Language of document : ECLI:EU:C:2015:621

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 17 septembre 2015 (1)

Affaire C‑312/14

Banif Plus Bank Zrt

contre

Márton Lantos et Mártonné Lantos

[demande de décision préjudicielle formée par le Ráckevei Járásbíróság (tribunal local de Ráckeve, Hongrie)]

«Recevabilité – Protection des investisseurs – Contrat de prêt libellé en devise – Notion d’‘instrument financier’ au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17, de la directive 2004/39/CE – Notion de ‘service d’investissement’ au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39 – Circonstances dans lesquelles les prestataires de services d’investissement ont l’obligation de vérifier le caractère approprié desdits services pour les clients – Validité de contrats enfreignant ces prescriptions – Sanctions infligées en vertu de l’article 51 de la directive 2004/39»





I –    Introduction

1.        En déférant la présente demande de décision préjudicielle, le Ráckevei Járásbíróság (tribunal local de Ráckeve, Hongrie) demande un avis, notamment, sur les types d’instruments qui relèvent de la directive 2004/39/CE (2). Il demande aussi s’il découle de cette même directive une obligation de vérifier le caractère approprié pour des clients individuels de services d’investissement et de produits financiers. Cette demande est adressée à la Cour dans le cadre d’un litige portant sur un prêt libellé en devise, contracté pour financer l’achat d’une voiture. Toutefois, selon moi, en raison du manque de précision de la description aussi bien des faits que du droit national pertinents, la demande de décision préjudicielle est irrecevable.

2.        Cela dit, la demande de décision préjudicielle concerne un problème économique et social très important dans de nombreux États membres. Malheureusement, la décision de renvoi et le litige au principal ne présentent pas une occasion appropriée pour développer la jurisprudence de la Cour en la matière, ce qui devrait être fait dans le cadre du droit de l’Union de la protection des consommateurs, et notamment de la directive 2008/48/CE (3), plutôt que du droit de protection des investisseurs.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      La directive 2004/39

3.        Les considérants 2 et 31 de la directive 2004/39 sont libellés comme suit:

«(2)      Depuis quelques années, les investisseurs font davantage appel aux marchés financiers, où ils trouvent un éventail élargi de services et d’instruments, dont la complexité s’est accrue. Cette évolution justifie une extension du cadre juridique communautaire, qui doit englober toutes les activités offertes aux investisseurs. À cette fin, il convient d’atteindre le degré d’harmonisation nécessaire pour offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection et pour permettre aux entreprises d’investissement de fournir leurs services dans toute la Communauté, qui constitue un marché unique, sur la base de la surveillance exercée dans l’État membre d’origine. En conséquence, la directive 93/22/CEE devrait être remplacée par une nouvelle directive.

[…]

(31)      L’un des objectifs de la présente directive est de protéger les investisseurs. Les mesures destinées à protéger les investisseurs doivent être adaptées aux particularités de chaque catégorie d’investisseurs (clients de détail, professionnels et contreparties).»

4.        L’article 1er de la directive 2004/39 dispose:

«1.      La présente directive s’applique aux entreprises d’investissement et aux marchés réglementés.

2.      Les dispositions suivantes s’appliquent également aux établissements de crédit agréés en vertu de la directive 2000/12/CE lorsqu’ils fournissent un ou plusieurs services d’investissement et/ou exercent une ou plusieurs activités d’investissement:

–        […]

–        le chapitre II du titre II, à l’exclusion de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa;

–        […]»

5.        L’article 4, paragraphe 1, points 2, 6 et 17, de la directive 2004/39 comporte les définitions suivantes:

«2)      ‘services et activités d’investissement’: tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe;

[…]

6)      ‘négociation pour compte propre’: le fait de négocier en engageant ses propres capitaux un ou plusieurs instruments financiers en vue de conclure des transactions;

[…]

17)      ‘instruments financiers’: les instruments visés à la section C de l’annexe I».

6.        Dans le titre II, chapitre II, de la directive 2004/39, à la section 2, intitulée «Dispositions visant à garantir la protection des investisseurs», figure l’article 19, intitulé «Règles de conduite pour la fourniture de services d’investissement à des clients». Les paragraphes 4, 5 et 9 de cet article disposent:

«4.      Lorsqu’elle fournit du conseil en investissement ou des services de gestion de portefeuille, l’entreprise d’investissement se procure les informations nécessaires concernant les connaissances et l’expérience du client ou du client potentiel en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service, sa situation financière et ses objectifs d’investissement, de manière à pouvoir lui recommander les services d’investissement et les instruments financiers qui lui conviennent.

5.      Lorsque les entreprises d’investissement fournissent des services d’investissement autres que ceux visés au paragraphe 4, les États membres veillent à ce qu’elles demandent au client ou au client potentiel de donner des informations sur ses connaissances et sur son expérience en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service proposé ou demandé pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit d’investissement envisagé convient au client.

Si l’entreprise d’investissement estime, sur la base des informations reçues conformément à l’alinéa précédent, que le produit ou le service ne convient pas au client ou au client potentiel, elle l’en avertit. Cet avertissement peut être transmis sous une forme normalisée.

Si le client ou le client potentiel choisit de ne pas fournir les informations visées au premier alinéa, ou si les informations fournies sur ses connaissances et son expérience sont insuffisantes, l’entreprise d’investissement avertit le client ou le client potentiel qu’elle ne peut pas déterminer, en raison de cette décision, si le service ou le produit envisagé lui convient. Cet avertissement peut être transmis sous une forme normalisée.

[…]

9.      Dans les cas où un service d’investissement est proposé dans le cadre d’un produit financier qui est déjà soumis à d’autres dispositions de la législation communautaire ou à des normes communes européennes relatives aux établissements de crédit et aux crédits à la consommation concernant l’évaluation des risques des clients et/ou les exigences en matière d’information, ce service n’est pas en plus soumis aux obligations énoncées dans le présent article.»

7.        L’article 51, paragraphe 1, de la directive 2004/39 impose aux États membres de veiller à ce que puissent être prises des mesures ou appliquées des sanctions administratives appropriées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions adoptées en application de ladite directive. Ils font en sorte que ces mesures soient efficaces, proportionnées et dissuasives (4).

8.        Parmi les «[s]ervices et activités d’investissement» énumérés à la section A de l’annexe I est mentionnée la «[n]égociation pour compte propre». Parmi les services auxiliaires énumérés à la section B sont mentionnés les «[s]ervices de change lorsque ces services sont liés à la fourniture de services d’investissement». Parmi les instruments financiers énumérés à la section C sont mentionnés les «[c]ontrats d’option, contrats à terme, contrats d’échange, accords de taux futurs et tous autres contrats dérivés relatifs à des valeurs mobilières, des monnaies, des taux d’intérêt ou des rendements ou autres instruments dérivés, indices financiers ou mesures financières qui peuvent être réglés par une livraison physique ou en espèces».

2.      La directive 2008/48

9.        L’article 1er de la directive 2008/48, intitulé «Objet», dispose:

«La présente directive a pour objet d’harmoniser certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.»

10.      L’article 2 de la directive 2008/48, intitulé «Champ d’application», dispose :

«1.      La présente directive s’applique aux contrats de crédit.

2.      La présente directive ne s’applique pas:

[…]

h)      aux contrats de crédit conclus avec une entreprise d’investissement, telle que définie à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil […], ou avec un établissement de crédit, tel que défini à l’article 4 de la directive 2006/48/CE, aux fins de permettre à un investisseur d’effectuer une transaction liée à au moins un des instruments dont la liste figure dans la section C de l’annexe I de la directive 2004/39/CE, lorsque l’entreprise d’investissement ou l’établissement de crédit accordant le crédit est associé à cette transaction;

[…]»

11.      L’article 3 de la directive 2008/48, intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

c)      ‘contrat de crédit’ un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu’ils sont fournis, par des paiements échelonnés».

B –    Le droit hongrois

12.      L’article 231 du code civil hongrois (5) (ci‑après le «code civil») prévoit:

«1)      En l’absence de stipulation contraire, il convient d’acquitter une dette de somme d’argent dans la monnaie ayant cours au lieu d’exécution.

2)      Une dette libellée dans une autre devise ou en or doit être convertie en se fondant sur le cours (le prix) en vigueur au lieu et au moment de l’exécution.»

13.      Par décision no 6/2013 PJE rendue dans l’intérêt de l’uniformité du droit civil, la Kúria, en tant que Cour suprême, a fixé l’interprétation juridique contraignante, pour la jurisprudence nationale, au sujet des contrats de prêt en devise. Sur le fondement de l’article 231 du code civil, la Kúria a qualifié les contrats de prêt en devise de prêts de devise. Elle a constaté qu’un tel prêt de devise génère un passif en devise, mais que, face au prêt effectif de devise (par une clause dite «d’effectivité»), le prêt en devise prévoit une devise comme monnaie de compte, tandis que la monnaie dans laquelle les paiements effectifs ont lieu demeure le forint hongrois (HUF). En conséquence, la Kúria a considéré que, dans une telle opération, le flux de liquidités libellé en devise est fictif et le flux de liquidités en HUF est réel.

III – Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14.      La décision de renvoi indique que, «le 11 juin 2008, l’établissement de crédit Banif Plus Bank Zrt, partie requérante (ci‑après la ‘banque’), a conclu un contrat de prêt en devise avec le premier défendeur, un client de nationalité hongroise, sur le fondement de l’article 523 de la loi no IV de 1959, instituant le code civil (Polgári Törvénykönyvről szóló 1959. évi IV. törvény. […]). Le contrat de prêt avait pour objet de déterminer le montant des fonds à remettre (prestation) et les conditions applicables aux échéances du prêt (contreprestation). Les clauses du contrat comportent des stipulations substantielles relatives aux flux fictifs (libellés) en devise et aux flux réels en HUF».

15.      Il est ensuite indiqué dans la décision que, «lors de l’octroi du prêt, la banque a converti en devise le montant à verser en HUF, conformément à l’article 231 du code civil, selon le taux de change en vigueur à une date préalablement déterminée, [puis] a acheté au client, à sa charge, les devises (telles qu’inscrites) au taux de change applicable à l’achat de devises au jour de la remise des fonds (opération de change au comptant) en remettant sa contrevaleur en HUF. [Ultérieurement,] la banque a vendu au client les devises telles qu’inscrites contre des HUF au taux de change applicable à la vente de devises au jour du remboursement du prêt (opération de change à terme au jour du remboursement), afin que ledit client puisse honorer en devises l’obligation de remboursement d’une dette libellée en devise».

16.      La décision de renvoi indique en outre que, étant donné «que le contrat de prêt en devise qui fait l’objet du litige au principal relève du marché monétaire (prêt) et, le cas échéant, du marché des capitaux (opérations sur des taux de change de devises), l’interprétation des notions d’instrument financier et d’activité d’investissement réalisée au moyen d’un tel instrument soulève des doutes».

17.      C’est pourquoi la juridiction de renvoi a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle portant sur les questions suivantes:

«1)      Le fait de proposer à un client, sous l’appellation de contrat de prêt en devise, une opération (de change), impliquant une conversion en HUF d’un montant libellé en devise, et consistant en une vente au comptant au moment de la remise des fonds et à terme au moment du remboursement, par laquelle le prêt consenti au client l’expose aux variations du marché des capitaux et aux risques qui en découlent (risque de change) doit‑il être considéré comme relevant de la notion d’instrument financier, au sens des définitions figurant à l’article 4, paragraphe 1, point 2 (services et activités d’investissement) et point 17 (instruments financiers), ainsi qu’à l’annexe I, section C, point 4 (contrats à terme, instruments dérivés), de la directive 2004/39/CE du Conseil [directive MiFID]?

2)      Si l’instrument financier visé par la première question participe de la réalisation d’une activité commerciale pour compte propre, doit‑il être considéré comme un service ou une activité d’investissement au sens des définitions figurant à l’article 4, paragraphe 1, point 6 (négociation pour compte propre), et à l’annexe I, section A, point 3 (négociation pour compte propre), de la directive [MiFID]?

3)      L’établissement financier est‑il tenu de procéder à l’évaluation de l’adéquation prévue à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive MiFID, étant donné que l’opération à terme en devises, en tant que service d’investissement portant sur un instrument financier dérivé, a été proposée dans le cadre d’un autre produit financier (le prêt) et que l’instrument dérivé est, en lui‑même, un instrument financier complexe [?] L’application de l’article 19, paragraphe 9, de la [directive MiFID] est‑elle exclue compte tenu du fait que les risques inhérents au prêt et à l’instrument financier diffèrent fondamentalement, ladite évaluation de l’adéquation apparaissant indispensable eu égard à l’objet de l’opération réalisée par l’instrument dérivé?

4)      Le contournement des dispositions de l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la [directive MiFID] implique‑t‑il, à lui seul, la constatation de la nullité du contrat de prêt conclu entre la banque et le client?»

18.      Les défendeurs, M. Márton Lantos et Mme Mártonné Lantos, les gouvernements allemand, hongrois, polonais et du Royaume‑Uni, ainsi que la Commission européenne, ont présenté des observations écrites. Il n’y a pas eu d’audience.

IV – La recevabilité

19.      Selon moi, la demande de décision préjudicielle est irrecevable pour les raisons suivantes.

20.      Je rappelle que les informations fournies dans la décision de renvoi doivent permettre à la Cour, aux États membres et autres parties habilitées à soumettre des observations de bien comprendre le cadre factuel et réglementaire de l’affaire au principal, ainsi qu’indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation de dispositions pertinentes du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour. Il est important de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (6).

21.      Ces prescriptions concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle sont indiquées expressément à l’article 94 du règlement de procédure et se retrouvent également dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (7). Il ressort, notamment du point 22 de ces recommandations, que, si la demande de décision préjudicielle doit être «succincte, [elle] doit néanmoins être suffisamment complète et contenir toutes les informations pertinentes de manière à permettre à la Cour, ainsi qu’aux intéressés en droit de déposer des observations, de bien comprendre le cadre factuel et réglementaire de l’affaire au principal» (mise en italique par mes soins).

22.      Étant donné que c’est la décision de renvoi qui sert de fondement à la procédure devant la Cour, il est indispensable que le juge national explicite, dans la décision de renvoi elle‑même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (8). La Cour a jugé que les juridictions nationales sont tenues de respecter «scrupuleusement» les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle (9), or, selon moi, la décision de renvoi dans la présente affaire ne respecte pas ces exigences.

23.      Les informations limitées relatives au cadre factuel fournies dans la décision de renvoi sont reproduites aux points 14 à 16 des présentes conclusions (10). Par conséquent, il manque dans la décision de renvoi une grande quantité d’informations, relatives au cadre factuel, qui sont nécessaires pour pouvoir répondre utilement aux questions posées. Je pense, par exemple, aux clauses précises du contrat qui sont litigieuses, à une description détaillée de ce qui s’est passé entre les parties pour qu’elles en arrivent à un litige portant sur leurs droits et obligations légales respectifs (11). La décision de renvoi ne comporte même aucune information concernant la devise dans laquelle le contrat a été conclu (12).

24.      Dans ses observations écrites, la Commission indique qu’elle a examiné le dossier présenté par la juridiction nationale, ainsi, pour elle, cette lacune factuelle a été en partie comblée. Toutefois, le dossier n’a pas été transmis aux gouvernements des États membres. Ceux‑ci ont dû prendre leur décision d’intervenir ou non dans l’affaire sur la base de la décision de renvoi et de connaissances générales en matière de prêts en devise accordés aux consommateurs.

25.      De surcroît, comme l’ont souligné plusieurs gouvernements dans leurs observations écrites, les faits qui ont été transmis sont, à certains égards, incompréhensibles. Cela pose un problème important de cohérence des questions préjudicielles.

26.      Premièrement, le gouvernement hongrois observe que la juridiction de renvoi fait référence à des dispositions du droit national relatives aux crédits à l’investissement, ainsi qu’aux contrats de prêt à l’investissement et d’échange de devises, sans préciser si le contrat en cause relève de l’une de ces catégories. Deuxièmement, le gouvernement allemand observe que la décision de renvoi indique que le contrat de prêt en devise serait constitué d’un achat au comptant à la date du versement et d’un achat à terme à la date du remboursement. Selon ce gouvernement, il est difficile de comprendre pourquoi la juridiction de renvoi considère qu’il s’agit d’un achat à terme alors que, par ailleurs, elle affirme, ce qui est contradictoire, que s’applique le taux de change de la date du remboursement. Le gouvernement hongrois a également du mal à comprendre si la juridiction de renvoi affirme que l’opération constitue une opération de change à terme (menée de gré à gré) ou si son intention est seulement de se référer aux fondements légaux de la définition de ladite notion (13).

27.      Deuxièmement, le dispositif n’est pas décrit avec suffisamment de cohérence et de précision concernant les faits pour permettre à la Cour de décider s’il s’agit d’un «instrument financier» au sens de la directive 2004/39. Comme le font remarquer les gouvernements allemand et du Royaume‑Uni dans leurs observations, le type de transaction que la banque a réalisée avec le débiteur n’est pas expliqué clairement et il y a une certaine ambiguïté à cet égard. Le gouvernement allemand ajoute que la décision de renvoi donne parfois l’impression que les achats et ventes de devises auront lieu, alors que, en même temps, un flux fictif de devises est décrit. Il n’apparaît pas clairement quels achats de devises et flux de paiement ont effectivement eu lieu. Selon le gouvernement du Royaume‑Uni, il n’apparaît pas clairement si le contrat est constitué de deux instruments séparés ou d’un instrument hybride, et s’il s’agit vraiment d’une combinaison d’une opération au comptant et d’une opération à terme, et non pas une combinaison de deux opérations au comptant.

28.      En outre, la pertinence des dispositions nationales citées dans la décision de renvoi n’est pas évidente étant donné qu’il n’est pas expliqué comment ces dispositions sont liées aux dispositions du droit de l’Union prétendument pertinentes. Par conséquent, pour ceux qui ne disposent pas d’une connaissance approfondie du droit hongrois, il est difficile de comprendre la décision de renvoi (14).

29.      Enfin, en raison de l’insuffisance des informations fournies dans la décision de renvoi, il est impossible de dire si la banque est tenue d’effectuer l’examen du caractère approprié prescrit à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39 ou si elle en est exemptée en vertu de l’article 19, paragraphe 9, de ladite directive. Ce qui est demandé à la Cour en l’espèce, c’est de déterminer si c’est la directive 2004/39 qui s’applique, ou un autre instrument législatif de l’Union destiné à protéger les intérêts des consommateurs, comme la directive 2008/48. Comme le montrera l’examen ci‑après, j’ai l’impression, d’après les informations disponibles, que le litige ne relève pas de la directive 2004/39, mais qu’il est plutôt régi par la directive 2008/48. En outre, j’observe que la législation nationale transposant la directive 2004/39 s’applique aux prêts à l’investissement (15). Par ailleurs, de tels prêts ne relèvent pas de la directive 2008/48, mais ils ne sont pas non plus définis comme des services financiers ou des instruments financiers dans la directive 2004/39. Cela dit, je ne crois pas que la Cour dispose de suffisamment d’informations pour répondre à la troisième question.

V –    Analyse

A –    Observations liminaires

30.      Pour le cas où la Cour jugerait quand même les questions préjudicielles recevables, j’examinerai brièvement les aspects juridiques qui, selon moi, peuvent être pertinents pour y répondre.

31.      Premièrement, je ferai l’hypothèse que l’affaire concerne un prêt libellé en devise accordé à une personne physique et, plus précisément, à un consommateur. En effet, les observations écrites des défendeurs au principal montrent que le but du contrat de prêt était de financer l’acquisition d’une voiture (16).

32.      Je rappelle que, dans ses conclusions dans l’affaire Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:85, point 1), l’avocat général Wahl a observé que «[l]a présente affaire s’insère dans le contexte de l’offre de contrats de crédits à la consommation libellés en devises étrangères. Le recours à ce type de contrats, qui constitue une pratique relativement courante dans certains États membres de l’Union européenne et qui, prima facie, peut être jugé attractif par les emprunteurs en raison du taux d’intérêt inférieur à celui généralement appliqué, s’est, à la suite de la crise financière internationale de la fin des années 2000, révélé problématique pour de nombreux particuliers en raison de la forte dépréciation de certaines devises par rapport à la devise étrangère visée (notamment le franc suisse). Ces particuliers se sont trouvés dans l’obligation de rembourser des mensualités, libellées en devise domestique, considérablement plus élevées que celles dont ils auraient dû s’acquitter si celles‑ci avaient été calculées sur la base du taux de change historique, applicable au moment du déblocage du prêt. Les déconvenues observées ont été telles que, par ricochet, le secteur bancaire de certains États membres s’en trouverait considérablement affecté» (17).

33.      D’ailleurs, le législateur hongrois a réagi à l’aggravation de l’endettement pesant sur les ménages hongrois en adoptant un ensemble de mesures législatives destinées surtout à protéger les propriétaires de logements endettés. Ces mesures permettent, notamment, le remboursement définitif de dettes en devises à des taux de change fixes préférentiels au moyen d’un système aidé par l’État et ont prescrit la conversion forcée de prêts immobiliers libellés en devise. De surcroît, elles ont limité le recours aux sûretés immobilières et ont prévu des prêts en HUF à des taux d’intérêt subventionnés, ainsi qu’une aide sociale pour les débiteurs menacés d’expulsion en raison des difficultés rencontrées pour rembourser des prêts en devise (18).

34.      Deuxièmement, il est utile de rappeler les principes fondamentaux de la loi des obligations monétaires, la monnaie de compte définissant la mesure de l’obligation monétaire et la monnaie de paiement étant le mode d’exécution (19). La distinction entre monnaie de compte et monnaie de paiement au moyen d’une clause de change permet au créancier de transférer le risque de dépréciation de la valeur interne et/ou externe de la monnaie de paiement au débiteur, qui peut en même temps profiter d’un taux d’intérêt nominal plus bas. C’est pourquoi les prêts libellés en devise sont largement utilisés dans certains États. Le recours à une clause de change signifie que le débiteur contracte une obligation de payer une somme d’argent indéterminée mais déterminable. Toutefois, il s’agit d’une obligation monétaire dont il est possible de s’acquitter en payant la somme d’argent concernée dans la monnaie de paiement (20).

35.      Sur le fondement des considérations qui précèdent, la situation de fait semble correspondre à un prêt accordé par une banque à un consommateur avec pour monnaie de compte convenue le CHF, dont la valeur détermine le principal et les remboursements du prêt, alors que la monnaie de paiement est le HUF.

B –    Notions d’instrument financier et de service d’investissement (première et deuxième question)

36.      Dans la décision de renvoi, la juridiction de renvoi indique que, selon elle, les flux fictifs de CHF en cause correspondent à un instrument financier, en l’occurrence, manifestement un instrument dérivé comme une opération à terme en devises entre la banque et le client, ce dernier ayant agi pour son propre compte et, manifestement, sur un marché de gré à gré (21) ou dans un cadre similaire.

37.      À cet égard, il me faut commencer par un point essentiel. Le but de la directive 2004/39 est de protéger les investisseurs (22). Un investisseur au sens de la directive est quelqu’un qui investit ou a l’intention d’investir son propre capital ou du capital emprunté dans un instrument financier dans le but d’obtenir un revenu ou, au moins, de protéger la valeur de son capital. Le dossier de l’affaire indique que le client n’a cherché à investir aucun capital et que son but était d’emprunter auprès de la banque le montant nécessaire pour financer l’acquisition d’un bien de consommation durable, une voiture. Si c’est ce que les débiteurs veulent dire dans leurs observations, je ne suis pas convaincu que l’une des parties ait réalisé un investissement en CHF. Bien que cela ne soit pas déterminant pour la solution du litige, selon moi, la protection des investisseurs prévue par la directive 2004/39 ne vise pas des situations dans lesquelles des consommateurs financent de la consommation, par opposition à des investissements, qui, en termes économiques, sont une forme d’épargne.

38.      Cela dit, la juridiction de renvoi et le défendeur au principal donnent l’impression qu’ils se fondent sur une approche selon laquelle il y aurait une opération à terme en devise correspondant à un contrat dérivé au sens de la directive 2004/39, annexe I, section C, point 4 (23). Selon moi, cette approche n’est pas juridiquement tenable, pour les raisons que j’exposerai ci‑après.

39.      Je rappelle que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, on entend par «services et activités d’investissement»: tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 6, de la directive 2004/39, on entend par «négociation pour compte propre»: le fait de négocier en engageant ses propres capitaux un ou plusieurs instruments financiers en vue de conclure des transactions. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 17, on entend par «instruments financiers»: les instruments visés à la section C de l’annexe I.

40.      Le contrat en cause (un prêt libellé en devise accordé à un consommateur ou son élément d’opération à terme, si cette dernière est légalement détachable du prêt) n’est susceptible de relever que d’une seule des dispositions de la directive 2004/39: le point 4 de la section C de l’annexe I. Aux termes de cette disposition, les «[c]ontrats d’option, contrats à terme, contrats d’échange, accords de taux futurs et tous autres contrats dérivés relatifs à des valeurs mobilières, des monnaies, des taux d’intérêt ou des rendements ou autres instruments dérivés, indices financiers ou mesures financières qui peuvent être réglés par une livraison physique ou en espèces» sont des instruments financiers (mise en italique par mes soins).

41.      Selon moi, il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse de la catégorie précise, parmi celles mentionnées à l’annexe I, section C, point 4, dont relèvent les éléments du contrat en cause. Ce sont tous des contrats ou des instruments dérivés, et comme le gouvernement polonais l’a souligné dans ses observations, les instruments dérivés sont ceux qui peuvent être utilisés à des fins de couverture des risques ou à des fins spéculatives parce que le prix, le taux ou la valeur futur de l’actif sous‑jacent est fixé à l’avance (24).

42.      Cela suppose qu’il existe une perspective de divergence entre le prix, le taux ou la valeur actuel de l’actif sous‑jacent et le prix, le taux ou la valeur fixé dans le contrat. Cette circonstance confère en outre à l’instrument dérivé une valeur économique indépendante, différente de celle d’un contrat qui requiert seulement l’exécution, à une date future et à la valeur du jour d’exécution, d’une transaction concernant l’actif sous‑jacent (25).

43.      Selon le dispositif monétaire prévu dans le contrat de prêt en cause au principal, tout acquittement d’obligations monétaires libellées en CHF devait être réalisé en HUF à un taux applicable à la date de remboursement du prêt ou des versements. Ce rattachement au taux de change du CHF prive le dispositif du caractère de contrat à terme. Il en est ainsi parce que la prétendue opération à terme qui fait partie du dispositif ne représente pas une valeur juridique ou économique différente par rapport au contrat de prêt en tant que tel (26). Comme le gouvernement allemand le fait remarquer à juste titre, en substance il faut rembourser en monnaie nationale une dette libellée en devise, mais au taux de la date de paiement, c’est pourquoi il n’y a pas de différence notable avec un prêt en devise classique.

44.      En effet, il semble que le contrat à terme soit seulement une manière compliquée de formuler une clause de change applicable au contrat de prêt et de transférer le risque de change lié à la dépréciation de la monnaie nationale du créancier au débiteur (27).

45.      Concernant la deuxième question, je rappelle que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, on entend par «services et activités d’investissement»: tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe. Par conséquent, pour les raisons exposées ci‑dessus, il ne s’agit pas d’un instrument financier visé à la section C de l’annexe I de la directive 2004/39, l’applicabilité de la section A de cette annexe est exclue. C’est pourquoi la directive elle‑même n’est pas applicable.

46.      Par conséquent, s’il faut répondre aux première et deuxième questions, selon moi, il conviendrait de le faire en ce sens qu’un prêt libellé en devise, mais versé et remboursable en monnaie nationale au taux du jour de remboursement n’est pas lui‑même et ne contient pas un instrument financier ou un service financier au sens de la directive 2004/39, c’est pourquoi la directive n’est pas applicable au contrat.

C –    Interprétation de l’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39 (troisième question)

47.      La troisième question concerne l’existence d’une obligation incombant à l’établissement financier de vérifier le caractère approprié conformément à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39. D’après la question, une telle obligation serait automatique si l’instrument financier avait été proposé dans le cadre d’un autre instrument financier (à savoir un contrat de prêt). Comme je l’ai expliqué ci‑dessus, selon moi, cette qualification du contrat semble juridiquement incorrecte et la directive n’est pas applicable à la situation de l’affaire au principal.

48.      La juridiction de renvoi demande en outre si l’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39 est applicable ou non. Aux termes de l’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39, si un service d’investissement «est déjà soumis à d’autres dispositions de la législation communautaire ou à des normes communes européennes» dans les domaines concernés, ce service n’est pas en plus soumis aux obligations énoncées dans le présent article. D’après la troisième question, les risques assumés par le client en ce qui concerne le prêt et l’instrument financier sont fondamentalement différents et, par conséquent, la vérification du caractère approprié est essentielle car la transaction comporte un instrument dérivé. Encore une fois, la question est fondée sur les postulats expliqués ci‑dessus, concernant l’existence d’un instrument financier, avec lesquels je ne suis pas d’accord.

49.      Pour ces raisons, la Cour n’a pas besoin de répondre à cette question. Toutefois, je présenterai les observations suivantes à titre subsidiaire.

50.      Dans l’arrêt Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos (C‑604/11, EU:C:2013:344, point 48), la Cour a dit pour droit que «[…] l’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39 doit être interprété en ce sens que, d’une part, un service d’investissement n’est proposé dans le cadre d’un produit financier que s’il en fait partie intégrante au moment où ledit produit financier est proposé au client et, d’autre part, les dispositions de la législation de l’Union et les normes communes européennes auxquelles cette disposition fait référence doivent permettre une évaluation des risques des clients et/ou comporter des exigences en matière d’information, qui englobent également le service d’investissement faisant partie intégrante du produit financier en question, pour que ce service ne soit plus soumis aux obligations énoncées audit article 19» (mise en italique par mes soins).

51.      Les deux conditions sont remplies en l’espèce. D’une part, le prétendu contrat à terme de devise faisait partie intégrante du contrat de prêt au moment où il a été proposé au client. Je souligne que le but du prêt était de financer l’acquisition d’une voiture, ce qui permet de qualifier celui‑ci de contrat de prêt à la consommation. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’examiner si les prêts accordés pour des investissements ou des instruments financiers relèveraient en tant que tels ou par analogie du champ d’application de la directive 2004/39.

52.      D’autre part, la directive 2008/48 concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoit des obligations d’information concernant des prêts du type de celui en cause en l’espèce (28). Par conséquent, les établissements financiers sont tenus de fournir aux clients des informations concernant des prêts impliquant des obligations ou des opérations libellées en devise et d’évaluer la solvabilité de ces clients.

53.      C’est pourquoi il convient de répondre à la troisième question que, conformément à l’article 19, paragraphe 9, de la directive 2004/39, une vérification du caractère approprié n’est pas nécessaire dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal.

D –    Sanctions civiles pour des violations de la directive 2004/39 (quatrième question)

54.      Par la quatrième question, la juridiction de renvoi demande si une violation de l’article 19, paragraphe 4, de la directive 2004/39 conduirait à une annulation du contrat de prêt conclu entre la banque et le client.

55.      L’article 51, paragraphe 1, de la directive 2004/39 prévoit des sanctions administratives à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions adoptées en application de la présente directive. Toutefois, la directive 2004/39 n’implique aucune obligation de prévoir des sanctions civiles.

56.      Comme la Cour l’a observé dans l’arrêt Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos (C‑604/11, EU:C:2013:344, point 57), «[…] l’article 51 de la directive 2004/39 […] ne précise ni que les États membres doivent prévoir des conséquences contractuelles en cas de conclusion de contrats ne respectant pas des obligations découlant des dispositions de droit national transposant l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39, ni quelles pourraient être ces conséquences. Or, en l’absence de législation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les conséquences contractuelles de la violation de ces obligations, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité».

57.      Par conséquent, la réponse à la quatrième question serait que, lorsqu’une entreprise d’investissement ne respecte pas les obligations d’évaluation prévues à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les conséquences contractuelles de la violation de ces obligations, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

58.      Malgré les observations présentées ci‑dessus à titre subsidiaire, selon moi, la demande de décision préjudicielle devrait être déclarée irrecevable.

VI – Conclusion

59.      Pour ces raisons, je suggère à la Cour de déclarer irrecevable la demande de décision préjudicielle du Ráckevei Járásbíróság (tribunal local de Ráckeve) dans l’affaire C‑312/14.


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145, p. 1).


3 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66). En revanche, la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO L 60, p. 34), qui comporte un chapitre relatif aux prêts en devise, n’est manifestement pas applicable en l’espèce.


4 – Il est indiqué que cela est sans préjudice des procédures relatives au retrait d’un agrément ni du droit des États membres d’appliquer des sanctions pénales.


5 – A Magyar Köztársaság Polgári Törvénykönyvről szoló 1959. évi IV. (Ptk.).


6 – Voir ordonnance Herrenknecht (C‑366/14, EU:C:2014:2353, points 14, 15, ainsi que 17, et jurisprudence citée).


7 – JO 2012, C 338, p. 1.


8 – Ordonnance Talasca (C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 20 et jurisprudence citée).


9 –      Ibidem, point 21.


10 – Dans un souci d’exhaustivité, j’ajoute qu’il y a une brève description des avis divergents des parties sur le problème juridique qui se pose, comportant une référence très brève à leurs avis discordants concernant l’applicabilité de la directive 2004/39. Un résumé de certaines dispositions apparemment pertinentes du droit hongrois apparaît également dans le document, mais rien de plus.


11 – D’après les observations des débiteurs, le litige au principal semble concerner le recouvrement du prêt par la banque. M. Márton Lantos est le principal débiteur, mais Mme Mártonne Lantos a également été poursuivie par la banque sur le fondement de dispositions nationales concernant la responsabilité solidaire des époux pour des crédits liés à des biens du ménage. Leurs observations comportent aussi une description des conditions du contrat comportant seulement un examen succinct des clauses pertinentes du contrat de prêt. Ce dernier est joint en annexe aux observations écrites des débiteurs.


12 – Alors que la décision de renvoi ne dit rien concernant la devise en cause, selon différentes observations écrites, les contrats ont été conclus en francs suisses (CHF).


13 – Pour ma part, j’ai du mal à comprendre pourquoi les débiteurs avaient besoin d’un prêt de la banque s’ils étaient en mesure de vendre à celle‑ci les montants correspondants en CHF. Il est indiqué dans la décision de renvoi: «[puis] [la banque] a acheté au client […] les devises». Toutefois, la Commission observe, sur la base du dossier national, qu’un prêt a été accordé en CHF, mais qu’il a été versé et qu’il devait être remboursé en HUF. D’après les observations des débiteurs, le montage en cause constitue, au moins pour partie, un instrument concernant un investissement en CHF.


14 – J’observe que ces observations écrites du gouvernement hongrois décrivent le cadre juridique de manière plus détaillée que la décision de renvoi, mais que ce gouvernement considère que la demande de décision préjudicielle est irrecevable, notamment en raison du manque de clarté concernant la pertinence des dispositions nationales qu’elle cite.


15 – Voir article 4, point 6, de la loi CXXXVIII de 2007, qui est entrée en vigueur le 1er décembre 2007, transposant la directive 2004/39 en droit hongrois (a befektetési vállalkozásokról és az árutőzsdei szolgáltatókról, valamint az általuk végezhető tevékenységek szabályairól szóló 2007. évi CXXXVIII. törvény).


16 – Dans leurs observations écrites, les défendeurs au principal affirment que, le 11 juin 2008, M. Márton Lantos est convenu avec la banque d’un prêt à la consommation libellé en CHF en vue du financement de l’acquisition d’un véhicule automobile.


17 – L’avocat général Wahl a expliqué en outre (en note 2 de ses conclusions) que, d’après la juridiction de renvoi, dans cette affaire, l’encours des emprunts souscrits par les ménages hongrois auprès des établissements de crédit représente 32,56 % du produit national brut, selon les données relatives au second semestre de l’année 2012 fournies par la Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie), les prêts accordés sur la base d’une devise étrangère, à l’instar de celui en cause dans l’affaire au principal, représentant 18,54 % de ce produit, soit un montant de 5 289 milliards de HUF. S’agissant plus précisément des crédits libellés en CHF, ils auraient été proposés à grande échelle non seulement en Hongrie, mais également dans d’autres États membres, notamment en Pologne et en Croatie.


18 – Voir, notamment, la loi LXXV de juin 2011, relative à la fixation du taux de change utilisé pour le calcul d’instruments de prêts immobiliers libellés en devises et à la vente forcée de logements, le décret gouvernemental no 341/2011 relatif au subventionnement des taux d’intérêt des prêts immobiliers et la loi CLXXIII de 2013 relative à un système de plafond de taux de change.


19 – Mann on the Legal Aspect of Money, Proctor, C., Kleiner, C., et Mohs, F. (éd.), septième édition, Oxford University Press, Oxford, 2012, p. 127.


20 – Mann on the Legal Aspect of Money, p. 104. À l’article 4, point 28, de la directive 2014/17, un «prêt en monnaie étrangère» est défini comme un contrat de crédit dans lequel le crédit est libellé dans une monnaie autre que celle dans laquelle le consommateur reçoit les revenus ou détient les actifs sur la base desquels le crédit doit être remboursé ou libellé dans une monnaie autre que celle de l’État membre où le consommateur est résident.


21 – La décision de renvoi cite plusieurs dispositions nationales relatives aux opérations à terme en devise réalisées sur le marché de gré à gré.


22 – Voir considérants 2 et 31 de la directive 2004/39.


23 – Voir point 16 ci‑dessus. De surcroît, les défendeurs au principal soutiennent que le contrat est mixte et comporte, d’une part, un contrat de prêt et, d’autre part, une opération de change à terme et un transfert de risque de change, ce dernier élément étant un service financier concernant un instrument financier.


24 – Comme l’observe le gouvernement allemand, il n’existe pas en droit de l’Union de définition unique légalement contraignante des instruments dérivés, mais de nombreux instruments législatifs de l’Union font référence à cette notion. Il existe de nombreuses définitions dans la littérature en matière économique et financière. Par exemple, selon les définitions adoptées par le Fonds monétaire international, il «y a deux grandes catégories d’instruments financier dérivés. Dans un contrat à terme, qui est inconditionnel, deux parties conviennent d’échanger des quantités déterminées d’un actif sous‑jacent (réel ou financier) à un prix convenu (prix d’exercice) à une date déterminée. Dans un contrat d’option, l’acheteur achète au vendeur un droit d’acheter ou de vendre (selon qu’il s’agit d’une option d’achat ou d’une option de vente) un actif sous‑jacent déterminé à un prix d’exercice, à une date déterminée ou avant cette date. À la différence des instruments de dettes, les instruments financiers dérivés ne génèrent pas de revenus d’investissement; il n’y a pas non plus de principal avancé et devant être remboursé». Voir sous FD3, dans Financial Derivatives, A Supplement to the fifth edition (1993) of the Balance of Payments Manual, International Monetary Fund, 2000. Peut être consulté à partir d’un lien à l’adresse: http://www.imf.org/external/pubs/ft/fd/2000/finder.pdf.


25 – Si A accorde à B un prêt de 100 000 euros (monnaie de compte) remboursable en dollars (monnaie de paiement) au taux applicable à la date de paiement, B doit rembourser 100 000 dollars des États‑Unis (USD) si le taux à cette date est de 1 USD/euro, mais 120 000 USD si le taux est de 1,20 USD/euro. Si A et B conviennent dans le contrat de prêt que le taux applicable au remboursement est de 1,2 USD/euro, quel que soit le taux applicable à cette date, ce qui correspond juridiquement à une opération de change à terme, la clause de change a une valeur de 0 USD le jour du remboursement si le taux de change est 1,20 USD/euro (car 100 000 euros sont égaux à 120 000 USD). Toutefois, si le taux de change à cette date est de 1,00 USD/euro, l’opération à terme qui fait partie du contrat a une valeur propre de 20 000 euros/USD, puisque le créancier touche en plus du principal de 100 000 euros (égal aux 100 000 USD payés par le débiteur) également 20 000 USD (égaux au même montant en euros) représentant la différence entre le taux fixé et le taux réel.


26 – En supposant qu’il n’y a ni restriction à libre circulation des capitaux ni contrôle des changes.


27 – Toutefois, il ne protège pas le créancier contre la dépréciation de la devise concernée par rapport à la monnaie nationale.


28 – L’article 4 de la directive 2008/48 prévoit des obligations étendues concernant la publicité. Les articles 5 et 6 prévoient des obligations concernant les informations qui doivent être fournies avant la conclusion d’un contrat de prêt. Ces informations comprennent notamment: les conditions régissant l’application du taux débiteur [article 5, paragraphe 1, sous f)]; l’obligation de contracter un service accessoire lié au contrat de crédit, notamment une assurance, lorsque la conclusion d’un contrat concernant ce service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales [article 5, paragraphe 1, sous k)]. Enfin, l’article 8 impose aux créanciers d’évaluer la solvabilité des consommateurs avant de conclure des contrats avec eux.