligations fédérales et le produit des intérêts remboursé par les bénéficiaires de l’incitation.

16.      La juridiction saisie en première instance a rejeté le recours introduit par le Land de Haute-Autriche au motif que celui‑ci, en tant qu’organisme de promotion, ne serait pas un acteur du marché dans le secteur des ascenseurs et des escaliers mécaniques. Le Land de Haute-Autriche ne ferait donc valoir qu’un préjudice indirect, lequel, à ce titre, ne serait pas susceptible de donner lieu à réparation (14).

17.      La juridiction saisie en appel a annulé la décision de première instance (15). En effet, selon elle, l’interdiction des accords sur les prix protège également les intérêts financiers de ceux qui, en raison de ces accords, encourent des charges financières supplémentaires. En outre, le Land de Haute-Autriche, en accordant des subventions, contribuerait à la réalisation de projets de construction et garantirait ainsi l’existence même d’une demande pour l’offre des membres de l’entente. Par conséquent, il relèverait aussi de la protection poursuivie par les dispositions d’interdiction du droit des ententes.

18.      Les fabricants d’ascenseurs ont formé un recours contre cette décision devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême). L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) partage l’analyse faite par la juridiction de première instance sur l’application du droit national, selon laquelle la réparation de dommages patrimoniaux présuppose la violation d’une loi de protection, qui protège les membres d’un certain groupe de personnes contre l’atteinte à des biens juridiquement protégés. Or, le Land de Haute-Autriche n’aurait pas subi de préjudice en tant que fournisseur ou acheteur sur le marché qui est affecté par l’accord sur les prix. En droit autrichien, son préjudice ne serait donc plus suffisamment lié à l’objectif de l’interdiction des accords collusoires, c’est‑à‑dire au maintien de la concurrence sur le marché affecté par l’entente.

19.      Toutefois, à la lumière de la jurisprudence de la Cour en matière de réparation du préjudice causé par une entente, en particulier de l’arrêt Kone e.a. (16) et des conclusions que j’ai présentées dans cette affaire (17), l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a des doutes quant à la compatibilité de cette solution avec le droit de l’Union.

IV.    La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

20.      Par ordonnance du 17 mai 2018 (18), l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a saisi la Cour de la question suivante :

« Faut-il interpréter les articles 85 du traité CEE, 81 CE et 101 TFUE en ce sens que, pour préserver la pleine effectivité de ces dispositions et l’effectivité pratique de l’interdiction qui en découle, les membres de l’entente doivent pouvoir aussi être actionnés en responsabilité par des personnes n’opérant pas comme fournisseur ni comme acheteur sur le marché matériellement et géographiquement pertinent concerné par une entente mais accordant des subventions dans un cadre légal sous la forme de prêts bonifiés à des acheteurs de produits offerts sur le marché concerné par l’entente et dont le préjudice consiste en ce que la somme prêtée a été plus élevée, à concurrence d’un pourcentage des coûts du produit, que celle qu’elle aurait été en l’absence d’accord collusoire, dès lors qu’elles n’ont pas pu placer ces montants avec bénéfice ? »

21.      Ont participé à la partie écrite de la procédure préjudicielle, d’une part, le Land de Haute-Autriche et, d’autre part, Otis, Schindler, Kone et Thyssenkrupp, ainsi que la République italienne et la Commission. À l’exception de la République italienne, ces mêmes parties et la République d’Autriche ont participé à l’audience du 16 mai 2019.

V.      Analyse

A.      Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

1.      Sur la compétence de la Cour pour se prononcer sur la question préjudicielle pour la période antérieure à ladhésion de la République dAutriche à l’Union

22.      L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) ne problématise pas le fait qu’une partie des faits litigieux a eu lieu avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union le 1er janvier 1995 (19). En revanche, le Land de Haute-Autriche, dans ses observations écrites, donne un avis circonstancié sur la question de la compétence de la Cour pour interpréter les dispositions nationales qui régissaient l’interdiction des ententes avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union.

23.      Selon le Land de Haute-Autriche, la Cour est compétente pour interpréter ces dispositions nationales, étant donné que ces dernières s’inspiraient des dispositions qui ont précédé l’article 101 TFUE et qu’elles poursuivaient l’objectif d’harmoniser le droit national de la concurrence avec celui des Communautés européennes. Il en irait d’autant plus ainsi pour la période qui a suivi l’entrée en vigueur du traité sur l’Espace économique européen (EEE) le 1er janvier 1994, auquel la République d’Autriche a adhéré et qui a également largement repris le droit de l’Union sur l’interdiction des ententes.

24.      Dans ce contexte, le Land de Haute-Autriche invoque la jurisprudence selon laquelle, même dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situent en dehors du champ d’application directe du droit de l’Union, la Cour est compétente pour interpréter les règles de l’Union lorsque celles‑ci ont été rendues applicables par le droit national à des situations purement internes ou lorsque le législateur national poursuivait l’objectif d’harmoniser le droit national applicable avec celui de l’Union (20).

25.      Toutefois, contrairement à ce que soutient le Land de Haute-Autriche, la Cour, dans ces arrêts, ne s’est pas déclarée compétente pour interpréter des dispositions nationales qui renvoyaient à des dispositions du droit de l’Union ou reproduisaient celles‑ci. En effet, les juridictions des États membres sont seules compétentes pour interpréter des dispositions nationales (21). Ainsi, dans les arrêts mis en avant par le Land de Haute-Autriche, la Cour s’est déclarée uniquement compétente pour interpréter des dispositions du droit de l’Union dans des cas de figure dans lesquels, bien que ces dispositions n’aient pas été directement applicables, le droit national se référait à celles‑ci ou s’orientait sur celles‑ci.

26.      Cependant, cette compétence n’existe que si les faits litigieux, bien que n’étant pas directement régis par le droit de l’Union, ont eu lieu à une date à laquelle l’État membre concerné était déjà membre de l’Union. En effet, la Cour s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur des demandes de décisions préjudicielles dans lesquelles les faits de la procédure au principal étaient antérieurs à l’adhésion d’un État membre à l’Union. Ce n’est en effet qu’à compter de la date de l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union que la Cour est compétente pour interpréter les dispositions du droit de l’Union pour ce qui est de leur application dans cet État membre (22). Il en va de même lorsque les dispositions applicables à la situation en question avant l’adhésion à l’Union de l’État membre concerné s’orientaient déjà sur les dispositions correspondantes du droit de l’Union. En effet, même dans ce cas, c’était aux seules autorités et juridictions nationales qu’il appartenait d’appliquer et d’interpréter les dispositions nationales concernées avant cette adhésion (23).

27.      Étant donné que les règles de fond ne peuvent, en principe, être appliquées rétroactivement, l’interdiction des ententes en droit de l’Union ne peut être appliquée à l’égard d’une entente qui a pris la forme d’une infraction continue qui s’est produite tant antérieurement que postérieurement à la date d’adhésion d’un État à l’Union que dans la mesure où il s’agit de sanctionner les éventuels effets anticoncurrentiels de cette entente pour la période qui suit cette date. En revanche, cette interdiction ne s’applique pas à une entente qui n’a eu ou n’aurait pu avoir d’effets sur le territoire d’un État membre qu’au cours des périodes précédant l’adhésion de cet État membre à l’Union (24).

28.      Comme indiqué plus haut, les agissements de l’entente autrichienne dans le secteur des ascenseurs qui sont en cause dans l’affaire au principal se sont produits tant antérieurement que postérieurement à l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union (25). En ce qui concerne la compétence de la Cour pour se prononcer sur la présente demande de décision préjudicielle, il n’est cependant pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir dans quelle mesure les demandes de dommages et intérêts du Land de Haute-Autriche en cause au principal sont fondées sur les effets de cette entente qui se sont développés antérieurement ou postérieurement à l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union (26).

29.      En effet, étant donné que, en tout état de cause, au moins une partie des faits litigieux ont eu lieu après l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union et donc sous l’empire du droit de l’Union, il n’est pas contesté que, dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, la Cour est compétente pour se prononcer sur la question de la juridiction de renvoi portant sur l’interprétation de l’article 101 TFUE et des dispositions qui l’ont précédé.

30.      Si, dans le cadre de cette interprétation, la Cour devait conclure que l’article 101 TFUE et les dispositions qui l’ont précédé exigent que le Land de Haute-Autriche puisse obtenir réparation de la part des participants à l’entente dans le secteur des ascenseurs, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendrait de décider si les dispositions nationales en vigueur avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour et, partant, en ce sens que, sur leur fondement, le Land de Haute-Autriche pourrait aussi obtenir réparation du préjudice subi au cours de la période antérieure à l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union.

2.      Sur le caractère décisif de la question préjudicielle

31.      Les fabricants d’ascenseurs et la Commission ont, dans leurs mémoires, douté de ce qu’une perte d’intérêts telle que celle invoquée par le Land de Haute‑Autriche soit susceptible de donner lieu à réparation. En réponse à une question écrite de la Cour demandant si le Land de Haute-Autriche ne pouvait pas également invoquer le préjudice qu’il a subi en raison du fait que, afin de satisfaire à ses obligations légales, il a dû emprunter davantage sur le marché financier que s’il n’y avait pas eu d’entente, plusieurs parties à la procédure ont, lors de l’audience, fait valoir qu’une telle justification du préjudice subi n’avait pas été présentée en temps utile dans la procédure au principal et ne pouvait plus être présentée au présent stade de la procédure.

32.      Par conséquent, dans l’affaire au principal, il n’existerait même pas de préjudice dont il conviendrait de déterminer s’il est susceptible de donner lieu à réparation. La question préjudicielle posée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) serait donc dépourvue de pertinence pour le litige au principal et, partant, hypothétique, de sorte que la demande de décision préjudicielle devrait être rejetée comme irrecevable.

33.      Cette argumentation n’est pas susceptible de prospérer. En effet, elle méconnaît la ligne qui sépare la recevabilité de l’appréciation au fond de la présente demande de décision préjudicielle.

34.      Ainsi, dans sa demande de décision préjudicielle, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), dont la question est, conformément à la jurisprudence, présumée décisive pour la solution du litige (27), n’exprime aucun doute ni quant à l’existence d’un préjudice au détriment du Land de Haute-Autriche ni quant à l’imputabilité de ce préjudice à l’entente dans le secteur des ascenseurs. Au contraire, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) s’interroge sur le point de savoir si ce dommage est suffisamment lié à l’objectif de l’interdiction des ententes et est donc, sur ce fondement, susceptible de donner lieu à réparation.

35.      Cette question joue un rôle lorsqu’il s’agit d’apprécier si les conditions de responsabilité des parties à l’entente dans le secteur des ascenseurs sont réunies, à l’instar de la question soulevée par les fabricants d’ascenseurs et par la Commission quant à savoir si le préjudice subi par le Land de Haute-Autriche du fait de cette entente constitue un préjudice réel qui est susceptible de donner lieu à réparation. C’est pourquoi ces questions doivent être examinées dans le cadre de l’examen au fond de la question préjudicielle, et non pas dans le cadre de l’examen du caractère décisif de la décision de la Cour pour la solution du litige et donc non pas dans le cadre de l’examen de la recevabilité de cette question.

B.      Appréciation de la question préjudicielle sur le fond

36.      Par sa question, la juridiction de renvoi demande si l’article 101 TFUE et les dispositions qui l’ont précédé exigent qu’un prêteur étatique, qui n’agit ni en tant que fournisseur ni en tant qu’acheteur sur le marché affecté par une entente, puisse demander réparation du préjudice qu’il a subi en raison du fait qu’il n’a pas pu placer ailleurs de manière rentable une somme prêtée à taux bonifié accordée de manière trop large en raison de l’entente.

37.      Les parties à la présente procédure divergent sur le critère à appliquer pour répondre à cette question. Alors que le Land de Haute-Autriche considère qu’il doit y être répondu directement sur le fondement du droit de l’Union, les fabricants d’ascenseurs et la Commission estiment que la réponse doit demeurer du ressort du droit national, lequel doit alors être apprécié uniquement au regard des principes d’équivalence et d’effectivité.

38.      Ainsi que l’avocat général Wahl l’a exposé dans ses conclusions dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a., la différence entre un examen fondé sur les principes d’équivalence et d’effectivité, d’une part, et un examen directement fondé sur l’article 101 TFUE, d’autre part, est fondamentale pour déterminer la ligne de démarcation entre les questions régies par le droit de l’Union et celles régies par les systèmes juridiques nationaux des États membres (28).

39.      Par conséquent, il conviendra de préciser d’abord lequel de ces critères, celui de l’interprétation directe du droit de l’Union ou celui des exigences imposées au droit national du point de vue de l’équivalence et de l’effectivité, doit être appliqué pour répondre à la question préjudicielle (section 1). Celle-ci sera examinée dans un deuxième temps sur la base du critère qui aura été retenu (section 2).

1.      Le droit des prêteurs étatiques à obtenir réparation des dommages causés par une entente : un problème de droit de l’Union

40.      La mise en œuvre, à l’initiative de la sphère privée, de l’interdiction des ententes en droit de l’Union, par le truchement d’actions en dommages et intérêts introduites devant les juridictions des États membres, constitue, parallèlement à la mise en œuvre publique par les autorités de concurrence, le deuxième pilier du droit européen des ententes. C’est ainsi que la Cour a déjà jugé que le droit de toute personne de demander réparation du dommage causé par des infractions à l’interdiction des ententes en droit de l’Union découle directement de l’article 101 TFUE. Cela signifie que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ce préjudice et une infraction aux règles de concurrence, sans que l’existence de ce droit dépende en aucune manière du droit national des États membres (29).

41.      En l’absence de dispositions du droit de l’Union, il appartient cependant à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités d’exercice de ce droit de demander réparation, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés (30). La directive 2014/104 confirme cette répartition des compétences (31).

42.      Or, chaque fois qu’il s’agit d’appliquer ces principes se pose à nouveau la question de savoir quels sont désormais concrètement les aspects d’une action en dommages et intérêts en matière d’ententes qui sont soumis au droit de l’Union et quels sont ceux qui doivent être réglés par le droit national des États membres (32).

43.      Dans la jurisprudence qu’elle a rendue jusqu’à présent, la Cour a déjà défini, en matière de réparation du préjudice causé par une entente, par où passe la ligne qui sépare le droit de l’Union du droit des États membres (section a). En l’espèce, il s’agit de répartir de chaque côté de cette ligne la compétence pour régir les différents aspects de la notion de « lien de causalité » (section b).

a)      La ligne de séparation entre le droit de l’Union et le droit des États membres en matière de réparation du préjudice causé par une entente

44.      Comme je l’ai déjà indiqué dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Kone e.a., il ressort de la jurisprudence de la Cour que la répartition des compétences entre l’Union et les États membres en matière de réparation du préjudice causé par une entente se situe le long d’une ligne qui sépare la demande au fond et la mise en œuvre procédurale de celle‑ci : la question de l’existence de droits à réparation (c’est‑à‑dire la question de savoir si une indemnisation doit être accordée) doit être tranchée par le droit de l’Union. En revanche, les conditions d’application et les modalités de mise en œuvre concrète de tels droits (c’est‑à‑dire la question de savoir comment une indemnisation doit être accordée), à savoir, plus particulièrement, la compétence, la procédure, les délais et l’administration de la preuve, sont régis par le droit national (33).

45.      Comme l’avocat général Wahl l’a expliqué dans ses conclusions dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a., seules les règles qui se rapportent à l’application du droit de demander réparation sont donc régies par le droit national, tandis que les conditions constitutives de ce droit, et donc le fondement même de celui‑ci, sont directement déterminées par l’article 101 TFUE (34).

46.      La Cour l’a confirmé dans son arrêt Skanska Industrial Solutions e.a., en constatant que la question de la détermination de l’entité tenue de réparer le préjudice causé par une infraction à l’article 101 TFUE est directement régie par le droit de l’Union (35). Cela est conforme à des arrêts antérieurs dans lesquels la Cour a jugé que sont déterminés par le droit de l’Union non pas seulement la catégorie des personnes qui peuvent prétendre à une indemnisation de la part des parties à une entente (« toute personne ») (36), mais aussi les types de dommage que ces dernières peuvent, le cas échéant, avoir à compenser [le dommage patrimonial (damnum emergens) comme le manque à gagner (lucrum cessans), de même que les intérêts] (37).

b)      Le « lien de causalité » – entre détermination par le droit de l’Union du droit à demander réparation et mise en œuvre de celuici par les États membres

47.      La question, posée en l’espèce, de savoir si le préjudice subi par le Land de Haute-Autriche est susceptible de donner lieu à réparation, constitue, d’un point de vue juridique, un problème de causalité, à l’instar de la question en cause dans l’affaire Kone e.a., qui était de savoir si les dommages causés par les effets dits d’« ombrelle » sur les prix sont susceptibles de donner lieu à réparation (38) : la question se pose de savoir si, entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et le préjudice qui a été subi par le Land de Haute-Autriche en octroyant de manière trop large, en raison du renchérissement des ascenseurs, des prêts incitatifs, il existe un lien suffisamment étroit, ou s’il s’agit d’un préjudice trop lointain dont la réparation ne saurait être raisonnablement mise à la charge des participants à l’entente.

48.      Les fabricants d’ascenseurs et la Commission considèrent que la question de l’existence d’un « lien de causalité » entre l’infraction et le dommage doit être tranchée non pas directement sur le fondement du droit de l’Union, mais sur celui du droit national, combiné aux principes d’équivalence et d’effectivité.

49.      Les parties concernées se fondent sur l’appréciation de la Cour dans l’affaire Manfredi e.a. selon laquelle « il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’exercice [du droit à réparation du préjudice], y compris celles de l’application de la notion de “lien de causalité”, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés » (39). Cette appréciation a désormais été reprise au considérant 11 de la directive 2014/104, laquelle, pour le reste, ne traite pas davantage de la notion de « lien de causalité » entre infraction et dommage. Au contraire, ledit considérant suggère que les États membres devraient pouvoir, le cas échéant, maintenir dans leur droit national d’autres conditions existantes applicables à la réparation, par exemple l’imputabilité, l’adéquation ou la culpabilité, dès lors qu’elles sont conformes à la jurisprudence de la Cour, aux principes d’effectivité et d’équivalence ainsi qu’à ladite directive.

50.      Une analyse plus approfondie révèle cependant que, en droit de la responsabilité délictuelle, le concept de « lien de causalité » entre le fait dommageable et le dommage est une institution juridique comportant plusieurs facettes : ainsi, dans le cadre de l’examen de ce lien, il ne s’agit pas seulement de déterminer si un dommage donné doit être attribué, de fait, à un événement donné. Cet examen peut au contraire également contenir des éléments normatifs qui se rapportent à la question de savoir si le préjudice invoqué est suffisamment lié à l’objectif de la règle de droit violée (40).

51.      Cet aspect normatif de la causalité est mis en lumière dans la présente procédure par le débat entre les parties sur la question de savoir si, dans le cas du Land de Haute-Autriche, il existe, ainsi que l’exige le droit autrichien pour une demande de dommages et intérêts, une « relation d’illicéité » entre l’atteinte à un droit et le préjudice subi. En droit autrichien, cette relation n’existe que si la norme juridique à laquelle l’auteur du dommage a porté atteinte a également pour but spécifique de protéger la partie lésée. La juridiction de renvoi considère toutefois que, en droit autrichien, tel ne serait pas le cas en l’espèce. En effet, selon cette analyse, le champ de protection personnel de l’interdiction des ententes s’étend certes aux personnes qui agissent en tant que fournisseurs ou acheteurs sur le marché affecté par une entente, mais il ne s’étend pas aux prêteurs publics qui, par une incitation financière, permettent à certains groupes de clients d’acquérir plus facilement le produit affecté par l’entente. Ainsi, en droit autrichien, il y aurait lieu de rejeter la demande d’indemnisation de tels prêteurs, car leur préjudice ne serait plus suffisamment lié à l’objectif de l’interdiction des ententes, qui consiste à maintenir la concurrence sur le marché affecté par l’entente.

52.      Cette discussion montre à elle seule que la question en cause ici constitue un aspect de l’examen de la causalité qui concerne non pas les modalités procédurales de mise en œuvre du droit à réparation du préjudice causé par une entente, mais plutôt les conditions de fond d’une demande faisant valoir ce droit. En effet, la question est de savoir si l’article 101 TFUE confère un droit à réparation du préjudice causé par une entente également à une personne qui n’a pas agi en tant que fournisseur ou acheteur sur le marché affecté par cette entente. Il s’agit ici de la question de l’étendue de la protection conférée par l’article 101 TFUE, et donc d’une question d’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, à laquelle il ne peut être répondu que sur le fondement de celui‑ci.

53.      Il ne serait en effet pas opportun de laisser aux ordres juridiques des États membres le soin de répondre à cette question portant sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, ainsi que le propose la Commission, afin de mesurer ensuite leurs réponses au regard du principe d’effectivité.

54.      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (41). Cela signifie, dans le présent contexte, que des concepts théoriques du droit national visant à restreindre une responsabilité dépourvue de contours, tels que la théorie de l’objectif de protection poursuivi par une disposition ou celle de l’adéquation du lien de causalité entre l’atteinte au droit et le dommage, ne sauraient être décisifs pour déterminer la portée de l’article 101 TFUE.

55.      Au contraire, il y a lieu d’interpréter l’interdiction des accords sur les prix, en tant que règle qui constitue le fondement du préjudice, de manière uniforme dans l’ensemble de l’Union afin de conférer à l’article 101 TFUE son plein effet. Cette disposition sert l’objectif fondamental du droit européen de la concurrence, qui est de créer sur le marché intérieur un cadre aussi uniforme que possible pour toutes les entreprises qui opèrent sur celui‑ci (level playing field). Cet objectif serait compromis si les critères juridiques appliqués par les juridictions nationales pour apprécier la responsabilité civile des parties à une entente visée à l’article 101 TFUE pour des types précis de dommages et à l’égard de personnes précises différaient fondamentalement d’un État membre à l’autre (42).

56.      Conformément à la ligne qui sépare la demande au fond et la mise en œuvre procédurale de celle‑ci,  « [les modalités] de l’application de la notion de “lien de causalité” », dont la définition, selon la Cour dans l’arrêt Manfredi e.a. et le considérant 11 de la directive 2014/104, est réservée au droit national des États membres, ne peuvent donc être que les modalités de constatation effective d’un lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage dans un cas donné. Cela est cohérent avec le fait que la Cour, dans l’arrêt Manfredi e.a., a fait figurer « [les modalités] de l’application de la notion de “lien de causalité” » au titre des « modalités d’exercice [du droit à réparation du préjudice] » : il s’agit de la mise en œuvre des demandes de dommages et intérêts et non de l’existence du droit à obtenir de tels dommages et intérêts.

57.      Les modalités de constatation effective d’un lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage dans un cas donné concernent, à titre d’illustration, la question du nombre et de la nature des avis d’experts ou du niveau de preuves scientifiques qui sont nécessaires pour établir que les souffrances de la victime d’un accident ou d’une maladie à la suite de certaines conditions de travail (telle que le fait d’être exposé à des substances dangereuses) doivent effectivement être attribuées à cet accident ou à ces conditions de travail, et non, par exemple, à des maladies préexistantes. De même, à titre d’illustration, la question de la nature des preuves requises par un maître d’ouvrage qui souhaite démontrer qu’un dommage à un bâtiment est apparu effectivement en raison d’un vice de construction, et non pas en raison d’intempéries qui ne relèvent pas de la sphère d’influence de l’entreprise de construction, concerne les modalités concrètes de la mise en œuvre des demandes de dommages et intérêts.

58.      Si l’on transpose cette analyse à la procédure au principal, les modalités de constatation effective d’un lien de causalité entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et le préjudice financier qui est invoqué par le Land de Haute-Autriche peuvent porter sur la nature de l’administration de la preuve requise afin d’établir que les subventions ont été effectivement octroyées pour le montant exposé, que les coûts supplémentaires qui sont invoqués sont effectivement imputables aux coûts des ascenseurs qui ont été installés dans les bâtiments bénéficiant d’une subvention, ou que le taux moyen des obligations au cours de la période pertinente correspondait effectivement à celui sur lequel le Land de Haute-Autriche fonde les calculs du préjudice qu’il a subi.

59.      Ces aspects constituent effectivement les modalités de mise en œuvre procédurale du droit, ancré en droit de l’Union, à la réparation du préjudice causé par une entente, dont la réglementation appartient au droit national, lequel doit par la suite être apprécié au regard des principes d’équivalence et d’effectivité. La question de savoir si un préjudice tel que celui invoqué par le Land de Haute-Autriche présente un lien suffisant avec l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE et les dispositions qui l’ont précédé concerne, en revanche, comme cela est expliqué ci-avant, les conditions matérielles du droit à réparation, en droit de l’Union, du préjudice causé par une entente, et doit donc être tranchée directement sur le fondement du droit de l’Union.

60.      En fin de compte, il s’agit ici des questions de savoir qui a la faculté, sur le fondement de l’article 101 TFUE, de demander réparation de quels préjudices ; il s’agit donc des conditions de réparation, en droit de l’Union, du préjudice causé par une entente. Ce sont des questions de droit de l’Union, de même que la question, qui faisait l’objet du litige dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a., de savoir qui est tenu, sur le fondement de l’article 101 TFUE, de réparer les préjudices causés par une entente (43).

61.      Contrairement à ce que fait valoir Kone dans la présente procédure, l’arrêt rendu précédemment par la Cour dans l’affaire Kone e.a. n’emporte pas d’autre conclusion. Ainsi, dans cet arrêt, la Cour a certes d’abord rappelé le principe général selon lequel il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’exercice du droit à réparation du préjudice, y compris celles de l’application de la notion de « lien de causalité », pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés (44). Toutefois, comme l’avocat général Wahl l’a analysé dans ses conclusions dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a., la question de savoir si la responsabilité civile des membres d’une entente pour la réparation du préjudice s’étend également aux effets dits d’« ombrelle » a ensuite été examinée par la Cour uniquement au regard du plein effet de l’article 101 TFUE (45).

62.      Par conséquent, conformément à l’analyse qui précède, la présente question préjudicielle devra être examinée ci‑après directement sur le fondement de l’article 101 TFUE, et non sur celui des principes d’équivalence et d’effectivité.

2.      Sur le droit à réparation des prêteurs étatiques pour les préjudices causés par une entente

63.      La juridiction de renvoi demande si un prêteur étatique, qui n’agit ni en tant que fournisseur ni en tant qu’acheteur sur le marché affecté par une entente, peut demander réparation, conformément à l’article 101 TFUE et aux dispositions qui l’ont précédé, du préjudice qu’il a subi en raison du fait qu’il n’a pas pu placer ailleurs de manière rentable une somme prêtée à taux bonifié accordée de manière trop large en raison de l’entente (46).

64.      À cet égard, le Land de Haute-Autriche fait valoir que l’arrêt Kone e.a. (47) suffit à établir qu’il n’est pas compatible avec l’article 101 TFUE d’exclure, pour des raisons juridiques, de manière catégorique et indépendamment des circonstances de l’espèce, la responsabilité de participants à une entente pour un certain type de préjudices.

65.      Les fabricants d’ascenseurs et la Commission rétorquent que l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE serait la concurrence et que, par conséquent, seules des personnes participant à la concurrence pourraient, sur la base de cette disposition, demander réparation des préjudices qui sont nés dans le cadre d’une telle participation. L’arrêt Kone e.a. ne viserait que de tels préjudices. En revanche, le préjudice que le Land de Haute-Autriche invoque ne présenterait plus de lien suffisant avec l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE et ne serait donc pas susceptible de donner lieu à réparation.

66.      Dans l’arrêt Kone e.a., la Cour a déterminé non pas seulement si l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE s’opposait à ce que l’engagement de la responsabilité des participants à une entente soit catégoriquement exclu pour certains préjudices ; elle a également cherché à savoir si un préjudice causé par des effets dits d’« ombrelle » présentait un lien suffisamment direct avec une entente qui réussit à maintenir de manière artificiellement élevée le prix de certains produits (48).

67.      Il en résulte que la responsabilité des participants à une entente pour des préjudices causés par celle‑ci est soumise, en somme, à des conditions comparables à celles qui régissent la responsabilité non contractuelle des institutions de l’Union et la responsabilité des États membres à l’égard des particuliers pour violation du droit de l’Union (49). Ces conditions exigent, pour l’essentiel, que la disposition juridique à laquelle il a été porté atteinte confère des droits à la personne lésée, qu’un préjudice effectif soit apparu et qu’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre le comportement dommageable et le préjudice invoqué (50).

68.      Il découle de l’arrêt Kone e.a. qu’il incombe à la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle, d’examiner de manière abstraite et générale si ces conditions sont réunies à l’égard du préjudice litigieux dans la procédure au principal. Si tel est le cas, il appartient par la suite à la juridiction nationale de renvoi de déterminer si, en l’espèce, ces conditions sont aussi réunies effectivement (51). Cette répartition des compétences est conforme au principe selon lequel, s’il appartient certes, en fin de compte, à la juridiction nationale de déterminer si les conditions de réparation sont réunies dans le cas donné, la Cour est cependant compétente, sur la base du dossier de la procédure au principal et des explications écrites et orales qui ont été produites devant elle, pour fournir des indications qui permettent à cette juridiction de statuer sur le litige pendant devant elle (52).

69.      Si l’on transpose cette analyse à la présente demande de décision préjudicielle, cela signifie qu’il y a tout d’abord lieu de déterminer si l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE s’oppose, ainsi que les fabricants d’ascenseurs et la Commission l’affirment, à la réparation d’un préjudice lié à l’octroi de subventions tel que celui invoqué par le Land de Haute-Autriche dans la procédure au principal (section a). Il s’agira ensuite de discuter de l’argumentation desdites parties selon laquelle le préjudice dont le Land de Haute‑Autriche demande réparation ne constitue pas un préjudice effectif susceptible de donner lieu à réparation (section b). Enfin, il sera nécessaire de déterminer si le préjudice du Land de Haute-Autriche présente un lien suffisamment direct avec l’infraction à l’article 101 TFUE et aux dispositions qui l’ont précédé commise par les participants à l’entente dans le secteur des ascenseurs (section c).

a)      Sur l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE

70.      Les fabricants d’ascenseurs et la Commission estiment que le Land de Haute-Autriche, en sa qualité de prêteur étatique, ne relève pas de l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE, car, en cette qualité, il n’a pas agi en tant qu’acteur sur le marché.

71.      Ainsi, il serait certes trop restrictif de partir du principe que seuls les participants agissant sur le marché relatif à un produit, en l’occurrence celui des ascenseurs, qui sont directement concernés par une entente pourraient demander réparation du préjudice subi en raison de l’entente dans le secteur des ascenseurs. En effet, relèveraient également de l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE les fournisseurs et les acheteurs directs et indirects qui opèrent sur des marchés qui se situent en amont ou en aval de ce marché, comme des personnes qui auraient livré des pièces pour le produit visé par l’entente ou qui auraient acquis celui‑ci en tant que partie d’un autre produit.

72.      Cependant, un préjudice, pour être susceptible de donner lieu à réparation sur le fondement de l’article 101 TFUE, devrait survenir en participant aux opérations du marché, c’est‑à‑dire en offrant ou en demandant des produits ou des services. Or, tel ne serait pas le cas du préjudice du Land de Haute-Autriche, car ce dernier, en tant que prêteur étatique, aurait agi dans le cadre de ses compétences politiques consistant à inciter à la construction de logements sociaux, et non avec l’intention de réaliser des bénéfices. Le droit de l’Union n’aurait tout simplement pas envisagé que de tels prêteurs étatiques aient la faculté de demander, sur le fondement de l’article 101 TFUE, réparation du préjudice causé par une entente.

73.      Ainsi, les organismes publics ne seraient certes pas, en cette qualité, exclus de l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE, comme que le montrent la directive 2014/104, qui fait également figurer des autorités publiques au titre des bénéficiaires du droit à réparation (53), et l’arrêt Otis e.a., dans lequel il s’agissait de demandes de réparation présentées par l’Union elle‑même (54). Néanmoins, la Commission, dans le cas de figure qui a donné lieu à cet arrêt, aurait agi non pas dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, mais en tant qu’acheteur sur le marché, de sorte que, dans ladite affaire, les préjudices patrimoniaux litigieux seraient survenus par une participation au fonctionnement du marché.

74.      Cette argumentation vise à priver le Land de Haute-Autriche du droit à réparation du préjudice qu’il invoque dans l’affaire au principal essentiellement au motif que le Land de Haute-Autriche a subi ce préjudice dans le cadre de l’exercice d’une activité qui visait à mettre en œuvre ses compétences politiques et qui ne poursuivait pas l’objectif de réaliser des bénéfices. En somme, cette argumentation est donc fondée sur la présomption selon laquelle l’objectif poursuivi par l’article 101 TFUE étant de maintenir la concurrence, seules les personnes qui participent à la concurrence en tant que fournisseurs ou acheteurs sont protégées par cette disposition et, ainsi, seuls seraient susceptibles de donner lieu à réparation sur le fondement de ladite disposition les préjudices qui sont nés dans le cadre d’une participation à la concurrence.

75.      Il y a cependant lieu de rejeter cette conclusion sans qu’il soit nécessaire de se pencher sur la question de savoir si l’activité du Land de Haute-Autriche en cause dans la procédure au principal doit être qualifiée de participation au fonctionnement du marché. Ainsi que le fait valoir à juste titre le Land de Haute‑Autriche, il résulte déjà de la jurisprudence rendue par la Cour jusqu’à présent qu’une restriction catégorique du droit à réparation du préjudice causé par une entente n’est pas compatible avec l’objectif de protection poursuivi par l’article 101 TFUE (section 1). Ni les caractéristiques particulières du Land de Haute-Autriche en qualité de prêteur étatique (section 2) ni les dispositions de la directive 2014/104 (section 3) ne sont de nature à remettre en cause cette conclusion.

1)      L’incompatibilité d’une restriction catégorique du droit à réparation avec l’article 101 TFUE

76.      S’il est vrai que l’objectif poursuivi par l’article 101 TFUE vise à garantir le maintien d’une concurrence non faussée sur le marché intérieur (55), cela ne signifie toutefois pas, a contrario, que le droit de demander réparation du préjudice causé par une entente appartient uniquement aux personnes qui subissent ce préjudice dans le cadre de leur participation au marché concerné par une entente, ou encore sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins dudit marché, voire dans le cadre d’une participation au fonctionnement du marché tout court.

77.      Conformément à la jurisprudence de la Cour, la possibilité de demander réparation du dommage causé par une entente sert, d’une part, à garantir la pleine efficacité et l’effet utile de l’article 101 TFUE ainsi que de l’interdiction des ententes qui y est consacrée (56). En effet, le droit de demander réparation d’un tel dommage est en particulier de nature à décourager les accords ou pratiques susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (57). D’autre part, ce droit constitue une protection efficace contre les conséquences préjudiciables que toute violation dudit article 101, paragraphe 1, TFUE est susceptible de produire à l’égard des particuliers, dans la mesure où il permet aux personnes ayant subi un préjudice en raison de ladite violation de prétendre à une compensation intégrale (58).

78.      Tant la garantie de la pleine efficacité et de l’effet utile de l’article 101 TFUE que la protection efficace contre les conséquences préjudiciables d’une violation du droit de la concurrence seraient gravement compromises si la possibilité de demander réparation du préjudice causé par une entente était limitée aux opérateurs du marché. En effet, cela priverait d’emblée et de manière systématique un grand nombre de requérants potentiels de la possibilité de demander réparation aux membres d’une entente, indépendamment de la question de savoir s’il existe, entre l’entente et le préjudice subi, un lien de causalité suffisamment direct.

79.      Ainsi, s’il est vrai qu’une entente ayant pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, interdite par l’article 101 TFUE, a généralement lieu sur le marché, cela ne signifie pas pour autant que les préjudices causés par une entente ne se matérialisent que sur le marché concerné par cette entente, ou encore sur un marché situé en amont, en aval ou voisin dudit marché (59), ni que les préjudices causés par une entente ne peuvent survenir, le cas échéant, que dans le cadre de l’offre ou de la demande de produits ou de services sur le marché. La présente affaire illustre au contraire la diversité des préjudices que des comportements anticoncurrentiels peuvent provoquer et qui ne se limitent pas aux préjudices causés aux fournisseurs ou aux clients directs ou indirects sur le marché concerné par une entente ou sur un marché voisin de celui‑ci, ni aux préjudices qui surviennent dans le cadre de l’exercice d’une activité lucrative.

80.      La Cour a justement tenu compte de cette diversité en résumant de manière très générale le droit à réparation du préjudice causé par une entente par la formule énonçant que « toute personne » est en droit de demander réparation d’un tel préjudice dans la mesure où il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et l’entente (60), et en déclarant que le fait d’exclure de manière catégorique, pour des motifs juridiques, ce droit à réparation pour certains dommages, indépendamment des circonstances spécifiques de l’espèce (61), est incompatible avec l’article 101 TFUE. Or, une limitation du droit à réparation aux opérateurs du marché aurait justement pour effet d’exclure de manière catégorique et systématique, pour des motifs juridiques, la responsabilité des entreprises participant à une entente pour certains types de dommages, indépendamment des circonstances spécifiques de l’espèce.

81.      Ainsi résulte-t-il, en définitive, de la jurisprudence de la Cour que l’objectif poursuivi par l’article 101 TFUE, à savoir le maintien d’une concurrence non faussée sur le marché intérieur, ne comporte précisément aucune restriction du droit à réparation causé par une entente. L’article 101 TFUE confère au contraire à « toute personne » le droit de demander réparation des dommages éventuels causés par une entente.

82.      Toutefois, contrairement à ce que craignent les fabricants d’ascenseurs, cette reconnaissance ne doit pas être assimilée à une extension à l’infini du droit à réparation qui ferait peser sur les membres d’une entente l’obligation illimitée de répondre, indépendamment des circonstances spécifiques de l’espèce, de tous les dommages possibles, aussi éloignés soient-ils, qui ont pu être causés par leur comportement contraire au droit de la concurrence, au sens d’une « conditio sine qua non » (également appelée équivalence des conditions ou cause butfor) (62).

83.      Au contraire, le droit des membres d’une entente à la sécurité juridique et la nécessité de limiter une responsabilité indéfinie sont pris en compte par le fait que les membres d’une entente ne doivent répondre que des dommages qui ont un lien de causalité suffisamment direct avec leur comportement contraire au droit de la concurrence et qui étaient donc prévisibles pour eux (63).

84.      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent la Commission et les fabricants d’ascenseurs, la question déterminante au regard du caractère réparable du préjudice du Land de Haute-Autriche ne porte pas, en l’espèce, sur le point de savoir si ce préjudice a un lien de causalité suffisamment direct avec l’objectif de protection de l’article 101 TFUE. En effet, comme nous venons de l’expliquer, l’objectif de protection de l’article 101 TFUE vise précisément à rendre réparable tout préjudice ayant un lien de causalité avec l’infraction à cette disposition. C’est pourquoi la question déterminante dans la présente affaire est plutôt de savoir s’il existe entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et le préjudice dont le Land de Haute-Autriche demande réparation un lien de causalité suffisamment direct.

2)      Les caractéristiques propres au Land de Haute-Autriche en tant que prêteur étatique

85.      Il résulte des précédents développements que l’argumentation de la Commission et des fabricants d’ascenseurs, selon laquelle le préjudice du Land de Haute-Autriche en particulier n’est pas couvert par l’objectif de protection de l’article 101 TFUE au motif qu’il est né dans le cadre de l’exécution des missions politiques de cette autorité régionale, n’a pas davantage de chances de prospérer.

86.      Le fait de refuser au Land de Haute-Autriche la réparation de son préjudice au motif qu’il a agi dans le cadre de l’exécution de ses missions politiques en octroyant les prêts incitatifs, et non dans le but de se procurer les moyens d’exécuter ces missions, notamment par l’achat d’ascenseurs pour ses bâtiments, conduirait à exclure les organes publics de l’objectif de protection de l’article 101 TFUE dès lors que ces derniers n’agissent pas dans le cadre de leur activité d’approvisionnement et donc comme acheteurs sur le marché.

87.      En définitive, cela reviendrait à exclure de manière catégorique et systématique, pour des motifs juridiques, la réparation d’un certain type de dommages, indépendamment des circonstances spécifiques de l’espèce. Or, conformément à l’arrêt Kone e.a., une exclusion systématique est justement incompatible avec l’article 101 TFUE (64). En effet, la mise en œuvre effective de l’article 101 TFUE requiert précisément que toute personne puisse demander réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence.

88.      À cet égard, la reconnaissance d’un droit des prêteurs étatiques de demander réparation du préjudice représenterait une contribution particulièrement significative à la mise en œuvre de l’interdiction des ententes. En effet, contrairement à la mise en œuvre du droit des ententes par la sphère publique, sa mise en œuvre par la sphère privée dépend de l’initiative des personnes lésées. Cette initiative fait défaut lorsque les victimes n’ont aucune incitation économique à faire valoir les dommages subis, par exemple lorsque la personne n’a subi qu’un préjudice de faible montant. C’est habituellement le cas lorsque des consommateurs finals privés acquièrent un produit à un prix légèrement trop élevé et qu’ils ne sont affectés par une entente sur les prix que de manière marginale. La plupart du temps, il ne vaut pas la peine pour ces consommateurs finals privés d’introduire une action en réparation.

89.      En revanche, les prêteurs étatiques qui versent d’importants montants de subventions ont un intérêt à faire valoir leur préjudice en justice et sont donc des acteurs crédibles au regard de la mise en œuvre effective du droit européen de la concurrence.

90.      Par ailleurs, ni la Commission ni les fabricants d’ascenseurs n’ont avancé de motifs qui justifieraient une exclusion systématique du caractère réparable des dommages que les organes publics ont subis dans le cadre de l’exécution non lucrative de leurs missions politiques. Il ne semble d’ailleurs exister aucune raison qui justifie une telle exclusion. En particulier, rien ne justifie que le droit de demander réparation des dommages causés par une entente bénéficie aux seuls acteurs privés qui agissent en exécution de leurs missions entrepreneuriales et dans un but lucratif, et non aux acteurs publics qui réalisent leurs missions dans l’intérêt général et dans un but non lucratif.

91.      Au contraire, comme cela a été indiqué précédemment, la limitation du caractère réparable aux dommages survenus dans le cadre d’une participation à la concurrence à titre lucratif ne tient pas compte de la complexité de l’activité du marché et de l’intervention des acteurs publics liée à cette activité (65). En l’espèce, cette complexité liée à l’enchevêtrement de situations et de chaînes de causalité économiques est illustrée par le fait que le Land de Haute-Autriche a offert, en qualité de prêteur, une possibilité de financement aux acheteurs d’ascenseurs, permettant ainsi à une large part de la demande de voir le jour sur le marché concerné par l’entente dans le secteur des ascenseurs. Rien ne justifie qu’un tel acteur, qui est un pilier du marché au détail affecté par une entente, soit exclu d’emblée du domaine de protection de l’article 101 TFUE.

92.      Cela est d’autant plus vrai que, sans agir dans un but lucratif ni dans des conditions de concurrence en accordant les subventions, le Land de Haute‑Autriche a néanmoins participé à la vie économique en tant qu’entité indépendante et a, à ce titre, subi le préjudice invoqué dans la procédure au principal.

93.      Par conséquent, le point de vue développé par la doctrine allemande dans le contexte des dispositions législatives allemandes (66) et évoqué par la juridiction de renvoi et certaines des parties, selon lequel seuls les opérateurs de marché sont, en principe, fondés à demander réparation du préjudice causé par une entente, à l’exclusion des associés, gérants, employés ou encore des investisseurs d’une entreprise concernée (67), ne fait pas non plus obstacle au droit du Land de Haute‑Autriche.

94.      Il suffit en effet de constater, sans qu’il soit nécessaire en l’espèce de prendre position dans ce débat, que la situation du Land de Haute-Autriche en tant que prêteur étatique n’est, en tout état de cause, pas comparable à celle des associés, gérants, employés ou investisseurs d’une entreprise lésée par une entente. En effet, les associés, gérants, employés, mais aussi les investisseurs de sociétés de capitaux ne constituent pas, en cette qualité, une entité indépendante dans la vie économique, et leur préjudice procède généralement de la baisse de valeur ou de n’importe quel autre préjudice que subit une entreprise participant à la vie économique. En revanche, les prêteurs étatiques tels que le Land de Haute‑Autriche sont, sans aucun doute, des entités indépendantes dans la vie économique et leur préjudice ne consiste pas dans la perte de valeur ni dans un préjudice qu’une autre entreprise subit en raison d’une entente sur les prix. Au contraire, le Land de Haute-Autriche a, en l’espèce, subi un préjudice propre en sa qualité de prêteur étatique.

3)      Les dispositions de la directive 2014/104

95.      Enfin, contrairement à ce que soutient Thyssenkrupp, il ne résulte pas non plus des dispositions spéciales de la directive 2014/104 relatives au droit à réparation des fournisseurs et des acheteurs indirects des membres d’une entente (68) que les prêteurs étatiques tels que le Land de Haute-Autriche sont exclus du droit à réparation du préjudice causé par une entente. Ces dispositions s’expliquent plutôt par le fait que le préjudice causé aux fournisseurs et aux acheteurs indirects tout au long de la chaîne d’approvisionnement et de distribution d’une entente sont un phénomène particulièrement courant, qui peut donc être régi par des dispositions générales.

96.      On ne saurait toutefois déduire, a contrario, de ces dispositions distinctes que le législateur souhaitait limiter le cercle des personnes habilitées à demander réparation du préjudice causé par une entente aux participants directs et indirects du marché concerné par une entente ou, d’une manière générale, aux opérateurs du marché, et priver d’autres personnes lésées du droit à réparation que celles‑ci tirent directement de l’article 101 TFUE et qui est donc ancré dans le droit primaire. Au contraire, le législateur a consacré, expressément et sans aucune réserve, à l’article 3 de la directive 2014/104, l’obligation faite aux États membres de garantir que toute personne physique ou morale ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence puisse demander et obtenir la réparation intégrale de ce préjudice (69).

4)      Conclusion intermédiaire

97.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, l’objectif de protection tiré de l’interdiction des ententes sur les prix figurant à l’article 101 TFUE s’étend aux prêteurs étatiques tels que le Land de Haute‑Autriche. Ils peuvent dès lors demander réparation lorsqu’ils ont subi un préjudice effectif en raison d’une entente sur les prix et qu’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre ledit préjudice et l’entente sur les prix en cause.

b)      Le caractère effectif et réparable du préjudice subi par le Land de HauteAutriche 

98.      Les fabricants d’ascenseurs et la Commission sont d’avis que, même si l’objectif de protection de l’article 101 TFUE s’étendait aux prêteurs étatiques tels que le Land de Haute-Autriche, le préjudice invoqué par le Land de Haute‑Autriche ne serait de toute façon pas réparable.

99.      En effet, les fonds utilisés par le Land de Haute-Autriche pour octroyer des prêts bonifiés seraient destinés à l’aide à la construction de logements et n’auraient en aucun cas pu être utilisés à d’autres fins. En outre, le montant total des subventions disponibles chaque année serait fixé à l’avance et serait donc indépendant des coûts des différents projets de constructions bénéficiant d’un financement, y compris des surcoûts des ascenseurs qui y sont installés, prétendument induits par l’entente. Enfin, la pratique antérieure du Land de Haute-Autriche montrerait que les subventions disponibles sont intégralement épuisées chaque année. Cependant, même si cela n’avait pas été le cas, les subventions restantes auraient de toute façon été affectées également à l’aide à la construction de logements.

100. Ainsi, le préjudice lié au fait que les différents prêts indexés sur le montant des coûts de construction en cause auraient prétendument été plus importants qu’ils ne l’auraient été sans l’entente dans le secteur des ascenseurs en raison du surcoût des ascenseurs résultant de l’entente (70) procéderait-il tout au plus de ce que le Land de Haute-Autriche ne pouvait pas accorder un nombre aussi important de prêts bonifiés que s’il n’y avait pas eu l’entente. En effet, si chaque prêt avait été moins important, il aurait pu en accorder davantage au total et, donc, promouvoir davantage de projets de construction de logements.

101. Sur le fondement de cette argumentation, les fabricants d’ascenseurs estiment, d’une part, que l’entente dans le secteur des ascenseurs n’a causé au Land de Haute-Autriche aucun préjudice ou, en tout cas, aucun préjudice financièrement quantifiable, mais a provoqué tout au plus un préjudice politique. Celui-ci consisterait dans l’impossibilité pour le Land de Haute-Autriche de mettre en œuvre sa politique en matière d’aide à la construction de logements de manière aussi étendue que dans des circonstances normales en raison de l’entente dans le secteur des ascenseurs. Or, cela ne constituerait pas un préjudice propre au Land de Haute-Autriche mais, le cas échéant, un préjudice pour la collectivité.

102. D’autre part, la Commission et les fabricants d’ascenseurs font valoir que la perte d’intérêts invoquée par le Land de Haute-Autriche est aussi purement spéculative et hypothétique. En effet, les subventions affectées à l’aide au logement n’auraient en aucun cas pu être rentabilisées autrement.

103. Il convient tout d’abord de noter que les fabricants d’ascenseurs cherchent manifestement à faire naître des doutes quant au fait que les prêts incitatifs octroyés par le Land de Haute-Autriche étaient effectivement plus importants en raison du surcoût des ascenseurs résultant de l’entente que s’il n’y avait pas eu d’entente dans le secteur des ascenseurs. Toutefois, cette allégation doit être rejetée. En effet, la juridiction de renvoi considère comme établis le fait que les prix des ascenseurs sur le marché autrichien étaient plus élevés au cours de la période pertinente en raison de l’entente dans le secteur des ascenseurs qu’ils ne l’auraient été dans des conditions normales de concurrence ainsi que le fait que les prêts incitatifs étaient indexés sur le montant des coûts de construction et donc aussi sur celui des ascenseurs, et aucune des parties à la procédure ne conteste sérieusement ces faits. Par conséquent, ces éléments de fait doivent également servir de base à la réponse à la présente procédure préjudicielle.

104. Dans ces conditions, ni l’argument tiré du caractère hypothétique de la perte d’intérêts (section 1) ni l’argument tiré du caractère purement politique du préjudice en cause en l’espèce (section 2) ne permettent à l’argumentation des fabricants d’ascenseurs et de la Commission de prospérer.

1)      Le caractère réparable de la perte d’intérêts invoquée par le Land de Haute-Autriche dans la procédure au principal

105. Les fabricants d’ascenseurs ont raison lorsqu’ils admettent que la collectivité a, en l’espèce, subi un préjudice consistant dans l’impossibilité, liée au surcoût des ascenseurs résultant de l’entente, d’accorder autant de prêts incitatifs que s’il n’y avait pas eu d’entente. En effet, les projets de construction ont, de ce fait, été financés en moins grand nombre et la politique d’aide à la construction de logements du Land de Haute-Autriche a dès lors été moins largement mise en œuvre qu’en l’absence d’entente. L’argument avancé à l’audience par les fabricants d’ascenseurs, rappelant qu’il n’y avait jamais assez de sources de financement et qu’il y avait toujours des délais d’attente pour les bénéficiaires d’aide, met en lumière la réalité du préjudice qui en est résulté.

106. Toutefois, l’argumentation que les fabricants d’ascenseurs développent sur la base de cet état de fait est erronée à deux égards : d’une part, car elle semble mettre sur le même plan le préjudice causé à la collectivité identifié ci‑dessus et le préjudice dont le Land de Haute-Autriche demande réparation dans la procédure au principal, et, d’autre part, car elle semble reposer sur l’idée que ce préjudice causé à la collectivité n’est pas réparable en tant que tel.

107. Ainsi convient-il de préciser d’emblée que le préjudice causé à la collectivité par l’impossibilité de financer autant de projets de construction sociaux que s’il n’y avait pas eu d’entente ne correspond pas à la perte d’intérêts que le Land de Haute-Autriche invoque dans la procédure au principal.

108. Si ces deux préjudices sont imputables à la même circonstance, c’est‑à‑dire au fait que le Land de Haute-Autriche a effectivement versé des prêts plus importants en raison du surcoût des ascenseurs qu’en l’absence d’entente, le fait que le Land de Haute-Autriche aurait eu davantage de fonds à disposition sans l’entente – pour simplifier – peut toutefois se traduire par un préjudice de différentes manières.

109. Ainsi peut-on soutenir, premièrement, que ces fonds auraient permis de financer davantage de projets de logements et que le préjudice consiste donc dans l’absence de ces logements – c’est le préjudice politique de la collectivité, dont les fabricants d’ascenseurs reconnaissent l’existence.

110. Deuxièmement, on peut soutenir que le Land de Haute-Autriche aurait pu ne jamais lever les fonds indûment versés sur les marchés financiers ou bien qu’il aurait pu les utiliser pour rembourser des crédits en cours.

111. Enfin, troisièmement, le préjudice peut se traduire par le fait que les fonds indûment versés, que les bénéficiaires de l’aide ont remboursé au Land de Haute‑Autriche uniquement à un taux préférentiel, auraient pu être placés à un taux d’intérêt plus élevé.

112. Seules les deux dernières formes de préjudice correspondent à celui que le Land de Haute-Autriche invoque dans la procédure au principal. Elles assimilent dans chaque cas le préjudice à une perte d’intérêts liée au fait que les fonds indûment versés par le Land de Haute-Autriche en raison de l’entente n’ont été remboursés par les bénéficiaires de l’aide qu’à un taux préférentiel.

113. Ainsi le préjudice est-il constitué, dans les deux cas, de la différence entre le montant des intérêts qui a été remboursé par les bénéficiaires de l’aide et le montant des intérêts qui aurait été exigible pour les montants payés en trop en application du taux d’intérêt usuel, à savoir du taux moyen des obligations fédérales, dans le cas du Land de Haute-Autriche. Que l’on assimile cette différence à un manque à gagner, puisque le Land de Haute-Autriche aurait pu placer les fonds indûment versés au taux d’intérêt moyen des obligations fédérales, ou à une perte, puisque le Land de Haute-Autriche a lui‑même dû lever ces fonds au taux d’intérêt moyen des obligations fédérales, revient finalement au même. En effet, une perte de gain sur les intérêts et une perte d’intérêts causées par l’absence d’un montant déterminé pendant une période déterminée sont, en définitive, les deux faces d’une même médaille, qui consiste en le fait que l’on ne pouvait ni placer ni avoir une activité avec ce montant.

114. Le désavantage causé par l’absence d’un montant déterminé pendant une période déterminée, de même que l’avantage généré par la disponibilité d’un montant déterminé pendant une période déterminée sont généralement compensés par le fait que les montants à rembourser doivent être majorés du montant des intérêts courus depuis que leur remboursement est dû, en application d’un taux d’intérêt usuel. Ainsi est-il notamment prévu que les montants devant être remboursés par les institutions de l’Union à la suite d’un arrêt de la Cour ou en vertu d’un règlement amiable doivent être majorés d’intérêts (71). De même, les aides à récupérer en vertu d’une décision de récupération de la Commission doivent être majorées d’intérêts (72).

115. Si une aide illégale est par la suite déclarée compatible avec le marché commun par la Commission, l’avantage injustifié dont le bénéficiaire de l’aide a profité en disposant de l’aide avant la décision de compatibilité de la Commission est compensé par le fait qu’il doit, certes, non pas rembourser l’aide elle‑même, mais acquitter les intérêts qu’il aurait acquittés s’il avait financé ce montant par un crédit jusqu’à la décision de la Commission (73). Si une aide illégale consistait en un prêt accordé sans intérêts ou à un taux d’intérêt préférentiel, le montant à récupérer correspondrait à la différence entre les intérêts échus au taux du marché et ceux qui ont été effectivement payés (74).

116. La présente affaire s’apparente au dernier cas de figure puisque le préjudice invoqué par le Land de Haute-Autriche comprend non pas le remboursement du surplus versé, mais uniquement les intérêts qui seraient dus au titre du surcoût payé par les bénéficiaires de l’aide en raison de l’entente en application du taux usuel, déduction faite des intérêts préférentiels que les bénéficiaires de l’aide eux‑mêmes ont déjà versés au Land de Haute-Autriche. En revanche, le Land de Haute-Autriche ne réclame pas le remboursement du montant indûment versé en raison de l’entente, puisque le supplément de prix induit par l’entente a justement été payé non par le Land de Haute-Autriche, mais par les bénéficiaires de l’aide concernés avec l’aide des prêts à taux réduit accordés par le Land de Haute‑Autriche.

117. La présente affaire se distingue à cet égard d’un cas de financement de projets de construction aux conditions du marché : dans ce cas, le prêteur ne subirait pas de préjudice car il se ferait rembourser les crédits accordés au taux du marché, mais la perte d’intérêts du maître d’ouvrage serait corrélativement plus élevée et devrait assurément être réparée par les participants à l’entente. Le fait qu’un prêteur étatique ait, au lieu de cela, accordé un crédit incitatif à des conditions plus favorables ne justifie pas de réduire la responsabilité des participants à l’entente.

118. En effet, la même cause – le supplément de prix induit par l’entente – a, en l’espèce, causé deux dommages différents : d’une part, le préjudice des bénéficiaires de l’aide, qui consiste dans le supplément de prix résultant de l’entente, auquel s’ajoutent les intérêts préférentiels payés au Land de Haute‑Autriche au titre de la mise à disposition de ce montant et, d’autre part, le préjudice du Land de Haute-Autriche, constitué du produit des intérêts qui auraient été exigibles pour la partie trop payée de crédits préférentiels, calculé en application du taux d’intérêt usuel et diminué du montant d’intérêts payé à ce titre par les bénéficiaires de l’aide, qui a été minoré par l’application d’un taux d’intérêt préférentiel (75).

119. Il s’ensuit, d’une part, que l’argument des fabricants d’ascenseurs, selon lequel ce sont les bénéficiaires de l’aide qui subissent le préjudice et non le Land de Haute-Autriche, doit être rejeté. Il en va de même concernant l’argument de la Commission, selon lequel la perte d’intérêts est, en l’espèce, compensée par le fait que le montant correspondant au préjudice des bénéficiaires de l’aide (supplément de prix augmenté du taux d’intérêt préférentiel payé) doit, à son tour, être remboursé avec intérêts. En effet, les deux arguments sont fondés sur l’assimilation erronée du préjudice des bénéficiaires de l’aide au préjudice du Land de Haute-Autriche. En outre, l’argument de la Commission repose sur une confusion entre la circonstance que le préjudice invoqué par le Land de Haute Autriche constitue une perte d’intérêts, et la circonstance que tous les montants de réparation du préjudice causé par une entente, quelle que soit leur nature – c’est‑à‑dire qu’il s’agisse de pertes d’intérêts, de dommages liés à des prix trop élevés ou de tout autre préjudice – doivent être remboursés en plus des intérêts courus sur ces montants depuis leur exigibilité (76).

120. D’autre part, il résulte de la nature du préjudice invoqué par le Land de Haute-Autriche que l’argumentation des fabricants d’ascenseurs et de la Commission, selon laquelle ce préjudice serait seulement hypothétique, car le Land de Haute-Autriche n’aurait de toute façon pas pu placer de manière plus rentable les crédits indûment accordés en raison de l’entente, est erronée. En effet, comme cela a été expliqué aux points 114 et 115 des présentes conclusions, il relève d’une situation et d’une pratique juridiques courantes de considérer la simple absence irrégulière d’un montant déterminé pendant une période déterminée comme un préjudice financier concret, sans qu’il soit nécessaire de le justifier plus avant. De même, il relève d’une situation et d’une pratique juridiques courantes d’assimiler le montant de ce préjudice au produit des intérêts qui auraient été générés par l’application d’un taux d’intérêt pertinent pour le montant en cause pendant la période correspondante.

121. Il convient dès lors de rejeter l’argument de la Commission et des fabricants d’ascenseurs, selon lequel le préjudice invoqué par le Land de Haute‑Autriche correspond à un gain supplémentaire sur les intérêts, et donc à un manque à gagner (lucrum cessans), que le Land de Haute-Autriche n’aurait pu réaliser que s’il avait utilisé les montants concernés, en violation de leur finalité et de la loi, pour des opérations spéculatives sur les marchés financiers et non pour octroyer des crédits incitatifs en vue de l’aide à la construction de logements. En effet, le préjudice dont le Land de Haute-Autriche demande réparation constitue plutôt un dommage patrimonial et donc un dommage réel (damnum emergens), qui, comme cela a été expliqué aux points 114, 115 et 120 des présentes conclusions, consiste en ce que le Land de Haute-Autriche n’a pas pu disposer, pendant une période déterminée, des montants de crédit indûment versés.

122. Il s’ensuit que l’argumentation, selon laquelle le Land de Haute-Autriche n’a pas suffisamment démontré qu’il aurait pu placer les montants concernés au taux d’intérêt moyen des obligations fédérales, ou qu’il n’a pas fait valoir à suffisance ni en temps utile qu’il avait lui‑même dû lever ces fonds à ce taux sous la forme de prêts ou qu’il aurait pu les affecter au remboursement de crédits en cours, est également inopérante. En effet, le droit de percevoir des intérêts prévu par la loi vise précisément à rendre inutile la production de preuves concernant des bénéfices générés concrètement par une possibilité d’investissement.

123. Comme le Land de Haute-Autriche l’a expliqué lors de l’audience, la jurisprudence autrichienne elle‑même a posé le principe préconisant de placer les fonds disponibles des organes publics en obligations fédérales à taux fixe, et de prendre le taux d’intérêt applicable comme valeur de référence pour le calcul des pertes qui sont générées par l’absence temporaire de tels fonds. Selon le Land de Haute-Autriche, cette jurisprudence a également été expressément appliquée au préjudice qu’il a subi en l’espèce.

124. Cela signifie que, dans une situation telle que celle de la présente affaire, un prêteur étatique comme le Land de Haute-Autriche n’a pas à expliquer ni à prouver qu’il aurait pu placer le montant en cause de manière plus rentable ou l’affecter au remboursement de crédits en cours. Il suffit au contraire que ce prêteur étatique explique au juge national quel montant faisait défaut et depuis combien de temps, et, le cas échéant, le taux d’intérêt qui aurait été applicable. Comme le Land de Haute-Autriche l’indique à juste titre, une obligation aussi étendue incombant spécifiquement aux prêteurs étatiques de démontrer qu’ils avaient le pouvoir de placer les sommes en cause en conséquence ou de les affecter au remboursement de leurs propres crédits équivaudrait à une inégalité de traitement par rapport aux acteurs privés qui ne sont pas soumis à une telle obligation de preuve.

125. Dès lors, c’est par simple souci d’exhaustivité qu’il convient de noter que, dans la présente affaire, le Land de Haute-Autriche a, en toute hypothèse, expliqué de manière convaincante qu’il n’avait pas seulement le pouvoir soit de placer les fonds dédiés à l’aide à la construction de logements disponibles à court terme à taux fixe dans des obligations fédérales, soit de les affecter au remboursement de crédits en cours, jusqu’à ce qu’ils soient utilisés conformément à leur finalité ultérieure (versement aux bénéficiaires de l’aide), mais qu’il en avait même l’obligation dans le cadre de sa gestion d’actifs. De même, le Land de Haute‑Autriche a expliqué que, dans son exposé introductif de la procédure au principal, il avait déjà mesuré son préjudice aussi bien au regard de la possibilité de placer les sommes en cause aux conditions du marché que de la possibilité d’affecter lesdites sommes au remboursement de ses propres crédits. Cela semble également confirmé par l’ordonnance de la juridiction de deuxième instance dans la procédure au principal (77).

126. Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’un préjudice tel que celui que le Land de Haute-Autriche a invoqué dans la procédure au principal doit être réparé sur la base de l’article 101 TFUE, qui établit directement le droit de toute personne d’obtenir réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Conformément à la répartition des missions entre la Cour et les juridictions nationales, il appartient désormais à la juridiction nationale de déterminer l’étendue exacte du préjudice à réparer (78).

2)      Le préjudice causé à la collectivité par la mise en œuvre insuffisante de l’aide à la construction de logements résultant de l’entente

127. Comme cela a été expliqué précédemment, l’argument selon lequel le préjudice purement politique causé en l’espèce à la collectivité par l’entente dans le secteur des ascenseurs n’est pas réparable ne vise pas le préjudice en cause dans la procédure au principal et est donc inopérant (79). À titre surabondant, il convient de relever que cet argument est, par ailleurs, dénué de pertinence.

128. En effet, indépendamment de la question du calcul précis du préjudice subi, qui appelle une réponse dans un deuxième temps, le fait de considérer qu’un préjudice, causé à la collectivité par l’exécution insuffisante d’une obligation de service public en raison d’une entente, n’est pas réparable en tant que tel, voire inexistant, serait une expression inacceptable du principe préconisant « la privatisation des bénéfices et la mutualisation des pertes ».

129. S’il peut s’avérer difficile de déterminer précisément un préjudice causé « à la collectivité » au regard de la matérialité d’un tel préjudice, de la manière dont il se traduit concrètement, ainsi que de son caractère financier et calculable, on pourrait toutefois, dans ces cas-là, recourir à des modèles de calcul économiques ou envisager d’assimiler le préjudice concerné à un préjudice immatériel.

130. De même, on peut tout à fait imaginer des cas dans lesquels il est difficile d’identifier la personne morale à l’égard de laquelle un préjudice « de la collectivité » doit être réparé concrètement. Cependant, on pourrait alors concevoir qu’un représentant de l’intérêt général, en tant que porte-parole de la collectivité, demande réparation du préjudice subi et que le dédommagement payé par les responsables du préjudice soit versé à un fonds dont le produit bénéficierait à la collectivité (80).

3)      Conclusion intermédiaire

131. Il résulte des considérations qui précèdent que le préjudice du Land de Haute-Autriche, qui consiste en ce que la somme prêtée a été plus élevée, à concurrence d’un pourcentage des coûts du produit, que celle qu’elle aurait été en l’absence d’accord collusoire, dès lors que le Land de Haute-Autriche n’a pas pu placer ces montants au taux du marché ni les affecter au remboursement de crédits en cours, constitue un préjudice qui est à réparer sur le fondement de l’article 101 TFUE dans la mesure où il existe un lien de causalité suffisamment direct entre ce préjudice et l’entente sur les prix concernée.

c)      Le lien de causalité suffisamment direct entre infraction et préjudice

132. Il découle des observations qui précèdent que deux des trois conditions de la réparation du préjudice subi par le Land de Haute-Autriche, à savoir l’inclusion de la personne lésée et du préjudice dans l’objectif de protection de l’article 101 TFUE, et l’existence d’un préjudice réel et réparable, sont remplies. Ainsi la question déterminante est-elle désormais de savoir s’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et le préjudice du Land de Haute-Autriche.

133. Les fabricants d’ascenseurs et la Commission le contestent. En effet, il n’existerait, d’une part, aucun lien de causalité suffisamment concret entre les augmentations des prix des ascenseurs induites par l’entente et les mesures d’aide accordées par le Land de Haute-Autriche (section 1). D’autre part, le préjudice du Land de Haute-Autriche aurait été absolument imprévisible pour les fabricants d’ascenseurs participant à l’entente (section 2).

1)      Le lien de causalité concret entre le prix des ascenseurs et le montant des prêts

134. Les fabricants d’ascenseurs ne remettent pas sérieusement en question le fait que l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre les augmentations des prix des ascenseurs induites par l’entente et le préjudice subi par le Land de Haute-Autriche ne saurait être contestée au motif que le Land de Haute-Autriche n’avait pas lui‑même de liens contractuels directs avec les fabricants d’ascenseurs participant à l’entente. Une telle argumentation serait par ailleurs vouée à l’échec car il a été précisé, au moins depuis l’arrêt rendu dans l’affaire Kone e.a., que cet élément n’était pas déterminant (81).

135. Toutefois, les fabricants d’ascenseurs font valoir que la reconnaissance d’un lien de causalité suffisamment direct entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et les dommages liés à l’octroi de subventions subis par le Land de Haute-Autriche entraînerait une extension illimitée de la responsabilité des parties à l’entente pour tous les dommages consécutifs aux dommages causés par l’entente, qui n’auraient absolument plus rien à voir avec le marché en cause.

136. Aussi soutiennent-ils que, s’il est exact que les subventions publiques peuvent, en principe, influencer les activités de construction, il en est toutefois de même des politiques de taux d’intérêt des banques, de la fiscalité ou d’autres activités réglementaires de l’État. Le fait de reconnaître, en l’espèce, un lien de causalité suffisamment direct entre l’entente dans le secteur des ascenseurs et le préjudice subi par le Land de Haute-Autriche reviendrait à admettre le caractère réparable de tous les dommages subis par les autorités publiques dans le cadre de l’exécution de mesures, aussi générales soient-elles, d’ordre fiscal, réglementaire ou autre, uniquement parce que celles‑ci pourraient avoir une incidence quelconque sur le marché concerné par une entente.

137. Cette argumentation doit être rejetée.

138. En effet, la mesure prise par le Land de Haute-Autriche, qui fait l’objet du litige au principal, n’est pas une mesure générale, comparable à une réglementation fiscale ou autre. Ainsi, la politique d’aide en matière de construction de logements est certes une mesure générale de politique sociale qui vise à soutenir non seulement les différents bénéficiaires de l’aide, mais aussi l’intérêt général du pays. L’octroi des prêts incitatifs qui intervient dans le cadre de cette politique générale d’aide à la construction de logements, et dont la mise en œuvre a donné lieu au préjudice litigieux, constitue cependant un ensemble de mesures individuelles très concrètes qui sont prises à l’égard des différents bénéficiaires de l’aide.

139. Comme le Land de Haute-Autriche l’a expliqué, le montant des différents prêts ne correspond pas seulement à un certain pourcentage des coûts de construction ; la composition exacte de ces coûts est également indiquée de manière précise dans les dossiers de prêt, de sorte que ceux‑ci font également ressortir les coûts exacts des ascenseurs respectivement installés.

140. Dans ces conditions, peu importe de savoir si le Land de Haute-Autriche avait une influence sur la composition de ces coûts et, en particulier, sur le choix des ascenseurs respectivement choisis, ce que contestent les fabricants d’ascenseurs. Il suffit en effet de constater que les différents projets financés mentionnaient les ascenseurs installés et énuméraient de manière détaillée les frais payés à ce titre dans les dossiers de prêt. C’est d’ailleurs ce qui a également servi de base au Land de Haute-Autriche dans la procédure au principal pour calculer le montant exact du préjudice (82).

141. Par conséquent, le préjudice invoqué ne constitue pas n’importe quelle vague conséquence d’une mesure réglementaire générale qui aurait eu, par hasard, une incidence sur un marché concerné par une entente. Le lien de causalité entre l’augmentation du prix des ascenseurs installés et la quote-part correspondante du montant des prêts incitatifs respectifs peut au contraire être concrètement établi dans chaque cas. Ainsi existe-t-il un lien de causalité suffisamment direct entre le préjudice du Land de Haute-Autriche et les augmentations de prix générées par l’entente sur le marché autrichien des ascenseurs, et la reconnaissance de ce lien de causalité en l’espèce n’est en aucun cas assimilable à une extension illimitée de la responsabilité des participants à l’entente.

2)      La prévisibilité du préjudice du Land de Haute-Autriche pour les membres de l’entente dans le secteur des ascenseurs

142. Comme cela a déjà été expliqué précédemment, l’examen de l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre infraction et préjudice sert aussi à garantir qu’une personne ne doive répondre que des dommages qu’elle a causés par son comportement illégal, et dont elle pouvait raisonnablement prévoir la survenance (83).

143. Contrairement à ce que soutient la Commission, la question de la prévisibilité d’un certain type de dommages pour les participants à une infraction au droit de la concurrence n’est pas une simple question de fait dont l’examen incombe uniquement à la juridiction de renvoi. Comme nous l’avons déjà expliqué, il résulte au contraire de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Kone e.a. que, dans la procédure préjudicielle, la Cour détermine de manière abstraite et générale si les conditions requises par le droit de l’Union pour obtenir réparation du préjudice litigieux dans la procédure au principal sont remplies, la juridiction nationale de renvoi devant par la suite vérifier si ces conditions sont effectivement remplies dans le cas particulier (84).

144. Ainsi la Cour a-t-elle expressément vérifié, dans l’arrêt Kone e.a., si l’effet dit d’« ombrelle » (umbrella pricing), par lequel un tiers non membre d’une entente applique, en considération du gonflement des prix de marché résultant de l’entente, des prix plus élevés que ceux qu’il aurait pu appliquer dans des conditions normales de concurrence, est, in abstracto, un effet possible prévisible des ententes que leurs membres ne peuvent ignorer. Étant donné que c’était le cas, la juridiction de renvoi devait par la suite vérifier, au regard des circonstances de l’espèce et des spécificités du marché concerné, si l’entente en cause était effectivement susceptible d’avoir pour conséquence l’application d’un umbrella pricing par des tiers agissant de manière autonome, et si cela ne pouvait être ignoré par les membres de l’entente (85).

145. Dès lors, il convient de vérifier, en l’espèce, si un préjudice lié à l’octroi de subventions tel que celui dont le Land de Haute-Autriche demande réparation dans la procédure au principal constitue, in abstracto, un effet possible et prévisible d’une entente conclue dans le but de garantir à ses membres des prix plus élevés que ceux qu’ils auraient pu appliquer dans des conditions normales de concurrence.

146. Les fabricants d’ascenseurs et la Commission soutiennent que l’on ne peut en aucun cas partir de ce principe. Au contraire, la tentative de décrire les dommages allégués par le Land de Haute-Autriche dans des termes succincts et compréhensibles suffirait à montrer à quel point ils sont artificiels et « tirés par les cheveux ». Aucun fabricant d’ascenseurs avisé ne pourrait et ne devrait s’attendre à ce qu’une collectivité territoriale locale sans but lucratif place des fonds publics sur les marchés financiers à des fins spéculatives, en violation de leur finalité et de la loi, au lieu de les affecter à la mise en œuvre de ses missions politiques d’intérêt général, et les emploie, en définitive, à des fins étrangères à celles auxquelles ils sont destinés. Une telle démarche serait tout à fait inédite et le préjudice découlant de la perte de cette possibilité de spéculation ne serait donc absolument pas prévisible pour des opérateurs économiques tels que les fabricants d’ascenseurs.

147. Cette argumentation est dépourvue de tout fondement.

148. Tout d’abord, il est très courant dans le secteur du bâtiment que les maîtres d’ouvrage financent leurs projets par des crédits. Dès lors, les membres d’une entente conclue dans le but d’appliquer des prix plus élevés que dans des conditions normales de marché peuvent prévoir qu’un préjudice causé par des prix surfaits sera répercuté sur les partenaires financiers des maîtres d’ouvrage.

149. Par ailleurs, comme les fabricants d’ascenseurs l’ont eux‑mêmes expliqué lors de l’audience, les mesures d’aide en cause en l’espèce ont été adoptées dans un cadre légal établi qui est bien connu des opérateurs économiques intervenant dans le secteur de la construction ou qui fabriquent des éléments de construction comme des ascenseurs. Les fabricants d’ascenseurs devaient donc s’attendre à ce que leurs prix surfaits soient, au moins en partie, financés par des prêts bonifiés.

150. Enfin, pour pouvoir prévoir qu’un prêteur étatique tel que le Land de Haute-Autriche est susceptible de subir une perte d’intérêts en raison du versement indu de fonds de soutien induit par une entente, un opérateur économique ne doit absolument pas partir du principe que cet acteur étatique, en n’utilisant pas les fonds destinés à des projets d’intérêt général conformément à leur finalité initiale, mais plutôt en les investissant sur les marchés financiers, de manière spéculative et dans un but lucratif, agit en violation de la finalité de ces fonds, de la loi et de ses compétences. Comme cela a été expliqué aux points 114, 115 et 120 des présentes conclusions, le fait d’assimiler la simple absence irrégulière d’un montant déterminé pendant une certaine période à une perte d’intérêts relève au contraire d’une situation et d’une pratique juridiques courantes.

3)      Conclusion intermédiaire

151. Il découle des considérations qui précèdent qu’un préjudice tel que celui subi par le Land de Haute-Autriche tenant au fait que la somme prêtée était plus élevée, à concurrence d’un pourcentage des coûts du produit, que celle qu’elle aurait été en l’absence d’accord collusoire, dès lors que le Land de Haute-Autriche n’a pas pu placer ces montants au taux du marché ni les affecter au remboursement de crédits en cours, a un lien de causalité suffisamment direct avec l’accord collusoire et qu’il est prévisible pour les participants à l’entente.

VI.    Conclusion

152. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) :

L’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens que les personnes n’opérant pas comme fournisseur ni comme acheteur sur le marché concerné par une entente peuvent aussi actionner la responsabilité des membres de l’entente. Cela inclut les prêteurs étatiques qui accordent des prêts bonifiés aux acheteurs des membres de l’entente et dont le préjudice consiste en ce que la somme prêtée a été plus élevée, à concurrence d’un pourcentage des coûts du produit, que celle qu’elle aurait été en l’absence d’accord collusoire, dès lors qu’ils n’ont pas pu placer ces montants au taux du marché ni les affecter au remboursement de crédits en cours.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Voir, déjà, arrêts du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684) ; du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317).


3      Voir, dans le même sens, arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 18) ; voir, également, mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 17).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1).


5      Le recours en première instance du Land de Haute-Autriche a été introduit devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), le 2 février 2010 ; la directive 2014/104 est entrée en vigueur, conformément à son article 23, le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 25 décembre 2014.


6      Voir, à cet égard, déjà, mes conclusions dans l’affaire Cogeco Communications (C‑637/17, EU:C:2019:32, point 60).


7      En vertu de son considérant 12, « [la directive 2014/104] réaffirme l’acquis communautaire en matière de droit à réparation du préjudice causé par les infractions au droit de la concurrence de l’Union, conféré par le droit de l’Union, en particulier en ce qui concerne la qualité pour agir et la définition du dommage, tel qu’il a été affirmé dans la jurisprudence de la Cour de justice, et ne préjuge pas de son évolution future ».


8      Voir, à cet égard, également, arrêts du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, points 18 et suiv.) ; du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 10 et suiv.), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 5 et 6), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 5).


9      Ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche), en tant que juridiction compétente en matière d’ententes, du 14 décembre 2007 (affaire no 25 Kt 12/07).


10      Ordonnance de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême), en tant que juridiction suprême en matière d’ententes, du 8 octobre 2008 (affaire no 16 Ok 5/08).


11      Voir, à cet égard, également, arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 7 et suiv.), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, points 6 et suiv.).


12      Cela découle de l’exposé du Land de Haute-Autriche qui est repris dans le jugement interlocutoire du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) (juridiction de première instance dans la procédure au principal) du 21 septembre 2016 (affaire no 40 Cg 65/10z-66, p. 5 et 6) et dans l’ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne) (juridiction de deuxième instance dans la procédure au principal) du 27 avril 2017 (affaire no 5 R 193/16p-73, p. 6 et 7).


13      Le Land de Haute-Autriche est partie à la procédure au principal en tant que partie requérante sub 1. Les autres parties requérantes dans cette procédure sont des sociétés de constructions de logements. À la suite du jugement interlocutoire du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) (juridiction de première instance dans la procédure au principal) du 21 septembre 2016 (affaire no 40 Cg 65/10z-66), la présente demande de décision préjudicielle ne concerne que le recours introduit par le Land de Haute-Autriche.


14      Jugement interlocutoire du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) du 21 septembre 2016 (affaire no 40 Cg 65/10z-66).


15      Ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne), en tant que juridiction d’appel, du 27 avril 2017 (affaire no 5 R 193/16p-73).


16      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317).


17      Conclusions présentées dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, points 27 et suiv.).


18      Affaire 9 Ob 44/17m.


19      Voir point 11 des présentes conclusions.


20      Arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, points 17 et suiv.) ; du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 11 et suiv.) ; du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a. (C‑542/14, EU:C:2016:578, points 16 et suiv.), et du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371, points 28 et suiv.).


21      Voir, notamment, ordonnance du 21 décembre 1995, Max Mara (C‑307/95, EU:C:1995:465, point 5), ainsi qu’arrêts du 13 décembre 2012, Caves Krier Frères (C‑379/11, EU:C:2012:798, points 35 et 36), et du 10 janvier 2019, ET (C‑97/18, EU:C:2019:7, point 24).


22      Arrêts du 15 juin 1999, Andersson et Wåkerås-Andersson (C‑321/97, EU:C:1999:307, points 31 et suiv.) ; du 10 janvier 2006, Ynos (C‑302/04, EU:C:2006:9, points 30, 34 et suiv.), et du 27 juin 2018, Varna Holideis (C‑364/17, EU:C:2018:500, point 17).


23      Voir arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2012:72, points 61 et 62), et mes conclusions dans l’affaire Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2011:552, points 49 et suiv.).


24      Voir arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2012:72, points 44 et suiv.), et mes conclusions dans l’affaire Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2011:552, points 37 et suiv.).


25      Voir point 11 des présentes conclusions.


26      Voir, sur l’appréciation des effets à venir d’une situation née avant l’adhésion à l’Union d’un État membre, en vertu de l’état du droit en vigueur ultérieurement, arrêt du 3 septembre 2014, X (C‑318/13, EU:C:2014:2133, points 21 et suiv.), et mes conclusions dans l’affaire X (C‑318/13, EU:C:2014:333, points 18 et suiv.).


27      Arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22) ; du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 45) ; du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a. (C‑426/16, EU:C:2018:335, point 31), et du 25 juillet 2018, Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:583, point 73).


28      Conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:100, point 39).


29      Voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, EU:C:2001:465, points 23 à 26) ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 58 à 61 et 63) ; du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 20 à 22), et du 14 mars 2019, Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:204, points 24 à 26), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 26).


30      Voir arrêts du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C‑453/99, EU:C:2001:465, point 29) ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 62 à 64) ; du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 24 à 26), et du 14 mars 2019, Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:204, point 27).


31      Voir, en particulier, considérants 3, 4, 11, 12 et 13 de la directive 2014/104, ainsi que articles 1er, 3 et 4 de celle‑ci.


32      En ce sens, voir conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:100, point 33) : « [Q]uels sont donc les aspects concernant les actions en dommages et intérêts qui sont régis par le droit de l’Union et quels sont ceux qui, au contraire, sont régis par les droits nationaux [?] ».


33      Voir mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 23) et, à titre d’exemple de telles modalités d’exercice du droit à réparation, arrêt du 28 mars 2019, Cogeco Communications (C‑637/17, EU:C:2019:263, points 42 et suiv. ainsi que 56 et suiv.), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Cogeco Communications (C‑637/17, EU:C:2019:32, points 75 et suiv. ainsi que 87 et suiv.).


34      Conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:100, points 40 et 41).


35      Arrêt du 14 mars 2019, Skanska Industrial Solutions e.a. [C‑724/17, EU:C:2019:204, point 28, avec le renvoi aux points 60 à 62 des conclusions de l’avocat général Wahl dans cette même affaire (EU:C:2019:100)].


36      Voir point 40 et note de bas de page 29 des présentes conclusions, ainsi que jurisprudence citée.


37      Voir arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 95 à 97), et mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 27).


38      Voir, s’agissant du cas de figure de l’affaire Kone e.a., mes conclusions dans cette affaire (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 19) : la question était de savoir s’il existait un lien suffisamment étroit entre l’entente et les préjudices attribués aux effets dits d’« ombrelle » (umbrella pricing) sur les prix causés par celle‑ci. Lesdits effets se caractérisent par le fait qu’un tiers ne faisant pas partie d’une entente fixe ses prix, en raison des prix excessifs du marché causés par l’entente, à un niveau supérieur à celui qui aurait été possible dans des conditions normales de concurrence.


39      Arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 64) (souligné par mes soins).


40      Voir, à cet égard, déjà, mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, points 35, et 53 et suiv.).


41      Arrêts du 18 janvier 1984, Ekro (327/82, EU:C:1984:11, point 11) ; du 11 juillet 2006, Chacón Navas (C‑13/05, EU:C:2006:456, point 40), et du 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus (C‑444/15, EU:C:2016:978, point 66).


42      Voir, en ce sens, déjà, mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 29). L’importance particulière qui s’attache à ce que les réglementations relatives à la réparation du préjudice en matière de droit des ententes soient uniformes est désormais confirmée par les considérants 8 et 9 de la directive 2014/104.


43      Arrêt du 14 mars 2019, Skanska Industrial Solutions e.a. [C‑724/17, EU:C:2019:204, point 28, avec le renvoi aux points 60 à 62 des conclusions de l’avocat général Wahl dans cette même affaire (EU:C:2019:100)].


44      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 24 et 32).


45      Voir conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:100, point 37 et note de bas de page 20), et arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 27 et suiv., et, en particulier, points 34 et 37). À titre de comparaison, l’avocat général Wahl cite, en tant qu’exemples d’examen effectué au regard des principes d’équivalence et d’effectivité, les arrêts du 14 juin 2011, Pfleiderer (C‑360/09, EU:C:2011:389, points 30 à 32), et du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, points 32 à 34), auxquels il peut désormais être ajouté l’arrêt du 28 mars 2019, Cogeco Communications (C‑637/17, EU:C:2019:263, points 43 à 55).


46      Voir, déjà, points 1 et 36 des présentes conclusions.


47      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317).


48      Voir arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 27 et suiv.).


49      Voir, également, en ce sens, déjà, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 65).


50      Sur les conditions de la responsabilité non contractuelle des institutions de l’Union, voir arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE (26/81, EU:C:1982:318, point 16), et du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission (C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 40) ; sur les demandes de dommages et intérêts des particuliers à l’encontre des États membres pour violation du droit de l’Union, voir arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 40) ; du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 51), et du 14 mars 2013, Leth (C‑420/11, EU:C:2013:166, point 41).


51      Voir arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 34). Voir, également, en ce sens, déjà, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 66).


52      Voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2018, IR (C‑68/17, EU:C:2018:696, point 56).


53      Voir considérants 3 et 13 de la directive 2014/104.


54      Arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, points 43 et 44).


55      Voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 32), et du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 36).


56      Voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C 453/99, EU:C:2001:465, point 26) ; du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 60), et du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 21).


57      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 23 et jurisprudence citée).


58      Arrêt du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C‑536/11, EU:C:2013:366, point 24). Voir, également, concernant les deux fonctions du droit à réparation du préjudice causé par une entente, mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, points 59, 60 et 71), ainsi que conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Skanska Industrial Solutions e.a. (C‑724/17, EU:C:2019:100, point 28).


59      De même, une entreprise qui n’intervient pas elle‑même en tant que fournisseur ou acheteur sur le marché concerné par une entente peut aussi contribuer à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur ce marché et enfreindre ainsi l’article 101 TFUE ; voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 26, 33 et suiv.).


60      Voir point 40 des présentes conclusions et jurisprudence citée dans la note de bas de page 29.


61      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 19, 33 et 37).


62      Voir, à cet égard, mes conclusions dans l’affaire Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 33).


63      Voir, à cet égard, points 66 et 67, ainsi que points 132 et suiv. des présentes conclusions.


64      Voir point 80 des présentes conclusions.


65      Voir point 79 des présentes conclusions.


66      Conformément à l’article 33, paragraphe 3, du Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB) (loi allemande contre les restrictions de concurrence), est concernée par une infraction aux règles de la concurrence, et donc fondé à en demander réparation, « toute personne affectée par l’infraction en tant que concurrent ou en tant qu’autre opérateur du marché » (mis en italique par mes soins).


67      Voir Logemann, H. P., Der kartellrechtliche Schadensersatz, Duncker & Humblot, Berlin, 2009, p. 243 et 244 ; Emmerich, V., dans Immenga, U., Mestmäcker, E.-J., Wettbewerbsrecht, 5e édition, tome 2, Beck, Munich, 2014, § 33 GWB, point 14 ; Heinze, C., Schadensersatz im Unionsprivatrecht, Mohr Siebeck, Tübingen, 2017, p. 191 et 192. En revanche, se prononcent en faveur de la qualité pour agir des actionnaires susceptibles de faire valoir un préjudice propre, distinct de la société, par référence à la jurisprudence de la Cour, Engelhoven, P., Müller, B., « Kartellschadensersatz für Aktionäre einer kartellgeschädigten AG ? », Wirtschaft und Wettbewerb (WuW), 2018, p. 602 et suiv.


68      Voir considérants 38 à 44 ainsi que chapitre IV intitulé « Répercussion du surcoût » (articles 12 et suiv.) de la directive 2014/104.


69      Voir, également, à cet égard, considérants 11 à 13 ainsi que article 2, point 6, de la directive 2014/104.


70      Concernant le calcul du montant des prêts incitatifs et du préjudice du Land de Haute-Autriche, voir points 13 à 15 des présentes conclusions.


71      Voir article 108, paragraphe 4, et article 109 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).


72      Voir considérant 25 ainsi que article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).


73      Voir arrêt du 12 février 2008, CELF et Ministre de la Culture et de la Communication (C‑199/06, EU:C:2008:79, points 51 et suiv.).


74      Voir arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission (T‑16/96, EU:T:1998:78, points 8, 43, 50 et suiv.) ; du 27 septembre 2012, Italie/Commission (T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, points 3, 4, 146 et suiv.), et du 27 septembre 2012, Wam Industriale/Commission (T‑303/10, non publié, EU:T:2012:505, points 3, 4, 154 et suiv.).


75      Les prêts incitatifs accordés à des taux réduits se distinguent donc des subventions à fonds perdus, par lesquelles le Land de Haute-Autriche prend en charge, par des subventions directes ou des bonifications d’annuités, une partie des coûts de construction ou des mensualités de prêts des bénéficiaires de l’aide, et qui ne font pas l’objet de la présente demande de décision préjudicielle (voir points 12 à 14 des présentes conclusions). Les dommages causés au Land de Haute-Autriche et aux bénéficiaires de l’aide par le supplément de prix résultant de l’entente se recoupent dans ces subventions à fonds perdus, dans la mesure où le préjudice du Land de Haute-Autriche est contenu dans le supplément de prix payé par les bénéficiaires de l’aide en raison de l’entente, à concurrence de la quote-part des subventions non remboursables correspondant à l’augmentation du prix des ascenseurs résultant de l’entente. C’est pourquoi les bénéficiaires des subventions directes dans la procédure au principal ont cédé la partie de leurs droits à l’encontre des participants à l’entente au titre du supplément de prix payé, qui correspond aux subventions non remboursables du Land de Haute-Autriche, lequel fait à présent valoir ces droits à l’encontre des participants à l’entente : voir références aux décisions de première et de deuxième instance de la procédure au principal au point 12 des présentes conclusions.


76      Arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 97).


77      Cela ressort de l’argumentation exposée par les parties, même si la juridiction de deuxième instance a finalement jugé que le Land de Haute-Autriche fondait le calcul de son préjudice sur la perte de possibilités de placements ; voir ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne), statuant en tant que juridiction d’appel (juridiction de deuxième instance dans la procédure au principal), du 27 avril 2017 (réf. 5 R 193/16p-73, p. 10, 13, 48).


78      Voir, en ce sens, point 46 des présentes conclusions et arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, points 95 à 98).


79      Voir points 105 à 112 des présentes conclusions.


80      Les parens patriae antitrust actions, qui existent en droit des États-Unis d’Amérique, reposent, par exemple, sur une construction juridique semblable, laquelle permet aux state attorneys general de réclamer, au nom de leurs citoyens, la réparation des dommages causés à la population par le gonflement du prix de produits de consommation résultant d’une entente et d’affecter le produit de ces recours à des projets d’intérêt général ; voir, à cet égard, Farmer, S. B., « More lessons from the laboratories : Cy pres distributions in parens patriae antitrust actions brought by state Attorneys General », 68 Fordham L. Rev. 1999, p. 361 et suiv.


81      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 33).


82      Voir ordonnance de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne), statuant en tant que juridiction d’appel (juridiction de deuxième instance dans la procédure au principal), du 27 avril 2017 (réf. 5 R 193/16p-73, p. 30 et 31).


83      Voir point 83 des présentes conclusions.


84      Voir points 66 à 68 des présentes conclusions.


85      Arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:1317, points 30 et 34).