Language of document : ECLI:EU:F:2009:148

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

10 novembre 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recours indemnitaire – Exception de recours parallèle – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑70/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. J. Currall, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur) et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 30 juillet suivant), M. Marcuccio demande, notamment, la condamnation de la Commission des Communautés européennes à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait du refus de celle-ci de lui rembourser les dépens récupérables prétendument exposés dans l’affaire T‑176/04.

 Faits à l’origine du litige

2        Par une requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 13 mai 2004, le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, a introduit un recours qui a été enregistré sous la référence T‑176/04 et qui tendait en substance à l’annulation de la décision par laquelle la Commission aurait implicitement refusé de lui fournir toute information utile sur l’existence d’un rapport médical le concernant.

3        Par ordonnance du 6 mars 2006, Marcuccio/Commission (T‑176/04, non publiée au Recueil), le Tribunal de première instance a considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours et a laissé à la charge de la Commission ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant avant la notification du mémoire en défense.

4        Par note datée du 22 juin 2006 et parvenue à l’administration le 30 juin suivant (ci-après la « note du 22 juin 2006 »), le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une demande tendant à ce que la Commission lui rembourse « la partie des dépens dans l’affaire [T‑176/04] qu’il a supportés et au remboursement de laquelle le Tribunal [de première instance] a condamné la Commission […], ce qui correspond à un montant de 6 347,67 euros ».

5        Estimant que le silence gardé par l’AIPN sur cette demande avait donné naissance à une décision implicite de rejet (ci-après la « décision litigieuse »), le requérant a, par une nouvelle note datée du 10 janvier 2007, sollicité l’annulation de cette décision et le versement immédiat de la somme de 6 347,67 euros, assortie des intérêts de retard à partir de la date à laquelle la Commission avait reçu la demande du 22 juin 2006 (ci-après la « note du 10 janvier 2007 »).

 Conclusions des parties et procédure

6        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      [annuler] la décision […] litigieuse […] ;

–        [annuler], en tant que de besoin et quelle que soit sa base juridique, la décision portant rejet de la réclamation […] du 10 janvier 2007 [introduite] à l’encontre de la décision litigieuse […] ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant la somme de 6 347,67 euros […] majorée des intérêts de retard et d’une réévaluation de 10 % par an comportant une capitalisation annuelle, à partir de la date de l’introduction de la [demande du] 22 juin 2006 [et] jusqu’à présent, à titre d’indemnisation du préjudice matériel résultant pour le requérant de la décision litigieuse ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant la somme de 1 000 euros […], à titre d’indemnisation de la perte de chance dont [il] aurait pu bénéficier s’il avait pu disposer en temps utile des sommes qui ne lui ont pas été versées, et ce injustement ;

–        [condamner] la [Commission] à verser ex aequo et bono la somme de 3 000 euros, ou toute somme inférieure ou supérieure que le Tribunal […] estimera juste et nécessaire, à titre d’indemnisation du préjudice moral et existentiel résultant pour le requérant de la décision litigieuse ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant, pour chaque journée écoulée entre le jour de l’introduction du présent recours et la date à laquelle la [Commission] aura adopté toutes les décisions nécessaires pour répondre à la demande du 22 juin 2006, la somme de [deux] euros ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable, somme qui devra être versée le premier jour de chaque mois, en ce qui concerne les droits acquis le mois précédent, à titre d’indemnisation du dommage résultant du retard éventuel dans l’exécution de la décision faisant droit à la demande du 22 juin 2006 ;

–        condamner la Commission aux dépens. »

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours ;

–        subsidiairement, rejeter le recours ;

–        en tout état de cause, condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission postérieurement au 12 septembre 2007.

8        Par ordonnance du 18 février 2009, Marcuccio/Commission (F‑70/07, non encore publiée au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑166/09 P), le Tribunal a considéré que les trois premiers chefs de conclusions, mentionnés au point 6 de la présente ordonnance, devaient être regardés, eu égard à leur objet, comme une demande de taxation de dépens qui aurait dû être soumise, en application des dispositions de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, à celui-ci. En outre, le Tribunal a considéré que le sixième chef de conclusions constituait un accessoire à la demande de taxation des dépens. Par conséquent, le Tribunal s’est estimé, dans cette mesure, incompétent pour statuer sur les chefs de conclusions susmentionnés et a renvoyé le recours au Tribunal de première instance.

9        En revanche, le Tribunal a considéré qu’il était compétent pour connaître des autres chefs de conclusions de la requête et a rejeté ceux-ci comme manifestement irrecevables.

10      Par ordonnance du 6 juillet 2009, Marcuccio/Commission (T‑176/04 DEP, non publiée au Recueil), le Tribunal de première instance, estimant que les premier, deuxième, troisième et sixième chefs de conclusions du recours avaient pour objet, ainsi que l’avait souligné le requérant de manière explicite et délibérée, une demande en annulation et une demande indemnitaire et qu’ils ne pouvaient pas être interprétés comme constituant une demande de taxation des dépens, sous peine de déformer l’objet même du litige, a conclu qu’ils relevaient de la compétence du Tribunal. En conséquence, le Tribunal de première instance, en application de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour, a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

 Sur la recevabilité

11      Conformément aux dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les premier et deuxième chefs de conclusions

13      Le requérant fait valoir que les notes des 22 juin 2006 et 10 janvier 2007 constitueraient respectivement une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») et une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et que le silence gardé pendant quatre mois par l’administration sur ces notes aurait, en application des dispositions susmentionnées, donné naissance à deux décisions de rejet, une première décision rejetant la demande contenue dans la note du 22 juin 2006 et une seconde décision rejetant la réclamation contenue dans la note du 10 janvier 2007.

14      Toutefois, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, RecFP p. I‑A‑471 et II‑1231, point 45 ; du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 68, et du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 32).

15      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les premier et deuxième chefs de conclusions, le présent recours n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des préjudices que le requérant estime avoir subis du fait de la Commission.

 Sur les troisième et sixième chefs de conclusions

16      Il importe de rappeler à titre liminaire que le législateur a institué une procédure spécifique de taxation des dépens lorsque les parties s’opposent sur le montant et la nature des dépens récupérables suite à un arrêt ou à une ordonnance par laquelle le Tribunal de première instance a mis fin à un litige et a statué sur la charge des dépens. Ainsi, aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, « [s]’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal [de première instance] statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations ».

17      Par ailleurs, selon la jurisprudence communautaire, la procédure spécifique, prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, tendant à la taxation des dépens, est exclusive d’une revendication des mêmes sommes, ou de sommes exposées aux mêmes fins, dans le cadre d’une action mettant en cause la responsabilité non contractuelle de la Communauté (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, Rec. p. II‑2237, point 297). Ainsi, un requérant ne saurait être recevable à former, sur le fondement de l’article 236 CE et de l’article 91 du statut, une requête ayant, en réalité, le même objet qu’une demande de taxation des dépens.

18      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant sollicite, dans son troisième chef de conclusions, la condamnation de la Commission à lui payer, avec intérêts moratoires et capitalisation desdits intérêts, la somme de 6 347,67 euros à titre de dommages-intérêts. Il explique en effet qu’il aurait subi un préjudice résultant du refus opposé par l’administration à ses notes des 22 juin 2006 et 10 janvier 2007 de lui rembourser les dépens qu’il aurait exposés dans la procédure T‑176/04 pour un montant de 6 347,67 euros. Toutefois, dès lors que l’existence de la procédure spécifique prévue à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance s’opposait à ce que le requérant forme, sur le fondement de l’article 236 CE et de l’article 91 du statut, un recours indemnitaire ayant, en réalité, le même objet qu’une demande de taxation des dépens, le troisième chef de conclusions doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

19      Enfin, et par voie de conséquence, doit également être rejeté comme manifestement irrecevable le sixième chef de conclusions tendant à ce que la Commission soit condamnée à « verser au requérant, pour chaque journée écoulée entre le jour de l’introduction du présent recours et la date à laquelle la [Commission] aura adopté toutes les décisions nécessaires pour répondre à la demande du 22 juin 2006, la somme de [deux] euros ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable, somme qui devra être versée le premier jour de chaque mois, en ce qui concerne les droits acquis le mois précédent, à titre d’indemnisation du dommage résultant du retard éventuel dans l’exécution de la décision faisant droit à la demande du 22 juin 2006 ».

20      Il résulte de ce qui précède que les premier, deuxième, troisième et sixième chefs de conclusions du recours doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

 Sur les dépens

21      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

22      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, en vertu de cet article et de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

23      En l’espèce, si le requérant a succombé en ses premier, deuxième, troisième et sixième chefs de conclusions, il ne saurait pour autant être regardé comme ayant fait exposer à la Commission des frais frustratoires ou vexatoires. Dans ces conditions, chacune des parties supportera ses propres dépens en ce qui concerne les chefs de conclusions susmentionnés, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure T‑176/04 DEP.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Les premier, deuxième, troisième et sixième chefs de conclusions du recours de M. Marcuccio doivent être rejetés comme manifestement irrecevables.

2)      Chaque partie supporte ses dépens en ce qui concerne les premier, deuxième, troisième et sixième chefs de conclusions du recours de M. Marcuccio, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure T‑176/04 DEP.

Fait à Luxembourg, le 10 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.