Language of document : ECLI:EU:C:2016:705

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

21 septembre 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Égalité de traitement – Impôt sur le revenu – Exonération des revenus provenant de l’exercice d’une activité d’enseignement à titre accessoire au service d’une personne morale de droit public ayant son siège dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 – Législation d’un État membre excluant de cette exonération des revenus provenant d’une telle activité exercée au service d’une personne morale de droit public ayant son siège en Suisse »

Dans l’affaire C‑478/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne), par décision du 15 juillet 2015, parvenue à la Cour le 8 septembre 2015, dans la procédure

Peter Radgen,

Lilian Radgen

contre

Finanzamt Ettlingen,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur) et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération Suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’« accord sur la libre circulation des personnes »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Peter Radgen et son épouse, Mme Lilian Radgen (ci-après, ensemble, les « époux Radgen »), ressortissants et résidents allemands, au Finanzamt Ettlingen (service des impôts de Ettlingen, Allemagne, ci-après l’« administration fiscale ») au sujet du refus de cette administration de prendre en compte, au titre des revenus exonérés de l’impôt sur le revenu pour l’exercice fiscal 2009, des revenus perçus par M. Radgen dans le cadre d’une activité d’enseignement exercée par celui-ci à titre accessoire auprès d’un établissement de droit public établi en Suisse.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, ont signé, le 21 juin 1999, sept accords, au nombre desquels figure l’accord sur la libre circulation des personnes. Par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO 2002, L 114, p. 1), ces accords ont été approuvés au nom de la Communauté et sont entrés en vigueur le 1er juin 2002.

4        Aux termes du préambule de l’accord sur la libre circulation des personnes, les parties contractantes sont « décidé[e]s à réaliser la libre circulation des personnes entre [elles] en s’appuyant sur les dispositions en application dans la Communauté européenne ».

5        L’article 1er de cet accord dispose :

« L’objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Suisse est :

a)      d’accorder un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes ;

[...]

d)      d’accorder les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. »

6        L’article 2 dudit accord, intitulé « Non-discrimination », prévoit :

« Les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité. »

7        Aux termes de l’article 4 du même accord, intitulé « Droit de séjour et d’accès à une activité économique » :

« Le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti [...] conformément aux dispositions de l’annexe I. »

8        L’article 11, paragraphe 1, de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulé « Traitement des recours », accorde aux personnes visées par cet accord un droit de recours en ce qui concerne l’application des dispositions de celui-ci auprès des autorités compétentes.

9        Selon l’article 15 de l’accord sur la libre circulation des personnes, les annexes et les protocoles de ce dernier en font partie intégrante.

10      L’article 16, paragraphe 2, de cet accord, intitulé « Référence au droit communautaire », est libellé comme suit :

« Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence. »

11      L’article 21 dudit accord, intitulé « Relation avec les accords bilatéraux en matière de double imposition », dispose :

« 1.      Les dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les États membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord. En particulier les dispositions du présent accord ne doivent pas affecter la définition du travailleur frontalier selon les accords de double imposition.

2.      Aucune disposition du présent accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d’établir une distinction, dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence.

[...] »

12      L’annexe I de ce même accord est consacrée à la libre circulation des personnes et le chapitre II de celle-ci contient les dispositions concernant les travailleurs salariés.

13      L’article 6, paragraphe 1, de cette annexe, intitulé « Réglementation du séjour », dispose que « [l]e travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante (ci-après nommé travailleur salarié) qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance [...] ». Le paragraphe 2 de cet article règle la question du titre de séjour délivré aux travailleurs salariés occupant un emploi d’une durée inférieure à un an. Les paragraphes 3 à 7 dudit article contiennent, quant à eux, des dispositions procédurales relatives au droit de séjour des travailleurs salariés.

14      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de ladite annexe, « [l]e travailleur frontalier salarié est un ressortissant d’une partie contractante qui a sa résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exerce une activité salariée sur le territoire de l’autre partie contractante en retournant à son domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine ».

15      L’article 9, paragraphes 1 et 2, de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulé « Égalité de traitement », dispose :

« 1.      Un travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante ne peut, sur le territoire de l’autre partie contractante, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.      Le travailleur salarié et les membres de sa famille visés à l’article 3 de la présente annexe y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille. »

16      Le chapitre III de l’annexe I de cet accord, intitulé « Indépendants », contient des dispositions concernant les travailleurs indépendants.

 Le droit allemand

17      Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu, BGBl. 2002 I, p. 4212), dans sa version résultant de la loi fiscale annuelle, du 19 décembre 2008, relative à l’année d’imposition 2009 (BGBl. 2009 I, p. 2794) (ci-après l’« EStG »), les personnes physiques ayant leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national sont assujetties à l’impôt sur le revenu de manière illimitée.

18      L’article 3, point 26, de l’EStG prévoit que les revenus tirés d’activités exercées à titre accessoire en qualité de chargé de cours, de formateur, d’éducateur, de moniteur ou d’autres activités comparables exercées à titre accessoire au service ou pour le compte d’une personne morale de droit public établie dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE ») sont exonérés d’impôt jusqu’à un montant total de 2 100 euros par an.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

19      Il ressort du dossier soumis à la Cour que les époux Radgen sont des ressortissants allemands qui résident en Allemagne. Ils sont imposés conjointement au titre de l’impôt sur le revenu dans cet État membre. Il ressort également de ce dossier que M. Radgen est assujetti à l’impôt sur le revenu de manière illimitée dans ledit État membre.

20      Au cours de l’année 2009, M. Radgen a exercé une activité d’enseignement à titre accessoire dans un établissement de droit public en Suisse. L’exercice de cette activité a fait l’objet d’un contrat de travail entre M. Radgen et cet établissement. Pour dispenser ses cours, M. Radgen se rendait à Zurich, en Suisse, puis retournait en Allemagne. Il a perçu, pour ladite activité, un montant de 4 095 francs suisses (CHF) (environ 2 702 euros). Les époux Radgen ont estimé que l’exonération prévue à l’article 3, point 26, de l’EStG trouvait à s’appliquer à ces émoluments.

21      Dans son avis d’imposition sur le revenu au titre de l’année 2009, l’administration fiscale a soumis ce montant à l’impôt sur le revenu, après avoir déduit de la somme due au titre de cet impôt celle perçue à la source par l’administration fiscale suisse, s’élevant à 121,44 euros.

22      Les époux Radgen ont introduit une réclamation contre cet avis. L’administration fiscale a rejeté celle-ci comme étant non fondée, au motif que le refus d’accorder l’exonération prévue à l’article 3, point 26, de l’EStG ne constitue pas une entrave à l’accord sur la libre circulation des personnes.

23      Les époux Radgen ont formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg, Allemagne). Qualifiant M. Radgen de « travailleur frontalier salarié », au sens de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes, la juridiction de renvoi se demande si les principes dégagés par l’arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), peuvent également s’appliquer dans le cadre de cet accord.

24      Dans ce contexte, cette juridiction souligne que, du point de vue du droit fiscal allemand, peu importe que l’activité pour laquelle l’exonération est demandée soit exercée en tant que travailleur indépendant ou salarié. En outre, ladite juridiction estime que même si l’arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), est postérieur à la signature dudit accord, cet arrêt ne fait que préciser l’état du droit qui existait déjà avant la signature de ce même accord.

25      C’est dans ces conditions que le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Bade-Wurtemberg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes, notamment son préambule, ses articles 1er, 2, 4, 11, 16 et 21 ainsi que les articles 7, 9 et 15 de son annexe I, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la règle d’un État membre qui refuse à un citoyen assujetti à l’impôt de manière illimitée dans cet État de bénéficier d’un abattement pour une activité d’enseignement à titre accessoire, au motif que celle-ci n’est pas exercée au service ou pour le compte d’une personne morale de droit public établie dans un État membre de l’Union ou dans un État auquel s’applique l’accord EEE, mais au service ou pour le compte d’une personne morale de droit public établie sur le territoire de la Confédération suisse ? »

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité

26      En premier lieu, le gouvernement allemand et la Commission européenne soutiennent que l’interprétation de l’article 11 de l’accord sur la libre circulation des personnes relatif au traitement des recours et celle de l’article 15 de l’annexe I de cet accord relatif au travailleur indépendant sont dénuées de pertinence pour l’issue du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

27      À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 7 avril 2016, KA Finanz, C‑483/14, EU:C:2016:205, point 41 et jurisprudence citée).

28      En l’occurrence, d’une part, il ressort de l’article 11 de l’accord sur la libre circulation des personnes que cet article garantit aux personnes relevant de cet accord un droit de recours en ce qui concerne l’application des dispositions dudit accord auprès des autorités compétences. Or, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour qu’un tel droit a été refusé aux époux Radgen.

29      D’autre part, il est constant que l’activité exercée par M. Radgen en Suisse est une activité salariée. L’article 15 de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes s’appliquant aux travailleurs indépendants, à savoir les personnes exerçant une activité non salariée, M. Radgen ne relève pas du champ d’application de cet article.

30      Dans ces conditions, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation de l’article 11 de l’accord sur la libre circulation des personnes et celle de l’article 15 de l’annexe I de cet accord sont dénuées de pertinence pour l’issue du litige pendant devant la juridiction de renvoi. Partant, la question préjudicielle, en tant qu’elle porte sur l’interprétation de ces dispositions, est irrecevable.

31      En second lieu, le gouvernement allemand estime que M. Radgen ne peut pas être qualifié de « travailleur frontalier salarié », au sens de l’article 7 de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes. En revanche, ce gouvernement ne soutient pas que M. Radgen, pour l’exercice de l’activité salariée concernée, n’a pas fait usage de son droit à la libre circulation.

32      Ainsi qu’il découle du point 27 du présent arrêt, il est de la responsabilité du juge national de définir le cadre réglementaire et factuel du litige porté devant lui. La juridiction de renvoi ayant qualifié, sans équivoque, M. Radgen de « travailleur frontalier salarié », au sens de l’article 7 de l’annexe I dudit accord, il y a lieu, pour la Cour, de se fonder sur la prémisse que M. Radgen revêt cette qualité.

33      En tout état de cause, dès lors qu’il est constant que M. Radgen a fait usage de son droit à la libre circulation pour exercer une activité salariée sur le territoire d’une autre partie contractante à l’accord sur la libre circulation des personnes, à savoir la Confédération suisse, l’interprétation sollicitée des dispositions de cet accord relatives à l’égalité de traitement des travailleurs salariés n’apparaît pas être de nature hypothétique, de telle sorte que la question préjudicielle, dans la mesure où elle porte sur cette interprétation, est recevable.

34      En effet, l’accord sur la libre circulation des personnes ne distingue les travailleurs frontaliers salariés que dans un seul article, en l’occurrence l’article 7 de son annexe I, et à des fins particulières, à savoir pour fixer, ainsi qu’il découle de cet article 7, lu en combinaison avec l’article 6 de cette annexe, des modalités plus favorables les concernant en matière de droit de séjour que celles fixées pour d’autres travailleurs salariés relevant du champ d’application de cet accord (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Stamm et Hauser, C‑13/08, EU:C:2008:774, point 39).

 Sur le fond

35      Par sa question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si les dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes relatives à l’égalité de traitement des travailleurs salariés doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui n’octroie pas à un ressortissant résident assujetti de manière illimitée à l’impôt sur le revenu, ayant fait usage de son droit à la libre circulation pour exercer à titre accessoire une activité salariée d’enseignement au service d’une personne morale de droit public établie en Suisse, le bénéfice de l’exonération d’impôt afférente au revenu provenant de cette activité salariée, alors qu’une telle exonération aurait été octroyée si ladite activité avait été exercée au service d’une personne morale de droit public établie dans cet État membre, dans un autre État membre ou dans un autre État auquel s’applique l’accord EEE.

36      Ainsi qu’il ressort du préambule, de l’article 1er et de l’article 16, paragraphe 2, de l’accord sur la libre circulation des personnes, ce dernier vise à réaliser, en faveur des ressortissants de l’Union et de ceux de la Confédération suisse, la libre circulation des personnes sur les territoires des parties contractantes de cet accord en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky, C‑241/14, EU:C:2015:766, point 40).

37      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que cet objectif comprend, en vertu de l’article 1er, sous a) et d), dudit accord, celui d’accorder à ces ressortissants, entre autres, un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée ainsi que les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux.

38      Ainsi, l’article 4 de l’accord sur la libre circulation des personnes garantit le droit d’accès à une activité économique conformément aux dispositions de l’annexe I de cet accord, le chapitre II de cette annexe contenant des dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs salariés, et en particulier celles relatives au principe de l’égalité de traitement.

39      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’article 9 de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulé « Égalité de traitement », garantit l’application du principe de non-discrimination énoncé à l’article 2 de cet accord dans le cadre de la libre circulation des travailleurs (arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky, C‑241/14, EU:C:2015:766, point 47).

40      Cet article 9 énonce à son paragraphe 2 une règle spécifique visant à faire bénéficier le travailleur salarié et les membres de sa famille des mêmes avantages fiscaux et sociaux que ceux dont disposent les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille. En matière d’avantages fiscaux, la Cour a déjà jugé que le principe d’égalité de traitement, prévu à cette disposition, peut également être invoqué par un travailleur ressortissant d’une partie contractante, ayant exercé son droit de libre circulation, à l’égard de son État d’origine (arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky, C‑241/14, EU:C:2015:766, point 36 et jurisprudence citée).

41      S’agissant de l’affaire au principal, ainsi qu’il a été indiqué au point 33 du présent arrêt, il est constant que M. Radgen a fait usage de son droit à la libre circulation en exerçant une activité salariée sur le territoire de la Confédération suisse. Il s’ensuit qu’il relève du champ d’application du chapitre II de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes et, partant, peut invoquer l’article 9 du chapitre II de cette annexe à l’égard de son État d’origine.

42      Il y a lieu dès lors de vérifier si M. Radgen a subi un désavantage fiscal par rapport à d’autres ressortissants résidents allemands exerçant une activité salariée analogue à la sienne et qui, contrairement à lui, exercent cette activité au service d’une personne morale de droit public établie sur le territoire national, dans un autre État membre de l’Union ou dans un autre État auquel s’applique l’accord EEE.

43      En l’occurrence, il suffit de constater que la législation nationale en cause au principal, en refusant aux contribuables résidents allemands exerçant à titre accessoire une activité d’enseignement au service d’une personne morale de droit public établie en Suisse le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu afférente au revenu provenant de cette activité salariée, alors qu’une telle exonération aurait été octroyée si ladite activité avait été exercée au service d’une personne morale de droit public établie sur le territoire national, dans un autre État membre de l’Union ou dans un autre État auquel s’applique l’accord EEE, induit une différence de traitement fiscal entre les contribuables résidents allemands en fonction de l’origine de leurs revenus.

44      Cette différence de traitement est susceptible de dissuader les contribuables résidents allemands d’exercer leur droit à la libre circulation en accomplissant une activité salariée d’enseignement sur le territoire suisse tout en continuant à résider dans leur État de résidence et, partant, constitue une inégalité de traitement, en principe, contraire à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes.

45      Néanmoins, il convient également de tenir compte, en premier lieu, de l’article 21, paragraphe 2, de cet accord qui permet l’application d’un traitement différencié, en matière fiscale, aux contribuables qui ne se trouvent pas dans une situation comparable, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence.

46      En second lieu, lorsque des contribuables se trouvent dans une situation comparable, il découle de la jurisprudence constante de la Cour relative à la liberté de circulation garantie par le traité qu’une différence de traitement peut encore être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, entre autres, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C‑19/92, EU:C:1993:125, point 32 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, point 38 et jurisprudence citée).

47      Le principe d’égalité de traitement constituant une notion du droit de l’Union (arrêt du 6 octobre 2011, Graf et Engel, C‑506/10, EU:C:2011:643, point 26), pour déterminer l’existence d’une éventuelle inégalité de traitement dans le cadre de l’accord sur la libre circulation des personnes, il y a lieu, ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, de se référer, par analogie, aux principes dégagés par la jurisprudence de la Cour visée au point précédent du présent arrêt.

48      En l’occurrence, il y a lieu de constater qu’il n’a pas été allégué que des contribuables résidents allemands exerçant à titre accessoire une activité salariée d’enseignement sur le territoire suisse ne se trouvent pas, en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, dans une situation comparable à celle des contribuables résidents allemands auxquels l’exonération en cause au principal est octroyée.

49      La justification d’une inégalité de traitement ne peut dès lors tenir qu’à des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

50      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), la Cour a été amenée, à propos de personnes physiques ayant fait usage de leur liberté de circulation, en exerçant à titre accessoire une activité d’enseignement à titre indépendant auprès d’une université établie dans un autre État membre, tout en continuant à résider dans leur État de résidence, à examiner si la différence de traitement prohibée, entre ces personnes et celles qui exercent une telle activité sur le territoire national, résultant de l’article 3, point 26, de l’EStG, pouvait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

51      La Cour a considéré, aux points 63 et 64 de l’arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), qu’une telle différence de traitement ne pouvait pas être justifiée par la raison d’intérêt général liée à la promotion de l’enseignement, de la recherche et du développement, étant donné qu’une telle différence porte atteinte à la liberté des enseignants exerçant leur activité à titre accessoire de choisir le lieu de leurs prestations de services au sein de l’Union sans qu’il ait été établi que, pour atteindre l’objectif allégué de promotion de l’enseignement, il soit nécessaire de réserver le bénéfice de l’exonération fiscale concernée aux seuls contribuables qui exercent une activité similaire dans des universités établies sur le territoire national.

52      Une justification fondée sur une raison impérieuse d’intérêt général liée à la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal allemand, en l’absence de l’existence de lien direct, du point de vue du régime fiscal, entre l’exonération fiscale des indemnités pour frais professionnels versées par des universités nationales et une compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, a également été écartée par la Cour, aux points 69 à 71 de cet arrêt.

53      Enfin, la Cour a précisé, aux points 83 à 88 dudit arrêt, d’une part, que l’exonération fiscale prévue à l’article 3, point 26, de l’EStG, est non pas une mesure portant sur le contenu de l’enseignement ou l’organisation du système éducatif, mais une mesure fiscale de nature générale qui octroie un avantage fiscal lorsqu’un particulier se consacre à des activités au bénéfice de la collectivité. D’autre part, les États membres doivent, en tout état de cause, lors de l’exercice de la compétence et de la responsabilité dont ils disposent pour organiser leur système éducatif, respecter les dispositions du traité relatives à la liberté de circulation. Il s’ensuit que même si une législation nationale constitue une mesure liée à une telle organisation, elle n’en demeure pas moins incompatible avec le traité dans la mesure où elle affecte le choix des enseignants exerçant leur activité à titre accessoire quant au lieu de leurs prestations de services.

54      Ces considérations sont transposables à une situation telle que celle en cause au principal. En effet, le fait que l’activité en cause soit exercée à titre indépendant, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 décembre 2007, Jundt (C‑281/06, EU:C:2007:816), ou à titre salarié, ainsi qu’il en est dans l’affaire au principal, n’est pas déterminant. En revanche, dans un cas comme dans l’autre, la législation fiscale en cause, en l’occurrence l’article 3, point 26, de l’EStG, est susceptible d’affecter le choix des contribuables résidents exerçant à titre accessoire une activité d’enseignement en ce qui concerne le lieu d’exercice de cette activité.

55      Lesdites considérations sont également conformes à l’objectif de l’accord sur la libre circulation des personnes qui, ainsi qu’il découle de son préambule, est de réaliser en faveur des ressortissants de l’Union et de ceux de la Confédération suisse la libre circulation des personnes sur les territoires des parties contractantes de cet accord, en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union.

56      Il s’ensuit qu’une législation fiscale nationale, telle que celle en cause au principal, qui refuse l’octroi d’une exonération aux contribuables résidents ayant fait usage de leur droit à la libre circulation en exerçant à titre accessoire une activité salariée d’enseignement au service d’une personne morale établie sur le territoire suisse, en raison du lieu de l’exercice de cette activité, établit une inégalité de traitement non justifiée et, partant, est contraire à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes.

57      Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que les dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes relatives à l’égalité de traitement des travailleurs salariés doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui n’octroie pas à un ressortissant résident assujetti de manière illimitée à l’impôt sur le revenu, ayant fait usage de son droit à la libre circulation pour exercer à titre accessoire une activité salariée d’enseignement au service d’une personne morale de droit public établie en Suisse, le bénéfice de l’exonération d’impôt afférente au revenu provenant de cette activité salariée, alors qu’une telle exonération aurait été octroyée si ladite activité avait été exercée au service d’une personne morale de droit public établie dans cet État membre, dans un autre État membre de l’Union ou dans un autre État auquel s’applique l’accord EEE.

 Sur les dépens

58      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

Les dispositions de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, relatives à l’égalité de traitement des travailleurs salariés doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui n’octroie pas à un ressortissant résident assujetti de manière illimitée à l’impôt sur le revenu, ayant fait usage de son droit à la libre circulation pour exercer à titre accessoire une activité salariée d’enseignement au service d’une personne morale de droit public établie en Suisse, le bénéfice de l’exonération d’impôt afférente au revenu provenant de cette activité salariée, alors qu’une telle exonération aurait été octroyée si ladite activité avait été exercée au service d’une personne morale de droit public établie dans cet État membre, dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.