Language of document : ECLI:EU:F:2013:169

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

5 novembre 2013 (*)

« Fonction publique – Exécution d’un arrêt – Dépens – Remboursement des dépens – Remboursement de la somme payée au titre des dépens récupérables suite à un arrêt annulant partiellement l’arrêt par lequel la partie requérante a été condamnée à ces dépens »

Dans l’affaire F‑63/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Carlo De Nicola, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par M. G. Nuvoli et Mme F. Martin, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 20 juin 2012, M. De Nicola demande au Tribunal d’annuler le refus de la Banque européenne d’investissement (BEI) de lui rembourser les dépens versés sur le fondement d’un arrêt du Tribunal ultérieurement annulé par le Tribunal de l’Union européenne.

 Faits à l’origine du litige

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2008, le requérant a demandé notamment, premièrement, l’annulation de la décision du 14 décembre 2007 par laquelle le comité de recours de la BEI a rejeté son recours tendant, d’une part, à la réévaluation de la note qui lui avait été attribuée pour l’année 2006 et, d’autre part, à l’annulation des décisions de la BEI du 13 juillet 2007 relatives aux promotions adoptées au titre de l’année 2006, en tant qu’elles avaient omis de le promouvoir à la fonction D, deuxièmement, l’annulation de son rapport d’appréciation 2006 et des décisions du 13 juillet 2007 en tant qu’elles avaient omis de le promouvoir à cette fonction, troisièmement, la constatation qu’il avait été victime d’un harcèlement moral, quatrièmement, la condamnation de la BEI à réparer les préjudices qu’il estimait avoir subis en raison de ce harcèlement, enfin, l’annulation de la décision de refus de prise en charge de certains frais de traitement médical par laser.

3        Par arrêt du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, ci-après l’« arrêt du 30 novembre 2009 »), le Tribunal a rejeté le recours et condamné le requérant aux dépens exposés par la BEI, ainsi qu’il ressort respectivement des points 1 et 2 du dispositif.

4        Par pourvoi introduit le 28 janvier 2010 au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant a demandé au Tribunal de l’Union européenne l’annulation de l’arrêt du 30 novembre 2009.

5        Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 29 mars 2010, la BEI a saisi le Tribunal d’une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du 30 novembre 2009.

6        Par ordonnance du 27 septembre 2011, De Nicola/BEI (F‑55/08 DEP), le Tribunal a fixé à 6 000 euros le montant des dépens récupérables par la BEI dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009.

7        Le 15 novembre 2011, le requérant a versé la somme de 6 000 euros à la BEI.

8        Par arrêt du 27 avril 2012, De Nicola/BEI (T‑37/10 P, ci-après l’« arrêt du 27 avril 2012 »), le Tribunal de l’Union européenne a :

–        au point 1 du dispositif, annulé l’arrêt du 30 novembre 2009 en ce qu’il a rejeté, premièrement, les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la BEI, deuxièmement, ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de sa promotion au titre de l’année 2006, ainsi que de tous les actes connexes, consécutifs et préalables à cette décision, et, troisièmement, ses conclusions tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la BEI en raison du harcèlement qu’elle aurait exercé à son égard et tendant à la réparation des préjudices allégués à ce titre ;

–        au point 2, rejeté le pourvoi pour le surplus ;

–        au point 3, renvoyé l’affaire devant le Tribunal ;

–        au point 4, réservé les dépens.

9        Par courrier électronique du 29 avril 2012, le requérant, se prévalant de l’arrêt du 27 avril 2012, a demandé à la BEI le remboursement de la somme de 6 000 euros, ainsi que des intérêts.

10      En réponse au courrier électronique du 29 avril 2012, la BEI a, par note du 4 mai 2012, expliqué au requérant que, puisque le Tribunal de l’Union européenne avait, par l’arrêt du 27 avril 2012, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé les dépens, une décision sur les dépens serait prise ultérieurement par celui-ci, lors de la procédure de renvoi (ci-après la « décision du 4 mai 2012 »).

11      Par courrier électronique du 21 mai 2012, le requérant a, de nouveau, réclamé à la BEI le remboursement de la somme de 6 000 euros et des intérêts y afférant.

12      Par note du 25 mai 2012, la BEI a répété au requérant que, dès lors que le Tribunal de l’Union européenne avait, dans l’arrêt du 27 avril 2012, réservé les dépens, elle n’avait pas le droit de rembourser à l’intéressé la somme de 6 000 euros avant que n’intervienne la décision du Tribunal, lequel sera amené à statuer sur les dépens relatifs à la procédure tant dans l’affaire F‑55/08 RENV que dans les affaires F‑55/08 et T‑37/10 P (ci-après la « décision du 25 mai 2012 »).

13      Le requérant indique avoir reçu la note du 25 mai 2012.

 Conclusions des parties et procédure

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions des 4 et 25 mai 2012 ;

–        condamner la BEI à lui rembourser la somme de 6 000 euros, avec intérêts et compensation de l’érosion monétaire de la date du paiement à celle du versement effectif ;

–        condamner la BEI à réparer équitablement les dommages causés ;

–        condamner la BEI aux dépens.

15      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

16      Le Tribunal a proposé aux parties de régler le litige à l’amiable. Cette proposition n’a pas abouti.

17      Les représentants des parties ayant indiqué qu’ils n’assisteraient pas à l’audience, le Tribunal a clôturé la procédure orale en application de l’article 50, deuxième alinéa, du règlement de procédure.

 En droit

 Arguments des parties

18      Le requérant rappelle que la somme de 6 000 euros avait été versée sur la base de l’arrêt du 30 novembre 2009, mais que cet arrêt a été annulé par l’arrêt du 27 avril 2012. Le requérant en déduit que cette somme aurait dû lui être restituée.

19      La BEI rétorque que la somme de 6 000 euros lui a été versée sur la base d’un titre valable, en l’espèce l’arrêt du 30 novembre 2009, lequel, à l’article 2 de son dispositif, a condamné le requérant aux dépens. Or, l’arrêt du 27 avril 2012 n’aurait pas annulé l’article 2 de l’arrêt du 30 novembre 2009. Ainsi, ce dernier arrêt, quoique annulé en partie par le Tribunal de l’Union européenne, continuerait à avoir force exécutoire en ce qui concerne la condamnation aux dépens. En d’autres termes, la circonstance que, à l’article 4 du dispositif de son arrêt du 27 avril 2012, le Tribunal de l’Union européenne ait indiqué que les dépens étaient réservés n’aurait pas entraîné la disparition de la décision sur les dépens contenue dans l’arrêt du 30 novembre 2009. Selon la BEI, aussi longtemps que le Tribunal n’aura pas de nouveau statué sur les dépens dans l’affaire F‑55/08 RENV en vertu de l’article 115 du règlement de procédure, l’arrêt du 30 novembre 2009 conserverait sa force exécutoire en ce qui concerne les dépens.

 Appréciation du Tribunal

20      Il est constant que le requérant a versé à la BEI la somme de 6 000 euros à la suite, d’une part, de l’arrêt du 30 novembre 2009, par lequel le Tribunal l’a condamné aux dépens, d’autre part, de l’ordonnance De Nicola/BEI, précitée, qui a fixé à 6 000 euros le montant des dépens récupérables par la BEI dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009.

21      Il est également constant que, postérieurement au versement par le requérant de cette somme de 6 000 euros à la BEI, le Tribunal de l’Union européenne a, par l’arrêt du 27 avril 2012, annulé l’arrêt du 30 novembre 2009 en ce que celui-ci, au point 1 de son dispositif, avait rejeté « premièrement, les conclusions [du requérant] tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la [BEI], deuxièmement, ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de sa promotion au titre de l’année 2006, ainsi que de tous les actes connexes, consécutifs et préalables à cette décision, et, troisièmement, ses conclusions tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la BEI en raison du harcèlement qu’elle aurait exercé à son égard et tendant à la réparation des préjudices allégués à ce titre ».

22      Or, contrairement à ce que prétend la BEI, l’arrêt du 27 avril 2012 a également fait disparaître la condamnation du requérant aux dépens, telle que figurant au point 2 du dispositif de l’arrêt du 30 novembre 2009.

23      En effet, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 115 du règlement de procédure, en cas d’annulation par le Tribunal de l’Union européenne d’un arrêt ou d’une ordonnance du Tribunal et de renvoi à celui-ci de l’affaire, le Tribunal doit, dans la décision mettant fin à l’instance, statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne.

24      Une telle disposition met en évidence que l’annulation, même partielle, par le Tribunal de l’Union européenne d’un arrêt ou d’une ordonnance du Tribunal a pour effet d’annuler les dispositions par lesquelles le Tribunal, dans cet arrêt ou cette ordonnance, a statué sur les dépens.

25      Ainsi, l’arrêt du 27 avril 2012 a fait disparaître la base légale sur laquelle était fondée la créance de 6 000 euros détenue par la BEI sur le requérant, en l’occurrence le point 2 du dispositif de l’arrêt du 30 novembre 2009.

26      Il est vrai que l’arrêt du 27 avril 2012 n’a pas expressément annulé le point 2 du dispositif de l’arrêt du 30 novembre 2009, qui avait condamné le requérant aux dépens. Toutefois, contrairement à ce que prétend la BEI, il ne saurait être déduit de cette circonstance que l’arrêt du 27 avril 2012 a laissé subsister le point 2 du dispositif de l’arrêt du 30 novembre 2009. En effet, ainsi qu’il a été dit, l’article 115 du règlement de procédure doit être interprété comme impliquant nécessairement que l’annulation, même partielle, par le Tribunal de l’Union européenne d’un arrêt ou d’une ordonnance du Tribunal a pour effet d’annuler les dispositions par lesquelles le Tribunal, dans cet arrêt ou cette ordonnance, a statué sur les dépens.

27      Dans ces conditions, il appartenait à la BEI de faire droit aux demandes du requérant, introduites les 29 avril et 21 mai 2012, tendant à ce que la somme de 6 000 euros lui soit restituée.

28      Il s’ensuit que les décisions des 4 et 25 mai 2012, par lesquelles la BEI a rejeté ces demandes et qui font, pour ce motif, grief au requérant, sont entachées d’illégalité et doivent être annulées.

29      La BEI doit être condamnée à payer au requérant la somme de 6 000 euros, majorée d’intérêts compensatoires à compter du 29 avril 2012, date à laquelle, pour la première fois, l’intéressé a demandé à la BEI de lui rembourser, avec intérêts, la somme de 6 000 euros.

30      Le taux de ces intérêts doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

31      En revanche, les conclusions tendant à ce que la BEI soit condamnée à « réparer équitablement les dommages causés » doivent être rejetées. En effet, de telles conclusions, au demeurant non chiffrées, ne sont assorties d’aucun élément de preuve qui mettrait en évidence que le requérant aurait subi un préjudice indépendant du retard apporté par la BEI au remboursement de la somme due.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

33      Il résulte des motifs du présent arrêt que la BEI est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce que la BEI soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la BEI doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions des 4 et 25 mai 2012 de la Banque européenne d’investissement sont annulées.

2)      La Banque européenne d’investissement est condamnée à payer à M. De Nicola la somme de 6 000 euros, majorée d’intérêts compensatoires à compter du 29 avril 2012. Le taux des intérêts compensatoires doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

3)      Le surplus de la requête est rejeté.

4)      La Banque européenne d’investissement supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. De Nicola.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’italien.