Language of document : ECLI:EU:C:2020:562

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

16 juillet 2020 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑183/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 avril 2020,

Fabryki Mebli "Forte" S.A., établie à Ostrów Mazowiecka (Pologne), représentée par Me H. Basiński, adwokat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Bog-Fran sp. z o.o. sp.k., établie à Warszawa (Pologne), représentée par Me M. Mikosza, radca prawny,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. S. Rodin et D. Šváby (rapporteur), juges

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Fabryki Mebli "Forte" S.A. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 27 février 2020, Bog-Fran/EUIPO – Fabryki Mebli "Forte" (Meubles) (T-159/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:77), par lequel celui-ci a annulé la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 janvier 2019 (affaire R 291/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Bog-Fran et Fabryki Mebli "Forte".

 Sur l’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque cinq arguments par lesquels elle fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, justifiant selon elle, son admission. 

7        En premier lieu, par ses trois premiers arguments, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union en ce que le Tribunal se serait écarté de sa jurisprudence antérieure.

8        Plus particulièrement, par son premier argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé les points 38 et 39 de l’arrêt du Tribunal du 14 juin 2011, Sphere Time /OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière) (T-68/10, EU:T:2011:269). À cet égard, elle fait valoir que le Tribunal a ignoré ses allégations par lesquelles elle a remis en cause l’authenticité des documents fournis par Bog-Fran, la demanderesse en première instance, et n’a pas demandé à cette dernière de fournir des documents originaux. La requérante soutient que la contradiction entre l’arrêt attaqué et la jurisprudence antérieure du Tribunal conduit à une absence de cohérence de la jurisprudence du Tribunal et soulève une question importante pour le développement du droit de l’Union en ce qu’elle amènera la Cour à déterminer les conditions que les preuves doivent remplir lorsqu’une partie à la procédure met en cause leur crédibilité.

9        Par son deuxième argument, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’arrêt du Tribunal du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX) (T-278/12, EU:T:2014:1045) en ce qu’il n’a pas tenu compte du fait, au point 37 de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve présentés par Bog-Fran provenaient uniquement de cette dernière. Elle fait valoir que ce point de l’arrêt attaqué contredit notamment le point 50 de l’arrêt du Tribunal du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX) (T-278/12, EU:T:2014:1045). Selon la requérante, le Tribunal a erronément évalué la valeur probante desdits éléments de preuve. Elle soutient que cet argument soulève une question importante pour le développement du droit de l’Union en ce que la Cour sera amenée à déterminer dans quelles conditions les preuves peuvent être considérées comme ayant une valeur probante élevée.

10      Par son troisième argument, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies) (T-22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310). À cet égard, elle invoque une contradiction entre le point 26 de ce dernier arrêt et les points 35 à 41 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a mal réparti la charge de la preuve et, par conséquent, a présenté de manière erronée, voire a dénaturé, les éléments de preuve fournis par les parties à la procédure. Elle soutient que cet argument soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union en ce qu’elle amènera la Cour à déterminer la méthode de répartition de la charge de la preuve.

11      En deuxième lieu, par son quatrième argument, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), la requérante reproche au Tribunal d’avoir appliqué de manière erronée le principe de l’interdépendance des facteurs lors de l’appréciation de la divulgation du dessin ou modèle antérieur. Les erreurs de droit commises par le Tribunal résulteraient, en particulier, de l’absence de prise en compte, d’une part, des éléments de preuve présentés par la requérante et, d’autre part, des arguments relatifs à l’absence de connaissance, par les milieux spécialisés du secteur concerné, des faits constitutifs de divulgation en cause. La requérante considère que cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union en raison de la nécessité de cohérence du droit de l’Union. La requérante fait également observer que la Cour n’a rendu que très peu d’arrêts relatifs à l’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002.

12      En troisième lieu, par son cinquième argument, la requérante soutient que le pourvoi soulève une question importante pour la cohérence du droit de l’Union du fait de la violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le Tribunal n’a pas examiné spécifiquement et expressément le moyen fondé sur les éléments de preuve fournis par la requérante. La requérante allègue qu’une telle erreur de droit conduit à ce que la procédure ne soit pas équitable.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11, ainsi que du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. Étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions, établis par le requérant, doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments évoqués aux points 7 à 10 de la présente ordonnance, selon lesquels le Tribunal se serait écarté de sa jurisprudence antérieure, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une argumentation selon laquelle le Tribunal se serait écarté de sa jurisprudence antérieure n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17 et jurisprudence citée).

18      À cet égard, pour ce qui est du premier argument résumé au point 8 de la présente ordonnance, selon lequel le Tribunal a ignoré les arguments de la requérante relatifs à l’authenticité des éléments de preuve, il convient de relever que cette argumentation repose sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’a pas ignoré ses arguments mais il les a considérés, au point 29 de l’arrêt attaqué, comme étant non étayés et comme n’étant pas de nature à faire douter de l’authenticité des éléments de preuve en cause.

19      Pour ce qui est du deuxième argument évoqué au point 9 de la présente ordonnance, par lequel la requérante reproche au Tribunal d’avoir erronément évalué la valeur probante des éléments de preuve, il y a lieu de rappeler que l’appréciation de la valeur des preuves soumises par les parties relève d’une appréciation factuelle pour laquelle le Tribunal est seul compétent. Ainsi, un argument relatif au fait que le Tribunal aurait effectué une appréciation erronée des faits ne saurait exposer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 11 février 2020, Rutzinger-Kurpas/EUIPO, C‑887/19 P, non publiée, EU:C:2020:91, point 14).

20      Pour ce qui est du troisième argument évoqué au point 10 de la présente ordonnance, selon lequel le Tribunal a mal réparti la charge de preuve, il convient de constater que la requérante ne démontre aucunement que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est écarté de l’arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), (T‑22/13 et T-23/13, EU:T:2015:310). Or, il convient de relever que le fait que le Tribunal a rappelé cette jurisprudence au point 19 de l’arrêt attaqué et qu’il a, par la suite, mené son analyse sur cette base, démontre que le Tribunal ne s’est en réalité pas écarté de sa jurisprudence relative à la charge de la preuve.

21      Eu égard à ces considérations, il convient de constater que les trois premiers arguments invoqués par la requérante ne sont pas susceptibles de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      S’agissant, en deuxième lieu, du quatrième argument évoqué au point 11 de la présente ordonnance, il y a lieu de relever que la requérante se borne à affirmer, de manière générique, que le Tribunal a commis une erreur dans l’application du principe d’interdépendance des facteurs pris en compte lors de l’appréciation de la divulgation du dessin ou modèle antérieur, sans démontrer en quoi cette erreur, à la supposer établie, soulèverait une question de droit importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Par ailleurs, il convient de souligner que la requérante se limite à affirmer que le Tribunal a méconnu la jurisprudence constante de la Cour, sans indiquer les raisons pour lesquelles une telle méconnaissance, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour la cohérence du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi.

24      Ainsi, il convient de constater que le quatrième argument de la requérante ne respecte pas les conditions énoncées aux points 14 à 16 de la présente ordonnance et, par conséquent, il y a lieu de considérer que ledit argument n’est pas susceptible de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      S’agissant, en troisième et dernier lieu, du cinquième argument évoqué au point 12 de la présente ordonnance, de ce que le Tribunal aurait violé l’article 47 de la Charte, il suffit de relever que la requérante ne démontre pas en quoi l’atteinte prétendument portée à la disposition susmentionnée, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, mais elle se limite à faire valoir l’importance dudit article de la Charte et que la jurisprudence des juridictions de l’Union devrait être conforme à cette disposition. Or, par de telles affirmations génériques la requérante ne parvient pas à démontrer, eu égard à la jurisprudence figurant aux points 14 à 16 de la présente ordonnance, que cet argument soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

26      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

27      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

29      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Fabryki Mebli "Forte" S.A. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.