Language of document : ECLI:EU:F:2016:119

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
(troisième chambre)

12 mai 2016

Affaire F‑50/15

FS

contre

Comité économique et social européen (CESE)

« Fonction publique – Agents temporaires – Article 2, sous c), du RAA – Agent temporaire engagé en vue d’exercer les fonctions de chef d’unité “auprès d’un groupe du Comité économique et social européen” – Article 44, second alinéa, du statut – Avancement d’échelon octroyé rétroactivement à l’issue d’une période probatoire de neuf mois – Application par analogie aux agents temporaires non prévue ratione temporis par le RAA – Période probatoire sui generis décidée contractuellement en dehors des hypothèses visées par le RAA – Prolongation de la période probatoire contractuelle – Qualité des prestations jugée insuffisante dans l’exercice des fonctions de chef d’unité – Réaffectation sur un emploi hors encadrement – Bénéfice de l’avancement d’échelon prévu à l’article 44, second alinéa, du statut »

Objet :      Recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel FS demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision du président du Comité économique et social européen (CESE), du 25 mai 2014, de ne pas la confirmer dans ses fonctions de chef d’unité et de la décision de même date, matérialisée par ailleurs dans un projet d’avenant à son contrat d’engagement comme chef d’unité, par laquelle le CESE l’a réaffectée sur un emploi hors encadrement en qualité d’administrateur de grade AD 12, ainsi que, d’autre part, la condamnation du CESE à la réparation du préjudice matériel et moral qu’elle estime avoir subi.

Décision :      La décision du président du Comité économique et social européen, du 25 mai 2014, telle que complétée par un avenant no 2 au contrat d’engagement de FS, par laquelle l’autorité habilité à conclure les contrats d’engagement du Comité économique et social européen ne l’a pas confirmée dans les fonctions de chef d’unité et l’a réaffectée, avec effet au 9 avril 2014, sur un emploi hors encadrement, est annulée. Le Comité économique et social européen est condamné à indemniser FS d’une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi. Les conclusions indemnitaires sont rejetées pour le surplus. Le Comité économique et social européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par FS.

Sommaire

1.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Candidat interne ayant déjà été confirmé dans ses fonctions d’agent temporaire – Affectation à un nouvel emploi comportant un classement à un grade supérieur – Soumission à un nouveau stage – Admissibilité

(Régime applicable aux autres agents, art. 14)

2.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Avancement en échelon – Agent occupant un poste d’encadrement – Prime d’encadrement – Application par analogie de l’article 44, second alinéa, du statut aux agents temporaires avant le 1er janvier 2014 – Exclusion – Parties étant contractuellement convenues de faire application par analogie de ladite disposition – Conséquences d’un exercice non satisfaisant des fonctions – Réaffectation sur un emploi hors encadrement – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 7, § 1, et 44, al. 2 ; régime applicable aux autres agents, art. 10, § 1)

3.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Emploi d’encadrement – Période probatoire – Conditions de déroulement – Modification de ces conditions au cours de ladite période – Obligation pour l’évaluateur de tenir compte de cette modification

(Statut des fonctionnaires, art. 44, al. 2 ; régime applicable aux autres agents, art. 14)

4.      Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évaluation – Établissement – Allégation de l’existence d’un harcèlement moral – Illégalité du rapport d’évaluation – Nécessité d’un lien entre le harcèlement et les appréciations négatives contenues dans le rapport – Charge de la preuve

(Statut des fonctionnaires, art. 12 bis et 43)

1.      L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement a la faculté d’imposer à un agent temporaire, lors de sa prise de fonctions en qualité de chef d’unité, l’obligation de s’acquitter d’un stage au sens de l’article 14 du régime applicable aux autres agents de 2004, nonobstant le fait que l’agent temporaire a déjà effectué un stage d’une durée de six mois lors de sa prise de fonctions initiale auprès de l’institution en question en qualité d’administrateur avec un grade inférieur à celui de l’emploi en cause.

À cet égard, le poste de chef d’unité peut valablement être considéré par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement comme impliquant une rupture dans la carrière de cet agent temporaire eu égard aux nouvelles fonctions attribuées et au grade plus élevé attaché à son nouveau poste.

(voir points 79 et 80)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêt du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 132

2.      Le régime applicable aux autres agents de 2004 ne contenait aucune disposition prévoyant une application par analogie de l’article 44, second alinéa, du statut de 2004 qui aurait permis aux institutions de l’Union de faire bénéficier les agents temporaires de l’avancement d’échelon prévu à cette disposition uniquement pour les fonctionnaires.

Une telle application par analogie aux agents temporaires n’est possible statutairement que depuis la prise d’effet, le 1er janvier 2014, du nouvel article 20, paragraphe 4, du régime applicable aux autres agents de 2014, lequel a, aux termes de l’article 2, sous 13), du règlement no 1023/2013, lui-même entré en vigueur le 1er novembre 2013, remplacé l’article 20, paragraphe 4, dudit régime de 2004.

Même si les parties étaient convenues de faire application par analogie de l’article 44, second alinéa, du statut de 2004 en prévoyant contractuellement l’accomplissement d’une période probatoire et le versement d’une prime contractuelle à l’intéressé pour le cas où ce dernier aurait accompli ses fonctions d’encadrement de manière satisfaisante, l’article 44, second alinéa, du statut de 2004 ne prévoit pas comme conséquence d’un exercice non satisfaisant desdites fonctions que l’intéressé doit être réaffecté sur un emploi hors encadrement.

À cet égard, ledit contrat d’engagement et les avenants y relatifs relèvent, en application de l’article 10, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de 2004, du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, du statut de 2004.

Même si le statut de 2004, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois. Il s’ensuit que, dans la pratique, les décisions de réaffectation sont soumises, au même titre que les mutations, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et des intérêts légitimes du fonctionnaire ou agent intéressé, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut.

(voir points 84, 85, 90, 92 et 93)

Référence à :

Tribunal de première instance : arrêt du 11 juillet 1996, Aubineau/Commission, T‑102/95, EU:T:1996:104, point 27

Tribunal de la fonction publique : arrêts du 25 janvier 2007, de Albuquerque/Commission, F‑55/06, EU:F:2007:15, point 55 ; du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑157/12, EU:F:2014:164, points 45 et 46, et du 10 septembre 2014, Tzikas/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 91

3.      La raison d’être de la période probatoire au titre de l’article 44, second alinéa, du statut de 2004 est proche de celle justifiant le stage imposé aux agents temporaires au titre de l’article 14 du régime applicable aux autres agents de 2004.

L’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement doit mettre un agent temporaire soumis à une période probatoire, telle que le stage prévu à l’article 14 du régime applicable aux autres agents de 2004, en mesure de l’accomplir dans des conditions normales. Ainsi, même si cette période probatoire est destinée à permettre d’apprécier les aptitudes et le comportement de l’agent temporaire dans ses nouvelles fonctions, éventuellement d’encadrement, et ne peut donc pas être assimilée à une période de formation, il n’en est pas moins impératif que, durant cette période probatoire, l’intéressé soit mis en mesure par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de faire la preuve de ses qualités professionnelles, en bénéficiant d’instructions et de conseils appropriés, tenant compte de la nature des fonctions exercées, de même que d’éventuels avertissements oraux ou écrits lui permettant d’adapter et d’améliorer ses prestations en fonction des exigences du service.

Dans cette perspective, l’expérience antérieure de l’agent temporaire soumis à une nouvelle période probatoire ne saurait être négligée. En effet, si cette expérience ne peut, comme telle, remettre en cause l’utilité de la période probatoire, cette même expérience peut cependant déterminer le degré d’encadrement dont il doit bénéficier pour que la nouvelle période probatoire puisse remplir son objectif.

Par ailleurs, c’est uniquement lorsqu’il existe des règles internes à l’institution prescrivant la fixation d’objectifs à un fonctionnaire au début d’une période d’évaluation que la méconnaissance de ces règles a un caractère substantiel et justifie la censure de l’évaluation litigieuse au motif que la description du poste n’aurait pas été suffisante en termes de fixation d’objectifs.

Enfin, l’agent temporaire soumis à une période probatoire doit bénéficier de conditions matérielles adéquates afin de réaliser les tâches qui lui sont dévolues et, lorsque l’administration décide de modifier les conditions de déroulement de sa période probatoire pour des raisons qui sont étrangères à l’agent concerné, l’évaluateur doit en tenir compte afin de déterminer dans quelle mesure ledit agent a atteint ses objectifs et, par suite, pour évaluer sa performance.

(voir points 97 à 100 et 103)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêts du 12 juin 2013, Bogusz/Frontex, F‑5/12, EU:F:2013:75, points 56 et 57 ; du 26 mars 2014, CP/Parlement, F‑8/13, EU:F:2014:44, points 57 et 58 et jurisprudence citée ; du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 44 ; du 6 novembre 2014, DH/Parlement, F‑4/14, EU:F:2014:241, points 55 et 56, et du 11 décembre 2014, CZ/AEMF, F‑80/13, EU:F:2014:266, points 67 et 68

4.      Ce n’est pas parce que l’existence d’un harcèlement moral subi par un fonctionnaire ou agent serait démontrée que toute décision faisant grief à cette personne et intervenant alors que ce dernier ferait l’objet d’agissements constitutifs de harcèlement moral serait pour autant illégale. Il appartient encore à la partie requérante de démontrer l’incidence de tels agissements, s’ils sont avérés, sur la teneur de l’acte attaqué. Il appartient ainsi à la partie requérante d’apporter la preuve que les appréciations de ses prestations en qualité de chef d’unité dans la fiche d’évaluation seraient la manifestation d’un harcèlement moral à son endroit.

(voir points 109 et 110)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêts du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 69 ; du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 86 ; du 19 juin 2013, CF/AESA, F‑40/12, EU:F:2013:85, point 79 ; du 10 juillet 2014, CW/Parlement, F‑48/13, EU:F:2014:186, point 129, et du 26 mars 2015, CW/Parlement, F‑41/14, EU:F:2015:24, points 89 et 90