Language of document : ECLI:EU:C:2008:218

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 10 avril 2008 (1)

Affaire C‑141/07

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne


«Approvisionnement d’un hôpital en médicaments par une pharmacie externe – Obligations pour la pharmacie externe d’assurer les livraisons, régulièrement et en cas d’urgence, de fournir des conseils au personnel de l’hôpital, de manière habituelle et en cas d’urgence, de participer à la sélection des médicaments et de contrôler les stocks – Limitation du marché aux pharmacies situées à proximité de l’hôpital – Mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations – Justification – Protection de la santé publique»





1.        Le présent recours en manquement pose la question de la compatibilité avec les règles du traité CE relatives à la libre circulation des marchandises des dispositions de la législation allemande applicables lorsqu’un établissement hospitalier décide de confier son approvisionnement en médicaments à une pharmacie externe.

2.        Conformément à la législation allemande, l’approvisionnement en médicaments d’un hôpital situé en Allemagne peut être effectué soit par une pharmacie interne à l’établissement, soit par la pharmacie d’un autre hôpital, soit par une pharmacie externe. Dans ces deux derniers cas de figure, un contrat doit être passé par l’hôpital avec la pharmacie concernée, qui doit s’engager à effectuer toutes les composantes de l’approvisionnement en médicaments, c’est-à-dire assurer les livraisons régulières et en urgence, fournir des conseils au personnel de l’hôpital, de manière régulière et en cas d’urgence, participer à la sélection des médicaments et contrôler les stocks de médicaments de l’hôpital à approvisionner.

3.        Il est constant que ces conditions cumulatives (ci‑après les «conditions litigieuses») ne peuvent être remplies que par une pharmacie proche géographiquement de cet hôpital.

4.        La Commission des Communautés européennes soutient que, en maintenant en vigueur une telle législation, qui rend pratiquement impossible l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments par des pharmacies établies dans d’autres États membres, la République fédérale d’Allemagne a méconnu les obligations que lui imposent les articles 28 CE et 30 CE.

5.        Dans les présentes conclusions, nous exposerons en quoi les conditions litigieuses, bien qu’elles doivent être analysées comme des modalités de vente au sens de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (2), constituent une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations.

6.        Nous indiquerons ensuite que, au vu des explications fournies par la République fédérale d’Allemagne, cette restriction nous paraît justifiée par la protection de la santé publique, de sorte que le présent recours en manquement doit être rejeté comme non fondé.

I –    Le cadre juridique

7.        En vertu de l’article 43, paragraphe 1, de la loi allemande sur les médicaments (Arzneimittelgesetz), la vente de médicaments en Allemagne, y compris aux hôpitaux et aux médecins, est réservée aux pharmacies, l’achat direct auprès de fabricants ou de grossistes étant, en principe, interdit.

8.        Les dispositions relatives à l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments sont prévues à l’article 14 de la loi allemande sur les pharmacies (Apothekengesetz) (3).

9.        Selon cet article, les hôpitaux ont le choix de confier leur approvisionnement en médicaments soit à une pharmacie interne, c’est‑à‑dire une pharmacie exploitée dans les locaux de l’hôpital et, en général, non accessible au public, soit à la pharmacie d’un autre hôpital, soit à une pharmacie externe. Lorsqu’un hôpital décide de confier cet approvisionnement à la pharmacie d’un autre hôpital ou à une pharmacie externe, il doit passer, avec cette pharmacie, un contrat qui se trouve soumis aux conditions litigieuses énoncées à l’article 14, paragraphes 4 à 6, de l’ApoG.

10.      Ces dispositions, dans leur version en vigueur depuis le 21 juin 2005, sont rédigées comme suit:

«(4)      La direction d’un établissement hospitalier qui envisage de faire approvisionner celui‑ci par le titulaire d’une autorisation d’exploitation d’une pharmacie au sens de l’article 1er, paragraphe 2, ou de la législation d’un autre État membre de l’Union européenne, ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit conclure un contrat écrit avec le titulaire de cette autorisation. Le lieu d’exécution des prestations contractuelles d’approvisionnement est le siège de l’hôpital. Le droit applicable est le droit allemand.

(5)      Pour être valable, le contrat conclu en vertu du paragraphe 3 ou du paragraphe 4 doit recevoir l’approbation de l’autorité compétente. Cette approbation sera donnée s’il est établi que le contrat relatif à l’approvisionnement de l’hôpital en médicaments par une pharmacie, conclu par l’hôpital avec ladite pharmacie en vertu du paragraphe 3 ou du paragraphe 4, remplit les conditions suivantes:

1.      le bon approvisionnement en médicaments est garanti; il est en particulier établi que la pharmacie possède les locaux, les équipements et le personnel requis par le règlement relatif à l’exploitation des pharmacies ou, pour les pharmacies ayant leur siège dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, par les dispositions en vigueur dans cet État;

2.      la pharmacie fournit à l’hôpital les médicaments commandés par ce dernier directement ou, en cas d’expédition, conformément aux exigences énoncées à l’article 11a;

3.      la pharmacie met sans délai et d’une manière appropriée à la disposition de l’hôpital les médicaments dont celui‑ci a un besoin particulièrement urgent en vue d’un traitement médical aigu;

4.      le gérant de la pharmacie qui assure l’approvisionnement au sens du paragraphe 3 ou du paragraphe 4, ou le pharmacien mandaté par lui, conseillera personnellement le personnel de l’hôpital d’une manière appropriée en cas d’urgence sans délai;

5.      la pharmacie qui assure l’approvisionnement garantit qu’elle conseillera continuellement le personnel de l’hôpital en vue d’une pharmacothérapie efficace et économique;

6.      le gérant de la pharmacie qui assure l’approvisionnement au sens du paragraphe 3 ou du paragraphe 4, ou le pharmacien mandaté par lui, est membre de la commission des médicaments de l’hôpital.

L’approvisionnement d’un autre hôpital par une pharmacie hospitalière relevant du même pouvoir organisateur est également subordonnée à l’autorisation de l’autorité compétente. Les dispositions de la deuxième phrase sont applicables mutatis mutandis à l’octroi de cette autorisation.

(6)      Le gérant de la pharmacie hospitalière au sens du paragraphe 1 ou de la pharmacie au sens du paragraphe 4, ou un pharmacien mandaté par lui, est tenu de contrôler les stocks de médicaments de l’hôpital à approvisionner conformément au règlement relatif à l’exploitation des pharmacies et veillera à cet égard en particulier à la qualité irréprochable des médicaments et à leur bonne conservation. […]»

II – La procédure précontentieuse

11.      Jusqu’à sa modification au cours du mois de juin 2005, l’ApoG contenait des règles connues sous le nom de «principe régional», en vertu desquelles une pharmacie externe voulant conclure un contrat d’approvisionnement en médicaments avec un hôpital devait être établie dans la même ville ou dans le même arrondissement que celui‑ci.

12.      La Commission avait contesté la conformité de ce principe avec le droit communautaire dans une lettre de mise en demeure du 11 juillet 2003, puis dans un avis motivé du 19 décembre de la même année.

13.      Le gouvernement allemand, le 4 novembre 2004, a approuvé un projet de loi modifiant l’article 14 de l’ApoG et visant à permettre aux hôpitaux de conclure également des contrats d’approvisionnement en médicaments différents avec plusieurs pharmacies.

14.      Toutefois, le Bundesrat (chambre haute du parlement fédéral) a refusé d’approuver ce projet de loi au motif que le système d’approvisionnement en médicaments au niveau régional avait fait ses preuves sur le plan de la qualité et de la sécurité et que l’incompatibilité de ce système avec le droit communautaire n’était pas démontrée. De même, la majorité des Länder s’est opposée à la possibilité pour un hôpital de conclure des contrats distincts avec des fournisseurs différents. C’est pour ces raisons que l’article 14 de l’ApoG a été modifié à compter du 21 juin 2005 avec le contenu susmentionné.

15.      Le 18 octobre 2005, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure supplémentaire à la République fédérale d’Allemagne, dans laquelle elle indiquait que les conditions litigieuses, imposées au fournisseur conformément à cette nouvelle version de l’article 14 de l’ApoG, équivalaient à maintenir le principe régional sous une forme déguisée.

16.      Cet État membre, par lettre du 14 décembre 2005, a fait valoir que les conditions litigieuses, visant à confier à un seul fournisseur toutes les composantes de l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments, constituaient des modalités de vente autorisées et, subsidiairement, qu’elles étaient justifiées par la protection de la santé publique, conformément à l’article 30 CE.

17.      La Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne un avis motivé en date du 10 avril 2006, dans lequel elle a maintenu ses critiques et réfuté les arguments de cet État membre.

18.      Ledit État membre a répondu à la Commission, par lettre du 2 juin 2006, qu’il maintenait sa position.

III – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

19.      La Commission a saisi la Cour par requête en date du 9 mars 2007. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en défense le 21 mai 2007. La Commission a déposé sa réplique le 10 juillet 2007 et la République fédérale d’Allemagne sa duplique le 15 août 2007. Les parties n’ont pas demandé d’audience.

20.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        constater que, en soumettant, à l’article 14, paragraphes 5 et 6, de l’ApoG, la conclusion d’un contrat d’approvisionnement en médicaments à des exigences cumulatives ayant pour effet de rendre pratiquement impossible l’approvisionnement régulier en médicaments d’un hôpital par des pharmacies établies dans d’autres États membres, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 28 CE et 30 CE;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

21.      La République fédérale d’Allemagne conclut au rejet du recours et à la condamnation de la Commission aux dépens.

IV – Les arguments des parties

A –    La Commission

22.      La Commission soutient que les conditions litigieuses tombent dans le champ d’application de l’article 28 CE, qu’elles constituent une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations et que cette restriction n’est pas justifiée.

1.      L’application de l’article 28 CE

23.      La Commission expose que, en l’état actuel du droit communautaire, la vente de médicaments ne fait l’objet d’une harmonisation que dans des domaines limités. Si les États membres peuvent ainsi légiférer dans les autres domaines, il leur incombe néanmoins de respecter les règles du traité, notamment celles relatives à la libre circulation des marchandises, nonobstant les dispositions de l’article 152 CE.

24.      Le fait, allégué par la République fédérale d’Allemagne, que, dans d’autres États membres, l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments est réservé à une pharmacie interne ne diminuerait pas la portée de cette obligation à partir du moment où cet État membre a prévu la possibilité d’un tel approvisionnement par une pharmacie externe.

2.      Une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations

25.      La Commission indique que les conditions litigieuses prévues à l’article 14, paragraphes 5 et 6, de l’ApoG, constituent des modalités de vente au sens de la jurisprudence Keck et Mithouard, précitée. Elle estime que ces conditions tombent néanmoins dans le champ d’application de l’article 28 CE, parce qu’elles affectent plus sévèrement les médicaments en provenance des autres États membres que les médicaments d’origine nationale.

26.      Ainsi, la Commission fait valoir que plusieurs des conditions litigieuses imposées aux pharmacies externes, telles que la fourniture rapide et adaptée de médicaments et la mission de conseil au personnel de l’hôpital en cas d’urgence, de même que la participation à la commission des médicaments de l’hôpital et le contrôle des stocks de médicaments de celui‑ci, exigent que ces pharmacies soient proches géographiquement de l’établissement à approvisionner.

27.      Le fait d’imposer à un seul fournisseur de remplir toutes ces conditions aurait donc pour effet d’exclure les pharmacies des autres États membres de l’accès au marché de l’approvisionnement des hôpitaux allemands en médicaments et, partant, d’interdire aux médicaments provenant de ces autres États l’accès à ce marché.

28.      Les conditions litigieuses imposées par l’ApoG constitueraient, par conséquent, une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations. Cette analyse ne serait pas mise en cause par le fait que ces conditions pénalisent aussi des pharmacies situées en Allemagne à une longue distance de l’hôpital à approvisionner ni par le fait que le fournisseur local peut acheter les médicaments nécessaires auprès d’un grossiste étranger.

29.      La Commission réfute également comme non pertinent l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel les pharmacies établies dans d’autres États membres ne disposeraient pas, en général, d’un stock suffisant de médicaments autorisés en Allemagne.

3.      L’absence de justification

30.      La Commission indique que la charge de la preuve de la justification d’une restriction par un motif visé à l’article 30 CE ou une raison impérieuse d’intérêt général incombe à l’État membre qui se prévaut de cette justification.

31.      Elle rappelle, à titre liminaire, qu’elle a convaincu la République fédérale d’Allemagne de la nécessité de supprimer le principe régional en vigueur avant le mois de juin 2005 et que, dans le projet de loi communiqué par cet État membre au cours du mois de novembre 2004, le principe de la concentration de tous les éléments du contrat d’approvisionnement de l’hôpital en médicaments auprès d’un seul fournisseur avait été abandonné.

32.      La Commission expose, ensuite, que les deux motifs pour lesquels la République fédérale d’Allemagne soutient que les conditions litigieuses sont justifiées par la protection de la santé publique ne sont pas fondés.

33.      En ce qui concerne, premièrement, la nécessité de l’approvisionnement de l’hôpital en médicaments par une seule pharmacie, la Commission fait valoir qu’elle ne remet pas en cause cette exigence. Elle conteste uniquement le fait que seule une pharmacie locale puisse passer un contrat d’approvisionnement avec un hôpital. Les hôpitaux devraient pouvoir décider eux‑mêmes de confier à une seule pharmacie l’approvisionnement de base, l’approvisionnement d’urgence, le contrôle des stocks de médicaments et le conseil au personnel hospitalier.

34.      En ce qui concerne, deuxièmement, la nécessité d’un contrat d’approvisionnement en médicaments global, la Commission expose que l’argument de la République fédérale d’Allemagne, selon lequel la complexité de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments ne permettrait pas la coexistence de plusieurs responsables pour les différents éléments constitutifs de cet approvisionnement, notamment la fourniture des médicaments et le contrôle des stocks de médicaments, n’est pas fondé. Elle justifie sa position par les points suivants.

35.      Tout d’abord, il n’y aurait pas d’altération de la qualité dudit approvisionnement en cas de dissociation de l’approvisionnement de base et de l’approvisionnement d’urgence. Selon la Commission, un critère déterminant de la qualité de l’approvisionnement en cas d’urgence est la rapidité avec laquelle le médicament requis peut être livré, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de lier obligatoirement l’approvisionnement d’urgence à d’autres aspects de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments.

36.      Ensuite, il n’y aurait pas d’altération de la qualité de cet approvisionnement en cas de dissociation de l’approvisionnement de base et de la sélection des médicaments. La Commission admet qu’un hôpital a besoin des conseils d’un pharmacien pour sélectionner ses médicaments, mais elle ne voit pas pourquoi il devrait s’agir du pharmacien chargé de l’approvisionnement. Ce dernier devrait, en tout état de cause, vérifier la qualité de ses produits.

37.      De même, il n’y aurait pas d’altération de la qualité de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments du fait de la dissociation de la fourniture des médicaments et du contrôle des stocks de médicaments. La Commission estime qu’une telle dissociation permettrait, au contraire, d’atteindre une qualité optimale dans ces deux activités.

38.      Enfin, il n’y aurait pas d’altération de la qualité duditapprovisionnement en cas de conseils au personnel de l’hôpital par téléphone. La Commission soutient que la fourniture de conseils sur place, comme l’exige l’article 14, paragraphe 5, point 4, de l’ApoG, n’est pas nécessaire pour atteindre un niveau élevé de qualité. Elle relève, à cet égard, que la Cour, dans l’arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband (4), a admis que des médicaments pouvaient être vendus par l’internet à des patients, écartant ainsi l’idée selon laquelle l’absence de conseils personnels pouvait mettre leur sécurité en danger. Cette analyse, selon la Commission, vaudrait a fortiori pour le personnel spécialisé d’un hôpital, d’autant plus que la responsabilité de l’utilisation des médicaments relève toujours du médecin. En outre, un pharmacien, même établi à proximité de l’hôpital, doit être présent la plupart du temps dans sa propre officine et non à l’hôpital.

B –    La République fédérale d’Allemagne

39.      La République fédérale d’Allemagne souligne, à titre liminaire, que la présente procédure a pour origine non la plainte d’une pharmacie établie dans un autre État membre qui se verrait empêchée de livrer ses produits en Allemagne, mais celle d’une société qui exploite plusieurs hôpitaux en Allemagne par l’intermédiaire de ses filiales et qui voudrait pouvoir les approvisionner tous par l’intermédiaire d’une seule pharmacie.

40.      Elle fait également valoir que l’objectif des conditions litigieuses imposées par l’article 14 de l’ApoG est de maintenir un approvisionnement des hôpitaux en médicaments de grande qualité et que ces conditions sont à apprécier au regard du fait que, dans un grand nombre d’autres États membres, cet approvisionnement est réservé à une pharmacie interne à l’établissement.

41.      La République fédérale d’Allemagne soutient en défense que les conditions litigieuses ne constituent pas une restriction à la liberté de circulation des marchandises et, subsidiairement, qu’une telle restriction est justifiée par la protection de la santé publique.

1.      L’absence de restriction à la liberté de circulation des marchandises

42.      La République fédérale d’Allemagne expose, premièrement, que les conditions litigieuses ne constituent pas une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations et, deuxièmement, qu’il n’appartient pas à la Commission d’imposer à un État membre, sous couvert de l’article 28 CE, de modifier une législation qui relève de la compétence de celui‑ci.

a)      L’absence de mesure d’effet équivalent

43.      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que les deux conditions énoncées dans l’arrêt Keck et Mithouard, précité, en vertu desquelles des modalités de vente ne tombent pas sous le coup de l’article 28 CE, sont remplies.

44.      D’une part, en effet, les conditions litigieuses seraient indistinctement applicables. D’autre part, elles ne gêneraient pas l’accès au marché de la part des médicaments provenant des autres États membres davantage que celui des médicaments nationaux, et cela pour les motifs suivants:

–        Les pharmacies établies dans les autres États membres, en général, ne disposeraient pas de médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en Allemagne, de sorte que le fait qu’elles vendent peu de médicaments dans cet État membre ne serait pas imputable à l’article 14 de l’ApoG.

–        Les pharmacies étrangères pourraient parfaitement livrer des médicaments à la pharmacie interne de l’hôpital ou à une pharmacie externe remplissant les conditions litigieuses.

–        Les pharmacies étrangères pourraient passer un contrat d’approvisionnement avec un hôpital allemand dès lors que les conditions litigieuses sont satisfaites, ce qui impliquerait qu’elles se trouvent dans le voisinage de cet hôpital.

–        La vente de médicaments provenant d’autres États membres ne serait pas affectée davantage que la vente de médicaments en provenance de régions d’Allemagne éloignées de l’hôpital à approvisionner.

–        L’article 28 CE n’imposerait pas que des pharmacies d’autres États membres puissent livrer des médicaments directement aux hôpitaux d’un État membre. Cette analyse serait contraire, d’une part, au fait que, dans de nombreux États membres, l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments est réservé à une pharmacie interne et, d’autre part, à la jurisprudence selon laquelle un monopole de l’État pour le commerce des médicaments peut être compatible avec le droit communautaire (5).

b)      L’article 28 CE ne saurait porter atteinte à la compétence des États membres en matière de santé publique

45.      La République fédérale d’Allemagne rappelle que, selon l’article 152, paragraphe 5, CE, la Communauté européenne doit, dans le domaine de la santé publique, respecter pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux. Elle indique que les conditions litigieuses procèdent d’une disposition législative de principe, adoptée en réaction aux difficultés que l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments avait connues antérieurement.

2.      La justification par la protection de la santé publique

46.      La République fédérale d’Allemagne expose que les conditions litigieuses visent à garantir un approvisionnement sûr et de qualité en confiant à une seule pharmacie la responsabilité de la totalité des tâches qui relèvent de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments.

47.      Elle soutient que la dissociation de ces tâches et leur coordination par la direction de l’hôpital ne permettrait pas de garantir un niveau de qualité aussi élevé. Elle énonce à cet égard les arguments suivants.

a)      La dissociation entre l’approvisionnement régulier et l’approvisionnement d’urgence

48.      La République fédérale d’Allemagne indique que l’hôpital qui décide de confier son approvisionnement en médicaments à une pharmacie externe le fait principalement pour garantir un approvisionnement efficace avec peu de frais de stockage et peu de médicaments en stock. Cet hôpital commande ainsi les médicaments dont il a besoin pour chaque patient dans les quantités requises, de sorte qu’il n’y a pas vraiment de distinction entre l’approvisionnement d’urgence et l’approvisionnement de base, qui nécessite également une livraison rapide et fréquente.

49.      En outre, la sélection des médicaments nécessaires en cas d’urgence nécessiterait de connaître le stock de l’hôpital et obligerait à mettre en place une coordination si l’hôpital recourait à des fournisseurs différents.

50.      Il serait également important que le pharmacien appelé à fournir un médicament en cas d’urgence sache quels autres médicaments le patient concerné a pris, afin d’empêcher des incompatibilités.

51.      En outre, le stock de médicaments nécessaires à l’approvisionnement d’un hôpital serait différent de celui d’une pharmacie «normale». La République fédérale d’Allemagne cite plusieurs médicaments qui seraient nécessaires à un hôpital et qu’une pharmacie «normale» ne possèderait pas en stock.

52.      Selon cet État membre, lier l’approvisionnement de base et l’approvisionnement d’urgence garantirait, par conséquent, la disponibilité des médicaments nécessaires ainsi qu’un approvisionnement des hôpitaux en médicaments plus efficace et mieux ciblé.

b)      La séparation entre l’approvisionnement de base et la sélection des médicaments

53.      La République fédérale d’Allemagne indique que le pharmacien chargé de fournir à l’hôpital les médicaments choisis par la commission des médicaments peut négocier les prix et permettre ainsi une meilleure gestion financière s’il est aussi en charge de leur sélection sur le marché.

c)      La dissociation entre l’approvisionnement de base et le contrôle des stocks de médicaments de l’hôpital

54.      Confier au pharmacien qui assure l’approvisionnement de l’hôpital en médicaments le contrôle des stocks de médicaments de celui‑ci permettrait d’assurer un meilleur suivi, parce que ce pharmacien connaît exactement les médicaments qu’il a livrés.

55.      Dans le cadre de ce contrôle, ledit pharmacien serait aussi mieux informé par le personnel de l’hôpital de tous les problèmes liés au stockage des médicaments, à leur utilisation, à leur choix et à leur dosage.

d)      La nécessité de conseiller le personnel de l’hôpital

56.      La pratique démontrerait que même des médecins ont besoin de conseils dans le domaine pharmaceutique. Un contact personnel entre le pharmacien et les équipes de l’hôpital permettrait à ce pharmacien d’être un membre de l’équipe thérapeutique et d’améliorer la sécurité des médicaments en optimisant le succès des soins. Ce contact personnel ne saurait être remplacé par des conseils téléphoniques au cas par cas. En outre, la présence personnelle du pharmacien serait particulièrement indispensable en cas d’urgence.

e)      La synergie entre l’approvisionnement en médicaments, le conseil au personnel de l’hôpital et le contrôle des stocks de médicaments

57.      Le principe de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments par un fournisseur unique permettrait d’assurer une synergie optimale entre la livraison des médicaments, le conseil au personnel hospitalier et le contrôle des stocks de médicaments de l’hôpital. Ce principe aurait prouvé son efficacité et permis de solutionner les problèmes d’approvisionnement des hôpitaux en médicaments qui auraient existé jusqu’en 1980.

V –    Analyse

A –    L’application de l’article 28 CE

58.      Comme la Commission l’expose à titre liminaire, c’est bien à l’aune des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises qu’il convient d’apprécier la compatibilité des conditions litigieuses, énoncées à l’article 14 de l’ApoG, avec le droit communautaire.

59.      D’une part, en effet, l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments n’a pas fait l’objet d’une réglementation ni même d’une harmonisation au sein de l’Union (6). C’est donc bien au regard des libertés de circulation garanties par le traité qu’il convient d’examiner ces conditions (7).

60.      D’autre part, les conditions litigieuses sont susceptibles d’affecter la possibilité pour un hôpital allemand d’acheter des médicaments à une pharmacie située dans un autre État membre. En outre, même si ces conditions s’appliquent à la prestation de vente entre une pharmacie et un hôpital allemand et prévoient à la charge de celle-ci plusieurs obligations de services, lesdites conditions déterminent principalement comment des médicaments peuvent être fournis à un hôpital par une pharmacie externe. Les conditions litigieuses sont donc susceptibles d’affecter principalement la liberté de circulation des marchandises (8).

B –    L’existence d’une restriction

61.      Comme la Commission, nous sommes d’avis que les conditions litigieuses constituent une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations, prohibée par l’article 28 CE.

62.      D’une part, en effet, ces conditions doivent être analysées comme des modalités de vente qui affectent la commercialisation des médicaments en provenance d’autres États membres davantage que celle des médicaments nationaux. D’autre part, cette analyse, à notre avis, n’a pas pour effet de porter atteinte à la compétence de la République fédérale d’Allemagne en matière de santé publique et aux dispositions de l’article 152 CE. Nous allons reprendre successivement ces deux points.

1.      L’existence d’une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations

63.      La libre circulation des marchandises est un principe fondamental dont le respect est garanti par le traité et qui trouve son expression dans l’interdiction, énoncée à l’article 28 CE, des restrictions quantitatives à l’importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (9). Cette interdiction des mesures d’effet équivalant à des restrictions quantitatives revêt un contenu très large, puisque, selon la jurisprudence, elle vise toute réglementation des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (10).

64.      Certes, dans l’arrêt Keck et Mithouard, précité, la Cour a restreint la portée de cette jurisprudence en excluant du champ d’application de l’article 28 CE les mesures qui portent non pas sur les caractéristiques du produit concerné, mais sur les modalités de vente, à condition toutefois que ces mesures soient indistinctement applicables et qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres (11).

65.      Comme les deux parties au litige, nous sommes d’avis que les conditions litigieuses doivent être analysées comme des modalités de vente, au sens de ladite jurisprudence. En effet, ces conditions ne portent pas sur les caractéristiques des médicaments, mais sur les exigences qu’une pharmacie externe doit respecter dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement en médicaments passé avec un hôpital. Lesdites conditions déterminent donc bien les modalités selon lesquelles des médicaments peuvent être vendus (12).

66.      Il est également constant que les conditions litigieuses sont indistinctement applicables, puisqu’elles ne font pas de distinction entre les pharmacies en fonction de l’État membre où elles sont situées.

67.      Cependant, ces conditions gênent davantage la commercialisation de médicaments en provenance d’autres États membres que celle de médicaments nationaux, et cela pour les motifs suivants.

68.      Comme la Commission l’a démontré et ainsi que la République fédérale d’Allemagne le reconnaît explicitement, l’obligation faite à un pharmacien externe de prendre en charge, avec ses propres moyens, toutes les composantes de l’approvisionnement en médicaments ne peut être satisfaite que par des opérateurs qui se trouvent à proximité de l’hôpital à approvisionner.

69.      Les conditions litigieuses obligent, par conséquent, les pharmaciens exploitant une pharmacie dans un autre État membre et qui souhaiteraient passer un contrat d’approvisionnement en médicaments avec un hôpital allemand à déplacer leur officine et à l’implanter à proximité de celui‑ci ou à ouvrir dans cette zone une autre pharmacie. De telles démarches imposent donc à ces pharmacies étrangères de supporter des coûts et de surmonter des difficultés que ne rencontrent pas les opérateurs qui se trouvent déjà à proximité de cet hôpital. Nous pouvons donc en déduire que les conditions litigieuses ont pour effet de gêner davantage la commercialisation de médicaments en provenance d’autres États membres.

70.      À l’encontre de cette analyse, la République fédérale d’Allemagne invoque plusieurs arguments qui, à notre avis, ne sont pas de nature à l’infirmer.

71.      Cet État membre soutient ainsi, d’une part, qu’une pharmacie étrangère pourrait passer un contrat d’approvisionnement en médicaments avec un hôpital allemand dès lors qu’elle remplit les conditions litigieuses et, d’autre part, que la vente de médicaments provenant d’autres États membres ne serait pas affectée davantage que la commercialisation de médicaments provenant de régions d’Allemagne éloignées de l’hôpital à approvisionner.

72.      Ces arguments ne mettent pas en cause l’existence de l’entrave causée par les conditions litigieuses. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt TK‑Heimdienst, précité, la Cour s’est trouvée confrontée à la même argumentation à propos d’une réglementation d’un État membre qui produisait le même cloisonnement géographique que lesdites conditions (13). Elle a rappelé que, pour qu’une mesure étatique puisse être qualifiée de discriminatoire ou protectrice au sens des règles relatives à la libre circulation des marchandises, il n’est pas nécessaire que cette mesure ait pour effet de favoriser l’ensemble des produits nationaux ou de ne défavoriser que les seuls produits importés à l’exclusion des produits nationaux (14).

73.      En d’autres termes, les conditions litigieuses, comme la réglementation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt TK‑Heimdienst, précité, constituent une restriction au sens de l’article 28 CE, parce qu’elles ont pour effet de cloisonner le marché concerné, ce qui est, par nature, contraire au marché commun, c’est‑à‑dire à un espace caractérisé notamment par l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises (15).

74.      La République fédérale d’Allemagne conteste également l’existence d’une entrave à la commercialisation de médicaments en provenance d’autres États membres au motif que les pharmacies de ces États, en général, ne disposeraient pas de médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en Allemagne.

75.      Cet argument ne nous paraît pas non plus pouvoir être retenu. Certes, en l’état du droit communautaire, aucun médicament fabriqué industriellement ne peut être commercialisé dans un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État ou par l’Agence européenne des médicaments (16). L’approvisionnement d’un hôpital allemand en médicaments par une pharmacie située dans un autre État membre implique, par conséquent, que cette pharmacie dispose d’une quantité suffisante de médicaments autorisés en Allemagne.

76.      Toutefois, la circonstance que, en général, les pharmacies étrangères ne disposeraient pas d’une quantité suffisante de tels médicaments n’est pas de nature à faire disparaître la restriction en cause.

77.      Il est de jurisprudence constante que l’article 28 CE s’applique aux mesures qui sont susceptibles d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire (17). La qualification de mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative aux importations ne nécessite donc pas de vérifier qu’une entreprise étrangère a été effectivement empêchée d’exporter ses produits dans l’État membre concerné. Il suffit de constater que la mesure litigieuse est susceptible d’entraver le commerce intracommunautaire, sans qu’il soit nécessaire d’apporter la preuve qu’elle a produit un effet sensible sur les échanges au sein de l’Union (18).

78.      Cette jurisprudence est pertinente dans la présente affaire, parce que, si les médicaments ne sont pas des produits ordinaires, compte tenu de leurs effets sur la santé des personnes, ils constituent néanmoins des marchandises au sens de l’article 28 CE, c’est‑à‑dire des biens appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de faire l’objet de transactions commerciales (19). La portée de cet article, en ce qui les concerne, n’est pas moindre qu’à l’égard de toute autre marchandise au sens de celui‑ci.

79.      Enfin, la République fédérale d’Allemagne conteste l’existence d’une entrave à la commercialisation intracommunautaire des médicaments au motif qu’une pharmacie étrangère pourrait parfaitement livrer des médicaments à la pharmacie interne de l’hôpital ou à une pharmacie externe remplissant les conditions litigieuses. L’article 28 CE, selon cet État membre, n’imposerait pas que des pharmacies d’autres États membres puissent livrer des médicaments directement aux hôpitaux d’un État membre. Cette analyse serait contraire au fait que, dans de nombreux États membres, l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments est réservé à une pharmacie interne et à la jurisprudence selon laquelle un monopole de l’État pour le commerce des médicaments peut être compatible avec le droit communautaire.

80.      Cette argumentation ne nous paraît pas fondée. Certes, l’article 28 CE ne fait pas obstacle, à notre avis, à ce que les hôpitaux des États membres soient approvisionnés en médicaments exclusivement par une pharmacie interne. Il n’impose pas, en lui‑même, aux États membres de prévoir que leurs hôpitaux doivent également pouvoir être approvisionnés en médicaments directement par des pharmacies situées dans d’autres États membres. Toutefois, il en va différemment à partir du moment où un État membre prévoit dans sa législation que ses hôpitaux peuvent également recevoir cet approvisionnement d’une pharmacie externe, c’est‑à‑dire de la part d’un tiers par rapport à l’établissement.

81.      En effet, à partir du moment où un État membre, dans l’exercice de son pouvoir souverain, décide que l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments peut ainsi faire l’objet d’un contrat avec une personne tierce par rapport à l’établissement, il ouvre cette activité au marché. Dès lors, il se trouve tenu de respecter les règles communautaires relatives au marché commun et, en particulier, les libertés fondamentales de circulation.

82.      Cela n’implique pas, pour autant, que cet État membre se trouve dépossédé de son pouvoir de régulation et que toute restriction à l’exercice de ces libertés fondamentales serait nécessairement contraire au traité. En d’autres termes, l’État membre n’est pas confronté à une alternative du tout ou rien, qui serait soit l’approvisionnement par une pharmacie interne, soit l’approvisionnement laissé à la discrétion de chaque établissement hospitalier.

83.      L’encadrement de l’exercice de sa compétence réservée implique que, si sa législation cause une restriction à une des libertés fondamentales de circulation, il doit être en mesure de la justifier par un motif légitime, cité dans le traité ou reconnu comme une raison impérieuse d’intérêt général. Un État membre qui prévoit que l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments peut également être assuré par une pharmacie externe et qui soumet cet approvisionnement à des conditions ayant pour effet de cloisonner ce marché s’oblige ainsi à pouvoir justifier la nécessité de ce cloisonnement.

84.      Cette position se trouve également conforme à une jurisprudence constante.

85.      En effet, selon cette jurisprudence, dans la mesure où l’harmonisation des législations nationales en ce qui concerne la distribution des médicaments demeure incomplète, les États membres sont en droit de prévoir en cette matière des mesures fondées sur la protection de la santé publique. Toutefois, la Cour a rappelé invariablement qu’une réglementation nationale ou une pratique nationale qui a ou qui est de nature à avoir un effet restrictif sur les importations de médicaments n’est compatible avec le traité que pour autant qu’elle est nécessaire pour protéger efficacement la santé et la vie des personnes (20).

86.      Enfin, cette analyse ne va pas à l’encontre de l’exercice, par les États membres, de leur compétence réservée en matière de santé publique et des dispositions de l’article 152 CE.

2.      L’absence d’atteinte à la compétence réservée des États membres en matière de santé publique et aux dispositions de l’article 152 CE

87.      La République fédérale d’Allemagne ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que l’action de la Commission visant à faire déclarer les conditions litigieuses contraires aux dispositions de l’article 28 CE serait une manière de contourner les limites de l’action communautaire dans le domaine de la santé publique, énoncées à l’article 152 CE.

88.      En effet, ce dernier article détermine la compétence normative de la Communauté en matière de santé publique. La Communauté ne disposant que d’une compétence d’attribution, les hautes parties contractantes ont limité sa compétence en cette matière en prévoyant audit article qu’elle ne peut agir qu’en complément de l’action des États membres et que son action doit respecter pleinement les responsabilités de ces États en matière de fourniture de services de santé et de soins médicaux.

89.      Pour autant, cette limitation du pouvoir normatif de la Communauté dans le domaine de la santé publique ne met pas en cause l’obligation des États membres, consacrée par une jurisprudence constante, de respecter les règles du traité, en particulier les libertés de circulation, lorsqu’ils exercent leurs compétences réservées (21). En d’autres termes, l’article 152 CE ne saurait avoir pour effet d’exclure le domaine de la santé publique du champ d’application des règles du traité relatives aux libertés de circulation.

90.      Il s’ensuit que la Commission, qui a pour mission, aux termes de l’article 211 CE, de veiller à l’application des dispositions du traité, est parfaitement dans son rôle lorsqu’elle engage une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre, si elle estime que la législation de cet État relative à l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments porte atteinte à la libre circulation des marchandises.

91.      Une telle action ne constitue pas un détournement de l’article 152 CE, parce qu’elle ne permet pas à la Commission ni à la Cour de se substituer à l’État membre concerné et d’imposer à celui‑ci une solution plutôt qu’une autre. Elle n’est donc pas assimilable à l’exercice d’un pouvoir normatif. Elle a seulement pour effet d’encadrer l’exercice, par cet État membre, de sa compétence réservée en matière de santé publique, en précisant les limites qui découlent des libertés de circulation que tous les États membres se sont engagés à respecter en concluant puis en ratifiant le traité (22).

92.      C’est dans le cadre de l’examen de la justification des conditions litigieuses que la compétence de la République fédérale d’Allemagne en matière de santé publique sera prise en compte, notamment en vertu de la jurisprudence selon laquelle, en l’absence de règles communes ou harmonisées, il appartient à chaque État membre de décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et de la manière dont ce niveau doit être atteint, dans le respect du principe de proportionnalité (23). En particulier, c’est dans ce cadre que sera prise en considération l’argumentation de cet État membre selon laquelle, dans plusieurs États membres, l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments relève exclusivement d’une pharmacie interne (24).

93.      Il s’ensuit que, comme le soutient la Commission, les conditions litigieuses, dès lors qu’elles constituent une restriction à la libre circulation des marchandises au sens de l’article 28 CE, devraient être déclarées incompatibles avec le droit communautaire si cette restriction n’est pas justifiée par l’un des motifs énoncés à l’article 30 CE ou par une raison impérieuse d’intérêt général. Nous allons voir à présent que ladite restriction est justifiée.

C –    La justification de la restriction

94.      La République fédérale d’Allemagne soutient que la restriction aux échanges intracommunautaires de médicaments causée par les conditions litigieuses est justifiée par la protection de la santé publique. Ces conditions viseraient à garantir que l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments par une pharmacie externe soit sûr et de qualité.

95.      Au vu des arguments des parties, nous sommes d’avis que cette justification peut être retenue.

96.      Conformément à la jurisprudence, une restriction à la libre circulation des marchandises peut être justifiée par l’un des motifs cités à l’article 30 CE ou par une raison impérieuse d’intérêt général à condition, d’une part, que la mesure en cause soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elle n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (25).

97.      La première de ces conditions ne suscite pas de difficultés. En effet, la protection de la santé publique figure au premier rang des intérêts protégés par l’article 30 CE (26). En outre, il n’est pas contesté par la Commission que les conditions litigieuses, qui visent à confier à un seul fournisseur toutes les composantes de l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments, sont propres à garantir un approvisionnement sûr et de qualité et, partant, à protéger la santé publique.

98.      La seconde condition, quant à elle, se trouve au centre du présent litige.

99.      Une restriction à la circulation intracommunautaire des médicaments ne peut être justifiée par la protection de la santé publique que si la mesure en cause respecte le principe de proportionnalité. Conformément à ce principe, pour que le motif de justification s’applique, il importe que la protection de la santé et de la vie des personnes ne puisse pas être assurée par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire (27). En outre, comme la Commission le rappelle à bon droit, c’est à l’État membre à l’origine de la réglementation en cause qu’il incombe de démontrer que ledit principe est respecté (28).

100. Contrairement à la Commission, nous estimons que les explications fournies par la République fédérale d’Allemagne à cet effet sont convaincantes. Nous fondons notre position sur les trois considérations suivantes.

101. En premier lieu, il appartient aux États membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique (29).

102. La République fédérale d’Allemagne est donc en droit de prévoir que, dans tout hôpital, la distribution de médicaments aux personnes hospitalisées doit pouvoir bénéficier de l’assistance d’un pharmacien, dans le cadre de conseils fournis au personnel médical de manière habituelle et, le cas échéant, lorsqu’un traitement médical doit être administré en urgence.

103. Il convient de rappeler, à cet égard, que la profession de pharmacien ne consiste pas seulement à distribuer des médicaments. Conformément aux dispositions de l’article 45 de la directive 2005/36, qui a repris l’article 2 de la directive 85/432/CEE du Conseil (30), elle comprend également la diffusion d’informations et de conseils sur les médicaments.

104. Par conséquent, même si, comme le rappelle la Commission, c’est le médecin qui, dans chaque cas concret, assume la responsabilité de l’utilisation des médicaments qu’il a prescrits, il n’en demeure pas moins que le pharmacien dispose d’une compétence propre, d’information et de conseil, en vertu de laquelle il doit prodiguer tous les conseils nécessaires à la bonne utilisation de ces médicaments et, le cas échéant, signaler une erreur de prescription. Cette compétence propre des pharmaciens constitue la justification du monopole de la distribution des médicaments au public qui leur est reconnue dans plusieurs États membres.

105. Un État membre, dans le cadre de son pouvoir souverain en matière de santé publique, est en droit de décider que ces conseils et ce contrôle de la part d’un pharmacien doivent également bénéficier à toutes les personnes hospitalisées, quel que soit le type d’établissement et les spécialités de celui‑ci.

106. La mise en œuvre de cette garantie varie certainement en fonction de la taille de chaque établissement et de ses spécialités. Il est permis de supposer qu’elle est moindre dans un établissement hospitalier spécialisé en gériatrie, accueillant des personnes âgées dont les besoins en médicaments sont stables et bien connus du personnel médical, que dans un centre spécialisé en chirurgie cardio-vasculaire ou qui traite toutes les urgences médicales.

107. Pour autant, dans tous les cas de figure, nous sommes d’avis que la mise en œuvre effective de ce devoir de conseil et de surveillance de la bonne utilisation des médicaments oblige le pharmacien à se rendre physiquement dans l’établissement concerné, d’une manière régulière et à une fréquence à déterminer en fonction de chaque établissement.

108. En effet, contrairement à la Commission, nous estimons que la situation n’est pas comparable avec celle de la distribution de médicaments au public. Dans ce dernier cas de figure, le patient, qui s’est vu prescrire un traitement par son médecin et qui s’adresse ensuite à son pharmacien, est en mesure de comprendre et de mettre en œuvre les conseils qui lui sont prodigués par celui‑ci. En revanche, à l’hôpital, les médicaments sont administrés par le personnel soignant et le patient se trouve, le plus souvent, dans une position complètement passive.

109. Par conséquent, la mise en œuvre effective du devoir de conseil et de surveillance de la bonne utilisation des médicaments de la part du pharmacien en milieu hospitalier implique que celui‑ci soit en mesure de prendre connaissance lui‑même de la situation de chaque malade. Le pharmacien, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, doit faire partie intégrante de l’équipe thérapeutique. À défaut, si l’intervention du pharmacien devait se limiter à la fourniture de conseils téléphoniques, son rôle se trouverait cantonné aux seules hypothèses dans lesquelles un médecin hospitalier ou un membre du personnel soignant éprouve un doute en ce qui concerne l’utilisation d’un médicament.

110. La mise en œuvre de cette obligation de conseil et de surveillance par un pharmacien externe implique donc sa présence physique à l’hôpital à échéance régulière ainsi que sa disponibilité en cas d’urgence. Cela suppose, logiquement, qu’il exerce ses activités à proximité de celui‑ci, puisque, comme le rappelle la Commission, il doit également être présent dans son officine pour pouvoir répondre au public.

111. En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne est bien fondée, à notre avis, à soutenir que les fonctions de sélection des médicaments et de conseil au personnel de l’hôpital sont difficilement dissociables.

112. En effet, la liste des médicaments autorisés dans un État membre est beaucoup plus étendue que celle des médicaments dont un hôpital a réellement besoin. Les besoins d’un hôpital sont limités aux pathologies qu’il a vocation à soigner. En outre, de très nombreux médicaments possèdent des propriétés identiques ou comparables. Par conséquent, tout hôpital, dans un souci évident de bonne gestion, doit sélectionner les médicaments nécessaires à ses domaines de compétence et éviter les commandes inutiles de plusieurs médicaments possédant les mêmes propriétés.

113. La Commission ne conteste pas qu’un hôpital ait besoin, pour sélectionner ses médicaments, du concours d’un pharmacien qui connaisse parfaitement les besoins de cet hôpital. C’est donc bien le pharmacien chargé de dispenser les conseils sur l’utilisation des médicaments au sein de l’établissement qui paraît le mieux à même de connaître précisément les besoins de celui‑ci et de participer au processus de sélection des médicaments.

114. En troisième lieu, nous partageons l’opinion de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle les fonctions d’approvisionnement en médicaments et de contrôle des stocks de médicaments de l’hôpital, d’une part, et celles de conseil au personnel hospitalier et de sélection des médicaments, d’autre part, sont également indissociables. Nous fondons notre position sur deux raisons complémentaires, la première d’ordre fonctionnel, la seconde d’ordre économique.

115. Sur le plan fonctionnel, nous partageons l’opinion de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle le pharmacien qui paraît le mieux placé pour prodiguer les conseils destinés à assurer une bonne utilisation des médicaments et surveiller celle‑ci est celui qui les a fournis ou qui les a préparés.

116. De même, le pharmacien externe qui paraît le mieux à même de fournir à l’hôpital tous les médicaments nécessaires et de constituer, dans son officine, les stocks permettant de couvrir en toutes circonstances les besoins de celui‑ci paraît bien être celui qui prodigue les conseils au personnel médical et qui participe au processus de sélection des médicaments, puisqu’il connaît parfaitement les besoins de l’hôpital à approvisionner.

117. Comme la République fédérale d’Allemagne, nous sommes d’avis que ces différentes fonctions sont complémentaires et que, sur un plan fonctionnel, il est plus rationnel de les confier à un même professionnel.

118. Cette analyse vaut également pour la fonction de contrôle des stocks de médicaments de l’hôpital. Comme la République fédérale d’Allemagne l’explique, un hôpital qui décide de confier son approvisionnement à une pharmacie externe a notamment pour but d’être déchargé de la contrainte d’avoir à stocker des quantités importantes de médicaments dans ses propres locaux. C’est donc la pharmacie externe qui doit disposer des stocks de médicaments suffisants pour pouvoir couvrir en toutes circonstances les besoins de cet hôpital. Par conséquent, c’est bien cette pharmacie qui se trouve également la mieux placée pour procéder aux contrôles réguliers de la qualité et de la conservation de ces médicaments.

119. Comme l’indique la République fédérale d’Allemagne, il existe une synergie entre les fonctions d’approvisionnement, de conseil et de contrôle.

120. Sur le plan économique, il importe de prendre en considération le fait que l’activité de conseil fait partie intégrante de la mission du pharmacien lorsque celui‑ci délivre un médicament à un patient. Elle n’appelle pas de rémunération supplémentaire.

121. Lorsqu’un hôpital décide de confier la totalité de son approvisionnement en médicaments à une pharmacie externe, le personnel de cette pharmacie doit assumer le devoir de conseil au sein de cet hôpital, y compris en cas d’urgence, avec les contraintes de disponibilité que cela implique, ainsi que les autres missions de sélection des médicaments et de contrôle des stocks de médicaments au sein de l’officine et à l’hôpital, parce que celles‑ci peuvent être considérées comme faisant partie intégrante de la prestation de fourniture de médicaments. Le coût de ces missions complémentaires est compris dans le prix de vente des médicaments. Elles ne doivent donc pas donner lieu à une rétribution particulière. En revanche, nous voyons difficilement comment il pourrait en aller de même si le pharmacien externe chargé d’effectuer lesdites missions complémentaires n’est pas celui qui assure l’ensemble de l’approvisionnement de l’hôpital en médicaments.

122. En réalité, l’hôpital concerné se trouverait contraint d’employer un pharmacien pour effectuer spécialement ces missions, ce qui, en raison des charges supplémentaires inhérentes à un tel recrutement, priverait d’une grande partie de son intérêt la possibilité de recourir à un pharmacien externe.

123. Certes, en principe, des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises (31). Toutefois, dans le domaine de la santé publique, la Cour a admis qu’il pouvait être dérogé à ce principe lorsque les intérêts d’ordre économique ont pour enjeu le maintien d’un service médical hospitalier équilibré et accessible à tous (32), notamment une capacité de soins ou une compétence médicale sur le territoire national (33).

124. Elle a reconnu, à cet égard, que le nombre des infrastructures hospitalières, leur répartition géographique, leur aménagement et les équipements dont elles sont pourvues, ou encore la nature des services médicaux qu’elles sont à même d’offrir, doivent pouvoir faire l’objet d’une planification de la part d’un État membre. Une telle planification, en règle générale, permet de garantir sur le territoire de l’État membre concerné une accessibilité suffisante et permanente à une gamme équilibrée de soins hospitaliers de qualité. Elle vise également à assurer une maîtrise des coûts et à éviter, dans la mesure du possible, tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines (34).

125. Un tel gaspillage, selon la Cour, s’avérerait d’autant plus dommageable qu’il est constant que le secteur des soins hospitaliers engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées (35).

126. Nous sommes d’avis que ces considérations sont transposables dans la présente affaire et que la République fédérale d’Allemagne a pu valablement prévoir que l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments était indissociable des autres missions de conseil au personnel hospitalier, de sélection des médicaments et de contrôle des stocks de médicaments de l’hôpital, afin de garantir un niveau de protection de la santé publique élevé tout en maintenant une offre de soins hospitaliers qui soit rationalisée.

127. En outre, nous ne trouvons aucun élément dans le dossier qui permettrait de supposer que les conditions litigieuses constituent un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, au sens de la seconde phrase de l’article 30 CE, telle qu’elle a été interprétée dans l’arrêt du 14 décembre 1979, Henn et Darby (36). En effet, il n’apparaît pas que le motif de santé publique invoqué pour justifier les conditions litigieuses a été détourné de ses fins et utilisé de manière à établir des discriminations à l’égard de marchandises originaires d’autres États membres ou à protéger indirectement certaines productions nationales.

128. Partant, l’obligation faite à un seul fournisseur d’assumer toutes les composantes de l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments et l’exigence de proximité géographique qui en découle sont justifiées, selon nous, par la protection de la santé publique. Le fait que, dans plusieurs États membres, l’approvisionnement d’un hôpital en médicaments relève exclusivement d’une pharmacie interne nous paraît être également de nature à confirmer cette analyse.

129. La Commission, à l’encontre de ladite analyse, fait encore valoir qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un hôpital puisse prévoir de telles conditions. Elle estime toutefois que les hôpitaux devraient pouvoir décider eux‑mêmes de confier à une seule pharmacie l’approvisionnement de base, l’approvisionnement d’urgence, le contrôle des stocks de médicaments et le conseil au personnel hospitalier.

130. Nous ne partageons pas ce point de vue. Comme nous l’avons indiqué, un État membre est en droit de définir le niveau de protection de la santé qu’il entend assurer sur son territoire. La République fédérale d’Allemagne est donc en droit d’imposer que, dans tous les hôpitaux, le même niveau de protection soit garanti.

131. Par conséquent, nous proposons à la Cour de rejeter comme non fondé le recours en manquement de la Commission et de mettre les dépens à la charge de celle‑ci, conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure.

VI – Conclusion

132. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de rejeter le présent recours en manquement comme non fondé et de condamner la Commission des Communautés européennes aux dépens.


1  – Langue originale: le français.


2 – C‑267/91 et C‑268/91, Rec. p. I‑6097, point 16.


3 – Ci‑après l’«ApoG».


4 – C‑322/01, Rec. p. I‑14887, point 113.


5 – La République fédérale d’Allemagne cite l’arrêt du 31 mai 2005, Hanner (C‑438/02, Rec. p. I‑4551).


6 – La circulation des médicaments au sein de l’Union a été facilitée par l’adoption de plusieurs directives qui ont harmonisé les conditions de délivrance d’une autorisation nationale de mise sur le marché ainsi que les règles applicables à la distribution en gros, la classification des médicaments, l’étiquetage et la publicité. Le contenu de ces directives a été regroupé dans la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67). Le législateur communautaire a également créé une autorisation de mise sur le marché communautaire, valable dans tous les États membres, qui se trouve régie actuellement par le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1). Enfin, la libre circulation des médicaments a également été facilitée par l’adoption, en 1985, de directives fixant le niveau minimal de formation des pharmaciens et le champ des activités professionnelles qu’ils peuvent exercer. Ces directives ont été remplacées par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22).


7 – Voir, en ce sens, arrêt Deutscher Apothekerverband, précité (point 102).


8 – Voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2004, Omega (C‑36/02, Rec. p. I‑9609, point 26 et jurisprudence citée).


9 – Arrêt du 10 janvier 2006, De Groot en Slot Allium et Bejo Zaden (C‑147/04, Rec. p. I‑245, point 70).


10 – Arrêt du 5 juin 2007, Rosengren e.a. (C‑170/04, Rec. p. I‑4071, points 31 et 32).


11 – Arrêt Keck et Mithouard, précité (point 16).


12 – Voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2000, TK‑Heimdienst (C‑254/98, Rec. p. I‑151, point 24).


13 – Il s’agissait d’une réglementation prévoyant que les boulangers, bouchers et commerçants en produits alimentaires ne peuvent pratiquer la vente ambulante dans une circonscription administrative donnée que s’ils exercent aussi leur activité commerciale dans un établissement fixe, dans lequel ils proposent également les marchandises offertes à la vente ambulante, situé dans cette circonscription administrative ou dans une commune limitrophe, celle‑ci pouvant être située, le cas échéant, dans un autre État membre.


14 – Arrêt TK‑Heimdienst, précité (point 27). Cette interprétation de la portée de l’article 28 CE avait déjà été énoncée dans l’arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía (C‑1/90 et C‑176/90, Rec. p. I‑4151, point 24).


15 – Article 3, paragraphe 1, sous c), CE.


16 – Articles 2 et 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.


17 – Voir, notamment, arrêt Deutscher Apothekerverband, précité (point 66 et jurisprudence citée).


18 – Arrêt du 8 juillet 2004, Commission/France (C‑166/03, Rec. p. I‑6535, point 15).


19 – Arrêt du 10 décembre 1968, Commission/Italie (7/68, Rec. p. 617, 626).


20 – Arrêts du 7 mars 1989, Schumacher (215/87, Rec. p. 617, point 18), et Deutscher Apothekerverband, précité (point 104).


21 – Voir notamment, en matière de fiscalité directe, arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, Rec. p. I‑7995, point 40); en matière pénale, arrêt du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 19), et, en matière de sécurité publique, arrêt du 11 janvier 2000, Kreil (C‑285/98, Rec. p. I‑69, points 15 et 16).


22 – Arrêt du 15 juillet 1964, Costa (6/64, Rec. p. 1141, 1159 et 1160).


23 – Voir, en ce sens, arrêt Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía, précité (point 16).


24 – Cette méthode de raisonnement vaut pour toutes les libertés de circulation et l’ensemble des activités économiques. Ainsi, par exemple, dans le domaine des jeux, la Cour a admis que les particularités d’ordre moral, religieux ou culturel ainsi que les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pour l’individu et la société qui entourent les jeux et les paris pouvaient être de nature à justifier l’existence, au profit des autorités nationales, d’un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comporte la protection du consommateur et de l’ordre social. Toutefois, c’est dans le cadre de l’examen de la justification de la restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services causée par la législation nationale en cause que la Cour a pris en considération ce pouvoir d’appréciation des États membres [arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, Rec. p. I‑1891, points 47 et 48)].


25 – Arrêt du 7 juin 2007, Commission/Belgique (C‑254/05, Rec. p. I‑4269, point 33 et jurisprudence citée).


26 – Arrêt Deutscher Apothekerverband, précité (point 103).


27 – Arrêt Rosengren e.a., précité (point 43).


28 – Ibidem (point 50).


29 – Arrêt Deutscher Apothekerverband, précité (point 103 et jurisprudence citée).


30 – Directive du 16 septembre 1985 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie (JO L 253, p. 34).


31 – Arrêt du 28 avril 1998, Decker (C‑120/95, Rec. p. I‑1831, point 39).


32 – Arrêt du 19 avril 2007, Stamatelaki (C‑444/05, Rec. p. I‑3185, point 31 et jurisprudence citée).


33 – Arrêt du 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet (C‑385/99, Rec. p. I‑4509, point 67 et jurisprudence citée).


34 – Ibidem (points 77 à 80).


35 – Ibidem (point 80).


36 – 34/79, Rec. p. 3795, point 21.