Language of document : ECLI:EU:T:2018:757

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

8 novembre 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2016 – Décision de ne pas promouvoir la partie requérante au grade AD 11 – Absence de rapport de notation – Comparaison des mérites »

Dans l’affaire T‑874/16,

RA, fonctionnaire de la Cour des comptes de l’Union européenne, représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Cour des comptes de l’Union européenne, représentée par M. C. Lesauvage et par Mmes E. von Bardeleben et A.-M. Cosciug, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du 4 mars 2016 par laquelle la Cour des comptes n’a pas promu le requérant au grade supérieur (AD 11), en vertu de la procédure de promotion 2016, en n’inscrivant pas son nom sur la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2016,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, RA, est un fonctionnaire de la Cour des comptes de l’Union européenne.

2        Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« 1. La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2 […]. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), et le niveau des responsabilités exercées. »

3        L’article 5 de la décision no 53-2014 de la Cour des comptes du 11 décembre 2014 relative aux promotions (ci-après la « décision no 53-2014 ») disposait :

« 5.1 Les fonctionnaires sont promus sur la base d’une évaluation comparative des mérites qu’ils ont démontrés dans leur grade actuel et de leur capacité à assurer les tâches requises dans le grade immédiatement supérieur […] ».

4        La communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016 avait signalé que les critères pris en compte aux fins de l’exercice de promotion 2016 étaient les suivants :

–        « rendement, en fonction de la réalisation des objectifs et de la qualité du travail ;

–        compétence, en fonction des connaissances professionnelles ; de la gestion, de la documentation et de l’organisation du travail ; de la capacité d’analyse ; des aptitudes au jugement, à la résolution des problèmes, à communiquer et éventuellement à encadrer et à diriger des personnes ;

–        conduite dans le service en fonction de la culture de service, de la capacité à travailler avec d’autres personnes, du sens des responsabilités, de l’intégrité et de la conduite sur le plan professionnel ».

5        Il était également précisé dans la communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016 ce qui suit :

–        « Les autres activités effectuées dans l’intérêt de l’institution auxquelles les agents ont participé doivent être prises en considération.

–        L’évaluation permettra de déterminer, parmi les agents promouvables, quels sont ceux dont les performances et le potentiel depuis la dernière promotion/la nomination sont considérés comme supérieurs à la moyenne, moyens ou inférieurs à la moyenne. »

6        En juin 2012, le requérant a été élu président du comité du personnel de la Cour des comptes (ci-après le « comité du personnel ») pour un mandat de trois années. En cette qualité, il a été mis à disposition dudit comité à temps plein depuis le 11 juin 2012 et est également membre de la commission paritaire des promotions (ci-après la « commission paritaire »). Il a été réélu pour un mandat de même durée en juillet 2015. Il a été promu au grade AD 10 au titre de l’exercice de promotion 2013 avec effet au 1er janvier 2013. Pour la période allant du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, le requérant n’a fait l’objet d’aucune évaluation.

7        Pour la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014, une note a été rédigée en juillet 2015 par les membres du comité du personnel, à la demande du secrétaire général de la Cour des comptes. Cette note est rédigée en des termes élogieux et fait apparaître que l’ensemble des tâches confiées au requérant durant cette période ont été réalisées. Parmi ces tâches, figuraient par exemple une rencontre avec les autorités luxembourgeoises, le Premier ministre du Grand-Duché de Luxembourg étant alors présent. Les objectifs fixés au requérant étaient d’ordre managérial et définis dans l’intérêt de l’institution ou en vue de favoriser le développement personnel du requérant. En plus d’insister à nouveau sur le fait que le requérant s’est acquitté de l’ensemble des tâches dont il avait la charge, les appréciations suivantes figurent notamment sous la mention « Performance et progrès accomplis » : « [le requérant] a complété toute les tâches ci-dessus, ainsi que d’autres tâches imprévues, à la plus grande satisfaction [dudit comité], [le requérant] a rempli toutes ses missions, en produisant en temps utile des éléments de haute qualité dans des circonstances de pression temporelle régulière et constante, avec une assistance administrative [de ce comité] réduite au minimum, [le requérant] a démontré de manière constante son intégrité, son indépendance et sa capacité à conduire du travail d’équipe productif dans des circonstances exigeantes ». Sous la mention « Potentiel », il est constaté que « [le requérant] a démontré durant cet exercice et l’exercice précédent […] sa capacité et son potentiel à assumer des fonctions de gestion à la [Cour des comptes], notamment dans le domaine administratif ».

8        Enfin, pour la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, un rapport d’évaluation a été établi sur la base d’une consultation des membres du comité du personnel, par le directeur des ressources humaines, en qualité d’évaluateur et le secrétaire général de la Cour des comptes, en tant qu’évaluateur de contrôle. Il y est indiqué que le requérant a atteint tous ses objectifs et il est notamment fait référence à son rôle au sein du comité du personnel, dont il assure la gestion du budget et qu’il représente lors de réunions interinstitutionnelles. Il apparaît de plus que le requérant a assuré, dans l’intérêt de l’institution, une rencontre avec les autorités luxembourgeoises, parmi lesquelles figurait le Premier ministre du Grand-Duché de Luxembourg.En outre, les appréciations suivantes figurent par exemple sous la mention « Performance et progrès accomplis » : « [le requérant] a démontré son excellente connaissance du [statut] ainsi que du cadre réglementaire interne et interinstitutionnel relatif à celui-ci, de même que leur application à la Cour des comptes et au niveau interinstitutionnel ». Sous la mention « Potentiel », il est précisé que « [le requérant] a démontré, durant cet exercice et le précédent, sa capacité et son potentiel à assumer des tâches plus complexes au sein d’autres services de la [Cour des comptes] ».

9        Par une communication au personnel du 7 janvier 2016, la commission paritaire a informé l’ensemble du personnel de la Cour des comptes des critères de promotion pour l’exercice 2016 qu’elle avait arrêtés en application de l’article 6.7 de la décision no 53-2014. Ladite communication précisait notamment que la promotion était fondée sur une évaluation comparative des mérites des fonctionnaires promouvables, tels qu’ils ressortaient des rapports d’évaluation depuis la dernière promotion ou nomination des candidats. Ces mérites couvraient les performances des fonctionnaires dans leur grade, celles-ci étant évaluées au regard des descriptions de poste et des objectifs définis et sur une base continue depuis la dernière nomination, ainsi que leur potentiel à exercer les fonctions dans le grade supérieur. Les critères pris en compte aux fins de cette évaluation comparative des mérites étaient les suivants : le rendement, la compétence et la conduite dans le service.

10      Le 20 janvier 2016, la liste des fonctionnaires de la Cour des comptes qui étaient promouvables, puisqu’ils remplissaient les conditions prévues à l’article 45, paragraphe 1 du statut, a été publiée. Pour le grade AD 10, une liste de 34 fonctionnaires a été établie, sur laquelle figurait le nom du requérant. Les possibilités de promotion au grade AD 11 étaient de treize postes. Le procès-verbal de la réunion de la commission paritaire indique que celle-ci a été levée le 2 mars 2016 à 18 h 00. Le matin du 3 mars 2016, une réunion s’est tenue entre la présidente de cette commission et le secrétaire général de cette institution. Le même jour, à 16 h 18, un courriel a été transmis à ce dernier en vue de lui fournir les identifiants nécessaires pour se connecter à l’un des ordinateurs sur lesquels se trouvait un serveur comportant les dossiers informatiques des fonctionnaires promouvables.

11      La liste des fonctionnaires de la Cour des comptes proposés par la commission paritaire pour une promotion au grade supérieur, a également été publiée le 3 mars 2016. Pour la promotion au grade AD 11, cette commission a publié la liste établie par les directeurs et celle établie par les représentants du comité du personnel, ainsi que le permet l’article 6.9 de la décision no 53-2014 dans les cas où aucun accord n’est trouvé au sein de cette commission pour une liste commune. Le nom du requérant figure dans la liste établie par le comité du personnel, comptant seize noms, mais pas dans celle des directeurs qui en comporte quinze. Les deux listes comportent treize noms identiques, ce qui est conforme aux possibilités de promotion annoncées.

12      Le 4 mars 2016, le secrétaire général de la Cour des comptes s’est connecté au serveur qui comportait les dossiers informatiques des fonctionnaires promouvables. Le même jour, la liste des fonctionnaires promus a été publiée, le nom du requérant n’était pas repris dans celle-ci. Par ailleurs, la liste des quinze fonctionnaires promus correspond exactement à celle qui avait été établie par les directeurs.

13      Par sa réclamation introduite le 11 mai 2016 sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a contesté la décision du 4 mars 2016, dans la mesure où son nom n’y figurait pas (ci-après la « décision attaquée »).

14      Le 21 juin 2016, une médiation a été organisée par la Cour des comptes avec le requérant, mais elle n’a pas aboutie.

15      Le 7 septembre 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 décembre 2016, le requérant a introduit le présent recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro T‑874/16 et a été attribué à la troisième chambre.

17      La procédure écrite a été clôturée le 2 juin 2017.

18      Le 19 janvier 2018, le Tribunal a demandé à la Cour des comptes, par une mesure d’organisation de la procédure, de répondre à plusieurs questions. La Cour des comptes a transmis ses réponses le 6 février 2018.

19      Le 13 mars 2018, au cours de l’audience, la Cour des comptes a proposé au Tribunal de produire les rapports de notation des fonctionnaires promus.

20      À la suite de cette proposition, et au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, il a été demandé à la Cour des comptes de produire, dans un délai de deux semaines, les rapports de notation anonymisés des fonctionnaires promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion 2016.

21      Les rapports de notation anonymisés des fonctionnaires de la Cour des comptes promus au grade AD 11 lors de l’exercice de promotion 2016 ont été produits le 9 avril 2018.

22      Le 3 mai 2018, le requérant a déposé des observations sur ces rapports.

23      Le 8 juin 2018, la Cour des comptes a déposé des observations sur les observations du requérant.

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         annuler la décision attaquée ;

–         condamner la Cour des comptes aux dépens.

25      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

26      Le requérant a avancé trois moyens au stade de la requête, avant de renoncer au premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité du système de promotion en vigueur à la Cour des comptes, au stade de la réplique. À l’appui de la demande d’annulation, il soulève donc deux moyens, tirés, d’une part, d’une violation de l’article 45 du statut et, d’autre part, de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans la motivation de la réponse de rejet de sa réclamation.

27      Par le premier moyen, le requérant soutient que la décision attaquée viole l’article 45 du statut.

28      Le requérant reproche à la Cour des comptes une absence d’évaluation par l’intermédiaire d’un rapport de notation pour une période de neuf mois, une discrimination liée à son mandat de représentation du personnel et une absence d’examen comparatif de l’ensemble des fonctionnaires auquel l’AIPN était tenue de se livrer avec soin et impartialité, à partir de sources d’informations et de renseignements comparables pour l’ensemble des fonctionnaires promouvables, c’est-à-dire dans le respect du principe général d’égalité de traitement.

29      Premièrement, le requérant avance que, alors même qu’il n’a fait l’objet d’aucune évaluation pour les neuf premiers mois de l’année 2013, l’AIPN n’a pas démontré avoir compensé l’absence de rapport de notation par d’autres renseignements comparables. Selon lui, cette carence l’a placé dans une situation moins favorable que les autres fonctionnaires promouvables, quand bien même, durant la période non couverte par une évaluation, il a mené à bien l’ensemble des activités dévolues au président du comité du personnel.

30      Le requérant considère également que la durée de la période non couverte par des rapports de notation est significative et que la Cour des comptes n’a pas démontré avoir valablement compensé cette déficience par d’autres informations de même nature. Selon lui, la manière dont cette institution prétend avoir compensé l’absence des rapports de notation en cause, par extrapolation, ne correspond pas aux exigences jurisprudentielles formulées en la matière. En outre, il soutient que, dans la décision de rejet de la réclamation, cette institution a « affirmé, sans l’étayer, avoir pris en compte d’autres éléments d’information susceptibles de la renseigner sur [ses mérites] au cours de cette période », et a avancé, « pour la première fois dans le mémoire en défense, que [ses activités] seraient publiques ».

31      Deuxièmement, le requérant estime que l’absence du rapport de notation qu’il reproche à la Cour des comptes est exclusivement imputable à l’AIPN et qu’elle s’explique par les fonctions qu’il exerce en tant que président du comité du personnel. Il considère donc avoir subi un préjudice du fait de l’exercice de ses fonctions, contraire à l’article 1er, dernier alinéa, de l’annexe II du statut, et il indique qu’il appartiendrait à l’AIPN de démontrer qu’elle n’a pas laissé perdurer cette inégalité, conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut. Il présume également que sa qualité de président du comité du personnel a, au moins en partie, eu une incidence sur la décision de ne pas le promouvoir.

32      En outre, le requérant fait valoir que, s’il lui avait appartenu de réclamer l’établissement d’un rapport de notation, il y aurait alors lieu de constater qu’il avait été discriminé en raison des fonctions qu’il exerce, puisqu’aucun autre membre du personnel de la Cour des comptes n’est tenu de s’adresser à l’administration pour que ses prestations soient évaluées conformément à l’article 43 du statut. Il ajoute que, en l’espèce, il ne s’agit pas d’un simple retard dans l’établissement d’un tel rapport, mais de l’absence de toute évaluation, et que seule l’administration peut être tenue responsable d’une telle absence. Il considère que les irrégularités alléguées sont d’autant plus graves qu’elles concernent un membre du personnel actif dans la représentation et la défense des intérêts du personnel. Or, ce serait précisément parce qu’il est président du comité du personnel que son évaluation au titre de l’article 43 du statut ferait l’objet de règles particulières qui n’auraient pas toujours été mises en œuvre durant la période 2011/2013.

33      Troisièmement, le requérant émet des doutes quant à l’effectivité de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables auquel l’AIPN était tenue de se livrer. Il indique avoir demandé, dans la réclamation, l’accès aux procès-verbaux anonymisés des réunions qui démontreraient que l’AIPN a procédé à un tel examen afin de contrôler qu’il avait bien eu lieu. Il précise que le refus qui lui a été opposé en ce sens a renforcé ses doutes à cet égard. En particulier, la durée qui séparerait la publication de la liste des recommandations émise par la commission paritaire, de celle de la liste des fonctionnaires promus, rendrait hautement improbable le fait que l’AIPN ait pu procéder à l’examen concerné que l’article 7.1 de la décision no 53-2014 exigerait de mener. La Cour des comptes serait, de plus, dans l’impossibilité de démontrer la réalité de la réunion au cours de laquelle l’AIPN aurait procédé à ce dernier examen.

34      Le requérant ajoute que, concernant son grade, la commission paritaire n’a pas été en mesure de rendre un avis destiné à éclairer l’AIPN et qu’il incomberait à cette dernière, dans un tel cas de figure, de procéder elle-même, avec soin et impartialité, à un examen comparatif complet des mérites des fonctionnaires proposés par les représentants de l’administration et ceux du personnel. Or, l’AIPN n’aurait pas motivé sa décision de ne pas suivre la recommandation formulée par les représentants du comité du personnel membres du comité de promotion. Elle n’aurait, de même, dans sa réponse à la réclamation du requérant, pas précisé les raisons qui l’ont conduite à écarter la candidature de ce dernier malgré cette recommandation, alors qu’elle était tenue de prendre position sur cette circonstance.

35      La Cour des comptes conteste cette argumentation.

36      À titre liminaire, il convient de rappeler les principes qui encadrent l’office du juge de l’Union lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation de décisions prises par les institutions en matière de promotion de fonctionnaires.

37      Selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose, aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires candidats à une promotion, d’un large pouvoir d’appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et si elle n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge de l’Union ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêts du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, EU:C:1983:105, points 9 et 13 ; du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, EU:C:2003:196, point 35, et du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 52).

38      Cependant, le large pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à l’AIPN est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (voir arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 53 et jurisprudence citée).

39      L’obligation pour l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus, prévu à l’article 45 du statut, est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de leur vocation à la carrière, l’appréciation de leurs mérites constituant ainsi le critère déterminant. À cet égard, l’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit que, aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’AIPN prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation par ceux-ci, dans l’exercice de leurs fonctions, des langues autres que la langue dont ils ont justifié avoir une connaissance approfondie et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. Cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’AIPN quant à l’importance que celle-ci entend accorder à chacun des trois critères mentionnés lors de l’examen comparatif des mérites, dans le respect toutefois du principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 43 et jurisprudence citée).

40      L’AIPN peut, à titre subsidiaire, en cas d’égalité de mérites entre les fonctionnaires promouvables à l’aune des trois critères visés expressément à l’article 45, paragraphe 1, du statut, prendre d’autres éléments en considération, tels que l’âge des fonctionnaires et leur ancienneté dans le grade ou le service, auquel cas de tels critères peuvent constituer un facteur décisif dans son choix (voir arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 44 et jurisprudence citée).

41      Il convient donc d’examiner d’abord le troisième grief soulevé par le requérant dans le cadre du premier moyen.

42      À cet égard, le requérant soutient que l’AIPN n’a pas effectivement réalisé, avec soin et impartialité, un examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires promouvables. Afin d’apprécier ce grief, il y a lieu de rappeler les arguments développés par le requérant à son appui.

43      Le requérant avance notamment que, pour la promotion au grade AD 11, la commission paritaire n’a pas été en mesure de rendre un avis destiné à éclairer l’AIPN. Il indique que, concernant ce grade, les directeurs et le comité du personnel ne sont pas parvenus à trouver un accord pour établir une liste commune de recommandation, et les listes émises par chacun d’entre eux ont donc été communiquées au personnel. Il fait également valoir que la liste des fonctionnaires finalement promus par l’AIPN entérinait la liste initiale des représentants de l’administration au sein de la commission paritaire, et que celle-ci a été publiée le lendemain de celle de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion. Il considère que la conjugaison de ces différents éléments est de nature à établir un doute quant à l’effectivité de la tenue de l’examen comparatif complet des mérites des fonctionnaires promouvables auquel l’AIPN était pourtant tenue de se livrer conformément à l’article 7.1 de la décision no 53-2014. Il estime donc que, compte tenu de la spécificité de la situation en cause, l’AIPN aurait dû lui donner accès aux procès-verbaux anonymisés d’éventuelles réunions susceptibles de démontrer que l’AIPN avait bien procédé à cet examen.

44      À cet égard, et ainsi que cela a déjà été fait au point 37 ci-dessus, il convient de rappeler d’emblée au sujet de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires candidats à une promotion que, selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose, aux fins de celui-ci, d’un large pouvoir d’appréciation pourvu que celui-ci soit exercé dans le respect du principe d’égalité de traitement. Le contrôle du juge de l’Union en la matière doit donc se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et si elle n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’AIPN.

45      Il est ainsi de jurisprudence constante que, si l’AIPN est tenue d’effectuer son choix sur la base d’un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires promouvables, elle dispose cependant à cette fin du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée (arrêts du 1er juillet 1976, De Wind/Commission, 62/75, EU:C:1976:103, point 17, et du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T‑53/91, EU:T:1992:86, point 30).

46      De plus, l’AIPN peut, ainsi que le rappelle justement la Cour des comptes, se faire assister par les services administratifs aux différents échelons de la voie hiérarchique, conformément aux principes inhérents au fonctionnement de toute structure administrative hiérarchisée (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T‑76/92, EU:T:1993:106, point 17).

47      En l’espèce, il y a d’abord lieu de constater que c’est à tort que le requérant considère que l’AIPN n’a pas suivi l’avis rendu par l’organe consultatif qu’elle avait institué, puisque, en ce qui concerne la promotion au grade AD 11 et ainsi que cela a déjà été souligné au point 11 ci-dessus, il ressort de l’avis rédigé par la commission paritaire que le comité du personnel et le comité des directeurs n’étaient pas parvenus à trouver un accord autour d’une liste commune dans le cadre de cet organe consultatif. De même, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir manqué à son obligation de motivation, puisqu’elle n’était tenue à une telle obligation que si elle avait refusé de suivre une recommandation qui n’a, en l’espèce, pas été formulée.

48      Il convient ensuite de rappeler les circonstances spécifiques de l’espèce, qui tiennent notamment aux éléments suivants.

49      Les prestations du requérant n’ont fait l’objet d’aucune évaluation par l’intermédiaire d’un rapport de notation pour la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2013. Or, dans le cadre de l’exercice de promotion 2016, l’AIPN était tenue de prendre en compte, aux fins de l’examen comparatif des mérites qu’elle devait effectuer en vertu de l’article 45, paragraphe 1, du statut, les rapports d’évaluation du requérant établis par elle durant la période qui s’étendait du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015 et qui correspondait à celle passée par le requérant au grade AD 10 jusqu’au dit exercice de promotion. Cette exigence a d’ailleurs été rappelée le 7 janvier 2016 à travers la communication au personnel de la Cour des comptes no 2/2016 ayant pour objet les critères de promotion arrêtés par la commission paritaire pour l’exercice 2016 en vertu de laquelle « l’évaluation comparative des mérites sera fondée sur un jugement qualitatif des performances et du potentiel, tels qu’ils ressortent des rapports d’évaluation depuis la dernière promotion [ou] la nomination » et « [c]e jugement prendra en considération tous les éléments des rapports d’évaluation depuis la dernière promotion [ou] la nomination ».

50      La spécificité de la situation décrite au point 49 ci-dessus est, en outre, renforcée par le laps de temps très court qui s’est écoulé entre la transmission à l’AIPN de l’avis rédigé par la commission paritaire, le 3 mars 2016, et la signature, par le secrétaire général de la Cour des comptes, de la liste des fonctionnaires promus le 4 mars 2016 à 12 h 50 alors que l’AIPN était pourtant tenue de réaliser « une dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, avant d’adopter la liste des fonctionnaires promus » en vertu de l’article 6.7 de la décision no 53-2014. En effet, la liste des fonctionnaires promouvables comprenait les noms de 363 fonctionnaires, tandis que l’avis transmis par la commission paritaire comprenait lui-même les noms de 182 fonctionnaires. De même, apprécié conjointement avec les éléments qui viennent d’être évoqués, le fait que la liste des 15 fonctionnaires promus au grade AD 11 correspond exactement à la liste initiale rédigée par les directeurs membres de la commission paritaire, malgré le désaccord qui les avait opposé aux représentants du comité du personnel membres de cet organe est de nature à singulariser la situation en cause.

51      À cet égard, il importe de préciser que la dernière comparaison des mérites dont il est ici question ne saurait être limitée aux cas les plus difficiles au regard de l’article 6.7 de la décision no 53-2014. En l’espèce, ladite dernière comparaison ne pouvait donc porter uniquement sur les cinq fonctionnaires promouvables au grade AD 11 à propos desquels aucun accord n’avait pu être trouvé au sein de la commission paritaire.

52      Par ailleurs, les parties s’accordent à reconnaître que les rapports de notation du requérant à la disposition de l’AIPN étaient de très bonne qualité. À ce sujet, et ainsi qu’il ressort des points 6 et 7 ci-dessus, il y a lieu d’observer que ce dernier avait rempli l’ensemble des objectifs à la fois managériaux et non managériaux qui lui avaient été fixés aussi bien pour la période 2013/2014 que pour la période 2014/2015, et les appréciations formulées dans les deux rapports de notation afférents étaient particulièrement élogieuses. Il y a notamment lieu de constater à leur égard qu’elles témoignent de la capacité du requérant à accomplir les tâches qui lui avaient été fixées, de même qu’à exercer des tâches plus complexes ainsi qu’à faire usage des langues française, anglaise, italienne allemande et espagnole dans le cadre de ses fonctions.

53      Par ailleurs, il convient de rappeler que les critères pris en compte aux fins de l’appréciation comparative des mérites, tels qu’ils avaient été rappelés par la communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016, étaient formulés comme suit :

–         « rendement, en fonction de la réalisation des objectifs et de la qualité du travail ;

–        compétence, en fonction des connaissances professionnelles ; de la gestion, de la documentation et de l’organisation du travail ; de la capacité d’analyse ; des aptitudes au jugement, à la résolution des problèmes, à communiquer et éventuellement à encadrer et à diriger des personnes ;

–        conduite dans le service en fonction de la culture de service, de la capacité à travailler avec d’autres personnes, du sens des responsabilités, de l’intégrité et de la conduite sur le plan professionnel. »

54      La communication au personnel no 2/2016 de la Cour des comptes du 7 janvier 2016 précisait également que « [l]es autres activités effectuées dans l’intérêt de l’Institution auxquelles les agents ont participé [devaient] être prises en considération ».

55      Au regard des éléments de fait exposés aux points 49 à 54 ci-dessus, les arguments développés par le requérant dans le troisième grief qu’il soulève dans le cadre du premier moyen (voir point 42 ci-dessus) sont de nature à susciter un doute quant à l’effectivité de la tenue par l’AIPN d’un examen comparatif complet et approfondi des mérites des fonctionnaires promouvables lors de l’exercice de promotion 2016.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, en présence d’un faisceau d’indices suffisamment concordants venant étayer l’argumentation du requérant relative à l’absence d’un véritable examen comparatif des candidatures, c’est à l’institution défenderesse qu’il incombe de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, qu’elle a respecté les garanties accordées par l’article 45 du statut au fonctionnaire ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif (arrêts du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T‑25/90, EU:T:1992:8, point 25, et du 19 septembre 1996, Allo/Commission, T‑386/94, EU:T:1996:123, point 39).

57      Or, il y a lieu de relever le caractère sibyllin de l’argumentation par laquelle la Cour des comptes décrit la manière dont a été organisé l’exercice de promotion 2016, en ne précisant que de façon évasive quelle a été la méthode suivie par l’AIPN afin de réaliser la dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables. En effet, les explications données par la Cour des comptes devant le Tribunal ne permettent de déterminer ni de quelle manière ni sur quelle base l’AIPN aurait effectivement menée cette dernière comparaison des mérites.

58      De plus, et tout en observant la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, en vertu de laquelle les institutions disposent du pouvoir statutaire de procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats à une promotion selon la procédure ou la méthode qu’elles estiment la plus appropriée, il n’en demeure pas moins que cet examen comparatif des mérites doit être effectivement mené, conformément au cadre fixé par la réglementation applicable et dans le respect du principe d’égalité de traitement.

59      À ce sujet, il convient de souligner que, malgré les demandes du Tribunal en ce sens lors de la procédure écrite et au cours de l’audience, la Cour des comptes est demeurée en défaut d’établir de manière claire par quels moyens, selon quelle méthode et à quel moment l’AIPN aurait mené la dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables litigieuse, pour finalement parvenir à la conclusion selon laquelle les mérites des candidats promus au terme de l’exercice de promotion 2016 étaient supérieurs à ceux du requérant.

60      En l’espèce, il y a lieu de formuler les observations suivantes.

61      Premièrement, la Cour des comptes fait valoir que l’AIPN s’est appuyée sur l’assistance des services administratifs pour procéder à l’appréciation des mérites respectifs des candidats à une promotion. Elle précise à ce sujet que l’article 7.1 de la décision no 53-2014 dispose que l’AIPN procède à « une dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables », et ce à la suite de l’avis rendu par la commission paritaire. Cette formulation confirme, selon elle, que cette dernière comparaison des mérites n’a vocation à intervenir qu’à l’issue d’un processus déjà largement engagé. Elle estime donc que cela n’entrerait pas en contradiction avec son affirmation selon laquelle l’AIPN avait déjà pu, préalablement à la remise de l’avis de la commission paritaire, procéder avec soin et impartialité à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, à travers les étapes successives de la procédure normalement prévue à cet effet, et en s’appuyant notamment sur le travail de ses services administratifs. De ce fait, et compte tenu de la « connaissance fine » des mérites des fonctionnaires promouvables qu’elle se serait forgée tout au long de la procédure de promotion, l’AIPN aurait concentré l’examen mené dans le cadre de cette « dernière comparaison » sur les fonctionnaires dont les cas présentaient des difficultés particulières. Il en aurait notamment été ainsi de la situation du requérant, puisque celui-ci figurait sur la liste établie par les représentants du comité du personnel et non sur celle établie par le comité des directeurs.

62      Toutefois, il y a lieu de relever que ces affirmations ne permettent aucunement d’établir quelle a été la manière de procéder de l’AIPN pour déterminer, dans le cadre du dernier examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables auquel elle était tenue de se livrer, quels étaient les candidats les plus méritants. En effet, l’affirmation évasive de la Cour des comptes selon laquelle elle se serait appuyée sur le travail de ses services administratifs, si elle est susceptible d’indiquer comment l’AIPN a pu disposer des éléments nécessaires à la réalisation d’une telle comparaison, ne saurait en revanche attester de son effectivité.

63      Deuxièmement, la Cour des comptes produit, en annexe à ses réponses apportées aux questions posées par le Tribunal par l’intermédiaire d’une mesure d’organisation de la procédure, un extrait du calendrier électronique de l’AIPN, censé attester d’une réunion d’environ deux heures avec la présidente de la commission paritaire le 3 mars au matin. L’AIPN aurait ainsi pu, au cours de cette réunion, prendre connaissance des différents débats tenus lors de la réunion de cette commission. C’est à la suite de cette réunion que l’AIPN aurait procédé au dernier examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables.

64      Il convient néanmoins de constater, à propos du calendrier électronique en cause, que, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer quant à sa valeur probante, ce dernier n’établit en rien l’effectivité de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables dans le cadre de l’exercice de promotion 2016. Ni la tenue d’une telle réunion ni l’affirmation non étayée selon laquelle l’AIPN aurait réalisé la dernière comparaison des mérites à la suite de cette réunion, n’apportent en effet de précisions susceptibles de renseigner le Tribunal quant à la méthode et aux critères adoptés pour ce faire. En tout état de cause, ces affirmations ne peuvent être considérées comme des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel conformément aux exigences formulées au point 56 ci-dessus.

65      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’examen des autres éléments produits par la Cour des comptes.

66      Ainsi, ni le procès-verbal d’une réunion du collège des Membres de la Cour des comptes, témoignant d’une interruption d’une heure au cours de la journée, durant laquelle l’AIPN aurait commencé à procéder à une dernière comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, ni les éléments relatifs à une connexion le 4 mars à 10 h 13 de l’AIPN au serveur sur lequel se trouvaient les dossiers informatiques des fonctionnaires promouvables, ne permettent d’éclairer le Tribunal quant aux paramètres objectifs éventuellement pris en compte afin de mener cette dernière comparaison des mérites.

67      Enfin, au sujet des rapports de notation anonymisés des candidats promus transmis par la Cour des comptes au Tribunal à la suite de l’audience, il y a lieu de constater que ceux-ci ne suffisent pas non plus à établir l’effectivité de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables auquel l’AIPN était tenue de se livrer, mais qu’ils participent au contraire à entretenir le doute déjà évoqué au point 55 ci-dessus.

68      En effet, les rapports de notation en cause ne permettent en rien de déterminer quelle a été la méthode suivie par l’AIPN afin d’établir une hiérarchie entre les différents fonctionnaires promouvables.

69      Ainsi, et sans pour autant qu’il substitue son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à la promotion à celle de l’AIPN, il y a lieu pour le Tribunal de constater que la lecture des rapports de notation en cause ne permet pas de lever le doute précédemment exprimé. Au contraire, les observations suivantes peuvent être formulées à leur égard.

70      En premier lieu, tandis qu’il est constant et admis par les parties que les rapports d’évaluation du requérant témoignent de ce qu’il a rempli tous ses objectifs pour les périodes concernées, la lecture des rapports de notation en cause révèle que tel n’était pas le cas pour l’ensemble d’entre eux. Par exemple, pour la période 2013/2014, un candidat promu a seulement partiellement rempli l’un de ses objectifs non managérial et il a échoué à remplir deux de ses objectifs de développement personnel. Le rapport de notation d’un autre candidat promu pour ladite période indique que deux de ses objectifs non managériaux n’ont été que partiellement remplis. Toujours pour cette période, le rapport de notation d’un troisième candidat promu fait apparaître que ce dernier n’a soit pas du tout, soit seulement partiellement, rempli ses objectifs de développement personnel. Pour la période 2014/2015, un quatrième candidat promu n’a pas rempli deux des objectifs fixés dans l’intérêt de l’institution. En ce qui concerne aussi bien la période 2013/2014 que la période 2014/2015, un cinquième candidat promu n’a pas rempli les objectifs fixés dans l’intérêt de l’institution, tandis que des objectifs de développement personnel n’ont soit pas du tout, soit seulement partiellement, été remplis. Pour sa part, un sixième candidat promu n’a, respectivement, pas rempli et seulement partiellement rempli deux de ses objectifs managériaux pour la période 2013/2014, tandis qu’il n’a pas rempli deux de ses objectifs de développement personnel pour la période 2014/2015.

71      En second lieu, l’analyse des rapports de notation en cause révèle également qu’un candidat promu a utilisé une seule langue dans le cadre de ses fonctions, que deux autres candidats promus en ont utilisé deux, que six autres candidats promus en ont utilisé trois et que deux autres candidats promus en ont utilisé quatre. En revanche, les rapports de notation du requérant révèlent qu’il a lui-même fait usage de cinq langues différentes dans le cadre de ses fonctions, ainsi que cela a déjà été précisé au point 52 ci-dessus.

72      Ces considérations renforcent le doute justifiant d’exiger que la Cour des comptes établisse précisément la manière dont aurait été mené le dernier examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables prétendument réalisé par l’AIPN.

73      Les observations produites devant le Tribunal le 8 juin 2018, par lesquelles la Cour des comptes détaille plus distinctement la manière dont les trois types de critères mentionnés dans la communication au personnel no 44/2015 du 14 septembre 2015, à savoir les prestations du candidat à la promotion au regard de ses rapports d’évaluation, sa capacité à travailler dans une troisième langue, et le niveau de responsabilités exercées, auraient été appréciés ne suffisent pas non plus à éclairer le Tribunal à cet égard. En effet,les précisions ainsi apportées ne portent que sur des éléments d’appréciation d’ordre général, et elles ne permettent pas de comprendre comment ils ont été appliqués afin d’établir que les mérites des candidats promus étaient plus élevés que ceux des candidats qui ne l’ont pas été.

74      Pour les motifs qui précèdent, il y a donc lieu de considérer que rien ne permet, à la lecture de la décision attaquée et des écritures de la Cour des comptes, ni au regard des précisions apportées durant l’audience et de celles avancées pour répondre aux mesures d’organisation de la procédure, de déterminer quels sont les éléments sur lesquels l’AIPN s’est fondée pour comparer les dossiers des différents fonctionnaires promouvables, ni ce qui a motivé son opinion selon laquelle les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux des candidats promus.

75      Force est donc de constater que la Cour des comptes n’a pas réfuté les éléments avancés par le requérant de nature à susciter un doute quant à ce que l’AIPN a procédé à une dernière comparaison effective des mérites de tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion, ni fourni au Tribunal aucun élément objectif susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel et propre à lever ce doute né des observations relevées aux points 49 à 55 et 64 à 72 ci-dessus.

76      Partant, il y a lieu d’accueillir le troisième grief du premier moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs avancés à l’appui dudit moyen ni le deuxième moyen.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Cour des comptes ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Cour des comptes de l’Union européenne du 4 mars 2016 de ne pas promouvoir RA au grade AD 11 au titre de l’exercice de promotion 2016 est annulée.

2)      La Cour des comptes est condamnée à l’ensemble des dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2018.

 

Signatures      

 



*      Langue de procédure : le français.