Language of document : ECLI:EU:T:2020:20

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 janvier 2020 (*)

 « Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents afférents à la procédure administrative concernant une prétendue aide d’État accordée par les autorités autrichiennes en faveur des titulaires d’une concession en vertu de la loi sur les jeux de hasard – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Intérêt public supérieur – Obligation de motivation – Exception d’illégalité » 

Dans l’affaire T‑168/17,

CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me A. Schuster, avocat,

 partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar, M. F. Erlbacher et Mme K. Blanck, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz et D. Moore, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et E. Rebasti, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 249 final de la Commission, du 13 janvier 2017, rejetant la demande d’accès aux documents relatifs à la procédure en matière d’aides d’État enregistrée sous la référence SA.40224 [2014/CP], au titre de l’article 4 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, I. S. Forrester (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb GmbH, est une société autrichienne dont l’activité principale est l’organisation et l’exploitation de casinos et de jeux de hasard sans croupier en Autriche et dans d’autres pays de l’Union européenne.

2        Soupçonnant l’existence d’aides d’État illégales sous forme d’exonérations fiscales au profit de sa concurrente, Casinos Austria AG (ci-après « CASAG »), la requérante a, par courrier du 15 décembre 2014, déposé une plainte auprès de la Commission européenne demandant l’ouverture d’une procédure en matière d’aides d’État à l’encontre de la République d’Autriche en application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La procédure ouverte à la suite de cette plainte a été enregistrée sous la référence SA.40224 [2014/CP].

3        Par courrier du 24 août 2015, la direction générale « Concurrence » de la Commission a informé la requérante que les informations à sa disposition ne permettaient pas de conclure à l’existence d’une aide d’État et que la requérante pouvait encore communiquer des faits étayant sa plainte dans un délai d’un mois.

4        Le 1er septembre 2015, la requérante a demandé, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès aux documents relatifs à la procédure SA.40224 [2014/CP] (ci-après la « première demande d’accès aux documents »). Cette demande a été rejetée le 15 septembre 2015 sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la Commission ayant invoqué, en substance, la présomption générale de confidentialité de documents provenant de dossiers administratifs concernant des procédures d’aides d’État afin de préserver les activités d’enquête.

5        Par courrier du 24 septembre 2015, la requérante a transmis des documents supplémentaires à la Commission, laquelle en a accusé réception le 8 octobre 2015 en annonçant qu’elle mènerait des activités d’enquête complémentaires et en indiquant que, si cela s’avérait nécessaire pour l’évaluation, elle pourrait demander des informations additionnelles aux autorités autrichiennes.

6        Le 5 octobre 2015, la requérante a introduit une demande confirmative d’accès aux documents en cause. Cette demande a été rejetée le 18 novembre 2015 par le secrétaire général de la Commission, qui a confirmé que les documents en question étaient protégés par la présomption générale de confidentialité (ci-après la « première décision confirmative »). En outre, le secrétaire général a constaté qu’il n’existait pas d’intérêt public justifiant la divulgation. Cette première décision confirmative n’a pas été attaquée devant le Tribunal.

7        Par lettre du 21 octobre 2016, la Commission a informé la requérante de son évaluation préliminaire sur la base des informations présentées par les autorités autrichiennes. La Commission a déclaré que les exonérations fiscales au profit de CASAG existaient déjà avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union, de sorte que cette mesure pourrait être considérée comme une aide existante. La Commission n’a pas considéré prioritaire, à ce stade, d’engager la procédure de coopération prévue en cas de régimes d’aides existants, car cela aurait seulement permis des propositions de mesures effectives pour le futur. La Commission a ajouté que la différence de traitement fiscal, en tout état de cause, « se terminerait » en 2019 et que, selon les autorités autrichiennes, la requérante, dès le début de ses activités en Autriche, n’avait payé aucun des impôts en question. La Commission a accordé à la requérante un délai d’un mois pour communiquer d’éventuelles explications et objections, faute de quoi la plainte serait réputée retirée.

8        Par courrier du 15 novembre 2016, la requérante a, en indiquant le rejet de sa demande antérieure par la première décision confirmative, introduit une nouvelle demande d’accès aux documents relatifs à la procédure SA.40224 [2014/CP] (ci-après la « seconde demande d’accès aux documents »). La requérante a confirmé qu’elle ne retirait pas sa plainte et a communiqué ses observations relatives aux constatations de la Commission reprises dans la lettre du 21 octobre 2016. La requérante s’est, notamment, prononcée sur la durée du traitement fiscal différent et sur l’impact des nouvelles règles de calcul des divers impôts applicables après l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union.

9        Par décision du 23 novembre 2016, la Commission a rejeté la seconde demande d’accès aux documents sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. La Commission a indiqué que, faute d’une décision définitive de sa part, l’enquête n’avait pas encore été clôturée et que les arguments invoqués par la requérante dans la seconde demande d’accès aux documents ne justifiaient pas d’un intérêt public supérieur.

10      Par lettre du 5 décembre 2016, la Commission a répondu aux observations de la requérante et lui a accordé un nouveau délai d’un mois pour communiquer des observations, faute de quoi la plainte serait réputée retirée. Par lettre du 5 janvier 2017, la requérante a répondu à cette lettre, a soumis des observations supplémentaires et a regretté de ne pas avoir connaissance du contenu des communications de la République d’Autriche.

11      La requérante a introduit une demande confirmative le 12 décembre 2016. Cette demande a été rejetée par décision du secrétaire général de la Commission du 13 janvier 2017 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, il a été indiqué que la requérante avait déjà sollicité l’accès au même dossier dans le cadre de la première demande d’accès aux documents et que la première décision confirmative était devenue définitive, faute d’avoir été contestée dans les délais prévus. La seconde demande d’accès aux documents serait irrecevable, dès lors qu’il a été considéré que la situation factuelle et juridique n’avait pas sensiblement changé. À titre subsidiaire, la Commission a confirmé l’appréciation et le raisonnement de la première décision confirmative, en rejetant, notamment, les arguments invoqués par la requérante pour justifier d’un intérêt public supérieur.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2017, la requérante a introduit le présent recours.

13      Le 9 juin 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal, respectivement, le 30 juin 2017 et le 6 juillet 2017, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par lettre du 11 juillet 2017, tous deux ont été informés que, en conformité avec l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, il ne sera statué sur leurs demandes d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception d’irrecevabilité au fond.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2017, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité. Elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité et de poursuivre la procédure relative au recours en annulation et, à titre subsidiaire, de joindre l’exception au fond.

16      Par ordonnance du 5 février 2018, le Tribunal a joint l’exception d’irrecevabilité au fond, sur le fondement de l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure.

17      Le 16 mars 2018, la Commission a déposé son mémoire en défense.

18      Par ordonnance du 18 mai 2018, CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb/Commission (T‑168/17, non publiée, EU:T:2018:297), prise au titre de l’article 144, paragraphe 4, du règlement de procédure, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis le Parlement et le Conseil à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Le 29 juin 2018, le Parlement et, le 2 juillet 2018, le Conseil ont déposé leurs mémoires en intervention. Le 18 juillet 2018, la requérante a déposé ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil.

19      Les parties n’ont pas déposé de demande d’audience.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      Dans son mémoire en intervention, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      Dans son mémoire en intervention, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

 Sur la recevabilité

25      La Commission, soutenue par le Conseil, estime que le recours en annulation est irrecevable.

26      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que la décision attaquée, datant du 13 janvier 2017, n’est qu’un acte purement confirmatif de la première décision confirmative, datant du 18 novembre 2015, et que c’est à l’encontre de cette dernière, identique à la décision attaquée, que la requérante aurait dû introduire un recours dans le délai imparti. Selon la Commission, aucun élément nouveau et substantiel n’est intervenu depuis la première décision confirmative, de sorte que l’introduction de la seconde demande d’accès aux documents n’était pas justifiée, la procédure d’enquête étant toujours en cours.

27      La requérante fait valoir que les documents visés par la seconde demande d’accès aux documents n’étaient pas tous couverts par la première demande d’accès aux documents. Elle estime que, depuis la première décision confirmative, la Commission a reçu des informations complémentaires de la part de la requérante ainsi que de nouvelles informations de la part de la République d’Autriche, de sorte que le contenu du dossier a été modifié. Par ailleurs, elle relève que le courrier du 21 octobre 2016 montre que la Commission a implicitement mis fin à l’enquête. La situation juridique aurait substantiellement changé, en ce que la Commission a considéré que le régime d’aide nationale en cause pouvait désormais être vu comme une « aide existante ». Enfin, la requérante prétend que la décision attaquée ne peut pas être qualifiée d’acte purement confirmatif, car elle s’appuie sur d’autres motifs de refus que la première décision confirmative.

28      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le présent recours, ainsi qu’il ressort des développements qui suivent, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 50 à 52, et du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 26).

 Sur le fond

29      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, le premier, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée et, le second, tiré, d’une part, de l’interprétation erronée de l’exception fondée sur l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 visant à la protection des objectifs des activités d’enquête (première branche) et visant un éventuel intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés (deuxième branche), et, d’autre part, de la nullité de cette disposition du fait de son incompatibilité avec les articles 42 (troisième branche) et 47 (quatrième branche) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

30      La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, s’oppose à l’argumentation de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

31      Par son premier moyen, la requérante fait valoir une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Elle soutient que la décision attaquée ne contient aucune motivation étayant la constatation du secrétaire général selon laquelle la situation factuelle et juridique n’aurait pas sensiblement changé depuis la première décision confirmative.

32      La Commission conteste cette argumentation.

33      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 5 février 2018, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring/Commission, T‑611/15, EU:T:2018:63, point 31 et jurisprudence citée).

34      Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une institution se fonde sur une exception au droit d’accès prévue par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, elle doit, en principe, fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par ladite exception. Cette obligation est la conséquence du fait que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 dérogent au principe du droit d’accès aux documents des institutions de l’Union, consacré par l’article 1er du même règlement conformément à l’article 15, paragraphe 3, TFUE. L’accès, comme l’indique le considérant 4 de ce règlement, doit être le plus large possible. II en va cependant différemment lorsque, comme en l’espèce, l’institution est habilitée à se prévaloir d’une présomption générale de confidentialité telle que celle concernant les documents afférents à une procédure de contrôle d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 51, 53 et 54 et jurisprudence citée, et du 14 mai 2019, Commune de Fessenheim e.a./Commission, T‑751/17, EU:T:2019:330, points 69 à 71).

35      De plus, quand il s’agit, comme en l’espèce, d’une seconde demande d’accès, la première ayant été rejetée par une première décision confirmative devenue définitive, l’institution concernée est obligée d’examiner si le refus d’accès antérieur demeure justifié au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 57).

36      Par ailleurs, lorsqu’une réponse confirme le rejet d’une demande sur le fondement des mêmes moyens, il convient d’examiner la suffisance de motivation à la lumière de l’échange entre l’institution et le demandeur dans son ensemble, en tenant compte des informations que le demandeur avait à sa disposition quant à la nature et au contenu des documents sollicités (arrêt du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, EU:T:2000:101, point 44).

37      En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante a fait valoir, dans la seconde demande d’accès aux documents ainsi que dans sa demande confirmative du 12 décembre 2016, que la lettre de la Commission du 21 octobre 2016 contenait des informations prétendument fausses fournies par la République d’Autriche, ce qui constituait un élément nouveau par rapport à la première décision confirmative. La requérante a soutenu que la communication d’informations inexactes de la part d’un État membre à la Commission constituait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés.

38      Par sa décision du 23 novembre 2016, la Commission a rejeté la seconde demande d’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, en indiquant que, faute d’une décision définitive dans la procédure d’aide d’État, l’enquête n’avait pas encore été clôturée et que les arguments invoqués par la requérante dans sa demande du 15 novembre 2016 ne justifiaient pas d’un intérêt public supérieur. Dans la décision confirmative du 13 janvier 2017, il a été indiqué que la requérante avait déjà sollicité l’accès au même dossier dans le cadre de la première demande d’accès aux documents et que la première décision confirmative était devenue définitive faute d’avoir été contestée dans les délais prévus. La Commission, dans cette décision, a expliqué que, partant, la seconde demande d’accès aux documents était irrecevable, dès lors que la situation factuelle et juridique n’avait pas sensiblement changé. Il importe toutefois de relever que, à titre subsidiaire, la Commission a confirmé l’appréciation et le raisonnement de sa première décision confirmative, et a rejeté explicitement les arguments invoqués par la requérante pour justifier d’un intérêt public supérieur notamment en ce qui concerne les prétendues fausses informations fournies par la République d’Autriche.

39      Dans ces conditions, il convient de conclure que la Commission a donc respecté son obligation de motivation en ce qu’une nouvelle demande oblige l’institution concernée à examiner si le refus d’accès antérieur demeure justifié au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps. Dès lors, la décision contient une motivation suffisamment précise pour permettre à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’accès aux documents litigieux lui a été refusé et au juge d’exercer son contrôle sur ce refus.

40      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une interprétation erronée et de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001

41      Par son second moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée est fondée sur une application erronée de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, selon lequel l’accès aux documents demandés est refusé lorsque celui-ci porterait atteinte à la protection notamment des objectifs des activités d’enquête. Cette application serait fondée, d’une part, sur une interprétation incorrecte du troisième tiret (première branche) et de la partie finale dudit paragraphe (deuxième branche) ainsi que, d’autre part, sur une disposition en contradiction avec le droit primaire de rang supérieur et, de ce fait, frappée de nullité (troisième et quatrième branches).

–       Sur la première branche, tirée de l’interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001

42      Par la première branche de son second moyen, la requérante soutient qu’il y a lieu d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 en ce sens que la communication d’une appréciation préliminaire indiquant l’intention de l’institution de ne pas continuer la procédure empêcherait ladite institution de rejeter une demande d’accès aux documents en se fondant sur la présomption générale selon laquelle la divulgation de documents d’une procédure d’aide d’État en cours serait susceptible de porter atteinte aux objectifs des activités d’enquête.

43      La Commission conteste cette argumentation.

44      Il ressort d’une jurisprudence de la Cour qu’il existe une présomption générale de confidentialité des documents relatifs aux procédures de contrôle d’aides d’État. Si les intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement no 1049/2001, aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause, puisque les intéressés, autres que l’État membre concerné dans les procédures de contrôle des aides d’État, ne disposent pas, dans le cadre de cette procédure, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 58 et 61). En effet, d’après une jurisprudence constante, dans le cadre d’enquêtes concernant la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission et l’État membre responsable de l’octroi de l’aide sont indispensables afin de permettre aux différentes parties de s’exprimer librement. Il en résulte que, compte tenu de la position particulière de l’État membre concerné dans le cadre d’une procédure de contrôle d’une aide d’État, la divulgation de documents afférents à ces enquêtes pourrait compromettre le dialogue et, partant, la collaboration entre la Commission et ledit État membre (arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, points 56 et 57).

45      Quant à la portée temporelle de la présomption de confidentialité basée sur l’exception de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, il convient de noter que la jurisprudence susmentionnée concerne non seulement l’accès aux documents d’une procédure d’aide d’État en cours (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 23 et 31), mais aussi l’accès aux documents d’une procédure d’aide d’État clôturée lorsqu’un recours juridictionnel dirigé contre la décision au fond était pendant (arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 43 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 98). Une telle solution s’explique par la prise en considération de la possibilité pour la Commission, en fonction de l’issue de la procédure juridictionnelle, de reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision (arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 99).

46      Il s’ensuit que la présomption générale de confidentialité s’applique, en tout état de cause, à des documents relevant d’une procédure d’aide d’État non clôturée, comme c’était le cas en l’espèce à la date de la décision attaquée.

47      En outre, en ce qui concerne l’incidence éventuelle de la lettre de la Commission du 21 octobre 2016 sur l’obligation de divulgation des documents litigieux, il y a lieu d’observer que la requérante ne conteste pas que cette lettre ne constitue pas la décision définitive de la Commission de ne pas engager une procédure formelle d’examen, mais qu’elle annonce son intention préliminaire de clôturer l’enquête. Dès lors, la lettre du 21 octobre 2016 est sans incidence sur la faculté, pour la Commission, de se fonder sur la présomption générale de confidentialité au titre de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 50).

48      Au vu de la clarté de la jurisprudence susmentionnée et faute d’arguments avancés par la requérante justifiant une exception à la règle qui prévoit une présomption générale de confidentialité à tout le moins jusqu’à la clôture définitive de la procédure d’aide d’État, la première branche du second moyen, tiré de l’interprétation juridiquement erronée de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, doit être écartée comme dépourvue de tout fondement.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’interprétation erronée de la notion d’intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement no 1049/2001

49      Par la deuxième branche du second moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée serait fondée sur une interprétation erronée de la notion d’« intérêt public supérieur » au sens de la partie finale de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Elle invoque l’intérêt public supérieur à trois égards.

50      Premièrement, elle soutient que la Commission a fait une appréciation juridiquement erronée de l’intérêt public au sens de l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement no 1049/2001, au motif que l’efficacité du contrôle des aides d’État ne pouvait plus être compromise, dès lors que la Commission avait indiqué qu’elle n’avait plus l’intention de poursuivre la procédure d’aide d’État.

51      La Commission conteste cette argumentation.

52      À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle la présomption générale de confidentialité s’applique, en tout état de cause, jusqu’à la clôture formelle de la procédure d’aide d’État (voir points 44 à 46 ci-dessus). Si une appréciation préliminaire communiquée par la Commission avant la clôture de la procédure donnait lieu à un intérêt public supérieur de ne plus protéger le dossier de la procédure, cela reviendrait à mettre en cause la présomption générale établie par la jurisprudence.

53      Deuxièmement, la requérante fait valoir que son intérêt privé à introduire un éventuel recours en indemnité serait conforme à l’intérêt public de l’Union, en ce qu’il contribuerait au système de concurrence non faussée au sein du marché intérieur de l’Union. L’accès d’un concurrent aux documents de la procédure d’aide d’État servirait ainsi l’intérêt public au maintien de l’efficacité de la libre concurrence.

54      La Commission conteste cette argumentation.

55      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’intention d’une personne de demander réparation du préjudice prétendument subi en raison d’une violation des règles de concurrence ne saurait, par principe, suffire à obtenir l’accès aux documents de la procédure de concurrence menée par la Commission. Des considérations générales portant sur le renforcement du caractère opérationnel des règles de l’Union relatives à la concurrence par le droit de demander réparation d’un tel dommage ne sauraient, en tant que telles, être de nature à primer les raisons justifiant le refus de la divulgation des documents en question. Il incombe à toute personne qui veut obtenir la réparation du dommage subi en raison d’une violation des règles de concurrence d’établir la nécessité qu’il y a, pour elle, d’accéder à l’un ou l’autre document figurant dans le dossier de la Commission, afin que cette dernière puisse, au cas par cas, mettre en balance les intérêts justifiant la communication de tels documents et la protection de ceux-ci, en prenant en compte tous les éléments pertinents de l’affaire. À défaut d’une telle nécessité, l’intérêt qu’il y a à obtenir la réparation du préjudice subi en raison d’une violation des règles de concurrence ne saurait constituer un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 104 à 108 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, force est de constater que la requérante n’a pas établi la nécessité qu’il y a, pour elle, d’accéder à l’un ou l’autre document figurant dans le dossier de la Commission. Elle se limite à mentionner qu’elle aurait besoin des documents relatifs à la procédure d’aide d’État au soutien de son recours devant les juridictions nationales. Il ne ressort pas même de la requête quelles sont les démarches procédurales que la requérante envisage concrètement d’entreprendre. En l’absence d’informations ou d’éléments concrets à cet égard, il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas procédé à la mise en balance des intérêts en présence.

57      Troisièmement, la requérante souligne que la République d’Autriche, qui détient 33,24 % du capital social de sa concurrente CASAG bénéficiaire des prétendues aides, protégerait aussi ses intérêts économiques privés et que le refus d’accès aux documents entraînerait à son égard une inégalité de traitement, en violation des articles 20 et 21 de la Charte. Elle soutient que ses intérêts économiques ne sont pas protégés au motif qu’elle n’a pas connaissance des documents et qu’elle n’est donc pas en mesure de faire valoir les arguments contribuant à sa défense et donc à la préservation de la concurrence.

58      Pour autant que la requérante invoque un intérêt public supérieur visant à protéger le principe d’égalité de traitement, il suffit de rappeler que ledit principe, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, EU:T:2011:235, point 157).

59      Or, dans le cadre du système des aides d’État en cause en l’espèce, la requérante et la République d’Autriche ne sont pas dans la même situation. Il convient de rappeler que la Commission n’a pas accordé à la République d’Autriche l’accès aux documents sur la base du règlement no 1049/2001, invoqué par la requérante. Si la République d’Autriche est en possession des documents de la procédure d’aide d’État, c’est sur la base de sa qualité de partie à ladite procédure. La requérante, en revanche, ne pouvant pas bénéficier, selon le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), d’une position équivalente dans cette procédure, voit ses droits limités à ceux conférés par le règlement no 1049/2001.

60      Compte tenu de ces situations inégales, la requérante ne peut pas invoquer une inégalité de traitement. Partant, elle n’établit pas l’existence d’un intérêt public supérieur tiré du principe d’égalité de traitement qui aurait justifié une mise en balance de la part de la Commission en l’espèce et qui aurait été susceptible de conduire à la divulgation du dossier.

61      Par ailleurs, pour autant que la requérante se plaindrait de faire l’objet d’un traitement inégal par rapport à CASAG, prétendument sous contrôle de la République d’Autriche, dans d’éventuelles procédures privées de concurrence, il convient de rappeler qu’elle dispose de la possibilité, mentionnée au point 55 ci-dessus, de démontrer la nécessité d’obtenir l’un ou l’autre document aux fins de telles procédures privées.

62      Il s’ensuit que la deuxième branche du second moyen de la requérante, tirée d’une mauvaise interprétation de la notion d’intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement no 1049/2001, doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, tirée de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 au regard de l’article 42 de la Charte

63      Par la troisième branche du second moyen, la requérante invoque l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 au regard d’une primauté de l’article 42 de la Charte.

64      La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste cette argumentation.

65      À cet égard, il est constant que, contrairement à ce que la requérante soutient, la Charte ne confère pas un droit d’accès absolu aux documents demandés. Par ailleurs, ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’article 42 de la Charte, garantissant le droit d’accès aux documents demandés, ne prévoirait pas la possibilité d’adopter des dispositions de droit dérivé limitant ce droit et selon lequel la Charte, en tant qu’acte postérieur, dérogerait à l’article 15, paragraphe 3, TFUE, entraînant ainsi la suppression du fondement juridique du règlement no 1049/2001 et, notamment, de son article 4.

66      En effet, il convient tout d’abord de rappeler que l’article 42 de la Charte prévoit que « [t]out citoyen de l’Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège social dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions […], quel que soit leur support ». Ensuite, comme l’indique le Parlement, conformément à l’article 52, paragraphe 2, de la Charte, les droits reconnus par celle-ci qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et les limites définies par ceux-ci. En l’occurrence, selon l’article 15, paragraphe 3, TFUE, le droit d’accès aux documents des institutions est garanti sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés par voie de règlements par le Parlement et par le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire. En application de cette disposition, le règlement no 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 255 CE, dont le contenu a, par la suite, été consacré à l’article 15, paragraphe 3, TFUE, a fixé les principes généraux et les limites en ce qui concerne le droit d’accès aux documents détenus par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, Commune de Fessenheim e.a./Commission, T‑751/17, EU:T:2019:330, points 107 à 109 et jurisprudence citée).

67      De plus, comme le soulève à juste titre le Parlement, les travaux préparatoires révèlent que l’adoption par le législateur du règlement no 1049/2001 s’est faite en pleine connaissance du contenu du droit consacré par l’article 42 de la Charte, laquelle avait déjà fait l’objet d’une proclamation solennelle le 7 décembre 2000.

68      En outre, comme l’avance à bon droit le Conseil, le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation et l’existence des dispositions dérogatoires de l’article 4 dudit règlement n’est pas en soi contraire à l’article 42 de la Charte.

69      Dès lors, en l’espèce, contrairement à ce que la requérante soutient, le droit d’accès aux documents consacré à l’article 42 de la Charte n’est pas inconditionnel, mais s’exerce, conformément à l’article 52, paragraphe 2, de ladite Charte, dans les conditions et les limites définies par les traités. Son argument selon lequel l’article 42 de la Charte protègerait le droit d’accès de façon plus étendue que l’article 15, paragraphe 3, TFUE doit donc être écarté. En outre, en l’espèce, la requérante n’établit aucunement en quoi l’exception au droit d’accès prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 méconnaîtrait le droit d’accès aux documents tel que garanti par l’article 42 de la Charte et l’article 15, paragraphe 3, TFUE.

70      Partant, le grief de la requérante tiré de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 au regard de l’article 42 de la Charte doit être écarté.

–       Sur la quatrième branche, tirée de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une violation de l’article 47 de la Charte

71      Par la quatrième branche du second moyen, la requérante invoque l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 au regard de l’article 47 de la Charte, qui garantit le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, droit également consacré par l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Elle soutient que les dispositions dérogatoires de l’article 4 du règlement no 1049/2001 empêchent le demandeur d’accès d’obtenir des documents contribuant à la défense de ses intérêts économiques privés et ainsi d’exercer le droit de recours que lui confère l’article 47 de la Charte. Elle ajoute que, dans la procédure en matière d’aides d’État, en tant que plaignant, avant l’ouverture de la procédure formelle, elle était simplement une partie intéressée et ne jouissait pas des droits dévolus aux parties. Le règlement no 2015/1589 ne lui permettrait pas d’accéder aux informations que l’État membre a transmises à la Commission. Pour accéder aux documents dont elle aurait besoin au soutien d’un recours éventuel devant les juridictions nationales, elle devrait recourir à une demande d’accès sur la base du règlement no 1049/2001. Partant, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, dudit règlement violerait l’article 47 de la Charte.

72      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste cette argumentation.

73      Il convient tout d’abord de constater que, contrairement à ce que la requérante affirme, les exceptions prévues par l’article 4 du règlement no 1049/2001 en matière de droit d’accès aux documents n’empêchent pas le demandeur d’accès d’exercer le droit à un recours effectif que lui confère l’article 47 de la Charte.

74      À cet égard, il a déjà été jugé que l’objet du règlement no 1049/2001 est de régler les questions relatives à l’accès du public aux documents détenus par les institutions de l’Union, et non celles relatives aux preuves à apporter par les parties dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, qu’il s’agisse d’un litige devant le juge de l’Union ou devant les juridictions nationales. Dans les procédures nationales, c’est au juge national saisi que, selon la jurisprudence, il appartient d’arbitrer les mécanismes de production de preuves et de documents appropriés, en vertu du droit applicable, en vue de résoudre le litige (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, Commune de Fessenheim e.a./Commission, T‑751/17, EU:T:2019:330, points 123 et 124). Le règlement no 1049/2001 a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions et non pas d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux-ci (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43).

75      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus que l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 permet d’invoquer un intérêt public supérieur afin d’accéder à l’un ou l’autre document individuel figurant dans le dossier administratif pour lequel le demandeur a établi la nécessité d’en disposer afin d’être en mesure de poursuivre son droit à réparation d’un dommage subi en raison d’une violation des règles de concurrence, moyennant une mise en balance par l’autorité compétente des intérêts justifiant la communication de tels documents et de la protection de ceux-ci.

76      En outre, il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de l’examen d’une demande d’accès aux documents formulée dans le cadre du règlement no 1049/2001, de la circonstance selon laquelle les parties intéressées, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61, et du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 47). À cet égard, il convient de noter que, en l’espèce, comme le fait observer à bon droit le Conseil, la requérante s’abstient de faire valoir son droit particulier d’accès au dossier qui la concerne consacré à l’article 41 paragraphe 2, sous b), de la Charte. Au contraire, la requérante admet elle-même, que, dans la procédure d’aides d’État, régie par le règlement no 2015/1589, elle n’est pas « partie », mais seulement « plaignante », et que, en tant que telle, n’a que les droits des personnes intéressées, lesquels ne comprennent pas de droit d’accès au dossier à ce stade de la procédure.

77      Il résulte de ce qui précède que le grief de la requérante tiré de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 au regard de l’article 47 de la Charte doit être écarté.

78      La quatrième branche du second moyen doit donc être rejetée et, partant, le second moyen dans son ensemble.

79      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      En l’espèce, la requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

82      Par ailleurs, l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

83      Par conséquent, le Conseil et le Parlement supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Spielmann

Forrester

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.