Language of document : ECLI:EU:F:2007:70

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 avril 2007 (*)

« Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2001/2002 – DGE de l’article 43 du statut – Article 26 du statut »

Dans l’affaire F‑50/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Maddalena Lebedef-Caponi, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Senningerberg (Luxembourg), représentée initialement par Mes G. Bounéou et F. Frabetti, avocats, puis par Me F. Frabetti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kanninen et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2006, Mme Lebedef-Caponi demande l’annulation de son rapport d’évolution de carrière pour la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

 Cadre juridique

2        L’article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), prévoit :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b) les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement.

La communication de toute pièce est certifiée par la signature du fonctionnaire ou, à défaut, faite par lettre recommandée.

Aucune mention faisant état des opinions politiques, philosophiques ou religieuses d’un fonctionnaire ne peut figurer à ce dossier.

Il ne peut être ouvert qu’un dossier pour chaque fonctionnaire.

Tout fonctionnaire a le droit, même après cessation de ses fonctions, de prendre connaissance de l’ensemble des pièces figurant à son dossier.

Le dossier individuel a un caractère confidentiel et ne peut être consulté que dans les bureaux de l’administration. Il est toutefois transmis à la Cour de justice des Communautés européennes lorsqu’un recours intéressant le fonctionnaire est formé devant la Cour. »

3        L’article 43 du statut dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, adoptées par la Commission des Communautés européennes le 26 avril 2002 (ci-après les « DGE ») :

« Conformément à l’article 43 du statut […], un rapport périodique, appelé rapport d’évolution de carrière, est établi chaque année en ce qui concerne les compétences, le rendement et la conduite dans le service pour chaque membre du personnel permanent […] »

4        L’article 2, paragraphes 2 à 4, des DGE dispose :

« 2. L’évaluateur est le fonctionnaire chargé de réaliser l’évaluation et de rédiger le rapport. Le validateur est le supérieur hiérarchique de l’évaluateur. Il a pour rôle de contresigner le rapport et, en cas de désaccord avec l’évaluateur, c’est à lui que revient la responsabilité finale du rapport.

3. Le validateur est en particulier chargé de veiller à l’application cohérente des normes d’évaluation dans l’ensemble des rapports d’évolution de carrière qu’il contresigne.

4. L’évaluateur d’appel est le supérieur hiérarchique du validateur. Il décide du suivi à donner en ce qui concerne l’avis émis par le comité paritaire d’évaluation visé à l’article 8. »

5        L’article 4, paragraphe 1, des DGE dispose :

« La première période d’évaluation marquera la transition entre le système de notation précédent et le nouveau système. Elle s’étendra du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, l’évaluation du rendement du fonctionnaire pendant cette période sera effectuée, à la clôture de la période de référence pour l’évaluation, nonobstant l’absence d’une fixation préalable des objectifs. »

6        L’article 5, paragraphe 5, sous c), des DGE est ainsi libellé :

« Les rapports concernant les fonctionnaires élus, désignés ou délégués sont établis par l’évaluateur et le validateur du service auquel ils sont affectés, qui consultent le groupe ad hoc d’évaluation et de propositions de promotion des représentants du personnel […] et tiennent compte de l’avis de celui-ci. Les recours formés contre le rapport sont examinés par le comité paritaire d’évaluation, mentionné à l’article 8, de la [direction générale] dont relève le fonctionnaire détaché. »

7        L’article 7, paragraphes 2 et 4 à 6, des DGE énonce :

« 2. À l’occasion d’une rencontre formelle avec le titulaire du poste à la fin de la période d’évaluation, l’évaluateur examine le rendement, les compétences qu’il a démontrées et sa conduite dans le service ; il discute avec lui de ses besoins en matière de formation et de l’évolution ultérieure de sa carrière. Dans ce cadre, l’évaluateur ne tient pas compte des absences justifiées éventuelles de l’évalué, pendant lesquelles il n’était pas à la disposition du service. Cet exercice formel de dialogue annuel constitue une tâche d’encadrement fondamentale de l’évaluateur.

4. Préalablement au dialogue annuel formel, mentionné au paragraphe 1, le fonctionnaire concerné établit, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, une autoévaluation qui fait partie intégrante du rapport final. L’évaluateur procède au dialogue avec l’intéressé dans les huit jours ouvrables. Après ce dialogue annuel formel, l’évaluateur et le validateur établissent le rapport et le transmettent à l’intéressé dans les huit jours ouvrables.

5. Dans un délai de cinq jours ouvrables, le titulaire du poste remplit les sections correspondantes, signe le rapport et retourne le document à l’évaluateur, qui le signe/paraphe sans délai et le transmet au validateur qui le signe/paraphe sans délai. Le rapport est alors considéré comme définitif. Si, à l’expiration de ce délai, l’intéressé s’abstient soit de signer le rapport ou de le retourner, soit de solliciter un dialogue avec le validateur, il est réputé en avoir accepté le contenu ; le rapport est alors considéré comme définitif et versé à son dossier personnel. En revanche, lorsque le titulaire du poste n’est pas satisfait de la teneur du rapport, il en informe immédiatement l’évaluateur et fait état, dans la section consacrée aux ‘commentaires’, de son souhait de s’entretenir avec le validateur, en exposant les motifs de sa demande. Dans un délai de cinq jours ouvrables, le validateur organise un dialogue avec l’intéressé afin de parvenir à un accord, dialogue au terme duquel soit il modifie le rapport, soit il le confirme, puis le transmet une nouvelle fois à l’intéressé. Dans un délai de cinq jours ouvrables, ce dernier signe/paraphe le rapport pour acceptation et le fait suivre à l’évaluateur, qui le signe/paraphe sans délai. Le rapport est alors considéré comme définitif. Si, à l’expiration de ce délai, l’intéressé s’abstient soit de signer le rapport soit de le retourner, il est réputé en avoir accepté le contenu ; le rapport est alors considéré comme définitif et versé à son dossier personnel.

6. Si le titulaire du poste n’est pas satisfait de la décision du validateur, il peut lui demander, dans les cinq jours ouvrables, de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 8. Cette saisine aura lieu sans délai. Le comité ne peut être saisi tant que toutes les voies de recours internes décrites ci-dessus n’ont pas été épuisées. Lorsqu’ils forment un recours devant le comité paritaire d’évaluation, les intéressés indiquent par écrit les motifs de leur requête. »

 Faits à l’origine du litige

8        La requérante est fonctionnaire de la Commission. Pendant la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 (ci-après la « période litigieuse »), elle a d’abord détenu le grade C 3, puis, à compter du 1er janvier 2002, le grade C 2. Pendant toute la période litigieuse, elle était affectée à l’unité E-0 de l’Office statistique des Communautés européennes (Eurostat). De plus, pendant cette même période, elle était membre titulaire du comité de sécurité et d’hygiène du travail, mandatée en ce sens par la section locale Luxembourg du comité du personnel.

9        Le 10 février 2003, le dialogue annuel formel visé à l’article 7 des DGE (ci-après l’« entretien ») entre la requérante et son évaluateur a eu lieu.

10      Le 12 février 2003, l’évaluateur a établi le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») de la requérante pour la période litigieuse, lequel a été approuvé par le validateur le 26 février 2003.

11      Le 28 février 2003, la requérante a introduit une demande de révision. Le 4 mars 2003, elle a eu un dialogue avec le validateur pour la révision de son REC. Le 14 mars 2003, le validateur a confirmé son REC.

12      Le 27 mars 2003, la requérante a introduit un appel devant le comité paritaire d’évaluation.

13      Le groupe ad hoc d’évaluation et de propositions de promotion des représentants du personnel, visé à l’article 5, paragraphe 5, sous c), des DGE (ci-après le « groupe ad hoc ») a rendu son avis le 28 mars 2003.

14      Le 2 avril 2003, le comité paritaire d’évaluation a émis son avis. Le 9 avril 2003, l’évaluateur d’appel a clôturé le REC.

15      Le 8 juillet 2003, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut en vue d’obtenir l’annulation de son REC.

16      Par sa note du 2 décembre 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a fait droit à la réclamation et annulé le REC de la requérante en donnant instruction au service compétent de reprendre ab initio la procédure de notation pour la période litigieuse. L’AIPN a considéré que la procédure ayant abouti à l’établissement du REC avait été viciée du fait que l’avis du groupe ad hoc avait été émis après la confirmation dudit REC par le validateur.

17      Suite à cette décision, l’évaluateur a établi, le 14 janvier 2004, un nouveau REC pour la période litigieuse (ci-après le « second REC »), sans pour autant avoir eu un nouvel entretien avec la requérante.

18      Le 4 juin 2004, le validateur a confirmé le second REC.

19      Le 19 juillet 2005, le second REC a été clôturé.

20      Le 19 octobre 2005, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle elle demandait l’annulation de l’exercice d’évaluation 2001/2002 et, à titre subsidiaire, l’annulation du second REC.

21      Par décision du 20 janvier 2006, l’AIPN a rejeté cette réclamation.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le second REC ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

24      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque cinq moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 26 du statut, deuxièmement, de la violation des DGE, troisièmement, de la violation du principe d’interdiction du procédé arbitraire, de l’obligation de motivation et de l’abus de pouvoir, quatrièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle patere legem quam ipse fecisti et, cinquièmement, de la violation du devoir de sollicitude.

25      Il convient d’abord d’examiner ensemble les deuxième et quatrième moyens.

 Sur les deuxième et quatrième moyens, tirés respectivement de la violation des DGE et de la violation du principe de protection de la confiances légitime et de la règle patere legem quam ipse fecisti

 Arguments des parties

26      Selon la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que, en violation des DGE, l’établissement du second REC pour la période litigieuse n’a pas été précédé d’un nouvel entretien avec l’évaluateur, alors même que, dans sa décision du 2 décembre 2003, par laquelle elle avait annulé le premier REC, l’AIPN avait donné instruction au service compétent de reprendre ab initio la procédure de notation pour la période litigieuse.

27      Selon la seconde branche du deuxième moyen, l’avis du groupe ad hoc n’aurait pas non plus été pris en compte lors de l’établissement du second REC. S’il n’est pas contesté que l’évaluateur s’est référé à cet avis en l’annexant au rapport, il n’aurait pas justifié pourquoi il ne le prenait pas en compte, contrairement aux exigences des DGE, éclairées par l’arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission (T‑43/04, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1465, points 86 et 87).

28      En réponse au premier grief, la Commission fait d’abord valoir que le « dispositif » de la décision de l’AIPN, du 2 décembre 2003, aux termes duquel le service compétent était obligé « de reprendre ab initio la procédure de notation », doit être lu en combinaison avec les motifs de cette même décision. Or, selon ladite décision, le premier REC aurait été annulé parce que l’avis du groupe ad hoc avait été émis après la confirmation dudit REC par le validateur.

29      La Commission fait ensuite valoir que, lorsqu’une décision est annulée pour vice de procédure, l’autorité dont elle émane serait seulement tenue de reprendre la procédure à partir du moment où le vice s’est produit. La portée de l’annulation d’une décision par l’AIPN ne différerait pas, à cet égard, de celle de l’annulation d’une décision par le juge communautaire. Or, il ressortirait de la jurisprudence que l’annulation par le juge communautaire d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant plusieurs phases n’entraînerait pas l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (arrêts du Tribunal de première instance du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T‑38/89, Rec. p. II‑43, point 13 ; du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T‑17/90, T‑28/91 et T‑17/92, Rec. p. II‑841, point 79, et du 15 octobre 1998, Industrie des Poudres Sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, points 91 à 99 ; ainsi que, en ce sens, arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94, T‑306/94, T‑307/94, T‑313/94 à 316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 183 à 193).

30      En l’espèce, l’AIPN aurait annulé le premier REC parce que l’avis du groupe ad hoc aurait été émis après la confirmation dudit REC par le validateur, alors que cet avis aurait dû être pris en compte lors de son établissement. Comme le vice entachant la procédure d’adoption du REC serait intervenu postérieurement à l’entretien, l’évaluateur n’aurait pas été tenu de procéder à un nouvel entretien avec la requérante avant d’établir le second REC.

31      En réponse au second grief de la requérante, tiré de ce qu’il n’aurait pas été tenu compte, dans le second REC, de l’avis du groupe ad hoc, la Commission relève que le point 6.6 dudit second REC fait expressément référence à l’avis du groupe ad hoc, du 28 mars 2003, et que cet avis a donc bien été pris en compte.

32      Par le quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission n’aurait respecté ni le principe de protection de la confiance légitime ni la règle patere legem quam ipse fecisti. Selon la première branche du moyen, la Commission aurait méconnu les DGE, dès lors que l’évaluateur n’aurait pas expliqué les raisons qui l’auraient amené à s’écarter de l’avis du groupe ad hoc. Selon la seconde branche du moyen, l’institution aurait également méconnu la décision de l’AIPN, du 2 décembre 2003, en ne reprenant pas la procédure de notation ab initio.

33      La Commission fait valoir que l’argumentation de la requérante à l’appui du quatrième moyen se confond, pour l’essentiel, avec celle avancée à l’appui du deuxième moyen, tiré de la violation des DGE, et doit être rejetée de la même manière.

 Appréciation du Tribunal

34      La première branche du deuxième moyen est tirée de ce que l’établissement du second REC, après l’annulation du premier REC, aurait dû être précédé d’un nouvel entretien entre la requérante et son évaluateur, conformément à la procédure d’évaluation prévue par l’article 7 des DGE.

35      Il est constant que l’établissement du second REC n’a pas été précédé de l’entretien prévu par l’article 7 des DGE entre le fonctionnaire et son évaluateur.

36      La Commission fait valoir que, ayant annulé le premier REC parce que l’avis du groupe ad hoc n’y avait pas été pris en compte, elle pouvait reprendre la procédure d’évaluation au stade où le vice s’était produit et n’était pas tenue, en conséquence, d’organiser un nouvel entretien entre la requérante et son évaluateur.

37      Il est vrai que l’annulation par le juge communautaire d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir, notamment, arrêt Industries des Poudres Sphériques/Conseil, précité, point 91).

38      Toutefois, il est toujours loisible à l’administration, lorsqu’elle décide de remplacer la décision annulée, de diligenter à nouveau la procédure d’adoption toute entière. L’institution dispose de la même faculté lorsqu’elle veut remplacer, comme en l’espèce, une décision qu’elle a elle-même retirée.

39      Or, il ressort des termes mêmes de la décision du 2 décembre 2003 que c’est, en l’espèce, le choix qui a été fait par l’AIPN lorsqu’elle a décidé de retirer le premier REC. M. R., directeur général de la direction générale (DG) de l’administration et du personnel, a conclu le courrier adressé à la requérante en réponse à la réclamation que celle-ci avait formée contre le premier REC en indiquant qu’il avait « donc donné instruction au service compétent d’annuler [le] REC […] et de reprendre ab initio la procédure de notation [la] concernant ».

40      La Commission conteste cette interprétation. La portée d’une décision par laquelle l’administration retire un de ses actes devrait, à l’instar de celle d’une annulation prononcée par le juge communautaire, être appréciée au regard de ses motifs. Le premier REC ayant été retiré en raison d’un vice de procédure, la portée de ce retrait serait implicitement, mais nécessairement, limitée aux phases de la procédure que ce vice avait entachées d’illégalité.

41      Toutefois, cette interprétation de la portée de la décision du 2 décembre 2003 ne saurait être retenue. D’une part, elle est contredite, ainsi qu’il a été exposé précédemment, par les termes exprès de cette décision. D’autre part, l’administration peut décider le retrait d’un acte, non seulement pour des raisons juridiques impératives, mais aussi au regard d’autres considérations, notamment d’opportunité. C’est pourquoi il ne peut être soutenu que, en dépit des termes clairs de la décision du 2 décembre 2003, la portée de cette décision devait nécessairement être limitée à ce qu’imposait la rectification du vice constaté.

42      Dès lors que l’AIPN avait décidé le retrait du premier REC ainsi que de toute sa procédure d’adoption, par la décision du 2 décembre 2003, devenue définitive, un second REC ne pouvait être adopté sans que soient accomplies à nouveau toutes les formalités de sa procédure d’adoption.

43      En effet, comme le soutient la requérante, dans la seconde branche du quatrième moyen, revenir sur la décision du 2 décembre 2003 serait contraire au principe de protection de la confiance légitime.

44      Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées et conformes aux dispositions statutaires (voir arrêt du Tribunal de première instance du 7 juillet 2004, Schmitt/AER, T‑175/03, RecFP p. I‑A‑211 et II‑939, points 46 et 47).

45      Or, l’assurance donnée par la Commission de reprendre ab initio la procédure de notation était conforme à l’article 43 du statut, dont elle promettait précisément d’appliquer les DGE, et avait fait naître, par conséquent, une confiance légitime dans le chef de la requérante. Enfin, aucun intérêt d’ordre public ne primait, en l’espèce, l’intérêt de la requérante au maintien d’une décision prise à sa demande et qui lui était favorable.

46      Par conséquent, la Commission ne pouvait légalement revenir sur l’engagement qui avait été pris. Dès lors que, en prononçant le retrait du premier REC, l’AIPN avait aussi décidé d’en annuler entièrement la procédure, la Commission était tenue de reprendre entièrement la procédure d’évaluation en vue de l’adoption du second REC. Par suite, cette dernière ne pouvait pas établir un second REC sans qu’ait eu lieu, notamment, un nouvel entretien.

47      Il résulte de ce qui précède que, en s’abstenant d’inviter la requérante à un nouvel entretien avec son évaluateur avant d’établir le second REC, la Commission a entaché d’illégalité ledit second REC. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner ni la seconde branche du deuxième moyen ni la première branche du quatrième moyen ni les autres moyens de la requête, la requérante est fondée à en demander l’annulation.

48      À titre surabondant, à supposer même que la Commission n’ait pas décidé, dans sa note du 2 décembre 2003, de retirer tous les actes de la procédure d’adoption du premier REC, elle aurait dû néanmoins, en vertu des DGE, organiser un nouvel entretien entre la requérante et son évaluateur.

49      En premier lieu, il ressort des dispositions conjointes de l’article 5, paragraphe 5, sous c), et de l’article 7, paragraphe 4, des DGE que l’objectif du « dialogue formel » est de permettre un échange contradictoire entre le fonctionnaire et son évaluateur sur l’ensemble des éléments faisant l’objet de l’évaluation, y compris, le cas échéant, l’avis du groupe ad hoc portant sur les fonctions de représentation du personnel assumées par le fonctionnaire.

50      En effet, en vertu de l’article 5, paragraphe 5, sous c), des DGE, l’évaluation du fonctionnaire, finalisée par le REC, porte également sur les activités de représentation du personnel exercées par celui-ci. Or, le délai de huit jours prévu par l’article 7, paragraphe 4, des DGE entre l’entretien et la transmission du REC au fonctionnaire est trop bref pour permettre de procéder, dans cet intervalle de temps, à la consultation du groupe ad hoc. Par conséquent, l’avis du groupe ad hoc doit être recueilli par l’évaluateur avant l’entretien, contrairement à ce que la Commission soutient dans son mémoire en défense. Au demeurant, aucune disposition des DGE n’autorise à penser que l’avis du groupe ad hoc est un élément de l’évaluation que l’institution a entendu soustraire à l’échange contradictoire permis par l’entretien.

51      En second lieu, la brièveté du délai imparti par l’article 7, paragraphe 4, des DGE, à l’évaluateur et au validateur après l’entretien pour établir le rapport et le transmettre à l’intéressé manifeste l’intention de l’institution de garantir au fonctionnaire que, au moment de l’établissement de son REC, les notateurs ont encore nettement à l’esprit, et se trouvent ainsi en mesure de prendre en compte, le point de vue et les observations qu’il a exprimés lors de l’entretien.

52      Il résulte de ce qui précède que, en s’abstenant de faire procéder à un nouvel entretien entre la requérante et son évaluateur avant l’établissement du second REC et, par voie de conséquence, de respecter le délai prévu entre l’entretien et l’établissement dudit second REC, la Commission n’a pas fait une application régulière des DGE.

 Sur les dépens

53      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I-A-1-3 et II-A-1-7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal, et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rapport d’évolution de carrière de Mme Lebedef-Caponi pour la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulé.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Mahoney

Kanninen

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 avril 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.