Language of document : ECLI:EU:T:2019:171

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 mars 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant une forme – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑762/17,

Grammer AG, établie à Amberg (Allemagne), représentée par Mes J. Bühling et D. Graetsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 6 septembre 2017 (affaire R 2250/2016-4), concernant une demande d’enregistrement d’une forme comme marque figurative de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, M. E. Bieliūnas et Mme A. Marcoulli (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2018,

à la suite de l’audience du 14 novembre 2018, au cours de laquelle la requérante a présenté des documents, lesquels ont été versés au dossier,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 mai 2016, la requérante, Grammer AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 12, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports de données, notamment pour le stockage de films ; supports d’enregistrement magnétiques, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; cellules solaires et collecteurs solaires pour la production de courant ; mesures, en particulier instruments de mesure des oscillations ; films ; logiciels ; écrans, éléments de commande électriques et électroniques, manettes de jeux, capteurs ; systèmes de caméras pour la surveillance de véhicules » ;

–        classe 12 : « Sièges de véhicules terrestres, marins et aériens ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules terrestres, nautiques et aériens ; aménagements intérieurs de véhicules de locomotion par terre, par eau et par air, notamment appuie-têtes, accoudoirs, revêtements de portes, consoles pour habitacles de véhicules, revêtements latéraux, rembourrages du logement de roue, toits ouvrants, tableaux de bord, porte-gobelets, poches d’habitacle ; recouvrements pour compartiments à bagages, sacs de transport de skis, filets porte-bagages pour véhicules ; grilles d’aération pour véhicules ; garnitures intérieures d’automobiles ; produits laqués comme pièces d’habitacle de véhicules ; grilles de haut-parleurs pour véhicules ; bouches de ventilation pour véhicules ; sièges pour enfants destinés aux véhicules terrestres, aériens et nautiques ; cabines de véhicules, en particulier cabines de véhicules utilitaires et leurs pièces d’aménagement intérieur liées à leur construction ainsi qu’équipements de suspension de cabines de véhicules ; carters pour composants de voitures automobiles autres que pour moteurs ; vitres de véhicules ; jupes avant et arrière pour automobiles ; becquets avant et arrière pour automobiles ; couvercles de carter pour moteurs de véhicules terrestres ; stores pour véhicules et pièces de véhicules ; métaux étirables pour recouvrements de pièces automobiles ; housses de véhicules ; recouvrements pour pièces de véhicules ; grilles d’aération pour véhicules ; associations métal/plastique pour véhicules ; porte-verrou pour véhicules ; couvre-joints pour portières de véhicules ; pièces de véhicules (comprises dans la classe 12) » ;

–        classe 41 : « Organisation, organisation et réalisation de séminaires, enseignement et congrès » ;

–        classe 42 : « Recherche scientifique, notamment réalisation d’essais et de mesures sur des véhicules ; création de programmes informatiques et de documentation technique pour ces derniers ; développement de matériel informatique ; développement et réalisation de projets dans le domaine de l’électricité et de l’électronique dans le domaine de l’exploitation minière, de la chimie, des machines de construction, des machines agricoles et des outils ; développement de systèmes industriels ».

4        Le même jour, la requérante a présenté à l’EUIPO, pour les mêmes produits et services que ceux visés au point 3 ci-dessus, une demande d’enregistrement, comme marque de l’Union européenne, du signe figuratif reproduit ci-après, lequel, à la différence du signe visé au point 2 ci-dessus, a été enregistré par l’EUIPO le 7 septembre 2016 :

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5        S’agissant du signe visé au point 2 ci-dessus, par décision du 10 novembre 2016, la demande d’enregistrement a été rejetée par l’examinateur pour l’ensemble des produits et des services visés par la marque, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

6        Le 2 décembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 6 septembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a indiqué, premièrement, que la forme demandée représentait une étiquette qui ne contenait pas d’indications d’une entreprise déterminée (point 10 de la décision attaquée), deuxièmement, que les produits et les services visés par la marque demandée s’adressaient en partie à un public professionnel spécialisé et en partie au consommateur final, lesquels prêtaient tous une attention accrue à l’égard desdits produits et services (point 15 de la décision attaquée), troisièmement, que le signe était perçu par le consommateur comme une étiquette et que « [d]e telles étiquettes présent[ai]ent les formes les plus diverses, si bien que le signe demandé ne diff[érait] pas de la norme et ne poss[édait] donc pas de caractère distinctif » (point 19 de la décision attaquée), quatrièmement, que, « [e]n raison de la simplicité du signe, qui est perçu comme une étiquette », il n’était pas nécessaire de constituer de groupes de produits et de services homogènes (point 20 de la décision attaquée) et, cinquièmement, que « [l]e signe d’ensemble n’[était] pas porteur d’informations différentes de celles d’une autre étiquette qui seraient aptes à contenir une indication de la provenance » (point 21 de la décision attaquée). Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a conclu que l’enregistrement du signe devait être refusé au motif qu’il était dépourvu de caractère distinctif (point 22 de la décision attaquée) et a précisé que, pour lesdits motifs, les décisions citées par la requérante ne permettaient pas de conclure autrement (point 23 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et articulé en trois branches. Elle fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours n’a pas correctement considéré qu’un minimum de caractère distinctif suffisait, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu, le signe demandé possède un caractère distinctif et, en troisième lieu, que les demandes d’enregistrement qu’elle a présentées le même jour n’ont pas été traitées de la même manière par l’EUIPO.

11      L’EUIPO réfute le moyen unique soulevé par la requérante.

12      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

13      Selon une jurisprudence constante, les marques visées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit en cause, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 5 avril 2017, Anta (China)/EUIPO (Représentation de deux lignes formant un angle aigu), T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 15 et jurisprudence citée].

14      Conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits. La perception de la marque par le public pertinent est influencée par le niveau d’attention du consommateur moyen, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 28 juin 2017, X-cen-tek/EUIPO (Représentation d’un triangle), T‑470/16, non publié, EU:T:2017:442, point 15 et jurisprudence citée].

15      Un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne soit pas applicable (voir arrêt du 5 avril 2017, Représentation de deux lignes formant un angle aigu, T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 17 et jurisprudence citée).

16      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la marque demandée est pourvue de caractère distinctif. En particulier, dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de commencer par l’examen de la deuxième branche du moyen unique, par laquelle la requérante fait valoir que la marque demandée possède un caractère distinctif.

17      Il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 39 et jurisprudence citée).

18      La constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits visés par elle et de les distinguer de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 27 et jurisprudence citée].

19      Cependant, un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas par exemple, selon la jurisprudence, susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage (voir arrêt du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, dans le cadre de la deuxième branche du moyen unique, la requérante fait valoir que le signe demandé est susceptible de distinguer les produits et les services visés au point 3 ci-dessus de ceux d’autres entreprises et qu’il est perçu comme une indication de la provenance. À cet égard, la requérante argue qu’elle ne parvient pas à suivre le raisonnement de la chambre de recours, lequel ne serait pas exempt de toute contradiction. En particulier, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours ne se serait pas prononcée sur la manière dont le signe demandé devait être décrit et, au point 18 de la même décision, elle aurait considéré, à tort, cette discussion « comme une simple “verbalisation” ». La chambre de recours se serait fondée sur l’assertion, non autrement étayée, selon laquelle le signe demandé serait perçu comme une étiquette. La manière dont la chambre de recours serait parvenue à cette conclusion resterait totalement inexplicable et la décision attaquée ne contiendrait aucune motivation détaillée à cet égard. La requérante ajoute que la forme représentée dans la marque demandée n’a rien en commun avec une étiquette, que l’apposition d’une étiquette est inhabituelle pour les produits et les services visés par le signe demandé, qu’il est erroné d’estimer que cette forme serait perçue comme une simple étiquette et que le fait que les étiquettes ne suivent aucune norme ne signifie pas que ladite forme ne serait pas comprise comme une indication d’origine.

21      En substance, dans le cadre de la deuxième branche du moyen unique, la requérante fait notamment grief à la chambre de recours de ne pas avoir dûment motivé la décision attaquée.

22      L’EUIPO, en s’appuyant sur plusieurs points de la décision attaquée, fait valoir qu’elle est suffisamment motivée.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001), les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. L’obligation de motivation, ainsi consacrée, a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêts du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65 ; du 15 novembre 2011, Abbott Laboratories/OHMI (RESTORE), T‑363/10, non publié, EU:T:2011:662, point 73, et du 23 janvier 2014, Novartis/OHMI (CARE TO CARE), T‑68/13, non publié, EU:T:2014:29, point 27].

24      Ainsi, lorsque l’EUIPO refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante pour satisfaire aux exigences évoquées au point 23 ci-dessus [arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 46, et du 23 janvier 2014, CARE TO CARE, T‑68/13, non publié, EU:T:2014:29, point 28].

25      Or, en l’espèce, la décision attaquée ne répond pas à ces exigences.

26      D’une part, comme le fait valoir, en substance, la requérante, il est malaisé de suivre le raisonnement opéré par la chambre de recours aux points 17 à 19 de la décision attaquée afin de conclure que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. En effet, tout d’abord, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la question « de savoir si le signe en cause [était], comme l’a[vait] exposée l’examinat[eur], une variante d’une figure géométrique simple, à savoir d’un rectangle dont les angles [étaie]nt arrondis », était dépourvue de pertinence. Ensuite, au point 18 de la décision attaquée, elle a indiqué que, comme l’examinateur le reconnaissait également, « la forme demandée présent[ait] évidemment des différences par rapport à un rectangle ». Enfin, au point 19 de la décision attaquée, elle a indiqué que le consommateur pertinent « percevra[it] le signe comme une étiquette » et que les « étiquettes présent[ai]ent les formes les plus diverses, si bien que le signe demandé ne diff[érait] pas de la norme et ne poss[édait] donc pas de caractère distinctif ». Ainsi, il apparaît ressortir desdits points de la décision attaquée que le refus d’enregistrer la marque demandée repose sur la perception du signe comme étant une étiquette.

27      Il convient également de relever que, dans son mémoire en réponse, l’EUIPO a indiqué que, dans la décision attaquée, la motivation donnée pour l’absence de caractère distinctif était que la marque demandée était « une forme banale, très simple, de configuration de la demande sous la forme d’une “étiquette” normale qui ne permet[tait] pas au public non habitué d’en déduire l’origine commerciale ». Toutefois, exception faite de la référence à une étiquette qui ne diffère pas de la norme, laquelle est effectivement contenue au point 19 de la décision attaquée, il convient de relever que, contrairement à ce qui est argué par l’EUIPO, ladite décision n’indique pas que la forme représentée dans la marque demandée serait une « forme banale » ou « très simple ».

28      D’autre part, lors de l’audience, l’EUIPO a fait valoir qu’il ressortait du point 20 de la décision attaquée que le refus reposait sur la simplicité du signe. Cette simplicité aurait été l’élément déterminant pour conclure à l’absence de caractère distinctif. À cet égard, il convient de relever que, au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a effectivement indiqué que, lors de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée à l’égard des différents produits et services visés au point 3 ci-dessus, il n’était pas nécessaire que l’examinateur constitue « des groupes de produits et [de] services homogènes », mais qu’il pouvait bien argumenter « de manière globale », « [e]n raison de la simplicité du signe, qui [était] perçu comme une étiquette ». Ainsi, il ne saurait être exclu que, en réalité, le refus d’enregistrer la marque demandée repose sur la simplicité du signe.

29      En tout état de cause, force est de constater que, en dépit de l’affirmation incidente contenue au point 20 de la décision attaquée relative à la simplicité du signe, prise même conjointement avec l’affirmation contenue aux points 10, 19 et 20 de la même décision relative à la perception du signe comme étant une étiquette, la décision attaquée n’est pas motivée à suffisance de droit, dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre sur quelles circonstances factuelles la chambre de recours s’est appuyée.

30      En effet, premièrement, la chambre de recours n’a fourni aucune motivation concernant les raisons pour lesquelles elle a considéré que le signe se caractérisait par sa simplicité. En particulier, il ne saurait être considéré que le seul emploi incident de l’expression « en raison de la simplicité du signe » suffise afin de permettre aux intéressés de connaître les raisons justifiant la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle, d’autant plus lorsqu’une telle mention incidente est la seule et unique référence à la simplicité du signe demandé contenue dans la décision attaquée.

31      À cet égard, il convient d’ailleurs d’écarter les autres arguments invoqués par l’EUIPO. Tout d’abord, contrairement à ce qui a été indiqué par l’EUIPO lors de l’audience, au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas indiqué que le signe demandé était simple, voire d’une simplicité excessive, mais elle s’est seulement bornée à rappeler la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus. Ensuite, il ne ressort nullement du point 19 de la décision attaquée que, lorsque la chambre de recours a indiqué que « le signe demandé ne diff[érait] pas de la norme », elle ait expliqué les raisons pour lesquelles le signe serait simple ou banal, dès lors que, d’une part, la « simplicité » n’est évoquée qu’incidemment au point suivant de la décision attaquée et que, d’autre part, cette qualification, prise dans son contexte, tel que rappelé au point 26 ci-dessus, apparaît plutôt indiquer que le signe serait perçu comme une étiquette qui ne différait pas de la norme ou, autrement dit, comme une « “étiquette” normale », ainsi que l’a indiqué l’EUIPO dans son mémoire en réponse (voir point 27 ci-dessus).

32      Enfin, dans les circonstances du cas d’espèce, il ne saurait être considéré que la chambre de recours ait fait sienne la motivation contenue dans la décision de l’examinateur du 10 novembre 2016 visée au point 5 ci-dessus, dans laquelle il est notamment indiqué que la marque demandée représentait une « forme géométrique de base légèrement modifiée », à savoir une « forme rectangulaire arrondie » ou une « variante arrondie d’un rectangle en lignes simples sans couleur », ce qui est « une forme géométrique banale ». Certes, lors de l’audience, l’EUIPO, en reprenant en substance cette motivation, a également indiqué que « la demande d’enregistrement se constitu[ait] d’une variante arrondie d’un rectangle, simple, noir et blanc, dépourvu de couleur ou de tout élément remarquable », et que, « par conséquent, le public n’y verra[it] pas là une indication de l’origine d’une certaine entreprise, mais y verra[it] uniquement une forme extrêmement simple et banale rappelant une étiquette ». Toutefois, sans qu’il y ait lieu d’examiner le bien-fondé d’une telle motivation se référant à une « forme rectangulaire », il suffit de constater qu’elle ne figure pas dans la décision attaquée. Au contraire, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 26 ci-dessus, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a expressément indiqué qu’une telle appréciation de l’examinateur était dépourvue de pertinence. Il en résulte que la chambre de recours n’a pas retenu ladite motivation, ce qui d’ailleurs semble être corroboré par le fait que, au point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours apparaît soulever des doutes quant au fait que la forme en cause puisse être rapprochée d’un rectangle.

33      Secondement, la chambre de recours n’a fourni aucune motivation concernant les raisons pour lesquelles elle a considéré que le signe demandé était perçu comme une étiquette. Lors de l’audience, l’EUIPO a d’ailleurs admis que la décision attaquée ne contenait pas une telle motivation et ne précisait pas non plus ce qu’il y avait lieu d’entendre par étiquette.

34      En tout état de cause, l’indication contenue au point 19 de la décision attaquée selon laquelle les étiquettes présenteraient les formes les plus diverses ne saurait être considérée comme étant une telle motivation. En effet, à supposer même que ladite indication soit plausible, elle ne saurait pour autant signifier que toute forme, et en l’occurrence celle du signe demandé, puisse être automatiquement considérée comme étant une « “étiquette” normale » sans que la chambre de recours fournisse une quelconque explication à cet égard.

35      Par conséquent, dès lors que, pour conclure à l’absence de caractère distinctif, la chambre de recours, dans la décision attaquée, s’est bornée à affirmer que le signe demandé était perçu comme une « étiquette » et qu’il se caractérisait par sa « simplicité », sans étayer et motiver ses affirmations en indiquant les circonstances factuelles sur lesquelles elle s’était appuyée, il y a lieu de constater que le grief de la requérante, tiré d’un défaut de motivation, est fondé.

36      Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique est fondée et, partant, le moyen unique dans son ensemble, sans qu’il y ait besoin d’examiner les première et troisième branches dudit moyen.

37      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le recours et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

39      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

40      En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner l’EUIPO aux dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 septembre 2017 (affaire R 2250/2016-4) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens, y compris aux dépens indispensables exposés par Grammer AG aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

Tomljenović

Bieliūnas

Marcoulli

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.