Language of document : ECLI:EU:T:2019:671

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

24 septembre 2019 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des enveloppes standard/sur catalogue et spéciales imprimées – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Annulation partielle pour violation de l’obligation de motivation – Décision modificatrice – Procédure de transaction – Amendes – Montant de base – Adaptation exceptionnelle – Plafond de 10 % du chiffre d’affaires global – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 – Principe non bis in idem – Sécurité juridique – Confiance légitime – Égalité de traitement – Cumul de sanctions – Proportionnalité – Équité – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑466/17,

Printeos, SA, établie à Alcalá de Henares (Espagne),

Printeos Cartera Industrial, SL, établie à Alcalá de Henares,

Tompla Scandinavia AB, établie à Stockholm (Suède),

Tompla France, établie à Fleury-Mérogis (France),

Tompla Druckerzeugnisse Vertriebs GmbH, établie à Leonberg (Allemagne),

représentées par Mes H. Brokelmann et P. Martínez-Lage Sobredo, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras, MM. F. Jimeno Fernández et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision C(2017) 4112 final de la Commission, du 16 juin 2017, modifiant la décision C(2014) 9295 final, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 – Enveloppes), et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, S. Frimodt Nielsen, V. Kreuschitz (rapporteur), Mme N. Półtorak et M. E. Perillo, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Procédure administrative aboutissant à l’adoption de la décision initiale

1        Par sa décision C(2014) 9295 final, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 – Enveloppes) (ci-après la « décision initiale »), la Commission européenne a constaté que, notamment, les requérantes, Printeos SA, Tompla Sobre Exprés SL, devenue Printeos Cartera Industrial SL, Tompla Scandinavia AB, Tompla France et Tompla Druckerzeugnisse Vertriebs GmbH, avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européenne (EEE) en ayant participé, durant la période allant du 8 octobre 2003 au 22 avril 2008, à une entente conclue et mise en œuvre sur le marché européen des enveloppes standard sur catalogue et des enveloppes spéciales imprimées, y compris au Danemark, en Allemagne, en France, en Suède, au Royaume-Uni et en Norvège. Cette entente visait à coordonner les prix de vente, à répartir la clientèle et à échanger des informations commerciales sensibles. Outre les requérantes, l’entente impliquait la participation du groupe Bong (ci-après « Bong »), du groupe GPV France SAS and Heritage Envelopes Ltd (ci-après « GPV »), du groupe Holdham SA (ci-après « Hamelin ») et du groupe Mayer-Kuvert (ci-après « Mayer-Kuvert »), également destinataires de la décision initiale.

2        La décision initiale a été adoptée dans le cadre d’une procédure de transaction au titre de l’article 10 bis du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), et de la communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil dans les affaires d’entente (JO 2008, C 167, p. 1, ci-après la « communication sur la transaction »).

3        Eu égard à l’infraction constatée (article 1er, paragraphe 5, de la décision initiale), la Commission a infligé aux requérantes, conjointement et solidairement, une amende d’un montant de 4 729 000 euros [article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale].

4        La procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision initiale avait été ouverte par la Commission, de sa propre initiative, sur la base d’informations et de documents transmis par un informateur anonyme. Le 14 septembre 2010, elle a effectué des vérifications en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), auprès des requérantes et d’autres sociétés impliquées dans l’entente au Danemark, en Espagne, en France et en Suède. Les 1er octobre 2010 et 31 janvier 2011, d’autres vérifications ont suivi en Allemagne (considérant 16 de la décision initiale).

5        Le 22 octobre 2010, les requérantes ont introduit auprès de la Commission une demande de clémence au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération »), (considérant 17 de la décision initiale), ainsi qu’une demande analogue auprès de la Comisión Nacional de la Competencia, ultérieurement renommée Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Autorité de la concurrence, Espagne, ci-après la « CNC »).

6        Le 15 mars 2011, la CNC a ouvert une procédure visant à instruire l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE et aux règles de concurrence espagnoles analogues commise, notamment, par Tompla Sobre Exprés, y compris ses filiales espagnoles, pour ce qui était du seul marché des enveloppes en papier en Espagne [affaire S/0316/10, Sobres de papel (enveloppes en papier)]. À cet égard, la Commission n’a pas donné suite à une demande des requérantes de faire usage de sa prérogative, au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, d’ouvrir la procédure et de dessaisir la CNC de sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE. Cette procédure a abouti à l’adoption, par la CNC, le 25 mars 2013, d’une décision infligeant à ces sociétés une amende totale d’un montant de 10 141 530 euros en raison de leur participation sur le marché espagnol, pendant la période allant de 1977 à 2010, à des ententes ayant pour objet la fixation des prix et la répartition des appels d’offres lancés par l’administration espagnole et portant sur la fourniture d’enveloppes préimprimées pour des élections et des référendums à l’échelle européenne, nationale et régionale, la répartition de l’offre d’enveloppes préimprimées à usage commercial pour les gros clients, la fixation des prix d’enveloppes vierges et la limitation des technologies. À la suite d’un recours formé par, notamment, la première requérante, l’Audiencia Nacional, Sala de lo Contencioso (Cour centrale, chambre de contentieux, Espagne), a annulé pour partie cette décision dans la mesure où elle avait déterminé le montant de l’amende infligée et a renvoyé l’affaire devant la CNC afin qu’elle détermine à nouveau ledit montant conformément aux critères légaux applicables.

7        Toutes les parties concernées ayant exprimé leur intérêt à prendre part à des discussions de transaction, la Commission a ouvert, le 10 décembre 2013, la procédure visée à l’article 10 bis du règlement no 773/2004, dans le cadre de laquelle elle a tenu des réunions bilatérales avec chacune des parties (considérants 19 et 20 de la décision initiale).

8        Lors d’une réunion du 21 janvier 2014, la Commission a présenté aux requérantes une vue d’ensemble de l’entente, y compris son analyse des éléments de preuve dont elle disposait.

9        Les requérantes ont communiqué, le 24 février 2014, un document informel, dit « non paper », dans lequel elles ont demandé à ce que la Commission tînt compte, aux fins de la détermination du montant de l’amende, premièrement, de l’amende infligée par la CNC, au motif que cette amende équivalait déjà en soi à 10 % de leur chiffre d’affaires global en 2012, deuxièmement, du fait qu’elles formaient un groupe « monoproduit », c’est-à-dire dédié à la production d’un seul produit et, troisièmement, du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »), permettant à la Commission, eu égard aux particularités de l’affaire en cause, de s’écarter de la méthodologie générale pour la fixation du montant des amendes ou des limites fixées au paragraphe 21 des mêmes lignes directrices.

10      En lieu et place d’une seconde réunion, avec l’accord des requérantes, la Commission a, par courriel du 17 juin 2014, présenté une vue d’ensemble des critères essentiels à prendre en considération aux fins de la détermination du montant de l’amende à infliger, tels que la valeur des ventes réalisées par les requérantes en 2007, à savoir 143 316 000 euros, et leur chiffre d’affaires en 2013, à savoir 121 728 000 euros, la durée de leur participation à l’infraction, etc. Les requérantes ont répondu par courriel du 18 juin 2014 en confirmant la valeur des ventes et le chiffre d’affaires retenus par la Commission et en affirmant qu’elles n’avaient pas d’observations substantielles à cet égard.

11      Au cours d’une réunion le 24 octobre 2014, la Commission a informé les requérantes des méthodes et des critères de calcul du montant de l’amende, à savoir, premièrement, de la proportion (15 %) de la valeur des ventes (143 316 000 euros en 2007) utilisée pour déterminer le montant de base de l’amende, deuxièmement, de la durée de l’infraction commise par les requérantes (quatre ans et six mois), troisièmement, du montant additionnel de 15 %, quatrièmement, de l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes, cinquièmement, de la non-application d’un facteur multiplicateur, sixièmement, de l’amende maximale autorisée de 12 171 800 euros (10 % du chiffre d’affaires global des requérantes en 2013), septièmement, d’une réduction exceptionnelle du montant de l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices en raison des circonstances particulières de l’affaire, y compris le fait que les montants de base de toutes les parties à l’entente excédaient le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, huitièmement, d’une réduction supplémentaire motivée par le caractère « monoproduit » du groupe des requérantes, neuvièmement, de l’impossibilité d’accorder une réduction en raison de l’existence de l’amende infligée par la CNC, l’entente visée par cette dernière étant distincte de celle instruite par la Commission et devant être sanctionnée indépendamment et conformément aux règles applicables, différentes de celles appliquées par la Commission, dixièmement, d’une réduction envisagée de 50 % au titre des paragraphes 24 et 25 de la communication sur la coopération, onzièmement, d’une réduction envisagée de 10 % au titre du paragraphe 32 de la communication sur la transaction et, enfin, de la fourchette encadrant le montant de l’amende et allant de 4 610 000 à 4 848 000 euros, dont les requérantes devraient accepter le montant maximal dans leur proposition de transaction.

12      Le 7 novembre 2014, les requérantes ont présenté leur proposition de transaction en acceptant la valeur des ventes et le chiffre d’affaires retenus par la Commission ainsi que le montant maximal de l’amende de 4 848 000 euros.

13      Le 18 novembre 2014, la Commission a adopté la communication des griefs.

14      Le 20 novembre 2014, les requérantes ont confirmé, conformément au paragraphe 26 de la communication sur la transaction, que la communication des griefs correspondait à la teneur de leur proposition de transaction et qu’elles restaient engagées à suivre la procédure de transaction.

15      Dans la décision initiale, s’agissant du calcul des amendes infligées, la Commission a déterminé le montant de base de chacune des entreprises concernées (considérants 71 à 84 de la décision initiale) comme cela est résumé dans le tableau suivant :

Entreprise

Valeur des ventes EUR

Coefficient de gravité %

Durée

Montant additionnel %

Montant de base EUR

Bong

140 000 000

15

4,5

15

115 500 000

[…] GPV

125 086 629

15

4,5

15

103 196 000

Hamelin

185 521 000

15

4,416

15

150 717 000

Mayer-Kuvert

70 023 181

15

4,5

15

57 769 000

Printeos [...]

143 316 000

15

4,5

15

118 235 000


16      En outre, aux considérants 85 à 87 de la décision initiale, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’ajuster les montants de base en vertu des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices, à l’exception du cas de Mayer-Kuvert, qui devait se voir appliquer une réduction de 10 % en raison de sa participation limitée à l’infraction.

17      Sous l’intitulé « Adaptation des montants de base », la Commission a constaté que, étant donné que les ventes de la majorité des parties concernées avaient été effectuées sur un seul marché, sur lequel elles avaient participé à une entente pendant plusieurs années, en pratique, tous les montants des amendes étaient susceptibles d’atteindre le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global et que l’application dudit plafond serait la règle plutôt que l’exception (considérant 88 de la décision initiale). À cet égard, la Commission a rappelé la jurisprudence du Tribunal ayant observé qu’une telle approche pourrait donner lieu à des doutes à la lumière du principe selon lequel une pénalité devait présenter un lien immédiat avec l’infraction ainsi qu’avec son auteur, en tant qu’elle pourrait conduire, dans certaines conditions, à une situation dans laquelle toute différenciation en fonction de la gravité de l’infraction ou de circonstances atténuantes ne serait plus susceptible de se répercuter sur le montant d’une amende (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, EU:T:2011:289, point 75). Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, la Commission a considéré comme étant approprié d’exercer son pouvoir d’appréciation et d’appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices, lui permettant de s’écarter de la méthodologie des lignes directrices (considérants 89 et 90 de la décision initiale).

18      Les considérants 91 et 92 de la décision initiale sont libellés comme suit :

« (91) En l’espèce, le montant de base est adapté d’une manière qui tienne compte de la valeur des ventes du produit cartellisé par rapport au chiffre d’affaires global, ainsi que des différences entre les parties en fonction de leur participation individuelle à l’infraction. Dans l’ensemble, les amendes seront fixées à un niveau qui est proportionné à l’infraction et produit un effet dissuasif suffisant.

(92) En conséquence, une réduction sera appliquée aux amendes calculées pour toutes les parties. Dans les circonstances particulières de l’espèce, au vu du fait que toutes les parties étaient actives, dans une mesure différente, mais importante, dans la vente d’enveloppes standard sur catalogue et d’enveloppes spéciales imprimées, il est proposé d’opérer une réduction de 98 % de l’amende devant être infligée pour l’infraction commise par GPV, de 90 % pour Tompla, de 88 % pour Bong et Mayer-Kuvert, ainsi que de 85 % pour Hamelin. »

19      Le résultat de cette adaptation des montants de base peut être résumé comme suit (voir également le tableau exposé au considérant 93 de la décision initiale) :

Entreprise

Montant de base avant adaptation EUR

Réduction %

Montant de base après adaptation EUR

Bong

115 500 500

88

13 860 000

GPV

103 196 000

98

2 063 920

Hamelin

150 717 000

85

22 607 550

Mayer-Kuvert

57 769 000

88

6 932 280

Printeos

118 235 000

90

11 823 500


20      Par ailleurs, la Commission a accordé aux requérantes des réductions supplémentaires du montant de l’amende de 50 % au titre de la communication sur la coopération et de 10 % en vertu du paragraphe 32 de la communication sur la transaction (considérants 99, 102 et 103 de la décision initiale). En vertu des règles pertinentes correspondantes, Hamelin et Mayer-Kuvert se sont vu accorder chacune des réductions du montant de leurs amendes de, respectivement, 25 % et 10 % (coopération) et de 10 % (transaction) (considérants 100 à 103 de la décision initiale).

21      Enfin, il ressort des considérants 104 à 108 de la décision initiale, sous l’intitulé « Capacité contributive », que, à la suite de demandes étayées introduites par Bong et par Hamelin en vertu du paragraphe 35 des lignes directrices, la Commission a ramené le montant de leurs amendes à 3 118 000 euros et à 4 996 000 euros, respectivement. Les requérantes n’ont ni introduit de demande analogue auprès de la Commission, ni obtenu de réduction au titre dudit paragraphe.

B.      Arrêt dans l’affaire T95/15

22      À la suite d’un recours des requérantes, fondé sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision initiale, le Tribunal a, par arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), annulé l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale au motif que celle-ci était viciée d’une insuffisance de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 57 et 58 et point 1 du dispositif).

23      Les considérations à l’appui de cette annulation sont exposées aux points 45 à 56 de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722).

24      L’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), est devenu définitif.

C.      Arrêt dans l’affaire T201/17

25      À la suite d’un nouveau recours de la première requérante, déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2017, ayant pour objet, à titre principal, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice résultant du refus de la Commission de lui verser des intérêts moratoires sur le montant principal de l’amende remboursé à la suite de l’annulation de la décision initiale, le Tribunal a, par arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T‑201/17, sous pourvoi, EU:T:2019:81), condamné l’Union européenne, représentée par la Commission, à réparer le dommage subi par la première requérante en lui versant une somme de 184 592,95 euros, majorée d’intérêts moratoires. La Commission a formé un pourvoi contre cet arrêt, enregistré sous le numéro C‑301/19 P.

D.      Réouverture de la procédure administrative et adoption de la décision attaquée

26      À la suite de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), la Commission a, le 29 mars 2017, adressé une lettre aux requérantes les informant de son intention d’adopter une nouvelle décision leur infligeant le même montant de l’amende que celui de l’amende infligée dans la décision initiale, tout en précisant les critères pris en compte pour calculer les amendes infligées aux entreprises concernées, notamment la méthodologie suivie en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices. Elle a également invité les requérantes à soumettre leurs observations dans un délai de trois semaines à compter de la réception de ladite lettre.

27      Par lettre du 17 avril 2017, les requérantes ont soumis leurs observations en faisant valoir que l’adoption d’une nouvelle décision était contraire au principe ne bis in idem, l’annulation de la décision initiale par l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), n’ayant pas été d’ordre purement procédural et ladite décision ayant également violé leur droit fondamental à une bonne administration, prévu à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Les requérantes ont considéré en outre que l’amende envisagée était discriminatoire à leur égard et que, conformément à l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11), pour des raisons d’équité, la Commission devait tenir compte de l’amende qui leur avait été infligée par la CNC dans sa décision du 25 mars 2013.

28      Par décision C(2017) 4112 final, du 16 juin 2017, modifiant la décision initiale (ci-après la « décision attaquée »), adressée aux seules requérantes, la Commission leur a infligé, conjointement et solidairement, une amende de 4 729 000 euros (articles 1er et 3, ainsi que considérants 8 et 9 de ladite décision).

29      En premier lieu, au considérant 7 de la décision attaquée, il est relevé que l’annulation partielle par le Tribunal de la décision initiale en raison d’une insuffisance de motivation n’avait qu’une portée procédurale. Dès lors, cette annulation ne pourrait être qualifiée d’acquittement au sens de l’article 50 de la Charte (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 59 à 63 et 693 à 695), et la Commission aurait été en droit de reprendre la procédure administrative au point auquel l’illégalité était survenue (arrêts du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission, T‑91/10, EU:T:2014:1033, point 173, et du 9 décembre 2014, SP/Commission, T‑472/09 et T‑55/10, EU:T:2014:1040, point 277).

30      En deuxième lieu, au considérant 8 de la décision attaquée, il est précisé que cette décision « fournit des informations supplémentaires sur la méthodologie appliquée et sur les faits pris en considération par la Commission pour déterminer et adapter les montants de base de l’amende, comme indiqué aux considérants 88 à 93 de la décision [initiale] ».

31      En troisième lieu, aux considérants 10 à 22 de la décision attaquée, la Commission explique la méthodologie et les raisons des « adaptations » des montants de base des amendes, en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices, qui sous-tendent les considérants 88 à 95 de la décision initiale.

32      Au considérant 14 de la décision attaquée, la Commission relève avoir tenu compte de la réduction minimale nécessaire pour porter le montant de base de l’amende à infliger à chacune des entreprises concernées en deçà du plafond de 10 % tout en assurant que le montant de base adapté reflétait le caractère comparable de leur participation à l’entente. Il y est précisé en outre qu’une réduction uniforme pour toutes les entreprises concernées aurait conduit à une situation dans laquelle chacune d’entre elles aurait bénéficié, de manière injustifiée, de la réduction minimale nécessaire pour porter le montant de base en deçà du plafond de 10 % de l’entreprise dont le montant de base excède ledit plafond dans la plus large mesure, à savoir GPV, ce qui aurait donné lieu à des amendes ne reflétant pas la gravité de leur infraction et n’assurant pas d’effet dissuasif suffisant.

33      Au considérant 15 de la décision attaquée, il est exposé que la Commission a, d’abord, adapté le montant de base pour chacune des entreprises concernées en prenant en considération la part de la valeur des ventes du produit cartellisé par rapport au chiffre d’affaires global (ci-après le « ratio produit/chiffre d’affaires »). Or, les adaptations effectuées dans la décision initiale auraient également visé à assurer que les amendes adaptées reflétassent toujours la gravité d’ensemble de l’infraction, sans pour autant fausser le poids relatif des montants de base respectifs des entreprises concernées qui correspondait à leur implication comparable dans l’entente. Ces éléments de méthodologie auraient eu une incidence sur les réductions individuelles accordées à chacune des entreprises concernées.

34      Aux termes du considérant 16 de la décision attaquée, la décision initiale a tenu compte du ratio produit/chiffre d’affaires de chaque entreprise concernée, calculé en tant que ratio du chiffre d’affaires total des ventes d’enveloppes par rapport au chiffre d’affaires mondial total en 2012. Une entreprise avec un ratio produit/chiffre d’affaires plus élevé aurait bénéficié d’une réduction produit/chiffre d’affaires plus importante, ou au moins égale à celle accordée à une entreprise avec un ratio produit/chiffre d’affaires plus bas. Les ratios exposés au tableau A démontreraient que toutes les entreprises, sauf Hamelin, présentaient des ratios produit/chiffre d’affaires individuels très élevés. Or, à la suite de la cession de ses actifs de production d’enveloppes, Hamelin n’aurait plus affiché de ventes du produit cartellisé en 2012, raison pour laquelle son ratio produit/chiffre d’affaires aurait été estimé en comparant son chiffre d’affaires de 2012 avec les ventes du produit cartellisé par son ancienne filiale.

35      Au considérant 17 de la décision attaquée, il est relevé que la réduction de 98 % accordée à GPV était nécessaire afin de porter son chiffre d’affaires en deçà du plafond de 10 %. GPV ayant été l’entreprise avec le ratio produit/chiffre d’affaires le plus élevé, les autres entreprises auraient bénéficié de réductions moins importantes, déterminées à titre individuel et reflétant tant leurs ratios produit/chiffre d’affaires respectifs que le poids relatif des montants de base qui leur étaient attribués.

36      Au considérant 18 de la décision attaquée, il est précisé qu’une simple réduction linéaire fondée sur les ratios produit/chiffre d’affaires individuels aurait donné lieu à des résultats injustifiés et aurait faussé le poids relatif des montants de base. En vertu d’une telle approche, par exemple, le montant de base adapté de Mayer-Kuvert (avec un ratio produit/chiffre d’affaires de 76 %) aurait été supérieur au montant de base adapté des requérantes (avec un ratio produit/chiffre d’affaires de 90 %), alors que, avant l’adaptation, leur montant de base représentait plus du double de celui de Mayer-Kuvert. La méthodologie utilisée dans la décision initiale visait donc, pour des raisons d’équité, à rétablir l’équilibre entre les montants de base adaptés en fixant des réductions individuelles reflétant non seulement les ratios produit/chiffre d’affaires, mais également le caractère comparable de l’implication individuelle des entreprises concernées, tel qu’il ressort des montants de base non adaptés.

37      Au considérant 19 de la décision attaquée, la Commission relève avoir considéré que, même si Hamelin avait un ratio produit/chiffre d’affaires considérablement moins élevé que les autres entreprises, il était nécessaire de réduire également l’amende qui lui était destinée afin de tenir compte du fait que son rôle dans l’entente était semblable à celui desdites entreprises. Compte tenu de son ratio produit/chiffre d’affaires, la réduction du montant de base de Hamelin serait la moins importante comparée à celles dont auraient bénéficiées toutes les autres entreprises.

38      Il ressort du considérant 20 de la décision attaquée que, si la Commission n’avait pas tenu compte de la seconde étape de cette méthode et n’avait fondé les réductions que sur le ratio produit/chiffre d’affaires des entreprises concernées, Hamelin n’aurait pas bénéficié d’une réduction et son montant de base aurait été approximativement 1 275 % plus élevé que le montant de base adapté des requérantes, alors que la valeur des ventes de Hamelin n’était que de 30 % plus élevée que celle des ventes des requérantes.

39      Il est conclu au considérant 21 de la décision attaquée que la méthode choisie et la réduction accordée ont pour résultat que le montant de base de l’amende infligée à Hamelin reflète son implication comparable dans l’entente, ainsi que la gravité et la durée de l’infraction, et a un caractère suffisamment dissuasif.

40      Le tableau A exposé au considérant 22 de la décision attaquée correspond essentiellement à celui figurant au point 50 de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), tout en y ajoutant une colonne supplémentaire qui expose les ratios produit/chiffre d’affaires des entreprises concernées pour l’année 2012 (voir point 34 ci-dessus).

Entreprise

V[aleur des ventes EUR] (2007)

Coefficient de gravité

Durée (années)

Montant additionnel

Montant de base (EUR)

Ratio produit/
chiffre d’affaires

Adaptation/Réduction

Montant de base adapté

[…] GPV

125 086 629

15 %

4,5

15 %

103 196 000

93 %

0,98

2 063 920

[Printeos]

143 316 000

15 %

4,5

15 %

118 235 000

90 %

0,90

11 823 500

Bong

140 000 000

15 %

4,5

15 %

115 500 000

80 %

0,88

13 860 000

Mayer-Kuvert

70 023 181

15 %

4,5

15 %

57 769 000

76 %

0,88

6 932 280

Hamelin

185 521 000

15 %

4,416

15 %

150 717 000

17 %

0,85

22 607 550


41      Selon le considérant 23 de la décision attaquée, les autres étapes de la méthode de détermination des amendes suivie dans la décision initiale ne sont pas affectées par l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), de sorte que celles-ci ne sont pas expliquées à nouveau dans la décision attaquée. Néanmoins, compte tenu de la demande des requérantes, faite dans leur lettre du 17 avril 2017, de tenir compte de l’amende imposée par la CNC, la Commission annonce y donner une réponse aux considérants 46 à 55 de ladite décision.

42      En quatrième lieu, aux considérants 46 à 55 de la décision attaquée, sont ainsi précisées les raisons pour lesquelles la Commission rejette ladite demande en rappelant que, durant la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision initiale, elle avait déjà fait savoir aux requérantes qu’elle ne considérait ni nécessaire ni opportun de tenir compte de l’amende imposée par la CNC. À cet égard, la Commission se fonde, notamment, sur sa propre pratique décisionnelle [décision 89/515/CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.553 – Treillis soudés) (JO 1989, L 260, p. 1)], ainsi que sur l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4).

43      En cinquième lieu, au considérant 58 de la décision attaquée, en ce qui concerne l’adaptation des montants de base des amendes en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices, la Commission rejette l’argument des requérantes, avancé dans leur lettre du 17 avril 2017, selon lequel, d’une part, les réductions des montants de base étaient discriminatoires à leur égard et, d’autre part, elles auraient dû bénéficier d’une réduction de 95,3671 % afin de refléter dûment leur ratio produit/chiffre d’affaires.

44      Au considérant 59 de la décision attaquée, en réponse à l’argument des requérantes selon lequel il existerait des écarts évidents par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global, la Commission relève, en substance, que les réductions n’étaient pas destinées à être fixées à un niveau garantissant que le rapport entre les montants de base adaptés et les chiffres d’affaires globaux soit le même pour toutes les entreprises concernées. Selon elle, aux termes d’une jurisprudence bien établie, le fait qu’une entreprise se voit infliger, grâce à l’application de la méthode de calcul des montants de base des amendes, une amende qui représente un pourcentage plus important de son chiffre d’affaires global que celui représenté par les amendes imposées respectivement à chacune des autres entreprises, n’est pas contraire aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

II.    Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.

46      Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

47      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé à la Commission une question écrite relative à la détermination du ratio produit/chiffre d’affaires de GPV. La Commission a répondu à cette question dans le délai imparti.

48      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 avril 2019.

49      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende imposée à l’article 1er de la décision attaquée en accordant, d’une part, une réduction du montant de base de l’amende de 95,3671 % au titre du paragraphe 37 des lignes directrices et, d’autre part, une réduction supplémentaire du montant de l’amende, après les réductions au titre des communications sur la coopération et sur la transaction, d’au moins 33 % ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de ne bis in idem

51      Les requérantes contestent le caractère procédural de l’annulation partielle de la décision initiale par l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), à l’instar des situations dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582), ou du 27 juin 2012, Bolloré/Commission (T‑372/10, EU:T:2012:325). Les illégalités viciant cette décision seraient d’une gravité telle qu’elles ne pourraient être qualifiées que de substantielles. En outre, le défaut de motivation de la décision initiale serait si grave qu’il ne saurait être considéré comme un simple vice de forme. Ainsi qu’il ressort des points 53 à 55 de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), à l’audience dans l’affaire T‑95/15, le Tribunal se serait vu contraint de rappeler son devoir d’examiner d’office le caractère suffisant de la motivation, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience. Par ailleurs, l’obligation de motivation aurait été élevée au rang d’un droit fondamental, garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, de sorte que, depuis son entrée en vigueur, la jurisprudence antérieure qualifiant le défaut de motivation de simple vice de forme serait dépassée.

52      D’après les requérantes, la décision initiale est également entachée d’un autre vice de fond, à savoir d’un détournement de pouvoir, invoqué dans la réplique dans l’affaire T‑95/15, puisque la Commission a avancé sciemment des faits inexacts pour justifier les ajustements des montants de base des amendes. En effet, alors qu’il était indiqué au considérant 92 de la décision initiale que « toutes les parties étaient engagées, à des degrés divers mais significatifs, dans le secteur des enveloppes », le considérant 16 de la décision attaquée aurait admis que Hamelin n’était pas une entreprise « monoproduit ». Néanmoins, au tableau A exposé au considérant 22 de la décision attaquée, un ratio « monoproduit » de 17 %, en réalité de 0 % au stade de l’adoption de la décision initiale, aurait été attribué à Hamelin au motif que, en raison de la cession en 2010 de ses actifs de production d’enveloppes, elle ne réalisait aucune vente du produit cartellisé en 2012, à savoir l’année pertinente pour la détermination du ratio « monoproduit ». Ce détournement de pouvoir serait confirmé, notamment, par le point 54 de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), reconnaissant que le raisonnement exposé dans la décision initiale était contraire à la vérité.

53      La gravité de ces illégalités de fond entachant la décision initiale, non susceptibles de correction, ferait obstacle à ce que la Commission inflige de nouveau la sanction déjà infligée dans ladite décision. Cette approche serait contraire au caractère définitif de la décision initiale, dont la conclusion relative à l’existence de l’infraction n’a pas été contestée, et violerait le principe ne bis in idem au sens de l’article 50 de la Charte, tel qu’applicable aux procédures en matière de droit de la concurrence. En effet, la décision attaquée s’ajouterait, sans la remplacer, à la décision initiale qui serait devenue définitive pour ce qui est de sa partie non attaquée. Ce caractère définitif s’opposerait à l’adoption d’une nouvelle décision remplaçant, modifiant ou complétant, sans base légale, une décision non annulée, en vigueur et définitive.

54      La décision attaquée serait également contraire aux principes de sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime. Contrairement, notamment, à la situation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582), dans laquelle la première décision avait fait l’objet d’une annulation totale, l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), se serait limité à annuler l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale, de sorte que celle-ci est devenue définitive en ses autres parties. Or, en l’absence de base juridique pertinente dans le règlement no 1/2003 à cet effet, à l’instar de celle prévue à son article 9, paragraphe 2, non applicable en l’espèce, la modification d’une décision définitive violerait les principes généraux susmentionnés. Il ne ressortirait même pas clairement de la décision attaquée si elle porte sur une « modification » proprement dite, comme cela est indiquée dans son intitulé, sur une « réadoption » (considérant 7) ou sur un « remplacement » (article 1er du dispositif), alors même que la nouvelle motivation est censée s’ajouter à la décision initiale plutôt que substituer la motivation précédente. En tout état de cause, en l’absence de base juridique, il n’y aurait pas lieu de modifier la décision initiale et définitive en y ajoutant des « informations supplémentaires » dans la décision attaquée. Les requérantes précisent que l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582), ne reconnaît pas la « possibilité pour la Commission de motiver de manière plus détaillée le calcul de l’amende » ou de « régulariser » un vice de fond, mais seulement celle de rouvrir la procédure aux fins de corriger des vices formels ou de procédure entachant la décision annulée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, eu égard au caractère grave du détournement de pouvoir commis.

55      La Commission conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé.

56      En premier lieu, il convient de relever que, lorsque le Tribunal annule un acte des institutions, celles-ci sont tenues, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Il ressort d’une jurisprudence constante que, afin de s’acquitter de cette obligation, ces institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais également les motifs qui ont conduit à celui-ci et en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition considérée comme étant illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé. Or, l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires de celui-ci, ni n’entraîne nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption dudit acte indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation. Par conséquent, sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure, lesdites institutions peuvent, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, rouvrir la procédure au stade où cette irrégularité a été commise, sans qu’il soit nécessaire que la faculté de rouvrir la procédure soit expressément prévue par la réglementation applicable pour que les institutions auteurs d’un acte annulé puissent y recourir (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Italie/Commission, C‑587/12 P, EU:C:2013:721, point 12, et du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, points 48 à 52 et jurisprudence citée).

57      Ces principes s’appliquent mutatis mutandis en matière de droit de la concurrence, lorsque le juge de l’Union annule une décision en raison d’une illégalité, sans statuer lui-même sur la matérialité de l’infraction et sur la sanction (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 72, 73 et 693).

58      En second lieu, il importe de rappeler que la Cour a également jugé que, dans une situation comme celle de l’espèce, lorsque l’annulation de la décision attaquée repose sur un vice procédural, tel que l’insuffisance de motivation, et le juge de l’Union n’a pas fait usage de son pouvoir de pleine juridiction pour réformer l’amende infligée, le principe ne bis in idem n’empêche pas la Commission d’adopter une nouvelle décision infligeant une amende à l’égard du requérant. En effet, l’application de ce principe suppose qu’il ait été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci ait été contrôlée. Ainsi, le principe ne bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction, qui aurait pour conséquence l’imposition soit d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde. En revanche, il ne s’oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 60 à 62 et 693 à 695).

59      Le Tribunal estime qu’il n’existe aucune raison justifiant une approche divergente dans le cas d’une annulation, pour insuffisance de motivation, d’une décision infligeant une amende, au seul motif que cette décision a été adoptée aux termes d’une procédure de transaction. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les principes jurisprudentiels rappelés aux points 56 à 58 ci-dessus doivent se voir appliquer mutatis mutandis dans l’hypothèse d’une annulation seulement partielle d’une telle décision, lorsque cette annulation ne vise que la partie infligeant une amende, comme en l’espèce l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale, tout en préservant la partie de cette décision qui établit, de manière définitive, la responsabilité de l’entreprise concernée pour l’infraction commise. En effet, dans un tel cas de figure, une réappréciation au fond de la matérialité de l’infraction qui aurait pour conséquence de sanctionner ladite entreprise une nouvelle fois est exclue à plus forte raison. Dès lors, les griefs tirés d’une violation des principes de sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime doivent être rejetés d’emblée comme non fondés.

60      Il convient donc d’apprécier si, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, au regard du dispositif de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), annulant, pour partie, la décision initiale, ainsi que des motifs essentiels à son appui exposés dans ledit arrêt, la Commission était en droit de régulariser l’insuffisance de motivation constatée et sanctionnée par l’annulation ainsi prononcée en procédant à l’adoption de la décision attaquée, dotée d’une motivation modifiée ou complétée et infligeant aux requérantes la même amende que celle qui leur avait été infligée dans la décision initiale.

61      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le point 1 du dispositif de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), le Tribunal s’est limité à annuler l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale au motif que celle-ci était viciée d’une insuffisance de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 57 et 58).

62      Ces points se lisent comme suit :

« 57      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de conclure que la décision [initiale] est viciée d’une insuffisance de motivation et qu’il convient d’accueillir le premier moyen pour autant qu’il repose sur une violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

58      Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision [initiale], sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le grief tiré d’un détournement de pouvoir et sur les deuxième et troisième moyens, ainsi que sur la recevabilité de ce dernier. En outre, il n’est pas nécessaire de statuer sur le deuxième chef de conclusions, invoqué à titre subsidiaire. »

63      À l’instar de ce que fait valoir la Commission, il en ressort que le Tribunal a renoncé à se prononcer sur les autres moyens soulevés dans l’affaire T‑95/15 contestant le bien-fondé de la décision initiale, y compris celui du détournement de pouvoir invoqué par les requérantes dans la réplique. Ainsi, les requérantes ne sauraient alléguer que le dispositif d’annulation reposait sur le constat d’un vice substantiel, voire d’un détournement de pouvoir, ayant consisté, en substance, à reprocher à la Commission d’avoir exposé des motifs contraires à la vérité ou à la réalité.

64      S’agissant des conséquences juridiques dudit dispositif d’annulation, il convient de rappeler que, conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, ce dispositif n’avait pour effet que de déclarer « nul et non avenu l’acte contesté », soit l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale, sans tenir compte du degré de « gravité » du vice procédural constaté, ni du statut juridique de la règle procédurale violée. À cet égard, il y a lieu de préciser que nombre de garanties procédurales, en tant que formes substantielles au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, dont la violation est susceptible d’être soulevée d’office et d’entraîner l’annulation d’un acte contesté, constituent des règles supérieures de droit, comme les droits de la défense au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Il en est de même de la violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, sur laquelle est fondée l’annulation de l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale.

65      Dès lors, force est de constater que l’annulation partielle de la décision initiale, prononcée dans l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), avait une portée exclusivement procédurale au sens de la jurisprudence citée aux points 56 et 58 ci-dessus, en ce qu’elle censurait la Commission pour avoir exposé une motivation insuffisante du mode de calcul des amendes ne permettant ni aux requérantes de le contester utilement ni au Tribunal d’exercer son contrôle de la légalité au fond, en particulier en ce qui concerne le respect du principe d’égalité de traitement (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 49 et 55).

66      Certes, au point 55 de l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), le Tribunal a également relevé que « la motivation succincte exposée au considérant 92 de la décision [initiale] était de nature à créer l’impression erronée selon laquelle la raison principale de l’adaptation horizontale des montants de base en faveur des entreprises concernées résidait dans le fait que celles-ci se trouvaient toutes dans des situations à tout le moins comparables, liées au caractère “monoproduit” de leur activité commerciale », ce qui « n’était toutefois pas le cas de Hamelin, comme la Commission l’a reconnu en cours d’instance ». Or, ces propos font principalement référence à une motivation lacunaire et inintelligible à ce sujet, ce qui constitue un cas cardinal d’insuffisance de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Il ne saurait donc en être déduit que le Tribunal estimait que la Commission avait l’intention d’induire en erreur les justiciables ou le juge de l’Union ou d’exposer sciemment des faits contraires à la vérité ou à la réalité et, moins encore, que, par l’annulation de l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale, le Tribunal visait à censurer une telle approche.

67      Il s’ensuit que la Commission a respecté les exigences de la jurisprudence citée aux points 56 et 58 ci-dessus en relevant, au considérant 7 de la décision attaquée, que l’annulation partielle de la décision initiale pour insuffisance de motivation n’avait qu’une portée procédurale, de sorte qu’elle ne pourrait être considérée comme un acquittement au sens de l’article 50 de la Charte, et que, partant, elle était en droit de reprendre la procédure administrative au point auquel l’illégalité était survenue, à savoir, en principe, au moment de l’adoption de la décision initiale.

68      Enfin, il y a lieu de rejeter également les autres griefs que les requérantes ont invoqués à l’appui du présent moyen. Premièrement, contrairement à ce qu’elles font valoir, tant que la Commission respecte les prescriptions rappelées aux points 56 à 59 ci-dessus, ce qui est le cas en l’espèce, les termes utilisés dans la décision attaquée pour décrire son approche, à savoir « modifier », « réadopter » (considérant 7) ou « remplacer » [article 1er du dispositif remplaçant l’article 2, paragraphe 1, sous e), de la décision initiale], ne sont pas déterminants. Deuxièmement, la jurisprudence rappelée aux points 56 et 58 ci-dessus reposant sur une interprétation de la portée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer l’absence de base juridique pertinente à cet effet dans le règlement no 1/2003 (voir, par analogie, arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 52). Troisièmement, elles ne sauraient non plus valablement faire valoir que le caractère définitif de la décision initiale s’opposerait à l’adoption d’une nouvelle décision remplaçant, modifiant ou complétant la décision initiale dans sa partie annulée, sous peine de vider la jurisprudence visée au point 58 ci-dessus de sa substance. Au contraire, étant donné que les requérantes n’ont pas contesté la partie de la décision initiale établissant leur responsabilité pour l’infraction en cause et que, partant, dans l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), le Tribunal n’était pas appelé à se prononcer sur celle-ci, c’est seulement cette partie qui est devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission, C‑122/16 P, EU:C:2017:861, points 80 à 85) et le principe ne bis in idem – qui interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction aux fins, notamment, de l’imposition d’une seconde sanction – est nécessairement inapplicable en l’espèce (voir point 59 ci-dessus).

69      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé dans sa totalité.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende

1.      Rappel des arguments essentiels des parties

70      Par le présent moyen, les requérantes invoquent une violation du principe d’égalité de traitement à leur détriment dans le cadre de la détermination du montant de base de l’amende qui leur a été infligée, liée, notamment, à l’application de différents taux de réduction en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices. Dans la mesure où les taux de réduction accordés se fondent sur le caractère « monoproduit » des entreprises concernées, les requérantes rappellent être la seule entreprise dont ce taux (90 %) coïncide exactement avec son ratio « monoproduit » (90 %), alors que ces taux sont supérieurs aux ratios « monoproduit » respectifs de toutes les autres entreprises. Ainsi, Bong, avec un ratio « monoproduit » de 80 %, se serait vu appliquer une réduction de 88 %. Toutefois, si les requérantes avaient bénéficié du même « taux d’augmentation », elles se seraient vu appliquer un taux de réduction de 99 %, étant donné que leur ratio « monoproduit » était de dix points supérieur à celui de Bong.

71      En premier lieu, les requérantes invoquent le caractère discriminatoire à leur égard de cette approche au regard du pourcentage que représente leur montant de base adapté par rapport à leur chiffre d’affaires global, comparé aux situations de Bong et de Hamelin. L’amende infligée aux requérantes – avant les réductions accordées au titre de la communication sur la coopération, de la procédure de transaction et de la capacité contributive – équivaudrait à 9,7 % de leur chiffre d’affaires global, alors que les amendes infligées à Bong et à Hamelin, après « adaptation » des montants de base, ne représenteraient que 4,7 % et 4,5 % de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs. Ce résultat inégal concernant l’écart par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne serait pas dû à l’application de la méthode de calcul prévue par les lignes directrices visant à infliger une amende « justifiée par rapport à la gravité et à la durée » de l’infraction commise, mais au fait que la Commission s’en est écartée en procédant, à titre exceptionnel, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, à une adaptation des montants de base des amendes par rapport au plafond de 10 % avant toute réduction ultérieure.

72      Selon les requérantes, l’adaptation qui consiste à réduire les montants de base de manière inégale entre les entreprises – 11,8 millions d’euros pour les requérantes, 13,8 millions pour Bong, et 22,6 millions pour Hamelin – a conduit à un traitement discriminatoire en leur défaveur, puisque les montants en résultant sont, contrairement à ce qu’exige l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, sans rapport avec leurs tailles et leurs puissances économiques respectives, déterminées en fonction de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs, soit 121 millions d’euros pour les requérantes, 296 millions d’euros pour Bong et 501 millions d’euros pour Hamelin. En effet, l’amende infligée aux requérantes serait proche de leur plafond de 10 %, tandis que celles infligées à Bong et à Hamelin n’atteindraient pas la moitié de leurs plafonds respectifs. Or, en l’absence d’adaptation, ces amendes auraient toutes atteint ce plafond, soit 12,1 millions d’euros pour les requérantes, 29,6 millions d’euros pour Bong, et 50,1 millions d’euros pour Hamelin. Ainsi, l’amende qui a été infligée aux requérantes après adaptation aurait dû être beaucoup moins élevée que celles infligées à Bong et à Hamelin, avec des chiffres d’affaires respectivement deux et quatre fois plus élevés que celui des requérantes.

73      Les requérantes contestent avoir « bénéficié d’une réduction généreuse », leur amende résultant de l’application du plafond de 10 % n’ayant été réduite que de 0,3 % (à 9,7 %), comparé aux réductions beaucoup plus importantes dont ont bénéficié Bong et Hamelin, la gravité et la durée de l’infraction étant par ailleurs identiques. En outre, l’application régulière du plafond de 10 % n’aurait pas conduit à infliger aux requérantes une amende finale « considérablement » plus élevée, car celle-ci n’aurait été accrue que du montant de 140 000 euros, tout à fait négligeable eu égard aux réductions accordées à Bong et à Hamelin grâce à l’adaptation de leurs montants de base. En l’espèce, les différences de traitement ne seraient précisément pas le résultat d’une application du plafond de 10 % en tant que « seuil d’écrêtement » au sens de la jurisprudence, mais celui d’une adaptation exceptionnelle des montants de base au titre du paragraphe 37 des lignes directrices qui s’écartait de la méthode de calcul qui y était prévue. En outre, le plafond de 10 % serait un critère « légalement établi » à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 pour déterminer les amendes, au même titre que les critères de gravité et de durée de l’infraction, au sens de l’article 23, paragraphe 3, du même règlement.

74      Les requérantes soutiennent que cette inégalité de traitement n’est pas objectivement justifiée. Dans son arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289, point 80), le Tribunal aurait lui-même reconnu qu’il était inhérent à la méthodologie des lignes directrices que les circonstances atténuantes n’aient pas d’effet dans le cas des entreprises présentant un ratio « monoproduit » élevé et aurait renoncé à une adaptation des amendes. Or, si, en l’espèce, la Commission a pu s’écarter de cette méthodologie avec pour objectif déclaré que les circonstances atténuantes reconnues à Mayer-Kuvert aient une incidence sur l’amende qui lui était infligée, cette approche ne saurait être justifiée objectivement dans la mesure où elle avait pour effet un traitement discriminatoire des requérantes à l’égard de Bong et de Hamelin, le seul élément différenciateur entre les trois entreprises ayant été leur chiffre d’affaires global. En effet, en l’absence d’« adaptation » exceptionnelle des montants de base, toutes les amendes auraient atteint le plafond de 10 %, conformément à l’objectif visé par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 permettant « que les amendes varient selon la taille et la puissance économique des entreprises sanctionnées, de sorte que plus le chiffre d’affaires est important, plus l’amende peut être élevée ».

75      Selon les requérantes, les différences entre les ratios « monoproduit » des requérantes (90 %), d’une part, et de Bong (80 %) et de Hamelin (17 %), d’autre part, ne peuvent justifier objectivement que l’amende infligée aux requérantes se situe proche du plafond de 10 % de son chiffre d’affaires global, tandis que celles infligées à Bong et à Hamelin n’atteignent même pas la moitié de leurs plafonds respectifs. Elles seraient davantage discriminées à l’égard de Hamelin dont l’activité ne présenterait même pas de caractère « monoproduit ». En effet, en 2012, Hamelin n’aurait réalisé aucune vente du produit cartellisé, de sorte que son ratio « monoproduit » aurait été de 0 et non de 17 %. L’inégalité de traitement ne saurait non plus être justifiée objectivement par le poids relatif des montants de base non adaptés des requérantes (118 235 000 euros), d’une part, et de Bong et de Hamelin (115 500 000 et 150 717 000 euros), d’autre part. En revanche, le montant de base adapté des requérantes atteindrait presque le plafond de 10 % de leur chiffre d’affaires global (9,7 %), à la différence de Bong et de Hamelin dont les montants de base non adaptés n’atteindraient même pas la moitié de leur plafond (4,7 % et 4,5 % respectivement).

76      Les requérantes contestent l’argument de la Commission selon lequel le taux de réduction appliqué à leur égard est le plus petit possible qui permette d’abaisser le montant de base sous le plafond de 10 %. En effet, Bong se serait vu appliquer un taux de réduction de 88 %, alors qu’un taux de 75 % aurait été suffisant pour porter son montant de base (de 115 500 000 euros) en dessous de ce plafond (de 29 631 227 euros). De même, d’après les mêmes tableaux, Hamelin se serait vu appliquer un taux de réduction de 85 %, alors qu’un taux de 67 % aurait été suffisant pour porter son montant de base (de 150 717 000 euros) en dessous de ce plafond (de 50 170 600 euros). Les requérantes estiment que l’obligation de la Commission de réduire leur amende en appliquant un taux plus élevé, proportionnel à la différence entre leur ratio « monoproduit » et celui des autres entreprises, découle directement du principe général d’égalité de traitement. En effet, elles auraient été la seule entreprise sanctionnée dont le taux de réduction (90 %) n’a pas été augmenté par rapport à son ratio « monoproduit » (90 %), tandis que les taux de réduction appliqués à Bong (88 %) et à GPV (98 %) étaient plus élevées que leurs ratios « monoproduit » réels respectifs (80 % et 93 %). Dans le cas de Hamelin, le taux de réduction aurait même été porté à 85 % alors que son ratio « monoproduit » était de 0 %, car rien ne justifierait de tenir compte du ratio de 17 % de son ancienne filiale cédée à Bong en 2010. Ainsi, pour remédier à cette discrimination, le taux de réduction qui aurait dû être accordé aux requérantes au titre du paragraphe 37 des lignes directrices devrait être de 95,3671 %, et non de 90 %, en ce qu’il porterait leur montant de base, après adaptation, à 4,5 % de leur chiffre d’affaires global en 2013.

77      En second lieu, à titre subsidiaire, les requérantes soutiennent également avoir été discriminées au regard des montants de base tels qu’ils ont été adaptés. La décision attaquée attacherait une grande importance au « poids relatif » des montants de base non adaptés, en tant que critère déterminant le taux de réduction appliqué à chaque entreprise au titre du paragraphe 37 des lignes directrices. Or, compte tenu des montants de base non adaptés, les requérantes se seraient également vu discriminer à l’égard de GPV. Celle-ci aurait bénéficié d’un taux de réduction de 98 %, à la différence de celui de 90 % accordé aux requérantes, de sorte que son montant de base adapté n’aurait représenté que 2 % de son montant de base non adapté. En revanche, le montant de base adapté des requérantes aurait représenté 10 % de leur montant de base non adapté, soit cinq fois plus que dans le cas de GPV.

78      Cette inégalité de traitement serait dépourvue de justification objective. La différence entre les ratios « monoproduit » des requérantes et de GPV ne serait pas suffisamment importante à cet effet, le ratio « monoproduit » de GPV (93 %) n’ayant été que trois points plus élevé que celui des requérantes (90 %). Compte tenu du taux de réduction de 98 % accordé à GPV, les requérantes auraient dû se voir appliquer un taux de réduction de 94,84 %, ramenant leur montant de base adapté à 6 100 926 euros, au lieu de 11 823 500 euros. Cette approche s’imposerait également au regard du poids relatif des montants de base non adaptés, le montant de base non adapté des requérantes n’ayant été que 14,5 % plus élevé que celui de GPV (118 235 000 contre 103 196 000 euros), mais leur montant de base adapté ayant été 472,8 % plus élevé que celui de GPV (11 823 500 contre 2 063 920 euros). Or, l’octroi d’un taux de réduction de 94,84 % aux requérantes aurait conduit à ce que leur montant de base adapté s’élève à 5,16 % de leur montant de base non adapté, contre 2 % pour GPV. En affirmant que le montant de base adapté de GPV représente 17,45 % de celui des requérantes, la Commission reconnaîtrait d’ailleurs elle-même que l’équilibre entre les amendes infligées aux requérantes et à GPV n’a pas été maintenu.

79      La Commission conclut au rejet du présent moyen dans son ensemble.

80      Elle conteste que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global, au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, soit un critère de gradation des amendes. Il s’agirait d’une limite extrinsèque, un plafond légal que la sanction, quelle que soit la méthode de calcul utilisée, ne pourrait dépasser, avec pour but d’éviter que ne soient infligées des amendes disproportionnées et excessives, que l’entreprise concernée ne serait pas capable de payer. Cet objectif devrait être combiné avec la nécessité d’assurer que l’amende ait un caractère suffisamment dissuasif. À cette fin, le plafond de 10 % serait calculé sur la base de la taille et de la puissance économique de l’entreprise concernée, ainsi qu’elles résultent de son chiffre d’affaires global au cours de l’exercice social précédant l’imposition de l’amende. En outre, un plafond ainsi chiffré aurait le mérite d’être prévisible, conformément aux principes de sécurité juridique et de légalité des peines. Cette prévisibilité serait renforcée dans la procédure de transaction, dans le cadre de laquelle l’entreprise concernée doit approuver le montant maximal de l’amende susceptible de lui être infligée. Ainsi, à la différence des critères de la gravité et de la durée de l’infraction prévus à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, pour l’application desquels la Commission jouirait d’un large pouvoir d’appréciation, le plafond de 10 % ne serait pas un critère destiné au calcul des amendes, mais poursuivrait un objectif distinct et autonome. Il ne s’agirait pas non plus d’une amende maximale, à n’imposer que dans le cas des infractions les plus graves, mais d’un seuil d’écrêtement dont l’application aurait pour seule conséquence de réduire, jusqu’au niveau maximal autorisé, le montant de l’amende calculé en fonction des seuls critères de gravité et de durée de l’infraction.

81      En outre, la Commission conteste avoir violé, en l’espèce, le principe d’égalité de traitement. Le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global étant un seuil d’écrêtement et non un critère de gradation des amendes, le seul fait que l’amende infligée à une entreprise soit proche dudit plafond, à la différence de celle d’autres participants à l’entente, ne pourrait constituer une violation dudit principe. En outre, les disparités entre les amendes sur le plan de la proportion du chiffre d’affaires global seraient « inhérentes » à la méthode de calcul prévue au paragraphe 13 des lignes directrices, laquelle ne serait pas fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées. Dès lors, les comparaisons fondées sur les proportions que les amendes représentent du chiffre d’affaires global, ou sur les écarts entre lesdites proportions et le plafond de 10 %, seraient dénuées de pertinence et non susceptibles d’étayer un traitement inégal des requérantes. En effet, pour se conformer au principe d’égalité de traitement, la Commission ne serait pas tenue de s’assurer que le montant final des amendes infligées aux entreprises impliquées dans une même infraction traduise une différenciation entre elles quant à leur chiffre d’affaires global. Dans la mesure où la Commission leur infligerait des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction commise, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises. À plus forte raison, il ne serait pas possible de conclure à l’existence d’un traitement inégal en comparant le rapport entre les montants intermédiaires des amendes et le plafond de 10 % de chaque entreprise.

82      La Commission précise que le principe d’égalité de traitement est soumis à des limitations découlant de la nécessité de l’appliquer conjointement avec d’autres principes généraux de droit, comme le principe de légalité, le principe de personnalité des peines, ou l’exigence que l’amende revête un effet dissuasif suffisant. Ainsi, une entreprise ne saurait invoquer à son profit, pour obtenir une réduction de l’amende qui lui a été infligée, une erreur commise dans la détermination du montant de l’amende infligée à une autre entreprise. À supposer même que la Commission ait commis une erreur dans la détermination du montant des amendes infligées à Bong, à Hamelin ou à GPV, et que ces amendes aient dû être plus élevées, cette erreur ne justifierait pas de réduire davantage l’amende infligée aux requérantes. En l’espèce, elle aurait appliqué la même méthode de calcul des amendes pour toutes les entreprises, la seule différence résidant dans les taux de réduction légèrement différents accordés à chaque entreprise. Or, ces écarts se fonderaient sur des raisons objectives ayant trait à la situation de chaque entreprise et sur la nécessité de veiller à ce que les amendes revêtent un caractère suffisamment dissuasif, ce qui serait donc un facteur de différenciation objectivement justifié. Il ne serait pas non plus contraire au principe d’égalité de traitement d’appliquer des taux de réduction de manière à conserver le lien entre les montants de base non adaptés des différentes amendes.

83      La Commission conteste avoir violé le principe d’égalité de traitement à l’égard des requérantes en adaptant les montants de base des amendes et en s’écartant de la méthode prévue dans les lignes directrices. Elle rappelle que les requérantes ont demandé elles-mêmes cette adaptation exceptionnelle lors de la procédure de transaction et ont bénéficié d’un taux de réduction généreux de 90 % correspondant à leur ratio « monoproduit », rendant leur amende adaptée à la gravité et à la durée de leur infraction. Selon la Commission, si elle avait appliqué le plafond de 10 %, cette amende aurait été considérablement plus élevée, à savoir, sur la base du chiffre d’affaires global de 2013 de 12 173 000 euros, de celui de 2015 de 13 166 700 euros, et de celui de 2016 de 16 282 000 euros. En revanche, la méthode de calcul demandée par les requérantes n’aurait pas eu pour résultat une meilleure adéquation des amendes à la gravité et à la durée de l’infraction commise par chaque entreprise, mais ce résultat aurait risqué d’être déterminé uniquement par le plafond de 10 %. Par ailleurs, la participation moindre de Mayer-Kuvert n’aurait eu aucune incidence et, en tout état de cause, les montants des amendes auraient été différents. Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir infligé aux requérantes une amende qui ne se fonde ni sur la gravité ni sur la durée de leur infraction.

84      S’agissant de la première branche du présent moyen, la Commission rétorque ne pas avoir appliqué les ratios « monoproduit » de manière linéaire en attribuant à chaque entreprise un taux de réduction égal ou proportionné à son ratio « monoproduit », aucune règle de droit de l’Union ne l’ayant obligée à le faire. En tenant compte du ratio « monoproduit », elle aurait également cherché à maintenir le lien entre les montants de base non adaptés qui reflétaient la participation de chaque entreprise à l’entente. En outre, pour que l’amende soit dissuasive, il aurait fallu que la réduction appliquée soit la plus petite possible qui permette d’abaisser le montant de base en dessous du plafond de 10 %. Or, l’adaptation du montant de base de l’amende des requérantes en fonction d’un taux plus élevé, proportionnel à la différence entre leur ratio « monoproduit » et celui des autres entreprises, aurait eu pour effet de leur infliger une amende non suffisamment dissuasive. Par ailleurs, les requérantes auraient bénéficié d’une réduction plus importante que Bong et Hamelin, les montants de base adaptés ayant été de 11 823 500 euros, de 13 860 000 euros et de 22 607 550 euros, respectivement. S’agissant de Bong, la Commission précise que, bien qu’un taux de réduction (88 %) supérieur à son ratio « monoproduit » (80 %) lui ait été appliqué, son montant de base adapté (13 860 000 euros) était, en chiffres absolus, supérieur à celui des requérantes (11 823 500 euros), et ce en dépit du fait que la valeur des ventes et le montant de base non adapté des requérantes (143 316 000 et 118 235 000 euros) étaient supérieurs à ceux de Bong (140 000 000 et 115 500 000 euros). S’agissant de Hamelin, la Commission lui aurait appliqué le taux de réduction le plus faible de toutes les entreprises (85 %). Seule GPV aurait bénéficié d’un taux de réduction plus important que les requérantes, en raison, d’une part, de son ratio « monoproduit » supérieur, voire le plus élevé (93 %) et, d’autre part, de la nécessité de lui accorder un taux de réduction minimal de 98 % pour assurer que le montant de base adapté soit inférieur au plafond de 10 % de son chiffre d’affaires global. La situation des requérantes aurait toutefois été différente, leur ratio « monoproduit » ayant été de 90 % et le taux de réduction minimal nécessaire pour que leur montant de base adapté soit inférieur au plafond de 10 % de leur chiffre d’affaires global de 2013 ayant été de 89,9 % (88,9 % relatif au chiffre d’affaires global de 2015 et 86,2 % relatif à celui de 2016). Enfin, une prise en compte linéaire du ratio « monoproduit » aurait supposé de lui accorder une importance excessive et aurait entraîné des conséquences injustes. Ainsi, le montant de base adapté de Mayer-Kuvert, dont le ratio « monoproduit » s’élevait à 76 %, aurait été plus élevé (57 769 000 – 70 % = 13 864 560 euros) que le montant de base adapté des requérantes (118 235 000 – 90 % = 11 823 500 euros), alors que le montant de base non adapté des requérantes s’élevait à plus du double de celui de Mayer-Kuvert (118 235 000 euros pour les requérantes comparés à 57 769 000 euros pour Mayer-Kuvert). La Commission en déduit que le taux de réduction appliqué à chaque entreprise découle d’une évaluation globale de plusieurs facteurs et pas seulement du ratio « monoproduit ». Les requérantes viseraient en réalité à obtenir le bénéfice de taux de réduction appliqués à d’autres entreprises et non à corriger une illégalité. En tout état de cause, eu égard à leur chiffre d’affaires global en 2015, le montant de base adapté de leur amende ne représenterait pas 9,7 %, mais 8,97 % de ce chiffre d’affaires.

85      La Commission en conclut que les griefs avancés par les requérantes sont inopérants en ce qu’ils cherchent à transformer le plafond de 10 % en un critère pour le calcul des amendes. Or, il ressortirait d’une jurisprudence constante que les montants issus de calculs intermédiaires peuvent dépasser ledit plafond. S’agissant des montants finaux des amendes, la Commission relève que les requérantes ne se comparent pas à GPV, qui, avec un ratio « monoproduit » plus élevé que le leur (98 %) et un montant de base non adapté légèrement inférieur (103 196 000 euros), se voit attribuer un montant de base adapté représentant 9,6 % de son chiffre d’affaires global, soit seulement 0,1 % de moins que ce que représente le montant de base adapté des requérantes, soit 9,7 %, et une amende finale qui correspond à un taux plus élevé (7,07 %) de son chiffre d’affaires global que ce que représente l’amende finale des requérantes (3,88 % ou 2,9 % par rapport aux chiffres d’affaires globaux de 2015 ou de 2016). Les requérantes ne se compareraient pas non plus à Mayer-Kuvert, dont l’amende finale serait supérieure à la leur en chiffres absolus (4 991 000 contre 4 729 000 euros) en dépit du fait que la participation de Mayer-Kuvert à l’infraction était moins importante et que la valeur de ses ventes représentait moins de la moitié de la valeur des ventes des requérantes (70 023 181 contre 143 316 000 euros).

86      S’agissant de la seconde branche du présent moyen, la Commission rappelle que les adaptations des montants de base ne visaient pas à appliquer de manière automatique le ratio « monoproduit » de chacune des entreprises, mais, dans un premier temps, compte tenu dudit ratio, à réduire l’amende du pourcentage nécessaire à ce que le montant de base non adapté de l’amende de chacune des entreprises se situe en deçà du plafond de 10 % et, dans un second temps, à maintenir l’équilibre entre les amendes infligées après ces adaptations. Concernant GPV, le montant de base non adapté (103 196 000 euros) représenterait 87,2 % du montant de base non adapté des requérantes (118 235 000 euros), qui dépasserait donc de 12,7 % celui de GPV. En outre, le ratio « monoproduit » de GPV (93 %) aurait été plus élevé que celui des requérantes (90 %). Selon la Commission, même si le montant de base adapté de GPV (2 063 920 euros) représente 17,45 % du montant de base adapté des requérantes (11 823 500 euros), cela repose sur une évaluation globale de l’ensemble des circonstances objectives liées à la situation de chaque entreprise. Lors du calcul de l’amende des requérantes, la Commission n’aurait eu aucune raison de procéder à une adaptation uniquement par comparaison à GPV. Ainsi, le montant de base non adapté des requérantes aurait été également plus élevé de 2,32 % par rapport à celui de Bong, de 204 % par rapport à celui de Mayer-Kuvert et de 21,56 % par rapport à celui de Hamelin. Or, d’une part, le ratio « monoproduit » de GPV (93 %) plus élevé que celui des requérantes aurait justifié une réduction plus importante que celles accordées aux autres entreprises et, d’autre part, à la différence de la situation des requérantes, la réduction minimale nécessaire pour abaisser le montant de base adapté de GPV en dessous du plafond de 10 % aurait été de 98 %. Dès lors, une éventuelle inégalité de traitement aurait été justifiée objectivement. En réalité, les requérantes auraient été favorisées par l’application d’un taux de réduction de 90 %, alors même que, eu égard à leur chiffre d’affaires global de 2015 (ou de 2016), la réduction minimale nécessaire pour que leur montant de base adapté soit inférieur au plafond de 10 % se serait élevé à 88,9 % (2015) ou à 86,2 % (2016).

2.      Observations liminaires

87      Par le présent moyen, les requérantes invoquent une violation du principe d’égalité de traitement à leur égard dans l’application de la méthode de calcul des amendes infligées et, en particulier, de la méthode d’adaptation des montants de base, en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices, ainsi résumée dans le tableau A figurant au considérant 22 de la décision attaquée.

88      À titre principal, les requérantes font grief à la Commission de leur avoir appliqué un taux de réduction discriminatoire de 90 % correspondant exactement à leur ratio « monoproduit », mais différent de celui dont auraient bénéficié les autres entreprises, notamment Bong et Hamelin. Cette adaptation discriminatoire des montants de base aurait eu pour effet que le montant de base adapté des requérantes se serait situé à 9,7 % de leur chiffre d’affaires global, alors que les montants de base adaptés de Bong et de Hamelin n’auraient représenté que 4,7 % et 4,5 % de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs. Ces écarts différents par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global seraient le résultat d’une pondération inégale de la taille et de la puissance économique respectives desdites entreprises, déterminées en fonction de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs – soit 121 millions d’euros pour les requérantes ; 296 millions d’euros pour Bong, et 501 millions d’euros pour Hamelin –, qui serait contraire à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et justifiée objectivement, notamment, ni par le poids relatif des montants de base non adaptés des requérantes, de Bong et de Hamelin, ni par le besoin de ramener lesdits montants de base juste en dessous du plafond de 10 %, ce qui aurait justifié une réduction de seulement 75 % dans le cas de Bong et de 67 % dans le cas de Hamelin.

89      À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que l’amende qui leur a été infligée est également discriminatoire au regard des montants de base adaptés au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, notamment à l’égard de celui de GPV qui s’est vu appliquer un taux de réduction de 98 % de son montant de base, contre seulement 90 % dans le cas des requérantes, de sorte que son montant de base adapté ne représentait que 2 % de son montant de base non adapté. En revanche, le montant de base adapté des requérantes aurait représenté 10 % de leur montant de base non adapté, soit cinq fois plus que dans le cas de GPV, quand bien même les montants de base non adaptés des requérantes et de GPV étaient très proches l’un de l’autre.

90      Le Tribunal estime opportun d’apprécier, dans un premier temps, le bien-fondé des prémisses juridiques des griefs avancés par les requérantes à l’aune des critères reconnus par la jurisprudence, notamment relatifs au respect du principe d’égalité de traitement et à l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires global prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003. Dans un second temps, il sera examiné si la méthode d’adaptation des montants de base des amendes, telle qu’elle est exposée dans la décision attaquée, est conforme à ces critères et en particulier à ceux régissant le principe d’égalité de traitement.

3.      Rappel de jurisprudence

91      Le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la Charte. Selon une jurisprudence constante, également applicable en droit de la concurrence, ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 186 et jurisprudence citée, et du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).

92      La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 187 et jurisprudence citée). La jurisprudence précise à ce sujet que la Commission doit apprécier, dans chaque cas d’espèce et eu égard à son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement no 1/2003, l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise (arrêts du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 144 et jurisprudence citée).

93      À cet égard, la jurisprudence reconnaît qu’il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Ainsi, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, points 54 et 59 ; du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 145 et 149, et du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 81).

94      Conformément à cette jurisprudence, le paragraphe 13 des lignes directrices prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ». Ces mêmes lignes directrices précisent, à leur paragraphe 6, que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et […] la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction » (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 56 ; du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 147, et du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).

95      Par ailleurs, il a été jugé que, si l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir. Ainsi, d’une part, le montant de l’amende susceptible d’être infligée à une entreprise connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être mis à la charge d’une entreprise donnée est déterminable à l’avance. D’autre part, l’exercice de ce pouvoir d’appréciation est également limité par les règles de conduite que la Commission s’est elle-même imposées, notamment dans les lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 58 ; du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 146, et du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 37).

96      S’agissant de l’application de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, il ressort d’une jurisprudence constante que seul le montant final de l’amende infligée doit respecter la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires prévue à cette disposition et que celle-ci n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes du calcul de l’amende, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende n’excède pas ladite limite. Ainsi, s’il s’avère que, aux termes du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence du montant dépassant ladite limite supérieure, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final. En effet, ladite limite supérieure vise à éviter que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, eu égard à leur taille, telle qu’elle est déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne soient pas en mesure de s’acquitter. Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction. Ladite limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base de ces critères est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non publié, EU:C:2012:455, points 80 à 84 ; du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 36, et du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, points 83 et 84 et jurisprudence citée).

97      La Cour en déduit que la fixation, pour toutes les entreprises sanctionnées ayant participé à une même infraction, des amendes à 10 % de leurs chiffres d’affaires respectifs, dès lors qu’elle ne résulte que de l’application du plafond prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, ne saurait être constitutive d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. De même, eu égard à l’objectif visé par ce plafond, la circonstance que l’application des lignes directrices par la Commission, aboutisse fréquemment ou régulièrement à ce que le montant de l’amende infligée soit égal à 10 % du chiffre d’affaires ne saurait remettre en cause la légalité de l’application dudit plafond (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, points 85 et 86). En ce même sens, le Tribunal a jugé, d’une part, que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global d’une entreprise ayant enfreint les règles de la concurrence ne constituait qu’un seuil d’écrêtement et, d’autre part, que le seul fait que l’amende infligée à une telle entreprise était très proche dudit plafond, alors que ce pourcentage était plus faible pour d’autres participants à l’entente, ne pouvait constituer une violation du principe d’égalité de traitement ou de proportionnalité, cette conséquence étant inhérente à l’interprétation du plafond de 10 % comme simple seuil d’écrêtement applicable après une éventuelle réduction du montant de l’amende en raison de circonstances atténuantes ou du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, points 161 à 163 et jurisprudence citée).

98      Il a encore été jugé que, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 58, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 133 et jurisprudence citée).

99      Enfin, ainsi que le Tribunal l’a reconnu dans son arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission (T‑456/10, EU:T:2015:296, point 74), confirmé par l’arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission (C‑411/15 P, EU:C:2017:11), ces principes jurisprudentiels s’appliquent mutatis mutandis au calcul des amendes infligées aux termes d’une procédure de transaction.

4.      Sur le bien-fondé des prémisses juridiques des griefs invoqués

100    Il découle des principes jurisprudentiels rappelés aux points 91 à 99 ci-dessus que, aux fins du contrôle du respect du principe d’égalité de traitement dans le cas d’espèce, il y a lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, la détermination obligatoirement égalitaire du montant de base des amendes à infliger aux entreprises concernées et, d’autre part, l’application à l’égard desdites entreprises du plafond de 10 %, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, qui est susceptible de varier en fonction de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs.

101    En effet, si, certes, la Commission peut valablement choisir, comme elle l’a fait en l’espèce, une méthode de calcul du montant de base qui est fondée sur la valeur des ventes effectuées au cours d’une année entière couverte par l’infraction, à savoir 2007 dans la décision initiale, pour caractériser l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise qui y a participé (voir la jurisprudence citée aux points 93 et 94 ci-dessus), elle est tenue de respecter, dans ce contexte, le principe d’égalité de traitement. En revanche, l’application du plafond de 10 % pour déterminer le montant final des amendes n’est, en principe, tributaire ni de cette importance économique de l’infraction, ni du poids relatif de chaque entreprise participante, ni de la gravité ou de la durée de ladite infraction commise par celle-ci, mais revêt un caractère purement automatique qui est lié exclusivement à son chiffre d’affaires global, raison pour laquelle la jurisprudence a jugé que cette application ne saurait avoir pour conséquence, notamment, une violation du principe d’égalité de traitement. Au contraire, eu égard à son objectif – distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction – en tant que seuil maximal prévisible et uniformément applicable visant à garantir que les entreprises ne se voient pas infliger des amendes d’un niveau excessif et disproportionné par rapport à leur taille et de leur capacité contributive, son application automatique est ipso facto conforme au principe d’égalité de traitement (voir la jurisprudence citée aux points 96 et 97 ci-dessus).

102    Il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, les requérantes ne contestent pas l’application en soi du plafond de 10 %, ni en tant que seuil d’écrêtement aux amendes finalement infligées aux entreprises concernées, ni en tant que critère correcteur exceptionnel à un stade intermédiaire de leur calcul, à savoir dans le cadre de la détermination des montants de base afin de les porter en dessous de ce seuil. Ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, au cours de la procédure administrative, les requérantes avaient même expressément demandé une adaptation exceptionnelle de leur montant de base, au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, pour tenir compte de leur caractère « monoproduit » (voir point 9 ci-dessus). À cet égard, les requérantes ne remettent pas non plus en cause la circonstance que la Commission se soit inspirée de la méthodologie envisagée dans l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289, point 80), afin de tenir compte, notamment, du caractère « monoproduit » des entreprises concernées, certes à l’exception de Hamelin, ainsi que de la participation moindre à l’infraction de Mayer-Kuvert pour assurer que la circonstance atténuante en résultant se répercute sur le montant final de l’amende à lui infliger (considérants 11 à 13 de la décision attaquée).

103    En revanche, ce que les requérantes contestent, notamment, dans le cadre de la première branche du présent moyen, est tant la manière dont la Commission a effectué cette adaptation des montants de base que ses résultats – en matière d’écarts par rapport au plafond de 10 % – qui seraient discriminatoires à leur égard.

104    À ce sujet, force est de constater à titre liminaire que la Commission n’est pas fondée à soutenir que le résultat de l’application du plafond de 10 % à ce stade intermédiaire du calcul des amendes à infliger produit ipso facto des résultats conformes au principe d’égalité de traitement, dès lors qu’elle tient compte des différences entre les chiffres d’affaires globaux de toutes les entreprises concernées. En effet, lorsque, comme en l’espèce, la Commission choisit, en vertu de son pouvoir d’appréciation au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, de tenir compte du plafond de 10 %, à titre exceptionnel, déjà à un stade intermédiaire du calcul des amendes pour adapter leurs montants de base, elle le fait en dehors du champ d’application stricto sensu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, de sorte que les principes jurisprudentiels rappelés aux points 96 et 97 ci-dessus ne peuvent se voir appliquer tels quels. Ainsi, contrairement à ce qu’elle prétend, en s’inspirant du plafond de 10 % en dehors de son cadre juridique formel pour l’employer comme critère de différenciation, voire de gradation des amendes à un stade intermédiaire, son approche est susceptible de générer des résultats contraires au principe d’égalité de traitement eu égard, notamment, aux objectifs de sanction et de dissuasion liés aux critères de gravité et de durée de l’infraction.

105    Il convient donc d’apprécier si la Commission a respecté le principe d’égalité de traitement dans le contexte de l’adaptation des montants de base des amendes en s’inspirant de la méthodologie envisagée dans l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289, point 80). À cette fin, compte tenu de la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, il y a lieu de vérifier si les entreprises concernées, notamment les requérantes, d’une part, et Bong, Hamelin (première branche) et GPV (seconde branche), d’autre part, se trouvaient dans des situations identiques ou comparables, si ces situations ont été traitées de manière égale ou inégale, et si un éventuel traitement inégal était justifié objectivement.

5.      Sur la comparabilité des situations en cause, sur leur traitement égal ou inégal et sur le caractère objectivement justifié dudit traitement

a)      Observations liminaires

106    Aux fins de l’appréciation de la comparabilité ou non des situations individuelles des entreprises concernées, il y a lieu de tenir compte des données pertinentes ainsi que des opérations de calcul effectuées par la Commission, dans les décisions initiale et attaquée, pour déterminer et adapter les montants de base des amendes, ainsi reproduites dans le tableau suivant :

Entreprise

Valeur des ventes EUR en 2007

Coefficient de gravité

Durée (années)

Montant additionnel

Montant de base EUR

Ratio produit/
chiffre d’affaires

Adaptation/réduction

Montant de base adapté

Bong

140 000 000

15 %

4,5

15 %

115 500 000

80 %

88 %

13 860 000

[…] GPV

125 086 629

15 %

4,5

15 %

103 196 000

93 %

98 %

2 063 920

Hamelin

185 521 000

15 %

4,416

15 %

150 717 000

17 %

85 %

22 607 550

Mayer-Kuvert

70 023 181

15 %

4,5

15 %

57 769 000

76 %

88 %

6 932 280

Printeos [...]

143 316 000

15 %

4,5

15 %

118 235 000

90 %

90 %

11 823 500


107    Il ressort dudit tableau que, aux fins de la détermination des montants de base des amendes avant leur adaptation (ci-après les « montants de base non adaptés »), la Commission a dûment pris en considération les différences entre les valeurs des ventes effectuées par les entreprises concernées, ainsi que celles relatives à la durée de leur participation à l’infraction (4,5 ans, sauf Hamelin avec 4,416 ans) pour leur appliquer la même méthode de calcul en les multipliant par le même coefficient de gravité (15 %) et en leur ajoutant un montant additionnel déterminé par le même pourcentage (15 %), conformément aux paragraphes 13, 21 et 25 des lignes directrices.

108    Dès lors, eu égard à l’objectif de sanction de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et des lignes directrices et à l’application de la même méthode de calcul à leur égard, à ce stade, les requérantes et les autres entreprises se trouvaient dans des situations comparables aux fins du calcul des amendes les concernant. En effet, au regard de cet objectif de sanction et notamment de dissuasion qui dépend de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées, la variation entre les valeurs des ventes est, en principe, un critère de différenciation idoine, en ce qu’elle reflète l’importance économique de l’infraction en cause ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à cette infraction, et constitue, partant, une condition préalable importante à l’application correcte du principe d’égalité de traitement lors du calcul des montants de base (voir la jurisprudence citée aux points 93 et 94 ci-dessus).

109    Il y a donc lieu de conclure que, en l’espèce, les montants de base non adaptés ont été déterminés conformément au principe d’égalité de traitement.

110    Toutefois, il convient de vérifier si la Commission a traité de manière égale des situations non comparables ou de manière inégale des situations identiques ou comparables par la manière dont elle a, à titre exceptionnel, adapté les montants de base sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices.

b)      Sur l’adaptation égalitaire des montants de base des amendes

1)      Sur la méthode d’adaptation exposée dans la décision attaquée

111    Il y a lieu de rappeler que la Commission a accordé des taux de réduction distincts aux requérantes (90 %), à Bong (88 %), à Hamelin (85 %) et à GPV (98 %) qui ne correspondaient pas, à l’exception du cas des requérantes, aux ratios produit/chiffre d’affaires de ces entreprises, soit 90 % pour les requérantes, 80 % pour Bong, 17 % pour Hamelin et 93 % pour GPV (voir considérants 15 à 17 de la décision attaquée).

112    Les objectifs, les motifs et la méthode de calcul sur lesquels repose l’adaptation des montants de base opérée par la Commission se trouvent exposés aux considérants 10 à 22 et 57 à 62 de la décision attaquée (voir points 31 et suivants ci-dessus) qui constitue une motivation modifiée et complétée, voire nouvelle par rapport à celle exposée dans la décision initiale qui avait donné lieu à son annulation dans l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722).

113    Ainsi, il ressort du considérant 15 de la décision attaquée que la Commission a, dans un premier temps, adapté les montants de base en prenant en considération la part de la valeur des ventes du produit cartellisé par rapport au chiffre d’affaires global de chacune des entreprises concernées, ce qu’elle appelle le ratio produit/chiffre d’affaires. Selon la Commission, ces adaptations visent en même temps à assurer que les amendes adaptées reflètent toujours la gravité d’ensemble de l’infraction, sans pour autant fausser le poids relatif des montants de base respectifs desdites entreprises correspondant à leur implication comparable dans l’entente. Ce ratio produit/chiffre d’affaires a été calculé sur la base du chiffres d’affaires total des ventes du produit cartellisé (enveloppes) par rapport au chiffre d’affaires mondial total en 2012 de chacune de ces entreprises. Ainsi qu’il ressort du tableau A exposé au considérant 22 de la décision attaquée, une entreprise avec un ratio produit/chiffre d’affaires plus élevé a bénéficié d’un taux de réduction supérieur ou égal à celui accordé à une entreprise avec un ratio produit/chiffre d’affaires plus bas (considérant 16 de la décision attaquée).

114    Il est relevé que seul Hamelin, à la suite de la cession de ses actifs de production d’enveloppes, n’a plus affiché de ventes du produit cartellisé en 2012, raison pour laquelle son ratio produit/chiffre d’affaires a été estimé en comparant son chiffre d’affaires de 2012 avec les ventes du produit cartellisé de cette année par son ancienne filiale. En outre, il est indiqué que GPV, l’entreprise avec le ratio produit/chiffre d’affaires le plus élevé, a bénéficié d’une réduction de 98 %, nécessaire afin de porter son chiffre d’affaires en deçà du plafond de 10 %. Par conséquent, les autres entreprises auraient bénéficié de réductions moins importantes, déterminées à titre individuel et reflétant leurs ratios produit/chiffre d’affaires respectifs, ainsi que le poids relatif des montants de base qui leur étaient attribués (considérant 17 de la décision attaquée).

115    Selon la Commission, une réduction linéaire fondée sur les ratios produit/chiffre d’affaires individuels aurait donné lieu à des résultats injustifiés et aurait faussé le poids relatif des montants de base. En vertu d’une telle approche, par exemple, Mayer-Kuvert, avec un ratio produit/chiffre d’affaires de 76 %, aurait vu adapter son montant de base à un niveau plus élevé que le montant de base adapté des requérantes, avec un ratio produit/chiffre d’affaires de 90 %, alors que, avant l’adaptation, leur montant de base était plus que le double de celui de Mayer-Kuvert. La méthodologie utilisée aurait donc, pour des raisons d’équité, cherché à rétablir l’équilibre entre les montants de base adaptés en accordant des réductions individuelles reflétant non seulement les ratios produit/chiffre d’affaires, mais également le caractère comparable de l’implication des entreprises concernées dans l’entente, tel qu’il ressort des montants de base non adaptés (considérant 18 de la décision attaquée).

116    Enfin, la Commission précise que, même si Hamelin avait un ratio produit/chiffre d’affaires considérablement moins élevé que les autres entreprises, il était nécessaire de réduire également son amende afin de tenir compte du fait que son rôle dans l’entente était semblable à celui desdites entreprises. Compte tenu de son ratio produit/chiffre d’affaires, la réduction du montant de base de Hamelin serait la moins importante comparée à celles dont auraient bénéficiées toutes les autres entreprises (considérant 19 de la décision attaquée). Si la Commission n’avait fondé les réductions que sur le ratio produit/chiffre d’affaires des entreprises concernées, Hamelin n’aurait pas bénéficié d’une réduction et son montant de base aurait été approximativement de 1 275 % plus élevé que le montant de base adapté des requérantes, alors que la valeur des ventes de Hamelin n’était que de 30 % plus élevée que celle des ventes des requérantes (considérant 20 de la décision attaquée). Il en résulterait que la fixation du montant de base de l’amende destinée à Hamelin reflète son implication comparable dans l’entente, ainsi que la gravité et la durée de l’infraction, et a un caractère suffisamment dissuasif (considérant 21 de la décision attaquée).

117    Eu égard à ce qui précède, il convient de retenir les éléments suivants ayant amené la Commission à adapter, à titre exceptionnel, dans les décisions initiale et attaquée, les montants de base des amendes à infliger aux entreprises concernées :

–        la nécessité de fixer un taux de réduction portant le montant de base en deçà du plafond de 10 % du chiffre d’affaires global ;

–        la détermination d’un taux de réduction, notamment, en fonction du ratio produit/chiffre d’affaires des entreprises concernées en 2012, mais de manière non linéaire (un ratio produit/chiffre d’affaires plus élevé donnant lieu à un taux de réduction plus important, le point de référence étant GPV avec un ratio produit/chiffre d’affaires de 93 % bénéficiant d’une réduction de 98 %) ;

–        le rétablissement d’un équilibre entre les montants de base adaptés en accordant des taux de réduction individuels reflétant non seulement les ratios produit/chiffre d’affaires, mais également le caractère comparable de l’implication des entreprises concernées dans l’entente, tel qu’il ressort des montants de base non adaptés ;

–        dans le cas de Hamelin, la détermination du taux de réduction le plus bas de 85 % à partir d’un ratio produit/chiffre d’affaires de seulement 17 %, estimé sur le fondement de la prise en compte des ventes de son ancienne filiale en 2012, et en raison de la nécessité de rétablir, pour des raisons d’équité, l’équilibre de son montant de base adapté avec ceux des autres entreprises (une réduction en fonction du seul ratio produit/chiffre d’affaires générant un montant de base approximativement de 1 275 % plus élevé que le montant de base adapté des requérantes, alors que la valeur des ventes de Hamelin n’était que de 30 % plus élevée que celle des ventes des requérantes).

2)      Sur la légalité des principes et des objectifs ayant guidé l’adaptation des montants de base

118    S’agissant de la réduction non linéaire des montants de base des amendes à infliger aux entreprises concernées, fondée sur les différents ratios produit/chiffre d’affaires, les requérantes font essentiellement grief à la Commission d’avoir accordé, notamment, à Bong un taux de réduction de 88 % presque aussi important que celui accordé en leur faveur (90 %), quand bien même le ratio produit/chiffre d’affaires de Bong de 80 % était 10 % inférieur au leur (90 %). Elles en déduisent que le taux de réduction devant être accordé en leur faveur aurait dû être plus élevé pour satisfaire au principe d’égalité de traitement. De même, serait également contraire à ce principe le fait que le montant de base ainsi adapté, notamment, dans le cas de Bong, ne représente que 4,7 % de son chiffre d’affaires global, alors même que le montant de base adapté des requérantes équivaut à 9,7 % de leur chiffre d’affaires global.

119    Or, étant donné que la Commission n’a pas déterminé les taux de réduction exclusivement ou schématiquement sur le fondement de ces différents ratios produit/chiffre d’affaires, les requérantes ne sont pas fondées à faire valoir qu’il en résulte nécessairement une appréciation comparative erronée, voire une inégalité de traitement en leur défaveur. Il n’en demeure pas moins que, aux fins de la comparaison des situations en cause, il est nécessaire de partir des différents montants de base non adaptés, qui ont été déterminés dans le respect du principe d’égalité de traitement tout en tenant dûment compte de la gravité de l’infraction commise et de l’objectif de sanction et de dissuasion (voir points 107 et 108 ci-dessus). À cet effet, il convient de vérifier si les résultats de l’adaptation respective desdits montants de base, à l’aide des ratios produit/chiffre d’affaires, continuent à présenter un lien suffisant avec les critères pertinents de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et des lignes directrices, en particulier avec la gravité de l’infraction et l’objectif de sanction et de dissuasion dont l’appréciation dépend notamment de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées.

120    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les requérantes ne contestent pas la prise en compte du ratio produit/chiffre d’affaires à l’égard de toutes les entreprises concernées aux fins de l’adaptation de leurs montants de base en dessous du plafond de 10 % de leurs chiffres d’affaires globaux, mais uniquement la détermination non linéaire des taux de réduction, prétendument au détriment des requérantes, sur le fondement desdits ratios et dans le but de maintenir l’équilibre entre les différentes amendes en fonction de la gravité de la participation de chacune des entreprises concernées tout en garantissant que les montants de base adaptés se situent en deçà du seuil de 10 % du chiffre d’affaires global (voir point 117, deuxième et troisième tirets, ci-dessus). Or, force est de constater que l’application de cette méthode a eu pour conséquences, d’une part, que les requérantes se sont vu attribuer une réduction plus importante en matière de pourcentage du montant de base (90 %) que celle dont ont respectivement bénéficié Bong (88 %) et Hamelin (85 %), avec lesquelles elles se comparent, et, d’autre part, que le poids relatif de l’amende finalement infligée aux requérantes a légèrement diminué et leur position relative dans le classement des entreprises concernées par ordre décroissant des montants d’amende infligées s’est améliorée en passant, à la suite de l’adaptation des montants de base, de la deuxième à la troisième place. Par ailleurs, ainsi que le relève la Commission à juste titre, si elle s’était limitée à appliquer ledit plafond de 10 %, comme prévu par l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, en tant que seuil d’écrêtement à la fin du processus de calcul des amendes, c’est-à-dire sans adaptation intermédiaire des montants de base fondée, notamment, sur les ratios produit/chiffre d’affaires, l’amende à infliger aux requérantes aurait été plus élevée et, plus précisément, la deuxième plus importante, au lieu de la troisième plus importante, parmi celles infligées à l’ensemble des entreprises concernées.

121    De même, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation au titre du paragraphe 37 des lignes directrices, demandé par les requérantes elles-mêmes, la Commission pouvait, en principe, valablement adopter, sur ce fondement, une méthode d’adaptation non linéaire des montants de base afin de tenir compte de la nécessité que ces montants continuent à refléter la participation comparable des entreprises concernées à l’entente ainsi que le poids relatif des montants de base non adaptés qui leur étaient attribués. En effet, ainsi qu’il est exposé, en substance, aux considérants 17 à 19 de la décision attaquée, au regard des critères essentiels régissant la détermination des montants des amendes, à savoir ceux de la gravité et de la durée de l’infraction visés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, il était impératif de maintenir un lien suffisamment important entre les montants de base adaptés, d’une part, et les montants de base non adaptés, d’autre part, ces derniers ayant été déterminés à l’aune de ces critères et, notamment, de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées, pour assurer un effet dissuasif suffisant des sanctions (voir point 119 ci-dessus). En revanche, une réduction linéaire et schématique des montants de base, fondée sur les seuls ratios produit/chiffre d’affaires, n’aurait pas assuré un tel résultat, mais aurait notamment eu pour conséquence, surtout dans le cas de Bong et de Mayer-Kuvert, de fixer des montants de base adaptés largement supérieurs à celui des requérantes, quand bien même les montants de base non adaptés de ces entreprises étaient inférieurs à celui des requérantes.

122    À cet égard, il convient de préciser que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le ratio produit/chiffre d’affaires, en tant que coefficient de calcul plutôt insolite combinant la valeur des ventes et le chiffre d’affaires global, ne constitue en soi, à la différence du critère de la valeur des ventes en tant que tel, ni un critère approprié pour refléter la taille et la puissance économique d’une entreprise et, partant, l’importance économique de sa participation à l’infraction (voir par analogie à la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus), ni un critère déterminant pour la fixation d’une amende. Si tel était le cas, un ratio produit/chiffre d’affaires plus élevé serait même de nature à justifier une augmentation correspondante du montant de base d’une amende pour mieux refléter cette taille et cette puissance économique et satisfaire à l’objectif de sanction et de dissuasion. Or, en l’espèce, la Commission s’est limitée à utiliser ce ratio comme une aide à la correction vers le bas, voire a procédé à l’approche inverse en accordant aux entreprises disposant d’un tel ratio plus élevé, certes de manière non linéaire, un taux de réduction plus important tout en tenant compte du besoin d’assurer un équilibre entre les montants de base adaptés en fonction des poids relatifs des entreprises concernées dans la commission de l’infraction. Dans ce contexte, les requérantes méconnaissent aussi la pertinence du chiffre d’affaires global comme critère représentatif de la taille et de la puissance économique d’une entreprise (voir point 88 ci-dessus), la jurisprudence visée au point 93 ci-dessus ayant clairement indiqué que la valeur des ventes du produit cartellisé était un critère plus idoine à cet effet qui doit, de surcroît, pour les raisons exposées aux points 119 et 121 ci-dessus, se voir refléter dans les montants de base des amendes à infliger. Dès lors, ne fût-ce que pour ces motifs, ne peut être accueilli l’argument des requérantes selon lequel la méthodologie d’adaptation choisie par la Commission aurait produit des résultats sans rapport avec la taille et la puissance économique (voir point 72 ci-dessus) et discriminatoires en ce qu’ils présentaient des écarts différents par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global.

123    Au contraire, en l’espèce, la Commission a cherché à maintenir l’équilibre entre les montants de base adaptés, d’une part, et le poids relatif de la participation des entreprises concernées à l’infraction et le besoin d’assurer un effet suffisamment dissuasif des amendes, d’autre part, en déterminant, de manière non linéaire, des taux de réduction individuels afin de garantir que ces montants ne dépassaient pas le plafond de 10 %, mais reflétaient toujours le caractère comparable de l’implication desdites entreprises dans ladite infraction, mesurée en fonction de leur taille et de leur puissance économique.

124    Il s’ensuit que la prise en compte par la Commission de taux de réduction individuels, fondés non seulement sur les ratios produit/chiffre d’affaires respectifs des entreprises concernées, mais également sur le besoin de maintenir un lien suffisant entre les montants de base adaptés, d’une part, et le poids relatif de leur participation à l’entente et la nécessité d’assurer un effet suffisamment dissuasif des amendes, ainsi exprimés dans les montants de base non adaptés, d’autre part, constitue, à l’aune des critères et des objectifs de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, un traitement égalitaire de situations comparables au sens du principe d’égalité de traitement. En effet, outre l’objectif de porter les montants de base en deçà du plafond de 10 %, cette approche visait à traduire dans les montants de base adaptés tant la gravité de l’infraction, mesurée en fonction de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées, que le caractère dissuasif de la sanction, reflété dans les montants de base non adaptés qui étaient fondés sur les valeurs des ventes du produit cartellisé. En revanche, une réduction linéaire et schématique des montants de base en fonction du seul ratio produit/chiffre d’affaires, qui ne constitue précisément pas un critère idoine pour représenter la taille et la puissance économique des entreprises concernées, n’aurait pas assuré le maintien d’un tel lien, mais, tout au contraire, aurait été susceptible de le fausser, voire de le rompre intégralement (voir point 122 ci-dessus).

125    À l’aune de ces principes et objectifs ayant guidé l’adaptation des montants de base des amendes à infliger aux entreprises concernées, il y a lieu d’apprécier, de manière plus précise, si les requérantes se trouvaient ou non dans des situations comparables avec celles de Bong et de Hamelin, d’une part (première branche à titre principal), et de GPV, d’autre part (seconde branche à titre subsidiaire), et si ces situations ont reçu un traitement égal ou inégal, le cas échant, objectivement justifié ou non.

c)      Sur la comparaison avec la situation de Bong

126    Eu égard aux considérations qui précèdent, force est de constater que la Commission avance, en substance, à bon droit (voir point 84 ci-dessus) que, même si le ratio produit/chiffre d’affaires de Bong était de 10 % inférieur à celui des requérantes, il fallait tenir compte du fait que le montant de base non adapté de Bong était légèrement inférieur à celui des requérantes. Dès lors, indépendamment de cette différence dans les ratios produit/chiffre d’affaires respectifs, la Commission pouvait valablement considérer qu’il n’était pas justifié de fixer des montants de base adaptés présentant des écarts substantiellement différents. Or, à la suite de son adaptation, le montant de base adapté de Bong (13 860 000 euros) était même supérieur à celui des requérantes (11 823 500 euros), ce qui démontre que le taux de réduction de 90 % appliqué aux requérantes – plus important que celui de 88 % appliqué à Bong – leur a même apporté un avantage comparatif. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a estimé qu’une réduction supplémentaire du montant de base adapté des requérantes, ainsi demandée par elles, aurait eu pour effet de leur accorder un avantage disproportionné et de leur infliger une amende non suffisamment dissuasive par rapport à la situation comparative de départ se présentant au regard des montants de base non adaptés et déterminés en fonction de la valeur des ventes du produit cartellisé.

127    Il en découle aussi que la prétendue existence d’un écart significatif entre les montants de base adaptés par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global, à savoir 4,7 % pour Bong et 9,7 % pour les requérantes, ne constitue que le résultat de l’adaptation égalitaire appréciée et validée aux points 120 à 125 ci-dessus, de sorte que le grief soulevé à cet égard doit être rejeté comme non fondé.

128    Au demeurant, à supposer même que l’adaptation non linéaire du montant de base de Bong doive être qualifiée de traitement inégal de situations comparables, déterminées par les seuls ratios produit/chiffre d’affaires, ce qui n’est pas le cas, un tel traitement inégal serait, en tout état de cause, pour les raisons exposées aux points 121 à 124 ci-dessus, objectivement justifié aux fins du rétablissement de l’équilibre des amendes en fonction de l’objectif de sanction et de dissuasion, et ne peut donc constituer une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des requérantes.

129    Dès lors, le grief tiré d’une inégalité de traitement des requérantes à l’égard de Bong doit être rejeté comme non fondé.

d)      Sur la comparaison avec la situation de Hamelin

130    S’agissant de la comparaison avec la situation de Hamelin, force est de constater qu’il ressort des considérants 16, 17, 19 et 20 de la décision attaquée que, à l’aune des données de l’année de référence 2012 destinées à déterminer et à adapter les montants de base, Hamelin se trouvait dans une situation unique et donc distincte de celles des autres entreprises concernées, y compris les requérantes. Cela tient, d’une part, à l’absence de caractère « monoproduit » de son activité économique et, d’autre part, à son ratio produit/chiffre d’affaires de seulement 17 % qui, de surcroît, était estimé sur le fondement de la prise en compte des ventes de son ancienne filiale en 2012 qui a été vendu à Bong en 2010.

131    En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, du considérant 19 de la décision attaquée, à la différence de la situation des autres entreprises concernées, l’adaptation du montant de base de Hamelin, en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices, en lui appliquant un taux de réduction de 85 %, soit le moins important par rapport à ceux accordés aux autres entreprises, ne pouvait être motivée ni par son caractère « monoproduit » ni par son ratio produit/chiffre d’affaires de 17 %, mais était essentiellement fondée sur des raisons d’équité tenant à sa participation comparable dans l’entente et à la nécessité de rétablir l’équilibre entre les amendes infligées. En ce même sens, le considérant 20 de la décision attaquée relève que, en l’absence d’application à Hamelin d’un taux de réduction de 85 % du montant de base, ce montant aurait été d’environ 1 275 % plus élevé que celui des requérantes, alors même que la valeur de ses ventes du produit cartellisé en 2007 n’était que de 30 % plus élevée que la valeur des ventes des requérantes. Toutefois, comme l’a souligné la Commission, un tel résultat aurait été disproportionné et incompatible avec la nécessité de rétablir l’équilibre entre les amendes qui sont censées refléter l’importance comparable de la participation des entreprises concernées dans l’infraction et garantir un effet dissuasif comparatif suffisant, à l’instar de celui traduit par les montants de base non adaptés qui avaient été déterminés sur la base de la valeur des ventes du produit cartellisé en 2007 pour tenir compte des tailles et puissances économiques respectives desdites entreprises.

132    Dès lors, même si l’approche de la Commission à l’égard de Hamelin est susceptible d’être qualifiée de traitement égal de situations distinctes – en ce qu’elle a consisté à lui accorder un taux de réduction de 85 %, fondé à titre principal sur le ratio produit/chiffre d’affaires destiné à tenir compte du caractère « monoproduit » des autres entreprises, quand bien même elle ne constituait pas une telle entreprise et ne disposait que d’un ratio très restreint sur ce point –, l’adaptation de son montant de base était objectivement justifiée, compte tenu des critères énoncés aux points 120 à 124 ci-dessus et du fait que la participation de Hamelin à l’infraction ayant donné lieu à la détermination de son montant de base non adapté était largement comparable à celle des autres entreprises (voir points 107 et 108 ci-dessus). À cet égard, il importe de rappeler le fait que le montant de base adapté de l’amende de Hamelin continue à être le plus élevé par rapport à ceux des autres entreprises, ce qui tient compte de la valeur des ventes la plus élevée qui lui était imputable en 2007 et de son montant de base non adapté le plus important, ainsi que de son ratio produit/chiffre d’affaires le plus petit. Ces éléments, dans leur ensemble, se sont traduits par l’octroi d’un taux de réduction de 85 % qui est inférieur à celui de toutes les autres entreprises, avec pour résultat la fixation d’un montant de base adapté presque deux fois plus élevé que celui des requérantes (22 607 550 comparé à 11 823 500 euros), que la Commission pouvait valablement qualifier de proportionné et de suffisamment dissuasif. Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte également du fait que, si le montant de base non adapté de Hamelin était déjà le plus élevé (150 717 000 euros), il ne dépassait celui des requérantes (118 235 000 euros) que d’environ un quart. Dans ces circonstances, la Commission pouvait légitimement avoir égard au caractère potentiellement excessif du montant de base de Hamelin, en tant qu’autre circonstance particulière au sens du paragraphe 37 des lignes directrices, pour justifier de procéder à une adaptation importante dudit montant et garantir qu’il se trouve, à l’instar des autres montants de base, non seulement en dessous du plafond de 10 %, mais également dans un équilibre avec eux.

133    Il s’ensuit que l’existence d’un écart significatif entre les montants de base adaptés par rapport au plafond de 10 % du chiffre d’affaires global, à savoir 4,5 % pour Hamelin et 9,7 % pour les requérantes, ne constitue que le résultat de l’adaptation objectivement justifiée appréciée et validée aux points 130 à 132 ci-dessus, de sorte que le grief soulevé à cet égard doit être rejeté comme non fondé.

134    De même, le grief tiré de ce que la Commission n’aurait pas été en droit d’attribuer à Hamelin un ratio produit/chiffre d’affaires de 17 % ne peut être accueilli. Au contraire, dès lors que la Commission avait déterminé les montants de base non adaptés de toutes les entreprises concernées, y compris Hamelin, sur le fondement de la valeur des ventes du produit cartellisé en 2007, soit à un moment où Hamelin était toujours active dans la production et la commercialisation du produit cartellisé, il était même indispensable qu’elle procède à une estimation d’un ratio produit/chiffre d’affaires fictif, mais néanmoins suffisamment fiable de Hamelin en 2012 pour pouvoir mener à bien une adaptation égalitaire desdits montants de base.

135    Par conséquent, le grief tiré d’une inégalité de traitement des requérantes à l’égard de Hamelin et, partant, la première branche, invoquée à titre principal, du présent moyen doivent être rejetés comme non fondés.

e)      Sur la comparaison avec la situation de GPV

136    Dans le cadre de la seconde branche du présent moyen, invoquée à titre subsidiaire, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, de les avoir discriminées à l’égard de GPV en lui fixant un montant de base adapté nettement inférieur au leur.

137    S’agissant de la comparaison avec la situation de GPV, il convient de rappeler que, à la différence des requérantes qui, aux fins de l’adaptation de leur montant de base, se sont vu attribuer un taux de réduction de 90 % correspondant précisément à leur ratio produit/chiffre d’affaires, GPV a bénéficié d’un taux de réduction de 98 %, soit de cinq points supérieurs à son ratio produit/chiffre d’affaires de 93 %. Il en résultait un montant de base adapté nettement moins élevé que celui des autres entreprises concernées, notamment de Bong et des requérantes (2 063 920 contre 13 860 000 et 11 823 500 euros), quand bien même les montants de base non adaptés de GPV, de Bong et des requérantes étaient assez proches les uns des autres (103 196 000, 115 500 000 et 118 235 000 euros).

138    Ainsi qu’il ressort du considérant 17 de la décision attaquée, selon la Commission, cette approche était notamment nécessaire pour ramener le montant de base non adapté juste en dessous du plafond de 10 % du chiffre d’affaires global de GPV en 2013, et le taux de réduction de 98 % constituait la référence maximale par rapport à laquelle les autres taux de réduction étaient déterminés. En effet, en réponse à la question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé que le chiffre d’affaires global de GPV s’élevait en 2012 à 23 460 596 euros (ayant servi à déterminer son ratio produit/chiffre d’affaires) et en 2013 à 23 356 449 euros (ayant servi à l’application intermédiaire du plafond de 10 %). En cours d’instance, la Commission a expliqué de même que le taux de réduction de 98 % accordé à GPV était principalement dû à la nécessité de porter son montant de base en dessous du plafond de 10 %, au fait que son ratio produit/chiffre d’affaires était le plus élevé comparativement et que son chiffre d’affaires global était tombé substantiellement en 2012 et 2013 (voir point 86 ci-dessus).

139    Or, compte tenu, premièrement, de la valeur relativement importante des ventes de GPV du produit cartellisé en 2007 qui était à l’origine de la détermination de son montant de base non adapté, deuxièmement, de son chiffre d’affaire global particulièrement bas en 2012 et en 2013 par rapport aux chiffres d’affaires globaux des autres entreprises concernées, et, troisièmement, du fait que, dans le cas de GPV, la prise en compte du ratio produit/chiffre d’affaires et du plafond de 10 % pour adapter son montant de base devait nécessairement entraîner une réduction substantielle, voire disproportionnée dudit montant, force est de constater que GPV se trouvait dans une situation différente de celles des autres entreprises concernées, y compris les requérantes. Dès lors, l’application de la même méthodologie d’adaptation du montant de base à son égard au moyen, notamment, de l’application du ratio produit/chiffre d’affaires pour ramener ledit montant en dessous du plafond de 10 %, constituait une inégalité de traitement en faveur de GPV.

140    En outre, même si, ce faisant, la Commission entendait mettre en œuvre l’esprit de l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289, point 80), il n’en demeure pas moins que le résultat de cette opération a donné lieu à la fixation d’un montant de base adapté de GPV qui était nettement inférieur à ceux de toutes les autres entreprises. Surtout, le niveau dudit montant ne présentait plus, à l’opposé des situations de Bong, de Hamelin et des requérantes et contrairement aux exigences rappelées au point 123 ci-dessus, de lien suffisamment important avec le montant de base non adapté de GPV, alors même que celui-ci était censé refléter, notamment, la taille et la puissance économique réelles de cette entreprise ayant caractérisé l’importance relative de sa participation à l’infraction. Il s’ensuit que, dans le cas de GPV, la Commission a procédé à une adaptation trop schématique et rigide du montant de base au regard du plafond de 10 % en ne tenant pas compte de sa situation singulière qui résidait dans un écart substantiel entre la valeur de ses ventes en 2007, en tant que critère essentiel représentant sa taille et sa puissance économique, et son chiffre d’affaires global en 2012 et en 2013. Cette approche a donc eu pour effet de disjoindre le montant de base adapté de GPV des critères et des objectifs de sanction et de dissuasion au sens de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 en générant, à ce stade intermédiaire du processus du calcul des amendes, un résultat qui ne se produit normalement qu’à la fin de ce processus, soit lors de l’application du seuil d’écrêtement de 10 % en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement.

141    Ainsi, au titre de cette méthodologie, la prise en compte en faveur de GPV de son ratio produit/chiffre d’affaires et du plafond de 10 %, nonobstant l’écart important entre la valeur de ses ventes et son chiffre d’affaires global, devait avoir pour effet de rompre le lien requis entre les montants de base non adaptés et adaptés. Il en résultait que, contrairement à l’objectif souligné par la Commission elle-même dans le cadre de la comparaison des situations de Bong, de Hamelin et des requérantes, le montant de base adapté n’était plus en mesure de traduire la taille et la puissance économique de GPV et d’assurer un effet suffisamment dissuasif à son égard, ni de mettre ledit montant en équilibre avec celui des amendes des autres entreprises, de sorte que ce traitement inégal n’était pas susceptible de justification objective. À cet égard, la Commission ne saurait invoquer la jurisprudence citée aux points 96 et 97 ci-dessus dont l’application est précisément tributaire du respect du plafond de 10 % en tant que seuil d’écrêtement à la fin du processus de calcul de l’amende et non à son stade intermédiaire de l’adaptation des montants de base des amendes (voir point 104 ci-dessus). En effet, en l’absence d’adaptation du montant de base de GPV, son amende à infliger finalement après application dudit plafond, aurait été nettement plus élevée, à savoir environ 2,34 au lieu de 1,651 millions d’euros, telle qu’elle a été infligée dans la décision initiale.

142    Par conséquent, l’application de la méthode d’adaptation des montants de base à l’égard de GPV constitue une inégalité de traitement non justifiée objectivement à l’égard des autres entreprises concernées, notamment à l’égard de Bong et des requérantes.

143    Toutefois, il n’en découle pas pour autant que la seconde branche du présent moyen, invoquée à titre subsidiaire, devrait être accueillie.

144    À cet égard, force est de constater que, d’une part, à l’audience, les requérantes ont itérativement confirmé ne pas contester la légalité des amendes infligées aux autres entreprises concernées qui sont devenues définitives, y compris celle de l’amende infligée à GPV. D’autre part, même si le traitement plus favorable et non justifié objectivement de GPV est illégal, il y a lieu de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit être concilié avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 109 ; du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 58, et du 14 septembre 2017, LG Electronics et Koninklijke Philips Electronics/Commission, C‑588/15 P et C‑622/15 P, EU:C:2017:679, point 91).

145    Il en résulte que les requérantes ne sauraient invoquer, à leur profit, l’illégalité commise en faveur de la seule entreprise GPV. En l’espèce, cela est d’autant moins possible que, d’une part, la décision initiale est devenue définitive à l’égard de GPV et le montant de l’amende qui lui a été infligée ne fait pas l’objet du présent litige et, d’autre part, toutes les autres entreprises concernées, sauf GPV, ont été traitées, sur la base de la même méthodologie d’adaptation des montants de base des amendes, de manière égale. En effet, si la demande des requérantes de leur accorder un taux de réduction plus important devait être accueillie, cela serait susceptible de remettre en cause l’appréciation du respect du principe d’égalité de traitement à leur égard dans le cadre de l’adaptation des montants de base par rapport à Bong, à Mayer-Kuvert et à Hamelin, dont les amendes sont également devenues définitives et par rapport auxquelles les requérantes ont déjà été avantagées (voir points 118 à 135 ci-dessus). En tout état de cause, les requérantes n’ont pas démontré que l’illégalité commise à l’égard de GPV relevait de l’application d’un critère juridique différent pour déterminer le montant de l’amende ou avait pour conséquence de réduire le poids relatif de GPV dans l’infraction à leur détriment (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, LG Electronics et Koninklijke Philips Electronics/Commission, C‑588/15 P et C‑622/15 P, EU:C:2017:679, points 95 et 96).

146    Par conséquent, la seconde branche du présent moyen et, partant, ledit moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination ou d’équité

147    Les requérantes contestent la légalité de l’absence de prise en compte par la Commission de l’amende déjà infligée par la CNC dans la décision du 25 mars 2013 (considérants 46 et 56 de la décision attaquée). Elles n’invoquent pas une violation du principe ne bis in idem, mais celle du principe de proportionnalité, tel qu’il est interprété dans l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11), pertinent même en l’absence d’applicabilité du principe ne bis in idem, et connu dans la doctrine allemande sous la désignation de principe d’imputation (Anrechnungsprinzip) ou sous l’exigence générale d’équité que la Commission aurait déjà elle-même respectée dans sa pratique décisionnelle antérieure.

148    Au considérant 50 de la décision attaquée, la Commission aurait rejeté à tort la comparabilité entre sa pratique décisionnelle antérieure et le cas d’espèce en affirmant qu’il ne serait pas démontré que les requérantes se trouvaient dans une situation économique difficile ou que l’incidence combinée des deux sanctions était d’une importance telle qu’il y avait lieu de conclure qu’elle avait un effet excessivement dissuasif. Comme cela a déjà été indiqué à la Commission au cours de la procédure administrative, la situation économique des requérantes se serait considérablement détériorée en raison de la crise économique et financière ainsi que de la réduction généralisée de la demande d’enveloppes en papier dans un environnement de plus en plus numérisé, motifs pour lesquels elles auraient subi des pertes de 2 900 000 euros en 2013, s’ajoutant aux pertes avant impôts subies en 2012 de 18 855 000 euros, dont 12 002 000 euros au titre des amendes infligées par la CNC. Ainsi, elles auraient été contraintes, en février 2014, de licencier 132 employés du principal centre de production à Alcalá de Henares (Espagne), soit 28 % des employés, et les revenus nets en 2013 auraient été en baisse de 8,5 % par rapport à 2012. S’agissant du caractère dissuasif excessif, les requérantes rappellent que l’amende infligée par la CNC équivalait à 10 % de leur chiffre d’affaires global, tandis que celle infligée dans la décision attaquée équivalait à 9,7 % du même chiffre d’affaires global. Dès lors, leur incidence combinée aurait été presque deux fois plus élevée que le plafond de 10 %.

149    Les requérantes précisent avoir présenté des informations détaillées démontrant le lien, le « chevauchement partiel » ou la complémentarité et l’interaction évidentes existant entre les faits finalement sanctionnés par la CNC et ceux sanctionnés dans la décision attaquée. En effet, l’entente sanctionnée par cette dernière ne pourrait s’expliquer que sur la base et dans le cadre général ou organisationnel des accords conclus entre les entreprises faisant l’objet de l’enquête après l’adhésion de l’Espagne aux Communautés européennes en 1986. Jusqu’à cette date, les accords anticoncurrentiels sur le marché espagnol de 1978 avaient été conclus à l’échelle nationale, étant donné que ce marché était protégé contre les importations par un droit de douane de 36 % sur les enveloppes. À la suite de cette adhésion et du démantèlement des droits de douane, les producteurs espagnols auraient pris conscience que la pérennité de leurs accords dépendait de la protection du marché espagnol contre l’entrée de producteurs étrangers. Dès lors, ces accords auraient été élargis à la France et au Portugal par un accord conclu à Paris (France), le 16 juillet 1986, entre les principaux producteurs espagnols et français et par un accord similaire conclu précédemment avec les principaux producteurs portugais. Ces accords auraient été communiqués à tous les producteurs espagnols rassemblés au sein de l’Asociación Española de Fabricantes de Sobres y Manipulados de Papel y Cartón para la Enseñanza y la Oficina (ASSOMA) lors d’une réunion tenue le 16 octobre 1986. Ils auraient ensuite été élargis, en 1995, à Hamelin et, en 1999, au producteur suédois Bong pour couvrir également les pays nordiques, le Royaume-Uni et la France. Par conséquent, le fonctionnement des accords en Espagne aurait dépendu de l’existence des accords européens protégeant le marché espagnol contre l’entrée de producteurs étrangers.

150    Selon les requérantes, l’absence de prise en compte de l’amende infligée par la CNC est également discriminatoire à leur égard. Elles seraient la seule entreprise parmi celles déclarées responsables de l’infraction visée dans la décision initiale qui se serait vu sanctionner par une autorité nationale de la concurrence pour des faits liés à ceux qui ont été sanctionnés par la Commission. Contrairement à ce qui est indiqué au considérant 55 de la décision attaquée, la demande de réduction fondée sur l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4), ne leur accorderait pas de facto un avantage, mais viserait à reconnaître une circonstance de fait qui est absente dans le cas des autres entreprises sanctionnées par la décision initiale. Partant, les requérantes demandent au Tribunal – à titre subsidiaire par rapport au premier moyen et à titre complémentaire par rapport au deuxième moyen – de réformer la décision attaquée et de réduire l’amende qui leur a été infligée d’un montant supplémentaire de 33 % afin de prendre en considération l’amende infligée par la CNC dans sa décision du 25 mars 2013, dont le bien-fondé aurait été confirmé par l’Audiencia Nacional, Sala de lo Contencioso (Cour centrale, chambre de contentieux) dans son arrêt du 29 mars 2017. Les requérantes ajoutent, en substance, que cet arrêt reconnaît que la « période [des faits sanctionnés par la Commission] chevauche » celle que sanctionne la CNC et qu’il existe un chevauchement pour ce qui est du produit (les enveloppes en papier). Cela confirmerait l’existence d’un chevauchement partiel ou le caractère identique du cadre organisationnel concernant les pratiques sanctionnées par la CNC et celles sanctionnées par la décision attaquée.

151    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

152    Par le présent moyen, les requérantes invoquent une violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination, plus précisément du principe d’équité, au motif que, en substance, contrairement à sa pratique décisionnelle antérieure, dans le cadre du calcul de l’amende infligée dans les décisions initiale et attaquée, la Commission n’a pas tenu compte de l’amende que la CNC leur avait infligée dans sa décision du 25 mars 2013, en tant que seule entreprise parmi les destinataires de la décision initiale, alors même que le montant de ladite amende était déjà supérieur à 10 % de leur chiffre d’affaires global (voir considérants 46 à 55 de la décision attaquée).

153    En revanche, la Commission conteste que le principe d’équité, ainsi reconnu dans l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11), soit applicable dans le cas d’espèce.

154    À titre liminaire, il convient de rappeler que, lors du prononcé l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4), premièrement, le système des compétences parallèles de la Commission et des autorités nationales de la concurrence, fondé sur le règlement no 1/2003, aux fins de la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE, n’existait pas encore ; deuxièmement, les compétences des autorités nationales pour appliquer, notamment, l’article 101 TFUE – et seulement son paragraphe 1 – étaient plus restreintes, et, troisièmement, le mode de son application parallèle à celle du droit national de la concurrence n’avait pas encore été clarifié par une réglementation au sens de l’article 103 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1969, Wilhelm e.a., 14/68, EU:C:1969:4, points 2 à 9, et du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73, EU:C:1974:25, points 7 et suivants). En outre, l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4), portait sur l’application par le Bundeskartellamt (Office fédéral de la concurrence, Allemagne) du seul droit allemand de la concurrence à une entente concernant laquelle la Commission avait entamé parallèlement une procédure aux fins de l’application de l’article 85 CEE. La Cour y a donc tenu compte de la possibilité que les autorités nationales de la concurrence et la Commission infligent, de manière séparée et cumulative, des amendes pour sanctionner, dans le cadre de leurs compétences respectives, une « même entente », ce qui impliquait la nécessité, en vertu du principe général d’équité, d’éviter un « cumul de sanctions ».

155    Or, en l’espèce, la CNC a appliqué tant l’article 101 TFUE que le droit de la concurrence espagnol, conformément à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1/2003 qui constitue précisément le règlement au sens de l’article 103, paragraphes 1 et 2, sous e), TFUE [l’ancien article 87, paragraphe 2, sous e), CEE] en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE et de la définition des rapports entre les législations nationales, d’une part, et les dispositions du droit de l’Union, d’autre part, au sens de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 4). En effet, ce règlement prévoit non seulement que la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE est attribuée, dans une très large mesure, aux autorités nationales de la concurrence sur le fondement de l’applicabilité directe de leurs dispositions, y compris du paragraphe 3 de l’article 101 TFUE (voir considérant 4 dudit règlement faisant référence au régime d’exception légale), mais vise aussi, en vertu de la règle de convergence prévue à son article 3 et du principe de primauté (arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a., 14/68, EU:C:1969:4, point 6), à préserver la cohérence, voire l’uniformité de l’application du droit de la concurrence de l’Union, en particulier de l’article 101 TFUE, et du droit national de la concurrence correspondant s’agissant du résultat à atteindre, lorsque le critère de l’affectation des échanges entre les États membres est satisfait.

156    Il en résulte que, lorsque, comme en l’espèce, le champ d’application de l’article 101 TFUE est ouvert, il n’est plus possible de considérer que les procédures entamées par les autorités nationales et par la Commission poursuivent des « fins distinctes » au sens de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11). Cela tient au fait que, d’une part, dans la mesure où ces procédures visent à mettre en œuvre l’article 101 TFUE, quelle que soit l’autorité de la concurrence qui les conduit, elles poursuivent les mêmes objectifs, soit la préservation de la concurrence au sein du marché unique (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Toshiba Corporation e.a., C‑17/10, EU:C:2011:552, point 81), et, d’autre part, dans la mesure où le droit national de la concurrence reste applicable, sa mise en œuvre doit, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, première phrase, du règlement no 1/2003, aboutir au même résultat que l’application du droit de la concurrence de l’Union. Il s’ensuit que, dans le système des compétences parallèles au titre du même règlement, un « cumul de sanctions » au sens de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4), n’est possible que dans le cas d’une application parallèle de l’article 102 TFUE et du droit national correspondant, mais plus stricte interdisant ou sanctionnant un comportement unilatéral d’une entreprise, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

157    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, un tel « cumul de sanctions » ne peut non plus être fondé sur le prétendu chevauchement des infractions en cause et moins encore eu égard à leurs incidences territoriales respectives. À cet égard, la Cour a déjà jugé, s’agissant d’une situation analogue de mise en œuvre parallèle du droit national et de l’Union de la concurrence, dans laquelle l’application du droit national par l’autorité nationale de la concurrence ne visait que le comportement anticoncurrentiel sur le territoire national, tandis que la procédure relative à l’application de l’article 101 TFUE entamée par la Commission visait le caractère anticoncurrentiel du même comportement au sein du marché unique à l’exclusion du territoire national concerné, que le principe ne bis in idem – certes, non invoqué par les requérantes au soutien du présent moyen – était inapplicable au motif que le critère de l’identité des faits faisait défaut (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C‑17/10, EU:C:2012:72, points 96 à 103). En outre, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la question de l’applicabilité du principe d’équité n’avait pas été soulevée et ne se posait pas d’une manière analogue à celle ayant fait l’objet de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11), dans laquelle il existait un véritable cumul de sanctions d’une même entente dans des territoires qui se recoupaient, soit l’Allemagne, d’une part, et le marché commun, y compris l’Allemagne, d’autre part. En revanche, en l’espèce, à l’instar de la situation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2012:72), tant un tel chevauchement territorial qu’un tel cumul de sanctions sont exclus d’emblée.

158    Sans qu’il soit besoin de se prononcer définitivement sur la question de savoir si le principe d’équité est susceptible d’application à des situations dans lesquelles l’article 101 TFUE et le droit national de la concurrence correspondant sont appliqués parallèlement, force est de constater que, en l’espèce, les faits à l’origine des décisions initiale et attaquée et ceux à l’origine de la décision de la CNC du 25 mars 2013 ne concernaient ni la « même entente » ni un « cumul de sanctions » au sens de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, points 3 et 11), et moins encore, du fait des territoires différents visés par les infractions et de leur durée distincte, des faits identiques. Comme la Commission l’a rappelé à juste titre, la durée de l’infraction examinée et sanctionnée par elle au titre des décisions initiale et attaquée s’est étalée sur la période allant du 8 octobre 2003 au 22 avril 2008, alors que la CNC a instruit des comportements anticoncurrentiels couvrant la période allant de 1977 à 2010 (en ce qui concerne les enveloppes électorales), de 1990 à 2010 (en ce qui concerne les enveloppes préimprimées) et de 1994 à 2010 (en ce qui concerne les enveloppes standard et la limitation des progrès technologiques). En outre, il ressort de ce qui précède que les produits concernés par ces comportements anticoncurrentiels n’étaient pas exactement les mêmes que ceux ayant fait l’objet de l’entente sanctionnée par la Commission. Ainsi, c’est en vain que les requérantes invoquent des éléments communs des comportements anticoncurrentiels sanctionnés par lesdites décisions. De même, étant donné que, d’une part, la CNC a sanctionné le comportement des requérantes en ce qui concerne ses seuls effets sur le territoire espagnol et pour une période différente et que, d’autre part, la Commission a écarté ce territoire de ses poursuites et du champ d’application des décisions initiale et attaquée, les requérantes ne sauraient prétendre qu’il existait un « cumul de sanctions » au sens de l’arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11). Au contraire, dans ces circonstances, une sanction complète et suffisamment dissuasive du comportement anticoncurrentiel des requérantes exige précisément de tenir compte de l’ensemble de ses effets sur ces différents territoires, y compris dans le temps, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas réduit, pour ces mêmes motifs, l’amende infligée aux requérantes dans les décisions initiale et attaquée.

159    Cette appréciation n’est pas remise en cause par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission relative à d’autres situations, quelle que soit leur caractère comparable ou non à la situation se présentant dans le cas d’espèce. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence établie, une telle pratique décisionnelle antérieure ne sert pas de cadre juridique pour les amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère purement indicatif en ce qui concerne l’existence, notamment, de discriminations ou du caractère disproportionné d’une amende (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 82 et jurisprudence citée ; du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 189, et du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 68). Toutefois, ainsi qu’il a été exposé, notamment, au point 158 ci-dessus, en l’espèce, les griefs avancés par les requérantes ne sont pas de nature à étayer le caractère disproportionné à leur égard de l’amende infligée.

160    Enfin, ainsi que le relève la Commission, les requérantes ne sont pas fondées à alléguer avoir été discriminées au motif qu’elles étaient l’unique entreprise s’étant vu infliger une amende par la CNC pour leur participation à l’entente analogue en Espagne, une filiale de Hamelin, Envel Europa, s’étant vu infliger par la CNC une amende de 637 464 euros dans la même décision du 25 mars 2013, ce qui n’est pas contesté par les requérantes. Dans ce contexte, les requérantes ne sauraient non plus invoquer la prétendue détérioration de leur situation économique, laquelle aurait pu faire l’objet d’une demande de réduction de l’amende au sens du paragraphe 35 des lignes directrices pour absence de capacité contributive. En effet, d’une part, elles ne contestent pas avoir omis de présenter, à la différence de Bong et de Hamelin, lors de la procédure administrative, y compris après sa réouverture, une telle demande à la Commission et, d’autre part, elles n’ont pas présenté une demande analogue devant le Tribunal, notamment au soutien de leur deuxième chef de conclusions, à titre subsidiaire, tendant à la réduction de l’amende infligée.

161    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

D.      Conclusions

162    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation présentée à titre principal.

163    En ce qui concerne la demande de réduction de l’amende introduite à titre subsidiaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 261 TUE, lu conjointement avec l’article 31 du règlement no 1/2003, le juge de l’Union est investi d’une compétence de pleine juridiction qui l’habilite, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).

164    Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90).

165    À cet effet, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour l’Union. En outre, des éléments objectifs tels le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. Enfin, l’analyse doit prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, points 56 et 57).

166    En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les requérantes à l’appui de leur demande en réformation, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard aux constatations effectuées en particulier dans le cadre de l’examen du deuxième moyen (voir notamment points 136 à 146 ci-dessus), et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait.

167    Il convient de rappeler, tout d’abord, d’une part, que la valeur des ventes réalisées par les requérantes en 2007 était de 143 316 000 euros et, d’autre part, que leur chiffre d’affaires en 2013 était de 121 728 000 euros, ce qui n’a pas été contesté par les requérantes.

168    Il convient de relever, ensuite, que l’infraction revêt une gravité certaine, les requérantes ayant pleinement participé à une entente visant à coordonner les prix de vente, à répartir la clientèle et à échanger des informations commerciales sensibles sur le marché européen des enveloppes standard sur catalogue et des enveloppes spéciales imprimées, y compris au Danemark, en Allemagne, en France, en Suède, au Royaume-Uni et en Norvège.

169    Par ailleurs, il est établi que la requérante a participé à l’infraction du 8 octobre 2003 au 22 avril 2008.

170    S’agissant des erreurs commises par la Commission dans le cadre de la fixation des montants des amendes, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a considéré, en substance, que la méthode utilisée par la Commission, certes, respectait le principe d’égalité de traitement à l’égard des requérantes, de Bong, de Hamelin et de Mayer-Kuvert, mais qu’elle avait méconnu ce principe en faveur de GPV (voir points 139 à 142 ci-dessus).

171    En effet, GPV se trouvait dans une situation particulière du fait, d’une part, de la valeur relativement importante de ses ventes du produit cartellisé en 2007 qui était à l’origine de la détermination de son montant de base non adapté et, d’autre part, de son chiffre d’affaires global particulièrement bas en 2012 et 2013 par rapport aux chiffres d’affaires globaux des autres entreprises concernées, de sorte que, dans son cas, la prise en compte du ratio produit/chiffre d’affaires et du plafond de 10 % pour adapter son montant de base devait nécessairement entraîner une réduction substantielle dudit montant. Force est dès lors de constater que, compte tenu de cette situation particulière et différente de GPV et du caractère inapproprié de la méthode d’adaptation des montants de base des amendes suivie par la Commission à son égard, les autres entreprises concernées, y compris les requérantes, dont la situation n’était pas comparable à celle de GPV dans la mesure où leurs chiffres d’affaires globaux étaient substantiellement plus élevés, ne sauraient bénéficier d’une réduction analogue à celle obtenue par GPV.

172    Au vu des considérations qui précèdent, y compris celles exposées aux points 158 à 160 ci-dessus, et de la nécessité de pondérer les différents éléments à prendre en considération aux fins de fixer le montant de l’amende (voir points 164 et 165 ci-dessus), le Tribunal considère que le montant de l’amende infligé aux requérantes, eu égard, en particulier, à la gravité de l’infraction et à la durée de leur participation à celle-ci, est approprié et qu’il n’y a donc pas lieu de le réduire.

173    Partant, il convient de rejeter les conclusions en réformation présentées par les requérantes à titre subsidiaire, en tant qu’elles visent à la réduction du montant de l’amende de 4 729 000 euros qui lui a été infligée.

174    Par conséquent, il convient de rejeter le recours dans sa totalité.

IV.    Sur les dépens

175    L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie. En outre, selon l’article 135, paragraphe 2, de ce même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance. Il est notamment permis au Tribunal de condamner aux dépens une institution dont la décision n’a pas été annulée, en raison de l’insuffisance de cette dernière, qui a pu conduire une partie requérante à introduire un recours (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 245 et jurisprudence citée).

176    Certes, en l’espèce, les requérantes ont succombé en leurs premier et deuxième chefs de conclusions. Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que l’examen du recours dans la présente affaire a révélé que la Commission a manqué de rigueur tant dans la définition de la méthodologie d’adaptation des montants de base des amendes que dans la manière dont elle l’a appliquée et dont elle a motivé sa décision (voir points 139 à 142 ci-dessus), sans pour autant que ces raisons suffisent à accueillir lesdits chefs de conclusions. Ce manque de rigueur est d’autant plus regrettable que la décision attaquée est la seconde décision infligeant une amende aux requérantes pour avoir commis l’infraction en cause, après que celles-ci avaient déjà obtenu l’annulation de la décision initiale pour insuffisance de motivation dans l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722). Le Tribunal estime que ces raisons ont pu amener les requérantes à introduire leurs recours.

177    Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est juste et équitable de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

 

      Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative aboutissant à l’adoption de la décision initiale

B. Arrêt dans l’affaire T95/15

C. Arrêt dans l’affaire T201/17

D. Réouverture de la procédure administrative et adoption de la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de ne bis in idem

B. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende

1. Rappel des arguments essentiels des parties

2. Observations liminaires

3. Rappel de jurisprudence

4. Sur le bien-fondé des prémisses juridiques des griefs invoqués

5. Sur la comparabilité des situations en cause, sur leur traitement égal ou inégal et sur le caractère objectivement justifié dudit traitement

a) Observations liminaires

b) Sur l’adaptation égalitaire des montants de base des amendes

1) Sur la méthode d’adaptation exposée dans la décision attaquée

2) Sur la légalité des principes et des objectifs ayant guidé l’adaptation des montants de base

c) Sur la comparaison avec la situation de Bong

d) Sur la comparaison avec la situation de Hamelin

e) Sur la comparaison avec la situation de GPV

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination ou d’équité

D. Conclusions

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.