Language of document : ECLI:EU:C:2019:436

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

21 mai 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 4, paragraphe 2, troisième tiret – Accès du public aux documents – Documents relatifs à une procédure EU Pilot – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête – Présomption générale de confidentialité – Intérêt public supérieur à la divulgation – Demande d’injonction à l’égard d’une institution de l’Union européenne – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑770/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 décembre 2018,

Anikó Pint, demeurant à Göd (Hongrie), représentée par Me D. Lázár, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

Hongrie,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Mme Anikó Pint demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 octobre 2018, Pint/Commission (T‑634/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:662), par lequel celui-ci a rejeté, d’une part, son recours tendant à l’annulation des décisions des 1er juin et 17 juillet 2017 par lesquelles la Commission européenne a refusé de lui accorder l’accès aux documents relatifs à la procédure EU Pilot no 8572/16 CHAP(2015) 00353, ainsi que, d’autre part, sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commission de lui octroyer l’accès aux documents demandés.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens. Le premier de ces moyens est tiré de la violation des articles 263 et 266 TFUE et le second de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret et dernier membre de phrase, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 14 mars 2019, pris la position suivante :

« 1.      Anikó Pint est une ressortissante hongroise membre d’une association de protection des consommateurs à l’origine de l’ouverture, au cours de l’année 2016, de la procédure EU Pilot no 8572/16 CHAP(2015) 00353 (ci–après la “procédure EU Pilot en cause”) relative à la compatibilité de certaines lois hongroises avec la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). Mme Pint a adressé à la Commission une demande d’accès à l’ensemble des documents relatifs à cette procédure, alors que cette dernière était en cours. Cette demande a été rejetée par une lettre du 1er juin 2017, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, concernant, notamment, la protection des objectifs des activités d’enquête. À la suite d’une demande confirmative introduite par la requérante, la Commission a maintenu son refus d’accès aux documents concernés le 17 juillet 2017.

2.      La requérante a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation des deux décisions de refus qui lui ont été adressées par la Commission. Dans son recours, la requérante a également demandé au Tribunal d’enjoindre à la Commission de lui octroyer l’accès aux documents demandés. Dans l’arrêt attaqué, cette demande a été jugée irrecevable, le Tribunal ayant, pour le surplus, rejeté le recours comme étant non fondé.

3.      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens tirés, en substance, d’une part, de la violation des articles 263 et 266 TFUE et, d’autre part, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret et dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

4.      Pour les raisons exposées ci-après, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi introduit contre l’arrêt attaqué comme étant, en application de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, manifestement non fondé, et de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 137 de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, l’ordonnance fondée sur l’article 181 du même règlement devant être adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens.

 Sur le premier moyen

5.      Par son premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir rejeté son troisième chef de conclusions et refusé d’enjoindre à la Commission de lui octroyer l’accès aux documents demandés. La requérante conteste la lecture faite par le Tribunal des articles 263 et 266 TFUE. En outre, la jurisprudence citée par le Tribunal n’aurait pas directement trait à ces dispositions, mais ne serait que la réitération du fait que les juridictions de l’Union se considèrent comme incompétentes pour prononcer des injonctions. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas procédé à un examen critique de sa propre jurisprudence. En outre, la requérante soutient que le Tribunal aurait dû se déclarer compétent sur la base d’un principe général du droit de l’Union, dont il aurait écarté l’existence sans motivation, tiré du fait que, selon elle, au moins quatre États membres autorisent leurs juridictions à rendre une décision au fond à la place de l’autorité administrative. Il n’aurait également pas répondu à l’argument tiré d’une violation du droit à un recours effectif découlant de l’absence de compétence des juridictions de l’Union.

6.      À cet égard, d’une part, il est constant que le recours introduit par la requérante devant le Tribunal était fondé sur l’article 263 TFUE, ladite requérante cherchant à faire constater l’illégalité des décisions de la Commission lui ayant refusé l’accès aux documents relatifs à la procédure EU Pilot en cause. Or, selon une jurisprudence constante, dûment citée dans l’arrêt attaqué, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur cet article, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions [(arrêts du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil, C‑21/94, EU:C:1995:220, point 33, et du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 146, ainsi que ordonnances du 26 octobre 2011, Victoria Sánchez/Parlement et Commission, C‑52/11 P, non publiée, EU:C:2011:693, point 38 ; du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C‑130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 mars 2017, Pint/Commission, C‑625/16 P, non publiée, EU:C:2017:166, point 5 (prise de position de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, point 6)]. Cette jurisprudence se fonde en partie sur une interprétation littérale des articles 263 et 266 TFUE et il découle de ce dernier article que l’institution dont l’acte a été annulé est, dans tous les cas, tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la juridiction de l’Union. En citant le contenu dudit article au point 20 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a implicitement, mais nécessairement, répondu et écarté l’argument tiré d’une atteinte au droit à un recours effectif.

7.      D’autre part, le Tribunal a correctement jugé que la seule invocation de la législation de certains États membres ne pouvait l’obliger à consacrer un principe général de droit, eu égard à la fonction de complément de l’ordre juridique de l’Union traditionnellement dévolue à un tel principe, lequel, en tout état de cause, ne saurait faire échec à l’application d’une jurisprudence établie de longue date, portant sur l’interprétation, notamment littérale, de dispositions du droit primaire.

8.      Enfin, il résulte de l’arrêt attaqué que le Tribunal a suffisamment motivé sa position en consacrant trois points de son analyse au rejet du troisième chef de conclusions de la requérante et en rappelant tant les dispositions du droit primaire que la jurisprudence pertinente.

9.      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le second moyen

10.      Telle qu’elle peut se comprendre, l’argumentation développée dans le cadre du second moyen peut être divisée en deux branches, l’une tenant à l’application erronée de la présomption de confidentialité des documents concernés, l’autre tirée de l’absence d’un intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation des documents demandés.

 Sur la première branche du second moyen

11.      Dans le cadre de la première branche du second moyen, la requérante reproche au Tribunal une interprétation erronée de sa requête et soutient que l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 n’est pas applicable en l’espèce. Elle fait grief au Tribunal de ne pas avoir examiné le point de savoir si la divulgation des documents auxquels elle demandait à avoir accès aurait effectivement porté atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête. Le Tribunal aurait, par ailleurs, commis une erreur en jugeant que l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 était applicable, alors même que certains documents avaient été rendus publics dans le cadre des procédures préjudicielles en cours et alors que lesdites procédures et la procédure EU Pilot en cause poursuivraient les mêmes objectifs.

12.      Aux points 31 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, à bon droit, l’état de la jurisprudence de la Cour relative aux demandes d’accès aux documents dans le cadre des procédures EU Pilot, auxquelles, en raison des liens qu’elles entretiennent avec les procédures en manquement qu’elles précèdent, préparent ou évitent, s’applique la présomption générale de confidentialité reconnue aux documents afférents à une procédure en manquement au cours de la phase précontentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 40 et jurisprudence citée). Ainsi, la Cour a déjà jugé que, aussi longtemps que, au cours de la phase précontentieuse d’une enquête menée dans le cadre d’une procédure EU Pilot, il existe un risque d’altérer le caractère de la procédure en manquement, d’en modifier le déroulement et de porter atteinte aux objectifs de cette procédure, l’application de la présomption générale de confidentialité aux documents échangés entre la Commission et l’État membre concerné se justifie (arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 45).

13.      Quant à la prétendue obligation de la Commission d’examiner concrètement et individuellement des documents afférents à une procédure EU Pilot auxquels l’accès est demandé, c’est également à bon droit que le Tribunal, se référant aux points 47 et 51 de l’arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission (C‑562/14 P, EU:C:2017:356), a rappelé, au point 33 de l’arrêt attaqué, qu’une telle obligation priverait la présomption générale de confidentialité de son effet utile. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a lui-même décidé de ne pas procéder à cet examen.

14.      Quant au grief tiré du caractère public de certains documents, en raison de leur utilisation dans le cadre de procédures préjudicielles introduites devant la Cour et à la suite desquelles la Commission a suspendu la procédure EU Pilot en cause, la requérante ne conteste pas que cette procédure était en cours à la date de l’adoption des décisions litigieuses, seule date pertinente pour apprécier leur légalité (voir point 38 de l’arrêt attaqué). Les documents concernés étaient donc bien couverts par ladite présomption à cette date. Par ailleurs, le Tribunal a correctement jugé, au point 38 de l’arrêt attaqué, que, eu égard au caractère différent des objectifs poursuivis par la procédure EU Pilot, d’une part, et par la procédure préjudicielle, d’autre part, l’éventuelle disponibilité d’un document dans le cadre de cette dernière n’a pas pour effet de faire tomber la présomption, rappelée au point 10 de la présente prise de position, qui s’applique à l’ensemble des documents relatifs à la procédure EU Pilot. La motivation figurant au point 39 de l’arrêt attaqué n’apparaît pas, contrairement à ce que prétend la requérante, contradictoire avec celle du point 45 dudit arrêt, dès lors que l’éventuelle communauté d’objets entre, d’une part, la procédure EU Pilot en cause et, d’autre part, les procédures préjudicielles introduites devant la Cour, portant sur l’examen de la compatibilité de législations nationales avec la directive 93/13, n’est pas de nature à faire disparaître le caractère différent des objectifs que ces procédures poursuivent.

15.      Partant, le Tribunal ayant jugé à bon droit que les documents demandés étaient couverts par la présomption générale de confidentialité, en raison de la nécessité de protéger les objectifs des activités d’enquête de la Commission menées dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause, la première branche du second moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

 Sur la seconde branche du second moyen

16.      Dans le cadre de la seconde branche du second moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, de ne pas avoir reconnu l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, susceptible de justifier la divulgation des documents demandés. La requérante prétend avoir fourni au Tribunal un certain nombre d’éléments de preuve de la violation, par la législation, l’administration et la justice hongroises, des valeurs fondamentales de l’Union. Elle reproche également au Tribunal une dénaturation des faits, celui-ci n’ayant pas tenu compte du fait qu’elle avait soutenu que la Commission n’avait pas examiné la question de la compatibilité des lois nationales en cause avec les valeurs fondamentales de l’Union jusqu’en 2016. L’absence de protection effective de la part de la Commission et l’inefficacité de l’action de cette institution auraient dû conduire le Tribunal à constater l’existence d’un intérêt supérieur. L’intérêt public concerné serait, en premier lieu, celui de la requérante, qui serait en droit de s’assurer elle-même de la compatibilité des lois nationales avec le droit de l’Union, ainsi que le requerraient d’ailleurs les traités. La Commission n’aurait pas le monopole de la défense des intérêts publics. La requérante soutient donc que son affaire se caractériserait par une importance particulière justifiant la divulgation des documents demandés et elle renvoie, pour l’essentiel de sa démonstration, à sa requête devant le Tribunal. Par ailleurs, la requérante soutient que l’affirmation du Tribunal, selon laquelle l’addition d’intérêts privés ne transforme pas ceux-ci en un intérêt public, serait erronée. Elle rappelle l’ampleur de la crise de la dette hongroise et le fait qu’elle touche une partie importante des consommateurs hongrois et de leur entourage. Selon elle, il s’agirait de faire triompher les droits des consommateurs sur un pouvoir aux tendances dictatoriales. La requérante reproche également au Tribunal de s’être livré à une dénaturation des faits en affirmant que la Commission n’a émis aucun avis sur les questions juridiques soulevées au cours des dernières années écoulées et que l’engagement d’une procédure en manquement relève du pouvoir d’appréciation de la Commission et elle ajoute que, en présence, comme l’espèce, d’une violation de droits fondamentaux, la Commission a l’obligation d’agir. Enfin, la requérante ne partage pas l’affirmation du Tribunal selon laquelle elle devrait attendre la clôture des activités d’enquête de la Commission pour demander l’accès aux documents concernés, alors que le Tribunal aurait dû vérifier lui-même que la Commission menait effectivement de telles activités. Même si la Commission avait effectivement mené des activités d’enquête, eu égard au caractère fondamental des valeurs concernées, au nombre important de consommateurs touchés et aux conséquences considérables pour ces derniers, le Tribunal aurait dû considérer que la divulgation des documents demandés était justifiée, notamment pour inciter la Commission à agir plus rapidement.

17.      De manière préalable, je relève que le Tribunal a rappelé, à bon droit, que la présomption générale de confidentialité qui s’attache en principe aux documents échangés au cours d’une procédure EU Pilot n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un ou plusieurs de ces documents ne sont pas couverts par ladite présomption, puisqu’il découle de la lecture de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001 qu’une telle présomption peut être levée en présence d’un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation (voir points 46 et 47 de l’arrêt attaqué et jurisprudence citée).

18.      Le Tribunal a également rappelé à bon droit la jurisprudence de la Cour aux termes de laquelle c’est à la personne qui entend s’opposer à un motif de refus de divulgation qu’il appartient d’invoquer l’existence d’un intérêt public susceptible de primer ce motif et de démontrer précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents concernés contribuerait de manière concrète à assurer la protection de cet intérêt public au point que le principe de transparence primerait la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation, à savoir, en l’espèce, la protection des objectifs de l’activité d’enquête menée dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause (voir point 48 de l’arrêt attaqué et jurisprudence citée).

19.      Aucun des arguments avancés par la requérante au stade du pourvoi n’apparaît de nature à remettre en cause le constat d’une absence d’intérêt supérieur, auquel s’est livré le Tribunal. En particulier, comme ce dernier l’a jugé aux points 45, 52, 56, 58, 61, 62 et 70 de l’arrêt attaqué et ainsi qu’il ressort également du pourvoi, les arguments de la requérante se caractérisent par une énumération de considérations d’ordre purement général. Or, la Cour a déjà jugé, à cet égard, que l’exposé de telles considérations ne saurait suffire aux fins d’établir qu’un intérêt public supérieur prime les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 93 et 94 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 56).

20.      Pour l’essentiel, la requérante répète l’argumentation déjà développée devant le Tribunal, fondée sur des considérations soit générales, soit hypothétiques, sans jamais parvenir à établir des circonstances concrètes susceptibles de justifier la divulgation des documents concernés. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les griefs tirés des difficultés rencontrées au niveau national. L’invocation des valeurs fondamentales de l’Union, de la nécessité de faire valoir le droit de l’Union auprès des autorités administratives et juridictionnelles nationales ainsi que d’une incidence éventuelle sur la démocratie et le respect de l’État de droit en Hongrie ne repose que sur la supposition selon laquelle l’enquête menée dans le cadre de la procédure EU Pilot en cause révélera une opposition entre le droit hongrois et le droit de l’Union et ne peut constituer, ainsi que l’a jugé le Tribunal, un intérêt public supérieur actuel, justifiant de renverser la présomption générale de confidentialité des documents relatifs à ladite procédure, dont l’objet est précisément de s’assurer du respect du droit de l’Union par l’État membre concerné (voir, également, point 54 de l’arrêt attaqué).

21.      Est également dénuée de pertinence aux fins de démontrer la présence d’un intérêt supérieur justifiant la divulgation des documents demandés la prétendue inaction de la Commission, qui n’aurait pas examiné la compatibilité du droit hongrois concerné avec le droit de l’Union jusqu’en 2016, dans la mesure où la présomption de confidentialité des documents relatifs à la procédure EU Pilot en cause s’applique aux fins de la préservation des activités d’enquête de la Commission menées dans le cadre de cette procédure. En outre, l’absence de protection effective des consommateurs hongrois ne saurait être reprochée à la Commission, alors que, précisément, ladite procédure EU Pilot était en cours au moment de l’introduction des demandes d’accès aux documents concernés et qu’une telle procédure constitue, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, “une organisation de la phase informelle de la phase précontentieuse de la procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE” (point 65 de l’arrêt attaqué).

22.      C’est aussi à bon droit que le Tribunal a écarté l’argument tiré du fait que l’intérêt de la requérante à ce que les documents concernés soient divulgués, afin que celle-ci s’assure elle-même du respect du droit de l’Union par les législations nationales en cause, aurait dû être considéré comme supérieur à celui de la préservation des activités d’enquête de la Commission, que la présomption de confidentialité a précisément pour objet de protéger. Ainsi que le Tribunal l’a rappelé, il appartient à la seule Commission d’apprécier l’opportunité d’agir dans une situation de manquement allégué d’un État membre à ses obligations en vertu du droit de l’Union (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

23.      De la même manière, la requérante estime que l’accès aux documents concernés aurait incité la Commission à agir avec davantage de célérité, d’autant plus qu’il s’inscrirait dans un contexte de violation des droits fondamentaux des consommateurs hongrois. À cet égard, d’une part, un tel argument relève également d’une spéculation sur le contenu et le résultat de la procédure EU Pilot en cause. D’autre part, si les citoyens de l’Union sont en droit d’attirer l’attention de la Commission sur une situation de violation alléguée du droit de l’Union en la saisissant, notamment, d’une plainte en ce sens, la levée de la confidentialité des documents liés à une procédure EU Pilot ne saurait être instrumentalisée afin d’aider les citoyens à obtenir le résultat qu’ils en attendent, puisqu’il résulte d’une jurisprudence constante, rappelée à bon droit par le Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué, qu’un plaignant, dans le cadre d’une procédure en manquement, ne dispose pas du droit d’exiger de la Commission qu’elle prenne position dans un sens déterminé ni de celui d’attaquer un refus de la Commission d’engager une telle procédure (arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 60 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnances du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C‑29/92, EU:C:1992:264, point 21 ; du 5 septembre 2013, H-Holding/Parlement, C‑64/13 P, non publiée, EU:C:2013:557, point 13, et du 12 février 2015, Meister/Commission, C‑327/14 P, non publiée, EU:C:2015:99, point 26).

24.      Enfin, en ce qui concerne l’intérêt à la divulgation des documents demandés qu’auraient les nombreux consommateurs engagés dans des procédures judiciaires nationales, force est de constater que cet intérêt n’est que potentiel et qu’il ne se réalisera éventuellement que lorsque la procédure EU Pilot en cause aura été menée à son terme, la Commission ayant alors apprécié si, oui ou non, les lois hongroises concernées sont contraires au droit de l’Union. En outre, la Cour a déjà jugé qu’une demande d’accès aux documents présentée aux fins que son auteur soit en mesure de préparer un recours ou puisse bénéficier d’une aide à la production de preuves dans le cadre de recours devant les juridictions nationales ne démontre pas l’existence d’un intérêt supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase du règlement no 1049/2001, et que de tels intérêts doivent être qualifiés de “privés” (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 86, et du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 97). Ce constat vaut, par conséquent, pour l’ensemble des consommateurs individuellement concernés, de telle sorte que l’affirmation contenue au point 59 de l’arrêt attaqué in fine est, elle aussi, exempte d’erreur de droit. En tout état de cause, ces documents pourront être mis à la disposition de la requérante et des consommateurs concernés lorsqu’il ne sera plus nécessaire de protéger les activités d’enquête de la Commission, c’est-à-dire lorsque la procédure EU Pilot aura été menée à son terme.

25.      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 71 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait démontré aucun intérêt public supérieur de nature à justifier la divulgation des documents demandés. La seconde branche du second moyen doit donc également être rejetée comme étant manifestement non fondée.

 Conclusion de l’analyse

26.      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Conformément à l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

8        En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      Mme Anikó Pint supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.