Language of document : ECLI:EU:F:2011:12

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

15 février 2011 (*)

«Fonction publique – Sécurité sociale – Articles 72 et 76 bis du statut – Dispositions générales d’exécution – État de dépendance – Conjoint survivant d’un fonctionnaire retraité – Rejet de la demande de prise en charge intégrale des frais de garde-malade et d’octroi d’une aide financière – Recours tardif – Irrecevabilité»

Dans l’affaire F‑76/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

AH, veuve d’un ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Wavre (Belgique), représentée par M. J. Temple Lang, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Martin et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier: M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 14 septembre 2009, la requérante a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN»), du 22 juin 2009, rejetant la demande introduite en vue du remboursement de frais de soins à domicile.

 Cadre juridique

2        L’article 72 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») dispose:

«1. Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions [de l’Union] après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toutes autres dispositions légales ou réglementaires, ses enfants et les autres personnes à sa charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII [du statut], sont couverts contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes: consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examen de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’[AIPN], ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. Toutefois, les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73 [du statut].

[…]

3. Si le montant des frais non remboursés pour une période de douze mois dépasse la moitié du traitement mensuel de base du fonctionnaire ou de la pension versée, un remboursement spécial est accordé par l’[AIPN], compte tenu de la situation de famille de l’intéressé, sur la base de la réglementation prévue au paragraphe 1.

[…]»

 Couverture de l’état de dépendance et remboursement des prestations

3        L’article 20 de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après la «réglementation commune») dispose:

«1. Dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du [r]égime commun d’assurance maladie et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72 du [s]tatut, des plafonds de remboursement de certaines prestations peuvent être fixés dans les dispositions générales d’exécution.

[…]

6. Conformément à l’article 72, paragraphe 1, du [s]tatut, les frais sont remboursés à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladies mentales et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’[AIPN] après avis du médecin[-]conseil du bureau liquidateur.

[…]

Toutefois, dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du régime et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72 du [s]tatut, certaines prestations peuvent, à titre exceptionnel, faire l’objet de plafonds spéciaux de remboursement fixés dans les dispositions générales d’exécution.

[…]»

4        Le chapitre 3 du titre II des dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux (ci-après les «DGE»), consacré aux prestations liées à l’état de dépendance, prévoit:

«Le remboursement des prestations liées à l’état de dépendance – séjours en établissement et frais de gardes-malades –, à l’exception des séjours de désintoxication, dépend du degré de dépendance de l’assuré.

Le degré de dépendance est fixé selon le tableau suivant, en fonction de l’indice le plus bas obtenu dans l’un des deux questionnaires figurant en annexe qui sont complétés par le médecin traitant:

Indice

Degré de dépendance

91-100

5

75-90

4

50-74

3

25-49

2

0-24

1


Les degrés 1 à 4 de l’échelle de dépendance sont pris en considération pour le remboursement des frais, le degré 1 étant considéré comme le niveau le plus élevé de dépendance. Le degré 5 n’ouvre pas droit à un remboursement.

[…]

2. Garde-malade

2.1. Dispositions générales

a)      Définitions

Les prestations de garde-malade consistent principalement en soins de ‘nursing’ au domicile du malade plusieurs heures par jour, voire la journée et/ou la nuit entière.

[…]

b)      Conditions requises

–        Les prestations de garde-malade sont soumises à autorisation préalable.

[…]

L’autorisation est accordée si les prestations sont reconnues comme strictement nécessaires par le médecin-conseil du [b]ureau liquidateur qui les évalue en fonction du degré de dépendance de l’assuré. Seuls les degrés 1, 2, 3 et 4 autorisent le remboursement de prestations de garde-malade.

–        Les gardes-malades doivent être légalement autorisés à exercer cette profession.

[…]

Si les gardes-malades ne dépendent pas d’un organisme officiel (ex: Croix[-]Rouge) ou s’ils n’exercent pas dans un cadre libéral officiel, la preuve du lien contractuel (contrat de travail en bonne et due forme et/ou contrat d’assurance spécifique pour l’emploi du garde-malade) doit être communiquée au [b]ureau liquidateur.

Les charges sociales relatives aux contrats d’emploi et/ou les primes d’assurances sont incluses dans les frais de garde-malade et remboursables à ce titre.

–        Les factures doivent être conformes à la législation du pays dans lequel elles ont été émises.

En l’absence des documents demandés, l’autorisation préalable ne pourra être accordée et les prestations correspondantes ne seront pas remboursées.

2.2. Remboursements

Les frais sont remboursés à 80 % ou à 100 % en cas de maladie grave, avec un montant maximum remboursable (cf. infra) quel que soit le nombre de personnes qui assurent la garde.

Les frais de déplacement, de logement et de nourriture et tous les autres frais accessoires du ou de la garde-malade ne donnent pas lieu à remboursement.

Les frais non remboursés ne sont pas éligibles au remboursement spécial prévu à l’article 24 de la [r]églementation [commune].

[…]

–        Prestations de garde-malade de longue durée

Au-delà de 60 jours, les frais de garde à domicile sont remboursés à 80 % ou à 100 % en cas de maladie grave selon les plafonds repris dans le tableau suivant, diminués d’un montant égal à 10 % du revenu de base de l’affilié (traitement, pension d’ancienneté, pension ou allocation d’invalidité, indemnité prévue à l’article 2, paragraphe 3, tirets 4 et 5 de la [r]églementation commune).

Degré de dépendance

Plafond de remboursement

4 et 3

50 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AST 2/1

2 et 1

100 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AST 2/1


L’autorisation peut être accordée pour une période n’excédant pas 12 mois. Elle est renouvelable.

[…]»

 Aide au conjoint survivant affecté d’une maladie grave ou prolongée

5        En vertu de l’article 76 bis du statut:

«La pension du conjoint survivant affecté d’une maladie grave ou prolongée ou souffrant d’un handicap peut être complétée par une aide versée par l’institution pendant la durée de la maladie sur la base d’un examen des conditions sociales et médicales de l’intéressé. Les modalités d’application du présent article sont fixées d’un commun accord par les institutions, après avis du comité du statut.»

6        La réglementation commune fixant les modalités d’octroi de l’aide financière prévue à l’article 76 bis du statut (ci-après la «RCAF») est entrée en vigueur le 1er juillet 2008.

7        L’article 6 de la RCAF dispose:

«L’avis sur la situation sociale du demandeur est rendu par un assistant social de l’institution responsable au sens de l’article 3 [de la RCAF]. Cet avis social tient compte de l’avis médical et comprend une analyse de la situation sociale et des besoins réels liés à la maladie ou au handicap, et notamment de la situation financière et des revenus et charges du demandeur. Sur la base de l’avis médical et de l’analyse susvisée, l’assistant social propose, conformément aux dispositions de l’article 10 [de la RCAF], le montant à accorder au titre de l’aide financière, la période pendant laquelle cette aide est octroyée et le réexamen, s’il le juge nécessaire, de la situation sociale et de l’état de santé de la personne concernée. En cas de litige entre le demandeur et l’assistant social concernant l’analyse socio-économique, le dossier est soumis pour avis à un comité paritaire constitué à l’initiative de la Commission [européenne].»

8        En vertu de l’article 9 de la RCAF:

«Le demandeur doit indiquer sa situation financière (notamment ses avoirs, ses biens immeubles et ses valeurs mobilières) et faire une déclaration sur l’honneur, fondée sur sa dernière déclaration d’impôts, concernant ses revenus (la pension versée par l’institution, les éventuelles autres pensions perçues par ailleurs, les allocations liées au handicap ou à la maladie grave ou prolongée, ainsi que toute autre source de revenus).»

9        L’article 10 de la RCAF établit ce qui suit:

«À condition qu’une maladie grave ou prolongée ou un handicap lui soit reconnu, et sur la base des articles 4, 5, 6 et 7 [de la RCAF], le conjoint survivant bénéficie d’une aide financière sur la base du calcul suivant: le montant correspondant aux frais liés à la maladie grave ou prolongée ou au handicap non remboursé par ailleurs plus le montant du minimum vital moins les revenus de l’intéressé au sens de l’article 9 [de la RCAF]. Le montant de cette aide ne peut cependant pas dépasser celui desdits frais.»

 Faits à l’origine du litige

10      La requérante, veuve d’un ancien fonctionnaire de la Commission, est atteinte d’une invalidité de degré 1-2. En raison de son état, elle a besoin d’un garde-malade chez elle en permanence. Elle a été reconnue, en vertu des dispositions de la réglementation commune, comme étant gravement malade aux fins du remboursement à 100 % des frais médicaux liés à sa maladie.

11      La requérante perçoit un remboursement à 100 % des frais de garde-malade à domicile, plafonnés à 100 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade AST 2, échelon 1, ce remboursement étant cependant diminué d’un montant égal à 10 % de sa pension de survie. Au cours de l’année 2008, la requérante a eu droit au remboursement de 2 216,23 euros au maximum par mois, indépendamment des frais réels encourus.

12      Il ressort des pièces du dossier que le coût des prestations de garde-malade permanent dont la requérante a besoin se situe entre 3 500 et 3 700 euros par mois, qu’elle paie à une agence, auxquels il faut ajouter 500 euros pour les soins prestés pendant les deux week-ends par mois de congé de sa garde-malade habituelle. Une partie importante des frais qu’elle se voit obligée de payer tous les mois, à savoir entre 1 400 et 1 500 euros, d’une part, et 500 euros, d’autre part, n’est pas remboursée. La requérante évalue les frais de logement et de nourriture de la garde-malade, dont il faudrait également tenir compte aux fins du remboursement, à 400 euros par mois.

13      La Commission a adopté, le 31 mars 2008, suite à une demande de la requérante du 21 mars 2008, une décision relative à l’autorisation, dans le cadre de la prolongation d’une maladie grave, de soins d’un garde-malade pour un degré de dépendance 1-2, pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2009.

14      La requérante s’est adressée, par courrier du 16 août 2008, à la direction générale «Personnel et administration» de la Commission. Par ce courrier, à titre principal, elle conteste l’application qui lui est faite du plafond de remboursement, assorti d’une réduction, prévu au chapitre 3 du titre II des DGE et, à titre subsidiaire, elle demande l’application de l’article 76 bis du statut au vu de son état de santé, du fait qu’elle vit seule et qu’aucun des membres de sa famille ne réside en Belgique. La requérante précise qu’elle aurait besoin non seulement des soins dispensés à temps complet six jours par semaine par la garde-malade fournie par une agence, mais également des services prestés par quelqu’un d’autre les jours où cette personne a droit au congé hebdomadaire, ce dont le remboursement forfaitaire établi ne tiendrait nullement compte. La requérante indique enfin que sa demande tendant à ce qu’il soit fait application, à son profit, de l’article 76 bis du statut doit, en tout état de cause, être considérée comme une demande au sens de l’article 90 du statut.

15      Le 12 octobre 2008, la requérante a renvoyé à la Commission le formulaire que cette dernière lui avait demandé de remplir, auquel elle a joint des documents justificatifs à l’appui de sa demande ainsi que les deux derniers certificats de son neurologue.

16      La décision de refus de la Commission, adoptée le 11 décembre 2008 sur le fondement de l’article 10 de la RCAF, a été notifiée à l’intéressée le 24 décembre suivant. Il ressort de cette décision qu’il n’a pas été fait droit à la demande d’application de l’article 76 bis du statut au motif que, en additionnant le montant des frais de garde-malade non remboursés, à savoir 2 017,27 euros, et le montant du minimum vital au sens de l’article 6 de l’annexe VIII du statut, qui correspond au traitement de base d’un fonctionnaire au premier échelon du grade 1, à savoir 2 482,44 euros, un montant inférieur de 556,22 euros à la pension de survie que la requérante perçoit est obtenu. Cette décision du 11 décembre 2008 ne contient toutefois pas de prise de position explicite de la Commission sur le fait que la requérante, dans son courrier du 16 août 2008, contestait l’application qui lui était faite du plafond de remboursement, assorti d’une réduction, prévu au chapitre 3 du titre II des DGE.

17      Par lettre du 22 janvier 2009, la requérante a communiqué à la Commission son désaccord avec la décision précitée. Le 23 mars 2009, elle a introduit une réclamation à l’encontre de la décision de la Commission de ne pas rembourser la totalité du coût des prestations de garde-malade dont elle a besoin, décision qui, selon la requérante, lui a été notifiée sous couvert d’une feuille de liquidation de frais de maladie du 19 janvier 2009.

18      Par décision du 22 juin 2009, la Commission a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        déclarer que la décision de l’AIPN telle qu’elle figure dans la lettre du 22 juin 2009 de rejet de la réclamation est illégale et qu’elle doit être annulée;

–        déclarer que le chapitre 3 du titre II des DGE est inapplicable conformément à l’article 277 TFUE dans la mesure où:

–      il dispose que les frais de logement et de nourriture pour un garde-malade vivant sous le même toit que le malade et dont la présence est indispensable ne donnent pas lieu à remboursement, ainsi que

–      il impose une limite au montant des remboursements relatifs aux frais exposés pour un garde-malade vivant sous le toit du malade et dont la présence est indispensable;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé;

–        condamner la requérante à supporter les dépens.

 Procédure

21      Au titre de mesures d’organisation de la procédure au sens de l’article 55 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la Commission, d’une part, de lui transmettre le dossier complet ayant donné lieu à la décision du 11 décembre 2008 portant refus de faire droit à la demande de la requérante du 16 août 2008 et, d’autre part, de répondre par écrit, avant l’audience, à plusieurs questions visant à établir la raison pour laquelle, lors du calcul du remboursement des prestations de garde-malade, le plafond a été diminué de 10 % du montant de la pension de survie alors que ce type de pension ne figure pas sur la liste des DGE parmi les revenus donnant lieu à une telle réduction, ainsi que la manière dont les conditions sociales et médicales spécifiques de la requérante, au sens de l’article 76 bis du statut, ont été examinées et prises en compte afin de traiter sa demande.

22      Dans sa réponse du 8 avril 2010, déposée au greffe du Tribunal le lendemain, la Commission n’a que partiellement déféré à la demande du Tribunal. Le Tribunal regrette, à cet égard, que la Commission n’ait pas cru devoir donner suite à la demande de production de dossier.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions, visant l’annulation de la décision de l’AIPN telle qu’elle figure dans la lettre du 22 juin 2009

23      Il convient de relever, à titre liminaire, que, par la lettre du 22 juin 2009, la Commission a rejeté la réclamation de la requérante du 23 mars 2009 par laquelle elle conteste le non-remboursement de la totalité du coût des prestations de garde-malade dont elle a besoin.

24      Or, même si la requérante indique dans sa réclamation qu’elle attaque une décision de la Commission qui lui a été notifiée sous couvert d’une feuille de liquidation de frais de maladie du 19 janvier 2009, il demeure, ainsi qu’il ressort du point 14 du présent arrêt, que par sa lettre du 16 août 2008 la requérante avait déjà introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre l’application qui lui était faite du plafond de remboursement, assorti d’une réduction, prévu au chapitre 3 du titre II des DGE. Cette réclamation a fait l’objet d’un rejet implicite.

25      Il s’ensuit que, à moins de considérer que la requérante a souhaité renoncer à la demande visant à l’octroi de l’aide prévue à l’article 76 bis du statut, introduite par sa lettre du 16 août 2008, la réclamation du 23 mars 2009 ne pouvait porter que sur la décision de la Commission du 11 décembre 2008 par laquelle ladite aide lui a été refusée.

26      À cet égard, il y a lieu de constater, au vu de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8; arrêts du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, point 13, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, point 43) et de la portée de la décision du 22 juin 2009, que cette dernière ne fait que confirmer en substance la décision contenue dans la lettre du 11 décembre 2008.

27      Partant, les conclusions en annulation de la décision du 22 juin 2009 sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et il y a lieu de considérer, en l’espèce, que lesdites conclusions sont en réalité dirigées contre la décision contenue dans la lettre du 11 décembre 2008, par laquelle la Commission a refusé le versement à la requérante d’une aide sur le fondement de l’article 76 bis du statut.

28      La Commission soulève toutefois l’irrecevabilité de ce chef de conclusions dans la mesure où la requête ne contiendrait aucun argument à l’appui de l’annulation de la décision du 11 décembre 2008. Ainsi, la requête ne remplirait pas les conditions posées par l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure.

29      Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, par analogie, ordonnances du Tribunal de première instance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, point 42; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, point 29).

30      Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette dernière particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant le Tribunal de l’Union européenne ou la Cour de justice, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire. Une telle souplesse aurait pour effet, en pratique, de priver d’une grande partie de son utilité la règle spéciale et postérieure énoncée à l’annexe I du statut de la Cour (ordonnance du Tribunal du 26 juin 2008, Nijs/Cour des comptes, F‑1/08, point 25).

31      Il importe d’ajouter que l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, prévoit que les parties autres que les États membres, les institutions de l’Union, les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, doivent être représentées par un avocat. Le rôle essentiel de ce dernier, en tant qu’auxiliaire de la justice, est précisément de faire reposer les conclusions de la requête sur une argumentation en droit suffisamment compréhensible et cohérente, compte tenu précisément du fait que la procédure écrite devant le Tribunal ne comporte en principe qu’un seul échange de mémoires (ordonnance Nijs/Cour des comptes, précitée, point 26).

32      Or, en l’espèce, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal et l’a également fait valoir à l’audience, non seulement la requête n’avance aucun moyen ni argument à l’appui de l’annulation de la décision du 11 décembre 2008, par laquelle la Commission a rejeté la demande de la requérante du 16 août 2008 relative au versement d’une aide au titre de l’article 76 bis du statut, mais elle ne mentionne même pas cette disposition du statut.

33      Partant, la requête ne répond manifestement pas aux conditions minimales de clarté et de précision de nature à permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur ce chef de conclusions.

 Sur le second chef de conclusions, visant l’annulation de la décision d’application du plafond de remboursement fixé au point 2 du chapitre 3 du titre II des DGE pour les frais exposés pour un garde-malade

34      La Commission soulève l’irrecevabilité de ce chef de conclusions pour tardiveté. En effet, la lettre du 16 août 2008 contenant à la fois une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut concernant le plafond de remboursement et une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut relative à l’application de l’article 76 bis du statut, la requête, introduite le 14 septembre 2009, serait tardive en ce qui concerne le grief relatif au plafond de remboursement.

35      Selon une jurisprudence constante, le délai de trois mois pour introduire une réclamation contre un acte faisant grief tout comme celui de trois mois pour former un recours contre une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation, prévus par les articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, car ils ont été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques. Ces délais doivent être considérés comme s’appliquant à toute contestation d’un acte soumis au contrôle du juge de l’Union, quelle que soit sa nature (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, point 11; arrêts du Tribunal de première instance du 17 octobre 1991, Offermann/Parlement, T‑129/89, points 31 et 34, ainsi que du 8 mars 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑289/04, points 40 et 41).

36      En l’espèce, il ressort du dossier que la décision par laquelle la requérante a pu bénéficier des services d’un garde-malade pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 est datée du 31 mars 2008. Il ressort en outre de la lettre de la Commission du 15 juillet 2008, versée au dossier, que, suite à un entretien avec un assistant social de la Commission, la requérante avait connaissance du fait que le montant maximum qui pouvait lui être versé pour son traitement, par application des DGE, était de l’ordre de 2 200 euros par mois. Il ressort encore de la déclaration de paiement du mois de juillet 2008, annexée par la Commission à son mémoire en défense, que ledit montant est bien celui dont la requérante se plaint dans sa lettre du 16 août 2008 comme étant insuffisant au regard de sa situation.

37      Il s’ensuit que, dans la mesure où, dans la lettre du 16 août 2008, la requérante conteste l’application, au remboursement de ses frais de garde-malade, du plafond prévu au chapitre 3 du titre II des DGE, ladite lettre doit être considérée comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle la Commission est priée de revenir sur sa décision de faire application d’un tel plafond.

38      En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que la lettre par laquelle un fonctionnaire, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, vise clairement à obtenir satisfaction de ses griefs à l’amiable ou encore la lettre qui manifeste clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait grief constituent une réclamation (voir ordonnances du Tribunal de première instance du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T‑14/91, points 39 et 40, et la jurisprudence citée, et du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, point 27).

39      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut, l’AIPN notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 91 du statut.

40      En l’occurrence, la date à laquelle la lettre de la requérante du 16 août 2008 est parvenue à la Commission ne ressort pas du dossier. Cependant, la requérante affirme, dans sa lettre du 12 octobre 2008 annexée au mémoire en défense, que, par lettre du 29 septembre 2008, la Commission avait répondu à sa lettre du 16 août 2008.

41      Il convient donc de considérer que, au plus tard le 29 septembre 2008, la Commission avait eu connaissance de la réclamation contenue dans la lettre du 16 août 2008 et que, à défaut de décision intervenue dans les quatre mois suivants, la requérante aurait dû introduire son recours dans le délai de trois mois fixé à l’article 91, paragraphe 3, du statut, à compter de la date à laquelle la décision implicite de rejet était intervenue, à savoir le 29 janvier 2009.

42      Le Tribunal observe donc que ce délai de trois mois a débuté le 30 janvier 2009 et qu’il a expiré le 29 avril 2009. Compte tenu toutefois du délai de distance supplémentaire prévu par l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure, qui est de dix jours, le délai de recours devait, en l’espèce, expirer le 9 mai 2009 à minuit.

43      Toutefois, l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, de ce même règlement prévoit que «[s]i le délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant». Or, le 9 mai 2009 étant un samedi, le délai de recours a été prolongé, en l’espèce, jusqu’au lundi 11 mai 2009 inclus.

44      En l’occurrence, la requête a été déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2009. Dans ces conditions, le Tribunal constate que les délais statutaires n’ont pas été respectés et que, dès lors, le recours doit être rejeté comme irrecevable en ce qui concerne la contestation de l’application, au remboursement des frais de garde-malade exposés par la requérante, du plafond prévu au chapitre 3 du titre II des DGE.

45      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble comme irrecevable.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

47      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la requérante à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      AH supporte l’ensemble des dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu et font, en principe, l’objet d’une publication, par ordre chronologique, au Recueil de la jurisprudence de la Cour de justiceet du Tribunal ou au Recueil de jurisprudence‑ Fonction publique, selon le cas.


* Langue de procédure: l’anglais.