Language of document : ECLI:EU:C:2018:708

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 septembre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Tarif douanier commun – Positions tarifaires – Classement des marchandises – Caméra ayant une mémoire vive, impliquant que les images enregistrées sont effacées lorsque la caméra est éteinte ou lorsque de nouvelles images sont capturées – Nomenclature combinée – Sous-positions 8525 80 19 et 8525 80 30 – Notes explicatives – Interprétation – Règlement d’exécution (UE) no 113/2014 – Interprétation – Validité »

Dans l’affaire C‑372/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank Noord-Holland (tribunal de la province de Hollande du Nord, Pays-Bas), par décision du 15 juin 2017, parvenue à la Cour le 19 juin 2017, dans la procédure

Vision Research Europe BV

contre

Inspecteur van de Belastingdienst/Douane kantoor Rotterdam Rijnmond,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Vajda, président de chambre, MM. E. Juhász et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 avril 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Vision Research Europe BV, par MM. N. Ooyevaar et D. van Vliet ainsi que par Mme H. Ooyevaar, conseillers fiscaux,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. A. Caeiros et P. Vanden Heede, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sous-position 8525 80 30 de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013 (JO 2013, L 290, p.1), ainsi que sur la validité du règlement d’exécution (UE) no 113/2014 de la Commission, du 4 février 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2014, L 38, p. 20).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vision Research Europe BV (ci-après « Vision Research ») à l’Inspecteur van de Belastingdienst/douane kantoor Rotterdam Rijnmond (inspecteur de l’administration fiscale/bureau des douanes de Rotterdam Rijnmond, Pays-Bas) (ci–après l’« inspecteur ») au sujet du classement tarifaire de la caméra dénommée « Phantom V7.3 ».

 Le cadre juridique

 La NC

3        Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la NC. La version de celle-ci en vigueur à la date des faits au principal est celle résultant du règlement d’exécution no 1001/2013.

4        La NC, instaurée par le règlement no 2658/87, est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH »), élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983. Cette convention a été approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). La NC reprend les positions et les sous-positions à 6 chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

5        Conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), premier tiret, et à l’article 10 du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16) (ci-après le « règlement no 2658/87 »), la Commission européenne, assistée par le comité du code des douanes, arrête les mesures concernant l’application de la NC, qui constitue l’annexe I du règlement no 2658/87, en ce qui concerne le classement des marchandises. C’est sur le fondement de la première de ces dispositions qu’a été adopté le règlement d’exécution no 113/2014.

6        La première partie de la NC comprend les dispositions préliminaires, dont le titre I, intitulé « Règles générales », section A, « Règles générales pour l’interprétation de la nomenclature combinée », dispose :

« Le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après.

1.      Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[...]

6.      Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

7        La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits », comprend une section XVI, sous laquelle figure notamment le chapitre 85, intitulée « Machines et appareils, matériel électrique et leurs parties ; appareils d’enregistrement ou de reproduction du son, appareils d’enregistrement ou de reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils ».

8        Le chapitre 85 de la NC comprend les positions et sous-positions suivantes :

« 8525            Appareils d’émission pour la radiodiffusion ou la télévision, même incorporant un appareil de réception ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ; caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes :

[...]

8525 80      ‐ Caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes :

                  ‐ ‐ Caméras de télévision :

[...]

8525 80 19      – – – autres

8525 80 30      ‐ ‐ Appareils photographiques numériques 

                  ‐ ‐ Caméscopes :

8525 80 91 – – – permettant uniquement l’enregistrement du son et des images prises par la caméra de télévision

8525 80 99 – – – autres ».

 Les notes explicatives du SH et de la NC

9        Les notes explicatives du SH relatives à la position 8525 indiquent ce qui suit :

« B. Caméras de télévision ; appareils photographiques numériques et caméscopes

Le présent groupe comprend les caméras pour la capture des images et leur conversion en un signal électronique qui est :

1.      transmis comme image vidéo vers un emplacement externe à la caméra pour qu’elles soient visionnées ou enregistrées à distance (caméras de télévision) ; ou

2.      enregistré dans la caméra comme images fixes ou images animées (appareils photographiques numériques et caméscopes, par exemple).

Nombre des appareils de cette position peuvent présenter une apparence tout à fait semblable à celle des appareils photographiques du no 90.06 ou des caméras cinématographiques du no 90.07. Les appareils relevant du no 85.25 et ceux classés dans le Chapitre 90 intègrent généralement des objectifs permettant de centrer l’image sur un support photosensible ainsi que certains dispositifs de réglage pour moduler la quantité de lumière entrant dans l’appareil. Cependant, les appareils photographiques et cinématographiques du Chapitre 90 révèlent les images sur des pellicules photographiques du Chapitre 37, tandis que les appareils relevant de cette position enregistrent des images sous forme de données analogiques ou numériques.

Les appareils de cette position capturent les images en les centrant sur un dispositif photosensible, par exemple un semi-conducteur métal-oxyde complémentaire (capteur du type CMOS) ou un dispositif à couplage de charge du type CCD. Le dispositif photosensible envoie une représentation électrique des images, qui est ensuite convertie en un enregistrement analogique ou numérique de ces images.

Les caméras de télévision peuvent comporter un dispositif incorporé pour la commande à distance de l’objectif et du diaphragme ainsi que pour le déplacement horizontal et vertical télécommandé de la caméra (par exemple, les caméras de télévision pour les studios de télévision ou les caméras de reportage, celles utilisées à des fins industrielles ou scientifiques, pour la télévision en circuit fermé (surveillance) ou pour la surveillance de la circulation). Ces caméras ne comportent pas de dispositif permettant d’enregistrer les images.

Certaines de ces caméras peuvent également être utilisées en conjonction avec des machines automatiques de traitement de l’information (les webcams, par exemple).

[...]

Les appareils photographiques numériques et les caméscopes enregistrent les images sur un dispositif de stockage interne ou sur des supports externes (bandes magnétiques, support optique, support à semi-conducteur ou un autre support relevant du no 85.23). Ils peuvent intégrer un convertisseur analogique/numérique ainsi qu’une sortie grâce à laquelle les images peuvent être transmises à des unités de machines automatiques de traitement de l’information, comme des imprimantes, des télévisions ou d’autres machines permettant de visionner des images. Certains appareils photographiques numériques et caméscopes comportent des entrées pour un enregistrement interne de fichiers d’images analogiques ou numériques, à partir des machines externes mentionnées ci-dessus.

Ces appareils sont généralement munis d’un viseur optique, d’un écran à cristaux liquides, voire des deux. Nombre d’appareils équipés d’un écran à cristaux liquides peuvent utiliser ce dernier en tant que viseur lors de la prise de vue ou bien en tant qu’écran permettant de visionner les images enregistrées. Dans certains cas, l’appareil peut afficher sur l’écran à cristaux liquides des images provenant d’autres sources. »

10      Les notes explicatives de la NC (JO 2011, C 137, p. 1) sont relatives à la NC dans sa version résultant du règlement (UE) no 861/2010 de la Commission, du 5 octobre 2010 (JO 2010, L 284, p. 1). La position 8525 ainsi que les sous-positions 8525 80 19, 8525 80 30, 8525 80 91 et 8525 80 99 de la NC sont libellées de manière identique dans les versions résultant du règlement no 861/2010 et du règlement d’exécution no 1001/2013. Les notes explicatives de la NC relatives à ces positions et sous-positions se lisent comme suit :

« 8525

Appareils d’émission pour la radiodiffusion ou la télévision, même incorporant un appareil de réception ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ; caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes

[...]

8525 80 11 à 8525 80 99

Caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes

Voir les notes explicatives du SH, no 8525, intitulé B.

Sont exclus des présentes sous-positions les lecteurs électroniques pour amblyopes (voir la note explicative de la sous-position 8543 70 90).

8525 80 30

Appareils photographiques numériques

Les appareils photographiques numériques de cette sous-position permettent toujours d’enregistrer des images fixes, soit sur une mémoire interne soit sur un support interchangeable.

La plupart des appareils photographiques de cette sous-position ont l’ergonomie d’un appareil photographique traditionnel et ne disposent pas d’un viseur escamotable.

Ces appareils photographiques peuvent également permettre d’enregistrer des séquences vidéo.

Les appareils photographiques restent classés dans cette position sauf s’ils sont capables, en utilisant la capacité de mémoire maximale, d’enregistrer avec une résolution de 800 × 600 (ou plus) pixels à 23 images par seconde (ou plus) au moins 30 minutes d’une seule séquence vidéo.

Par rapport aux caméscopes des sous-positions 8525 80 91 et 8525 80 99, de nombreux appareils photographiques numériques (lorsqu’ils fonctionnent en tant que caméscope) n’offrent pas la fonction zoom optique pendant l’enregistrement vidéo. Indépendamment de la capacité de la mémoire, certains appareils photographiques cessent automatiquement l’enregistrement vidéo après un certain temps. 

8525 80 91

et

8525 80 99

Caméscopes

Les caméscopes de ces sous-positions permettent toujours d’enregistrer des séquences vidéo, soit sur une mémoire interne soit sur un support interchangeable.

[...]

Ces caméscopes numériques permettent également d’enregistrer des images fixes.

Les appareils photographiques numériques sont exclus de ces sous-positions s’ils ne sont pas en mesure d’enregistrer, en utilisant la capacité de mémoire maximale, avec une résolution de 800 x 600 (ou plus) pixels à 23 images par seconde (ou plus) au moins 30 minutes d’une seule séquence vidéo. »

 Le règlement d’exécution no  113/2014

11      Le règlement d’exécution no 113/2014 procède au classement dans la NC des marchandises désignées dans la colonne 1 du tableau figurant à son annexe. Dans la colonne 2 de ce tableau sont indiqués les codes NC correspondants, conformément aux motivations indiquées dans la colonne 3 dudit tableau. S’agissant de la sous-position 8525 80 19 de la NC, le tableau figurant à l’annexe de ce règlement prévoit :

Appareil de forme rectangulaire (appelé « appareil de prises de vues à vitesse rapide »), constitué d’une lentille et de circuits électroniques et mesurant environ 12 × 12 × 11 cm.

Il comprend une mémoire vive interne de 2 GB permettant de stocker temporairement une séquence d’images d’une durée maximale de 1,54 seconde à une vitesse de 1 000 images par seconde à son niveau de résolution maximale. Les images capturées sont perdues lorsque l’appareil est éteint.

Il est nécessaire de connecter l’appareil à une machine automatique de traitement de l’information (MATI) au moyen d’un câble afin de pouvoir l’utiliser et d’enregistrer les images dans la MATI.

Il est également muni d’un capteur d’images MOS équipé d’un obturateur instantané électronique global, également appelé « flash de courte durée » ou « prise de vue stroboscopique ».

L’appareil est destiné à capturer une séquence d’images à une vitesse d’obturation comprise entre 60 et 1 000 images par seconde à la résolution maximale (1 024 × 1 024 pixels) ou de 109 500 images par seconde dans une résolution inférieure (128 × 16 pixels). Les images capturées peuvent être visionnées individuellement ou sous forme de vidéo lue, par exemple, au ralenti.

Les images peuvent faire l’objet d’une analyse en laboratoire ou dans un environnement analogue dans le cadre de l’étude, par exemple, des phénomènes à vitesse ultrarapide comme les essais de choc automobiles.

8525 80 19

Le classement est déterminé par les règles générales 1 et 6 pour l’interprétation de la nomenclature combinée et par le libellé des codes NC 8525, 8525 80 et 8525 80 19.

Le stockage temporaire en mémoire vive n’est pas considéré comme un enregistrement dans l’appareil étant donné que les images sont perdues dès que l’appareil est éteint. En conséquence, le classement en tant qu’appareils photographiques numériques dans la sous-position 8525 80 30 ou en tant que caméscopes permettant uniquement l’enregistrement du son et des images prises par la caméra de télévision dans la sous-position 8525 80 91 est exclu [voir également les notes explicatives du système harmonisé (NESH) de la position 8525, groupe (B), premier et cinquième alinéas].

Il convient dès lors de classer l’appareil sous le code NC 8525 80 19 en tant qu’autres caméras de télévision [voir également les NESH de la position 8525, groupe (B), quatrième alinéa].


 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      Le 12 mai 2009, Vision Research a introduit auprès de l’inspecteur une demande de renseignement tarifaire contraignant (ci-après le « RTC ») pour la caméra dénommée « Phantom V7.3 ». Elle a indiqué dans sa demande que cette caméra devait être classée dans la sous-position 8525 80 30 de la NC, en tant qu’appareil photographique numérique.

13      Par le RTC délivré le 7 novembre 2014, l’inspecteur a toutefois classé la caméra en cause dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, en tant qu’« autre caméra de télévision ». À cet égard, l’inspecteur s’est fondé sur les règles générales 1 et 6 pour l’interprétation de la NC, sur le règlement d’exécution no 113/2014, qu’il a considéré applicable par analogie à cette caméra, ainsi que sur le libellé des positions 8525, 8525 80 et 8525 80 19 de la NC. Il a considéré que le fait que ladite caméra puisse être raccordée à une mémoire externe de manière optionnelle était sans incidence sur le classement retenu, dès lors que le RTC avait été demandé pour un appareil dépourvu de cette mémoire optionnelle.

14      Vision Research a introduit une réclamation contre ce RTC devant l’inspecteur, qui l’a rejetée comme étant non fondée. La requérante a alors introduit un recours devant la juridiction de renvoi contre la décision de l’inspecteur, en demandant que la caméra en cause soit classée dans la sous-position 8525 80 30 de la NC.

15      Selon la juridiction de renvoi, la caméra en cause est un « appareil de prises de vues à vitesse rapide ». Lors de son utilisation, elle est connectée à une machine automatique de traitement de l’information par l’intermédiaire de laquelle elle est dirigée. Cette caméra capture un grand nombre de photographies numériques par seconde. Après avoir été capturées, ces photographies sont enregistrées dans la mémoire dite « mémoire vive » de ladite caméra. Cela signifie que, lorsque de nouvelles photographies sont capturées ou que la caméra est éteinte, les photographies enregistrées sont effacées de cette mémoire interne. La mémoire vive est d’au moins 1496 Mo et peut également être de 8, 16 ou 32 Go. La caméra en cause n’est pas équipée d’un dispositif, comme un écran à cristaux liquides, permettant de regarder les photographies enregistrées dans la mémoire. Lors de son importation, cette caméra dispose d’une sortie à laquelle il est possible de raccorder, à l’aide d’un câble, une mémoire externe permanente (non-volatile flash memory), dans laquelle les photographies peuvent être conservées plus durablement. Ladite caméra peut également être raccordée à l’aide d’un câble à une machine automatique de traitement de l’information afin d’y enregistrer les photographies. Elle n’offre pas la possibilité d’insérer une carte-mémoire ou un module de mémoire (permanents).

16      La juridiction de renvoi estime, en premier lieu, que le règlement d’exécution no 113/2014 désigne, dans son annexe, dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, une marchandise comparable à la caméra en cause et qu’il est donc applicable par analogie à celle-ci. Elle rappelle que, dans la motivation du classement retenu dans ledit règlement, la Commission ne considère pas le stockage temporaire dans une mémoire vive comme un enregistrement dans la caméra, les images étant perdues lorsque la caméra est éteinte. En application de ce règlement, il conviendrait de classer la caméra en cause dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, en tant qu’autre caméra de télévision.

17      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi considère également que, en application des notes explicatives du SH et de celles de la NC relatives à la sous-position 8525 80 30 de la NC, la caméra en cause, qui présente notamment la caractéristique de stocker des images, même temporairement, dans sa mémoire vive, devrait être classée en tant qu’appareil photographique numérique et non en tant que caméra de télévision. Selon cette juridiction, il ressort de ces notes explicatives que les caméras de télévision se distinguent des appareils photographiques numériques par le fait que les premières ne permettent pas de stocker des images, à la différence des secondes. La juridiction de renvoi relève également que lesdites notes ne font pas état d’une quelconque exigence relative à la durée de conservation de l’enregistrement dans la caméra.

18      Enfin, en dernier lieu, la juridiction de renvoi considère que les deux approches qu’elle a exposées sont inconciliables. Elle se demande, dès lors, si la Commission, en ne considérant pas, dans la motivation de l’annexe du règlement d’exécution no 113/2014, le stockage temporaire en mémoire vive comme un enregistrement dans la caméra, n’a pas limité le champ d’application de la sous-position 8525 80 30 de la NC. Dans l’affirmative, la Commission aurait ainsi excédé sa compétence, attribuée par l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2658/87, qui consiste à préciser le contenu d’une position tarifaire mais non à modifier celui-ci.

19      Dans ces conditions, le rechtbank Noord-Holland (tribunal de la province de Hollande du Nord, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le règlement d’exécution no 113/2014 est-il valide si, comme le pense le [rechtbank Noord-Holland (tribunal de la province de Hollande du Nord)] à ce stade, il convient bel et bien d’interpréter la sous-position 8525 80 30 [de la NC] en ce sens que la caméra [en cause] disposant d’une mémoire vive, avec pour conséquence que les images enregistrées dans la caméra sont effacées lors d’une prise de vues ultérieure ou lorsque la caméra est éteinte, doit y être classée ? »

 Sur la question préjudicielle

20      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la sous-position 8525 80 30 de la NC doit être interprétée en ce sens que relève de cette sous-position une caméra, telle que celle en cause au principal, qui a la capacité de capturer un grand nombre d’images photographiques par seconde et de les préserver dans sa mémoire vive interne, d’où elles sont effacées lorsque la caméra est éteinte, et, dans l’affirmative, si le règlement d’exécution no 113/2014, dans la mesure où il serait applicable par analogie à une telle caméra, est valide.

21      Pour répondre à cette question, il convient, en premier lieu, d’interpréter les positions et les sous-positions de la NC pertinentes afin de pouvoir déterminer le classement de la caméra en cause dans la NC.

22      À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché d’une manière générale dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres (arrêt du 26 avril 2017, Stryker EMEA Supply Chain Services, C‑51/16, EU:C:2017:298, point 39 et jurisprudence citée).

23      La Cour a également jugé que les notes explicatives, élaborées par la Commission, en ce qui concerne la NC, et celles adoptées par l’OMD, en ce qui concerne le SH, contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires, sans toutefois avoir force obligatoire de droit. Les notes explicatives de la NC, lesquelles ne se substituent pas à celles du SH, doivent être considérées comme complémentaires à ces dernières et consultées conjointement avec elles (arrêt du 19 février 2009, Kamino International, C‑376/07, EU:C:2009:105, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

24      En l’occurrence, il convient d’examiner, d’une part, si les caractéristiques de la caméra en cause au principal, telles que décrites dans la décision de renvoi, correspondent aux caractéristiques de la sous-position 8525 80 19 de la NC ou à celles de la sous-position 8525 80 30 de la NC.

25      À cet égard, il convient de rappeler que le chapitre 85 de la NC comprend la position 8525, intitulée « Appareils d’émission pour la radiodiffusion ou la télévision, même incorporant un appareil de réception ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ; caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes ». La sous-position 8525 80 de la NC porte le titre « Caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes ». Le libellé de la sous-position 8525 80 19 de la NC ne comporte que le terme « autres », tandis que le libellé de la sous-position 8525 80 30 de la NC comporte uniquement la phrase « appareils photographiques numériques ».

26      En ce qui concerne les caractéristiques de la caméra en cause au principal, il ressort des constatations factuelles effectuées par la juridiction de renvoi, telles que rappelées au point 15 du présent arrêt, que cette caméra capture un grand nombre de photographies numériques par seconde. Ces photographies sont enregistrées dans la mémoire vive de ladite caméra et y sont conservées tant que la caméra reste allumée ou que de nouvelles photographies ne sont pas capturées.

27      Il y a donc lieu de constater que, par sa capacité à capturer des images fixes, la caméra en cause répond à la caractéristique habituelle des appareils photographiques numériques. Dès lors, les caractéristiques et les propriétés objectives de cette caméra correspondent à celles définies par le libellé de la sous-position 8525 80 30 de la NC.

28      D’autre part, il convient de constater qu’il ressort des notes explicatives de la NC relatives à cette sous-position que les appareils photographiques numériques permettent toujours d’enregistrer des images fixes, soit sur une mémoire interne soit sur un support interchangeable, alors que les notes explicatives du SH indiquent que lesdits appareils enregistrent les images sur un dispositif de stockage interne ou sur des supports externes.

29      En ce qui concerne les caméras de télévision, les notes explicatives de la NC renvoient à celles du SH, no 8525, intitulé B, lesquelles exposent que les caméras de ce groupe peuvent capturer des images et les convertir en un signal électronique qui est soit transmis comme image vidéo vers un emplacement externe à la caméra pour qu’elles soient visionnées ou enregistrées à distance (caméras de télévision), soit enregistré dans la caméra comme images fixes ou images animées (appareils photographiques numériques et caméscopes, par exemple). De même, les notes explicatives du SH précisent que les caméras de télévision ne comportent pas de dispositif permettant d’enregistrer les images.

30      Il s’ensuit que l’élément déterminant qui différencie les appareils photographiques numériques, relevant de la sous-position 8525 80 30 de la NC, des caméras de télévision, relevant de la sous-position 8525 80 19 de la NC, réside dans la capacité qu’ont les premiers d’enregistrer des images fixes sur une mémoire ou un dispositif de stockage interne.

31      En l’espèce, il y a lieu de relever que la caméra en cause possède la capacité d’enregistrer des images sur une mémoire vive interne.

32      Or, il convient de constater que ni les notes explicatives de la NC ni celles du SH ne contiennent de précisions quant à la forme, à la nature ou à d’autres caractéristiques de la mémoire interne ou du dispositif de stockage auxquels elles se réfèrent.

33      Eu égard à l’absence de précision relative, notamment, au caractère durable ou non d’une telle mémoire interne ou d’un tel dispositif de stockage, l’enregistrement d’images effectué par la caméra en cause sur une mémoire vive interne doit donc être considéré comme un enregistrement au sens de ces notes explicatives, le fait que les images enregistrées soient effacées lorsque l’appareil est éteint ou lorsque de nouvelles images sont capturées n’étant pas pertinent.

34      Il s’ensuit que des caméras, telles que la caméra en cause au principal, qui disposent de la capacité d’enregistrer des images sur une mémoire vive interne, ne peuvent être classées dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, en tant que « autres caméras de télévision », dès lors que ces dernières ne comportent pas de dispositif permettant d’enregistrer les images.

35      La Commission fait valoir que la caméra en cause au principal doit être classée en tant que caméra de télévision, au motif que les images prises par celle-ci peuvent être visionnées en tant que film vidéo.

36      À cet égard, il y a lieu de relever que, au regard de l’analyse qui précède, un tel classement est exclu. Cependant, les éléments ayant été portés à l’attention de la Cour, tant au travers de la phase écrite que de la phase orale de la procédure, ne permettant pas d’exclure que les images enregistrées par la caméra concernée puissent effectivement être visionnées en tant que film vidéo, il convient d’examiner si ladite caméra doit être classée dans les sous-positions 8525 80 91 ou 8525 80 99 de la NC, en tant que caméscope. En effet, bien que ces sous-positions ne soient pas visées par la juridiction de renvoi, il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 40 et jurisprudence citée). 

37      À cet égard, selon les notes explicatives de la NC concernant les sous-positions 8525 80 91 et 8525 80 99 de la NC, les caméscopes disposent d’une mémoire interne et permettent d’enregistrer, outre des séquences vidéo, des images fixes.

38      Cependant, selon ces mêmes notes, les appareils photographiques numériques sont exclus de ces sous-positions s’ils ne sont pas en mesure d’enregistrer au moins 30 minutes d’une seule séquence vidéo. Or, il ressort des informations fournies dans la décision de renvoi que la caméra en cause au principal ne dispose pas d’une telle capacité. En effet, selon ces informations, la caméra litigieuse peut enregistrer des prises de vues en série dans la mémoire interne d’une durée maximale de 6,12 secondes à une vitesse d’environ 6 688 images par seconde, ce qui est nettement inférieur audit seuil de 30 minutes de séquence vidéo. Partant, elle ne peut pas être classée dans les sous-positions 8525 80 91 et 8525 80 99 de la NC.

39      Il s’ensuit que cette caméra doit être classée dans la sous-position 8525 80 30 de la NC.

40      S’agissant, en second lieu, de l’examen de la validité du règlement d’exécution no 113/2014, il convient de relever, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, un règlement de classement a une portée générale en tant qu’il s’applique non pas à un opérateur particulier, mais à la généralité des produits identiques à celui qui a été examiné par le comité du code des douanes. Afin de déterminer, dans le cadre de l’interprétation d’un règlement de classement, le champ d’application de celui-ci, il faut tenir compte, entre autres, de sa motivation (arrêt du 22 mars 2017, GROFA e.a., C‑435/15 et C‑666/15, EU:C:2017:232, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

41      En l’espèce, le règlement d’exécution no 113/2014 a pour objet le classement, dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, des marchandises présentant un ensemble de caractéristiques exposées dans la colonne 1 du tableau figurant à l’annexe dudit règlement. Les marchandises ainsi désignées doivent comporter une mémoire vive interne de 2 GB permettant de stocker temporairement une séquence d’images d’une durée maximale de 1,54 seconde à une vitesse de 1000 images par seconde et avoir la capacité de capturer une séquence d’images à une vitesse d’obturation comprise entre 60 et 1000 images par seconde à la résolution maximale (1024 x 1024 pixels) ou de 109 500 images par seconde dans une résolution inferieure (128 x 16 pixels) et la mesure de 12 x 12 x 11 cm.

42      En revanche, dans l’affaire au principal, il ressort de la demande du RTC déposée par Vision Research que la caméra concernée dispose d’une mémoire d’au moins 1496 Mo et peut réaliser une série de photographies, allant jusqu’à 6688 photographies par seconde à la résolution maximale de 800 x 600 pixels avec une profondeur maximale de 14 bits.

43      Il découle de la comparaison des caractéristiques des appareils désignés par le règlement d’exécution no 113/2014 et de celles de la caméra en cause au principal que ces appareils ne sont pas identiques et, partant, que ledit règlement n’est pas directement applicable à la caméra litigieuse.

44      Néanmoins, il y a lieu de relever, d’autre part, que, selon une jurisprudence constante, si un règlement de classement n’est pas directement applicable à des produits qui sont non pas identiques, mais seulement analogues au produit faisant l’objet de ce règlement, ce dernier est applicable par analogie à de tels produits. À cet égard, il suffit que les produits à classer et ceux visés par le règlement de classement soient suffisamment similaires (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2017, GROFA e.a., C‑435/15 et C‑666/15, EU:C:2017:232, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

45      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’application par analogie d’un règlement de classement, tel que le règlement d’exécution n o 113/2014, aux produits analogues à ceux visés par ce règlement favorise une interprétation cohérente de la NC ainsi que l’égalité de traitement des opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Anagram International, C‑14/05, EU:C:2006:465, point 32).

46      Or, les appareils désignés par le règlement d’exécution n o 113/2014 sont similaires dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives à la caméra en cause au principal. En effet, ces appareils, tout comme la caméra concernée, ont la capacité de capturer un grand nombre de photographies numériques par seconde, sont munis d’un capteur d’images CMOS, possèdent une mémoire vive interne dont les images sont perdues dès que l’appareil est éteint et peuvent être utilisés pour l’étude de phénomènes à vitesse ultrarapide.

47      Il s’ensuit que le règlement d’exécution no 113/2014 est applicable, par analogie, à la caméra en cause au principal et que, par conséquent, il convient d’examiner la validité de celui-ci.

48      À cet égard, il convient de relever que le Conseil de l’Union européenne a conféré, en ce qui concerne l’application de la NC, à la Commission, agissant en coopération avec les experts douaniers des États membres, un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires entrant en ligne de compte pour le classement d’une marchandise déterminée. Toutefois, le pouvoir de la Commission d’arrêter des mesures visées à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 2658/87, comme le classement des marchandises, ne l’autorise pas à modifier le contenu des positions tarifaires qui ont été établies sur la base du SH, instauré par la convention sur le SH, dont l’Union s’est engagée, en vertu de l’article 3 de cette dernière, à ne pas modifier la portée (arrêt du 12 février 2015, Raytek et Fluke Europe, C‑134/13, EU:C:2015:82, point 29).

49      En l’occurrence, le règlement d’exécution n o 113/2014 classe dans la sous-position 8525 80 19 de la NC les « appareils de prises de vues à vitesse rapide ». Les motifs justifiant ledit classement se fondent sur la constatation que « [l]e stockage temporaire en mémoire vive n’est pas considéré comme un enregistrement dans l’appareil étant donné que les images sont perdues dès que l’appareil est éteint ». Or, ainsi qu’il ressort des points 30 et 33 du présent arrêt, la capacité des appareils photographiques numériques d’enregistrer des images fixes sur une mémoire interne constitue une caractéristique essentielle des marchandises relevant de la sous-position tarifaire 8525 80 30 de la NC, indépendamment de la question de savoir si cette capacité d’enregistrement est temporaire ou permanente.

50      Étant donné que le règlement d’exécution no 113/2014 exclut, contrairement à ce qui ressort de la sous-position 8525 80 30 de la NC, les appareils qui enregistrent temporairement des images sur une mémoire vive de cette sous-position, et, dès lors, procède au classement des « appareils de prises de vues à vitesse rapide » dans la sous-position 8525 80 19 de la NC, ce règlement d’exécution est incompatible avec la portée de la sous-position 8525 80 30 de la NC.

51      Il résulte de ce qui précède que, en ayant adopté le règlement d’exécution n o 113/2014, la Commission a modifié, en la limitant, la portée de la sous-position 8525 80 30 de la NC. Partant, la Commission a excédé les compétences qui lui ont été conférées par l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 2658/87.

52      Il y a lieu, dès lors, de constater que, dans la mesure où le règlement d’exécution n o 113/2014 est applicable par analogie à des produits ayant les caractéristiques de la caméra en cause au principal, ce règlement est invalide.

53      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la sous-position 8525 80 30 de la NC doit être interprétée en ce sens que relève de celle-ci une caméra, telle que la caméra en cause au principal, qui a la capacité de capturer un grand nombre d’images photographiques par seconde et de les préserver dans sa mémoire vive interne, d’où elles sont effacées lorsque la caméra est éteinte et que le règlement d’exécution n o 113/2014, dans la mesure où il est applicable par analogie à des produits ayant les caractéristiques de ladite caméra, est invalide.

 Sur les dépens

54      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

La sous-position 8525 80 30 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif commun, dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013, doit être interprétée en ce sens que relève de celle-ci une caméra, telle que la caméra en cause au principal, qui a la capacité de capturer un grand nombre d’images photographiques par seconde et de les préserver dans sa mémoire vive interne, d’où elles sont effacées lorsque la caméra est éteinte et que le règlement d’exécution (UE) no 113/2014 de la Commission, du 4 février 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée, dans la mesure où il est applicable par analogie à des produits ayant les caractéristiques de ladite caméra, est invalide.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.