Language of document : ECLI:EU:C:2019:622

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

29 juillet 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Convention d’Espoo – Convention d’Aarhus – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Directive 92/43/CEE – Article 6, paragraphe 3 – Notion de “projet” – Évaluation des incidences sur le site concerné – Article 6, paragraphe 4 – Notion de “raisons impératives d’intérêt public majeur” – Conservation des oiseaux sauvages – Directive 2009/147/CE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Directive 2011/92/UE – Article 1er, paragraphe 2, sous a) – Notion de “projet” – Article 2, paragraphe 1 – Article 4, paragraphe 1 – Évaluation des incidences sur l’environnement – Article 2, paragraphe 4 – Exemption de l’évaluation – Sortie progressive de l’énergie nucléaire – Législation nationale prévoyant, d’une part, le redémarrage, pour une durée de près de dix années, de l’activité de production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de son activité, et, d’autre part, le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par ce même législateur pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité – Absence d’évaluation de l’incidence sur l’environnement »

Dans l’affaire C‑411/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique), par décision du 22 juin 2017, parvenue à la Cour le 7 juillet 2017, dans la procédure

Inter-Environnement Wallonie ASBL,

Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen ASBL

contre

Conseil des ministres,

en présence de :

Electrabel SA,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, E. Regan, T. von Danwitz, Mme C. Toader et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. A. Rosas, M. Ilešič, J. Malenovský, M. Safjan, D. Šváby et C. G. Fernlund, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Inter-Environnement Wallonie ASBL et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen ASBL, par Me J. Sambon, avocat,

–        pour Electrabel SA, par Mes T. Vandenput et M. Pittie, avocats, ainsi que par Mes D. Arts et F. Tulkens, advocaten,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et J. Van Holm, en qualité d’agents, assistées de Mes G. Block et K. Wauters, avocats, ainsi que de M. F. Henry,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et J. Pavliš ainsi que par Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, représenté initialement par MM. T. Henze et D. Klebs, puis par M. D. Klebs, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, représenté initialement par Mme C. Pesendorfer, puis par Mme M. Oswald et M. G. Hesse, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et J. Reis Silva ainsi que par Mme L. Medeiros, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement finlandais, par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon ainsi que par Mmes J. Kraehling, G. Brown et R. Fadoju, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara, C. Zadra, M. Noll-Ehlers et R. Tricot ainsi que par Mme M. Patakia, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, conclue à Espoo (Finlande) le 25 février 1991 et approuvée au nom de la Communauté européenne par décision du Conseil du 27 juin 1997 (ci-après la « convention d’Espoo »), et de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, conclue à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1) (ci-après la « convention d’Aarhus »), ainsi que de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive habitats »), de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17 (ci-après la « directive oiseaux »), et de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1, ci-après la « directive EIE »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Inter-Environnement Wallonie ASBL et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen ASBL au Conseil des ministres (Belgique) au sujet de la loi par laquelle le Royaume de Belgique a, d’une part, prévu le redémarrage, pour une durée de près de dix années, de l’activité de production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt et, d’autre part, reporté de dix ans le terme initialement prévu pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire en activité.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit international

1.      La convention d’Espoo

3        Aux termes de l’article 1er de la convention d’Espoo, intitulé « Définitions » :

« [...]

v)      l’expression “activité proposée” désigne toute activité ou tout projet visant à modifier sensiblement une activité, dont l’exécution doit faire l’objet d’une décision d’une autorité compétente suivant toute procédure nationale applicable,

[...]

ix)      l’expression “autorité compétente” désigne l’autorité (ou les autorités) nationale(s) désignée(s) par une Partie pour accomplir les tâches visées dans la présente [c]onvention et/ou l’autorité (ou les autorités) habilitée(s) par une Partie à exercer des pouvoirs décisionnels concernant une activité proposée,

[...] »

4        L’article 2 de la convention d’Espoo stipule :

« 1.      Les Parties prennent, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l’impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l’environnement.

2.      Chaque Partie prend les mesures juridiques, administratives ou autres, nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions de la présente Convention, y compris, en ce qui concerne les activités proposées inscrites sur la liste figurant à l’appendice I qui sont susceptibles d’avoir un impact transfrontière préjudiciable important, l’établissement d’une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement permettant la participation du public et la constitution du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement décrit dans l’appendice II.

3.      La Partie d’origine veille à ce que, conformément aux dispositions de la présente Convention, il soit procédé à une évaluation de l’impact sur l’environnement avant que ne soit prise la décision d’autoriser ou d’entreprendre une activité proposée inscrite sur la liste figurant à l’appendice I, qui est susceptible d’avoir un impact transfrontière préjudiciable important.

[...]

6.      Conformément aux dispositions de la présente convention, la Partie d’origine offre au public des zones susceptibles d’être touchées la possibilité de participer aux procédures pertinentes d’évaluation de l’impact sur l’environnement des activités proposées, et veille à ce que la possibilité offerte au public de la Partie touchée soit équivalente à celle qui est offerte à son propre public.

7.      Les évaluations de l’impact sur l’environnement prescrites par la présente Convention sont effectuées, au moins au stade du projet de l’activité proposée. Dans la mesure voulue, les Parties s’efforcent d’appliquer les principes de l’évaluation de l’impact sur l’environnement aux politiques, plans et programmes.

[...] »

5        Selon l’article 3, paragraphe 8, de la convention d’Espoo, « [l]es Parties concernées veillent à ce que le public de la Partie touchée, dans les zones susceptibles d’être touchées, soit informé de l’activité proposée et ait la possibilité de formuler des observations ou des objections à son sujet et à ce que ces observations ou objections soient transmises à l’autorité compétente de la Partie d’origine, soit directement, soit, s’il y a lieu, par l’intermédiaire de la Partie d’origine ».

6        L’article 5 de la convention d’Espoo indique :

« Après constitution du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement, la Partie d’origine engage, sans délai excessif, des consultations avec la Partie touchée au sujet, notamment, de l’impact transfrontière que l’activité proposée pourrait avoir et des mesures propres à permettre de réduire cet impact ou de l’éliminer. Les consultations peuvent porter :

a)      sur les solutions de remplacement possibles, y compris l’option ‘zéro’, ainsi que sur les mesures qui pourraient être prises pour atténuer tout impact transfrontière préjudiciable important et sur la procédure qui pourrait être suivie pour surveiller les effets de ces mesures aux frais de la Partie d’origine ;

b)      sur d’autres formes d’assistance mutuelle envisageables pour réduire tout impact transfrontière préjudiciable important de l’activité proposée ;

c)      sur toute autre question pertinente relative à l’activité proposée.

Les Parties conviennent, au début des consultations, d’un délai raisonnable pour la durée de la période de consultations. Ces consultations peuvent être menées par l’intermédiaire d’un organe commun approprié, s’il en existe un. »

7        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la convention d’Espoo :

« Les Parties veillent à ce qu’au moment de prendre une décision définitive au sujet de l’activité proposée, les résultats de l’évaluation de l’impact sur l’environnement, y compris le dossier correspondant, ainsi que les observations reçues à son sujet en application du [paragraphe] 8 de l’[article] 3 et du [paragraphe] 2 de l’[article 4] et l’issue des consultations visées à l’[article 5], soient dûment pris en considération. »

8        L’appendice I de la convention d’Espoo, intitulé « Liste d’activités », vise, à son point 2, notamment, les « centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires ».

9        Le document d’information sur l’application de la [convention d’Espoo] à des activités en rapport avec l’énergie nucléaire (ECE/MP.EIA/2011/5), établi le 2 avril 2011 par la commission économique des Nations unies pour l’Europe, évoque, parmi les modifications importantes soumises aux exigences de la convention d’Espoo, « une nette augmentation de la production ou du stockage de déchets radioactifs provenant d’une installation (pas seulement d’une centrale nucléaire), par exemple de 25 % », ainsi qu’« une prolongation de la durée de vie d’une installation ».

10      Ce même document précise, dans un résumé de son contenu, ce qui suit :

« La présente note tente de prendre en considération les points de vue divers et parfois contradictoires exprimés au sujet de l’application de la [convention d’Espoo] à des activités en rapport avec l’énergie nucléaire, notamment les centrales nucléaires. Il ne s’agit pas d’une note d’orientation : elle vise plutôt à favoriser le débat sur les questions clefs dans le cadre de la table ronde consacrée aux projets en rapport avec l’énergie nucléaire, qui se tiendra au cours de la cinquième session de la réunion des Parties à la [convention d’Espoo].

Cette note ne reflète pas nécessairement les opinions de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe ou du secrétariat. »

11      Le mandat donné pour l’élaboration des recommandations sur les bonnes pratiques relatives à l’application de la [convention d’Espoo] aux activités liées à l’énergie nucléaire , approuvées par la réunion des Parties à la convention d’Espoo lors de la septième session [Minsk (Biélorussie), 13-16 juin 2017, indique que l’objet de ce document est de « décrire les bonnes pratiques existantes en matière d’évaluation de l’impact sur l’environnement et applicables aux activités liées à l’énergie nucléaire ».

12      Ce même mandat indique que la vérification préliminaire aura à déterminer si les activités nucléaires ainsi que les modifications sensibles qui leur ont été apportées relèvent ou non du champ d’application de la convention d’Espoo. Il précise que cette vérification « comprend des considérations relatives à la prolongation, au renouvellement et à la mise à jour de la licence (par exemple, prolongement de la durée de vie opérationnelle), comme une augmentation substantielle dans les niveaux de production ou dans la production/le transport/le stockage des déchets radioactifs d’une installation (pas uniquement une centrale nucléaire) et la mise hors service ».

2.      La convention d’Aarhus

13      En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, la définition donnée par celle-ci à l’expression « autorité publique » « n’englobe pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs [...] législatifs ».

14      L’article 6 de la convention d’Aarhus, intitulé « Participation du public aux décisions relatives à des activités particulières », stipule, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.      Chaque Partie :

a)      applique les dispositions du présent article lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I ;

b)      applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les Parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions ;

[...]

4.      Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence. »

15      L’annexe I de la convention d’Aarhus, intitulée « Liste des activités visées au paragraphe 1 a) de l’article 6 », mentionne, à son point 1, cinquième tiret, les « centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires, y compris le démantèlement ou le déclassement de ces centrales ou réacteurs ».

16      Selon le point 22 de cette annexe :

« Toute modification ou extension des activités qui répond en elle-même aux critères ou aux seuils énoncés dans la présente annexe est régie par le paragraphe 1 a) de l’article 6 de la présente convention. Toute autre modification ou extension d’activité relève du paragraphe 1 b) de l’article 6 de la présente convention. »

17      Les recommandations de Maastricht sur les moyens de promouvoir la participation effective du public au processus décisionnel en matière d’environnement ont été approuvées par la réunion des Parties à la convention d’Aarhus lors de la cinquième session [Maastricht (Pays-Bas), 30 juin-1er juillet 2014]. Dans la partie intitulée « Résumé » de ces recommandations, il est indiqué que ces dernières, quoique « ni contraignantes ni exhaustives », fournissent néanmoins de « précieuses orientations sur l’application des articles 6, 7 et 8 de la [convention d’Aarhus] ».

B.      Le droit de l’Union

1.      La directive habitats

18      L’article 2 de la directive habitats précise, à son paragraphe 2 :

« Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. »

19      L’article 3 de cette directive prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé “Natura 2000” est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu de la [directive 79/409/CEE, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1)]. »

20      L’article 6 de la directive habitats dispose :

« 1.      Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou un projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. »

21      L’article 7 de la directive habitats énonce :

« Les obligations découlant de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive [79/409], en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [79/409] si cette dernière date est postérieure. »

2.      La directive oiseaux

22      L’article 2 de la directive oiseaux énonce :

« Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. »

23      L’article 3 de cette directive prévoit :

« 1.      Compte tenu des exigences mentionnées à l’article 2, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver, maintenir ou rétablir une diversité et une superficie suffisantes d’habitats pour toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er.

2.      La préservation, le maintien et le rétablissement des biotopes et des habitats comportent en premier lieu les mesures suivantes :

a)      création de zones de protection ;

b)      entretien et aménagement conformes aux impératifs écologiques des habitats se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur des zones de protection ;

c)      rétablissement des biotopes détruits ;

d)      création de biotopes. »

24      L’article 4 de ladite directive indique :

« 1.      Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

[...]

2.      Les États membres prennent des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. [...]

[...]

4.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. En dehors de ces zones de protection, les États membres s’efforcent également d’éviter la pollution ou la détérioration des habitats. »

25      Ainsi qu’il ressort de son article 18, premier alinéa, la directive oiseaux a abrogé la directive 79/409. Le second alinéa de cet article 18 précise que les références faites à cette dernière directive s’entendent comme faites à la directive oiseaux et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe VII de celle-ci.

3.      La directive EIE

26      Les considérants 1, 15 et 18 à 20 de la directive EIE énoncent :

« (1)      La directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement [(JO 1985, L 175, p. 40)] a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ladite directive.

[…]

(15)      Il convient d’établir des dispositions renforcées concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement dans un contexte transfrontière afin de tenir compte des évolutions au niveau international. La Communauté européenne a signé la [convention d’Espoo], le 25 février 1991 et l’a ratifiée le 24 juin 1997.

[...]

(18)      La Communauté européenne a signé la [convention d’Aarhus] le 25 juin 1998 et l’a ratifiée le 17 février 2005.

(19)      La convention d’Aarhus a notamment pour objectif de garantir les droits de participation du public aux procédures décisionnelles en matière d’environnement afin de contribuer à sauvegarder le droit de tout un chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être.

(20)      L’article 6 de la convention d’Aarhus prévoit une participation du public aux décisions relatives aux activités particulières énumérées à son annexe I et aux activités non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir une incidence importante sur l’environnement. »

27      Aux termes de l’article 1er, paragraphes 2 et 4, de cette directive :

« 2.      Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “projet” :

–        la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,

–        d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol ;

b)      “maître d’ouvrage” : soit l’auteur d’une demande d’autorisation concernant un projet privé, soit l’autorité publique qui prend l’initiative à l’égard d’un projet ;

c)      “autorisation” : la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet ;

[...] 

4.      La présente directive ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y compris celui de fournir des informations, étant atteints à travers la procédure législative. »

28      L’article 2, paragraphes 1 et 4, de ladite directive prévoit :

« 1.      Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.

[...]

4.      Sans préjudice de l’article 7, les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive.

Dans ce cas, les États membres :

a)      examinent si une autre forme d’évaluation conviendrait ;

b)      mettent à la disposition du public concerné les informations obtenues dans le cadre d’autres formes d’évaluation visées au point a), les informations relatives à la décision d’accorder une exemption et les raisons pour lesquelles elle a été accordée ;

c)      informent la Commission, préalablement à l’octroi de l’autorisation, des motifs qui justifient l’exemption accordée et lui fournissent les informations qu’ils mettent, le cas échéant, à la disposition de leurs propres ressortissants.

La Commission transmet immédiatement les documents reçus aux autres États membres.

La Commission rend compte chaque année au Parlement européen et au Conseil de l’application du présent paragraphe. »

29      L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la même directive dispose :

« 1.      Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.

2.      Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination :

a)      sur la base d’un examen cas par cas ;

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b). »

30      L’article 5, paragraphe 3, de la directive EIE prévoit que les informations à fournir par le maître d’ouvrage, pour les projets qui, en application de l’article 4 de celle-ci, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, comportent au minimum : une description du projet contenant des informations relatives au site, à la conception et aux dimensions du projet ; une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des incidences négatives importantes et, si possible, y remédier ; les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement ; une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux incidences sur l’environnement ; un résumé non technique de ces différentes informations.

31      L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive énonce :

« Lorsqu’un État membre constate qu’un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre ou lorsqu’un État membre susceptible d’être affecté de manière notable le demande, l’État membre sur le territoire duquel il est envisagé de réaliser le projet transmet à l’État membre affecté, le plus rapidement possible et au plus tard au moment où il informe son propre public, notamment :

a)      une description du projet accompagnée de toute information disponible quant à ses incidences transfrontalières éventuelles ;

b)      des informations quant à la nature de la décision susceptible d’être prise. »

32      L’annexe I de ladite directive, intitulée « Projets visés à l’article 4, paragraphe 1 », mentionne, à son point 2, sous b), les « [c]entrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires, y compris le démantèlement ou le déclassement de ces centrales ou réacteurs ».

33      Ladite annexe I vise, à son point 24, « [t]oute modification ou extension des projets énumérés dans la présente annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés ».

34      L’annexe II de la directive EIE mentionne, à son point 13, sous a), « [t]oute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à la présente annexe, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement (modification ou extension ne figurant pas à l’annexe I) ».

C.      Le droit belge

1.      La loi du 31 janvier 2003

35      La loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité (Moniteur belge du 28 février 2003, p. 9879, ci-après la « loi du 31 janvier 2003 ») a établi un calendrier de sortie progressive de la production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires par les centrales nucléaires.

36      Aux termes de l’article 2 de cette loi :

« Pour l’application de la présente loi, il y a lieu d’entendre par :

1°      “date de mise en service industrielle” : date de l’accord formel entre le producteur d’électricité, les constructeurs et le bureau d’études par lequel la phase de projet est finalisée et la phase de production commence, à savoir pour les centrales existantes :

–        Doel 1 : le 15 février 1975

–        Doel 2 : le 1er décembre 1975

–        Doel 3 : le 1er octobre 1982

–        Doel 4 : le 1er juillet 1985

–        Tihange 1 : le 1er octobre 1975

–        Tihange 2 : le 1er février 1983

–        Tihange 3 : le 1er septembre 1985

[...] »

37      Dans sa version initiale, l’article 4 de ladite loi prévoyait :

« § 1.       Les centrales nucléaires destinées à la production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires, sont désactivées quarante ans après la date de leur mise en service industrielle et ne peuvent plus produire d’électricité dès cet instant.

§ 2.      Toutes les autorisations individuelles d’exploitation et de production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires, délivrées pour une période sans limitation de durée par le Roi [...] prennent fin quarante ans après la date de la mise en service industrielle de l’installation de production concernée. »

38      Selon l’article 9 de la même loi :

« En cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en matière d’électricité, le Roi peut, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, après avis de la Commission de Régulation de l’Électricité et du Gaz, prendre les mesures nécessaires, sans préjudice des articles 3 à 7 de cette loi, sauf en cas de force majeure. Cet avis portera notamment sur l’incidence de l’évolution des prix de production sur la sécurité d’approvisionnement. »

2.      La loi du 28 juin 2015

39      La loi du 28 juin 2015 modifiant la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité afin de garantir la sécurité d’approvisionnement sur le plan énergétique (Moniteur belge du 6 juillet 2015, p. 44423, ci-après la « loi du 28 juin 2015 ») est entrée en vigueur le 6 juillet 2015.

40      L’exposé des motifs de la loi du 28 juin 2015 souligne, notamment, que la situation potentiellement problématique en matière de sécurité d’approvisionnement est mise en évidence dans plusieurs études scientifiques et que, compte tenu des grandes incertitudes liées au redémarrage des centrales Doel 3 et Tihange 2, de la fermeture annoncée de centrales thermiques au cours de l’année 2015 et du fait que l’intégration des capacités étrangères au réseau belge n’est pas possible à court terme, le gouvernement belge a décidé, le 18 décembre 2014, de prolonger l’exploitation des centrales Doel 1 et Doel 2 pour une période de dix ans, sans que la durée d’exploitation de ces réacteurs ne puisse se prolonger au-delà de l’année 2025. Il énonce que cette prolongation sera réalisée dans le respect des prescriptions en matière de réévaluation décennale de sûreté couvrant notamment les mesures prévues par le plan pour l’exploitation à long terme des centrales, élaboré par Electrabel SA, qui détaille les mesures à prendre en raison de la prolongation de l’activité de production industrielle d’électricité des deux centrales, dit « plan “Long Term Operation” » (ci-après le « plan LTO »), la réadaptation du plan d’action relatif aux tests de résistance et les approbations nécessaires de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN).

41      L’article 4, paragraphe 1, de la loi du 31 janvier 2003, dans sa version issue de la loi du 28 juin 2015, dispose désormais :

« La centrale nucléaire Doel 1 peut à nouveau produire de l’électricité à compter de l’entrée en vigueur de la [loi du 28 juin 2015]. Elle est désactivée et ne peut plus produire de l’électricité à partir du 15 février 2025. Les autres centrales nucléaires destinées à la production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires, sont désactivées aux dates suivantes et ne peuvent plus produire d’électricité à partir de ces dates :

[...]

–        Doel 2 : 1er décembre 2025. »

42      Par ailleurs, la loi du 28 juin 2015 a complété l’article 4 de la loi du 31 janvier 2003 par un paragraphe 3, ainsi rédigé :

« Le Roi avance, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la date visée au § 1er pour les centrales nucléaires de Doel 1 et de Doel 2 au 31 mars 2016, si la convention visée à l’article 4/2, § 3, n’est pas conclue au plus tard pour le 30 novembre 2015. »

43      Enfin, la loi du 28 juin 2015 a inséré dans la loi du 31 janvier 2003 un article 4/2 rédigé comme suit :

« § 1er.        Le propriétaire des centrales nucléaires Doel 1 et Doel 2 verse à l’État fédéral, jusqu’au 15 février 2025 pour Doel 1 et jusqu’au 1er décembre 2025 pour Doel 2, une redevance annuelle en contrepartie de la prolongation de la durée de permission de production industrielle d’électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires.

[...]

§ 3.      L’État fédéral conclut une convention avec le propriétaire des centrales nucléaires Doel 1 et Doel 2 notamment en vue de :

1°      préciser les modalités de calcul de la redevance visée au paragraphe 1er ;

2°      régler l’indemnisation de chacune des parties en cas de non-respect de leurs engagements contractuels. »

II.    Le litige au principal et les questions préjudicielles

44      Le Royaume de Belgique dispose de sept réacteurs nucléaires : quatre sur le territoire de la Région flamande, à Doel (Doel 1, Doel 2, Doel 3 et Doel 4), et trois sur le territoire de la Région wallonne, à Tihange (Tihange 1, Tihange 2 et Tihange 3). Dans le cadre du présent arrêt, chacun des réacteurs est désigné comme étant une centrale nucléaire distincte.

45      Les centrales Doel 1 et Doel 2 sont en service depuis, respectivement, le 15 février 1975 et le 1er décembre 1975. Elles ont fait l’objet d’une autorisation unique, accordée au cours de l’année 1974 par arrêté royal, pour une durée indéterminée.

46      La loi du 31 janvier 2003, dans sa rédaction initiale, a, d’une part, interdit la construction et la mise en exploitation de toute nouvelle centrale nucléaire en Belgique et, d’autre part, établi un calendrier de sortie progressive du nucléaire en décidant l’arrêt, à une date donnée, de l’activité de production industrielle d’électricité de toutes les centrales en activité. Elle a prévu à cet effet que les autorisations individuelles d’exploitation et de production industrielle d’électricité prendraient fin quarante ans après la mise en service de la centrale concernée, tout en laissant la possibilité au Roi de modifier ce calendrier en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement du pays.

47      La loi du 18 décembre 2013 modifiant la loi du 31 janvier 2003 a toutefois reporté de dix ans la date d’arrêt de la production industrielle d’électricité de la centrale Tihange 1, qui avait été mise en service le 1er octobre 1975. Cette loi a prévu que seule l’autorisation de production industrielle d’électricité prendrait fin à la date de désactivation prévue par le calendrier de sortie du nucléaire et que l’autorisation d’exploitation demeurerait en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit « adaptée ». Elle a également supprimé la possibilité pour le Roi de modifier le calendrier de sortie du nucléaire qui avait été fixé par la loi du 31 janvier 2003.

48      Le 18 décembre 2014, le gouvernement belge a décidé que la période de production d’électricité des centrales Doel 1 et Doel 2 devait également être prolongée de dix années.

49      Le 13 février 2015, Electrabel, propriétaire et exploitant de ces deux centrales, a notifié à l’AFCN la désactivation de la centrale Doel 1 et l’arrêt de son activité de production industrielle d’électricité, le 15 février 2015 à minuit, conformément au calendrier fixé par la loi du 31 janvier 2003. Il était précisé que cette notification serait « nulle et non avenue » si et dès le moment où une loi de prolongation décennale concernant cette centrale entrerait en vigueur et pour autant que les conditions y relatives seraient acceptées par Electrabel.

50      La loi du 28 juin 2015 a de nouveau modifié le calendrier de sortie du nucléaire fixé par le législateur national, en reportant de dix ans le terme fixé pour l’arrêt de la production industrielle d’électricité des centrales Doel 1 et Doel 2. Cette loi a également prévu que la centrale Doel 1 pourrait produire à nouveau de l’électricité.

51      Conformément à cette loi, ces deux centrales doivent être désactivées et cesser leur production industrielle d’électricité le 15 février 2025 pour la centrale Doel 1 et le 1er décembre 2025 pour la centrale Doel 2.

52      Il ressort de la décision de renvoi que plusieurs auditions ont été menées par les parlementaires dans le cadre de la procédure d’adoption de ladite loi, dont celle du directeur de l’organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies, lequel a indiqué que la prolongation pendant dix ans de l’activité de production d’électricité de ces deux centrales serait susceptible de produire des déchets d’exploitation à hauteur de 350 m3.

53      Au mois de septembre 2015, l’AFCN a confirmé sa décision, adoptée au cours du mois d’août 2015, de ne pas soumettre les modifications envisagées par l’exploitant dans le cadre du plan LTO à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

54      Cette décision a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État (Belgique).

55      Un arrêté royal du 27 septembre 2015 a précisé les conditions d’exploitation des centrales Doel 1 et Doel 2, en prévoyant qu’Electrabel devrait mettre à exécution le plan LTO au plus tard à la fin de l’année 2019. Cet arrêté a également fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.

56      Le 30 novembre 2015, Electrabel et l’État belge ont signé une convention prévoyant la réalisation d’un plan d’investissements dit « de jouvence », d’un montant d’environ 700 millions d’euros, pour la prolongation de la durée d’exploitation des centrales Doel 1 et Doel 2 jusqu’au terme prévu par la loi du 28 juin 2015 (ci-après la « convention du 30 novembre 2015 »).

57      Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, associations belges de protection de l’environnement, ont introduit devant la Cour constitutionnelle (Belgique) un recours en annulation de la loi du 28 juin 2015. Elles font essentiellement valoir que cette loi a été adoptée sans que soient respectées les exigences d’évaluation préalable, imposées tant par les conventions d’Espoo et d’Aarhus que par les directives EIE, habitats et oiseaux.

58      C’est dans ce contexte que la Cour constitutionnelle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2, paragraphes 1er à 3, 6 et 7, l’article 3, paragraphe 8, l’article 5 et l’article 6, paragraphe 1er, et le point 2 de l’appendice l de la [convention d’Espoo] doivent-ils être interprétés conformément aux précisions apportées par le document d’information sur l’application de la [convention d’Espoo] à des activités en rapport avec l’énergie nucléaire et les recommandations sur les bonnes pratiques relatives à l’application de la [convention d’Espoo] aux activités liées à l’énergie nucléaire ?

2)      L’article 1er, ix), de la [convention d’Espoo] définissant l’“autorité compétente” peut-il être interprété comme excluant du champ d’application de ladite [convention] des actes législatifs tels que la [loi du 28 juin 2015], compte tenu notamment des différentes études et auditions menées dans le cadre de l’adoption de cette loi ?

3)      a)      Les articles 2 à 6 de la [convention d’Espoo] doivent-ils être interprétés comme s’appliquant préalablement à l’adoption d’un acte législatif tel que la [loi du 28 juin 2015], dont l’article 2 reporte la date de la désactivation et de la fin de la production industrielle d’électricité des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

b)      La réponse à la question énoncée au point a) est-elle différente selon qu’elle concerne la centrale de Doel 1 ou celle de Doel 2, compte tenu de la nécessité, pour la première centrale, de prendre des actes administratifs exécutant la loi précitée du 28 juin 2015 ?

c)      La sécurité d’approvisionnement en électricité du pays peut-elle constituer un motif impérieux d’intérêt général permettant de déroger à l’application des articles 2 à 6 de la [convention d’Espoo] et/ou de suspendre cette application ?

4)      L’article 2, paragraphe 2, de la [convention d’Aarhus] doit-il être interprété comme excluant du champ d’application de ladite [convention] des actes législatifs tels que la [loi du 28 juin 2015], compte tenu ou non des différentes études et auditions menées dans le cadre de l’adoption de cette loi ?

5)      a)      Compte tenu notamment des recommandations de Maastricht sur les moyens de promouvoir la participation effective du public au processus décisionnel en matière d’environnement, à l’égard d’un processus décisionnel à étapes multiples, les articles 2 et 6, combinés avec l’annexe I.1 de la [convention d’Aarhus], doivent-ils être interprétés comme s’appliquant préalablement à l’adoption d’un acte législatif tel que la [loi du 28 juin 2015], dont l’article 2 reporte la date de la désactivation et de la fin de la production industrielle d’électricité des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

b)      La réponse à la question énoncée au point a) est-elle différente selon qu’elle concerne la centrale de Doel 1 ou celle de Doel 2, compte tenu de la nécessité, pour la première centrale, de prendre des actes administratifs exécutant la loi précitée du 28 juin 2015 ?

c)      La sécurité d’approvisionnement en électricité du pays peut-elle constituer un motif impérieux d’intérêt général permettant de déroger à l’application des articles 2 et 6 de la [convention d’Aarhus] et/ou de suspendre cette application ?

6)      a)       L’article 1er, paragraphe 2, combiné avec le point 13, a), de l’annexe II de la directive [EIE], lus, le cas échéant, à la lumière des [conventions] d’Espoo et d’Aarhus, doivent-ils être interprétés comme s’appliquant au report de la date de désactivation et de fin de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire, impliquant, comme en l’espèce, des investissements importants et des mises à niveau de la sécurité pour les centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

b)      En cas de réponse affirmative à la question énoncée au point a), les articles 2 à 8 et 11 et les annexes I, II et III de la directive [EIE] doivent-ils être interprétés comme s’appliquant préalablement à l’adoption d’un acte législatif tel que la [loi du 28 juin 2015], dont l’article 2 reporte la date de la désactivation et de la fin de la production industrielle d’électricité des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

c)      La réponse aux questions énoncées aux points a) et b) est-elle différente selon qu’elle concerne la centrale de Doel 1 ou celle de Doel 2, compte tenu de la nécessité, pour la première centrale, de prendre des actes administratifs exécutant la loi précitée du 28 juin 2015 ?

d)      En cas de réponse affirmative à la question énoncée au point a), l’article 2, paragraphe 4, de la directive [EIE] doit-il être interprété comme permettant d’exempter le report de la désactivation d’une centrale nucléaire de l’application des articles 2 à 8 et 11 de la directive [EIE] pour des motifs impérieux d’intérêt général liés à la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays ?

7)      La notion d’“acte législatif spécifique” au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive [EIE] doit-elle être interprétée comme excluant du champ d’application de ladite directive un acte législatif tel que la [loi du 28 juin 2015], compte tenu notamment des différentes études et auditions menées dans le cadre de l’adoption de cette loi et qui seraient susceptibles d’atteindre les objectifs de la directive précitée ?

8)      a)      L’article 6 de la directive [habitats], combiné avec les articles 3 et 4 de la directive [oiseaux], lus, le cas échéant, à la lumière de la directive [EIE] et des [conventions] d’Espoo et d’Aarhus, doit-il être interprété comme s’appliquant au report de la date de désactivation et de fin de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire, impliquant, comme en l’espèce, des investissements importants et des mises à niveau de la sécurité pour les centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

b)      En cas de réponse affirmative à la question énoncée au point a), l’article 6, paragraphe 3, de la directive [habitats] doit-il être interprété comme s’appliquant préalablement à l’adoption d’un acte législatif tel que la [loi du 28 juin 2015], dont l’article 2 reporte la date de la désactivation et de la fin de la production industrielle d’électricité des centrales nucléaires de Doel 1 et Doel 2 ?

c)      La réponse aux questions énoncées aux points a) et b) est-elle différente selon qu’elle concerne la centrale de Doel 1 ou celle de Doel 2, compte tenu de la nécessité, pour la première centrale, de prendre des actes administratifs exécutant la loi précitée du 28 juin 2015 ?

d)      En cas de réponse affirmative à la question énoncée au point a), l’article 6, paragraphe 4, de la directive [habitats] doit-il être interprété comme permettant de considérer comme une raison impérative d’intérêt public majeur des motifs liés à la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays, compte tenu notamment des différentes études et auditions menées dans le cadre de l’adoption de la loi précitée du 28 juin 2015 et qui seraient susceptibles d’atteindre les objectifs de la directive précitée ?

9)      Si, sur la base des réponses données aux questions préjudicielles précédentes, le juge national devait arriver à la conclusion que la loi [du 28 juin 2015] méconnaît une des obligations découlant des conventions ou directives précitées, sans que la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays puisse constituer un motif impérieux d’intérêt général permettant de déroger à ces obligations, pourrait-il maintenir les effets de la loi du 28 juin 2015 afin d’éviter une insécurité juridique et de permettre qu’il soit satisfait aux obligations d’évaluation des incidences environnementales et de participation du public qui découleraient des conventions ou directives précitées ? »

III. Sur les questions préjudicielles

A.      Sur les sixième et septième questions, relatives à la directive EIE

1.      Sur la sixième question, sous a) à c)

59      Par sa sixième question, sous a) à c), qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, et l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE doivent être interprétés en ce sens que le redémarrage, pour une période de près de dix années, de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de son activité, et le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par ce même législateur pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité, mesures qui impliquent des travaux de modernisation des centrales concernées, constituent un projet, au sens de cette directive, et, le cas échéant, si ces mesures et ces travaux doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement préalablement à l’adoption desdites mesures par le législateur national. La juridiction de renvoi s’interroge également sur la pertinence de la circonstance selon laquelle la mise en œuvre des mesures contestées devant elle exige, pour l’une des deux centrales concernées, l’adoption d’actes ultérieurs, tels que la délivrance d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles.

60      Dès lors que, selon le considérant 1 de la directive EIE, celle-ci codifie la directive 85/337, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de cette dernière directive vaut également pour la directive EIE lorsque leurs dispositions sont identiques.

a)      Sur la notion de « projet », au sens de la directive EIE

61      Il convient de rappeler que la définition du terme « projet », contenue à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive EIE, vise, à son premier tiret, la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages et, à son second tiret, d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol.

62      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le terme « projet » correspond, au regard, en particulier, du libellé de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive EIE, à des travaux ou à des interventions modifiant la réalité physique du site (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Pro-Braine e.a., C‑121/11, EU:C:2012:225, point 31 et jurisprudence citée).

63      La question posée par la juridiction de renvoi est de savoir si les mesures en cause au principal relèvent d’une telle qualification dès lors qu’elles nécessitent pour leur mise en œuvre, et s’accompagnent donc nécessairement, d’importants investissements et travaux de modernisation des deux centrales concernées.

64      Il ressort, en effet, du dossier dont dispose la Cour que les mesures en cause au principal impliquent la réalisation de travaux d’envergure sur les centrales Doel 1 et Doel 2, destinés à les moderniser et à garantir le respect des normes actuelles de sécurité, ainsi qu’en atteste l’enveloppe financière, d’un montant de 700 millions d’euros, qui leur serait consacrée.

65      Selon la décision de renvoi, la convention du 30 novembre 2015 prévoit la réalisation d’un plan d’investissements dit « de jouvence », qui décrit ces travaux comme étant ceux nécessaires à la prolongation de la durée d’exploitation des deux centrales et comme comprenant, notamment, les investissements approuvés par l’AFCN dans le cadre du plan LTO pour le remplacement d’installations pour cause de vieillissement et la modernisation d’autres installations, ainsi que les modifications à apporter en vertu de la quatrième revue périodique de sûreté et des tests de résistance effectués à la suite de l’accident de Fukushima (Japon).

66      En particulier, il ressort du dossier fourni à la Cour que ces travaux devraient porter notamment sur la modernisation des dômes des centrales Doel 1 et Doel 2, le renouvellement des piscines de stockage du combustible usagé, l’installation d’une nouvelle station de pompage et l’adaptation des soubassements afin de mieux protéger ces centrales contre les inondations. Ces travaux impliqueraient non seulement des améliorations des structures existantes mais aussi la réalisation de trois bâtiments, dont deux seraient destinés à héberger les systèmes de ventilation et le troisième une structure anti-incendie. Or, de tels travaux sont de nature à affecter la réalité physique des sites concernés, au sens de la jurisprudence de la Cour.

67      Par ailleurs, s’il est vrai que ces travaux sont mentionnés non pas dans la loi du 28 juin 2015 mais dans la convention du 30 novembre 2015, ils sont néanmoins étroitement liés aux mesures adoptées par le législateur belge.

68      En effet, ces dernières, par l’ampleur de la prolongation de la durée d’activité de production industrielle d’énergie qu’elles prévoient, n’ont pu être votées sans que le législateur belge ait préalablement eu connaissance de la nature et de la faisabilité technique et financière des travaux de modernisation qu’elles impliquent ainsi que des investissements nécessaires à leur mise en œuvre. D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi du 28 juin 2015 et les travaux préparatoires à celle-ci mentionnent expressément ces travaux de modernisation et investissements.

69      Il importe également de relever que ce lien matériel entre les mesures contestées devant la juridiction de renvoi et les investissements mentionnés au point précédent est confirmé par le fait que la loi du 28 juin 2015 a inséré, à l’article 4 de la loi du 31 janvier 2003, un paragraphe 3, prévoyant que, à défaut de conclusion, au plus tard pour le 30 novembre 2015, d’une convention entre le propriétaire des centrales Doel 1 et Doel 2 et l’État belge, le Roi avancerait au 31 mars 2016 la date de désactivation de ces centrales.

70      En outre, il résulte également du dossier transmis à la Cour que l’exploitant des deux centrales s’est juridiquement engagé à réaliser l’ensemble de ces travaux pour la fin de l’année 2019.

71      Compte tenu de ces différents éléments, des mesures telles celles en cause au principal ne sauraient être artificiellement détachées des travaux qui leur sont indissociablement liés, aux fins d’apprécier l’existence, en l’occurrence, d’un projet, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive EIE. Il y a, dès lors, lieu de constater que de telles mesures et les travaux de modernisation qui leur sont indissociablement liés font, ensemble, et sous réserve des appréciations de fait qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, partie d’un même projet, au sens de cette disposition.

72      La circonstance que la mise en œuvre de ces mesures exige, pour l’une des deux centrales concernées, l’adoption d’actes ultérieurs, tels que la délivrance d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, n’est pas de nature à modifier cette analyse.

b)      Sur la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement

73      Il convient, à titre préalable, de rappeler que des projets, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive EIE, doivent, avant d’être autorisés, être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation.

74      En outre, l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE exige non pas que tout projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement soit soumis à la procédure d’évaluation que cette directive prévoit, mais que seuls doivent l’être ceux qui sont mentionnés à l’article 4 de cette directive, lequel renvoie aux projets énumérés aux annexes I et II de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., C‑275/09, EU:C:2011:154, point 25).

75      Enfin, il résulte d’une lecture combinée de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de la directive EIE que les projets qui relèvent de l’annexe I de cette directive présentent, par nature, un risque d’incidences notables sur l’environnement et doivent impérativement faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences environnementales (voir, en ce sens, sur cette obligation d’évaluation, arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 74, ainsi que du 11 février 2015, Marktgemeinde Straßwalchen e.a., C‑531/13, EU:C:2015:79, point 20).

1)      Sur l’application des annexes I et II de la directive EIE

76      Le point 2, sous b), de l’annexe I de la directive EIE mentionne, au nombre des projets que l’article 4, paragraphe 1, de cette directive soumet à une évaluation conformément aux articles 5 à 10 de ladite directive, les centrales nucléaires et les autres réacteurs nucléaires, y compris leur démantèlement ou leur déclassement.

77      Il importe, dès lors, d’apprécier si des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux dont elles sont indissociables, sont susceptibles de relever du point 24 de l’annexe I de la directive EIE, qui renvoie à « [t]oute modification ou extension des projets énumérés dans la présente annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés », ou du point 13, sous a), de l’annexe II de cette directive, qui se réfère à « [t]oute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à la présente annexe, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement (modification ou extension ne figurant pas à l’annexe I) ».

78      S’agissant du point 24 de l’annexe I de la directive EIE, il résulte de ses termes et de son économie qu’il vise les modifications ou les extensions d’un projet qui, notamment par leur nature ou leur ampleur, présentent des risques similaires, en termes d’incidences sur l’environnement, au projet lui-même.

79      Or, les mesures en cause au principal, qui ont pour effet de prolonger, pour une période significative de dix ans, la durée, antérieurement limitée à quarante ans par la loi du 31 janvier 2003, de l’autorisation de production par les deux centrales concernées d’électricité à des fins industrielles, doivent, combinées aux importants travaux de rénovation rendus nécessaires par la vétusté de ces centrales et l’obligation de les mettre en conformité avec les normes de sécurité, être considérées comme étant d’une ampleur comparable, en termes de risques d’incidences environnementales, à celle de la mise en service initiale desdites centrales.

80      Il convient, par conséquent, de considérer que ces mesures et ces travaux relèvent du point 24 de l’annexe I de la directive EIE. En effet, un tel projet présente, par nature, un risque d’incidences notables sur l’environnement, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, et doit impérativement être soumis à l’évaluation de ses incidences environnementales en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.

81      En outre, les centrales Doel 1 et Doel 2 étant situées à proximité de la frontière du Royaume de Belgique avec le Royaume des Pays-Bas, il ne saurait être contesté qu’un tel projet est également susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement de ce dernier État membre, au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la même directive.

2)      Sur le moment auquel l’évaluation des incidences sur l’environnement doit être réalisée

82      L’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE précise que l’évaluation des incidences sur l’environnement qu’elle impose doit intervenir « avant l’octroi de l’autorisation » des projets qui y sont soumis.

83      Ainsi que la Cour l’a déjà souligné, le caractère préalable d’une telle évaluation se justifie par la nécessité que, dans le processus de décision, l’autorité compétente tienne compte le plus tôt possible des incidences sur l’environnement de tous les processus techniques de planification et de décision afin d’éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Pologne, C‑526/16, non publié, EU:C:2018:356, point 75 et jurisprudence citée).

84      Il convient également d’indiquer que l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive EIE définit le terme « autorisation » comme étant la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet, ce qu’il revient en principe à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable.

85      Par ailleurs, dans le cas où le droit national prévoit que la procédure d’autorisation se déroule en plusieurs étapes, l’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet doit, en principe, être effectuée aussitôt qu’il est possible d’identifier et d’évaluer tous les effets que ce projet est susceptible d’avoir sur l’environnement (arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 52, ainsi que du 28 février 2008, Abraham e.a., C‑2/07, EU:C:2008:133, point 26).

86      Ainsi, lorsque l’une de ces étapes est une décision principale et l’autre une décision d’exécution qui ne peut aller au-delà des paramètres déterminés par la décision principale, les effets que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement doivent être identifiés et évalués lors de la procédure relative à la décision principale. Ce n’est que si ces effets ne sont identifiables que lors de la procédure relative à la décision d’exécution que l’évaluation devrait être effectuée au cours de cette dernière procédure (arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 52, ainsi que du 28 février 2008, Abraham e.a., C‑2/07, EU:C:2008:133, point 26).

87      En l’occurrence, s’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base de la réglementation nationale applicable, si la loi du 28 juin 2015 vaut autorisation, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive EIE, il convient d’ores et déjà de constater que cette loi prévoit, de manière précise et sans condition, d’une part, le redémarrage, pour une période de près de dix années, de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de sa production industrielle d’électricité, et, d’autre part, le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par le législateur national pour l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité.

88      Il en résulte que, même si la mise en œuvre de ces mesures nécessite l’adoption d’actes ultérieurs dans le cadre d’un processus complexe et encadré, visant notamment à assurer le respect des normes de sûreté et de sécurité applicables à cette activité de production industrielle d’électricité d’origine nucléaire, et si lesdites mesures sont en particulier soumises, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de la loi du 28 juin 2015, à une approbation préalable de l’AFCN, il n’en demeure pas moins que ces mesures, une fois adoptées par le législateur national, définissent les caractéristiques essentielles du projet et n’ont plus, a priori, vocation à être discutées ou remises en cause.

89      Quant à la circonstance que la mise en œuvre de ce projet nécessite la délivrance, pour l’une des deux centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, elle ne saurait justifier qu’une évaluation de ses incidences environnementales ne soit réalisée qu’après l’adoption de cette loi. Il importe, d’ailleurs, de relever que, selon les indications fournies par la décision de renvoi, la quantité supplémentaire de déchets radioactifs susceptible d’être générée par les mesures en cause au principal, à savoir 350 m3, avait été portée à la connaissance du Parlement belge avant cette adoption.

90      En outre, ainsi qu’il a été constaté aux points 63 à 71 du présent arrêt, les mesures en cause au principal constituent, ensemble avec les travaux de modernisation qui leur sont indissociablement liés, un projet, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive EIE.

91      Dans ce contexte, il semble à première vue que la loi du 28 juin 2015 vaut autorisation, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de cette directive, ou que, à tout le moins, elle constitue la première étape du processus d’autorisation du projet en cause, en ce qui concerne ses caractéristiques essentielles.

92      Quant au point de savoir si l’évaluation des incidences environnementales devait également porter sur les travaux indissociablement liés aux mesures en cause au principal, tel serait le cas si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, tant ces travaux que leurs incidences potentielles sur l’environnement étaient suffisamment identifiables à ce stade de la procédure d’autorisation. Sur ce point, il ressort de la décision de renvoi que, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 68 du présent arrêt, tant la nature que le montant des travaux nécessités par les mesures contenues dans la loi du 28 juin 2015 étaient également connus du Parlement belge avant l’adoption de cette loi.

93      Par ailleurs, dès lors que le projet en cause au principal est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre, il importe de constater qu’il doit également être soumis à une procédure d’évaluation transfrontière conforme à l’article 7 de la directive EIE.

94      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la sixième question, sous a) à c), que l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive EIE doivent être interprétés en ce sens que le redémarrage, pour une période de près de dix années, de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de son activité, et le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par ce même législateur pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité, mesures qui impliquent des travaux de modernisation des centrales concernées de nature à affecter la réalité physique des sites, constituent un « projet », au sens de cette directive, qui doit, en principe, et sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, préalablement à l’adoption de ces mesures. La circonstance que la mise en œuvre de ces dernières implique des actes ultérieurs, tels que la délivrance, pour l’une des centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, n’est pas déterminante à cet égard. Les travaux indissociablement liés auxdites mesures doivent également être soumis à une telle évaluation avant l’adoption de ces mêmes mesures si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, leur nature et leurs incidences potentielles sur l’environnement sont suffisamment identifiables à ce stade.

2.      Sur la sixième question, sous d)

95      Par sa sixième question, sous d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 4, de la directive EIE doit être interprété en ce sens qu’un projet tel que celui en cause au principal peut être exempté d’une évaluation des incidences sur l’environnement pour des motifs liés à la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné.

96      En vertu de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive EIE, les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie un projet spécifique des dispositions qu’elle prévoit, sans préjudice toutefois de l’article 7 de ladite directive, relatif aux obligations qui s’imposent à un État membre sur le territoire duquel est envisagée la réalisation d’un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre.

97      S’il ne peut être exclu que la nécessité d’assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité d’un État membre puisse caractériser un cas exceptionnel, au sens de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive EIE, de nature à justifier d’exempter un projet d’une évaluation des incidences sur l’environnement, il importe de rappeler que l’article 2, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous a) à c), de cette directive impose des obligations particulières aux États membres qui entendent se prévaloir de cette exemption.

98      En effet, dans un tel cas, les États membres concernés sont tenus d’examiner si une autre forme d’évaluation conviendrait, de mettre à la disposition du public concerné les informations obtenues dans ce cadre, d’informer la Commission, préalablement à l’octroi de l’autorisation, des motifs qui justifient l’exception accordée et de lui fournir les informations qu’ils mettent, le cas échéant, à la disposition de leurs propres ressortissants.

99      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 150 de ses conclusions, ces obligations constituent non pas de simples formalités mais des conditions destinées à assurer le respect, autant que possible, des objectifs poursuivis par la directive EIE.

100    En l’occurrence, s’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier le respect par le Royaume de Belgique desdites obligations, il peut d’ores et déjà être constaté que la Commission indique dans ses observations écrites qu’elle n’a pas été informée par cet État membre de la mise en œuvre de ladite exemption.

101    Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 4, de la directive EIE ne permet d’exempter un projet de l’évaluation des incidences sur l’environnement que si l’État membre concerné est à même de démontrer que le risque pour la sécurité de l’approvisionnement en électricité qu’il invoque est raisonnablement probable et que ce projet présente un caractère d’urgence susceptible de justifier l’absence d’une telle évaluation. En outre, ainsi qu’il a été dit au point 96 du présent arrêt, une telle exemption s’applique sans préjudice de l’article 7 de cette directive, relatif à l’évaluation des projets ayant des incidences transfrontières.

102    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la sixième question, sous d), que l’article 2, paragraphe 4, de la directive EIE doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise un État membre à exempter un projet tel que celui en cause au principal d’une évaluation des incidences sur l’environnement en vue d’assurer la sécurité de son approvisionnement en électricité que dans le cas où cet État membre démontre que le risque pour la sécurité de cet approvisionnement est raisonnablement probable et que le projet en cause présente un caractère d’urgence susceptible de justifier l’absence d’une telle évaluation, pour autant que les obligations prévues à l’article 2, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous a) à c), de cette directive sont respectées. Une telle possibilité d’exemption est cependant sans préjudice des obligations qui s’imposent à l’État membre concerné en vertu de l’article 7 de ladite directive.

3.      Sur la septième question

103    Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EIE doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal constitue un acte législatif national spécifique, au sens de cette disposition, exclu, en vertu de celle-ci, du champ d’application de cette directive.

104    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EIE, qui a repris la teneur de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337, subordonne l’exclusion d’un projet du champ d’application de la directive EIE au respect de deux conditions.

105    La première condition implique que le projet soit adopté par un acte législatif spécifique, qui présente les mêmes caractéristiques qu’une autorisation. Cet acte doit notamment ouvrir au maître d’ouvrage le droit de réaliser le projet (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 32 et jurisprudence citée).

106    Le projet doit, en outre, être adopté en détail, à savoir de manière suffisamment précise et définitive, de sorte que l’acte législatif adoptant celui-ci doit comporter, à l’instar d’une autorisation, après leur prise en compte par le législateur, tous les éléments du projet pertinents, au regard de l’évaluation des incidences sur l’environnement. L’acte législatif doit attester que les objectifs de la directive EIE ont été atteints en ce qui concerne le projet concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 33 et jurisprudence citée).

107    Il en résulte qu’un acte législatif ne peut être considéré comme adoptant un projet en détail, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EIE, lorsqu’il ne comporte pas les éléments nécessaires à l’évaluation des incidences de ce projet sur l’environnement ou qu’il nécessite l’adoption d’autres actes pour ouvrir au maître d’ouvrage le droit de réaliser le projet (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 34 et jurisprudence citée).

108    La seconde condition prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EIE implique que les objectifs de cette directive, y compris celui de la mise à disposition d’informations, soient atteints à travers la procédure législative. Il résulte en effet de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive que l’objectif essentiel de cette dernière est de garantir que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient, avant l’octroi d’une autorisation, soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 35 et jurisprudence citée).

109    Par conséquent, le législateur doit avoir à sa disposition, au moment de l’adoption du projet en cause, une information suffisante. À cet égard, il ressort de l’article 5, paragraphe 3, de la directive EIE que les informations à fournir par le maître d’ouvrage comportent au minimum une description du projet comprenant des informations relatives à son site, à sa conception et à ses dimensions, une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des incidences négatives importantes et, si possible, y remédier, les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement, une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux incidences sur l’environnement, ainsi qu’un résumé non technique de ces différentes informations (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2011, Boxus e.a., C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 43, ainsi que du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 37).

110    En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces conditions ont été respectées, en tenant compte tant du contenu de l’acte législatif adopté que de l’ensemble de la procédure législative qui a conduit à son adoption, et notamment des actes préparatoires et des débats parlementaires (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2011, Boxus e.a., C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 47, ainsi que du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 41).

111    Pour autant, au regard des informations portées à la connaissance de la Cour, il semble que tel n’ait pas été le cas.

112    En effet, si la juridiction de renvoi mentionne l’existence d’études et d’auditions préalables à l’adoption de la loi du 28 juin 2015, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que le législateur national a eu connaissance des informations visées au point 109 du présent arrêt en ce qui concerne tant les mesures en cause au principal que les travaux indissociablement liés à ces mesures, dont il a été considéré, dans le cadre de la réponse à la sixième question, sous a) à c), qu’ils constituaient, ensemble, un même projet.

113    En outre, ainsi qu’il résulte notamment du point 91 du présent arrêt, une loi telle que celle du 28 juin 2015 pourrait ne constituer qu’une première étape dans le processus d’autorisation du projet en cause au principal, pour ce qui concerne les travaux que celui-ci implique, de telle sorte qu’elle ne remplirait pas non plus l’une des conditions requises pour que le projet y afférent soit exclu du champ d’application de la directive EIE en application de l’article 1er, paragraphe 4, de celle-ci, à savoir avoir été adopté en détail, par un acte législatif spécifique.

114    Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la septième question que l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EIE doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal ne constitue pas un acte législatif national spécifique, au sens de cette disposition, exclu, en vertu de celle-ci, du champ d’application de cette directive.

B.      Sur la huitième question, relative à la directive habitats

1.      Sur la huitième question, sous a) à c)

115    Par sa huitième question, sous a) à c), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats, combiné avec les articles 3 et 4 de la directive oiseaux et lu, le cas échéant, à la lumière de la directive EIE, doit être interprété en ce sens que des mesures telles que celles en cause au principal constituent, compte tenu des travaux de modernisation et de mise en conformité aux normes de sécurité actuelles qu’elles impliquent, un plan ou un projet soumis à évaluation, en vertu de cet article 6, paragraphe 3, et, le cas échéant, si cette évaluation doit être réalisée avant leur adoption par le législateur. La juridiction de renvoi demande également s’il y a lieu de distinguer à cet égard selon que ces mesures visent l’une ou l’autre des deux centrales en cause au principal, eu égard à la nécessité, pour l’une d’entre elles, que soient adoptés ultérieurement des actes d’exécution, tels que la délivrance d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles.

a)      Observations liminaires

116    L’article 6 de la directive habitats impose aux États membres un ensemble d’obligations et de procédures spécifiques visant à assurer, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire, en vue d’atteindre l’objectif plus général poursuivi par cette même directive de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement des sites protégés en vertu de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 106 et jurisprudence citée].

117    L’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats prévoit une procédure d’évaluation visant à garantir, à l’aide d’un contrôle préalable, qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, ne soit autorisé que pour autant qu’il ne porte pas atteinte à l’intégrité de ce site [arrêts du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 108 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman, C‑164/17, EU:C:2018:593, point 38].

118    Ce même article 6, paragraphe 3, distingue deux phases dans la procédure d’évaluation qu’il prévoit.

119    La première, visée à la première phrase de cette disposition, exige des États membres qu’ils effectuent une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site protégé lorsqu’il existe une probabilité que ce plan ou ce projet l’affecte de manière significative. La seconde, visée à sa seconde phrase, qui intervient à la suite de ladite évaluation appropriée, limite l’autorisation d’un tel plan ou projet à la condition que celui-ci ne porte pas atteinte à l’intégrité du site concerné, sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de cet article 6 (arrêt du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman, C‑164/17, EU:C:2018:593, point 32).

120    En outre, une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet implique que, avant l’approbation de celui-ci, doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects de ce plan ou de ce projet pouvant, par eux-mêmes ou conjointement avec d’autres plans ou d’autres projets, affecter les objectifs de conservation du site protégé. Les autorités nationales compétentes n’autorisent une activité qu’à la condition qu’elles aient acquis la certitude que cette activité est dépourvue d’effets préjudiciables pour l’intégrité de ce site. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets (arrêt du 7 novembre 2018, Holohan e.a., C‑461/17, EU:C:2018:883, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

121    Il convient également d’indiquer que, en ce qui concerne les zones classées en zones de protection spéciale, les obligations découlant de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats remplacent, conformément à l’article 7 de cette directive, les obligations découlant de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive oiseaux, à partir de la date de classification en vertu de cette directive lorsque cette dernière date est postérieure à la date de mise en application de la directive habitats [arrêts du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 109 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman, C‑164/17, EU:C:2018:593, point 27].

b)      Sur la notion de « projet », au sens de la directive habitats

122    La directive habitats ne définissant pas la notion de « projet », au sens de son article 6, paragraphe 3, il y a lieu, tout d’abord, de tenir compte de la notion de « projet », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive EIE (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, EU:C:2004:482, points 23, 24 et 26 ; du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg, C‑226/08, EU:C:2010:10, point 38 ; du 17 juillet 2014, Commission/Grèce C‑600/12, non publié, EU:C:2014:2086, point 75, ainsi que du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 60).

123    En outre, la Cour a déjà jugé que, si une activité relève de la directive EIE, elle doit, à plus forte raison, relever de la directive habitats (arrêt du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 65).

124    Il s’ensuit que, si une activité est considérée comme étant un projet, au sens de la directive EIE, elle est susceptible de constituer un projet, au sens de la directive habitats (arrêt du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 66).

125    Compte tenu de la réponse apportée à la sixième question, sous a) à c), il y a lieu de considérer que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux qui leur sont indissociablement liés, constituent un projet, au sens de la directive habitats.

126    Ensuite, il est constant que le projet en cause au principal n’est pas lié ou nécessaire à la gestion d’un site protégé.

127    Enfin, il importe de rappeler que le fait qu’une activité récurrente a été autorisée en vertu du droit national avant l’entrée en vigueur de la directive habitats ne constitue pas, par elle-même, un obstacle à ce qu’une telle activité puisse être considérée, lors de chaque intervention ultérieure, comme un projet distinct au sens de cette directive, au risque de soustraire cette activité de manière permanente à toute évaluation préalable de ses incidences sur le site concerné (voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg, C‑226/08, EU:C:2010:10, point 41, ainsi que du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 77).

128    À cette fin, il convient d’apprécier si, eu égard notamment à leur récurrence, à leur nature ou à leurs conditions d’exécution, certaines activités doivent être regardées comme constituant une opération unique et peuvent être considérées comme un seul et même projet, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats (voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg, C‑226/08, EU:C:2010:10, point 47, ainsi que du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 78).

129    Tel ne serait pas le cas en l’absence de continuité et d’identité d’une activité, notamment quant à ses lieux et ses conditions d’exécution (arrêt du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a., C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 83).

130    En l’occurrence, si l’activité de production industrielle d’électricité des centrales Doel 1 et Doel 2 avait été autorisée avant l’entrée en vigueur de la directive habitats, pour une période illimitée, la loi du 31 janvier 2003 a toutefois limité à 40 ans cette période d’activité, à savoir jusqu’au 15 février 2015 pour la centrale Doel 1 et jusqu’au 1er décembre 2015 pour la centrale Doel 2. Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, les mesures en cause au principal ont modifié ce choix législatif, ce qui a, notamment, nécessité le redémarrage de l’une de ces deux centrales.

131    Il est également constant que, lors de la mise en œuvre de ces mesures, l’activité de production industrielle de ces deux centrales ne sera pas réalisée dans des conditions d’exécution identiques à celles initialement autorisées, ne serait-ce qu’en raison de l’évolution des connaissances scientifiques et des nouvelles normes de sécurité applicables, ces dernières justifiant, ainsi qu’il a été rappelé aux points 64 à 66 du présent arrêt, que soient réalisés des travaux de modernisation d’envergure. D’ailleurs, il ressort de la décision de renvoi qu’une autorisation de production a été octroyée à l’exploitant desdites centrales après l’entrée en vigueur de la directive habitats, à la suite d’une augmentation de leur puissance.

132    Il en résulte que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux qui leur sont indissociablement liés, constituent un projet distinct, soumis aux règles d’évaluation prévues à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats.

133    La qualité de législateur de l’autorité nationale compétente pour approuver le plan ou le projet en cause est sans incidence. En effet, contrairement à ce que prévoit la directive EIE, il ne peut être dérogé à l’évaluation prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats au motif que l’autorité compétente pour autoriser le projet en cause est le législateur (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 69).

c)      Sur le risque d’affectation significative d’un site protégé

134    Il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’exigence d’une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats est subordonnée à la condition qu’il y ait une probabilité ou un risque qu’il affecte le site concerné de manière significative. Compte tenu, en particulier, du principe de précaution, il est considéré qu’un tel risque existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base des meilleures connaissances scientifiques en la matière, que le plan ou le projet puisse affecter les objectifs de conservation de ce site. L’appréciation du risque doit être effectuée, notamment, à la lumière des caractéristiques et des conditions environnementales spécifiques du site concerné par un tel plan ou projet [voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, points 111 et 112 ainsi que jurisprudence citée].

135    En l’occurrence, ainsi qu’il ressort d’extraits de travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 juin 2015 reproduits dans la décision de renvoi, et comme l’a également relevé Mme l’avocate générale aux points 24 à 26 de ses conclusions, les centrales faisant l’objet des mesures en cause au principal, qui sont situées sur les rives de l’Escaut, se trouvent à proximité de zones protégées, au titre de la directive habitats et de la directive oiseaux, établies notamment en faveur d’espèces protégées de poissons et d’agnathes évoluant dans ce fleuve.

136    À cet égard, il convient de rappeler que la circonstance qu’un projet est situé à l’extérieur d’une zone Natura 2000 ne dispense pas des exigences énoncées à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Allemagne, C‑98/03, EU:C:2006:3, points 44 et 51, ainsi que du 26 avril 2017, Commission/Allemagne, C‑142/16, EU:C:2017:301, point 29).

137    En l’occurrence, le projet en cause au principal, tant par l’ampleur des travaux qu’il implique que par la durée de prolongation de l’activité de production industrielle d’électricité des deux centrales qu’il prévoit, risque à l’évidence de compromettre les objectifs de conservation des sites protégés situés à proximité, ne serait-ce qu’en raison des modalités mêmes de fonctionnement de celles-ci, et en particulier des prélèvements d’importantes masses d’eau effectués dans le fleuve à proximité pour les besoins du système de refroidissement ainsi que du rejet de ces masses d’eau, mais aussi de l’existence du risque d’accident grave qu’il comporte (voir, par analogie, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Allemagne, C‑98/03, EU:C:2006:3, point 44, et du 26 avril 2017, Commission/Allemagne, C‑142/16, EU:C:2017:301, point 30), sans qu’il y ait lieu de distinguer la situation de chacune des deux centrales.

138    Partant, un projet tel que celui en cause au principal est susceptible d’affecter de manière significative des sites protégés, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats.

139    Il résulte de ce qui précède que l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats doit être interprété en ce sens que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux qui leur sont indissociablement liés, constituent un projet devant faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site concerné conformément à cette directive, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que ces mesures sont relatives à l’une ou l’autre des deux centrales en cause.

d)      Sur le moment auquel l’évaluation doit avoir lieu

140    L’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive habitats précise que, à la suite de la réalisation de l’évaluation appropriée, les autorités nationales compétentes « ne marquent leur accord » sur un projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

141    Il en résulte qu’une telle évaluation doit nécessairement intervenir avant cet accord.

142    Par ailleurs, si la directive habitats ne définit pas les conditions dans lesquelles les autorités « marquent leur accord » pour un projet donné, en application de l’article 6, paragraphe 3, de celle-ci, la notion d’« autorisation » figurant à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive EIE est pertinente pour définir le sens de ces termes.

143    Ainsi, par analogie avec ce qui a été jugé par la Cour en ce qui concerne la directive EIE, dans le cas où le droit national prévoit que la procédure d’autorisation se déroule en plusieurs étapes, il y a lieu de considérer que l’évaluation exigée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats doit, en principe, être effectuée aussitôt que tous les effets que le projet en cause est susceptible d’avoir sur un site protégé sont suffisamment identifiables.

144    Par conséquent, et pour des raisons similaires à celles énoncées aux points 87 à 91 du présent arrêt, une législation nationale telle que la loi du 28 juin 2015 présente les caractéristiques d’un accord des autorités à l’égard du projet concerné, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats, et la circonstance que la mise en œuvre de ce projet doit faire l’objet d’actes ultérieurs, en particulier, s’agissant de l’une des deux centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, ne saurait justifier l’absence d’évaluation appropriée de ses incidences avant l’adoption de cette législation. En outre, s’agissant des travaux indissociablement liés aux mesures en cause au principal, ils doivent être soumis à évaluation, à ce stade de la procédure d’autorisation du projet, si leur nature et leurs incidences potentielles sur les sites protégés sont suffisamment identifiables, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

145    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la huitième question, sous a) à c), que l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats doit être interprété en ce sens que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux de modernisation et de mise en conformité aux normes de sécurité actuelles, constituent un projet soumis à une évaluation appropriée de ses incidences sur les sites protégés concernés. Ces mesures doivent faire l’objet d’une telle évaluation avant leur adoption par le législateur. La circonstance que la mise en œuvre desdites mesures implique des actes ultérieurs, tels que la délivrance, pour l’une des centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, n’est pas déterminante à cet égard. Les travaux indissociablement liés à ces mêmes mesures doivent également être soumis à une telle évaluation avant l’adoption de ces dernières si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, leur nature et leurs incidences potentielles sur les sites protégés sont suffisamment identifiables à ce stade.

2.      Sur la huitième question, sous d)

146    Par sa huitième question, sous d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats doit être interprété en ce sens que l’objectif d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité d’un État membre constitue une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de cette disposition.

147    En tant que disposition dérogatoire au critère d’autorisation énoncé à l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive habitats, l’article 6, paragraphe 4, de celle-ci doit faire l’objet d’une interprétation stricte et ne saurait s’appliquer qu’après que les incidences d’un plan ou d’un projet ont été analysées conformément aux dispositions dudit paragraphe 3 [arrêt du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 189 et jurisprudence citée].

148    En effet, en vertu de l’article 6, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive habitats, dans l’hypothèse où, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation effectuée conformément à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de cette directive, et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou un projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre doit prendre toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée [voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Italie, C‑304/05, EU:C:2007:532, point 81, et du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 190].

149    En outre, lorsque le site concerné abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires, l’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de la directive habitats prévoit que seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

150    La connaissance des incidences d’un plan ou d’un projet, au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question, constitue, dès lors, un préalable indispensable à l’application de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition d’application de cette disposition dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables requièrent en effet une mise en balance par rapport aux atteintes portées audit site par le plan ou le projet considéré. En outre, afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes au site concerné doivent être identifiées avec précision [arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Italie, C‑304/05, EU:C:2007:532, point 83, et du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 191 et jurisprudence citée].

151    En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la huitième question, sous d), repose sur la prémisse selon laquelle les études et les auditions réalisées dans le cadre de la procédure d’adoption des mesures en cause au principal ont permis de procéder à une évaluation conforme aux exigences énoncées à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats.

152    Toutefois, outre le fait qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que ces études et ces auditions aient permis de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement conforme aux exigences de la directive EIE, il incomberait en tout état de cause à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle évaluation peut être considérée comme répondant également aux exigences de la directive habitats (voir, par analogie, arrêts du 22 septembre 2011, Valčiukienė e.a., C‑295/10, EU:C:2011:608, point 62, ainsi que du 10 septembre 2015, Dimos Kropias Attikis, C‑473/14, EU:C:2015:582, point 58).

153    Pour que tel soit le cas, il convient en particulier, ainsi qu’il a été rappelé au point 120 du présent arrêt, que soient identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet en cause pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation des sites protégés concernés [voir, en ce sens, arrêts du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża), C‑441/17, EU:C:2018:255, point 113 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Grace et Sweetman, C‑164/17, EU:C:2018:593, point 40].

154    Il appartiendrait également, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier si les études et les auditions réalisées dans le cadre de la procédure d’adoption des mesures en cause au principal ont donné lieu à des conclusions négatives, puisque, à défaut, il n’y aurait pas lieu d’appliquer l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats.

155    Quant à la question de savoir si l’objectif d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité d’un État membre constitue une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de l’article 6, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive habitats, il convient de rappeler que l’intérêt de nature à justifier la réalisation d’un plan ou d’un projet doit être à la fois « public » et « majeur », ce qui implique qu’il soit d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune, y compris l’avifaune, et de la flore sauvages poursuivi par cette directive (arrêt du 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a., C‑43/10, EU:C:2012:560, point 121).

156    À cet égard, il peut être relevé que l’article 194, paragraphe 1, sous b), TFUE identifie la sécurité d’approvisionnement énergétique dans l’Union européenne comme l’un des objectifs fondamentaux de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie (arrêt du 7 septembre 2016, ANODE, C‑121/15, EU:C:2016:637, point 48).

157    En outre, et en tout état de cause, l’objectif d’assurer, en tout temps, la sécurité d’approvisionnement en électricité dans un État membre, remplit les conditions rappelées au point 155 du présent arrêt.

158    Cependant, dans le cas où le site protégé susceptible d’être affecté par un projet abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires, au sens de la directive habitats, seule la nécessité d’écarter une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné est de nature à constituer, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une raison de sécurité publique susceptible, en vertu de l’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive, de justifier la réalisation du projet.

159    Par conséquent, il y a lieu de répondre à la huitième question, sous d), que l’article 6, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive habitats doit être interprété en ce sens que l’objectif d’assurer, en tout temps, la sécurité de l’approvisionnement en électricité d’un État membre constitue une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de cette disposition. L’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive doit être interprété en ce sens que, dans le cas où le site protégé susceptible d’être affecté par un projet abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, seule la nécessité d’écarter une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné est de nature à constituer, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une raison de sécurité publique, au sens de cette disposition.

C.      Sur les première à troisième questions, relatives à la convention d’Espoo

160    Par ses première à troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la convention d’Espoo doit être interprétée en ce sens que des mesures telles que celles en cause au principal doivent être soumises à l’évaluation de l’impact sur l’environnement qu’elle prévoit.

161    Toutefois, il a été relevé, au point 93 du présent arrêt, que des mesures telles que celles en cause au principal font partie d’un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre État membre et devant être soumis à une procédure d’évaluation de ses incidences transfrontières conforme à l’article 7 de la directive EIE, laquelle tient compte, ainsi que l’indique son considérant 15, des exigences de la convention d’Espoo.

162    Dans ce contexte, il n’y a donc pas lieu de répondre aux première à troisième questions, relatives à la convention d’Espoo.

D.      Sur les quatrième et cinquième questions, relatives à la convention d’Aarhus

163    Par ses quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 de la convention d’Aarhus doit être interprété en ce sens que les exigences de participation du public qu’il prévoit s’appliquent à des mesures telles que celles en cause au principal.

164    Il ressort de la décision de renvoi que la Cour constitutionnelle pose ces questions en raison des doutes qu’elle éprouve quant à l’applicabilité à ces mesures de la directive EIE, laquelle, ainsi qu’il ressort notamment de ses considérants 18 à 20, a pourtant vocation à prendre en compte les stipulations de la convention d’Aarhus.

165    Il résulte, toutefois, des réponses apportées aux sixième et septième questions que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux qui leur sont indissociablement liés, constituent un projet devant être soumis, préalablement à son adoption, à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, en vertu de la directive EIE.

166    Il n’y a, dès lors, pas lieu de répondre aux quatrième et cinquième questions.

E.      Sur la neuvième question, relative au maintien des effets de la loi en cause au principal

167    Par sa neuvième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union permet à une juridiction nationale de maintenir les effets de mesures telles que celles en cause au principal le temps nécessaire aux fins de remédier à leur illégalité éventuelle au regard des directives EIE et habitats.

168    À cet égard, il convient de constater que, si la directive EIE impose, à son article 2, paragraphe 1, une obligation d’évaluation préalable des projets que cette disposition vise, la directive habitats prévoit également, pour ce qui concerne les projets soumis à évaluation en vertu de son article 6, paragraphe 3, que les États membres ne peuvent marquer leur accord qu’après s’être assurés dans ce cadre de l’absence d’atteinte à l’intégrité du site concerné.

169    Cela étant, ni la directive EIE ni la directive habitats ne précisent les conséquences qu’il convient de tirer d’une violation des obligations qu’elles édictent.

170    Pour autant, en vertu du principe de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites de cette violation du droit de l’Union. Les autorités nationales compétentes sont ainsi dans l’obligation de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, par exemple en retirant ou en suspendant une autorisation déjà accordée, afin d’effectuer une telle évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 35 et jurisprudence citée).

171    Une telle obligation incombe également aux juridictions nationales saisies de recours à l’encontre d’un acte national comportant une telle autorisation. Il convient, à cet égard, de rappeler que les modalités procédurales applicables à de tels recours relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

172    Par conséquent, les juridictions saisies à cet égard doivent adopter, sur le fondement de leur droit national, des mesures tendant à la suspension ou à l’annulation de l’autorisation d’un projet adoptée en méconnaissance de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre Wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 46 et jurisprudence citée).

173    Il est vrai que la Cour a également jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que des règles nationales permettent, dans certains cas, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard du droit de l’Union (arrêt du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

174    Toutefois, une telle possibilité de régularisation doit être subordonnée à la condition qu’elle n’offre pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et qu’elle demeure exceptionnelle (arrêt du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

175    Ainsi, en cas d’omission d’une évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement exigée par la directive EIE, s’il incombe aux États membres d’en effacer les conséquences illicites, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une telle évaluation soit effectuée à titre de régularisation alors que le projet est en cours de réalisation ou même après qu’il a été réalisé, à la double condition, d’une part, que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et, d’autre part, que l’évaluation effectuée à titre de régularisation ne porte pas uniquement sur les incidences futures de ce projet pour l’environnement, mais prenne en compte l’ensemble des incidences environnementales survenues depuis la réalisation dudit projet (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 43, ainsi que du 28 février 2018, Comune di Castelbellino, C‑117/17, EU:C:2018:129, point 30).

176    Par analogie, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne s’oppose pas non plus, et sous réserve des mêmes conditions, à ce qu’une telle régularisation soit effectuée en cas d’omission de l’évaluation préalable des incidences du projet concerné sur un site protégé, exigée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats.

177    Il convient d’ajouter que seule la Cour peut, à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle du droit de l’Union à l’égard du droit national contraire à celle-ci. En effet, si des juridictions nationales avaient le pouvoir de donner aux dispositions nationales la primauté par rapport au droit de l’Union auquel ces dispositions contreviennent, serait-ce même à titre provisoire, il serait porté atteinte à l’application uniforme du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, points 66 et 67, ainsi que du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 33).

178    Toutefois, la Cour a également jugé, au point 58 de son arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne (C‑41/11, EU:C:2012:103), qu’une juridiction nationale peut, compte tenu de l’existence d’une considération impérieuse liée, comme tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à la protection de l’environnement et pour autant que sont respectées les conditions que cet arrêt précise, exceptionnellement être autorisée à faire usage de sa disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’un acte national annulé. Il ressort ainsi dudit arrêt que la Cour a entendu reconnaître, au cas par cas, et à titre exceptionnel, à une juridiction nationale la faculté d’aménager les effets de l’annulation d’une disposition nationale jugée incompatible avec le droit de l’Union dans le respect des conditions posées par la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 34).

179    En l’occurrence, conformément à la jurisprudence citée au point 177 du présent arrêt, il appartient à la seule Cour de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être justifié, à titre exceptionnel, de maintenir les effets de mesures telles que celles en cause au principal en raison de considérations impérieuses ayant trait à la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné. À cet égard, de telles considérations ne sauraient justifier le maintien des effets de mesures nationales adoptées en méconnaissance des obligations découlant des directives EIE et habitats que si, dans l’hypothèse d’une annulation ou d’une suspension des effets de ces mesures, il existait une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, à laquelle il ne pourrait être fait face par d’autres moyens et alternatives, notamment dans le cadre du marché intérieur.

180    Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si, compte tenu des autres moyens et alternatives dont l’État membre concerné dispose pour assurer l’approvisionnement en électricité sur son territoire, le maintien exceptionnel des effets des mesures contestées devant cette juridiction est ainsi justifié par la nécessité de faire face à une telle menace.

181    En tout état de cause, un tel maintien ne peut couvrir que le laps de temps strictement nécessaire pour remédier à l’illégalité.

182    Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la neuvième question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale peut, si le droit interne le permet, exceptionnellement maintenir les effets de mesures, telles que celles en cause au principal, qui auraient été adoptées en violation des obligations édictées par les directives EIE et habitats, si ce maintien est justifié par des considérations impérieuses liées à la nécessité d’écarter une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, à laquelle il ne pourrait être fait face par d’autres moyens et alternatives, notamment dans le cadre du marché intérieur. Ledit maintien ne peut couvrir que le laps de temps strictement nécessaire pour remédier à cette illégalité.

IV.    Sur les dépens

183    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, doivent être interprétés en ce sens que le redémarrage, pour une période de près de dix années, de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de son activité, et le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par ce même législateur pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité, mesures qui impliquent des travaux de modernisation des centrales concernées de nature à affecter la réalité physique des sites, constituent un « projet », au sens de cette directive, qui doit, en principe, et sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, préalablement à l’adoption de ces mesures. La circonstance que la mise en œuvre de ces dernières implique des actes ultérieurs, tels que la délivrance, pour l’une des centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, n’est pas déterminante à cet égard. Les travaux indissociablement liés auxdites mesures doivent également être soumis à une telle évaluation avant l’adoption de ces mêmes mesures si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, leur nature et leurs incidences potentielles sur l’environnement sont suffisamment identifiables à ce stade.

2)      L’article 2, paragraphe 4, de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise un État membre à exempter un projet tel que celui en cause au principal d’une évaluation des incidences sur l’environnement en vue d’assurer la sécurité de son approvisionnement en électricité que dans le cas où cet État membre démontre que le risque pour la sécurité de cet approvisionnement est raisonnablement probable et que le projet en cause présente un caractère d’urgence susceptible de justifier l’absence d’une telle évaluation, pour autant que les obligations prévues à l’article 2, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous a) à c), de cette directive sont respectées. Une telle possibilité d’exemption est cependant sans préjudice des obligations qui s’imposent à l’État membre concerné en vertu de l’article 7 de ladite directive.

3)      L’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal ne constitue pas un acte législatif national spécifique, au sens de cette disposition, exclu, en vertu de celle-ci, du champ d’application de cette directive.

4)      L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, doit être interprété en ce sens que des mesures telles que celles en cause au principal, ensemble avec les travaux de modernisation et de mise en conformité aux normes de sécurité actuelles, constituent un projet soumis à une évaluation appropriée de ses incidences sur les sites protégés concernés. Ces mesures doivent faire l’objet d’une telle évaluation avant leur adoption par le législateur. La circonstance que la mise en œuvre desdites mesures implique des actes ultérieurs, tels que la délivrance, pour l’une des centrales concernées, d’une nouvelle autorisation individuelle de production d’électricité à des fins industrielles, n’est pas déterminante à cet égard. Les travaux indissociablement liés à ces mêmes mesures doivent également être soumis à une telle évaluation avant l’adoption de ces dernières si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, leur nature et leurs incidences potentielles sur les sites protégés sont suffisamment identifiables à ce stade.

5)      L’article 6, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 92/43 doit être interprété en ce sens que l’objectif d’assurer, en tout temps, la sécurité de l’approvisionnement en électricité d’un État membre constitue une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de cette disposition. L’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive doit être interprété en ce sens que, dans le cas où le site protégé susceptible d’être affecté par un projet abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, seule la nécessité d’écarter une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné est de nature à constituer, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une raison de sécurité publique, au sens de cette disposition.

6)      Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale peut, si le droit interne le permet, exceptionnellement maintenir les effets de mesures, telles que celles en cause au principal, qui auraient été adoptées en violation des obligations édictées par les directives 2011/92 et 92/43, si ce maintien est justifié par des considérations impérieuses liées à la nécessité d’écarter une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, à laquelle il ne pourrait être fait face par d’autres moyens et alternatives, notamment dans le cadre du marché intérieur. Ledit maintien ne peut couvrir que le laps de temps strictement nécessaire pour remédier à cette illégalité.

Lenaerts

Silva de Lapuerta

Bonichot

Prechal

Vilaras

Regan

von Danwitz

Toader

Lycourgos

Rosas

Ilešič

Malenovský

Safjan

Šváby

Fernlund

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juillet 2019.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.