Language of document : ECLI:EU:C:2019:707

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

11 septembre 2019 (*)

« Pourvoi – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Mesures dirigées contre des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie – Preuve du bien-fondé de l’inscription sur les listes »

Dans l’affaire C‑540/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 août 2018,

HX, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me S. Koev, advokat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. I. Gurov et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, HX demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 juin 2018, HX/Conseil (T‑408/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:355), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2016, L 141, p. 125), du règlement d’exécution (UE) 2016/840 du Conseil, du 27 mai 2016, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2016, L 141, p. 30), de la décision (PESC) 2017/917 du Conseil, du 29 mai 2017, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2017, L 139, p. 62), et du règlement d’exécution (UE) 2017/907 du Conseil, du 29 mai 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2017, L 139, p. 15), pour autant que ces actes concernent le requérant (ci-après les « actes litigieux »).

 Le cadre juridique

2        Le 31 mai 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), dont l’annexe I énumère les noms de personnes et d’entités faisant l’objet de restrictions à l’admission sur le territoire des États membres et dont les avoirs sont gelés.

3        L’article 27, paragraphe 1, de cette décision énonçait que « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I ».

4        L’article 28, paragraphe 1, de ladite décision prévoyait que « [s]ont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II ».

5        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836 modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2015, L 266, p. 75).

6        Les considérants 3 et 5 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, énoncent :

« (3)      Le Conseil a constaté à plusieurs reprises avec une vive préoccupation que le régime syrien tentait de contourner les mesures restrictives de l’Union afin de continuer à financer et à soutenir sa politique de répression violente exercée contre la population civile.

[...]

(5)      Le Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’est en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein. Le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression. »

7        Aux termes de l’article 27 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836 :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I.

2.      Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, les États membres prennent aussi les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :

a)      des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

[...]

3.      Les personnes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrites ou maintenues sur la liste des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement.

4.      Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.

[...] »

8        Les paragraphes 5 à 11 de cet article 27 prévoient différentes exceptions aux restrictions instituées aux paragraphes 1 et 2 de celui-ci.

9        L’article 28, paragraphes 1 à 5, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, dispose :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes relevant des catégories suivantes, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, à savoir :

a)      les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

[...]

3.      Les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

4.      Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.

5.      Aucun fonds ou aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales ou entités dont les listes figurent aux annexes I et II, ni utilisé à leur profit. »

10      Les paragraphes 6 à 15 de cet article 28 prévoient différentes exceptions au gel des fonds institué aux paragraphes 1 et 2 de celui-ci.

11      La durée d’application de la décision 2013/255, prévue à son article 34, a fait l’objet de plusieurs prorogations. L’article 34 de cette décision, telle que modifiée par la décision 2017/917, énonce :

« La présente décision s’applique jusqu’au 1er juin 2018. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle peut être prorogée, ou modifiée selon le cas, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

12      Ce même 12 octobre 2015, pour assurer la mise en œuvre des mesures de gel des avoirs prévues par la décision 2015/1836 au niveau de l’Union, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2015/1828 modifiant le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2015, L 266 p. 1), dont l’annexe II énumère le nom de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés.

13      L’article 15, paragraphes 1 bis et 1 ter, du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoit :

« 1 bis. La liste figurant à l’annexe II comprend également les personnes physiques ou morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 28, paragraphe 2, de la [décision 2013/255] ont été identifiés par le Conseil comme relevant de l’une des catégories suivantes :

a)       les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;

[...]

ter. Les personnes, les entités ou les organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 1 bis ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste des personnes, entités et organismes figurant à l’annexe II s’il existe des informations suffisantes qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, associés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. »

 Les antécédents du litige

14      Le requérant est un homme d’affaires de nationalité syrienne dont le Conseil a ajouté le nom, le 22 juillet 2014, sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255, par la décision d’exécution 2014/488/PESC mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2014, L 217, p. 49) et sur celle figurant à l’annexe II du règlement no 36/2012, par le règlement d’exécution (UE) no 793/2014 mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2014, L 217, p. 10), pour des motifs identiques, libellés comme suit :

« Homme d’affaires important, président du groupe d’entreprises Akkad, qui opère dans divers secteurs de l’économie syrienne, y compris les secteurs pétrolier et gazier. Soutient le régime et en tire avantage. »

15      Le 27 mai 2016, par la décision 2016/850 et le règlement d’exécution 2016/840, le Conseil a maintenu le nom du requérant respectivement sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 et sur celle figurant à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après les « listes litigieuses »), sur la base de motifs modifiés comme suit :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Il détient des intérêts et/ou exerce une influence considérable dans Anwar Akkad Sons Group (AASG) et sa filiale United Oil. AASG est un conglomérat possédant des intérêts dans des secteurs tels que le pétrole, le gaz, la chimie, l’assurance, le matériel industriel, l’immobilier, le tourisme, les expositions, la passation de marchés et les équipements médicaux.

En 2012 encore, HX était membre du Parlement syrien.

HX n’aurait pas pu continuer à prospérer sans l’aide du régime. Compte tenu de l’importance de ses relations professionnelles et politiques avec le régime, il tire avantage de celui-ci et le soutient. »

16      Par arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), le Tribunal a annulé, au point 1 du dispositif, la décision d’exécution 2014/488 et le règlement d’exécution no 793/2014 en tant qu’ils concernaient le requérant, au motif, en substance, que les éléments fournis par le Conseil ne contenaient aucune preuve susceptible d’étayer ses allégations selon lesquelles le requérant soutenait le régime syrien ou bénéficiait des politiques menées par ce dernier. Au point 2, il a rejeté le recours pour le surplus, en considérant que la demande d’adaptation de la requête introductive d’instance présentée par le requérant était irrecevable.

17      Par arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848), la Cour a annulé le point 2 du dispositif de l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), et dit n’y avoir plus lieu de statuer sur la demande d’adaptation de la requête présentée par le requérant devant le Tribunal.

18      Le 29 mai 2017, par la décision 2017/917 et le règlement d’exécution 2017/907, le Conseil a décidé, sur la base d’un réexamen, que les mesures restrictives imposées au requérant devaient continuer à s’appliquer.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2016, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision 2016/850 et le règlement d’exécution 2016/840.

20      Le Conseil ayant adopté, en cours d’instance, la décision 2017/917 et le règlement d’exécution 2017/907, le requérant a adapté ses conclusions initiales de façon à ce que son recours vise également l’annulation de ces actes, en tant qu’ils le concernaient.

21      Lors de l’audience du 11 janvier 2018, le requérant a déposé une nouvelle offre de preuve, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

22      À l’appui de ses conclusions, le requérant a invoqué huit moyens tirés, le premier, d’une violation substantielle du droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction, le deuxième, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, le quatrième, d’une violation du droit à un recours effectif, le cinquième, d’une erreur d’appréciation du Conseil, le sixième, d’une violation du droit de propriété, du principe de proportionnalité et de la liberté d’entreprise, le septième, d’une violation du droit à des conditions de vie normales et, le huitième, d’une atteinte grave au droit à la réputation.

23      Aux points 31 à 34 de l’arrêt attaqué, à titre liminaire, le Tribunal a indiqué que le Conseil avait adopté « la décision 2015/1836, selon laquelle être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie constitue un critère juridique pour l’application des mesures restrictives », que cette décision avait modifié les articles 27 et 28 de la décision 2013/255 et que c’était à la lumière de ce contexte juridique qu’il convenait d’examiner les moyens soulevés. Ayant considéré que l’argumentation développée dans le cadre du quatrième moyen portait en réalité sur la motivation des actes litigieux, le Tribunal a, tout d’abord, examiné, aux points 37 à 54 de l’arrêt attaqué, ce moyen ensemble avec le troisième moyen. Estimant que les arguments soulevés à l’appui du deuxième moyen visaient en réalité une erreur d’appréciation, il a ensuite examiné conjointement, aux points 55 à 85 de l’arrêt attaqué, les deuxième et cinquième moyens, puis, aux points 86 à 94 de cet arrêt, le premier moyen et, enfin, aux points 95 à 111 dudit arrêt, les sixième à huitième moyens ensemble.

24      Le Tribunal a écarté l’ensemble de ces moyens et, par voie de conséquence, rejeté le recours.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

25      Le requérant demande à la Cour :

–        de juger le pourvoi recevable et fondé en totalité ;

–        d’annuler dans son intégralité l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler les actes litigieux en ce qu’ils le concernent ;

–        à défaut, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci rende une décision au fond, et

–        de condamner le Conseil à supporter tous ses dépens, frais, honoraires et autres, liés à sa défense.

26      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité et

–        de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

27      Le requérant soulève trois moyens au soutien de son pourvoi. Le premier moyen, qui se divise en trois branches, est tiré d’une erreur de droit concernant la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, la qualification des preuves présentées par le Conseil comme étant nouvelles et la proportionnalité des mesures restrictives prises. Par son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal une violation des règles en matière d’administration des preuves. Enfin, le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

28      Il convient d’examiner, tout d’abord, les première et deuxième branches du premier moyen ensemble avec le deuxième moyen, puis la troisième branche du premier moyen et, enfin, le troisième moyen.

 Sur les première et deuxième branches du premier moyen ainsi que sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

29      Par la première branche de son premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le Conseil a correctement appliqué la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, alors que cette présomption serait dépourvue de fondement juridique et disproportionnée par rapport à l’objectif légitime poursuivi. À cet égard, le requérant avance que, dans l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), ayant annulé son inscription sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives, devenu définitif à la suite de l’arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848), le Tribunal a estimé, d’une part, que, en dépit de ses liens avec le groupe AASG, il était impossible d’établir l’existence de liens entre lui et le régime syrien et, d’autre part, qu’il ne pouvait être déduit de la seule qualité d’homme d’affaires important qu’il soutenait ce régime ou bénéficiait des politiques menées par ce dernier. Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait omis d’examiner si le requérant était effectivement lié d’une quelconque manière avec ledit régime et s’il avait la possibilité d’exercer sur ce dernier une influence, et aurait considéré, à tort, que les conditions prévues à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, n’étaient pas réunies.

30      Par la deuxième branche de son premier moyen, le requérant soutient que c’est également à tort que, au point 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a qualifié les preuves présentées par le Conseil à l’occasion du présent recours de « nouvelles » et « variées », celles-ci provenant, en substance, de sources identiques ou similaires à celles examinées dans l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), à savoir des extraits de sites Internet de sociétés, des articles, des livres et des opinions diffusés publiquement, émanant notamment d’opposants au régime. Le Tribunal aurait ainsi « recopié » cet arrêt sur la base de preuves prétendument nouvelles, mais d’un seul type et au contenu identique, en parvenant à des conclusions opposées. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu le droit du requérant à un recours effectif résultant de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). 

31      Par son deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a violé les règles en matière d’administration des preuves, puisque la seule conclusion qu’il aurait été possible de tirer des preuves présentées par le Conseil était l’absence de lien entre lui et le régime syrien. Le requérant explique, à cet égard, que ces preuves étaient inexactes et non actualisées, puisque datant toutes, à l’exception de l’une d’entre elles, des années 2011 à 2013, qu’elles provenaient de sources non fiables et qu’elles ne contenaient aucune information quant à une participation directe de sa part aux affaires en Syrie. Le Tribunal aurait, en outre, interprété lesdites preuves de manière qui lui était défavorable, en les analysant partiellement, ainsi qu’en témoigneraient les considérations erronées figurant aux points 72 à 75 de l’arrêt attaqué. À l’inverse, le Tribunal aurait ignoré les preuves produites par le requérant, alors que celles-ci mettaient en évidence que son état de santé l’avait rendu inapte aux affaires, qu’il vivait hors de Syrie et qu’il avait toujours exprimé des opinions critiques et indépendantes du gouvernement syrien, alors même qu’il était membre du Parlement. Le point 76 de l’arrêt attaqué serait rédigé en des termes très généraux et en contradiction avec la jurisprudence de la Cour, le requérant n’étant pas tenu de prouver des faits réfutant les allégations du Conseil. Le Tribunal aurait ainsi omis de procéder à un contrôle complet des preuves.

32      Le Conseil conclut au rejet des première et deuxième branches du premier moyen. Il considère, à cet égard, qu’est irrecevable, car non étayée et présentée pour la première fois devant la Cour, l’argumentation du requérant relative à la présomption d’homme d’affaires influent et qu’est inexacte l’affirmation de celui-ci selon laquelle le Tribunal n’a pas examiné s’il était lié au gouvernement syrien et avait la possibilité d’exercer sur celui-ci une influence. Le requérant n’expliquerait pas non plus en quoi serait erroné le raisonnement du Tribunal selon lequel les éléments de preuve soumis dans le cadre de la présente affaire étaient différents de ceux soumis dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332).

33      Le Conseil ajoute que le deuxième moyen est irrecevable dans la mesure où, par celui-ci, le requérant entend obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour. À titre subsidiaire, le Conseil conclut au rejet de ce moyen comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

34      En premier lieu, s’agissant de la première branche du premier moyen, selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant que le Conseil a correctement appliqué la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il convient de rappeler que, conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit invoqués dans le cadre d’un pourvoi doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.

35      Selon la jurisprudence de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 75 et jurisprudence citée).

36      En outre, en vertu de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

37      Ainsi, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 74 et jurisprudence citée).

38      En l’occurrence, il ressort de l’arrêt attaqué, en particulier des points 49, 66 et 84 de celui-ci, que, contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal ne s’est référé à aucune présomption, mais seulement à un « critère » légal pour l’application des mesures restrictives et l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses. Ce critère a été institué à l’article 27, paragraphe 2, et à l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi qu’à l’article 15, paragraphe 1 bis, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, à l’égard des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie.

39      En tout état de cause, le requérant n’identifie aucun point de l’arrêt attaqué ni ne développe d’argumentation spécifique expliquant en quoi la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie dont il fait état serait dépourvue de fondement juridique et disproportionnée par rapport à l’objectif légitime poursuivi.

40      Enfin, dans la mesure où, par cette branche, le requérant entend contester la légalité de ce critère, il convient de relever que l’intéressé n’a pas soulevé un tel moyen devant le Tribunal, comme le fait valoir à juste titre le Conseil. En effet, au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le requérant n’avait, ni dans ses écritures ni lors de l’audience, contesté la légalité dudit critère. Or, dans son pourvoi, le requérant ne contredit pas cette affirmation du Tribunal ni ne critique ce point de l’arrêt attaqué.

41      Dans ces conditions, la première branche du premier moyen ne répond pas aux exigences de la jurisprudence citée aux points 35 et 37 du présent arrêt, de sorte qu’elle doit être rejetée comme étant irrecevable.

42      En deuxième lieu, la deuxième branche du premier moyen, selon laquelle les preuves présentées par le Conseil à l’occasion de la présente procédure seraient, contrairement à ce que le Tribunal a estimé au point 78 de l’arrêt attaqué, identiques ou similaires à celles fournies lors de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332), revient en réalité à contester l’appréciation des éléments de preuve que le Tribunal a effectuée.

43      Or, selon une jurisprudence bien établie, en cas de pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. En revanche, le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s’étend, notamment, à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil, C‑248/17 P, EU:C:2018:967, point 37 et jurisprudence citée).

44      Par suite, et alors que, dans son pourvoi, le requérant n’invoque pas une dénaturation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal, l’intéressé n’est pas recevable à reprocher à celui-ci d’avoir jugé que les preuves présentées par le Conseil étaient différentes de celles qu’il avait fournies dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 juin 2016, HX/Conseil (T‑723/14, EU:T:2016:332).

45      Quant à l’argumentation également développée dans le cadre de ladite branche, selon laquelle le Tribunal aurait méconnu le droit du requérant à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte, celle-ci ne répond pas aux exigences de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt, faute d’identifier avec suffisamment de précision les points de l’arrêt attaqué critiqués ainsi que les raisons pour lesquelles ceux-ci seraient erronés. Au demeurant, la Cour a déjà jugé que le principe de protection juridictionnelle effective ne saurait empêcher le Conseil de réinscrire une personne ou une entité sur une liste de personnes dont les avoirs sont gelés sur la base d’autres motifs que ceux sur lesquels reposait l’inscription initiale ou d’un motif identique fondé sur d’autres éléments de preuve (arrêt du 29 novembre 2018, National Iranian Tanker Company/Conseil, C‑600/16 P, EU:C:2018:966, point 54).

46      Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

47      En troisième lieu, par la première branche de son premier moyen et son deuxième moyen, le requérant soutient encore que le Tribunal n’aurait ni examiné s’il était lié au régime syrien et avait la possibilité d’exercer sur celui-ci une influence, alors qu’il ressortait des éléments de preuve présentés que les conditions de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que de l’article 15, paragraphe 1 bis, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, étaient réunies, ni effectué un contrôle complet de ces éléments de preuve.

48      Pour autant qu’ils visent à contester le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal, cette branche et ce moyen sont, en vertu de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, recevables. Toutefois, ils procèdent d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

49      En effet, et ainsi que le Tribunal l’a rappelé à bon droit aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti à l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique, en l’espèce, une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil, C‑248/17 P, EU:C:2018:967, point 39 et jurisprudence citée). En outre, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, ainsi que du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66).

50      Or, en l’espèce, aux points 71 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, de manière concrète, si le motif tiré de ce que le requérant présentait la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, figurant dans les actes litigieux, était suffisamment étayé par les documents produits par le Conseil, qui dataient des années 2011 à 2015. En particulier, en relevant, au point 76 de cet arrêt, que le requérant n’avait apporté aucun élément de nature à remettre en cause les allégations du Conseil et les documents les étayant, il n’a nullement omis d’examiner les pièces produites par l’intéressé ni inversé la charge de la preuve, mais a considéré que celles-ci ne permettaient pas d’infirmer la conclusion tirée desdits documents.

51      Il ressort également du point 81 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné si les conditions prévues à l’article 27, paragraphe 3, ainsi qu’à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, étaient réunies et estimé que tel n’était pas le cas.

52      Dans ces conditions, et alors que le requérant n’invoque pas de dénaturation, par le Tribunal, des pièces qu’il a produites, ses arguments pris d’une méconnaissance des règles relatives à l’administration et à la charge de la preuve ainsi que d’un contrôle incomplet et partial des éléments de preuve soumis au Tribunal reviennent, en réalité, à contester l’appréciation, par le Tribunal, des faits et des éléments de preuve ainsi que de la valeur qu’il a attribuée à ces éléments, ce qui, en vertu de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, n’est pas recevable au stade du pourvoi.

53      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les première et deuxième branches du premier moyen ainsi que le deuxième moyen du pourvoi.

 Sur la troisième branche du premier moyen

 Argumentation des parties

54      Par la troisième branche de son premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les mesures restrictives prises à son égard restreignaient, de façon justifiée et proportionnée, sa liberté de circulation dans l’Union, l’accès à ses avoirs et la possibilité de bénéficier d’une assistance médicale adéquate au vu de sa situation concrète, en violation de l’article 27, paragraphe 4, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et du principe de proportionnalité. En particulier, le point 106 de l’arrêt attaqué, selon lequel ces mesures seraient proportionnées au motif que l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire et l’utilisation de fonds gelés à des fins médicales et humanitaires, serait erroné dans la mesure où une telle autorisation repose sur un pouvoir d’appréciation au cas par cas, qui n’est soumis à aucun contrôle et ne requiert aucune motivation. La demande du requérant de poursuivre son traitement en France n’aurait reçu aucune réponse.

55      Le Conseil soutient que la troisième branche du premier moyen n’est pas fondée. En effet, le requérant se bornerait à affirmer, sans étayer une telle allégation, que la conclusion du Tribunal quant à la proportionnalité des mesures restrictives en cause est erronée.

 Appréciation de la Cour

56      Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées à ces droits et libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

57      Ainsi, comme l’a rappelé à bon droit le Tribunal aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte n’est pas une prérogative absolue. En outre, le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 102).

58      En l’occurrence, si les actes litigieux apportent des restrictions aux droits fondamentaux du requérant, ce dernier ne conteste pas, dans son pourvoi, le caractère légitime de l’objectif poursuivi par le droit de l’Union auquel ces restrictions répondent, à savoir la protection des populations civiles en Syrie, dont le Tribunal a relevé l’importance primordiale au point 110 de l’arrêt attaqué.

59      En outre, au point 105 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques. Au point 106 de cet arrêt, le Tribunal a ajouté, concernant le traitement médical du requérant, que l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire et l’utilisation de fonds gelés à des fins médicales et humanitaires. Il a également pris en compte, au point 107 dudit arrêt, l’existence d’un réexamen périodique en vue de garantir que les personnes et les entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur les listes litigieuses soient radiées.

60      Le Tribunal en a ainsi déduit, au point 110 de l’arrêt attaqué, sans commettre d’erreur de droit, que les restrictions apportées au droit de propriété du requérant par les actes litigieux n’étaient pas démesurées par rapport aux buts visés et que le droit de celui-ci à des conditions de vie normales n’avait pas été violé.

61      À cet égard, l’existence d’un pouvoir d’appréciation des États membres pour faire usage de la dérogation visée au point 106 de l’arrêt attaqué, en particulier pour autoriser l’entrée sur leur territoire pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire reprise à l’article 27, paragraphe 9, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que le refus d’entrée qui aurait cependant été opposé au requérant, dont il fait état dans son pourvoi, ne sont pas, compte tenu de ce qui précède, de nature à remettre en cause cette conclusion du Tribunal.

62      Par suite, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen du pourvoi.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

63      Par son troisième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 76 de l’arrêt attaqué, en considérant, en violation de l’article 85, paragraphe 3, de son règlement de procédure, qu’il n’avait pas présenté de motifs particuliers justifiant le retard accusé pour la présentation lors de l’audience de nouvelles preuves relatives à son lieu de résidence au Canada et en refusant d’admettre ces preuves. Or, ce retard aurait été justifié par des circonstances exceptionnelles, à savoir son éloignement et la détérioration de son état de santé, qui ont rendu impossible toute prise de contact avec ses avocats pendant une longue période. En outre, même en l’absence de motifs justifiant un tel retard, le Tribunal aurait dû prendre en considération ces preuves pour appliquer correctement le droit.

64      Le Conseil soutient que le troisième moyen n’est pas fondé, les documents en cause ne contenant aucune justification de leur dépôt tardif.

 Appréciation de la Cour

65      Selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

66      En l’occurrence, il est constant que le requérant a motivé par son état de santé le retard dans la présentation des documents qu’il a déposés en tant que nouvelle offre de preuve lors de l’audience devant le Tribunal, sans production, ainsi qu’il résulte du point 76 de l’arrêt attaqué, de justificatif médical.

67      Dans son pourvoi, le requérant se borne à de simples affirmations sans démontrer en quoi consisterait l’erreur de droit commise par le Tribunal. En particulier, sans production de justificatif médical, le Tribunal ne pouvait pas conclure que le retard dans la présentation de ces documents était, comme il le soutient, justifié par des circonstances exceptionnelles. En outre, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en ne prenant pas en compte les offres de preuve soumises tardivement, pour lesquelles de telles circonstances n’avaient pas été démontrées.

68      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen du pourvoi et, par voie de conséquence, le présent pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

69      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, cette dernière statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      HX est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne. 

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.