Language of document : ECLI:EU:C:2018:699

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 septembre 2018 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement d’une marque représentant une écrevisse »

Dans l’affaire C‑248/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 avril 2018,

Moscow Confectionery Factory « Krasnyiy oktyabr » OAO, établie à Moscou (Russie), représentée par Mes O. Spuhler, M. Geitz, et J. Stock, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen »,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský (rapporteur), président de chambre, MM. D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Moscow Confectionery Factory « Krasnyiy oktyabr » OAO demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 février 2018, Krasnyiy oktyabr/EUIPO – Kondyterska korporatsiia « Roshen » (CRABS) (T‑795/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:73), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 août 2016 (affaire R 2507/2015-1), relative à une procédure d’opposition entre la requérante et Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen » (ci-après la « décision litigieuse »).

2        La requérante sollicite aussi la condamnation de l’EUIPO aux dépens.

3        À l’appui de son pourvoi, elle invoque deux moyens tirés respectivement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement n° 207/2009 »), et de la violation du droit à être entendue, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Sur le pourvoi

4        Aux termes de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est en tout ou en partie manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur et l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

5        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

6        À cet égard, M. l’avocat général a, le 2 juillet 2018, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons que nous allons évoquer ci-après, nous proposons à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé et de condamner la requérante aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de la violation du droit à être entendue, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

3.      Le premier moyen se [divise] en quatre branches.

Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit

4.      Au soutien de la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à une analyse d’ensemble des signes en conflit et d’avoir adopté une approche trop détaillée.

5.      À la lecture des points pertinents du pourvoi (points 30, 31, 33 à 40, 43, 44 et 49 à 54 et 57 à 74), force est de constater que ce grief vise en réalité à établir non pas une dénaturation des faits et des éléments de preuve, mais une appréciation erronée de ces derniers. Or, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 65 et jurisprudence citée).

6.      Cette première branche doit donc être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque antérieure

7.      Au soutien de la deuxième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir ignoré le fait que l’image d’une écrevisse rouge présente un caractère distinctif élevé.

8.      Une fois encore, la requérante se borne, aux points 78 et 79 de son pourvoi, à faire état de faits ou d’éléments de preuve sans démontrer en quoi le Tribunal aurait commis une dénaturation de ces faits ou de ces éléments de preuve.

9.      Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 5 de la présente position, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant manifestement irrecevable.

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’appréciation erronée du risque de confusion

10.      Par la troisième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’appréciation globale du risque de confusion qu’il a effectuée.

11.      Ainsi, il ressortirait de la jurisprudence que la circonstance que les signes en conflit présentent un degré au moins moyen de similitude ainsi qu’un degré élevé de similitude sur le plan conceptuel et que la marque antérieure possède un caractère distinctif au moins normal mènerait nécessairement à l’établissement d’un risque de confusion entre les signes en conflit. Le Tribunal aurait alors commis une erreur de droit en ne parvenant pas à une telle conclusion en l’espèce.

12.      La requérante considère, à cet égard, que le Tribunal ayant conclu que les produits en cause sont identiques, que les signes en conflit présentent un degré au moins moyen de similitude ainsi qu’un degré élevé de similitude sur le plan conceptuel et que la marque antérieure possède un caractère distinctif au moins normal, il aurait dû en conclure l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

13.      Cette troisième branche doit être rejetée comme manifestement non fondée.

14.      En effet, le Tribunal a rappelé, au point 78 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

15.      Dans le cadre de son appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve, il a indiqué, aux points 79 à 82 de cet arrêt, les raisons pour lesquelles il a considéré que les différences entre les signes en conflit, notamment visuelles, prises dans une impression d’ensemble sur le public pertinent, l’emportent sur leurs similitudes. À cet égard, il a précisé, au point 81 dudit arrêt, que l’élément dominant du signe contesté, le plus distinctif, est le mot “crabs” qui n’avait pas d’équivalent dans le signe antérieur et que les signes en conflit diffèrent de manière significative par leur structure et par leur composition d’ensemble ainsi que par leur combinaison de couleurs. En outre, le Tribunal a indiqué, au point 82 de l’arrêt attaqué, que les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan phonétique pour une partie du public pertinent, une comparaison phonétique des signes en conflit étant alors exclue. Enfin, il a considéré que la similitude conceptuelle de ces signes se limite à la représentation d’écrevisses.

16.      Force est de constater que le Tribunal a fait une correcte application de la jurisprudence en s’attachant au cas d’espèce et en mettant en balance tous les éléments pertinents aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit.

17.      Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une appréciation erronée du risque de confusion indirect

18.      Par cette quatrième branche, nous comprenons que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en considération l’existence d’un risque de confusion indirect entre les marques en conflit, à savoir qu’il existerait un risque que les milieux commerciaux concernés associent ces marques comme étant juridiquement ou économiquement liées.

19.      En premier lieu, nous rappelons que le Tribunal a procédé, selon nous, à un examen correct du risque de confusion entre les signes en conflit.

20.      En second lieu, il convient de rappeler que la Cour a jugé, au point 18 de l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528), que la notion de “risque d’association” n’est pas une alternative à la notion de “risque de confusion”, mais sert à en préciser l’étendue. Les termes mêmes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), excluent donc qu’elle puisse être appliquée s’il n’existe pas, dans l’esprit du public, un risque de confusion.

31.      Ainsi, à partir du moment où le Tribunal a conclu, à juste titre, à l’absence de risque de confusion, l’existence d’un risque d’association dans l’esprit du public pertinent était a fortiori exclue. C’est donc à bon droit que le Tribunal a, au point 85 de l’arrêt attaqué, rejeté le moyen soulevé par la requérante.

22.      Dès lors, la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

Sur le second moyen, tiré de la violation du droit à être entendu

23.      Par le second moyen, nous comprenons que la requérante, au point 15 de son pourvoi, reproche au Tribunal une violation de son droit à être entendue.

24.      Elle estime que le Tribunal n’aurait pas pris en compte des éléments de preuve présentés par elle et qu’il se serait, en outre, contredit dans son raisonnement.

25.      Ainsi, d’un côté, le Tribunal aurait rejeté les preuves présentées par la requérante concernant la marque de l’Union européenne figurative, enregistrée le 7 juillet 2017 sous le numéro 15 948 185, qui protège l’image d’une écrevisse rouge pour des produits relevant de la même classe, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, que ceux pour lesquels la protection a été demandée par la partie intervenante en première instance, au motif que cette marque a été enregistrée après l’adoption de la décision litigieuse et qu’il s’agit donc d’un fait nouvellement produit devant lui. D’un autre côté, le Tribunal observerait que ladite marque fait l’objet d’une procédure d’annulation.

26.      Or, loin de ne pas avoir pris en compte ces éléments de preuve et de s’être contredit, le Tribunal, au point 72 de l’arrêt attaqué, a, au contraire, fait une juste application de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle ce Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. Dès lors, des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et ce dernier ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui (arrêt du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, non publié, EU:C:2011:727, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée).

27.      Par ailleurs, la simple mention, dans l’arrêt attaqué, du fait que la marque no 15 948 185 fait l’objet d’une procédure d’annulation n’implique pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que le Tribunal ait pris en considération cet élément dans le contrôle de la validité de la décision litigieuse.

28.      Dès lors, le second moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

29.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. »

7        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi, dans son intégralité, comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

8        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

2)      Moscow Confectionery Factory « Krasnyiy oktyabr » OAO supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.