Language of document : ECLI:EU:C:2018:799

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 octobre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Droit au congé annuel payé – Directive 2010/18/UE – Accord-cadre révisé sur le congé parental – Congé parental non considéré comme période de travail effectif »

Dans l’affaire C‑12/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 11 octobre 2016, parvenue à la Cour le 10 janvier 2017, dans la procédure

Tribunalul Botoşani,

Ministerul Justiţiei

contre

Maria Dicu,

en présence de :

Curtea de Apel Suceava,

Consiliul Superior al Magistraturii,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, T. von Danwitz et E. Levits (rapporteur), présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, A. Arabadjiev, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour le Consiliul Superior al Magistraturii, par Mme M. Ghena, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement roumain, initialement par M. R.-H. Radu ainsi que par Mmes O.-C. Ichim, L. Liţu et E. Gane, puis par M. C.-R. Canţăr ainsi que par Mmes O.-C. Ichim, L. Liţu et E. Gane, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. D. Klebs et T. Henze, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme A. Kalbus, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. De Socio, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et C. Hödlmayr, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani, Roumanie) et le Ministerul Justiției (ministère de la Justice, Roumanie) à Mme Maria Dicu au sujet de la détermination des droits de celle-ci au congé annuel payé au titre de l’année 2015.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2003/88

3        Le considérant 6 de la directive 2003/88 énonce :

« Il convient de tenir compte des principes de l’Organisation internationale du travail en matière d’aménagement du temps de travail, y compris ceux concernant le travail de nuit. »

4        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :

« 1.      La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2.      La présente directive s’applique :

a)      aux périodes minimales [...] de congé annuel [...]

[...] »

5        L’article 7 de ladite directive, intitulé « Congé annuel », dispose :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.      La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

6        L’article 15 de la même directive est rédigé comme suit :

« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. »

7        L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de cette directive. Toutefois, aucune dérogation n’est admise en ce qui concerne l’article 7 de celle-ci.

 La directive 2010/18/UE

8        L’accord-cadre révisé sur le congé parental, conclu le 18 juin 2009 (ci-après l’« accord-cadre sur le congé parental »), qui figure à l’annexe de la directive 2010/18/UE du Conseil, du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES et abrogeant la directive 96/34/CE (JO 2010, L 68, p. 13), prévoit, à la clause 2, point 1 :

« En vertu du présent accord, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes ou femmes, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant [...]. »

9        La clause 2, point 2, de cet accord-cadre énonce :

« Le congé est accordé pour une période d’au moins quatre mois et, pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes, il ne devrait pas, en principe, pouvoir être transféré. Pour favoriser l’égalité entre les deux parents en matière de congé parental, au moins un des quatre mois de congé ne peut être transféré. Les modalités d’application de la période non transférable sont arrêtées au niveau national par voie législative et/ou par des conventions collectives, en fonction des dispositions en matière de congé en vigueur dans les États membres. »

10      La clause 5 dudit accord-cadre est rédigée comme suit :

« 1.      À l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, si cela se révèle impossible, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail.

2.      Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin du congé parental. Ces droits s’appliquent à l’issue du congé parental, tout comme les modifications apportées à la législation, aux conventions collectives et/ou à la pratique nationales.

3.      Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental.

[...] »

11      Selon la clause 8, point 1, de l’accord-cadre sur le congé parental, les États membres peuvent appliquer ou adopter des dispositions plus favorables que celles prévues par cet accord.

 Le droit roumain

12      La Legea nr. 53/2003 privind Codul muncii (loi n° 53/2003, sur le code du travail), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code du travail »), dispose, à son article 10 :

« Le contrat individuel de travail est le contrat en vertu duquel une personne physique, dénommée salarié, s’oblige à travailler pour et sous l’autorité d’un employeur, personne physique ou morale, moyennant une rémunération dénommée salaire. »

13      L’article 49, paragraphes 1, 2 et 3, de ce code prévoit :

« (1)      La suspension du contrat individuel de travail peut intervenir de droit, par l’accord des parties ou par acte unilatéral de l’une des parties.

(2)      La suspension du contrat individuel de travail entraîne la suspension de la prestation de travail par le salarié et la suspension du paiement des droits de nature salariale par l’employeur.

(3)      Les droits et obligations des parties autres que ceux prévus au paragraphe 2 peuvent continuer à exister pendant la durée de la suspension, s’ils sont prévus par des lois spéciales, par l’accord collectif de travail applicable, par des contrats individuels de travail ou par des règlements intérieurs. »

14      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), dudit code :

« Le contrat individuel de travail peut être suspendu à l’initiative du salarié dans les situations suivantes :

a)      congé parental d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans [...] »

15      L’article 145, paragraphes 4 à 6, du même code énonce :

« (4)      Les périodes d’incapacité temporaire de travail, ainsi que celles de congé de maternité, de congé pour exposition à des risques particuliers pendant la grossesse ou l’allaitement et de congé pour enfant malade sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel.

(5)      Lorsque l’incapacité temporaire de travail, le congé de maternité, le congé pour exposition à des risques particuliers pendant la grossesse ou l’allaitement ou le congé pour enfant malade survient pendant le congé annuel, ce dernier est interrompu, et le salarié prendra le solde du congé après la fin de la situation [ayant donné lieu à l’interruption], ou, si cela n’est pas possible, les jours non pris seront reprogrammés.

(6)      Le salarié a droit au congé annuel même lorsque l’incapacité temporaire de travail se maintient, dans les conditions de la loi, pendant toute la durée d’une année calendaire, l’employeur étant tenu de lui accorder ce congé au cours de la période de 18 mois qui s’écoule à partir de l’année suivant celle pendant laquelle il a été en arrêt de travail. »

16      L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la Hotărârea Consiliului Superior al Magistraturii nr. 325/2005 pentru aprobarea Regulamentului privind concediile judecătorilor și procurorilor (décision du Conseil supérieur de la magistrature n° 325/2005, portant approbation du règlement relatif aux congés des juges et des procureurs) prévoit :

« (1)      Les juges et les procureurs ont droit à un congé annuel payé de 35 jours ouvrables. Ce droit ne saurait faire l’objet d’une quelconque renonciation ou limitation.

(2)      La durée du congé annuel prévue dans [le règlement relatif aux congés des juges et des procureurs] est liée à l’activité exercée pendant une année calendaire. Les périodes d’incapacité temporaire de travail, ainsi que celles de congé de maternité, de congé pour exposition à des risques particuliers pendant la grossesse ou l’allaitement et de congé pour enfant malade sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

17      Mme Dicu est magistrate au Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani). Au cours de l’année 2014, elle a d’abord pris intégralement son congé annuel payé, puis, à partir du 1er octobre 2014 jusqu’au 3 février 2015, un congé de maternité. Elle a ensuite bénéficié d’un congé parental du 4 février 2015 au 16 septembre 2015, période au cours de laquelle sa relation de travail a été suspendue. Enfin, elle a pris 30 jours de congé annuel payé, du 17 septembre au 17 octobre 2015.

18      En vertu du droit roumain qui prévoit un droit au congé annuel payé de 35 jours, Mme Dicu a demandé à sa juridiction d’affectation de lui accorder les cinq jours de congé annuel payé restants au titre de l’année 2015, dont elle avait l’intention de profiter au cours des jours ouvrables situés entre les fêtes de fin d’année.

19      Le Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani) a refusé cette demande au motif que, selon le droit roumain, la durée du congé annuel payé est proportionnelle au temps de travail effectif accompli durant l’année en cours et que, à cet égard, la durée du congé parental dont elle avait bénéficié au cours de l’année 2015 ne pouvait être considérée comme une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé. Le Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani) a également indiqué que le congé annuel payé dont avait bénéficié Mme Dicu entre le 17 septembre et le 17 octobre 2015, au titre de l’année 2015, incluait sept jours de congé pris par anticipation sur l’année 2016.

20      Mme Dicu a formé un recours contre le Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani), la Curtea de Apel Suceava (cour d’appel de Suceava, Roumanie), le ministère de la Justice et le Consiliul Superior al Magistraturii (Conseil supérieur de la magistrature, Roumanie) devant le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie), aux fins de faire constater que la durée de son congé parental devait être considérée, pour la détermination de ses droits au congé annuel payé au titre de l’année 2015, comme une période de travail effectif.

21      Par jugement du 17 mai 2016, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj) a fait droit au recours de Mme Dicu. Le Tribunalul Botoșani (tribunal de grande instance de Botoșani) et le ministère de la Justice ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

22      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 7 de la directive 2003/88/CE s’oppose-t-il à une disposition nationale qui exclut, pour la détermination de la durée du congé annuel, que la période pendant laquelle le travailleur a été en congé parental d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans soit considérée comme une période de travail effectif ? »

 Sur la question préjudicielle

23      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé garanti par cet article à un travailleur au titre d’une période de référence, ne considère pas la durée d’un congé parental pris par ce travailleur au cours de ladite période comme une période de travail effectif.

24      À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, tout travailleur bénéficie d’un droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines, droit qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, doit être considéré comme un principe de droit social de l’Union revêtant une importance particulière (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C‑341/15, EU:C:2016:576, point 25 et jurisprudence citée).

25      Il convient également de noter que ce droit, conféré à tout travailleur, est expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêt du 29 novembre 2017, King, C‑214/16, EU:C:2017:914, point 33 et jurisprudence citée).

26      Il y a encore lieu de préciser que, si les États membres doivent s’abstenir de subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même du droit au congé annuel payé qui résulte directement de la directive 2003/88 (voir, notamment, arrêts du 26 juin 2001, BECTU, C‑173/99, EU:C:2001:356, point 53 ; du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 28, ainsi que du 29 novembre 2017, King, C‑214/16, EU:C:2017:914, point 34), la présente affaire porte toutefois sur la question de savoir si une période de congé parental doit, ou non, être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler la finalité du droit au congé annuel payé, conféré à chaque travailleur par l’article 7 de la directive 2003/88, qui est de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d’une part, et de disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part (voir, notamment, arrêts du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 25 ; du 22 novembre 2011, KHS, C‑214/10, EU:C:2011:761, point 31, ainsi que du 30 juin 2016, Sobczyszyn, C‑178/15, EU:C:2016:502, point 25).

28      Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d’autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence. En effet, l’objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d’une période de repos, de détente et de loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2015, Greenfield, C‑219/14, EU:C:2015:745, point 29).

29      Il ressort, certes, d’une jurisprudence constante que, dans certaines situations spécifiques dans lesquelles le travailleur est incapable de remplir ses fonctions, en raison notamment d’une absence pour maladie dûment justifiée, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé (voir, notamment, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 20 et jurisprudence citée). Ainsi, au regard du droit au congé annuel payé, les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie au cours de la période de référence sont assimilés à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période (voir, notamment, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 40).

30      Il en est de même des travailleuses en congé de maternité, qui sont, de ce fait, dans l’incapacité d’exercer leurs fonctions dans le cadre de leurs relations de travail et dont les droits au congé annuel payé doivent être assurés dans le cas de ce congé de maternité et pouvoir être exercés lors d’une période distincte de celle de ce dernier congé (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2004, Merino Gómez, C‑342/01, EU:C:2004:160, points 34, 35 et 38).

31      Toutefois, la jurisprudence citée aux deux points précédents ne saurait être appliquée mutatis mutandis à la situation d’un travailleur, telle Mme Dicu, qui a bénéficié d’un congé parental pendant la période de référence.

32      En effet, il importe de souligner, tout d’abord, que la survenance d’une incapacité de travail pour cause de maladie est, en principe, imprévisible (arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 51) et indépendante de la volonté du travailleur (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2017, King, C‑214/16, EU:C:2017:914, point 49). Ainsi que la Cour l’a déjà relevé au point 38 de l’arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18), la convention n° 132 de l’Organisation internationale du travail, du 24 juin 1970, concernant les congés annuels payés, telle que révisée, dont les principes doivent être pris en compte, en vertu du considérant 6 de la directive 2003/88, aux fins d’interpréter celle-ci, range, à son article 5, paragraphe 4, les absences dues à une maladie parmi les absences du travail « pour des motifs indépendants de la volonté de la personne employée intéressée », qui doivent être « comptées dans la période de service ». En revanche, la prise d’un congé parental ne revêt pas un caractère imprévisible et résulte, dans la plupart des cas, de la volonté du travailleur de s’occuper de son enfant (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2007, Kiiski, C‑116/06, EU:C:2007:536, point 35).

33      Ensuite, dans la mesure où le travailleur en congé parental n’est pas soumis aux contraintes physiques ou psychiques engendrées par une maladie, il se trouve dans une situation différente de celle résultant d’une incapacité de travail due à son état de santé (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2012, Heimann et Toltschin, C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 29).

34      La situation du travailleur en congé parental se distingue tout autant de celle de la travailleuse qui exerce son droit au congé de maternité. En effet, le congé de maternité vise, d’une part, à la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et, d’autre part, à la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l’accouchement, en évitant que ces rapports ne soient troublés par le cumul des charges résultant de l’exercice simultané d’une activité professionnelle (voir, en ce sens, arrêts du 18 mars 2004, Merino Gómez, C‑342/01, EU:C:2004:160, point 32, et du 20 septembre 2007, Kiiski, C‑116/06, EU:C:2007:536, point 46). 

35      Enfin, si, certes, un travailleur bénéficiant d’un congé parental reste, durant la période de ce congé, un travailleur, au sens du droit de l’Union (arrêt du 20 septembre 2007, Kiiski, C‑116/06, EU:C:2007:536, point 32), il n’en demeure pas moins que, lorsque, comme en l’occurrence, sa relation de travail a été suspendue sur la base du droit national, ainsi que l’y autorise la clause 5, point 3, de l’accord-cadre sur le congé parental, sont corrélativement suspendues, à titre temporaire, les obligations réciproques de l’employeur et du travailleur en matière de prestations, notamment l’obligation pour ce dernier d’exécuter les tâches lui incombant dans le cadre de ladite relation (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2012, Heimann et Toltschin, C‑229/11 et C‑230/11, EU:C:2012:693, point 28).

36      Il s’ensuit que, dans une situation telle que celle en cause au principal, la période de congé parental dont a bénéficié le travailleur concerné pendant la période de référence ne saurait être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination de ses droits au congé annuel payé au titre de l’article 7 de la directive 2003/88.

37      Il importe encore de souligner que, s’il résulte, certes, d’une jurisprudence constante de la Cour qu’un congé garanti par le droit de l’Union ne peut pas affecter le droit de prendre un autre congé garanti par ce droit et poursuivant une finalité distincte du premier (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 26 ainsi que jurisprudence citée), il ne saurait toutefois être inféré de cette jurisprudence, développée dans le contexte de situations caractérisées par un chevauchement ou une coïncidence entre les périodes afférentes à ces deux congés respectifs, que les États membres sont tenus de considérer qu’une période de congé parental dont a bénéficié un travailleur au cours de la période de référence correspond à une période de travail effectif aux fins de la détermination de ses droits au congé annuel payé au titre de la directive 2003/88.

38      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé garanti par cet article à un travailleur au titre d’une période de référence, ne considère pas la durée d’un congé parental pris par ce travailleur au cours de ladite période comme une période de travail effectif.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

L’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui, aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé garanti par cet article à un travailleur au titre d’une période de référence, ne considère pas la durée d’un congé parental pris par ce travailleur au cours de ladite période comme une période de travail effectif.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.