Language of document : ECLI:EU:T:2019:72

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 février 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure de nomination à un poste de chef d’unité – Avis de vacance – Rejet d’une candidature – Nomination d’un autre candidat – Obligation de motivation – Principe de bonne administration – Intérêt du service – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de non-discrimination »

Dans l’affaire T‑549/17,

Frederik Duym, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Oostende (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du comité consultatif de sélection, communiquée au requérant par courriel du 7 octobre 2016, rejetant sa candidature dans le cadre de la procédure de sélection du chef de l’unité de langue néerlandaise au sein du service de traduction du Conseil, ainsi que de la décision subséquente de l’autorité investie du pouvoir de nomination du Conseil du 20 décembre 2016 de nommer Mme A. audit poste,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Frederik Duym, est fonctionnaire depuis le 1er mars 1998. Il est entré au service du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne le 1er juin 2003.

2        Le 8 septembre 2016, le Conseil a publié un avis de vacance interne, sous le numéro 2348, en vue de pourvoir le poste de chef de l’unité de langue néerlandaise au sein du service de traduction (DGA 3B) (ci-après l’« avis de vacance »).

3        L’avis de vacance prévoyait notamment, sous le titre « Remarques », le déroulé de la procédure de sélection. Tout d’abord, le comité consultatif de sélection devait effectuer une évaluation et une comparaison des titres ou des diplômes, de l’expérience et de la motivation des différents candidats. Sur la base de cette évaluation comparative, ledit comité devait ensuite dresser une liste restreinte de candidats invités à passer un premier entretien puis faire une présélection de candidats. Enfin, les candidats présélectionnés étaient invités à passer des épreuves dans un centre d’évaluation géré par des consultants en recrutement externes ainsi qu’un second entretien.

4        Cinq candidatures ont été soumises. L’une d’elles émanait du requérant.

5        Conformément à l’avis de vacance, le comité consultatif de sélection a d’abord procédé à une évaluation comparative des dossiers de candidature, à l’issue de laquelle quatre candidats, dont le requérant, ont été invités à passer le premier entretien.

6        Au terme du premier entretien, le requérant n’a pas été présélectionné par le comité consultatif de sélection. Ce dernier l’a informé du rejet de sa candidature par un courriel du 7 octobre 2016 (ci-après la « décision du 7 octobre 2016 »). Dans ce courriel, il était précisé que, sur la base de l’appréciation comparative des candidats invités au premier entretien, ledit comité avait décidé de ne pas retenir la candidature du requérant pour la suite des épreuves de sélection.

7        Les deux candidats présélectionnés ont été invités à passer les épreuves dans le centre d’évaluation ainsi que le second entretien avec le comité consultatif de sélection. Ce dernier, dans son rapport du 19 octobre 2016, adressé à l’autorité investie du pouvoir de nomination du Conseil (ci-après l’« AIPN »), recommandait de recruter Mme A. Par décision du 20 décembre 2016, l’AIPN a nommée Mme A. en tant que chef de l’unité de langue néerlandaise au service de traduction, avec effet au 1er janvier 2017 (ci-après la « décision de nomination de Mme A. »).

8        Par un courriel du 16 novembre 2016, le requérant a demandé au président du comité consultatif de sélection qu’il lui communique la notation chiffrée relative à son entretien. Par un courriel du 30 novembre 2016, le président de ce comité a invité le requérant à une réunion avec lui-même et la représentante des ressources humaines, présente lors de son entretien, pour lui fournir un compte rendu dudit entretien. Le requérant n’a pas donné suite à cette invitation.

9        Le 5 janvier 2017, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), par laquelle il demandait, à titre principal, le retrait de la décision l’excluant de la procédure de sélection pour le poste de chef d’unité de langue néerlandaise ainsi que le retrait de la décision de nomination de Mme A. ou, à titre compensatoire, sa nomination en tant que conseiller ou équivalent.

10      Par décision du 4 mai 2017, notifiée au requérant par courriel du même jour, l’AIPN a rejeté sa réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2017, le requérant a introduit le présent recours.

12      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité le Conseil à produire une copie de la décision de nomination de Mme A. Le Conseil a déféré à cette demande par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2018. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 octobre 2018, le requérant a déposé des observations sur le document produit par le Conseil.

13      Le Tribunal (huitième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 7 octobre 2016 et la décision de nomination de Mme A. ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

15      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du recours, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la violation du principe de bonne administration et d’erreurs manifestes dans l’appréciation des mérites de sa candidature. Le troisième moyen est tiré de la méconnaissance de l’intérêt du service et d’une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, le quatrième moyen est pris de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’article 1er quinquies du statut ainsi que du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

17      Le premier moyen, visant à faire valoir que la décision du 7 octobre 2016 est entachée d’une violation de l’obligation de motivation, se divise, en substance, en deux branches.

18      Dans une première branche, le requérant se prévaut d’une absence totale de motivation du rejet de sa candidature, la motivation ne pouvant être fournie ni par le biais de l’organisation d’une réunion ni au stade de la réclamation.

19      Dans une seconde branche, le requérant soutient que, à supposer qu’il puisse être tenu compte de la motivation fournie dans la décision de rejet de la réclamation, celle-ci est insuffisante.

 Sur la première branche, tirée d’une absence totale de motivation

20      Le requérant soutient que la décision du 7 octobre 2016 n’est assortie d’aucune motivation. Il avance, plus particulièrement, que l’article 25, deuxième alinéa, du statut impose que la décision qui fait grief, assortie d’une motivation, doit être rendue sous forme écrite. La réunion proposée par le président du comité consultatif de sélection ne serait pas de nature à pallier l’absence de motivation de ladite décision. Selon lui, une motivation donnée oralement ne permet pas au juge d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de celle-ci et ne permet pas à celui-ci d’avoir des explications claires et précises sur le rejet de sa candidature. Il ajoute que ladite réunion ne se serait pas tenue dans un contexte cordial.

21      Le requérant fait également valoir que l’AIPN ne pouvait fournir une motivation pour la première fois au stade de la réclamation. En effet, cette possibilité ne serait permise que lorsque la procédure concerne un nombre important de candidats, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. En outre, il n’aurait existé aucun début de motivation susceptible d’être complété au stade de la réclamation.

22      Le Conseil fait valoir que les arguments du requérant sont inopérants, irrecevables ou encore infondés.

23      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence posée par l’article 296 TFUE, également présente à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but de permettre à la Cour d’exercer son contrôle sur la légalité des décisions faisant grief et de fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si ces décisions sont bien fondées ou si elles sont entachées d’un vice permettant d’en contester la légalité. Il en résulte que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant la Cour (voir arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 50 et jurisprudence citée).

24      Selon une jurisprudence établie, l’AIPN est tenue à une obligation de motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation introduite par le candidat écarté contre la décision rejetant sa candidature ou contre celle portant nomination d’un autre candidat. La motivation de la décision explicite de rejet d’une réclamation déposée en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut est censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑88/04, EU:T:2006:186, point 45 et jurisprudence citée).

25      Il convient également de relever que le complément de motivation, au stade de la décision de rejet de la réclamation, est conforme à la finalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut, aux termes duquel la décision sur la réclamation est elle-même motivée. Cette disposition implique nécessairement, en effet, que l’autorité amenée à statuer sur la réclamation ne soit pas liée par la seule motivation, le cas échéant insuffisante, voire inexistante dans le cas d’une décision implicite de rejet, de la décision faisant l’objet de la réclamation (arrêts du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, point 72, et du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 19).

26      En l’espèce, la décision du 7 octobre 2016 était ainsi libellée :

« Nous apprécions votre temps et l’intérêt que vous avez montré en postulant pour le poste susmentionné.

J’ai le regret de vous informer que, sur la base d’une appréciation comparative des candidats admis au premier entretien du mercredi 5 octobre, le comité consultatif de sélection a décidé de ne pas retenir votre candidature pour la suite de la procédure.

Le président du comité consultatif de sélection […], et [la] représentante des ressources humaines, sont à votre disposition si vous avez des questions concernant votre entretien. »

27      La décision de rejet de la réclamation indiquait en ses points 20 et 21 :

« [S]ur la base des entretiens, le [comité consultatif de sélection] a considéré que, par rapport aux autres candidats,

a)      le [requérant] avait une moins bonne compréhension du travail et du rôle du service de traduction. En particulier, il a démontré une moins bonne compréhension de la manière dont le service de traduction s’insère dans le contexte politique dans lequel opère le [secrétariat général du Conseil]. […]

b)      le [requérant] n’avait pas pris connaissance du [p]lan d’action du [s]ecrétaire général du Conseil et ne pouvait donc pas s’exprimer sur son importance pour le service de traduction. Or, ledit plan d’action […], vise à réorganiser les processus de fonctionnement au sein du [secrétariat général du Conseil] au travers d’un large éventail d’actions, qui constituent ensemble un changement de culture au sein de l’institution. […]

Des informations pertinentes […] étaient facilement accessibles. […]

c)      le [requérant] a démontré une connaissance limitée des outils et services de promotion du bien-être du personnel mis en place au sein du [secrétariat général du Conseil].

d)      dans le cadre des questions relatives à l’approche en matière de gestion de l’unité, le requérant a été moins concret quant aux exemples fournis et a fait preuve d’une approche trop axée sur les processus et pas assez sur la gestion stratégique.

Les lacunes du [requérant] ont d’abord révélé une moins bonne maîtrise des connaissances nécessaires à l’exécution des tâches énoncées dans l’avis de vacance et, en particulier, celles liées à la participation, à un niveau qui peut être attendu d’un chef d’unité, à la programmation, l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de la direction et, plus largement, du Conseil, en matière linguistique [points a) et b)]. Le [requérant] a également [démontré] une moins bonne maitrise des connaissances nécessaires à l’exécution des tâches de gestion du personnel au sein de son unité [points b) et c)]. »

28      Il ressort également des points 22 à 25 de la décision de rejet de la réclamation que, en substance, l’entretien du requérant a révélé un « intérêt insuffisant pour l’évolution de l’organisation et des règles et procédures administratives au sein du [secrétariat général du Conseil] », une « moins bonne préparation à l’entretien, ce qui a eu une incidence défavorable sur l’évaluation » de ses compétences, ainsi que « de moins bonnes compétences que les autres candidats en matière d’encadrement [points a), b), c) et d)] ». L’AIPN en a conclu que le requérant avait « fourni une performance d’un niveau inférieur à celle des candidats présélectionnés pour les étapes suivantes ».

29      Force est de constater que, d’une part, la décision du 7 octobre 2016 a permis au requérant de comprendre, dans le contexte de la procédure de sélection à laquelle il avait décidé de participer, qu’il n’avait pas été présélectionné à la suite de l’appréciation comparative des prestations des candidats lors de leurs entretiens effectuée par le comité consultatif de sélection.

30      D’autre part, la décision de rejet de la réclamation contient une motivation précise et circonstanciée entérinant la proposition du comité consultatif de sélection de ne pas retenir la candidature du requérant à la suite du premier entretien. En particulier, ainsi qu’il résulte des points 27 et 28 ci-dessus, la décision de rejet de la réclamation expose de façon détaillée les motifs venant au support du rejet de sa candidature.

31      Au surplus, il convient de constater que la motivation du rejet de la candidature du requérant, tel que précisée, suit la grille de questions établie par le comité consultatif de sélection, annexée par le Conseil au mémoire en défense.

32      Partant, le requérant ne saurait se prévaloir d’une absence totale de motivation du rejet de sa candidature. Les arguments qu’il invoque, visant à contester cette conclusion, ne sauraient prospérer.

33      Premièrement, s’agissant de l’argument par lequel le requérant fait valoir que la motivation ne pouvait être donnée oralement lors de la réunion proposée par le président du comité consultatif de sélection, il convient de relever, à l’instar du Conseil, qu’il est inopérant. En effet, s’il y a lieu d’admettre que l’organisation d’une réunion ne pouvait pallier une éventuelle absence de motivation de la décision de rejet de sa candidature, il suffit de rappeler que l’AIPN a fourni, en l’espèce, une motivation suffisante, sous forme écrite, et ce conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, selon laquelle la motivation d’une décision de ne pas retenir un candidat doit intervenir au plus tard lors du rejet de la réclamation introduite contre cette décision. Il y a donc lieu d’écarter cet argument ainsi que, pour les mêmes motifs, l’argument tiré du contexte prétendument non cordial entourant l’invitation à la réunion.

34      Deuxièmement, il convient de relever que l’argument du requérant, tiré de ce que l’AIPN ne pouvait fournir une motivation pour la première fois au stade de la réclamation, puisque cette possibilité ne lui serait ouverte qu’à titre exceptionnel, dans le cadre de concours à participation nombreuse, outre qu’il procède d’une lecture erronée de la jurisprudence, est dénué de pertinence. En effet, il suffit de relever que la décision du 7 octobre 2016 contenait bien un début de motivation, ainsi qu’il a été constaté au point 29 ci-dessus, lequel pouvait être complété au stade de la décision de rejet de la réclamation, conformément à la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

35      Il s’ensuit que la première branche ne saurait être accueillie.

 Sur la seconde branche, tirée du caractère insuffisant de la motivation

36      Le requérant soutient que, à supposer qu’une motivation au stade de la réclamation soit possible, celle-ci demeure insuffisante étant donné que le comité consultatif de sélection n’a pas attribué de notation chiffrée aux candidats. En outre, il lui serait impossible de savoir si le rejet de sa candidature fût la conséquence d’un consensus au sein des membres dudit comité. Or, la méthode de délibération utilisée par ce comité ne serait pas couverte par le secret de ses travaux.

37      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

38      En l’espèce, il convient de constater que la motivation fournie au requérant était suffisante nonobstant l’absence d’attribution d’une note chiffrée relative à sa prestation lors du premier entretien.

39      À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, selon la jurisprudence, dans l’optique de la conciliation, lors d’un concours ou, plus généralement, d’une procédure de sélection, de l’obligation de motivation avec le respect du secret des délibérations du jury, la communication des notes du candidat, en tant qu’elles reflètent les appréciations de nature comparative portées par le jury, constitue une motivation suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 52 et jurisprudence citée).

40      Cependant, il convient de constater, à l’instar du Conseil, que le requérant a reçu bien plus qu’une simple note censée refléter les appréciations comparatives du comité consultatif de sélection. En effet, celui-ci a reçu une explication précise et circonstanciée des aspects qui ont amené ledit comité à ne pas retenir sa candidature dans la décision de rejet de la réclamation, laquelle entérine la décision du 7 octobre 2016. L’AIPN a identifié, point par point, les lacunes des réponses du requérant lors de l’entretien (voir point 27 ci-dessus). Dès lors, celui-ci a été mis en mesure de comprendre les raisons du rejet de sa candidature.

41      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence relative aux décisions prises par un jury de concours, applicable par analogie en l’espèce, l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union européenne elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, EU:C:1980:60, point 5 ; du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 24, et du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, point 24).

42      Ainsi, le requérant ne saurait exiger de l’AIPN qu’elle lui communique la méthode de délibération ayant permis aux membres du comité consultatif de sélection de parvenir à la décision de ne pas retenir sa candidature, cet aspect étant couvert par le secret des travaux du jury.

43      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, par la décision du 7 octobre 2016, telle que précisée par la décision de rejet de la réclamation, les motifs individuels, pertinents et précis du rejet de sa candidature ont été communiqués au requérant. Dès lors, ce dernier a été mis en mesure de comprendre les raisons du rejet de sa candidature et de contester la validité de cette décision devant le juge de l’Union.

44      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de la violation du principe de bonne administration et d’erreurs manifestes dans l’appréciation des mérites de sa candidature

45      Le deuxième moyen invoqué par le requérant se divise en deux branches, relatives, d’une part, à une violation du principe de bonne administration et, d’autre part, à l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises dans l’appréciation des mérites de sa candidature.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de bonne administration

46      Le requérant soutient que la méthode d’évaluation adoptée par le comité consultatif de sélection, consistant à ne pas attribuer de notes chiffrées aux candidats et à opérer une comparaison de ceux-ci sur la base des notes écrites prises par les membres dudit comité durant l’entretien, n’est pas conforme à l’exigence d’impartialité prévue par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). En effet, l’absence de notation chiffrée ou de tout autre document de caractère général résumant l’évaluation de chaque candidat ne permettrait pas de savoir si la comparaison des candidats a été faite de manière objective et transparente par lesdits membres.

47      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

48      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union.

49      Selon la jurisprudence, le large pouvoir d’appréciation reconnu à l’administration en ce qui concerne la détermination de la procédure ou de la méthode à suivre dans l’examen comparatif des candidatures est limité par la nécessité de procéder à cet examen avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement des fonctionnaires. En pratique, l’examen comparatif des mérites des candidats doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’information et de renseignements comparables (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2003, Cougnon/Cour de justice, T‑240/01, EU:T:2003:290, point 70 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, il suffit de relever que le requérant se borne à invoquer l’absence de notes attribuées aux candidats pour leur premier entretien. Or, cette circonstance ne saurait suffire à établir l’absence d’objectivité et d’indépendance du comité consultatif de sélection.

51      En outre, ainsi que l’a établi le Conseil, le comité consultatif de sélection a suivi, lors des premiers entretiens, une grille de questions identique pour chaque candidat, laquelle a été annexée au mémoire en défense. Il ne saurait donc être soutenu que l’examen comparatif des mérites des candidats lors desdits entretiens n’a pas été conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’information et de renseignements comparables.

52      Il convient donc de rejeter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes dans l’appréciation des mérites du candidat

53      Premièrement, le requérant fait valoir qu’il ressort de la décision de rejet de la réclamation que l’AIPN lui a reproché de ne pas avoir une connaissance suffisante du contexte politique dans lequel le service de traduction s’insérait. Il soutient que l’avis de vacance ne précisait pas que des connaissances sur l’aspect politique lié aux fonctions de chef d’unité au sein du service de traduction étaient requises. Au contraire, ledit avis de vacance aurait fait clairement apparaître que le rôle du chef d’unité était celui d’assurer la gestion d’une équipe et de ses travaux. En outre, il ne ressortirait pas du statut que le chef d’une unité de traduction aurait un rôle politique.

54      Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’AIPN ne pouvait lui reprocher un manque de compétences dans la gestion et l’encadrement de personnes, étant donné qu’il occupait un poste de chef de secteur depuis cinq ans et que ses rapports de notation démontraient qu’il s’acquittait parfaitement de sa tâche. Il indique, par ailleurs, avoir également été manager de différents services auprès d’une filiale d’une multinationale allemande. Mme A., la candidate retenue, n’aurait pas été chef de secteur et n’aurait pas démontré posséder une expérience comparable.

55      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

56      Selon une jurisprudence constante, l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN en matière de nomination suppose qu’elle examine avec soin et impartialité les dossiers de candidature et qu’elle observe consciencieusement les exigences énoncées dans l’avis de vacance, de sorte qu’elle est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L’avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l’AIPN s’impose à elle-même et qu’elle doit respecter scrupuleusement (arrêts du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, EU:C:1993:104, points 15 et 16 ; du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑45/04, EU:T:2006:185, point 46, et du 8 juillet 2008, Commission/Economidis, T‑56/07 P, EU:T:2008:260, point 101).

57      En vue de contrôler si l’AIPN n’a pas dépassé les limites du cadre légal, il appartient au Tribunal d’examiner d’abord quelles étaient les conditions requises par l’avis de vacance et de vérifier ensuite si le candidat choisi par l’AIPN pour occuper le poste vacant satisfaisait effectivement à ces conditions (arrêts du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, EU:C:1993:104, point 17, et du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑45/04, EU:T:2006:185, point 48). Enfin, le Tribunal doit examiner si, en ce qui concerne les aptitudes du requérant, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en lui préférant un autre candidat (voir arrêt du 8 juillet 2008, Commission/Economidis, T‑56/07 P, EU:T:2008:260, point 102 et jurisprudence citée).

58      Un tel examen doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de l’AIPN (arrêts du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T‑159/96, EU:T:1998:86, point 64, et du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑45/04, EU:T:2006:185, point 49).

59      En premier lieu, il convient de vérifier quelles étaient les conditions requises dans l’avis de vacance et de vérifier que l’AIPN ne s’en est pas écarté.

60      À cet égard, il importe de rappeler de façon liminaire que, selon une jurisprudence constante, la fonction de l’avis de vacance est, d’une part, d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d’autre part, de fixer le cadre de légalité au regard duquel l’institution entend procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats (voir arrêt du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, EU:T:1996:50, point 34 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, tant les conditions générales indiquées dans le sommaire des avis de vacance que les conditions spécifiques indiquées en relation avec le poste concerné constituent les conditions requises au titre de l’avis de vacance (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑45/04, EU:T:2006:185, point 52).

61      En l’espèce, il convient de relever que l’avis de vacance est divisé en plusieurs parties. Sous le titre « Ce que nous recherchons », ledit avis de vacance indique que, « plus que d’éventuelles connaissances linguistiques », le chef d’unité doit présenter « de bonnes capacités de gestion, de planification, de suivi et de délégation du travail opérationnel ». Le poste « n’implique pas une participation aux tâches de traduction », mais plutôt de « mettre en œuvre les stratégies du service de traduction, de diriger et de motiver une équipe et de maintenir la cohésion et la coopération dans des situations de gestion souvent complexes ». Le chef d’unité dispose, pour ce faire, de l’appui d’une équipe de trois personnes.

62      Sous le titre « Éducation et expérience » figure l’unique exigence de posséder une « expérience de travail dans un environnement multilingue ».

63      Le titre « Tâches » contient une liste des tâches incombant au chef d’unité, à commencer par celle de « diriger l’unité, organiser les activités et les ressources, appuyer et motiver le personnel dans son travail » et celle de « contribuer à la programmation, à l’élaboration et à la mise en œuvre des activités de la direction […] ». Le chef d’unité doit également conseiller l’encadrement supérieur et participer à des négociations et à des réunions préparatoires. Il doit veiller à la qualité des services et des produits réalisés dans l’unité, et gérer et suivre l’ensemble des travaux à cet égard. Il doit encore, en assurant une communication et une coopération efficaces au sein de l’unité ainsi qu’avec les autres services, « contribuer à la définition de meilleures pratiques pour l’unité ou pour la direction de la traduction en suggérant des améliorations des structures, des systèmes, de la gestion des flux de travail et des méthodes de travail existants » et « contribuer à la définition et à la mise en œuvre des principes directeurs du Conseil en matière linguistique ».

64      Au titre des « compétences spécifiques » exigées pour le poste de chef d’unité figurent, notamment, une connaissance des règles et des procédures administratives du secrétariat général du Conseil. L’avis de vacance liste encore une série de compétences, dont certaines sont qualifiées de « compétences clés ». En particulier, sous le sous-titre « Compétences d’encadrement », figurent les exigences suivantes : « gestion du travail et des ressources, conscience de l’organisation, prise de décision, leadership et développement d’équipe ».

65      Or, le requérant ne saurait faire valoir que l’AIPN s’est écartée des exigences de l’avis de vacance en lui reprochant un manque de connaissance du « rôle politique » du chef d’unité.

66      En effet, cet argument procède d’une lecture erronée de la décision de rejet de la réclamation.

67      Au point 20, sous a), de la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a constaté que le requérant avait présenté, lors de l’entretien, « une moins bonne compréhension du travail et du rôle du service de traduction » ainsi que, en particulier, « une moins bonne compréhension de la manière dont le service de traduction s’insère dans le contexte politique dans lequel opère le [secrétariat général du Conseil] ».

68      S’il est constant entre les parties que le chef d’unité a un rôle de gestionnaire et d’organisateur, ainsi qu’il ressort des différentes sections de l’avis de vacance (voir points 61 et 63 ci-dessus), ce qui nécessite des compétences de gestion des ressources, de planification et d’encadrement, il y a lieu de relever que l’avis de vacance met également en évidence la dimension stratégique de ce poste.

69      Il importe de constater, à ce dernier égard, que, selon l’avis de vacance, le chef d’unité doit mettre en œuvre les stratégies du service de traduction, assurer une coopération efficace avec les autres services et, plus globalement, avoir une « conscience de l’organisation ». Ces dernières exigences doivent être lues à la lumière des tâches attendues du chef d’unité, telles que la contribution à la définition des principes directeurs du Conseil en matière linguistique et des meilleures pratiques pour l’unité ou pour la direction de la traduction, à la mise en œuvre de la stratégie de la direction liée aux secteurs couverts par l’unité et au conseil de l’encadrement supérieur.

70      Dès lors, ainsi que le fait valoir le Conseil, il ressort de l’avis de vacance, pris en ses différentes parties, que le chef d’unité doit être en mesure de définir les priorités au sein de son unité afin de mettre en œuvre la stratégie définie au sein de sa direction et, plus généralement, de son institution.

71      Dans la mesure où le reproche formulé au point 20, sous a), de la décision de rejet de la réclamation se fonde précisément sur cet aspect, il y a lieu de relever que l’AIPN a respecté les exigences requises par l’avis de vacance et n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

72      En second lieu, il convient de vérifier si, en ce qui concerne l’appréciation des aptitudes du requérant, l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste en lui préférant un autre candidat.

73      À cet égard, le requérant conteste, plus particulièrement, l’appréciation de l’AIPN portée sur ses compétences d’encadrement, alors qu’il exerçait depuis cinq ans en tant que chef de secteur et que Mme A., du fait de « son jeune âge », ne pouvait posséder une telle expérience.

74      Or, il convient de relever que, même si le requérant pouvait faire valoir une expérience et une qualification importantes dans le domaine concerné par le poste, le fait d’avoir des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites, que d’autres candidats aient des mérites supérieurs (arrêts du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, EU:C:2001:703, point 21, et du 14 novembre 2006, Neirinck/Commission, T‑494/04, EU:T:2006:344, point 142).

75      Force est de constater que, concernant les compétences du requérant en matière d’encadrement, il ressort du point 24 de la décision de rejet de la réclamation, sur lequel l’allégation du requérant semble s’appuyer, que « l’approche du [requérant] a[vait] révélé de moins bonnes compétences que les autres candidats en matière d’encadrement [points a), b), c), d)] ».

76      Ainsi, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne saurait ressortir de la décision de rejet de la réclamation que ses expériences en tant que chef de secteur et en tant que manager dans le secteur privé n’ont pas été prises en compte. En effet, en indiquant que le requérant avait fait preuve de « moins bonnes compétences d’encadrement que les autres candidats », déclinées en quatre points listés dans la décision de rejet de la réclamation (voir point 27 ci-dessus), l’AIPN a considéré que, au terme de l’examen comparatif des mérites des candidats, le requérant avait fourni une performance inférieure à celle des autres candidats à cet égard.

77      De plus, ainsi qu’il résulte des points 65 à 70 ci-dessus, c’est à juste titre que l’AIPN a pu tenir compte du manque de compréhension du requérant du rôle stratégique du poste de chef d’unité et du contexte dans lequel ce dernier évolue.

78      Il importe également de relever que le rejet de la candidature du requérant repose sur plusieurs lacunes que le comité consultatif de sélection a relevées par rapport aux autres candidats. Ainsi, l’AIPN a souligné, dans la décision de rejet de la réclamation, que le requérant ne s’était pas suffisamment renseigné sur les documents pertinents relatifs à l’exercice du poste convoité, alors même que ces documents lui étaient facilement accessibles, que sa préparation à l’entretien était insuffisante, qu’il avait présenté une connaissance limitée des outils de promotion du bien-être du personnel et qu’il avait démontré un intérêt insuffisant pour l’évolution des règles de l’organisation et des règles de procédure administrative. Selon lui, le requérant a donné des réponses lacunaires s’agissant de la connaissance du « [p]lan d’action du SGC », lequel vise à la réorganisation des processus de fonctionnement affectant tant les procédures internes que la gestion des ressources humaines, et s’agissant du « core document policy », constituant un des documents structurants de la politique de traduction au sein du secrétariat général du Conseil.

79      De telles appréciations ne sortent pas du cadre d’évaluation fixé par l’avis de vacance et n’apparaissent pas manifestement inappropriées dans le cadre d’une épreuve consistant en un entretien devant un comité de présélection. Le requérant n’apporte pas d’éléments permettant de penser que les appréciations susmentionnées seraient inadéquates.

80      Par ailleurs, il ne saurait pas non plus être reproché à l’AIPN d’avoir commis une erreur manifeste en préférant nommer Mme A. au poste concerné par l’avis de vacance.

81      Il résulte de l’acte de candidature de Mme A. que celle-ci exerçait des fonctions depuis près de dix ans au sein du secrétariat général du Conseil et qu’elle a été chargée, notamment, de concevoir des projets et de gérer des équipes.

82      Il ressort également du rapport fourni par le comité consultatif de sélection à l’AIPN, à l’issue de la procédure de sélection, que celui-ci a constaté que Mme A. possédait une expérience importante au sein du service de traduction, qu’elle avait conscience des défis qui l’attendaient à un poste de management et qu’elle connaissait ses objectifs. Ledit comité a relevé qu’elle avait déjà eu une expérience directe de management de projets et de direction d’équipes. Il a encore salué son application à comprendre les réactions du personnel et à trouver des solutions pratiques. S’il a pris en compte l’expérience managériale limitée de Mme A., il a mis en exergue son potentiel et sa compréhension de l’approche requise à cet égard. En outre, il a noté que Mme A. possédait des compétences qui constituaient des « compétences clés » requises par l’avis de vacance. En conclusion, le rapport de ce comité recommandait, unanimement, le recrutement de Mme A.

83      Ainsi, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 56 et 57 ci-dessus et à la lumière du fait que le Tribunal ne saurait substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de l’AIPN, il n’est pas établi que cette dernière aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en examinant les mérites de la candidature du requérant et en préférant nommer Mme A. au poste concerné par l’avis de vacance.

84      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance de l’intérêt du service et d’une erreur manifeste d’appréciation

85      Le requérant fait valoir que l’intérêt du service requiert qu’un chef d’unité linguistique maîtrise la « langue de son unité ». L’AIPN aurait donc commis une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service en nommant Mme A. au poste concerné par l’avis de vacance, alors que celle-ci ne maîtrisait pas le néerlandais.

86      Selon le requérant, l’avis de vacance accordait pourtant la même importance aux fonctions de traduction et à celles de gestion des ressources incombant au chef d’unité en cause. Si ledit avis de vacance mentionnait que le chef d’unité pouvait s’appuyer sur une équipe de trois collaborateurs, le chef d’unité resterait responsable pour gérer et suivre l’ensemble des travaux liés à la traduction et à la production de documents au sein de l’unité. Le requérant souligne que, dans toutes les institutions européennes, les chefs d’unité linguistique maîtrisent la langue vers laquelle le service assure la traduction. Par ailleurs, il souligne que le comité consultatif de sélection n’a pas testé ses connaissances du néerlandais, censées constituer un atout selon cet avis de vacance, alors même qu’un membre dudit comité était néerlandophone.

87      Le requérant soulève également, en substance, aux points 71 et 72 de la requête, une exception d’illégalité de l’avis de vacance au titre de l’article 277 TFUE.

88      Il fait encore valoir qu’il existe une discrimination de la langue néerlandaise en violation de l’article 1er du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385).

89      Le Conseil réfute les arguments du requérant.

90      Selon la jurisprudence, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les aptitudes exigées pour les emplois à pourvoir (arrêts du 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, EU:T:1990:60, point 27, et du 11 juillet 2007, Konidaris/Commission, T‑93/03, EU:T:2007:209, point 72).

91      En outre, le choix de l’AIPN pour affecter, à la suite d’un avis de vacance, un fonctionnaire à un emploi vacant doit être effectué, en vertu de l’article 7 du statut, dans le seul intérêt du service. Pour évaluer, dans le cadre d’une telle décision, l’intérêt du service ainsi que les aptitudes des candidats pour l’emploi en question, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle du juge doit se limiter dans un tel domaine à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, EU:C:1987:82, point 5 ; du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 53, et du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 106).

92      Il y a lieu de relever à titre liminaire que, contrairement à ce qu’avance le requérant, il ne saurait être déduit de l’absence de questions en néerlandais lors du premier entretien que sa connaissance de cette langue n’a pas été prise en compte dans l’appréciation de ses mérites. Étant donné que le néerlandais constitue la langue maternelle du requérant, il est raisonnable de considérer que le comité consultatif de sélection n’avait pas besoin de tester sa connaissance de cette langue.

93      Ensuite, il convient de constater que les compétences exigées dans l’avis de vacance pour le poste à pourvoir sont axées sur la gestion stratégique de l’unité. En effet, ledit avis de vacance requiert principalement des candidats qu’ils présentent des qualités managériales et qu’ils soient capables de mettre en œuvre une stratégie pour l’unité qu’ils auront à gérer (voir notamment point 68 ci-dessus).

94      Or, il revenait à l’AIPN, disposant d’un large pouvoir d’appréciation tel que rappelé au point 90 ci-dessus, de définir les aptitudes exigées pour le poste de chef d’unité et de considérer, dès lors, qu’il était dans l’intérêt du service que les compétences de gestionnaire et d’organisateur priment sur la connaissance du néerlandais au titre des exigences prévues pour le poste de chef d’unité en question.

95      À cet égard, contrairement à ce qu’avance le requérant, l’avis de vacance n’accorde pas la même importance aux différentes tâches incombant au chef d’unité. En effet, il ressort du titre « Ce que nous recherchons » dudit avis de vacance que, « plus que d’éventuelles connaissances linguistiques », le candidat doit présenter de « bonnes capacités de gestion, de planification, de suivi et de délégation du travail opérationnel ». Il est précisé, toujours sous le même titre, que le poste n’implique pas « une participation aux tâches de traduction », mais « plutôt de mettre en œuvre les stratégies » du service.

96      En outre, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la maîtrise du néerlandais est nécessaire au chef d’unité pour remplir sa mission de gestion des travaux liés à la traduction et des documents produits par l’unité, il convient de relever qu’il ressort de l’avis de vacance que le chef d’unité dispose du « soutien direct d’une équipe de trois personnes (qualité, coordination, ressources) », laquelle a explicitement pour mission, notamment, d’assurer la qualité des documents traduits.

97      En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel les chefs d’unité des autres services de traduction maîtrisent la langue vers laquelle l’unité assure la traduction, il importe de relever, à l’instar du Conseil, que l’approche suivie par l’AIPN en l’espèce, consistant à retenir, dans l’avis de vacance, la connaissance de la langue véhiculaire de l’unité de traduction seulement comme un atout, n’est pas isolée. Le Conseil fournit, en annexe au mémoire en défense, une série d’avis de vacance concernant des postes de chef d’unité linguistique au sein du service de traduction du Conseil, publiés entre 2011 et 2016. Ces avis de vacance suivent tous le même modèle, avec une description des tâches et des compétences exigées des candidats, en des termes semblables à l’avis de vacance faisant l’objet du présent litige. En particulier, les avis de vacance fournis par le Conseil précisent effectivement que la connaissance de la langue de l’unité n’est qu’un atout.

98      Au demeurant, le requérant ne conteste pas l’affirmation du Conseil selon laquelle plusieurs chefs d’unité linguistiques de cette institution ont été nommés sans maîtriser la langue vers laquelle l’unité assure la traduction.

99      Dès lors, il convient également de rejeter le grief tiré d’une discrimination à l’égard de la langue néerlandaise, pour autant que ce grief doive être interprété en ce sens que, eu égard à la décision attaquée, l’unité néerlandaise du Conseil serait la seule unité linguistique de cette institution dont le chef d’unité ne connaît pas la langue vers laquelle l’unité assure la traduction.

100    Par ailleurs, le requérant n’étaye pas non plus valablement son allégation selon laquelle les chefs d’unité des services de traduction des autres institutions possèdent, en tant que langue maternelle, la langue vers laquelle leur unité assure la traduction.

101    Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas démontré que l’AIPN avait outrepassé les limites raisonnables de son large pouvoir d’appréciation de l’intérêt du service en n’exigeant pas la maîtrise du néerlandais dans le cadre du recrutement du chef d’unité en l’espèce.

102    Le grief tiré de ce que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service en nommant Mme A. au poste de chef de l’unité néerlandaise au sein du service de traduction, alors qu’elle ne maîtrisait pas le néerlandais, doit donc être rejeté.

103    Il convient également d’écarter l’exception d’illégalité de l’avis de vacance, indépendamment de sa recevabilité, qui semble se fonder, en substance, sur la même argumentation.

104    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré des violations du principe d’égalité de traitement, de l’article 1er quinquies du statut ainsi que du principe de proportionnalité

105    Le quatrième moyen invoqué par le requérant se divise en deux branches, relatives, d’une part, à une discrimination fondée sur la langue et, d’autre part, à une discrimination fondée sur le sexe.

 Sur la première branche, tirée d’une discrimination fondée sur la langue

106    Le requérant reproche au comité consultatif de sélection d’avoir imposé à tous les candidats de passer le premier entretien en anglais. Or, selon lui, le fait qu’un candidat puisse passer les épreuves dans sa langue maternelle ou dans une langue qu’il maîtrise augmente ses chances d’obtenir de meilleures notes. Il soutient que, alors que l’anglais ne constituait que sa troisième langue, c’était la deuxième langue de Mme A., de sorte que cette dernière aurait bénéficié d’un avantage. Il estime que la circonstance qu’il possédait une connaissance satisfaisante de l’anglais serait dénuée de pertinence, puisque le Conseil n’aurait pas garanti la compréhension des communications entre le comité consultatif de sélection et les candidats dans la même mesure pour tous. Le Conseil aurait donc enfreint les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, tels qu’ils résultent de l’article 21 de la Charte et de l’article 1er quinquies du statut.

107    Le requérant ajoute, en substance, que, si des exigences d’efficacité du travail administratif peuvent justifier l’imposition d’un nombre restreint de langues de travail, il ne saurait être accordé un rang privilégié à une seule langue, à savoir l’anglais. Une seule question aurait été posée en français. Or, l’avis de vacance aurait prévu l’utilisation du français et de l’anglais à poids égal pour le premier entretien. En outre, selon le requérant, l’imposition de l’anglais favorise des candidats originaires de pays où cette langue est plus répandue et désavantage une partie des candidats ressortissants des autres États membres, portant ainsi violation indirecte de l’article 27 du statut.

108    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

109    L’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut prévoit que toute discrimination fondée, notamment, sur la langue est interdite dans l’application de ce statut.

110    Selon la jurisprudence, l’administration de l’Union peut s’adresser à l’un de ses fonctionnaires, y compris dans le cadre d’une procédure de recrutement, dans une langue officielle de l’Union autre que la langue maternelle de ce fonctionnaire ou la deuxième langue choisie par lui. Le choix de la langue de communication n’est ainsi constitutif d’aucune violation des droits dudit fonctionnaire s’il possède une maîtrise de la langue utilisée par l’administration lui permettant de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu de l’information fournie ou des questions posées par son administration (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T‑203/03, EU:T:2005:346, points 62 à 64, et du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, EU:T:2008:519, points 132 et 145).

111    En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que l’avis de vacance, contrairement à ce qu’avance le requérant, n’indiquait pas dans quelle langue se déroulerait le premier entretien. Toutefois, il précisait que les compétences linguistiques attendues des candidats au poste de chef d’unité consistaient principalement en la connaissance de l’anglais et du français. Les candidats devaient donc s’attendre à être interrogés dans ces langues lors dudit entretien, de sorte que le requérant ne peut se prévaloir de difficultés à s’exprimer avec les termes techniques adéquats en anglais.

112    Ensuite, il y a lieu de constater, ainsi que cela ressort de son acte de candidature dans la présente procédure de sélection, que le requérant a indiqué posséder un niveau « excellent » en anglais. Il y a donc lieu de relever que le requérant possède une maîtrise de l’anglais lui ayant permis de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des questions posées par le comité au cours de la procédure de sélection. La circonstance que l’anglais ne constituait que sa troisième langue n’est donc pas pertinente.

113    Enfin, il ressort du dossier que ce n’est nullement la capacité du requérant à s’exprimer correctement en anglais qui a été mise en cause par le comité consultatif de sélection, mais bien sa moins bonne connaissance du rôle du service de traduction ainsi que le contenu lacunaire de ses réponses lors du premier entretien (voir points 74 à 77 ci-dessus).

114    Dès lors, le requérant ne parvient pas à établir l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement relative à l’utilisation principale de l’anglais lors du premier entretien.

115    Par ailleurs, s’agissant d’une prétendue violation indirecte de l’article 27 du statut, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, ce n’est que lorsqu’une condition linguistique a pour effet, sans que cela soit justifié par des raisons ayant trait au fonctionnement du service, de réserver un poste de l’administration de l’Union à une nationalité déterminée que l’article 27 du statut s’oppose à ce que l’AIPN exige des candidats à un tel poste une connaissance parfaite d’une langue officielle déterminée (arrêts du 4 mars 1964, Lassalle/Parlement, 15/63, EU:C:1964:9, p. 73, et du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, EU:T:2008:519, point 129).

116    Or, il y a lieu de constater que l’avis de vacance n’exigeait pas une connaissance parfaite de l’anglais et du français. En effet, il ne saurait être constaté que, en fixant les conditions linguistiques exigées pour le poste concerné, ledit avis de vacance entendait se référer à une connaissance tellement approfondie que seuls des fonctionnaires dont la langue maternelle était l’anglais pouvaient la posséder.

117    Il y a également lieu de noter, à l’instar du Conseil, que ce sont justement deux candidats dont la langue maternelle n’était pas l’anglais qui ont été retenus pour les étapes finales de la sélection, l’autre candidat de langue maternelle anglaise ayant été écarté au même stade de la procédure que le requérant.

118    Partant, le requérant n’ayant pas démontré l’existence d’une quelconque discrimination fondée sur la langue, il convient d’écarter la première branche du quatrième moyen.

 Sur la seconde branche, tirée d’une discrimination fondée sur le sexe

119     Le requérant fait valoir que, lors des quatre dernières procédures de nomination de chef d’unité au Conseil, celui-ci n’a nommé que des femmes. Ce faisant, le Conseil aurait pallié l’absence de femmes dans les nominations effectuées par les États membres, ce qui constituerait une discrimination fondée sur le sexe contraire à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut. Il s’appuie à cet égard sur le témoignage de M. Z.

120    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

121    L’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut prévoit que toute discrimination fondée, notamment, sur le sexe, est interdite dans l’application de ce statut. En vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut, si un fonctionnaire, qui s’estime victime d’une discrimination, établit des faits qui permettent de présumer l’existence de celle-ci, il incombe à l’institution défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe d’égalité de traitement.

122    En l’espèce, force est de constater que le requérant n’établit pas de faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe.

123    À cet égard, il convient de relever que le seul rejet de la candidature du requérant s’estimant lésé par le non-respect à son égard du principe d’égalité de traitement et la seule nomination de Mme A. ne sauraient laisser présumer l’existence d’une discrimination fondée sur le sexe. Les assertions du requérant selon lesquelles Mme A. ne possédait pas d’expérience dans le domaine de l’encadrement ni ne maîtrisait le néerlandais ne peuvent être considérées comme des indices en ce sens.

124    En effet, le Tribunal ayant déjà jugé, dans le cadre de son examen des deuxième et troisième moyens, que la décision de rejet de la candidature et la décision de nomination de Mme A. ont été adoptées à la suite de l’examen comparatif des mérites effectué à bon droit par l’AIPN dans les limites de son pouvoir d’appréciation de l’intérêt du service, le requérant n’est pas fondé à considérer que le choix finalement opéré est le résultat d’une action positive en faveur des femmes (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, EU:T:1999:134, point 116).

125    En outre, la circonstance que les quatre derniers chefs d’unité recrutés étaient des femmes ne saurait refléter l’existence d’un critère fondé sur le sexe que l’AIPN appliquerait lors des procédures de recrutement. Par ailleurs, le Conseil fournit, en annexe au mémoire en défense, la liste des chefs d’unité, directeurs et directeurs généraux recrutés au sein de l’institution entre 2013 et 2016. Il en ressort que la proportion d’hommes et de femmes nommés à ces postes est comparable. Quant au témoignage de M. Z., dont le requérant n’indique ni la fonction ni le statut, il s’agit d’un court commentaire publié sur l’intranet du secrétariat général du Conseil reflétant son opinion personnelle, qui n’a donc aucune force probante.

126    Il importe encore de souligner que, selon le rapport du comité consultatif de sélection, l’autre candidat en ballotage avec Mme A. au terme de la procédure de sélection était un candidat de sexe masculin, ce qui renforce le caractère non fondé de l’allégation tirée d’une discrimination fondée sur le sexe à l’égard du requérant.

127    Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

128    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      M. Frederik Duym est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : le français.