Language of document : ECLI:EU:C:2016:132

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

3 mars 2016 (*)

«Pourvoi – Règlement (CE) n° 1234/2007 – Organisation commune des marchés dans le secteur agricole – Règlement d’exécution (UE) n° 543/2011 – Annexe I, partie B 2, point VI, D, cinquième tiret – Secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés – Agrumes – Normes de commercialisation – Dispositions concernant le marquage – Indications des agents conservateurs ou des autres substances chimiques utilisées en traitement postrécolte»

Dans l’affaire C‑26/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 janvier 2015,

Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. B. Schima, Mmes I. Galindo Martín et K. Skelly, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la sixième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. C. Lycourgos (rapporteur) et J.‑C. Bonichot, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, le Royaume d’Espagne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2014, Espagne/Commission (T‑481/11, EU:T:2014:945, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la disposition de l’annexe I, partie B 2, point VI, D, cinquième tiret, du règlement d’exécution (UE) n° 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO L 157, p. 1, ci-après la «disposition litigieuse»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE) n° 1234/2007

2        Le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique») (JO L 299, p. 1) a été abrogé par le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil (JO L 347, p. 671). Le règlement n° 1234/2007, tel que modifié par le règlement (CE) n° 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO L 121, p. 1, ci-après le «règlement n° 1234/2007»), prévoyait, à son article 113 figurant sous le titre II, intitulé «Règles relatives à la commercialisation et à la production», de sa partie II:

«1.      La Commission peut prévoir des normes de commercialisation pour l’un ou plusieurs des produits relevant des secteurs suivants:

[...]

b)      fruits et légumes;

c)      fruits et légumes transformés;

[...]

2.      Les normes visées au paragraphe 1:

a)      sont établies en tenant compte, notamment:

i)      des spécificités des produits concernés;

ii)      de la nécessité de garantir des conditions permettant le bon écoulement de ces produits sur le marché;

iii)      de l’intérêt des consommateurs à l’égard d’une information ciblée et transparente comprenant, notamment pour les produits des secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés, le pays d’origine, la catégorie et, le cas échéant, la variété (ou le type commercial) du produit;

[...]

v)      en ce qui concerne les fruits et les légumes et les fruits et légumes transformés, [d]es recommandations relatives aux normes arrêtées dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) [(ci-après la ‘CEE‑ONU’)];

b)      peuvent porter notamment sur la qualité, le classement en catégories, le poids, la taille, le conditionnement, l’emballage, le stockage, le transport, la présentation, la commercialisation, l’origine et l’étiquetage.

3.      Sauf si la Commission en dispose autrement, conformément aux critères visés au paragraphe 2, point a), les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été établies ne peuvent être commercialisés dans la Communauté que s’ils satisfont à ces normes.

[...]»

3        Aux termes de l’article 113 bis, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, «les normes de commercialisation visées à [...] l’article 113, paragraphe 1, points b) et c), sont applicables à tous les stades de commercialisation, y compris aux stades de l’importation et de l’exportation, sauf dispositions contraires arrêtées par la Commission».

4        L’article 121 dudit règlement disposait:

«La Commission arrête les modalités d’application du présent chapitre, lesquelles peuvent notamment porter sur:

a)      les normes de commercialisation visées à l’article 113 et à l’article 113 bis, et notamment les règles en matière:

i)      de dérogations ou d’exemptions à l’application des normes;

ii)      de présentation des indications requises par les normes ainsi que de commercialisation et d’étiquetage;

iii)      d’application des normes aux produits importés dans la Communauté ou exportés à partir de la Communauté;

[...]»

 Le règlement d’exécution n° 543/2011

5        Les considérants 4 à 6 et 8 du règlement d’exécution n° 543/2011 sont ainsi libellés:

«(4)      L’article 113, paragraphe 1, points b) et c), du règlement (CE) n° 1234/2007 autorise la Commission à prévoir des normes de commercialisation, respectivement pour les fruits et légumes et les fruits et légumes transformés. [...]

(5)      Il y a lieu d’adopter des normes de commercialisation spécifiques pour les produits pour lesquels il semble nécessaire d’adopter une norme, après en avoir évalué la pertinence, en tenant compte, en particulier, des produits les plus commercialisés en termes de valeur, sur la base des chiffres de la base de données de référence Comext de la Commission européenne relative aux échanges internationaux.

(6)      Afin d’éviter de dresser des obstacles inutiles aux échanges, il convient, lorsque des normes de commercialisation spécifiques doivent être établies pour des produits individuels, que ces normes correspondent à celles qui ont été adoptées par la [CEE-ONU] [(ci-après les ‘normes CEE-ONU’)]. Lorsqu’aucune norme de commercialisation spécifique n’a été adoptée au niveau de l’Union, les produits devraient être considérés comme conformes à la norme générale de commercialisation si le détenteur est en mesure de démontrer que les produits sont conformes à l’une des normes applicables de la [CEE-ONU].

[...]

(8)      Il convient que les mentions requises par les normes de commercialisation figurent clairement sur l’emballage et/ou l’étiquette. Pour empêcher les fraudes et éviter que le consommateur ne soit induit en erreur, il convient que les mentions requises dans le cadre des normes soient accessibles au consommateur avant l’achat, en particulier dans le cas de la vente à distance, dans lequel l’expérience a montré qu’il existe des risques de fraude et de contournement de la protection du consommateur prévue par les normes.»

6        L’article 3 du règlement d’exécution n° 543/2011 dispose:

«1.      Les exigences énoncées à l’article 113 bis, paragraphe 1, du règlement [n° 1234/2007] sont désignées comme norme générale de commercialisation. Le détail de la norme générale de commercialisation est présenté à l’annexe I, partie A, du présent règlement.

Les fruits et légumes qui ne relèvent pas d’une norme de commercialisation spécifique doivent être conformes à la norme générale de commercialisation. Toutefois, si le détenteur est en mesure de démontrer que les produits sont conformes à l’une des normes applicables adoptées par [CEE-ONU], ils sont considérés comme conformes à la norme générale de commercialisation.

2.      Les normes de commercialisation spécifiques visées à l’article 113, paragraphe 1, point b), du règlement [n° 1234/2007] figurent à l’annexe I, partie B, du présent règlement pour les produits suivants:

[...]

b)      agrumes;

[...]»

7        La partie B 2 de l’annexe I du règlement d’exécution n° 543/2011 est intitulée «Norme de commercialisation applicable aux agrumes». La disposition litigieuse qui figure au point VI de cette partie, intitulé «Dispositions concernant le marquage», prévoit:

«Chaque colis doit porter, en caractères groupés sur un même côté, lisibles, indélébiles et visibles de l’extérieur, les indications ci‑après.

[...]

D.      Caractéristiques commerciales

      [...]

–        le cas échéant, indication des agents conservateurs ou des autres substances chimiques utilisées en traitement postrécolte.»

 La directive 2003/114/CE

8        L’annexe de la directive 2003/114/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 décembre 2003, modifiant la directive 95/2/CE concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants (JO 2004, L 24, p. 58) prévoit:

«Les annexes de la directive 95/2/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 1995, concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants (JO L 61, p. 1)] sont modifiées comme suit:

[...]

3)      à l’annexe III:

[...]

B.      La partie C est modifiée comme suit:

a)      les lignes suivantes sont supprimées:

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[...]»

 Le droit international

9        La CEE-ONU a été mise en place en 1947 par la résolution 36 (IV), du 28 mars 1947, du Conseil économique et social (ONU) (Ecosoc). Elle rassemble actuellement 56 pays d’Europe (y compris tous les États membres de l’Union), de la Communauté des États indépendants et d’Amérique du Nord. L’Union n’étant pas membre des Nations unies, elle n’est pas non plus membre de la CEE‑ONU. En revanche, elle participe à la CEE‑ONU en tant qu’observateur.

10      La CEE-ONU comporte, en son sein, le groupe de travail des normes de qualité des produits agricoles chargé, notamment, de la définition des normes communes pour les denrées périssables.

11      Cette dernière instance a adopté la norme CEE-ONU FFV-14 concernant la commercialisation et le contrôle de la qualité commerciale des agrumes. Cette norme, dans la version issue de son édition de l’année 2010 applicable à la date de l’adoption du règlement d’exécution n° 543/2011, prévoit, à son point VI:

«Chaque emballage doit porter en caractères groupés sur un même côté, lisibles, indélébiles et visibles de l’extérieur, les indications ci-après:

[...]

D.      Caractéristiques commerciales

[...]

–        Traitement après récolte (éventuellement, en fonction de la législation nationale du pays importateur).

[...]»

  La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 septembre 2011, le Royaume d’Espagne a introduit un recours tendant à l’annulation de la disposition litigieuse.

13      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne a soulevé cinq moyens.

14      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, a rejeté la totalité des moyens invoqués par le Royaume d’Espagne.

 Les conclusions des parties

15      Le Royaume d’Espagne demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        d’annuler la disposition litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 Sur le pourvoi

17      Le présent pourvoi est fondé sur trois moyens tirés d’erreurs de droit commises dans l’interprétation de l’obligation de motivation des actes de l’Union et du principe de l’égalité de traitement, ainsi que dans l’exercice du contrôle juridictionnel du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen tiré d’une erreur de droit commise dans l’interprétation de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE

18      Le Royaume d’Espagne considère que le Tribunal a, aux points 110 à 115 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’obligation de motivation. Les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde ne seraient pas compatibles avec l’impératif de clarté et d’absence d’ambiguïté qui doit caractériser la motivation d’un règlement afin que celle‑ci satisfasse aux exigences de l’article 296 TFUE. Le premier moyen se subdivise en trois branches.

 Sur la première branche du premier moyen relative à l’interprétation du considérant 6 du règlement d’exécution n° 543/2011

–       Argumentation des parties

19      Le Royaume d’Espagne considère que l’obligation d’étiquetage imposée par la disposition litigieuse ne correspond ni aux normes CEE-ONU, ni aux éléments énoncés à l’article 113, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, lequel prévoirait uniquement, en matière d’étiquetage des fruits et des légumes, qu’il soit fait mention du pays d’origine, de la catégorie et, le cas échéant, de la variété ou du type commercial des produits, sans évoquer aucune mention de nature sanitaire telle que visée par la disposition litigieuse. Ainsi, le Tribunal aurait justifié la disposition litigieuse par une interprétation du considérant 6 du règlement d’exécution n° 543/2011 qui ne serait pas compatible avec le libellé de ce considérant et qui ne tiendrait pas compte des éléments énoncés à l’article 113, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007.

20      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

21      Il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181). Il s’ensuit que les griefs et les arguments tendant à mettre en cause le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen visant la violation de l’article 296 TFUE.

22      En l’occurrence, bien que le Royaume d’Espagne ait invoqué une violation de l’article 296 TFUE devant le Tribunal, il y a lieu de constater que ce dernier s’est prononcé, aux points 110 à 113 de l’arrêt attaqué, sur le bien-fondé des motifs de la Commission en relevant que l’argumentation du Royaume d’Espagne procède d’une lecture erronée du considérant 6 du règlement d’exécution n° 543/2011. Dans la mesure où, conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les points de motifs contestés de l’arrêt attaqué sont identifiés avec précision, il y a lieu, néanmoins, d’examiner les arguments du Royaume d’Espagne.

23      Ainsi, il convient de constater que, contrairement à ce qu’allègue le Royaume d’Espagne, l’article 113, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007 ne limite pas les mentions devant figurer sur le marquage des fruits et des légumes à celles du pays d’origine, de la catégorie et, le cas échéant, de la variété ou du type commercial des produits. En effet, il ressort du libellé de cette disposition que les normes de commercialisation sont établies, notamment, en tenant compte des spécificités des produits concernés, de l’intérêt des consommateurs à l’égard d’une information ciblée et transparente, ainsi que des recommandations relatives aux normes CEE-ONU.

24      À cet égard, le Tribunal a, à juste titre, retenu, au point 85 de l’arrêt attaqué, que ladite disposition exige de la Commission, lorsque celle-ci adopte des normes de commercialisation pour des produits spécifiques, qu’elle tienne compte de plusieurs éléments, incluant notamment les normes CEE-ONU.

25      C’est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré, aux points 80 à 85 de l’arrêt attaqué auxquels il est fait référence au point 110 du même arrêt, sur le fondement d’une lecture combinée du considérant 6 du règlement d’exécution n° 543/2011 et de l’article 113, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, que le règlement d’exécution n° 543/2011, sauf à violer son règlement de base, à savoir le règlement n° 1234/2007, ne peut signifier, à son considérant 6, que les normes de commercialisation spécifiques adoptées par la Commission doivent être identiques aux normes CEE-ONU, mais doit davantage être compris en ce sens que, lorsque de telles normes doivent être établies par la Commission pour des produits individuels, elles doivent être définies sur la base des normes CEE-ONU, avec les modifications éventuelles, nécessaires pour tenir compte des éléments, autres que lesdites normes, qui sont mentionnés à l’article 113, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007.

26      Partant, la première branche du premier moyen est non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen relative au défaut de motivation quant aux divergences entre la norme CEE-ONU FFV-14 et la norme de commercialisation spécifique applicable aux agrumes

–       Argumentation des parties

27      Le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission aurait dû indiquer, dans les considérants du règlement d’exécution n° 543/2011, les motifs qui l’ont conduite à s’écarter de la norme CEE-ONU FFV-14. Il reproche à cet égard au Tribunal d’avoir retenu, au point 114 de l’arrêt attaqué, qu’il serait excessif d’exiger de la Commission d’exposer une justification particulière pour chaque divergence entre cette norme et la norme de commercialisation spécifique applicable aux agrumes, prévue par ce règlement d’exécution. Une telle motivation manquerait de cohérence dans la mesure où cette norme de commercialisation spécifique n’introduirait que deux modifications de fond, la première concernant l’obligation de marquage visée par la disposition litigieuse et la seconde relative aux produits relevant de cette norme.

28      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

29      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si la motivation d’un acte doit être claire et non équivoque, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. En outre, le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, ordonnance Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2004:848, points 133 et 134).

30      Lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’un acte destiné à une application générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir, notamment, arrêt Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, point 58 et jurisprudence citée).

31      Par ailleurs, la Cour a itérativement jugé que, si un acte de portée générale fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (voir, notamment, arrêts Espagne/Conseil, C‑284/94, EU:C:1998:548, point 30, Espagne/Conseil, C‑310/04, EU:C:2006:521, point 59, ainsi que Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 60).

32      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, à juste titre, que les considérants 5 et 6 du règlement d’exécution n° 543/2011 exposent la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption d’une norme de commercialisation applicable aux agrumes et les objectifs généraux que cette norme se propose d’atteindre. En effet, ces considérants permettent de comprendre les motifs de l’adoption de ladite norme et le lien de cette norme avec les normes CEE-ONU. Par ailleurs, les motifs de l’adoption de la disposition litigieuse ressortent également des considérants 4 et 8 de ce règlement d’exécution.

33      En outre, il convient de constater que le Tribunal, sans qu’il lui en soit fait grief dans le cadre du présent pourvoi, a relevé, au point 77 de l’arrêt attaqué, que les normes CEE-ONU ne sont pas contraignantes et, au point 159 de l’arrêt attaqué, que leur caractère facultatif a pour conséquence qu’il appartient à chaque État de juger des circonstances pertinentes justifiant l’adoption ou non des mesures prévues par ces normes. Dès lors, force est de constater qu’il n’y a pas lieu d’exiger une motivation particulière lorsque l’Union édicte des règles qui s’écartent de telles normes.

34      La deuxième branche du premier moyen soulevé par le Royaume d’Espagne doit donc être écartée.

 Sur la troisième branche du premier moyen relative à la réformation du règlement d’exécution n° 543/2011 par le Tribunal

–       Argumentation des parties

35      Le Royaume d’Espagne soutient que le Tribunal a comblé les lacunes affectant la motivation du règlement d’exécution n° 543/2011 et substitué sa propre opinion au point de vue et à la motivation de la Commission.

36      La Commission conteste cette argumentation.

–       Appréciation de la Cour

37      La troisième branche du premier moyen doit être écartée dès lors qu’elle résulte d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

38      En effet, en examinant, notamment aux points 110 à 115 de l’arrêt attaqué qui sont visés par le premier moyen du Royaume d’Espagne, les éléments relatifs à la violation de l’obligation de motivation invoquée par cet État membre en première instance, le Tribunal a simplement exercé son contrôle de légalité de la disposition litigieuse, sans aucunement substituer sa propre motivation à celle retenue par la Commission dans le règlement d’exécution n° 543/2011.

39      Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en considérant que la Commission avait respecté l’article 296 TFUE. Il convient, en conséquence, de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen tiré d’une erreur de droit commise dans l’interprétation du principe de l’égalité de traitement

40      Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne considère que le Tribunal a, aux points 131 à 138, 140 et 141 de l’arrêt attaqué, méconnu le principe de l’égalité de traitement. Le deuxième moyen se subdivise en trois branches.

 Sur la première branche du deuxième moyen relative à la distinction établie par la disposition litigieuse entre les agrumes et les autres fruits et légumes

–       Argumentation des parties

41      Selon le Royaume d’Espagne, le Tribunal a justifié la distinction entre les agrumes et les autres fruits et légumes en se fondant sur un fait prétendument notoire, qu’aucun élément factuel ou scientifique ne vient étayer, à savoir la distinction entre fruits à peau épaisse et fruits et légumes à peau fine et l’inclusion des agrumes dans cette première catégorie.

42      Le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir retenu que le droit de l’Union autorise des traitements pour la seule catégorie des fruits et des légumes à «pelure épaisse», de telle sorte qu’il est nécessaire d’informer le consommateur qu’un agrume, qui possède une «peau épaisse» qui ne se consomme pas avec sa chair, a fait l’objet d’un traitement après sa récolte, dans l’hypothèse d’une utilisation de sa pelure à des fins culinaires. Sur la base de cette classification établie par le Tribunal, qualifiée d’«artificielle» et d’«inconnue» par le Royaume d’Espagne, cette juridiction aurait conclu à tort que, en raison de ces particularités, les producteurs d’agrumes se trouvent dans une situation différente de celle des producteurs d’autres fruits et légumes, en ce qui concerne l’objectif d’information des consommateurs en matière de substances utilisées en traitement après récolte. Le Royaume d’Espagne soutient que l’épaisseur de la pelure n’est pas un critère adéquat pour distinguer les agrumes des autres fruits et légumes étant donné que certains d’entre eux ont une pelure fine qui peut être consommée.

43      En outre, la motivation retenue par le Tribunal ne se concilierait guère avec le système adopté par l’Union, d’autorisation des substances actives pesticides, qui n’opèrerait pas de distinction entre les agrumes et les autres fruits et légumes frais du point de vue de la sécurité alimentaire. En effet, le Royaume d’Espagne relève que les limites maximales de résidus d’un pesticide autorisé sont fixées en tenant compte non pas seulement de la partie comestible à l’état frais du fruit ou du légume, mais du produit entier, en ce compris la pelure, ainsi que des aliments transformés, élaborés à partir de ce produit (confitures, jus, huiles, compotes, etc.).

44      Le Royaume d’Espagne ajoute, à cet égard, que les critères sur lesquels se fondent les choix des doses de pesticides sont non pas des critères toxicologiques, mais des critères agricoles, qui déterminent les doses minimales efficaces. Ces critères n’auraient aucun rapport avec l’épaisseur de la pelure. En pratique, le risque qu’un produit à pelure plus épaisse contienne davantage de résidus de pesticides ne serait en aucun cas plus élevé que pour un fruit à pelure fine.

45      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

46      Il convient de relever que la constatation du caractère notoire ou non de faits appartient à la juridiction de première instance et constitue une appréciation de nature factuelle qui, sauf cas de dénaturation, échappe au contrôle exercé dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), EU:C:2008:49, point 9).

47      Or, le Royaume d’Espagne, outre le fait de ne pas alléguer formellement de dénaturation des faits, n’apporte pas, dans son pourvoi, d’éléments permettant à la Cour de constater que les appréciations effectuées par le Tribunal, aux points 131 à 138 de l’arrêt attaqué, constituent une telle dénaturation.

48      En effet, force est de constater que le point 28 du pourvoi ne contient que des affirmations générales, non autrement étayées.

49      Quant au point 29 du pourvoi, le Royaume d’Espagne se borne à affirmer que, bien que la peau de certains agrumes, comme les mandarines ou les kumquats, soit moins épaisse et davantage comestible que celle d’autres agrumes, comme les oranges, toutes ces sortes d’agrumes sont soumises à l’obligation d’étiquetage prévue par la disposition litigieuse. Cette constatation ne permet toutefois pas de remettre en cause l’appréciation du Tribunal selon laquelle il est raisonnable que le consommateur soit averti du traitement des agrumes après leur récolte dès lors que, à la différence des fruits à pelure fine, tous ces agrumes peuvent être traités au moyen de doses beaucoup plus élevées de substances chimiques et que leur pelure peut intégrer d’une manière ou d’une autre l’alimentation humaine. À cet égard, il convient de relever que le Royaume d’Espagne ne conteste pas le constat effectué au point 133 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’annexe II du règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil (JO L 70, p. 1), fixe les limites maximales applicables aux résidus de phényl-2 phénol à un niveau 50 fois plus élevé pour les agrumes que pour d’autres fruits.

50      En outre, les points 30 à 34 du pourvoi visent uniquement à démontrer que les produits utilisés pour le traitement des agrumes ont été soumis à une évaluation minutieuse de leur innocuité pour la santé humaine.

51      Quant au point 35 du pourvoi, il se limite à énoncer que «le risque qu’un produit à pelure plus épaisse contienne davantage de résidus n’est en aucun cas plus élevé que pour un fruit à peau fine» sans étayer aucunement cette affirmation.

52      Il s’ensuit que, le Royaume d’Espagne n’ayant démontré aucune dénaturation des faits, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen relative à l’exclusion de certains agrumes du champ d’application de la disposition litigieuse

–       Argumentation des parties

53      Le Royaume d’Espagne fait grief au Tribunal d’avoir admis, au point 138 de l’arrêt attaqué, que les pomélos, pamplemousses et limes pouvaient être exclus du champ d’application de la disposition litigieuse.

54      À cet égard, il soutient, en premier lieu, que ces trois fruits, qui proviendraient de régions éloignées de l’Union et qui seraient soumis à des temps de transport importants, seraient traités avec les mêmes produits que les agrumes de l’Union. Il précise que les pomélos seraient très fréquemment consommés sous forme de jus qui pourrait être extrait en utilisant également la peau et que la lime serait fréquemment consommée dans un cocktail où ce fruit serait présent tant sous forme de jus que de tranches.

55      En second lieu, le Royaume d’Espagne relève que le faible volume des ventes de pomélos, de pamplemousses et de limes dans l’Union ne serait pas un facteur déterminant pour justifier leur exclusion du champ d’application de la disposition litigieuse, ce critère n’étant pas pertinent aux fins de la sécurité alimentaire.

56      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

57      En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la peau des pomélos et des limes, qui sont exclus du champ d’application de la disposition litigieuse, est utilisée pour la préparation de jus de fruit ou de cocktails, il y a lieu de relever qu’il tend à obtenir de la Cour qu’elle se prononce sur l’appréciation en fait réalisée par le Tribunal au point 138 de l’arrêt attaqué par lequel celui-ci a relevé, d’une part, qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la pelure de ces agrumes pouvait être utilisée à des fins culinaires et, d’autre part, que le Royaume d’Espagne n’avait pas allégué que tel pût être le cas, alors même que cet État membre avait été invité par le Tribunal à exposer sa position quant à l’exclusion desdits agrumes du champ d’application de la disposition litigieuse.

58      Par conséquent, cet argument est irrecevable.

59      S’agissant de l’argument relatif aux volumes des ventes de pomélos, de pamplemousses et de limes en Europe, il convient de relever que celui-ci est dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué et doit, dès lors, être déclaré inopérant.

60      La deuxième branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen relative à la comparabilité des producteurs d’agrumes et des producteurs d’autres fruits et légumes

–       Argumentation des parties

61      Le Royaume d’Espagne reproche au Tribunal d’avoir considéré, aux points 140 et 141 de l’arrêt attaqué, que l’argument selon lequel l’étiquetage rendu obligatoire par la disposition litigieuse est susceptible de créer un désavantage concurrentiel pour les producteurs d’agrumes visés par la disposition litigieuse par rapport aux producteurs d’autres fruits et légumes n’est pas pertinent dans le contexte d’une violation alléguée du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

62      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

63      Selon une jurisprudence constante, la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent (arrêt Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 25).

64      Dès lors, c’est à juste titre que le Tribunal a, au point 141 de l’arrêt attaqué, considéré que l’examen d’un éventuel désavantage concurrentiel était inopérant dans le cadre de l’examen du principe d’égalité de traitement, puisqu’il n’était pas de nature à remettre en cause la constatation énoncée par le Tribunal au point 136 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les producteurs d’agrumes visés par la disposition litigieuse ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des producteurs d’autres fruits et légumes.

65       Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen tiré d’une erreur de droit relative au contrôle juridictionnel du principe de proportionnalité

66      Le Royaume d’Espagne soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 153, 163, 176 à 178 et 181 à 188 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel du principe de proportionnalité. Il estime que le Tribunal n’a pas exercé un contrôle approprié de la pertinence et de l’adéquation des éléments sur lesquels est fondée la justification de la disposition litigieuse ni des conclusions découlant de ces données et a appliqué un test superficiel limité à la vérification de l’existence d’une erreur manifeste, contrairement au standard de contrôle exigé par la jurisprudence de la Cour. Le troisième moyen se subdivise en quatre branches.

 Sur la première branche du troisième moyen relative à l’interprétation erronée de la volonté du législateur de l’Union justifiant la disposition litigieuse

–       Argumentation des parties

67      Tout d’abord, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’il ne comprend pas l’affirmation du directeur général de la direction générale (DG) «Agriculture et développement rural» de la Commission, figurant dans ses lettres des 14 et 30 juin 2011, selon laquelle l’abrogation de l’obligation d’étiquetage prévue par la disposition litigieuse «soulèverait des objections en ce qui concerne l’application correcte de la législation sur les additifs alimentaires».

68      Ensuite, le Royaume d’Espagne soutient que le Tribunal ne pouvait pas admettre «sans autre forme de procès» une telle affirmation d’autant plus que l’orthophénylphénol, et son sel de sodium, appelé «orthophénylphénate de sodium» (ci-après, pris ensemble, l’«OPP»), a été considéré, tout au long de la procédure, comme un pesticide. À cet égard, il fait valoir que ladite affirmation se réfère à une législation abrogée et non applicable à l’OPP puisque relative aux additifs alimentaires et non aux pesticides.

69      Enfin, le Royaume d’Espagne ajoute qu’il a indiqué dès le dépôt de sa requête devant le Tribunal que celle-ci concernait non pas l’obligation d’étiquetage relative à l’OPP, mais l’obligation générale d’étiqueter les agrumes en indiquant les agents conservateurs et autres substances chimiques utilisés dans les traitements après récolte. Or, ni la législation spécifique sur ces substances, qui garantirait des normes de sécurité strictes et assurerait l’innocuité desdites substances pour les consommateurs, ni la législation sur l’information du consommateur n’imposent une obligation d’étiquetage telle que celle prévue par la disposition litigieuse. Le Royaume d’Espagne en conclut que si le législateur avait estimé nécessaire d’indiquer, sur l’étiquetage des emballages, l’utilisation d’un pesticide, il aurait prévu cette obligation dans lesdites législations.

70      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

71      Il y a lieu de relever, à titre préliminaire, que, en ce qu’il fait valoir qu’il n’est pas en mesure de comprendre les lettres du directeur général de la DG «Agriculture et développement rural», visées au point 67 du présent arrêt, le Royaume d’Espagne soulève un grief irrecevable puisque ce dernier n’est pas dirigé en tant que tel contre un point de l’arrêt attaqué.

72      Par ailleurs, en ce qu’il reproche au Tribunal d’avoir accepté, «sans autre forme de procès», lesdites lettres afin d’examiner la justification de la disposition litigieuse, le Royaume d’Espagne procède à une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

73      En effet, le Tribunal a examiné en détail l’évolution de la législation de l’Union relative à l’OPP et expliqué clairement, aux points 171 à 178 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles les mêmes lettres se référaient manifestement à la note en bas de page figurant dans l’annexe de la directive 2003/114. Or, cette note indique que «la suppression des substances E 231 (orthophénylphénol) et E 232 (orthophénylphénate de sodium) entre en vigueur dès que les prescriptions relatives à l’étiquetage des denrées alimentaires traitées à l’aide de cette (ces) substance(s) deviennent applicables en vertu de la législation communautaire fixant les limites maximales de résidus de pesticides». Comme le relève le Tribunal au point 177 de l’arrêt attaqué, cette note en bas de page a, dès lors, été prise en compte par la Commission lors de l’adoption de la disposition litigieuse comme témoignant de la volonté du législateur de l’Union de prévoir une obligation d’étiquetage pour les denrées alimentaires traitées à l’aide de l’OPP.

74      L’argument du Royaume d’Espagne, exposé aux points 68 à 70 de son pourvoi, et visant à démontrer, en se fondant sur une analyse de la législation de l’Union relative, notamment, aux produits phytopharmaceutiques et à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, que le législateur de l’Union, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal aux points 177 et 178 de l’arrêt attaqué, n’avait pas l’intention d’imposer l’étiquetage des matières actives sur les produits végétaux en général et sur les agrumes en particulier ne saurait davantage prospérer.

75      En effet, la circonstance que les dispositions législatives visées par le Royaume d’Espagne dans son pourvoi n’imposent pas un étiquetage particulier des pesticides utilisés dans les traitements agricoles n’a pas pour effet d’empêcher la Commission d’adopter une norme de commercialisation concernant les agrumes qui, conformément à l’article 113 du règlement n° 1234/2007, tient compte notamment de l’intérêt des consommateurs à l’égard d’une information ciblée et transparente, ainsi que des recommandations relatives aux normes CEE-ONU. En particulier, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Commission adopte une disposition prévoyant un étiquetage des agrumes portant mention des traitements qui leur ont été appliqués après leur récolte.

76      La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen relative à la prémisse sur laquelle le Tribunal s’est fondé pour effectuer son contrôle

–       Argumentation des parties

77      Le Royaume d’Espagne considère que, contrairement aux énonciations du Tribunal figurant aux points 183 à 185 de l’arrêt attaqué, son argument relatif à l’existence d’un désavantage concurrentiel pour les producteurs d’agrumes soumis à l’obligation prévue par la disposition litigieuse par rapport aux producteurs d’autres fruits et légumes était fondé non pas sur la prémisse que les consommateurs ignorent que tous les fruits et légumes font l’objet de traitements par différentes substances, mais sur la prémisse selon laquelle, en présence d’un aliment dont l’étiquetage indique l’ajout d’une substance chimique, un consommateur sera davantage découragé qu’attiré par cette mention.

78      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

79      Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne dans le cadre du présent pourvoi, il ressort de sa requête introduite en première instance que celui-ci a invoqué, devant le Tribunal, la prémisse selon laquelle, à défaut de marquage spécifique, les consommateurs considèrent que les fruits et légumes ne sont pas soumis à un traitement chimique particulier.

80      En effet, au point 69 de la requête introductive d’instance devant le Tribunal, le Royaume d’Espagne a relevé qu’«en imposant l’étiquetage uniquement pour les agrumes, le message transmis aux consommateurs est que les agrumes sont les seuls fruits traités avec des produits chimiques».

81      Dès lors, la deuxième branche du troisième moyen ne peut être accueillie.

 Sur la troisième branche du troisième moyen relative à la spécificité des agrumes visés par la disposition litigieuse

–       Argumentation des parties

82      Selon le Royaume d’Espagne, si, comme l’affirme le Tribunal au point 181 de l’arrêt attaqué, la disposition litigieuse vise à assurer une meilleure information des consommateurs, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles une telle obligation de marquage ne concerne, d’une part, que les agrumes traités après la récolte et non pas ceux qui font l’objet d’un traitement avant leur récolte et, d’autre part, que les agrumes et non pas les autres fruits et légumes traités au moyen des mêmes produits chimiques.

83      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

84      En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne relatif à la différence quant à l’obligation d’étiquetage des agrumes selon que ceux-ci sont traités avant ou après la récolte, il convient de relever qu’un argument qui n’a pas été soulevé en première instance constitue un moyen nouveau irrecevable au stade du pourvoi sauf s’il peut être considéré comme l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre d’un moyen présenté dans la requête devant le Tribunal.

85      Or, en l’espèce, force est de constater que par aucun des moyens invoqués au soutien de sa requête devant le Tribunal le Royaume d’Espagne n’a soutenu que la disposition litigieuse méconnaîtrait le principe de proportionnalité au motif que seuls les traitements des agrumes réalisés après leur récolte doivent faire l’objet d’une mention à l’attention des consommateurs. Dès lors, le troisième moyen pris en ce grief, en ce qu’il constitue un moyen nouveau, est irrecevable.

86      En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne relatif à la différence quant à l’obligation d’étiquetage entre les agrumes et les autres fruits et légumes traités par les mêmes produits chimiques, il y a lieu de noter, à l’instar de la Commission, que le Royaume d’Espagne, aux points 73 et 74 de son pourvoi, se borne à reprendre les termes des arguments qu’il a développés devant le Tribunal, au point 48 de son mémoire en réplique, sans spécifier en quoi le Tribunal n’aurait pas exercé un contrôle suffisamment approfondi à ce propos.

87      En tout état de cause, il convient de relever que, aux points 131 à 136 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé en détail les raisons pour lesquelles il considérait que les agrumes, d’une part, et les autres fruits et légumes, d’autre part, n’étaient pas dans des situations comparables au regard de l’obligation imposée par la disposition litigieuse. À cet égard, la circonstance, retenue par le Tribunal, dans le cadre de son appréciation des faits, que les agrumes sont susceptibles d’être soumis à des traitements chimiques à beaucoup plus haute concentration que d’autres fruits et légumes, alors même que leur pelure peut être consommée, revêt une importance particulière. Le Tribunal a donc pu, sans commettre d’erreur de droit, considérer qu’il n’était pas déraisonnable d’imposer aux producteurs d’agrumes une obligation d’information spécifique à destination des consommateurs.

88      Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen ne saurait prospérer.

 Sur la quatrième branche du troisième moyen relative au fait que la disposition litigieuse s’applique également aux agrumes destinés à l’exportation

–       Argumentation des parties

89      Le Royaume d’Espagne, en visant le point 188 de l’arrêt attaqué, conteste qu’un niveau uniforme et élevé de protection des consommateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, puisse être atteint grâce à l’étiquetage qui n’est qu’un simple élément d’information. Il estime que l’accès à un tel niveau de protection du consommateur résulte du travail des producteurs, des opérateurs impliqués dans la chaîne de commercialisation et des autorités des États membres, ainsi que des exigences élevées en matière de sécurité alimentaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Il ajoute que, si l’objectif poursuivi par la disposition litigieuse est de protéger les consommateurs du monde entier, il n’est pas raisonnable d’adopter une disposition sélective, fondée sur la consommation sur le marché européen et que la disposition litigieuse n’est pas conforme au champ d’application territorial du droit de l’Union ni au champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

90      La Commission conteste l’argumentation du Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

91      À titre liminaire, il convient de relever que, en réponse à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la disposition litigieuse conduisait, sur les marchés des pays tiers, à un désavantage concurrentiel pour les agrumes destinés à l’exportation, le Tribunal a relevé, au point 188 de l’arrêt attaqué, d’une part, qu’un niveau uniforme et élevé de protection des consommateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, fait partie d’une image de qualité et de fiabilité des produits en provenance de l’Union et contribue au maintien, voire au renforcement, de leur position sur les marchés internationaux et que, d’autre part, le Royaume d’Espagne n’avait avancé aucun argument spécifique susceptible de remettre en cause de telles considérations.

92      Or, dans son pourvoi, le Royaume d’Espagne ne remet pas en cause le constat opéré par le Tribunal selon lequel tendre à un niveau uniforme et élevé de protection des consommateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, contribue au maintien voire au renforcement de la position commerciale des produits agricoles originaires de l’Union qui sont soumis à l’obligation d’étiquetage prévue par la disposition litigieuse et qui sont destinés à l’exportation.

93      Le Royaume d’Espagne se borne, en réalité, à contester que cette obligation d’étiquetage permette d’obtenir un niveau uniforme et élevé de protection des consommateurs notamment eu égard au fait que ladite obligation revêt un caractère sélectif pour des raisons liées à la consommation sur le marché européen.

94      Toutefois, à supposer que le Tribunal ait fondé son raisonnement sur une telle constatation, il convient de relever qu’il s’agit en tout état de cause d’une appréciation factuelle qui ne relève pas de la compétence de la Cour, statuant dans le cadre d’un pourvoi.

95      Il s’ensuit que le grief dirigé par le Royaume d’Espagne contre les points 188 et 189 de l’arrêt attaqué ne saurait prospérer.

96      Dès lors que, par les motifs énoncés auxdits points, le Tribunal a justifié à suffisance de droit que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en imposant que les agrumes relevant du champ d’application de la disposition litigieuse soient l’objet d’un étiquetage spécifique même lorsqu’ils sont destinés à l’exportation vers des pays tiers, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant le grief formulé contre l’autre motif sur lequel le Tribunal s’est fondé, au point 187 de l’arrêt attaqué, pour exclure une violation du principe de proportionnalité, ce grief dirigé contre un motif surabondant étant, en tout état de cause, inopérant.

97      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

98      Il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.