Language of document : ECLI:EU:C:2019:965

ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

13 novembre 2019 (*)

« Pourvoi – Intervention – Intérêt à la solution du litige – Aides d’État – Mesure d’incitation environnementale adoptée par le Royaume d’Espagne en faveur des centrales au charbon – Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Risque de récupération »

Dans l’affaire C‑536/19 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 juillet 2019,

EDP España SA, établie à Oviedo (Espagne), représentée par Mes J. L. Buendía Sierra et A. Lamadrid de Pablo, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Naturgy Energy Group SA, anciennement Gas Natural SDG SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes F. E. González-Díaz et J. Blanco, abogados,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par Mmes P. Němečková et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, EDP España SA demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 juin 2019, Naturgy Energy Group/Commission (T‑328/18, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:440), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande d’intervention au soutien des conclusions de Naturgy Energy Group SA, anciennement Gas Natural SDG SA, partie demanderesse en première instance dans l’affaire T‑328/18, visant à l’annulation de la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017 (ci-après la « décision litigieuse »), ouvrant la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de la mesure d’incitation environnementale adoptée par le Royaume d’Espagne en faveur des centrales au charbon [aide d’État SA.47912 (2017/NN)] (ci-après la « mesure en cause »).

2        En outre, EDP España demande à la Cour d’accueillir sa demande d’intervention.

3        Naturgy Energy Group et la Commission européenne ont présenté leurs observations écrites sur le pourvoi, respectivement, les 31 juillet et 30 août 2019.

 L’ordonnance attaquée

4        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté la demande d’intervention introduite par EDP España au soutien des conclusions de Naturgy Energy Group dans le cadre de l’affaire T‑328/18.

5        À ces fins, après avoir rappelé, au point 7 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence de la Cour et du Tribunal concernant la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le Tribunal a, en premier lieu, jugé, au point 12 de ladite ordonnance, que la participation de la requérante en tant que partie intéressée à la procédure administrative prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne suffisait pas, en tant que telle, à établir un tel intérêt.

6        En deuxième lieu, le Tribunal a relevé, au point 14 de l’ordonnance attaquée, qu’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, emporte des effets juridiques autonomes lorsque, au vu des conclusions qu’elle contient, elle produit un effet immédiat, certain et suffisamment contraignant sur l’État membre qui en est destinataire et le ou les bénéficiaires de la mesure d’aide sous examen. À cet égard, il a précisé, au point 15 de ladite ordonnance, que, à la différence d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure en cours d’exécution, une décision de cette nature visant une mesure qui n’est plus en cours d’exécution n’entraîne pas la suspension du versement de l’aide en cause et n’emporte donc pas d’effet juridique autonome à cet égard.

7        Dans ce cadre, le Tribunal a, aux points 16 et 17 de l’ordonnance attaquée, constaté, premièrement, que la décision litigieuse constituait une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de la mesure en cause, deuxièmement, que la requérante figurait dans cette décision parmi les bénéficiaires de cette mesure et, troisièmement, qu’une obligation de suspension de celle-ci avait été imposée à cet État membre à la date de l’adoption de la décision litigieuse, à savoir le 27 novembre 2017, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

8        Ainsi, afin de vérifier si la requérante pouvait justifier d’un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le Tribunal a examiné si la requérante bénéficiait encore de la mesure en cause à la date de l’adoption de la décision litigieuse.

9        À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, relevé, au point 19 de l’ordonnance attaquée, que les centrales électriques qui satisfaisaient aux trois conditions cumulatives indiquées au considérant 5 de la décision litigieuse pouvaient bénéficier de la mesure en cause. Par ailleurs, le Tribunal a, audit point, constaté que, conformément aux considérants 6 et 8 de cette décision, l’octroi de l’aide au titre de la mesure en cause était automatique dès que ces conditions étaient satisfaites et limité à une période de dix ans prenant cours à la date de la décision approuvant l’acte de mise en service des usines de désulfuration subventionnées.

10      Ensuite, le Tribunal a, au point 20 de l’ordonnance attaquée, constaté qu’il ressortait du tableau nº 3 de la décision litigieuse que les deux centrales appartenant à la requérante, à savoir Aboño 2 et Soto de Ribera 3, ont commencé à bénéficier de l’aide au titre de la mesure en cause, respectivement, au cours de l’année 2007 et de l’année 2008. Il en a déduit que l’expiration de la période de versement de cette aide aurait dû avoir lieu au cours de l’année 2016, pour la première, et de l’année 2017, pour la seconde.

11      Enfin, le Tribunal a, au point 21 de l’ordonnance attaquée, considéré qu’il ressortait de la décision litigieuse, d’une part, que la requérante ne bénéficiait plus, au cours de l’année 2017, de versements au titre de la mesure en cause en ce qui concerne la centrale Aboño 2 et, d’autre part, que, si les versements concernant la centrale Soto de Ribera 3 s’étaient poursuivis au cours de l’année 2017, la requérante n’avait pas établi que, à la date de l’adoption de la décision litigieuse, elle en bénéficiait toujours.

12      En troisième lieu, après avoir rappelé, au point 22 de l’ordonnance attaquée, qu’il résultait de la jurisprudence de la Cour que l’obligation de suspendre l’exécution de la mesure en cause peut ne pas être l’unique effet juridique d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, le Tribunal a, au point 23 de ladite ordonnance, estimé que l’obligation de récupérer l’aide en cause auprès de la requérante découlerait non pas de la décision litigieuse, mais d’une éventuelle décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen.

13      Dans ces conditions, le Tribunal a, au point 24 de l’ordonnance attaquée, jugé que la requérante n’avait pas établi qu’elle était touchée directement par la décision litigieuse et que son intérêt à la solution du litige était certain, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En conséquence, le Tribunal a, au point 25 de ladite ordonnance, rejeté la demande d’intervention introduite par la requérante.

 Sur le pourvoi

14      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens.

15      Il convient d’examiner d’abord le premier moyen du pourvoi.

 Argumentation

16      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le fait d’avoir la qualité de bénéficiaire de prétendues aides d’État et d’encourir le risque de récupération de celles-ci ne suffit pas à démontrer son intérêt direct et actuel à la solution du litige.

17      À cet égard, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 18 de l’ordonnance attaquée, que, pour justifier d’un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, elle devait démontrer qu’elle bénéficiait toujours des aides au titre de la mesure en cause à la date de l’adoption de la décision litigieuse.

18      Selon la requérante, le Tribunal a jugé à tort que la décision litigieuse n’était pas de nature à modifier sa position juridique, au motif que les versements au titre de la mesure en cause ne pouvaient pas être suspendus. En effet, en se fondant, notamment, sur les arrêts du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 45), ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 29 et 31), la requérante fait valoir, en substance, que, en sa qualité de bénéficiaire de la mesure en cause, elle est exposée au risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des montants déjà versés tant que la décision litigieuse produit ses effets. Elle justifierait ainsi d’un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

19      Par ailleurs, EDP España soutient que, contrairement à l’interprétation retenue par le Tribunal au point 23 de l’ordonnance attaquée, la demande d’intervention ne se référait pas seulement au risque de récupération des aides déjà versées découlant d’une éventuelle décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen. En effet, la requérante aurait allégué dans ladite demande que si la décision litigieuse était annulée, la procédure formelle d’examen se retrouverait privée de base juridique, de sorte qu’EDP España ne serait plus exposée au risque d’une éventuelle récupération des montants versés au titre de la mesure en cause.

20      La Commission conteste, à titre principal, la recevabilité du premier moyen. Selon elle, l’argumentation de la requérante tirée du risque de la récupération des aides versées au titre de la mesure en cause découlant d’une décision d’une juridiction nationale constitue un moyen nouveau invoqué pour la première fois au stade du pourvoi.

21      À titre subsidiaire, la Commission estime que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation

 Sur la recevabilité

22      Il y a lieu de rappeler que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59).

23      À l’appui de son premier moyen, la requérante fait valoir qu’elle est exposée au risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des montants versés au titre de la mesure en cause tant que la décision litigieuse produit ses effets.

24      Or, il ressort de la demande d’intervention présentée par la requérante devant le Tribunal que celle-ci a soutenu que, dans l’hypothèse où la décision litigieuse serait annulée, la procédure formelle d’examen serait privée de base juridique et ne serait pas clôturée par une décision finale, de telle sorte que la situation juridique d’EDP España serait modifiée en ce qu’elle ne serait plus soumise au risque d’une éventuelle récupération des montants déjà versés au titre de la mesure en cause.

25      Dans ce contexte, la requérante en a déduit, en se référant aux arrêts du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission (C‑77/12 P, non publié, EU:C:2013:695, points 52 et 53), ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 26 à 31), qui portent notamment sur les effets juridiques découlant d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et, en particulier, sur la possibilité des juridictions nationales d’ordonner la récupération des sommes déjà versées à la suite de l’adoption d’une telle décision, qu’elle avait un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

26      Ainsi, force est de constater que cette argumentation ne constitue pas un moyen nouveau, soulevé pour la première fois au stade du pourvoi.

27      Il s’ensuit que le premier moyen soulevé par la requérante doit être considéré comme étant recevable.

 Sur le fond

28      Conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne peut intervenir devant les juridictions de l’Union européenne si elle peut justifier d’un intérêt à la solution du litige soumis à l’une d’entre elles.

29      Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens dudit article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir [ordonnance du vice-président de la Cour du 17 mai 2018, États-Unis d’Amériques/Apple Sales International e.a., C‑12/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:330, point 7 et jurisprudence citée].

30      À cet égard, il convient, notamment, de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention [ordonnance du vice-président de la Cour du 6 octobre 2015, Comité d’entreprise SNCM/Commission, C‑410/15 P(I), EU:C:2015:669, point 6 et jurisprudence citée].

31      Aux points 16 et 17 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté, d’une part, que la décision litigieuse constituait une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de la mesure en cause et, d’autre part, que la requérante avait été bénéficiaire de cette mesure.

32      Il ressort des points 14, 15, 18 et 21 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a considéré, en substance, que la décision litigieuse n’entraînait pas la suspension du versement des aides au titre de la mesure en cause à l’égard de la requérante et n’emportait donc pas d’effet juridique autonome à cet égard.

33      Toutefois, le Tribunal a, au point 22 de l’ordonnance attaquée, rappelé que l’obligation de suspendre l’exécution de la mesure en cause pouvait ne pas être l’unique effet juridique d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. À cet égard, le Tribunal a, au point 23 de cette ordonnance, estimé que l’obligation de récupérer l’aide en cause auprès de la requérante découlerait non pas de la décision litigieuse mais d’une éventuelle décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen. Dans ces conditions, le Tribunal a, au point 24 de ladite ordonnance, jugé que la requérante n’avait pas établi qu’elle était touchée directement par la décision litigieuse et que son intérêt à la solution du litige était certain, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

34      Ce faisant, la requérante estime que le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, en se fondant, notamment, sur les arrêts du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 45), ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 29 et 31), la requérante soutient que, en sa qualité de bénéficiaire de la mesure en cause, elle est exposée au risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des montants déjà versés tant que la décision litigieuse produit ses effets. Elle justifierait ainsi d’un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe aux juridictions nationales de garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE sont tirées, conformément à leur droit national, notamment en ce qui concerne tant la validité des actes d’exécution que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition, l’objet de leur mission étant, par conséquent, d’adopter toutes les mesures propres à remédier à l’illégalité de la mise à exécution des aides, afin que le bénéficiaire ne conserve pas la libre disposition de celles-ci pour le temps restant à courir jusqu’à la décision de la Commission (arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 89 et jurisprudence citée).

36      Cela étant, la portée de l’obligation des juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle de l’article 108, paragraphe 3, TFUE peut varier en fonction de la question de savoir si la Commission a ou non ouvert la procédure formelle d’examen à l’égard de la mesure faisant l’objet du litige devant la juridiction nationale (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 33).

37      Si la Commission n’a pas encore ouvert la procédure formelle d’examen, les juridictions nationales, lorsqu’elles sont saisies d’une demande visant à tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE, doivent au préalable statuer sur la question de savoir si les mesures faisant l’objet du litige devant elles constituent ou non des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, points 34 et 35).

38      Toutefois, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure en cours d’exécution et qualifiée d’aide nouvelle, il existe à tout le moins un doute important sur la légalité de cette mesure, de sorte qu’une telle décision pourrait être invoquée devant un juge national appelé à tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2013, Deutsche Post/Commission, C‑77/12 P, non publié, EU:C:2013:695, point 52).

39      La Cour a jugé que l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Ainsi, les juridictions nationales doivent, en particulier, s’abstenir de prendre des décisions allant à l’encontre d’une décision de la Commission, même si elle revêt un caractère provisoire (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 41).

40      Par conséquent, lorsque, en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure non notifiée en cours d’exécution, une juridiction nationale, saisie d’une demande tendant à la cessation de l’exécution de cette mesure et à la récupération des sommes déjà versées, est tenue d’adopter toutes les mesures nécessaires en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’obligation de suspension de l’exécution de ladite mesure. À cette fin, la juridiction nationale peut décider de suspendre l’exécution de la mesure faisant l’objet du litige devant elle et d’enjoindre la récupération des montants déjà versés. Elle peut aussi décider d’ordonner des mesures provisoires afin de sauvegarder, d’une part, les intérêts des parties concernées et, d’autre part, l’effet utile de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 29).

41      Or, en l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé au point 31 de la présente ordonnance, le Tribunal a, aux points 16 et 17 de l’ordonnance attaquée, constaté, d’une part, que la décision litigieuse constituait une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de la mesure en cause et, d’autre part, que la requérante avait été bénéficiaire de cette mesure.

42      Ainsi, au regard de la jurisprudence rappelée au point 40 de la présente ordonnance, la requérante est exposée au risque qu’une juridiction nationale ordonne la récupération des aides versées au titre de la mesure en cause tant que la décision litigieuse produit ses effets.

43      Il s’ensuit que la requérante justifie d’un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions du recours en annulation formé par Naturgy Energy Group dans l’affaire T-328/18. Elle justifie ainsi d’un « intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

44      Dès lors, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 24 de l’ordonnance attaquée, qu’EDP España n’avait pas établi qu’elle était touchée directement par la décision litigieuse et que son intérêt à l’issue du litige était certain, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

45      Partant, le premier moyen soulevé par la requérante est fondé. Sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen, il y a donc lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’ordonnance attaquée.

 Sur la demande d’intervention présentée devant le Tribunal

46      Aux termes de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui‑ci est en état d’être jugé.

47      En l’occurrence, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur la demande d’intervention d’EDP España.

48      Ainsi qu’il ressort du point 43 de la présente ordonnance, la requérante justifie d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige dont le Tribunal est saisi, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

49      Par conséquent, la demande d’intervention de la requérante dans l’affaire T‑328/18 au soutien des conclusions de Naturgy Energy Group doit être accueillie.

 Sur les dépens

50      L’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour a jugé elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. EDP España ayant toutefois omis de conclure sur les dépens, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 juin 2019, Naturgy Energy Group/Commission (T328/18, non publiée, EU:T:2019:440), est annulée.

2)      EDP España SA est admise à intervenir dans l’affaire T328/18 au soutien des conclusions de Naturgy Energy Group SA.

3)      EDP España SA, Naturgy Energy Group SA et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.